CookBook
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n째01 / Juin 2010
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Remerciements
Annik Altruy Matthieu Adrien Davy de Virville Christoph de Boeck Jonathan Brisson Simon Casier Jean-Jacques Cassiman Clinic Orgasm Society Henk Catry Pauline Coppée Kristien Daem Mathieu Duplay Thierry Dutoit Petra Fieuws Chékib Gharbi Anne-Lise Gobin Laurent Goldring Manuel Gomes Christian Graupner Laurent Grisoni Charlie Grossman Caroline Houel
Eric Joris Benoît Lachambre Yoann Lebrun Mathilde LeCain Louise Lecavalier Wendy Liénart Benoît Macq Han de Meulemeester Goedele Nuyttens Giannina Urmeneta Ottiker Marion Pecnard Barbara Raes Sébastien Rémy Christophe Robert Jodi Rose Hahn Rowe Luc Schaltin Bruno Schröder Nadia Sinigaglia Hendrik de Smedt Carrie Stewart
Kurt Stockman Hilde Teuchies Todor Todoroff Ann Twiselton Guy Vanden Bemden Annelies Van den Berghe Koen Vanmechelen Eline Verbauwhede Kris Verdonck Katie Wood
Prochain numéro Juin 2011
1 numéro par an Prix de vente du numéro : 13 euros (frais de port non compris) Coordination du projet Transdigital : Clarisse Bardiot / Assistée de Charlie Grossman Coordination administrative : Delphine Duchateau / Assistée de Sandrine Crépin Les différents opérateurs du projet Transdigital : TechnocITé / Le Manège.Mons / Le Manège Maubeuge Le Fresnoy-Studio national des arts contemporains Latitudes Contemporaines / Kustencentrum Vooruit
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Un livre de recettes de cuisine ? Transdigital CookBook propose des ingrédients, des suggestions, des découvertes pour éveiller les papilles de la curiosité scientifique, entreprenariale et artistique.
COOkBOOK édito
Transdigital. CookBook n°01, juin 2010
Directeur de la publication : Yves Vasseur
Comité de rédaction : Clarisse Bardiot Bertrand Baudry Jozefien Van Beek Luc Dewaele Pascal Keiser Maria-Carmela Mini Éric Prigent Cyril Thomas Rédacteur en chef : Cyril Thomas Coordinateur éditorial : Bertille Coudevylle Secrétaire de rédaction (français) : Anthony Dufraisse Secrétaire de rédaction (anglais) : Alison Nolan Secrétaire de rédaction (flamand) : Tim F. Van der Mensbrugghe
Conception graphique : Les produits de l’épicerie Pao : Sébastien Courbet Chargé de la communication et des relations presse : Luc Dewaele Traducteurs : ANTHEA Languages (Liège, Belgique) Réalisation du DVD : Amélie Kestermans Michael Meert, Catherine de Fooz, Caroline Van Peteghem Impression : Équipe de rédaction : Imprimerie PAG Chloé Andries Rue de Birmingham 60-62 Sophie Arigatre 1080 Bruxelles Clarisse Bardiot Jozefien Van Beek Dépôt légal à parution. Peter Bertroth ISSN : 2033-2750 Annick Bureaud André Julien Transdigital. CookBook. Éric Legendre La revue du projet Transdigital Tom de Mette paraît annuellement. Marjorie Micucci Pour s’abonner ou recevoir la revue, envoyer un courrier à Éric Prigent Cyril Thomas abonnement@transdigital.org
En couverture : Kris Verdonck, Patent Human Energy, 2005 © Luc Schaltin
Créé en 2008, Transdigital est un projet européen qui rassemble 6 institutions culturelles basées en Flandre, en Wallonie et dans le Nord de la France (Le Vooruit, Le manège.mons, TechnocITé, Le Fresnoy Studio national des arts contemporains, Latitudes Contemporaines et Le Manège Maubeuge), ainsi que des centres de recherche et des entreprises de la région transfrontalière. Réunir des entreprises, des structures innovantes et des plateformes de recherches autour des arts de la scène et des nouvelles technologies, voilà en quelques mots l’ambition de ce projet aux multiples ramifications. L’ambition, donc, est de réunir entreprises innovantes et structures de recherches autour des arts de la scène. Non pour que les uns soient au service des autres, ou vice versa, mais au contraire pour dynamiser la recherche, l’innovation et la création artistique. L’ objectif de cette plateforme est de renforcer la visibilité et l’ échange des connaissances en construisant un réseau structurel entre les artistes, les chercheurs et le secteur technologique. Ces différents mondes, bien qu’animés par un esprit de créativité et d’innovation, ont des cultures très différentes et les connections/collaborations entre artistes, entreprises et scientifiques ne sont pas aisées à mettre en place. À l’image d’illustres prédécesseurs comme les 9 Evenings qui ont rassemblé, en 1966, dix artistes majeurs (dont John Cage, Robert Rauschenberg, Bob Whitman, Yvonne Rainer…) et trente ingénieurs de Bell Labs, l’un des laboratoires les plus importants au monde à l’époque, nous sommes convaincus qu’art, science et entreprise se nourrissent mutuellement s’ils trouvent les conditions du dialogue, de la conversation. Et quoi de mieux pour échanger qu’un bon repas ? De là est né un concept très simple et pourtant tout aussi efficace que joyeux : rassembler des artistes, des chercheurs et des entrepreneurs à l’ occasion d’un séminaire et les inviter à cuisiner ensemble le déjeuner. Cette nouvelle revue – « Transdigital CookBook » –, dont le titre est un clin d’œil à ces banquets improvisés, entend prolonger les débats initiés à cette occasion. Elle évoque certaines des présentations effectuées, rend compte des développements artistiques et scientifiques issus de ces premiers contacts, s’intéresse aux collaborations entre artistes et ingénieurs. Le DVD, ainsi que les tags visuels qui permettent de se connecter instantanément à internet avec un téléphone portable, sont autant de prolongements possibles, autant de chemins à emprunter. L’équipe de Transdigital
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Une plate-forme transfrontalière entre art, science et entreprise
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Transdigital est un portail dynamique et international, un point de rencontre de la recherche, de la science, du monde de l’ entreprise et de l’art dans la zone Nord-Pas de Calais-WallonieFlandre. Les opérateurs de ce projet sont Technocité, Le Manège.mons, Le Manège maubeuge, Le Fresnoy - Studio national des arts Contemporains, Latitudes Contemporaines, Le centre d’art du Vooruit. Sont également associés des centres de recherche tels que IBBT (Institut Interdisciplinaire pour les Technologies à haut débit), la Faculté Polytechnique de Mons et l’Université catholique de Louvain à travers le programme Numédiart, DigiPort Technopole Lille Métropole ou encore le Centre d’art Buda à Courtrai. Transdigital entend stimuler le potentiel de croissance économique, favoriser la création et l’innovation et renforcer la compétitivité et l’attractivité de la région. Améliorer l’image internationale de la zone dans le domaine des nouvelles technologies, à travers des projets artistiques singuliers et avec l’appui de centres de recherche et d’entreprises innovantes, mais aussi créer des réseaux entre ces différents acteurs, voici quelques-uns des objectifs principaux de Transdigital à l’horizon 2012. Les technologies numériques sont fortement implantées dans la région transfrontalière avec la présence de plusieurs centres de recherches et d’entreprises de pointe. La mise en réseau des savoirs et des savoir-faire fait défaut malgré la présence forte de ces différents acteurs tant dans le domaine de l’art et de la science que dans le monde de l’entreprise, les échanges étant souvent limités à des projets singuliers, réduits dans le temps ou de portée locale. Par ailleurs, il est très difficile pour les artistes s’ouvrant au le domaine des arts numériques d’avoir accès à une veille technologique de haut niveau ou encore de bénéficier du soutien de laboratoires de recherche pour la réalisation de leurs projets. Transdigital entend répondre de façon concrète à ces problématiques en proposant une série d’initiatives, allant de l’organisation de séminaires et d’ateliers à la mise sur pied de projets artistiques communs. Ce projet est complémentaire du CECN2, dédié à la pédagogie et aux résidences sur deux régions, la Wallonie et le Nord Pas-de-Calais.
Les séminaires rassemblent les entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies, les centres de recherches et les artistes autour de questionnements partagés et novateurs. Fruit de collaborations entre le Vooruit et l’IBBT à Gand, M15/Numediart et Virtualis à Mons, Euratechnologies/Digiport à Lille-Tourcoing, les séminaires tentent de créer une synergie durable entre les arts, la recherche et l’industrie. Des workshops développés à partir des présentations technologiques réalisées lors des séminaires sont organisés conjointement aux rencontres. Il s’agit d’approfondir par l’expérimentation pratique les axes de recherche proposés par les entreprises, les centres universitaires ou les artistes, favorisant ainsi l’apparition de projets communs qui seront par la suite développés dans le cadre des actions de production et de diffusion. L’accompagnement des interactions entre chercheurs, entreprises et artistes par Transdigital se poursuit au sein de résidences de création artistique. L’innovation et la création sont renforcées par une mise en lien pertinente avec des acteurs opérationnels, spécialistes des domaines explorés. Le maillage tissé entre centres de recherche, entreprises, projets artistiques permet de mettre à disposition des artistes des technologies (logiciels, matériels technologiques ) et des compétences scientifiques nécessaires à la réalisation de leurs projets.
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/Transdigital/ Juin 2010
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sommaire Dans les laboS
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Sur les plateaux
à découvrir
Dans les Livres
Éditorial
P.05
Le Projet Transdigital
P.07
Stereograph
P.12
R.F.ID
P.13
NeuroTV
P.14
Microsoft abat ses cartes… en 3D !
P.15
I-Movix : Ralentir pour mieux voir
P.16
Acapela : Éclats de voix
P.17
Numediart : À Mons, l’interactivité revisitée
P.18
Quand l’UCL sort de ses labos
P.20
À la recherche de la poule aux œufs d’or
P.22
Kris Verdonck Les objets sont des héros tragiques par excellence
P.27
Eric Joris_CREW Du dessin projeté aux « immersants », une plongée progressive au sein de CREW
P.40
Sébastien Rémy Matthieu Adrien Davy de Virville Christoph de Boeck
P.64 P.70 P.76
Benoît Lachambre, Louise Lecavalier, Laurent Goldring, Hahn Rowe
P.84
P.88
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DVD Benoît Lachambre, Louise Lecavalier, Laurent Goldring, Hahn Rowe / Extraits d’Is You Me, 2008 Eric Joris_Crew / Extraits d’Eux, 2008 Eric Joris_Crew / Extraits d’W (Double U), 2008 Eric Joris_Crew / Extraits de Line-up, 2009 Sébastien Rémy / Extraits d’ Investigations Fragments I, II, III, 2010 Jodi Rose / Extraits de Singing Bridge, 2009 (Electrified Summer Camp, Vooruit, 2009) Kurt Stockman / Extraits de Kapotski, 2009 (Electrified Summer Camp, Vooruit, 2009) Kris Verdonck / Extraits de Dancer #1, 2003 Kris Verdonck / Extraits de Patent Human Energy, 2005 Kris Verdonck / Extraits de Duet, 2005
VERSION ANGLAISE
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Kris Verdonck / Extraits d’Actor #1 (Mass, Huminid, Dancer #3), 2010
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Dans les labos
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DANS LES LABOS /brève/
Cyril Thomas
STEREOGRAPH Manuel Gomes et Christophe Robert fondent en 2006 Stereograph. Forts de leurs expériences en graphisme et en architecture, ils se spécialisent très rapidement dans la production filmique en images de synthèse et dans la réalisation d’environnements 3D en haute définition pour faciliter la compréhension d’une construction. D’un réalisme parfois très surprenant, ils réalisent soit des mini-fictions, soit de simples animations interactives en 3D, à partir des plans fournis par les cabinets d’architecture lors de la préfiguration d’un bâtiment. Par exemple, ils ont élaboré, il y a quelque temps déjà, un court-métrage sur le site Euratechnologie à Lille avant son ouverture au public. Le plus surprenant : cette préfiguration demeure très proche de la réalité du bâtiment actuel.
© Stereograph
© Stereograph
© Stereograph
Plus besoin de savoir lire les plans d’architectes souvent complexes : les notations, la gestion des flux ou les autres composants de l’architecture sont intégrés et représentés soit en photographie soit en vidéo avec une interface agréable et facilement compréhensible par les néophytes ou les administratifs qui décident d’investir ou non dans la construction. Pour différents clients publics ou privés, ils fabriquent également des images à 360° permettant de comprendre la situation d’un futur bâti ou de découvrir l’ameublement et la décoration d’une chambre dans un hôtel ou un appartement.
© Stereograph
Pour de plus amples informations : www.stereograph.fr
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DANS LES LABOS /brève/
Peter Bertroth
R.F.ID Les objets associant les R.F.ID (Radio Frequency IDentification) se développent de plus en plus et notamment en France. Signe d’un secteur en plein essor, plusieurs entreprises innovantes ont participé aux assises du R.F.ID qui se sont déroulées le 10 mai 2010 sous le patronage du Ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi. En plein cœur d’EuraTechnologie à Lille, le Centre d’Innovation des Technologies sans Contact – EuraRFID (CITC) – crée et teste de nouveaux outils et programmes. Ainsi, il travaille actuellement sur une application liée au trafic urbain en collaboration avec le groupe « Raisonnement Automatique et Interaction Homme-Machine » du LAMIH-RAIHM, le CEA et les RFIDées dans le cadre du projet ANR TTT « Table d’interaction avec des objets Tangibles et Traçables » (TTT).
L’interface se compose d’une carte routière (dessinée et vidéoprojetée sur la table à partir de données provenant d’un système d’informations cartographiques) sur laquelle évoluent des véhicules autonomes gérés par un Système Multi-Agents. Sur cette table, divers objets qui correspondent à des éléments aussi simples que des feux de signalisation ou des panneaux « Stop » sont manipulés par les utilisateurs afin d’obtenir une fluidité maximale de la circulation. Dans un tout autre registre, le laboratoire de Valenciennes LAMIH propose une application pédagogique à destination des enfants pour faciliter l’apprentissage des couleurs. Personnes impliquées : E. Adam, P. Dos Santos, C. Kolski, S. Kubicki, Y. Lebrun, S. Lepreux et R. Mandiau Partenaires : LIG Grenoble, LAMIH-RAIHM, RFIDées, CEA
© Yohann Lebrun
Pour de plus amples informations : www.telecom.gouv.fr/rubriques-menu/soutiens-financements/ programmes-nationaux/rfid/les-assises-rfid-2362.html
www.citc-eurarfid.com
www.univ-valenciennes.fr/LAMIH/table-interactive-rfid
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DANS LES LABOS /brève/
Peter Bertroth
NeuroTV NeuroTV, société fondée en 2000 par Guy Vanden Bemden, s’internationalise depuis sa récente collaboration avec Chyron, l’un des pionniers américains de la vidéo numérique et des outils graphiques. Que ce soit pour la télévision interactive ou pour l’animation de personnages 3D en temps réel, cette société n’a de cesse de faire évoluer le NeuroEngine, (un moteur 3D qui associe les technologies DirectX et celles liées aux jeux) et son studio virtuel baptisé NeuroVS. En plus des solutions pour la télévision, cette entreprise est également présente au sein du pavillon belge de l’exposition universelle de Shanghai (du 1er mai au 31 octobre 2010) avec son EasyVS.
