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Ruée sur le gaz naturel liquéfié

The Economy

SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE

Ruée sur le gaz naturel liquéfié

TEXTE Christine Elsen, Affaires économiques, Chambre de Commerce PHOTO Zetong Li / Unsplash

« L’UE vise à développer davantage les infrastructures d’importation et à améliorer le raccordement des gazoducs entre États membres. »

L'approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) est actuellement au cœur de vifs débats suite à la crise gazière. La baisse de la production domestique de gaz en Europe, des stocks particulièrement bas ainsi que la forte demande due à des températures peu élevées en 2021 expliquent des importations records de GNL en Europe depuis l’automne 2021. À une situation déjà tendue est venue s’ajouter la volonté de nombreux pays européens de réduire leur dépendance au gaz russe depuis le début de la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, le GNL apparaît comme une alternative. Cependant, l’importation de GNL sur le Vieux Continent n’est pas sans poser des problèmes d’infrastructures, de coûts et d’impact environnemental.

Le gaz naturel liquéfié (GNL) désigne le gaz naturel transformé sous forme liquide. Il s’agit d’un combustible fossile essentiellement constitué de méthane. Après extraction, le gaz naturel est refroidi à une température d’environ -160°C à pression atmosphérique afin de le transformer en un liquide transparent, inodore et non toxique. La liquéfaction permet de condenser le gaz en réduisant son volume – 600 fois moins volumineux qu’à l’état gazeux – ce qui facilite son transport et son stockage. Des navires géants sont spécialement conçus pour son transport, car ils permettent plus de flexibilité dans sa livraison et de desservir de nombreuses régions du monde n’ayant pas d’accès directs à des gazoducs. Une fois arrivés à destination, les navires déchargent leur cargaison dans les réservoirs de terminaux équipés d’installations de réception et de stockage du GNL. Le GNL est ensuite regazéifié pour être injecté dans les réseaux de distribution de gaz naturel en fonction des besoins.

Un «déséquilibre structurel» du marché du GNL L’Europe envisage d’importer plus de GNL…

Ces dernières années, le commerce de GNL s’est développé, atteignant un flux mondial de 372,3 millions de tonnes en 2021, soit une hausse de 4,5% par rapport à 2020, indique le Groupe International des Importateurs de Gaz Naturel Liquéfié (GIIGNL). La majorité est transportée par près de 700 navires. Au total 19 pays exportent du GNL dans le monde, dont l'Australie suivi par le Qatar, les États-Unis, la Malaisie, la Russie et le Nigéria. Ces six pays exportent à eux seuls près des trois quarts des volumes de GNL transitant annuellement dans le monde. Les principaux pays importateurs sont l’Europe, le Japon, la Chine et la Corée du Sud, plus de 70% de la demande mondiale se situant en Asie.

Au regard de l’actualité récente, le marché est marqué par un «déséquilibre structurel» entre l’offre et la demande, ce qui entraîne une hausse des prix, par ailleurs très volatiles. La demande ne cesse d’augmenter, particulièrement en Europe, suite à sa volonté de réduire la dépendance au gaz russe depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Du côté de l’offre, la production mondiale progresse modestement. Par conséquent, le prix restera probablement encore élevé durant les prochains mois.

Afin de réduire sa dépendance énergétique à la Russie et de diversifier ses sources d’approvisionnement, l’Union Européenne (UE) développe sa collaboration avec des partenaires internationaux. Le 25 mars 2022, elle a signé un accord de coopération

« Le prix du gaz restera probablement encore élevé durant les prochains mois. »

700 navires méthaniers transportent le gaz naturel liquéfié sur toutes les mers du monde.

énergétique avec les États-Unis, où le secteur est en forte croissance, porté par une production en hausse. Les États-Unis se sont engagés à fournir 15 milliards de mètres cubes de GNL supplémentaires au marché européen cette année et à augmenter chaque année le volume jusqu’en 2030. De plus, selon le plan REPowerEU 1 publié en mai 2022, l’UE pourrait importer des quantités supplémentaires de GNL du Qatar, d’Égypte et d’Afrique de l’Ouest tout en assurant un mix énergétique équilibré en Europe entre GNL, biométhane, hydrogène, renouvelables et efficacité énergétique.

…et de renforcer ses infrastructures

Le Vieux Continent importe de plus en plus de GNL. Cependant, les taux d'importation et d’utilisation des pays européens diffèrent considérablement en fonction des infrastructures portuaires équipées de terminaux de réception et de stockage GNL dont ils disposent.

À l’heure actuelle, l’Europe compte une trentaine de ces terminaux. Ils sont nombreux en Espagne et en France, les deux principaux importateurs de GNL sur le continent, mais inexistantes en Allemagne ou dans certains pays d'Europe centrale. De plus, la réexportation de ces volumes vers le cœur de l’Europe peut être contrainte par les capacités limitées de gazoducs entre les différents pays européens. Afin de diversifier les approvisionnements en gaz, l’UE vise à développer davantage les infrastructures d’importation et à améliorer le raccordement des gazoducs entre États membres.

Pour répondre à l’urgence et au manque d’infrastructures appropriées et remédier à cette situation, plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, ont annoncé ces derniers mois la construction de terminaux afin d’augmenter leurs importations de GNL. Toutefois, de tels projets ne prendront forme que d’ici deux à quatre ans. Une alternative envisagée par ces pays est la location ou l’acquisition de terminaux flottants de stockage et de regazéification qui peuvent être rapidement mis en place. Ces unités flottantes sont souvent d’anciens superpétroliers reconvertis pour regazéifier d’importantes quantités de GNL. Ce type de terminaux nécessite un port en eau profonde et a un coût initial inférieur à celui des infrastructures terrestres. Cependant, les coûts d’exploitation sont plus élevés pour chaque mètre cube de gaz traité. Au-delà du stockage, les interconnexions entre certaines régions et pays doivent être renforcées pour améliorer la sécurité d’approvisionnement. approvisionné par le terminal GNL situé à Zeebrugge et par des gazoducs en provenance de Norvège.

Le GNL, une source d’énergie alternative coûteuse pour l’environnement?

Enfin, l’impact environnemental du GNL est sujet à controverse. Le processus d'extraction, de purification et de transport du gaz est énergivore et fortement émetteur de CO2. En tenant compte de l’ensemble de sa chaîne de valeur, le GNL s’avère ainsi néfaste pour le climat. Cependant, même si le GNL reste une énergie fossile, ce type de gaz devrait jouer un rôle clé dans la transition énergétique entamée par les pays européens, en attendant que les énergies renouvelables prennent le relais.

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