Pavillon belge pour l’exposition universelle de Shanghai 2010 © Conix Architects
Pour de plus amples informations, consulter les sites suivants : www.neurotv.com www.chyron.com www.chytv.com
Ce pavillon construit en matériaux recyclables s’articule autour d’une sorte de neurone géant au sein duquel, grâce à EasyVS, le visiteur découvre en 3D et en haute définition les principales richesses du patrimoine belge. En parallèle de cet événement international, NeuroTV développe avec Technocité des formations pédagogiques sur l’incrustation de personnes réelles dans un environnement 3D.
Pavillon belge pour l’exposition universelle de Shanghai 2010 © JV Shanghai, Studio BZ
www.axisgraphics.tv
Retrouver le pavillon belge de l’exposition universelle sur le site : http://www.shanghai2010.be/index.aspx
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DANS LES LABOS LABO /brève/
André Julien
Microsoft abat ses cartes… en 3D ! Depuis maintenant cinq ans, Microsoft ne cesse de peaufiner l’application Virtual Earth 3D afin de concurrencer Google Earth. Dernièrement, Virtual Earth 3D a été rebaptisée et redesignée pour donner naissance à Bing Map 3D. Cette nouvelle dénomination n’a rien d’anodin : Bing, né en 2009, est le moteur de recherche de la société créée par Bill Gates en 1975.
L’interface est très sobre et la prise en main, pour des promenades virtuelles ou des itinéraires précis, se révèle très aisée. Tout l’enjeu de ce Bing Map 3D réside dans le rendu parfois spectaculaire de l’architecture des villes en 3D, couplé avec les fonctions Bird’s Eye et Photosynth entre autres. Bref, Bing Map 3D se révèle fort prometteur en associant le pragmatisme à la découverte du monde.
Après avoir installé cette extension du navigateur Internet Explorer, vous pouvez naviguer au travers des principales villes canadiennes (Toronto), américaines (Philadelphie, New York…) et françaises (Toulouse), mais également découvrir les principaux monuments planétaires en 3D.
Tout l’enjeu de ce Bing Map 3D réside dans le rendu parfois spectaculaire de l’architecture des villes en 3D © DR
Pour de plus amples informations : www.bing.com/maps www.bing.com/community/blogs/maps
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DANS LES LABOS LABO /brève/
Sophie Arigatre
I-Movix : Ralentir pour mieux voir La société belge I-Movix basée à Mons s’est spécialisée dans la restitution d’images au ralenti (de 150 à 10 000 images par seconde) fort utile lors des retransmissions de rencontres sportives pour qu’aucun geste ou mouvement du joueur n’ échappe au spectateur.
Les différents domaines d’application des nouvelles caméras sont assez vastes. Elles peuvent à la fois servir pour le documentaire, pour la publicité et, bien entendu, pour la télévision. Autre débouché envisageable : l’univers scientifique.
Ainsi, en avril 2010, elle lançait sur le marché une nouvelle gamme de produits intitulée SprintCam qui associe des vitesses de capture très élevées à la possibilité de « rejouer » et donc de revoir l’action filmée au ralenti de manière instantanée. Une technologie qui est novatrice et à ce titre déjà récompensée.
Le système SprintCam V3 HD, c’est une caméra à haute vitesse de marque Photron SA-2, une commande de contrôle de la caméra (OCP) pour les réglages de couleurs traditionnels (grâce à une matrice des couleurs) ainsi que la sélection du nombre optimal d’images à capturer à la seconde. À cela s’ajoute une commande de ralenti pour la sélection de la séquence vidéo et son replay via une sortie HD-SDI, le tout incorporé dans une unité de contrôle.
associER des vitesses de captures très élevées à la possibilité de « rejouer » © I-Movix
Pour de plus amples informations, consulter les sites suivants : www.i-movix.com www.i-movix.com/en/products/sprintcam-3-hd
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DANS LES LABOS /brève/
André Julien
Acapela : Éclats de voix En plein cœur de Mons, le groupe Acapela est devenu, avec ses 25 ans d’expérience, l’un des experts en matière de création vocale. Né en 2003 lors d’une fusion entre Babel Technologie (à Mons), Infovox (à Stockholm) et Elan Speech (à Toulouse), le groupe développe un vaste catalogue de produits qui transforment les textes écrits en voix de synthèse (50 voix sont d’ores et déjà disponibles) dans plus de 25 langues. Sur le site d’acapela.tv, vous trouverez un tas de petites applications sympathiques. À vous d’écrire les paroles que la chanteuse Lilly Alen prononcera ou alors d’envoyer un message sonore à vos amis qui sera déclamé par un petit chat gris baptisé Snowy.
Clinic Orgasm Society, DTC (On est bien), 2008 © Acostenoble
Clinic Orgasm Society, DTC (On est bien), 2008 © Jonathan Brisson
L’ enjeu ne réside pas seulement dans l’aspect ludique mais aussi dans les animations des futurs avatars 3D qui serviront d’interfaces de navigation sur internet ou pour dialoguer sur l’intranet d’une entreprise comme en témoignent leurs travaux avec les sociétés Cantoche ou Inovani. Au-delà, Acapela travaille au sein de la création contemporaine en mettant à disposition certains de ses produits, par exemple pour l’une des dernières créations de Kris Verdonck ou lors des phases d’écriture du nouveau spectacle de Jean-François Peyret sur Thoreau.
Clinic Orgasm Society, DTC (On est bien), 2008 © Jonathan Brisson
Pour de plus amples informations, consulter les sites suivants : www.acapela.tv www.acapela-group.fr
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DANS LES LABOS /rencontre/
Chloé Andries
Numediart À Mons, l’interactivité revisitée Todor Todoroff
Compositeur
Tous les trois mois, à l’Université de Mons, le programme Numediart fait naître de nouveaux projets de recherche numérique et artistique. Zoom sur le travail du compositeur Todor Todoroff et de son projet IVISIT, destiné à créer des outils d’interaction pour une installation vidéo et sonore.
Ce programme de recherche, baptisé IVISIT (Interactive VIdeo and Sound Installations Tools), fonctionne sur le principe suivant : des spectateurs surplombent un puits pour découvrir une installation vidéo et sonore, avec laquelle ils peuvent interagir, se frayant un chemin toujours renouvelé à travers les méandres de la matière présentée.
Todor Todoroff, compositeur électroacoustique et développeur de systèmes interactifs, évolue constamment entre création artistique et recherche. Depuis avril et jusqu’en juin prochain, l’homme s’atèle, aux côtés du vidéaste Christian Graupner et des chercheurs Radhwan Benmadhkour et Xavier Siebert, à développer des outils interactifs pour le futur projet artistique vidéo et sonore appelé Borderlands, conçu par Graupner.
Todor Todoroff décrypte le fondement de cette recherche : « Au départ, nous disposons d’une série de séquences vidéo, filmées par Christian Graupner, sur lesquelles une danseuse s’éveille puis effectue des mouvements de plus en plus amples, chorégraphiés. Certaines images récurrentes créent des points de bifurcation dans le cheminement vidéo et sonore, guidé par les réactions du spectateur. » Les chercheurs envisagent une analyse approfondie des vidéos, et espèrent trouver d’autres intersections non sciemment décidées, pour multiplier les cheminements.
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Christian Graupner, La danseuse et le « Net », extrait de Borderlands, 2010 © C. Graupner Image montrant Katie Wood (performeuse) et le « NET », c’est-à-dire une couche supplémentaire qui varie en fonction de l’analyse de l’image vidéo et des interactions des visiteurs. Christian Graupner, extrait de Borderlands, 2010 © C. Graupner Aperçu de l’analyse obtenue par la caméra stéréoscopique. Les arrêtes de l’images sont détectées et leur distance à la caméra est mesurée en comparant la différence entre leur position sur l’image gauche et celle sur l’image droite.
Les images seront composées par rapport à un point de rotation : au centre se situent les mouvements proches du sommeil. Plus l’épicentre s’éloigne plus le mouvement s’amplifie. Un graphe sera ensuite composé, travaillant sur les algorithmes qui permettront, en fonction des interactions et des chemins parcourus, de choisir le prochain chemin. Todoroff explique ainsi son intérêt pour le projet : « J’ai déjà travaillé avec Christian Graupner. Il y a un an et demi, il m’ a parlé de cette nouvelle installation. J’aime son univers poétique et sensible, qui me touche, avec lequel je me sens à l’ aise pour imaginer des compositions sonores. » Compositeur de musique et de dispositifs interactifs pour la danse (il a travaillé notamment avec Michèle Noiret), Todor Todoroff tente une fois encore de développer un nouveau principe d’interaction. Quant aux outils permettant de créer l’interaction entre l’installation et le visiteur, l’ équipe de chercheurs utilisera entre autres des capteurs de pression et une caméra stéréoscopique, au gré des avancées. Avec une autre idée toujours en tête pour Todor Todoroff : travailler l’univers sonore.
Pour de plus amples informations sur Numediart : www.numediart.org www.awt.be/web/img/indexaspx?page=img,fr,foc,100,048
Todor Todoroff www.compositeurs.be/Todoroff.html
Christian Graupner www.humatic.de/P/BL/indexE.html
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Chloé Andries
quand l’UCL sort de ses labos Benoît Macq
Chercheur / Université catholique de Louvain
En septembre dernier, l’Université catholique de Louvain a créé une mission transversale de services à la société. Une façon de sortir les chercheurs de leurs labos, pour mieux ancrer la recherche dans le réel. À la tête de cette mission, le chercheur touche-à-tout Benoît Macq. À 48 ans, Benoît Macq a déjà passé une quinzaine d’années comme professeur et chercheur au laboratoire de télécommunications et télédétection de l’UCL. Sa spécialité : le traitement des images, la compression vidéo ou encore l’imagerie médicale. « J’ai toujours entretenu beaucoup de contacts avec le monde de l’entreprise ». Avant son arrivée à l’UCL, Benoît Macq a fait un passage chez Philips et, une fois le complet universitaire endossé, l’homme n’a jamais vraiment quitté le monde de l’entreprise, en participant à la création de 8 spin-offs.
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Résultat, le voilà aujourd’hui promu pro-recteur de l’UCL, en charge des services à la société. Une toute nouvelle étiquette derrière laquelle se cache une volonté de valoriser la recherche et d’assurer une présence dans les différents secteurs de la société. Un souci qui s’inscrit dans une longue tradition de création d’entreprises technologiques développée à l’UCL, qui compte près de 50 spin-offs. « Cette fois, il s’agit d’une mission transversale, qui concerne aussi bien la valorisation dans le secteur médical que dans celui des sciences humaines. Nous nous rendons compte qu’il est capital d’avoir une vision plus globale de l’interaction entre la recherche et la société ». L’homme tient à « aligner les processus des différentes parties prenantes dans la valorisation de la recherche en créant un bureau de transfert de technologies. L’ objectif : accroître le nombre de spin-offs, de brevets, de déclarations d’inventions, etc. » Au niveau du personnel, le nouveau pro-recteur va « introduire la donnée de services à la société dans la grille d’évaluation du parcours académique de tous les professeurs. Généralement, ceux-ci ont tendance à ne pas se soucier de l’impact de leurs recherches. »
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Nous nous rendons compte qu’il est capital d’avoir une vision plus globale de l’interaction entre la recherche et la société. En pratique, de nombreux chantiers de recherche appliquée démontrent le réel impact social d’une coordination intelligente entre université et société. Comme le projet Keep in touch, visant à développer un programme d’assistance aux personnes âgées ou handicapées. Par le travail commun de gériatres, d’ingénieurs en télécommunication et informatique et de psychologues, le projet vise à implanter des objets intelligents à domicile, pour pallier les difficultés de déplacement ou de mémorisation.
Pour de plus amples informations : www.tele.ucl.ac.be/project.php?people=83
Une assistance qui passe par le développement d’une interface homme-machine multimodale (manipulation par gestes sur écran tactile, commande par la voix, assistance sonore). Dans le secteur médical, l’UCL travaille aussi avec le laboratoire GSK sur la mise au point d’un vaccin contre les cancers de la peau et des poumons, où la collaboration entre génétique et informatique s’avère capitale. La liste des chantiers de recherche appliquée couvre des domaines disparates. Une équipe planche même sur la création d’un système d’information par images et sons satellite pour optimiser les moyens d’observation de la forêt amazonienne.
Les Spin-offs à L’Université catholique de Louvain www.uclouvain.be/243001.html
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DANS LES LABOS /entretien/
Jozefien Van Beek
À la recherche de la poule aux œufs d’or Entretien avec le spécialiste en génétique
Jean-Jacques Cassiman
Le scientifique Jean-Jacques Cassiman collabore avec l’artiste Koen Vanmechelen au sein du projet interdisciplinaire Parallellepipeda. Cassiman étudie l’ADN de poules que Vanmechelen a croisées dans son projet Cosmopolitan Chicken. Cette collaboration entre le professeur émérite Cassiman ( de l’Université catholique de Louvain) et l’artiste Vanmechelen est née dans le cadre de Parallelepideda, un projet associant science et art, et auquel travaillent différents acteurs culturels ainsi que l’Université catholique de Louvain. Koen Vanmechelen s’ est adressé à Jean-Jacques Cassiman, spécialiste en génétique et pionner dans l’ étude de l’ADN. « Koen Vanmechelen voulait participer à Parallellepipeda avec son Cosmopolitan Chicken Project (CCP), mais à la condition expresse de pouvoir travailler avec moi », déclare Cassiman. Dans son CCP, Vanmechelen essayait de croiser des poules de différentes races pour parvenir à une espèce bâtarde, afin de créer un « bâtard ultime ».
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Johan Wagemans a écrit dans le catalogue Parallellepipeda que, au début du projet, un scepticisme réciproque régnait chez les scientifiques et chez les artistes. Était-ce le cas chez vous également ? Non. Le courant est tout de suite passé entre nous. Koen est un homme intelligent, faisant preuve d’une philosophie sous-jacente à son CCP. Il croise des poules jusqu’ à obtenir la poule bâtarde par excellence. Il travaille à partir d’ un génome cosmopolite dans lequel se retrouvent des morceaux de toutes les sortes de poules qu’il a auparavent croisées, mélangées et hybridées. Son projet constitue en fait un modèle de ce qui se produit actuellement au sein de la population mondiale. Toutes les races se mêlent chaque jour davantage. Quelle était pour vous la raison de rejoindre le projet de Vanmechelen ? Le génome de la poule reste trois fois moins important que celui de l’homme, ce qui le rend plus facile à étudier. Secundo, il y a homologie à 60 % entre le poulet et l’homme, et donc beaucoup de similitudes existent. Enfin, on rencontre chez la poule certaines maladies existant également chez l’homme. Il sera probablement plus facile d’étudier génétiquement ces maladies chez la poule que chez l’homme.
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J.-J. Cassima, Koen Vanmechelen, vues de l’exposition Parallellepipeda, musée de Louvain, 2010 © Kristien Daem
Votre projet se déroule en trois phases… Notre première question dans l’étude est de mesurer la diversité génétique au sein d’une même race. Vanmechelen a commencé par croiser un coucou de Malines avec un poulet de Bresse. Par une analyse ADN, nous essayons de connaître la part de diversité propre au coucou de Malines et au poulet de Bresse. D’un point de vue génétique, ils ne sont pas tout à fait identiques. Ils peuvent différer en fonction de l’éleveur chez qui nous nous procurons les poules. Dans une deuxième phase du projet, nous allons étudier la diversité et les caractères génétiques de tous les hybrides que Koen a croisés. Nous pouvons ainsi voir dans quelle mesure le croisement s’ est effectivement réalisé. Ensuite, nous étudions les maladies. La poule est, entre autres, un modèle animal important pour de très nombreuses maladies humaines, comme l’Alzheimer et la démence. En acquérant une meilleure compréhension du génome de la poule, nous espérons découvrir de nouvelles informations sur les maladies humaines. Dans la dernière phase, nous nous penchons sur l’agriculture. Dans les batteries de ponte, il y a beaucoup de consanguinité, et le génome est de ce fait fortement unifié. Cela a pour effet que les poules sont beaucoup moins résistantes, et plus vulnérables aux infections. Il existe également un lien entre cette consanguinité et le nombre d’œufs qu’elles pondent ainsi que la qualité de leur chair. Ce projet offre réellement d’énormes possibilités.
Pour de plus amples informations sur Jean-Jacques Cassiman : http://en.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Cassiman
Parallellepipeda http://ospublish.constantvzw.org/works/index.php?/ projects/identity---parallellepipeda/
Lien sur l’exposition www.mleuven.be
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Kris Verdonck, Duet, 2009 Š Kris Verdonck
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SUR LES PLATEAUX /entretien/
Jozefien Van Beek
Les objets sont des héros tragiques par excellence Interview de l’artiste et metteur en scène
Kris Verdonck
L’œuvre de l’artiste et metteur en scène Kris Verdonck (né en 1974) se construit en marge des arts plastiques et du théâtre, de l’installation et de la performance, du musée et de la scène. La technologie procède en de nombreuses variations pour créer un univers complexe et parfois inquiétant. La relation entre l’homme et l’objet, entre l’homme et la machine se situe au cœur de son processus créatif. Dans ses œuvres plastiques, les hommes se muent en objets tandis que sur scène les objets comme les machines deviennent des acteurs à part entière. Pour cet artiste singulier, l’objet équivaut à une machine et vice versa. Demeure primordiale pour lui la relation qui se développe pas à pas entre les acteurs, l’objet et/ou la machine Dans vos représentations, vous montrez souvent une interaction entre l’homme et l’objet. Comment cette relation se construit-elle pendant le processus de création ? Une tension théâtrale naît du fait que j’utilise des machines. Les machines influencent directement l’interprète et c’est pourquoi les répétitions demeurent si importantes. Elles permettent en effet d’élaborer, de construire un échange entre les machines, les acteurs et moi-même. Par exemple, pour End (2008-2009), nous avons répété séparément avec les acteurs, les danseurs, leurs objets et les machines. Un objet avait été attribué à chaque danseur. Parfois, j’entendais des conversations entre les danseurs qui disaient des choses telles que : « Je commence à comprendre mon objet. Et comment cela se passe avec le vôtre ? » « Eh bien, je ne comprends pas encore totalement le langage de ma machine, mais nous nous en sortirons. » Il existe donc une réelle interaction, un véritable dialogue qui se développe au fur et à mesure.
Comment cet intérêt pour les objets est-il né ? Quelle est leur fonction dramaturgique dans vos spectacles ? Les objets s’apparentent à de nouveaux repères. Quand nous parlons d’une cuillère, nous savons tous à quoi nous nous référons. Les objets restent stables alors que les hommes évoluent un peu tous les jours. En fait, nous sommes définis par les objets. Ils facilitent la communication et deviennent des référents clairs et stables. Je voulais construire des spectacles où l’aléatoire dominait, c’est-à-dire des spectacles dont je ne maîtrisais pas exactement le déroulement et la finalité le soir de la représentation. Il est très délicat de demander à des acteurs d’être soumis à un perpétuel changement sur le plateau tandis qu’avec les objets tout devient possible. Dans Dancer#1, en 1993, mon premier spectacle qui faisait intervenir un broyeur qui s’autodétruisait, la machine tournait mais personne ne connaissait le moment exact de sa destruction. Elle pouvait se produire à tout moment, dans la seconde ou bien plus tard.
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SUR LES PLATEAUX / KRIS VERDONCK /entretien/ Kris Verdonck, Heart, 2004 © Kris Verdonck
Les objets sont des héros tragiques par excellence. Il en va pour les objets comme pour ces héros qui, dans les classiques grecs, tentent toujours de conduire une action jusqu’au bout, quoiqu’il leur en coûte. Cette analogie fait vraiment sens. Si vous mettez une voiture face à un mur et posez une pierre sur l’accélérateur, elle continuera d’avancer, encore et encore. L’ objet, tout comme le héros tragique, fera tout ce qui est en son pouvoir pour atteindre son objectif. Dans le cas de la voiture, l’objectif est de rouler jusqu’à ce que le moteur flanche. Antigone, elle, tente coûte que coûte d’enterrer son frère, même si elle en meurt. En tant que public, vous savez que la voiture flanchera et qu’Antigone mourra, mais vous ne savez pas quand. C’est là, dans cette incertitude, que l’exercice devient captivant. Les objets, selon moi, demeurent des acteurs de prédilection. Ils savent créer une réelle tension théâtrale. Les acteurs savent mourir sur scène et la minute suivante se relever. Un jour, en assistant à une corrida, j’ai ressenti comme tous les spectateurs la mort de l’animal en direct. Les spectateurs perçoivent l’énergie qui entre et qui se brise dans l’arène. Au théâtre, les objets comme les machines peuvent se casser réellement, ils peuvent brûler ou mourir. Les objets ne savent pas comment faire semblant, ils restent ce qu’ils sont. J’aime beaucoup cette sincérité des objets. De plus, nous entretenons un lien émotionnel avec eux. Prenez R2D2 dans Star Wars : à sa mort, nous pleurons tous un bout de ferraille. C’est peut-être étrange et pourtant, nous le faisons. C’est que nous avons un lien avec ces objets, ils nous définissent.
Kris Verdonck, I/II/III/IIII, 2007 © Giannina Urmeneta Ottiker
Dans Heart (2004), une femme est violemment projetée contre un mur … La sincérité, je l’ai dit, prime sur scène. Je relie mes acteurs à une machine qui les manipule. Dès lors, ils n’ont pas besoin de faire semblant. Grâce à la machine à laquelle elle est accrochée, l’actrice ne sait jamais quand elle sera projetée. C’est ce qui explique que sa tension soit palpable. Elle se retrouve dans une situation presque mécanique, sans pouvoir du tout la maîtriser. Si certains spectateurs ou critiques pensent que mes installations et mes pièces de théâtre sont brutales, c’est que, au fond, la réalité est interdite sur scène. Pourtant cette réalité est souvent présente dans les performances d’art plastique. Chris Burden s’est fait tirer dans le bras, Marina Abramović essaie de planter un couteau entre ses doigts à toute vitesse. Je rejoins cette lignée d’artistes, mais mon domaine de prédilection reste celui des arts de la scène. Dans les arts plastiques, la performance est née quasiment en même temps que la bombe atomique. Jusqu’à quelques secondes avant la création de la bombe atomique, l’homme n’ était pas capable d’anéantir la terre. Et puis, tout à coup, un objet en était capable. Avant, l’apocalypse était une idée divine, nous ne savions pas la réaliser. Il faut bien comprendre que l’apparition de la bombe atomique est un événement fondamental pour l’histoire des arts. Jusqu’alors, la relation entre l’ objet et le corps, entre la peinture et le peintre, ne posait pas de problème. Mais l’explosion de la bombe a
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Kris Verdonck, I/II/III/IIII, 2007 © Giannina Urmeneta Ottiker
Kris Verdonck, Duet, 2009 © Kris Verdonck
littéralement tout pulvérisé, tout remis en cause. Que ce soit le rapport entre l’artiste et le modèle – voyez Yves Klein qui faisait rouler ses modèles dans la peinture et les faisait s’appuyer sur un canevas, mais ne touchait plus à rien. Ou que ce soit la notion d’éternité. Avec la bombe atomique, c’en est définitivement fini de l’éternité. Plus rien ne peut être éternel puisque tout, n’importe quand, peut être détruit par l’homme. Pour cette raison, un certain nombre de peintres japonais ont brûlé toutes leurs productions artistiques. On comprend mieux pourquoi le temporaire, l’éphémère a, depuis, pris une place si importante dans les arts. Cette pensée se développe aussi autour de la question : « notre corps nous appartient-il ? ». Ce qui nous amène aux artistes comme Abramović et Burden, qui se coupent ou se tirent dans le bras. Avec eux, on se trouve face à une sorte d’aliénation du corps même ; les artistes en explorent les limites. Sur scène, la mort elle-même - ou presque - devient possible. Anne-Teresa De Keersmaeker et Jan Fabre ont eux aussi intégré ces éléments de performance - comme un danseur qui se laisse tomber dans leurs représentations. Ils incorporaient de tels éléments dans leurs œuvres, qui les neutralisaient et les faisaient disparaître.
Kris Verdonck, Dump, 2009 © Kris Verdonck
Pour revenir à Heart, la tension est double : pour l’actrice, qui ne sait pas exactement quand la machine va s’emparer de son corps et pour le spectateur, qui assiste impuissant à cette violence. Chez Burden, Abramović et Fabre, la douleur s’inscrit pleinement dans leurs œuvres. Pour ma part, je préfère travailler sur le stress ou sur l’inquiétude, c’est-à-dire sur un type de douleur plus mentale que physique. L’inquiétude mentale m’intéresse plus que la tension ou la douleur purement physique. Cette tension issue d’une attente ou d’une réflexion ouvre d’autres possibilités scéniques. Dans Heart, l’actrice est projetée contre un matelas très épais. La douleur est purement illusoire. Ce qui m’intéresse c’est que la tension, l’inquiétude soit intégrée dans le système, puisque ce n’ est qu’après 500 battements de cœur que cette projection a lieu. C’est la montée progressive de l’inquiétude qui est intéressante. Et le fait que le rythme cardiaque de l’actrice soit pour ainsi dire transparent. Elle n’a aucun moyen de se cacher : elle n’a pas de texte, pas de chanson à chanter. Rien. Pendant 5 minutes, elle attend devant le public. Une situation effrayante. Et brusquement, il y a ce coup qu’elle ne voit pas arriver. Ensuite, elle se remet sur le devant de la scène pour attendre. Tout est réel : l’attente, les battements de cœur, le stress, la projection.
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SUR LES PLATEAUX / KRIS VERDONCK /entretien/ Kris Verdonck, End, 2008-2009 © Catherine Antoine
Ceci dit, cette tension mentale peut devenir également physique, car dans mes créations le corps est fréquemment en lien direct avec l’objet. Les objets comme les machines peuvent devenir sinon dangereux pour l’homme, du moins violents. Les automobiles peuvent écraser des humains, ou les couteaux blesser des corps. Si vous reliez vos acteurs à de tels objets, la tension physique pour éviter un accident apparaît automatiquement. Ma représentation I/II/III/IIII (2007), par exemple, peut s’avérer très éprouvante pour les danseuses. Elles sont hissées, suspendues à une machine. Pareille situation peut provoquer des vertiges et des nausées mais en aucun cas, les désagréments ou les douleurs liées aux conditions de la mise en scène ne demeurent mon objectif. Pas du tout ! L’inquiétante étrangeté revient souvent dans votre œuvre. Il semble que vous recherchiez toujours la limite entre l’homme et la machine ou entre la vie et la mort. Le Professeur Masahiro Mori a créé l’ « Uncanny Valley », un graphique qui démontre ce qui relève de l’inquiétante étrangeté ou non. Mori émet l’hypothèse que les hommes ressentent plus de sympathie ou d’empathie pour un robot, si celui-ci ressemble à un humain... Sony par exemple avait un problème avec le chien Aibo, un robot doté d’intelligence artificielle. À un certain moment, le robot ressemblait tellement à un vrai chien que cela en devenait inquiétant. Etait-il ou non vivant ? Pour
le coup, Sony a choisi de donner au chien la forme d’un robot, pour éviter ce sentiment d’inquiétante étrangeté et permettre aux gens de construire sans trouble une relation avec lui. Chez Sigmund Freud, l’inquiétante étrangeté a plus de rapport avec le fait de ne pas avoir de chez soi, de n’ être chez soi nulle part. À partir du moment où une chose n’est pas clairement identifiée, par exemple si elle se situe entre la vie et la mort, il y a un sentiment d’appréhension. Certaines réticences se mettent en place consciemment ou inconsciemment parce que tous les points de références ont disparu. Quand les objets dans mes spectacles commencent à vivre, ils génèrent ainsi un sentiment d’inquiétante étrangeté. L’inverse se vérifie également : si les acteurs se rapprochent de l’objet, s’ils s’objectualisent, ils provoquent à leur tour ce type de réaction. Comment élaborez-vous ces éléments d’inquiétante étrangeté dans vos spectacles ? Je ne le fais pas consciemment. Les choses se mettent en place, les ingrédients se mélangent au fur et à mesure du processus, lors des répétitions. Pour End (2008-2009), j’ai élaboré une structure cyclique sans ligne dramaturgique pour qu’elle s’incorpore pleinement à la logique du spectacle. Un mouvement presque perpétuel se met en œuvre et cela donne un sentiment d’inquiétante étrangeté. Il n’y a plus
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Kris Verdonck, End, 2008-2009 © Catherine Antoine
de déroulement, plus d’histoire dans End, la temporalité se déplace vers un ailleurs. Le temps humain disparaît, pour laisser place à quelque chose comme un point final. Le titre par ailleurs reprend cette idée ; ce n’est pas The End, juste End. Les acteurs sont plongés dans une situation finale extrêmement longue et étirée où il n’y a pas d’interaction entre les personnages. Ils font tous leur propre action de manière répétitive mais en évitant toute action dramatique ou théâtrale. Par principe, les acteurs décident eux-mêmes de leurs mouvements sur scène. Ils peuvent, dans le cadre de leur personnage, faire ce qu’ils veulent. Le personnage de Claire Croizé, par exemple, tire un bodybag pendant le spectacle. À un moment donné, elle s’ est couchée et elle a dormi pendant au moins vingt minutes. Cette fatigue comme son endormissement s’intègrent complètement à son personnage.
Quand les objets commencent à vivre, ils génèrent ainsi un sentiment d’inquiétante étrangeté
Actuellement, vous travaillez sur votre nouveau spectacle, K, basé sur l’œuvre de Kafka. Comment vous êtes-vous intéressé à Kafka ? Par le plus grand des hasards. Il y a quelque temps, j’animais un atelier. Quelqu’un avait choisi de travailler sur Die Sorge des Hausvaters, qui met en scène Odradek. Nous ne savons pas vraiment ce qu’est Odradek. Est-ce que c’est vivant ? Est-ce un objet ? Les personnages de Kafka sont des étrangers chez eux.
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SUR LES PLATEAUX / KRIS VERDONCK /entretien/
Kris Verdonck, Dancer #2, 2009 © Kris Verdonck
Je ne vais pas représenter ce qui est écrit dans le texte, mais je vais essayer d’en exprimer l’étrangeté
Bien que votre œuvre soit très visuelle, vous partez toujours d’un texte. Pour quelle raison ? J’aime m’enfermer dans un texte, qu’il soit écrit par Beckett ou Müller. Ou qu’il s’agisse d’une chanson des Radiohead, d’un poème ou d’une recette. J’essaie de donner une forme au contenu du texte. Pas mot à mot, évidemment. Je ne vais pas représenter ce qui est écrit dans le texte, mais je vais essayer d’en exprimer l’étrangeté. Et si je me perds trop dans mes réflexions, je peux toujours revenir à l’ écrit. Le texte demeure la base qui m’ oriente dans une certaine direction. Il fait un peu office de boussole. L’ œuvre de Beckett est toujours à portée de mains quand je réfléchis à un nouveau projet. Il connaissait particulièrement bien tous les métiers du théâtre. J’aime son obsession pour les médias, comme dans La dernière bande, où une machine, un lecteur de cassettes, récite le monologue. Beckett a commencé à écrire pour la télévision dès son invention. Chaque fois qu’un nouveau média était créé, il l’a utilisé à sa façon. Il a transformé chaque média pour raconter ses propres histoires.
Comme dans Actor #1 (2009), il n’y a que des objets dans K. Dans mes premières œuvres, je confrontais les hommes vivants aux objets. Maintenant, avec K, je fais le mouvement inverse : de l’objet au théâtre. Je prends les objets pour les mettre dans une situation théâtrale. Les directeurs de théâtre disent souvent que mon œuvre reste trop plastique pour être programmée par eux. Maintenant, les directeurs de musées trouveront mes objets trop théâtraux (rires) ! J’assume le risque.
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Kris Verdonck, Actor #1(Mass), 2009 Š Kris Verdonck
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SUR LES PLATEAUX / KRIS VERDONCK
Actor #1 Dans le dernier spectacle de Kris Verdonck, Actor #1, la question était de savoir si les objets pouvaient être des acteurs. Cette question en a engendré d’autres : Qu’est-ce qu’un robot ? Qu’est-ce que le théâtre ? Les hommes sont-ils les seuls à pouvoir jouer au théâtre ? Quelle est l’essence d’une action théâtrale ? Autant d’interrogations qui mettent en jeu l’aspect scientifique et l’artistique, c’est pourquoi Kris Verdonck a fait appel à plusieurs universitaires. L’homme de lettres Dirk Van Hulle (de l’Université d’Anvers), le neurochirurgien Dirk De Ridder, le spécialiste en génétique Jean-Jacques Cassiman et le philosophe des sciences Jean-Paul Van Bendegem ont ainsi été invités à collaborer avec le dramaturge. « Dirk Van Hulle connaît absolument tout sur Beckett. Il nous a orientés sur Lessness, que j’ai finalement utilisé dans mon spectacle. Avec ce texte, Beckett s’est intéressé au fonctionnement de nos cerveaux, à ce qui se passe sous notre crâne. La réflexion beckettienne se fonde sur les associations plutôt qu’elle n’émane d’une logique scientifique. Or, même si Jean-Jacques Cassiman ne s’ est pas directement impliqué dans le projet, son éclairage sur la vie artificielle fut important, surtout dans les discussions de groupe lors de la phase préparatoire. » Autre exemple : un entretien enregistré avec Jean-Paul Van Bendegem est devenu l’épilogue de Actor #1. Sur la vidéo, Van Bendegem raconte pourquoi, pendant des siècles, il a été interdit à l’homme de créer un être à son image. Il évoque tout d’abord la création et le droit unique de Dieu, puis l’homunculus, et enfin le robot. « Pour Actor #1, Kris Verdonck cherchait quelqu’un qui s’occupe de science et d’art. Voilà comment nous nous sommes rencontrés », raconte Jean-Paul Van Bendegem. « Je n’ ai pas hésité une seconde. J’ai toujours été intéressé par les gens qui se passionnent pour les sciences et l’art même s’ils sont peu nombreux. On veut toujours souligner l’opposition de la science et de l’art. Les scientifiques seraient rationnels, raisonnés et distants, tandis que les artistes seraient émotionnels et passionnés. C’est tout le contraire. Il y a plus d’analogies que de différences entre les scientifiques et les artistes. Kris Verdonck a le pouvoir unique de prendre des choses que nous pensons connaître et de les mener vers des extrêmes, jusqu’à ce qu’elles nous soient totalement inconnues. Il a par exemple créé une œuvre où une lumière devient tellement intense qu’on ne voit plus rien. Voilà une jolie inversion de ce que la lumière peut être pour l’homme. Il a également une façon impressionnante de manipuler les machines, afin qu’elles ne soient plus considérées comme des machines. On regarde les objets d’un autre œil et on leur attribue des intentions. On ne se sent jamais vraiment à l’aise en regardant les œuvres de Verdonck. D’une façon ou d’une autre, le côté inquiétant se dévoile automatiquement parce qu’il explore les limites. »
Kris Verdonck est un artiste belge né en 1974. Il a étudié l’architecture et l’art, puis le théâtre au RITS puis au HISK jusqu’en 2001. En 1994, il remporte le prix de Inter-University Literature Competition. Il travaille pour la radio, réalise de nombreuses installations telles que a.o. 5, (2003), Catching Whales is Easy, II (2005) et Variatie II (2006) et des pièces de théâtre dont Het vuil, de stad en de dood (1999), Tussen ons gezegd en gezwegen, naar O. van Woensel (1999), B.O.I (2000), (CaO)n (2001) et Chironomidae (2001). En 2007, il crée une installation théâtrale intitulée I/II/III/IIII.
Kris Verdonck www.margaritaproduction.be/_FR/KRIS_VERDONCK/INTRO.html
A two dogs compagny www.atwodogscompany.org
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Kris Verdonck, Actor #1(Huminid), 2009 © Kris Verdonck
Kris Verdonck, Actor #1(Dancer #3), 2009 © Kris Verdonck
Kris Verdonck, Actor #1, 2009 © Kris Verdonck
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Kris Verdonck, Patent Human Energy, 2005 Š Luc Schaltin
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Cette tension mentale peut devenir physique. Dans mon œuvre, le corps est souvent lié à l’objet. Les objets peuvent être très brutaux ou directs : les voitures passent sur le corps, les couteaux coupent. Si vous reliez vos acteurs à de tels objets, la tension physique arrive automatiquement. Ma représentation I II III IIII est très douloureuse pour les danseuses. Elles sont hissées et dansent, suspendues à une machine. Cette situation leur donne le vertige et des nausées. Cette représentation demeure très éprouvante pour elles. Ce n’est en aucun cas mon objectif, pas du tout !
telligence artificielle. À un certain moment, le robot ressemblait trop à un vrai chien, ce qui devenait inquiétant.
L’inquiétante étrangeté revient souvent dans votre œuvre. Il semble que vous recherchiez toujours la limite entre l’homme et la machine ou entre la vie et la mort. Le Professeur Masahiro Mori a créé l’‘uncanny valley’, un graphique qui démontre ce qui relève de l’inquiétante étrangeté ou non. Mori a émit l’hypothèse que les hommes ressentent plus de sympathie ou d’empathie pour un robot, si le robot ressemble à un humain. Cependant si le robot ressemble trop à l’homme, nous nous en détournons. La limite entre un homme vivant et un objet mort est alors devenue floue. Sony par exemple avait un problème avec le chien Aibo, un robot doté d’in39.
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Montage inÊdit des diverses configurations et performances, 2010 Š Eric Joris_CREW
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Montage inÊdit des diverses configurations et performances, 2010 Š Eric Joris_CREW
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SUR LES PLATEAUX /rencontre/
Cyril Thomas
Du dessin projeté aux “immersants”
une plongée progressive au sein de Crew
Composée d’artistes et de scientifiques, CREW_Eric Joris est une compagnie belge travaillant aux frontières de la technologie, du théâtre et de la science. La recherche est concentrée dans CREW_Lab, en coopération avec les universités de Hasselt et d’Anvers, et le Consortium Européen 2020_3D. Eric Joris, directeur artistique de CREW, travaille dans de nombreux domaines comme le design industriel, la bande dessinée, les arts visuels, les installations artistiques et enfin la performance. L’immersion (terme souvent utilisé quand on évoque la réalité virtuelle) est un élément récurrent de ses mises en scène.
À la tête du collectif belge CREW, qui regroupe des chercheurs, des écrivains, des acteurs et des philosophes, Eric Joris, dessinateur et metteur en scène, œuvre à créer des réalités troublées pour mieux interroger la présence et la place du spectateur. À mi-chemin entre la performance et le théâtre, il développe depuis plus de dix ans des spectacles hybrides où les technologies se conjuguent avec l’immersion. À chaque projet, il instaure de nouveaux dialogues mélangeant les avancées informatiques à la robotique, puis aux éléments immersifs afin d’ interroger la narration théâtrale. Sa carrière fut marquée par l’ envie d’ explorer de nouveaux territoires comme l’internet, dès 1996, ou les premiers logiciels de dessin en 3D. Eric Joris interroge autant les actions produites par la technologie, que leurs effets et leurs résonances. Il explore notamment les mutations de l’humain engendrées par les technologies. Son intérêt actuel se porte davantage sur la neurologie, sur les barrières que le cerveau met en place une fois qu’il se trouve plongé dans un univers d’incertitude. Au début de mon parcours, la bande dessinée me semblait - peut‑être naïvement - le médium adéquat pour élaborer des concepts. Le visuel, le design ou l’architecture et le texte narratif sont rassemblés dans l’ espace de la page. Ma première bande dessinée se déroulait dans le monde de l’art, elle s’appréhendait comme une sorte de parasite. Dans l’histoire, chaque artiste était assassiné d’une manière qui correspondait à sa propre manière de travailler. À partir de cette trame, j’ai décidé d’inviter 80 artistes pour réaliser une exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée. Toutes les œuvres s’apparentaient à des micro-installations, et l’ ensemble a connu un vif succès.
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Kaufhaus Inferno, Turnhout 1998, © Eric Joris_CREW (Acteur : Gene Bervoets)
Kaufhaus Inferno, extraits du site internet © Eric Joris_CREW
En 1995-1996, j’ai commencé à m’éloigner de la bande dessinée, pour me tourner vers une forme plus hybride. À l’époque est sorti l’un des premiers ordinateurs qui était capable de traiter le dessin à l’aide d’une palette graphique en temps réel, le Power PC d’Apple. Je me suis équipé du logiciel et du matériel adéquat et j’ai conçu des planches de bandes dessinées avec ce matériel informatique. Dessiner sur un écran était fascinant, même si les contraintes technologiques demeuraient très fortes. Cette époque correspondait à un moment charnière : l’internet balbutiait, les jeux vidéos débutaient, les dessins commençaient à pouvoir être projetés, ce qui permettait de créer des effets scéniques intéressants. En effet, les dessins se transformaient alors en quelque chose de gestuel, de scénique… Ils s’animaient également un peu. Nous pressentions que tout allait changer en quelques années. Puis j’ai reçu une proposition de « spoken word » où plusieurs artistes, plasticiens et autres, se retrouvaient pour faire des soirées. Nous montions sur scène avec nos ordinateurs et nos tablettes pour dessiner en direct. Je voulais essayer d’intégrer au maximum l’internet avec des avatars dans des performances, des propositions de sites… L’idée est venue de travailler dans un Cave-like Advanced Virtual Environment avec un architecte et quelques musiciens. Pour réaliser Kammerspiel 1&2 (1996-1999), il a fallu démanteler le moteur du jeu de vidéo de Duke Nukem et le transformer en un outil capable de composer une musique. Cette reconfiguration a permis de fabriquer des maquettes
et de concevoir quelques mises en scène… L’intérêt de ce projet tient surtout au rassemblement des différentes personnes qui œuvrent dans diverses disciplines autour de ce « moteur ». En 1998, vient Kaufhaus Inferno, d’après la Divine Comédie de Dante, où les récits et la narrativité me paraissaient semblables aux nouvelles idées issues du storytelling des jeux vidéo… C’était aussi pour moi une sorte de tentative de montrer un dispositif de réalité virtuelle sur la scène d’un théâtre avec de vrais acteurs. Le projet se déclinait sous plusieurs formes : un livre, une bande dessinée, un journal, un site internet et une pièce de théâtre. Avec très peu de moyens - un projecteur installé sur un steadicam pour que nous puissions utiliser la projection comme un personnage - et beaucoup d’ erreurs techniques lors de la manipulation sur scène. Nous désassemblions les jeux vidéo, leurs contenus, etc… Un critique a émis l’idée que c’était un échec intéressant. Il n’avait pas tort. La transposition de la structure textuelle par l’ écrivain Paul Mennes et Stef De Paepe dans un « gameplay » lié au jeu vidéo permettait d’expérimenter de nouvelles narrations. Sur scène, les deux réalités combinées se confrontaient, la chair des acteurs et une réalité virtuelle projetée ; l’une devenait l’illustration de l’autre. Nous cherchions une voie pour que ces deux réalités sur le plateau n’ entrent pas en conflit mais coexistent, et pour qu’elles s’interpénètrent et s’unissent. Mais cela ne se produisait pas, pas encore. 45.
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SUR LES PLATEAUX / ERIC JORIS_CREW /rencontre/ Icarus / Man-O-War, 1999 © Eric Joris_CREW (Paul Antipoff, dans le CAVE, Anvers 2000)
Avec un autre dramaturge, Kurt Vanhoutte, également professeur d’art, nous avons commencé à penser à la notion de prothèse, c’est-à-dire aux éléments technologiques qui viennent compléter le corps humain. Dans le cas de certaines personnes invalides, le corps s’approprie la technologie. Le cerveau ne fait plus alors de distinction entre son propre organisme et l’ organisme technologique ajouté et arrive à construire cette troisième réalité… Nous voulions comprendre si ce type de relation était transposable au théâtre ; c’est pourquoi nous avons rencontré Paul Antipoff, un ancien technicien devenu paraplégique à la suite d’une infection virale. A la suite de cette maladie, il ne peut communiquer qu’à l’aide d’un appareillage complexe, disposé autour de sa boîte crânienne. Durant trois ans, nous avons conçu des spectacles en étroite collaboration avec lui ; le premier s’intitulait Icarus / ManO-War (2000). La musique fut écrite par Eavesdropper et le texte par l’écrivain et homme de théâtre Peter Verhelst. Ce dernier a créé un univers très personnel, qui m’intrigue ; par ailleurs, il collabore à notre dernier projet, Immercity, actuellement en cours d’écriture. Nous ne voulions pas verser dans une histoire messianique liée au mythe. C’est pourquoi Icare, dans ce spectacle, est en proie à l’extase et vole délibérément près du soleil pour se brûler les ailes. L’idée du virus servait une narration complexe qui se déroulait tant dans le corps qu’au sein même des machines.
Icarus / Man-O-War, 1999 © Eric Joris_CREW
Avec Icarus / Man-O-War, nous tentions de construire de nouvelles narrations autour d’une « idéologie du virus ». Par ailleurs, cette idée impliquait l’infection de la narration elle-même par la technologie. Ce concept nous mènera plus tard au logiciel « dégénerateur » pour Philoctètes / Man-O-War. Ces élaborations narratives s’effectuaient aussi à l’aide des mots écrits par Paul Antipoff de son ordinateur commandé depuis son cerveau, mots qui étaient ensuite prononcés par des synthétiseurs vocaux. La technologie nous permettait, via les projections de dessins sur le spectateur, de transposer l’idée de la propagation d’un virus. Parfois brutaux, nous jouions sur les images latentes ; ils nous arrivaient d’« agresser » le spectateur en provoquant l’apparition brutale de certains visuels ou d’autres effets optique afin « d’injecter » littéralement des images virales. Pour Kaufhaus, étant donné que les images de synthèse étaient trop chères, j’ai dessiné des « images de synthèse du pauvre » en utilisant la version béta de Quicktime Virtual Reality Movie que nous projetions ensuite sur un cylindre. Au niveau du dessin, les figures étaient intéressantes car toutes les perspectives sont déformées, mais d’un point de vue scénique, les représentations projetées n’apportaient pas assez, il manquait une dimension temporelle. L’ action de dessiner était plus significative que le résultat du dessin en lui-même. Ainsi, avec l’aide de chercheurs de l’Université d’Hasselt, nous avons élaboré un outil pour
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Philoctètes / Man-O-War, Bruges - Capitale Européenne de la Culture, 2002 © Eric Joris_CREW
La technologie nous permettait, via les projections de dessins de transposer l’idée de la propagation d’un virus dessiner en direct à la main en 3 dimensions. Ce nouvel outil s’élaborait à partir de multiples capteurs qui sont maintenant utilisés dans la Motion Capture. Nous avons transposé le tout dans un environnement CAVE, c’est-à-dire un dispositif immersif de réalité virtuelle projetée. Ce CAVE, le tout premier qui fonctionnait via des PC et non pas des Silicon Graphics ou Onyx, fut développé par cette même université. Les spectateurs étaient plongés vingt minutes dans le noir afin que l’œil s’habitue et que les dessins apparaissent progressivement en temps réel. De son fauteuil roulant, Paul Antipoff et moi pouvions dessiner et « phantasmer », changer soit les dessins soit l’angle de la caméra ; ainsi les deux réalités se combinaient réellement. Tous les deux sur scène, avec quatre ordinateurs en réseau, nous composions. Tout ceci créait une réelle fascination ; placés au cœur d’un cocon virtuel et réel à la fois, je sentais qu’une nouvelle intimité pouvait naître. Cependant, je ne pouvais encore la replacer, l’analyser. Plus tard, nous avons complété le dispositif par une collaboration avec deux acteurs. Il y avait un virtuel qui se déplaçait, créant l’illusion de sa présence réelle sur scène. En 2002, quand Bruges a été capitale européenne de la culture, nous avons réalisé Philoctètes / Man-O-War. Cette pièce reste une étape importante de notre travail, peut‑être même la plus aboutie. Le public était dans une tour de deux étages au sol, Paul Antipoff avait entre ses jambes un robot articulé auquel s’ajoutait une myriade de petits robots qui prenaient place autour de lui. Paul dirigeait tout, c’était plus physique pour lui. Le fauteuil roulant de Paul Antipoff, signalant son handicap, disparaissait grâce à la technologie, afin de créer une unité entre l’acteur et les technologies. Dans un premier temps, pour ce projet, je voulais véritablement faire vivre des organismes virtuels, par exemple des bactéries qui deviennent de plus en plus violentes.
Nous « chattions » avec des personnes sur différents sites internet. Puis nous voulions les faire participer à la pièce en les conduisant de sites en sites pour qu’ils interagissent avec Paul sur scène. Le projet était trop ambitieux. Nous voulions que cette participation prenne deux formes. Dans la première, le spectateur était convié à une représentation théâtrale ; dans la seconde, plus technologique, pour pénétrer le « corps viral » de Philoctètes, le spectateur devait se munir des premières lunettes vidéos de Sony pour visualiser. Malheureusement, les essais se sont avérés infructueux. Nous avons alors mis l’accent sur la partie théâtrale, en montrant un organisme prosthétique. L’ ensemble évoquait le théâtre anatomique. Paul devait pouvoir manipuler le robot grâce aux commandes qu’il avait fixées sur la tête. La caméra fut donc accrochée dans les cintres. Elle surplombait tout. Au même niveau que lui, nous avions disposé deux écrans qui lui indiquaient les positions de l’objet, des éléments et du robot pour qu’il puisse les manipuler. Cette solution était trop difficile pour lui. Nous avons alors décidé de placer la caméra sur le bras du robot… Le plus étrange, c’est que le cerveau humain comprend immédiatement l’espace restreint décrit par cette caméra placée sur le robot. Le bras du robot devenait alors une extension de son propre corps, une véritable prothèse.
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Crash : croquis de la configuration pour 4 « immersants », 2003 © Eric Joris_CREW .48
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Dessins préparatoires pour Crash, 2003 © Eric Joris_CREW 49.
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Crash, Groningen, 2004 Š Eric Joris_CREW
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SUR LES PLATEAUX / ERIC JORIS_CREW /rencontre/ La structure de Crash, Rotterdam 2004 © Eric Joris_CREW
Tout était très expérimental, très fragile ... En 2003, j’ai rencontré Philippe Bekaert qui venait de prendre la direction d’un laboratoire au Expertise Center for Digital Media (à l’Université d’Hasselt), avec lequel j’ai entrepris de nouvelles recherches sur des configurations de caméras pour pénétrer directement à l’intérieur des images. Ensuite, il a fallu créer le dispositif non pas de réalité « virtuelle », car je me méfie de ce terme, mais d’une « réalité médiée », une réalité configurée par la technologie, par les machines. L’idée était de construire une image que l’on connecte à des capteurs placés sur la tête afin de faire varier la perception. Pour Crash en 2004, nous utilisions cinq caméras ; le spectacle se voyait à travers des lunettes vidéos. Tout était très expérimental, très fragile ; nous ne travaillions alors que sur des hypothèses. Il nous a fallu comprendre ce médium qui était encore en pleine construction. Le passage de la prothèse à l’environnement signifie la volonté d’être à l’intérieur de la machine, au coeur même de l’expérience.
Au lieu de la regarder, nous devions nous incorporer à la machine. Le corps, le cerveau se connectent alors aux images, aux sons. Cependant, je ne me reconnais pas dans l’esthétique cyborg. De plus en plus, et surtout dans mes créations récentes, j’ai tenté de mettre en place une autre médiation, qui opère en sens inverse. Ainsi, la réalité « médiée » devient en quelque sorte réelle pour le spectateur. Bien que présents, les outils technologiques tentent de s’estomper, de disparaître au profit d’une transparence. Le plus souvent, le spectateur est en proie à des effets de dessaisissement de son propre corps ; ce type d’appareillage donne souvent l’impression d’être à côté de son corps et entraîne une perte des repères corporels. D’après des études neurologiques, menées par Dirk de Ridder en stimulant directement une région spécifique du cerveau, il est possible de recréer cette impression de sortir de son corps.
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SUR LES PLATEAUX / ERIC JORIS_CREW /rencontre/ Crash, 2004 © Eric Joris_CREW
Au début, lors des premiers tests, nous fixions une caméra sur la tête d’une personne assise sur un fauteuil roulant. Le participant voyait de manière synchronisée ce que la caméra filmait à travers des lunettes vidéo ou un casque. Les réactions étaient surprenantes ; de nombreuses personnes étaient prises de nausée. Après plusieurs tests, nous nous sommes rendus compte qu’en position horizontale, les malaises disparaissaient ; nous pouvions alors transposer des images venues d’ailleurs. Ensuite, quand on relève la table progressivement, les sensations se mélangent ; bien que cette table prive le spectateur de certaines sensations, elle lui permet en vérité de se préparer à l’immersion et rend celle‑ci beaucoup plus agréable. De ce fait, notre scénographie a évolué, nous avons ainsi adopté un système de corridors afin de préparer le spectateur à l’immersion. Notre point de départ consiste en une déperdition sensorielle afin de mieux préparer le spectateur à une immersion totale. L’appareillage, l’équipement, même encombrants, peuvent se thématiser comme dans U, où nous évoquions la maladie d’Alzheimer. Nous tentions de donner à vivre un moment les effets de cette maladie sur la mémoire. Dans cette pièce, la technologie joue avec la dissociation des temps, des narrations et de la mémoire. Le spectateur ne pouvait plus se fier à sa mémoire ; tout ce qu’il avait vu, senti, perçu se fragmentait. Dans ce dispositif, le spectateur se confrontait à la fois à son vécu, mais également à des images préenregistrées et à des éléments produits durant son parcours. La technologie est à double tranchant, elle fait progresser mais également régresser… Par exemple, avec cet appareillage, le spectateur se meut plus difficilement, il faut qu’il s’adapte, il a également plus de mal à mémoriser le texte. Crash a installé ce que je nomme la «réalité médiée » : le spectateur ne pouvait pas réellement se déplacer dans l’espace ; le dispositif permettait simplement de créer la sensation du passage d’un lieu à un autre. Pour Crash, nous avions écrit un storyboard comme pour une narration filmique. Cependant, le médium immersif reste très différent du cinéma, les enjeux sont tout autres. Il fallait changer de langage, abandonner celui du cinéma. Pour Crash, nous utilisions des textes, tandis que dans U, la narration n’était pas écrite ; l’acteur la modifiait au gré des situations.
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Crash, 2004 © Eric Joris_CREW
C’est réellement avec U que la technologie nous a permis d’accroître la mobilité du spectateur. Les spectateurs devenaient véritablement des « immersants » autour desquels les acteurs marchaient. C’est cette notion « d’immersant » que nous avons approfondie dans U. De plus, dans U, la fonction de l’acteur se déplace ; il est plus proche de la personne et il s’adapte au participant. U reste un spectacle simple, sans décor, même si son concept demeure le plus abouti. Au niveau de la narration, une autre personne est sans cesse évoquée. Cet autre semble être celui que le spectateur voit. À la fin, il découvre que cet autre n’ est que sa propre image. Il y a un jeu entre la conscience et l’inconscient, mais aussi un jeu de connexions impossibles comme dans la maladie d’Alzheimer. L’histoire, les narrations étaient visibles de l’extérieur, mais pas ou peu pour le participant. U m’a permis de réfléchir sur la fragmentation et sur l’ensemble d’une trame narrative. Cette réflexion va jouer un rôle important dans Immercity ; ainsi, l’histoire sera intégrée directement à l’expérience.
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SUR LES PLATEAUX / ERIC JORIS_CREW /rencontre/ Œilletons robotisés dans O_Rex, Spielart Festival Munich, 2007 © Eric Joris_CREW
J’ai compris que le cadre théâtral pouvait devenir un lieu où la manipulation était tolérée Le plus troublant demeure les réactions parfois très négatives des spectateurs qui ne supportent pas de voir la manipulation en direct de l’« immersant ». L’idée d’ entrer dans le cerveau de quelqu’un fait peur. Ce type de refus, de critique, voire, parfois, de réactions hostiles m’a permis d’évoluer. J’ai compris que le cadre théâtral pouvait devenir un lieu, un cadre où la manipulation était tolérée. Si le point de départ d’O_Rex en 2008 était l’opéra de Stravinsky Œdipus Rex, celui-ci a été transformé par la compositrice Laura Maes, Jan Kuyken et Maja Janter dans le cadre du théâtre. Pour O_Rex, le tragique se construit au fur et à mesure, en choisissant au départ une personne dans la salle comme « immersant ». Les spectateurs dans la salle perçoivent la manipulation du volontaire, mais mettent du temps à comprendre qu’ils sont euxmêmes manipulés. O_ Rex dialogue avec le tragique. Que ce soit pour O_Rex ou pour W (Double U) en 2008, les spectateurs deviennent
en quelque sorte des acteurs ; des protagonistes de la narration, tout en étant complètement indépendants. Idée qui sera reprise pour 5 participants dans Line-Up (2009). Dans W (Double U), la vision ne change pas, mais seulement le point de vue ; pour faire un geste, traverser une rue par exemple, l’« immersant » emprunte les yeux de quelqu’un d’autre. Le spectateur oublie que ce n’ est pas réellement lui qui vit les actions ; son corps est intégré à celui d’un autre…
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W (Double U), 2008 © Stéphane Lintermans (« Headswap » par satellites de Mons à Barcelone, Festival VIA, 2008)
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W (Double U), Mons, 2008 © Stéphane Lintermans
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SUR LES PLATEAUX / ERIC JORIS_CREW /rencontre/ EUX, Exodos Festival, Ljubljana, 2008 © Eric Joris_CREW (Chantalla Pleiter, scénographe)
Pour Eux (2007), l’ espace de l’immersion se transforme en un espace transitionnel où le spectateur se meut entre deux réalités, comme entre deux contraires. Eli Commins a écrit le texte à partir d’expériences neurologiques liées à l’agnosie. Le spectateur se promène tout en entendant cette narration. La voix qui lit l’histoire donne également des instructions. Cette narration est continue ; le spectateur ne comprend qu’à la toute fin de l’immersion son véritable déroulement. Dans ce spectacle, par exemple, le participant est confronté à une image où il voit quelqu’un qui semble être un autre. Progressivement, il se rend compte que cet autre exécute les mêmes gestes que lui : quelqu’un lui donne un stylo, ou écrit sur telle ou telle autre partie du corps, de son corps. Il fait face à une incertitude durant plus de 5 minutes… Y a-t-il véritablement un autre ? Il faut donc jouer sur deux états, deux niveaux de médiation de la réalité. Dans ce spectacle, je voulais montrer une zone trouble entre deux réalités. Cette zone est une zone de transition, où deux états de présence flottent. Un état transitionnel qui joue avec la notion de présence dans le cadre immersif. Par exemple, il faut travailler sur différents niveaux d’immersion pour que le cerveau puisse rendre cohérente la réalité perçue via l’interface technologique. Le plus intéressant consiste à comprendre les analogies entre le cerveau et la machine, c’est-à-dire comment le cerveau est et devient une machine à fabriquer de la réalité. Il génère les mêmes représentations que nos technologies de réalité virtuelle et immersive.
Line-Up, Gand, 2009 © Eric Joris_CREW (Acteurs : Peter Gorissen et Leen Diependaele)
Line-Up est à Immercity ce que U a été pour Eux, à la fois une étape importante et un moyen de travailler sur l’après, une charnière. Il s’agit de sortir du cocon expérimental, de rendre l’immersion accessible à de nombreux spectateurs pour leur permettre d’approfondir la « réalité médiée ».
Y a-t-il véritablement un autre ? Il faut donc jouer sur deux états, deux niveaux de médiation de la réalité.
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Line-Up, Paris, TCI 2009 © Eric Joris_CREW (« Headswap »)
Eux, La Chartreuse, Villeneuve-Lez-Avignon 2008 © Eric Joris_CREW
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SUR LES PLATEAUX / ERIC JORIS_CREW /rencontre/
Dessin préparatoire pour Immercity, 2009 © Eric Joris_CREW
Dans ma prochaine pièce, Immercity, la différence entre les participants, les spectateurs et ce que je nomme les « immersants » devient probante. Chacun sait où il est, ou pense le savoir, mais il y aura beaucoup d’ entrecroisements. Actuellement, nous travaillons avec des neurologues et des neuro-physiciens sur les effets de l’immersion. En effet, ce projet met simultanément en jeu plusieurs niveaux d’immersion. Ainsi, comme dans Line-Up, une dizaine de personnes sont immergées en même temps, soumises à des images préenregistrées et à d’autres événements liés au direct ; mais en parallèle, un ou plusieurs « immersants » seront littéralement plongés dans le corps de quelqu’un d’autre.
Je cherche à définir ce que pourrait être ce projet, peut‑être une sorte de corporéité partagée. Une fois appareillé, le spectateur sera soumis à plusieurs péripéties visuelles, sonores et tactiles ; il pourra se saisir d’un objet, or cette action ne sera pas réellement effectuée par le corps du spectateur, mais par un autre corps, peut‑être virtuel. Le spectateur pourra alors comprendre l’action car il y aura un léger décalage temporel. Il y aura un jeu d’ entrelacement de fictions et de présences en direct. Immercity repose sur l’illusion d’un monde cohérent propre aux « immersants ». La situation des participants détermine une narration propre, mais le moindre changement de position entraine des conséquences sur l’ ensemble de la narration de chacun des participants.
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Bibliographie
Vincent Delvaux & Pascal Keiser, « Interview d’Eric Joris. Des environnements immersifs pour un nouveau cadre scénique », CECN-Mag n°7, 2008, pp. 10-13. Eric Joris & Kurt Vanhoutte, « Dans van het verkabelde lichaam, Homo futuris: kunstenaars en wetenschappers over mens en maatschappij in de toekomst », Bonte, Tom ; et al., Gent : Unesco Centrum Vlaanderen, 2009, pp. 102-119. Sébastien Hendrick, « De ziekte van de zintuigen. Recensie EUX », Courant # 91, Brussel : VTI, novembre 2009, pp. 72-74. Également disponible sur www.vti.be/nl/storiescorpuskunstkritiek/de-ziekte-van-dezintuigen Kurt Vanhoutte, « Machines op het middaguur: werkverslag van Philoctetes/ Man-o-war », Etcetera, 2003, pp. 49-54. Kurt Vanhoutte, Frank Van Reeth & Tom De Weyer, « The Virulent Body of Philoctetes: Integrating Performance Art and Technology », Ascott, Ron (eds.) Proceedings CDRom. Consciousness Reframed , Perth : Curtin University of Technology, 2003.
LIENS
Kurt Vanhoutte, « Reality panic: theater in het tijdperk van zijn technologische immersie », FotoMuseum magazine, Antwerpen : Provincie. Provincieraad. Bestendige Deputatie, 2007, pp. 34-44. Kurt Vanhoutte & Nele Wynants, « Pending presence: negotiating the space inbetween, Space cowboys: how art creates, networks and visualises hybrid spaces », Klaveren, van, Rosanne [edit.]; et al. [edit.], Genk : Media and Design Academy, 2009, pp. 58-72. Kurt Vanhoutte & Nele Wynants, « The work of crew_Eric Joris. Close encounters of the immersive kind », Mapping Intermediality and Performance, Amsterdam : University Press, 2010.
Site du collectif Crew mettant à disposition de larges extraits vidéos sur l’ensemble des œuvres et performances réalisées www.crewonline.org
Philippe Bekaert, professeur à l’Expertise Center for Digital Media (à l’Université Hasselt) www.edm.uhasselt.be
W (Double U) au Vooruit http://vooruit.be/en/event/1606
À propos d’Eli Commins et de sa participation à LineUp www.elicommins.fr/LineUp
Un entretien réalisé avec Eric Joris lors des rencontres professionnelles du festival Via 2008 www.dailymotion.com/video/x9935k_ pros-via-08-eric-joris-directeur-ar_creation
« Interview d’Eric Joris » disponible sur : www.urbanmag.be/artikel/1611/ we-moeten-kunnen-werken-metde-realiteit-zelf Philippe Bekaert, Kurt Vanhoutte & Nele Wynants, « Being inside the image. Heightening the sense of presence in a video captured environment through artistic means: the case of CREW », Disponible sur www.20203dmedia.eu/resources.htm
Quelques informations sur Kurt Vanhoutte www.ua.ac.be/main.aspx?c=kurt.vanhoutte
Peter Verhelst http://en.wikipedia.org/wiki/Peter_Verhelst Pour des informations sur Paul Antipoff se reporter à : www.crewonline.org/art/projects
www.bamart.be/pages/detail/nl/1590
Kurt Vanhoutte, « Genealogieën van de toekomst », Theater & technologie / Havens, Henk [edit.], Utrecht : Theater Instituut Nederland, 2006, pp. 170-190.
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À DÉCOUVRIR /regard sur /
Cyril Thomas
Investigations SÉBASTIEN RÉMy
Les productions de Sébastien Rémy s’apparentent à un jeu de déclinaisons autour de concepts, de sujets ou d’idées premières. Fragmentaires mais non morcelés, car tous les bouts s’assemblent toujours pour former un tout cohérent, ses travaux jouent de la dialectique pour mieux cerner, rejouer et détourner les procédés mis en place par les artistes de l’art conceptuel dans les années 60. Il reste plus enclin à la production d’un circuit, à la constitution d’un réseau signifiant qu’à la monstration directe d’une œuvre qui se découvre à la minute. Ses pièces ne s’articulent pas sur le spectaculaire ; il travaille en profondeur sur l’obsolescence des créations, sur leur non-accessibilité au long terme : la boîte d’archive contenant ses stéréolithographies peut très vite disparaître tandis que les liens web peuvent devenir impraticables. Même si a priori son vocabulaire plastique emprunte les chemins de Art & Language boîtes, feuilles imprimées, création de pdf -, il l’ englobe le plus souvent et l’étire dans des dispositifs ancrés dans les médiums actuels. Ainsi, pour son projet autour du « Spiricom », il a lui-même conçu un logiciel permettant de détecter les esprits sonores.
Investigations, fragments, III, 1, 2009-2010 Logiciels Binary’s Box v1.0 EVP Assistant v1.0 Coagula Light v1.666 EVPmaker v2.5 Spiricom.exe Spiricom.exe Spiricom.exe
http://cav.synesthesie.com/ http://www.evpuk.com/evp_assistant_software.html http://hem.passagen.se/rasmuse/Coagula/CoagulaLight1666.zip http://www.stefanbion.de/evpmaker/index_e.htm http://myfileshare.24ua.com/spiricom#1 http://www.torrenthound.com/hash/c61f38a4effb683a486bdf78bbd56dad15841939/torrent-info/Urban-Legends-8--Spiricom-exe http://www.warez-files.com/show-Urban-Legends-8--Spiricom-exe.html
Notices d’utilisation - Tutoriaux Binary’s Box v1.0 EVP Assistant v1.0 Coagula Light v1.666 EVPmaker v2.5 Franks Box Tutorial Part 1 Franks Box Tutorial Part 2 How to make a franks box Make a Modern-Day Spiricom Spiricom Spiricom Spiricom The Ghost Box The Ghost Box The Ghost Box (A notebook)
http://cav.synesthesie.com/ http://cav.synesthesie.com/ http://hem.passagen.se/rasmuse/Coagula.htm http://www.stefanbion.de/evpmaker/evpmkr_e.htm http://www.youtube.com/watch?v=a0ZXGdoGB6U&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=V2yEul85rGM&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=KUy-114eSto&feature=channel http://www.youtube.com/watch?v=ih40KOSzQRs&feature=channel http://www.scribd.com/doc/16711252/Spiricom-Tech-Manual# http://www.rodiehr.de/o_01_meek_spiri_000_007.htm#page 5 http://www.worlditc.org/h_07_meek_spiri_000_007.htm http://www.keyportparanormal.com/images/theghostbox_1_.pdf http://www.spiritsearchsociety.com/theghostbox.pdf http://www.ghost-tech.com/adobe/Franks_box_6-19.pdf
Plaque préparatoire pour les 3 héliogravures, Investigations, 2010 © Sébastien Rémy 65.
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À DÉCOUVRIR / SÉBASTIEN RÉMY /regard sur /
À partir de multiples entretiens et autres enregistrements, il isole la démarche de Monique Simonet et la met en lien avec le « Spiricom », une machine capable de transcrire la présence des esprits sur les ondes hertziennes. Monique Simonet mettait sa télévision en circuit fermé : seule la neige apparaissait sur l’écran ; puis elle fixait sur la pellicule photographique les moindres transformations de cette neige télévisuelle. Ce moyen lui permettait de transposer le « bruit visuel » en une apparition spirituelle. La démarche de Sébastien Rémy consiste donc à réarticuler la proposition initiale de Simonet en la déplaçant vers d’autres médias notamment sonores mais également vers d’autres technologies, certaines obsolètes, d’autres très actuelles. Ainsi, il boucle une narration, en propose une prolongation qui s’assimile à un protocole. Entre deux temps, deux histoires distinctes, il propose non pas un classement, mais une liste de liens, de parcours qui s’appréhendent comme autant de nouvelles entrées possibles dans les deux histoires initiales. Il met en place un protocole de recherche afin de récupérer les informations sur le sujet en explorant les sites internet comme ceux de l’INA ou d’autres institutions... Une fois cette étape franchie, il déplace la recherche au cœur du musée, en proposant d’installer par exemple un bureau d’études au cœur même d’une exposition, comme lors de Bandjoun Station au Cameroun. Bureau – œuvre, sur lequel il continue à inspecter les pratiques et démarches transcommunicationnelles. Il utilise le terme d’investigation pour mieux accentuer la dimension d’enquête, à moins que cet emploi renvoie plutôt au philosophe Ludwig Wittgenstein… Question qui reste à l’heure actuelle encore ouverte.
Cette œuvre demeure avant tout une traversée des supports, des technologies, des histoires. Déplacer les sources, les réinterpréter pour mieux s’inclure modestement dans le réseau : chez Sébastien Rémy, la notion de parasitage disparaît pour céder la place à celle de continuité. Ainsi, il conçoit un logiciel disponible sur internet, le « Binary Box », évoquant à la fois son précédent travail sur la musique binaurale et une communauté active sur la toile, les « i-Doser » Il s’ en explique : « D’ un point de vue technique, les sons binauraux reposent sur une différence de réception de fréquence entre l’oreille droite et l’oreille gauche. En réceptionnant ces deux fréquences différentes, le cerveau génère une troisième fréquence dite « fantôme », lui permettant d’entrer dans un état physiologique particulier. » De ce logiciel, il tire, après plusieurs réflexions sur le « Spiricom », des images fragiles d’un autre temps qui renvoient à la naissance même du procédé photographique : l’héliographie. Pour ce jeune artiste, faire œuvre ne signifie pas forcément produire, mais plutôt collecter, énoncer, mettre à disposition et ré-agencer ses recherches autour de tel ou tel procédé ou de tel ou tel extrait vidéo ou sonore, entre-aperçu sur une plateforme vidéo. Sébastien Rémy déplace les éléments d’internet au papier, de la publication au net, il n’a de cesse de relier tels points à tels autres, les communautés entre elles afin de construire une véritable pensée du diagramme. Point après point, morceau après morceau, l’ œuvre se découvre, s’assemble pour former un schéma, un « diagramme » ouvert au spectateur. À lui, alors, de se frayer un chemin et d’adopter un sens de lecture. [NB Le livre de Wittgenstein est traduit en français sous le titre Recherches philosophiques ; le mot “investigations” figure dans le titre de la traduction anglaise.]
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Investigations, fragments, III, 2, 2009-2010 Frank’s Box Box 27 - First Run Box 30 Frank’s Box #27 Ghost Radio Frank’s Box #36 Ghost Radio Frank’s Box #39 Ghost Radio Frank’s Box #50 --- AM Sweep. Frank’s Box #60 ---TRF #6 with Echo Box Frank’s Box #60 ---TRF #6 without Echo Box Frank’s Box #63 Frank’s Box #63 (Second Video) Franks Box Tutorial Part 1 Franks Box Tutorial Part 2 Ghost Box 27 - 1 Ghost Box 27 - 2 Ghost Box 27 - 3 Ghost Box 29 How to make a franks box The Ghost Box The Ghost Box The Ghost Box (A notebook)
http://www.youtube.com/watch?v=Ff7XHh5PMw8&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=dwH0j0Cwd-s http://www.youtube.com/watch?v=0k00XdCDWU8&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=zKnvRSTYrEY&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=-DDCNWW0ES0&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=0IluGyA5v5k http://www.youtube.com/watch?v=KUy-114eSto&feature=channel http://www.youtube.com/watch?v=ih40KOSzQRs&feature=channel http://www.youtube.com/watch?v=INFtswP4QK4&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=5MbgcHrbgqg&feature=channel http://www.youtube.com/watch?v=a0ZXGdoGB6U&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=V2yEul85rGM&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=wvJ1M4nBBGI&feature=channel http://www.youtube.com/watch?v=WGC0O0Q0dLE&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=pdbMLBpj3zk&feature=channel http://www.youtube.com/watch?v=kmRE4_ksc-o&feature=related http://www.scribd.com/doc/12884871/How-to-make-a-franks-box http://www.keyportparanormal.com/images/theghostbox_1_.pdf http://www.spiritsearchsociety.com/theghostbox.pdf http://www.ghost-tech.com/adobe/Franks_box_6-19.pdf
Joe’s Box Joe’s Box #1 Ghost Radio Manual Joe’s Box --- Ghost
http://www.youtube.com/watch?v=404JOigbNMQ http://www.youtube.com/watch?v=QE4kUV7GXFw&feature=related
Rich Built Ghost Box RBGB #3 --- Rich’s Ghost Box RBGB #4.AVI Rich Built Ghost Box #1.AVI Rich built Ghost Box #3.AVI Rich Built Ghost Box #6.AVI
http://www.youtube.com/watch?v=wxCay-TsS_0&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=X24dm9NtHe8 http://www.youtube.com/watch?v=n-U1JcNappU&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=QDTI3I4mh44&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=Ore6Uc9tm44&feature=related
Steve’s Ghost Box Steve’s Ghost Box #1---(FM Sweep)--March 2010 Steve’s Ghost Box #1---(AM Sweep)--March 2010 Steve’s Ghost Box Steve’s Ghost Box #4-----April Steve’s Ghost Box #6-----May Steve’s Ghost Box #5-----May Steve’s Ghost Box #7-----May
http://www.youtube.com/watch?v=2uZT-G-F17g&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=zkZVocnCCy8 http://www.youtube.com/watch?v=xPrHGsMtOIs&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=kBnlO0zFN8Q&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=Fz0jYOYXZzY&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=_zVuTDdN2XQ&feature=related http://www.youtube.com/watch?v=BxCFC3UhI78
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À DÉCOUVRIR / SÉBASTIEN RÉMY /regard sur /
BINARY’S BOX
logiciel de transcommunication
MODE D’EMPLOI
Configuration requise Le logiciel Binary’s Box est compatible avec les plateformes Linux, MacOS X et Windows 9x/Me/2000/XP/Vista/7. Votre ordinateur doit être équipé du Kit de Développement Java (JDK). Vous pouvez téléchargez le JDK sur ce lien : http://java.sun.com/javase/downloads/widget/jdk6.jsp Afin de na pas ralentir votre système, une configuration minimale de 1Go de mémoire vive (Ram) ainsi qu’un processeur cadencé à 1,5 Ghz sont recommandés.
Espace de travail I / Mode actif
Binary’s Box (v 1.0) est un logiciel de Transcommunication Instrumentale, libre et gratuit, créé avec le logiciel de programmation Processing. http://processing.org/ Reprenant les formes de neige de télévision photographiées par la médium spirit Monique Simonet, le logiciel Binary’s Box permet de visualiser en temps réel les sons et esprits environnants. Il permet également la capture et l’enregistrement sur son ordinateur d’images de défunts perçus en format JPG.
Monique Simonet
Monique Simonet est l’une des pionnières de la Transcommunication en France. Elle doit sa notoriété à son importante collecte de fragments de voix (enregistrés via magnétophone, EVP - Electronic Voice Phenomenona) et de portraits de défunts (photographies de neige de télévision, IVTC - Instrumental Video TransCommunication) débutée en 1979. Elle est l’auteure de plusieurs livres (Porte ouverte sur l’éternité : L’ Au-delà nous parle (Editions du Rocher, 1993), Réalité de l’au-delà et transcommunication (Editions du Rocher, 2004), Et l’ange leva le voile (Alphée, 2009)...). Elle fût également l’invité de l’émission de télévision française Mystères en 1993.
DESCRIPTIOn DE L’ESPACE DE TRAVAIL A - MENU GÉNÉRAL : 01 - Ecran de visualisation Permet de visusaliser en temps réel les sons et esprits environnants. 02 - Sensibilité de réception Permet de modifier l’amplitude et le contraste des variations observées sur l’écran de visualisation suivant la sensibilité du microphone utilisé pour capter les sons environnants. 03 - Capture écran Permet de capturer l’image perçue sur l’écran de visualisation. L’image capturée s’affiche alors dans le menu « images capturées » situé à droite dans l’espace de travail.
04 - Plein Ecran Permet de passer en MODE OBSERVATEUR. 05 - Icône de fermeture Ferme la session en enregistrant au format JPG une dernière fois les images sélectionnées. B - MENU « IMAGES CAPTURÉES » : 06 - Images capturées Menu d’affichage des images capturées. Un maximum de 10 images est capturable.
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De son cursus à l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy et de sa formation d’informatique et de mathématique à l’Université de Paris VIII, Sébastien Rémy garde une farouche volonté de transposer, de « transcoder » par la technologie les médias classiques. Créateur de logiciels, surfeur aguerri du net, il œuvre avant tout sur le déplacement et sur les correspondances. Après plusieurs expositions collectives tant à l’étranger (Passions, Bandjoun Station au Cameroun en 2010) qu’ en France (lors des Bains Numériques de 2009 à Enghien-Les-Bains, ou lors d’En mai, fait ce qu’il te plaît…, à l’Espace Synesthésie, et plus récemment encore au Cneai= de Chatou pour Safari), il prépare actuellement un projet artistique dans le cadre de Repetition Island sur l’invitation de Géraldine Longueville et du commissaire Raimundas Malasauskas au Centre Georges Pompidou.
II / Mode observateur
DESCRIPTIOn DES COMMAnDES A - MENU GÉNÉRAL : Clique gauche de la souris pour activer les fonctions du logiciel (capturer, fermer). B - MENU « IMAGES CAPTURÉES » : Clique gauche sur une image capturée pour l’enregistrer en JPG (l’image est alors cernée d’un tracé gris, cf image suivante). Clique droit de la souris sur une image pour la supprimer (l’image disparait).
Collecte d’images d’esprits Si vous le désirez, vous pouvez envoyer vos images d’esprits à l’adresse suivante : binarys.box@gmail.com
www.sebastienremy.com
Informations complémentaires : binarys.box@gmail.com
DESCRIPTIOn DE L’ESPACE DE TRAVAIL 01 - Ecran de visualisation : Permet de visusaliser en temps réel les sons et esprits environnants.
DESCRIPTIOn DES COMMAnDES
Clique gauche ou droit sur l’écran pour rebasculer en MODE ACTIF.
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Matthieu Adrien Davy de Virville, Pharmakon, 2010 Š Matthieu Adrien Davy de Virville / Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains
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À DÉCOUVRIR /entretien/
Entretien croisé avec Matthieu Adrien Davy de Virville, Éric Prigent et Cyril Thomas
Pharmakon
Matthieu Adrien Davy de Virville
Matthieu Adrien Davy de Virville est artiste et designer graphique. Il est titulaire d’un master en hypermedia Création et édition numérique et d’un master en recherche Arts et Technologies de l’image de l’Université Paris VIII. Il a travaillé en design interactif pour des agences de design et pour R&D-Orange Labs, ainsi qu’ en Concept design pour Publicis Modem. Il a intégré le Fresnoy en 2009.
Les convergences « création-recherche-innovation » sont au cœur des préoccupations de la pédagogie du Fresnoy qui collabore pour cette raison avec plusieurs partenaires au projet Transdigital. Dans cette dynamique et selon les enjeux technologiques des projets artistiques qu’il produit, le Fresnoy peut également se rapprocher de laboratoires de recherches universitaires, notamment ceux de l’Université Lille I et inventer ensemble de nouvelles situations de création et de production. Matthieu Adrien de Virville a développé cette année un projet de sculpture placée dans un espace réel et se prolongeant dans un espace virtuel. Il bénéficie du soutien important d’une équipe d’un laboratoire de Lille : l’IRCICA. Au sein de ce laboratoire, l’équipe de recherche MINT (équipe-projet commune de l’Université de Lille I, de l’IRCICA-CNRS et de l’INRIA Lille-Nord Europe), se spécialise dans les nouvelles interfaces à geste. Cette équipe, association d’informaticiens et d’ électrotechniciens, spécialisée en interaction homme-machine, travaille à la proposition de nouveaux outils informatiques pouvant comprendre l’utilisateur par le seul biais de son geste d’interaction.
Matthieu Adrien Davy de Virville s’intègre dans cette jeune génération d’artistes qui déplace les catégories des médiums traditionnels. L’ artiste n’ a plus rien d’un génie créateur isolé ; bien au contraire, le savoir-faire se mutualise et la collaboration avec les ingénieurs et les designers devient décisive dans la réalisation finale de l’œuvre. Son installation interroge la perception, fabrique un kaléidoscope de représentations 3D en temps réel dont la source même demeure intrigante. Il ne propose pas d’adopter un point de vue critique et définitif mais de penser en terme d’alternative. Cette alternative ouvre des chemins pour mieux repenser la vision et la contemplation sculpturale. Dans cette œuvre, Pharmakon1, il permet aux spectateurs de briser la linéarité de la vision pour les amener à réfléchir sur les conditions mêmes de celle-ci, créant un passage via un changement de paradigme entre l’homme et la machine. En outre, il questionne autant le passage de l’objet réel à la figure virtuelle que la possibilité et l’impossibilité même de reconstituer dans le virtuel une réalité tangible perçue par des yeux humains. Comment est né votre projet intitulé Pharmakon exposé dans le cadre de Panorama n°12 - Soft Machine au Fresnoy - Studio national des arts contemporains ? Le projet est né de deux éléments. Le premier est lié à une recherche personnelle sur les drones, tant dans l’aspect machine que dans leur fonctionnalité. Et le second, une véritable exploration liée à ma première année au Fresnoy, c’est-à-dire le travail avec des éléments industriels et notamment des protocoles employés dans la robotique ou dans l’industrie. La création des protocoles des productions industrielles m’intéresse, m’amène à réfléchir autrement. Toute cette œuvre, Pharmakon, résulte d’une étroite collaboration avec des designers, des roboticiens, des ingénieurs. Dans ma démarche, ces diverses associations servent à détourner la mécanique industrielle, non pas pour en faire une virulente critique mais plus pour explorer d’autres perspectives, pour aborder de nouveaux champs. Pour cette seconde année, je voulais travailler sur une installation composée de deux sculptures, qui reprennent une partie du protocole lié à la fabrication d’un drone. L’intérêt du drone repose sur l’idée que cet objet peut se comprendre comme une extension corporelle. Du poste de commande à distance, un opérateur pilote cet objet autonome, perçoit une réalité éloignée. À la lumière des travaux de Harun Farocki2 et de Herbert Marshall McLuhan3, j’ai commencé tout d’abord par élaborer une sculpture qui se repense en fonction de son environnement. Il fallait que l’objet puisse analyser, comprendre son environnement, son espace. 1 2 3
Pour une première approche de l’œuvre, se connecter sur : www.panorama12.net/#/artwork81 Se reporter au site de l’artiste : www.farocki-film.de Voir le site sur ce penseur et théoricien de l’art : www.marshallmcluhan.com 71.
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À DÉCOUVRIR / Matthieu Adrien Davy de Virville /entretien/ Matthieu Adrien Davy de Virville, Pharmakon, 2010 © Matthieu Adrien Davy de Virville / Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains
Votre projet fait-il écho au travail du cinéaste Harun Farocki ? H. Farocki explore les rapports Homme-Machine tout en travaillant sur l’archive, sur ce qui constitue une archive visuelle : l’image. Cette image à la fois filmique et virtuelle souligne une pensée chère à McLuhan, notamment en remettant en cause un présupposé qui prête une vision machinique au regard humain. La question ouverte mais posée par Farocki dans Auge/Maschine, c’est : comment voit une machine ? Je lisais beaucoup de choses, d’éléments sur le Device Art4 , sur la manipulation d’objets quotidiens, de technologies presque banales, qui sont redéfinies par ce courant. À l’instar de l’artiste japonais Maywa Denki5 qui pense la pratique artistique comme une industrie, il y a dans mon travail une volonté de briser la frontière des métiers sans se limiter à la sphère artistique. L’idée était de promouvoir un objet intelligent qui voit, qui écoute, qui capte les spectateurs dès leur entrée. Une de mes premières intuitions a consisté à utiliser une forme sphérique augmentée par la technologie, une forme simple facilement reconnaissable par le spectateur, posée sur un socle comme une sculpture. Cette sphère devait être agrémentée de toute une batterie de technologies utilisée pour tous les traitements de données possibles. Vient ensuite la question du « faire » de l’objet appareillé : doit-il retranscrire la réalité perçue, doit-il représenter cette réalité en 3D ? Cependant, le projet doit avoir une fonctionnalité. Dans ma pratique, plus généralement, je préfère créer des objets déterminés par une fonction précise. Je me suis un peu égaré dans la jouabilité de l’objet avant de bien comprendre, d’analyser la logique de cet objet. Je voulais éviter de retomber sur un dialogue classique de l’interactivité, où le spectateur bouge une simple souris. Je suis alors revenu vers l’objet, par exemple, j’ai réfléchi sur la schématisation d’un drone qui serait comme une sorte de missile agrémenté d’une ou plusieurs caméras.
je préfère créer des objets déterminés par une fonction précise
Pour une première définition de ce courant, se reporter à www.intelligentagent.com/archive/Vol6_No2_pacific_rim_kusahara.htm 5 Se reporter au site internet de l’artiste : www.maywadenki.com/english/00main_e_content.html 4
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Comment êtes-vous progressivement passé de l’idée de sphère à celle d’un drone, puis au casque de pilote ? Je voulais dans un premier temps travailler sur le ou les prolongements. Élaborer un objet réel qui se prolonge dans le virtuel, et créer simultanément l’inverse : un objet virtuel qui se prolongerait dans le réel afin de façonner un continuum. Puis une réflexion sur la notion de prothèse a commencé à se construire. En effet, un drone peut s’assimiler à une prothèse visuelle dans le sens où l’opérateur à distance pilote des yeux… Dans la logique de la prothèse, je me suis intéressé au casque ; celui utilisé pour la réalité virtuelle, par exemple, s’appréhende également comme une prothèse. En outre, tous les objets du quotidien peuvent sur le long terme préexister dans le virtuel, ils peuvent interagir avec le réseau, se connecter, etc.
Élaborer un objet réel qui se prolonge dans le virtuel...
Pour des exemples en images, se reporter à : www.robertlongo.com/work/view/1322/6995 Pour une approche de l’œuvre, visiter le site de l’artiste : www.panamarenko.be/home.php 8 Lire Élie During, « Du projet au prototype (ou comment éviter d’en faire une œuvre ?) », Panorama 3 – Salon du prototype, Le Fresnoy-Studio national des arts contemporains, 2002, pp. 16 - 28. 6 7
Le casque de pilote de chasse permet de rester dans l’aérien, le militaire. Surtout, cet appareillage rappelle beaucoup d’images, de fictions, de films aux spectateurs. Il suffit par exemple de regarder les œuvres intitulées Heroes (2008-2009) de Robert Longo6. Elles représentent des portraits en casque de pilote de chasse, mi-humain mi-prothèse. Le casque reste un objet industriel, comme le drone, dans lequel la vision, la respiration demeurent artificielles mais vitales. Ce casque de pilote de l’armée américaine que j’utilise dans l’installation devient une interface, car il est très augmenté avec des caméras, des capteurs. Cette augmentation permet de diluer un peu la symbolique militaire en transformant l’objet initial. Le casque est posé sur une sorte de pique, voire empalé. Je ne voulais pas d’un socle massif, je préférais quelque chose de fin. Vous évoquiez également Panamarenko... À juste titre, Panamarenko7 m’a permis de réfléchir bien avant le Fresnoy sur la notion de prototype. J’ai été très sensible au texte d’Elie During8 sur son travail car il met en place une idée forte. En effet, son postulat peut se décrire de la manière suivante : l’avion n’a pas encore été inventé, on peut le réinventer tous les jours. Panamarenko s’approprie cette idée du prototype pour la transformer. J’ai ensuite travaillé avec une équipe de designers parisiens pour l’intégration des capteurs, des caméras dans le casque. Les ingénieurs comme les designers travaillent à une forme fonctionnelle, qui devient sculpture. Il fallait chercher un équilibre entre cette intégration et la forme initiale du casque. Un prototype n’est pas une maquette, il fonctionne. Proposer un prototype permet de verrouiller une étape et rejoint mon idée personnelle de l’art comme recherche sur le long terme. 73.
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Matthieu Adrien Davy de Virville, Pharmakon, 2010 Š Matthieu Adrien Davy de Virville / Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains
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À DÉCOUVRIR / Matthieu Adrien Davy de Virville /entretien/
Je voulais véritablement créer un prototype tout en incluant un continuum qui permette d’élaborer une passerelle entre des éléments virtuels et réels. Le virtuel et le réel, je les comprends comme des milieux au travers desquels un même objet pourrait être perçu de deux manières différentes. Votre installation se joue du face-à-face entre sculpture et écran, ce qui trouble la perception. Ce trouble m’intéresse, c’est pourquoi le dialogue avec les ingénieurs était important afin d’établir les critères et le fonctionnement des éléments. Le plus intéressant, ce sont les avis recueillis par les ingénieurs, car ils apportent des solutions concrètes, techniques, et permettent de faire évoluer les idées, les projets, les concepts. En fait, ce dialogue permet de définir le projet, l’œuvre dans un autre type de langage, dans une autre démarche de recherche en induisant d’autres valeurs d’usages, d’autres interfaces.
les ingénieurs apportent des solutions concrètes, techniques, et permettent de faire évoluer les idées
Le casque augmenté choisit un spectateur qui le contemple. Il va alors suivre sa tête, son corps, pour filmer la vision du point de vue du spectateur choisi. Cette même vision est simultanément reproduite en 3D sur l’écran. Le casque devient à la fois fonctionnel et dysfonctionnel car il permet de représenter une vision spécifique cohérente du spectateur choisi, mais cette vision apparaît alors aberrante, décalée, incohérente aux autres spectateurs présents dans l’installation. Ce décalage, cette incompréhension m’intéressent énormément. Pharmakon a été réalisé en collaboration avec Laurent Grisoni, professeur à l’Université Lille I, avec l’équipe de recherche MINT (INRIA Lille Nord-Europe, Université de Lille 1, C.N.R.S.). Sur l’œuvre Pharmakon www.panorama12.net/#/artwork81
Site de l’artiste http://solidblank.wordpress.com
Pour les collaborations : Site de Laurent Grisoni www.lifl.fr/~grisoni
Site de l’INRIA www.inria.fr/recherche/equipes/mint.fr.html
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À DÉCOUVRIR /entretien/
Entretien avec Christoph de Boeck par Jozefien Van Beek
La bande-son du cerveau Christoph De Boeck
Christoph de Boeck, plasticien de l’espace et des sons, explore depuis quelques années les nouvelles modalités et les relations entre sonorités et environnements. Avec les chorégraphes Heine R. Avdal et Yukiko Shinozaki, à Bruxelles, il co-dirige la structure DeepBlue en hommage au super ordinateur qui fut l’adversaire de Garry Kasparov. Pour son dernier projet, Staalhemel, présenté au STUK (à Louvain), il a conçu en étroite collaboration avec l’IMEC (centre spécialisé sur les nanotechnologies) un casque EEG intégré à un environnement sonore qui interagit avec les ondes cérébrales.
Comment résonne notre cerveau ? L’ artiste sonore Christoph de Boeck apporte une réponse à cette question grâce à son installation interactive Staalhemel (c’est-à-dire « ciel d’acier » en français) dans laquelle vous explorez votre propre tête et écoutez votre cerveau. Pour visiter Staalhemel, vous placez sur votre tête un bandeau conçu par l’IMEC et équipé d’un scanner cérébral mesurant les impulsions électriques dans votre cortex cérébral. Via un réseau informatique sans fil, le scanner est en liaison avec 80 plaques d’acier pendues à l’horizontal au plafond. Sur chaque plaque d’acier, un petit marteau vient frapper la plaque rapidement ou lentement, bruyamment ou légèrement, en fonction de votre activité cérébrale. Je mesure le voltage de l’activité cérébrale, en séparant les ondes alpha et bêta. Si votre cerveau est concentré sur quelque chose, vous mesurez des ondes bêta. En l’absence de concentration, dans un état de détente, de distraction ou d’ennui, vous mesurez des ondes alpha. Les ondes alpha indiquent, elles, une baisse de concentration, qui se manifeste au travers de l’installation par un un tic-tac reposant. Avec des ondes bêta, les marteaux frappent lourdement sur les plaques d’acier. Staalhemel convertit ainsi l’activité de votre cerveau en schémas sonores résonnant dans l’espace. Que se passe-t-il exactement dans l’installation ? L’ ordinateur calcule l’activité cérébrale moyenne qui lui parvient. Supposez que 800 impulsions alpha et 200 impulsions bêta arrivent par seconde, il y a alors prédominance d’alphas. Dans ce cas, le scanner prend des mesures moyennes sur toute la tête. Dans le bandeau se trouvent 8 électrodes qui mesurent chacune une zone différente du cerveau. L’ordinateur calcule une simple moyenne des signaux de ces 8 zones. Avec ce logiciel, je ne peux pas mesurer ce qui se produit dans chaque zone de votre cerveau. J’ espère qu’un tel logiciel existera un jour.
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Christoph de Boeck, Staalhemel, 2010 © Christoph de Boeck
Staalhemel convertit ainsi l’ activité de votre cerveau en schémas sonores
Comment parvenez-vous à faire réagir l’installation ? Une manière de susciter des phases « bêta » consiste, par exemple, à « se creuser les méninges ». Faire ressurgir des images d’enfance ou simplement se souvenir de votre chemin pour aller à l’école suffisent à constituer un effort intellectuel qui a pour conséquence la production et l’enregistrement des ondes bêta. Chez certaines personnes, cependant, cela ne fonctionne pas, et l’installation ne réagit pas autant. Les marteaux continuent sur le même rythme lent. A contrario, lorsqu’un jour un visiteur s’est approché pour me questionner, l’installation a réagi avec violemment : le martellement était d’une forte intensité. C’est logique : si brusquement votre attention est sollicitée par la formulation d’une question, vous devez fournir un effort cérébral. Ce qui constitue clairement une phase bêta. Pourquoi est-il si difficile de provoquer de telles phases bêta ? On pourrait penser que le cerveau est continuellement en activité. Les phases bêta sont des périodes où le cerveau tourne à plein régime. Or la plupart du temps, notre cerveau fonctionne de façon routinière. En temps normal, les personnes qui se promènent simplement dans l’installation n’ émettent que des ondes alpha. En effet, il faut généralement un minimum d’introspection pour parvenir aux ondes bêta. La semaine dernière, un homme s’ est baladé en regardant partout, et il présentait une activité bêta ininterrompue. Je lui ai demandé à quoi
il pensait. Il s’ est avéré qu’il était photographe et qu’il visualisait sans cesse des cadrages dans l’ espace, pour voir comment il pouvait prendre des photos. Il observait l’ensemble d’un œil professionnel, et fournissait de ce fait un gros effort intellectuel. De nombreuses personnes se confrontent au fait qu’elles ne sont pas très actives d’un point de vue cognitif (rires). Il y a tellement de facteurs à prendre en compte ! Si je porte le bandeau durant mon travail, j’émets beaucoup d’ondes bêta. En revanche, lorsque je marche sous les plaques d’ acier en présence d’autres personnes qui observent, tout change. Vous êtes alors conscient que vous ne pouvez pas vous concentrer. En tant qu’ homme, vous partez toujours du principe que votre conscience demeure contrôlable, mais vous découvrez, avec cette installation, que ce n’est pas toujours le cas. Il y a des moments où vous pensez sincèrement être concentré mais l’installation indique le contraire. Et vice versa. Vous pensez être détendu, mais vous vous concentrez si fort pour vous détendre que vous générez seulement un point d’attention. Chez certaines personnes, un pic de concentration peut également provenir d’une émotion. En soi, ce scanner cérébral ne mesure évidemment aucune émotion. Par contre, en parlant d’un fait émotionnel, vous pouvez réfléchir si intensément que cela générera alors un pic d’attention. Tout dépend des spectateurs.
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Christoph de Boeck, Staalhemel, 2010 Š Christoph de Boeck
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À DÉCOUVRIR / Christoph De Boeck /entretien/
Jozefien Van Beek
Christoph de Boeck, Staalhemel, 2010 © Christoph de Boeck
À l’origine, vous vouliez restituer grâce à Staalhemel la manière selon laquelle une personne appréhende l’espace, ainsi que le sentiment qui en résulte. Votre ressenti, à un moment donné dans un espace, reste très subjectif. De plus, les véritables émotions primitives, presque animales, comme la peur, sont profondément ancrées dans votre cerveau. Vous ne pouvez pas concrètement les mesurer, vous ne mesurez que le cortex cérébral. Des recherches sont actuellement menées sur l’interprétation de ces données. Selon l’activité de l’hémisphère gauche ou droit du cerveau, des déductions s’opèrent sur le fait de ressentir plutôt des sensations de bonheur, ou de tristesse. Je n’ai pas encore intégré ce type d’interprétation dans mon travail. Comment est née la collaboration avec l’IMEC, la société qui a développé le bandeau ? J’avais l’idée d’associer les ondes cérébrales à la mise en forme acoustique d’un espace. Par hasard, j’ai lu un article dans un journal au sujet du bandeau de l’IMEC. Ils étaient déjà au travail sur un prototype sans fil et facile à porter. Le bandeau de l’IMEC est le premier à être aussi compact. Pour un scanner cérébral, vous devez généralement utiliser un gel pour obtenir un meilleur contact des électrodes avec votre peau. Ce n’ était évidemment pas envisageable pour Staalhemel. A-t-il été difficile de persuader l’IMEC de collaborer ? Pas vraiment. Pour la réputation d’une société telle que l’IMEC, il est important de contribuer à un projet artistique. L’IMEC Belgique développe des micro-processeurs et des algorithmes de programmation de circuits intégrés, autant dire une activité très discrète et peu « sexy » (rires), sans pouvoir en faire la moindre campagne publicitaire. Pour cette raison, ils étaient ravis de collaborer à cette initiative. Toute l’attention des médias s’est portée sur Staalhemel, et par ricochet a servi à leur promotion. Ce projet étant « médiagénique », il illustre d’une manière très accessible l’influence des nanotechnologies sur notre vie de tous les jours.
La technologie éveille la curiosité.
Cependant, la technologie n’ était pas l’unique intérêt dans cette collaboration, car celle-ci m’a permis d’attirer un public plus large et plus varié. En tant qu’artiste sonore et média, je travaille dans une niche. Mes projets sont la plupart du temps connus d’un public sélectif, spécialisé et critique en matière d’art. Là, beaucoup de personnes viennent voir l’œuvre alors qu’elles ne sont pas intéressées par l’art. La technologie éveille la curiosité.
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Mes œuvres concernent toujours la relation entre le spectateur et l’espace. Votre présence fait en sorte que l’espace soit réaménagé. Cette relation fait précisément la différence entre l’art sonore et l’art purement plastique. Les ondes sonores s’intègrent à l’espace, tout comme le spectateur. Vous pouvez par contre toujours objectiver un objet. Vous pouvez le placer devant vous, et l’étudier. Le son, par contre, vous entoure toujours. Vous ne pouvez pas lui faire face. Avec Time Code Matter, je voulais donner forme à cette relation érodée entre sujet et objet ; les massives plaques d’acier sont clairement présentes en tant qu’objet, mais l’atmosphère dans cet espace est déterminée par les sonorités issues du métal. Ces plaques ne sont pas seulement des objets suspendus. Leur son, les ondes acoustiques qu’elles produisent, revêtent une grande importance. Dans Staalhemel, le sujet fait face à une version grossie et objectivée de sa propre conscience. Si vous contemplez l’œuvre par en-dessous, vous ne voyez rien se produire. Il faut se placer au-dessus pour visualiser les petits marteaux qui frappent nerveusement les plaques d’acier.
Ce n’ était pas votre première œuvre à base de plaques d’acier. Vous les avez également utilisées dans Time Code Matter en 2005. Pour Staalhemel, j’ai choisi le matériau en fonction de l’analogie géométrique entre l’espace de l’installation et l’anatomie du crâne : la partie supérieure des deux espaces est remplie par un volume d’activités intenses, protégée par un matériau difficile à percer. L’acier reste impénétrable. Quant à la boîte crânienne, elle n’est pas spécialement dure, mais elle demeure relativement impénétrable, sa fonction étant de protéger le cerveau. De plus, j’aime la résonnance de l’acier. Si vous frappez un objet, le son de cet objet s’obtient par résonnance. L’acier a une très belle sonorité… Avec Time Code Matter, j’ai voulu pour la première fois créer quelque chose qui confronte le visiteur avec l’ existence de l’énergie acoustique. Douze plaques d’acier étaient suspendues, autour d’une sorte de hautparleur placé verticalement dans un cercle. Des caméras enregistraient la position des visiteurs. S’ils se rapprochaient d’une plaque, celle-ci se mettait à bouger. Les plaques d’acier étaient mises en mouvement via une onde acoustique.
Avec l’art sonore, et en particulier la spatialisation du son, je veux rendre observable une dynamique pourtant invisible. Cette observation véhicule une belle analogie energétique entre l’ énergie émise de nos cerveaux à l’échelle du microvolt. Les ondes sonores, tout comme les ondes cérébrales, constituent des processus invisibles qui définissent ensemble un espace.
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À DÉCOUVRIR / Christoph De Boeck /entretien/
Jozefien Van Beek
La relation entre l’homme et la technologie constitue un thème important dans toute votre œuvre. L’ ordinateur est un système de calcul objectivant, conçu par l’homme. Je trouve cette contradiction déjà intéressante en elle-même. Vous pouvez concevoir un système qui fonctionne à la perfection, mais dès qu’un facteur du contexte varie, le système doit pouvoir en tenir compte. Il faut alors envisager tous les facteurs possibles qu’un système puisse recevoir, sinon ce système s’avère imparfait. En ce sens, il existe toujours pour moi une zone de tension entre un système technologique et un système humain. Jusqu’ à quel point un système est-il humain, et dans quelle mesure est-il une machine ? Selon moi, rien n’est évident.
Christoph De Boeck, Staalhemel, 2010 © Christoph De Boeck
il existe toujours pour moi une zone de tension entre un système technologique et un système humain
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Le nom de votre collectif « DeepBlue » fait également référence à cette relation. Deep Blue était un superordinateur d’IBM, qui pouvait calculer tous les coups d’une partie d’ échecs. En outre, il disposait d’une bibliothèque et pouvait se référer à tous les coups possibles ayant été joués dans l’histoire des championnats d’échecs. En matière de connaissance et de capacités de calcul, l’ordinateur l’ emportera toujours sur l’homme. Et pourtant, Kasparov a réussi à battre Deep Blue. Nous avons choisi ce nom en raison de cette contradiction. Dans quelle mesure un système artificiel est-il intelligent ? Dans quelle mesure un système peut-il être considéré comme humain ? Et dans quelle mesure un homme est-il systématique ? Nos présentations se rapportent souvent à cette question : en quoi un homme est-il une machine ? Et dans quelle mesure une machine peut-elle être considérée humaine ? Quel est votre regard sur les questions éthiques qui se penchent sur les progrès scientifiques ? Elles ne m’intéressent pas, principalement parce que ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent, quelle que soit la nature de la technologie. Bien sûr, une nouvelle technologie peut aussi être utilisée à des fins immorales. Malgré tout, cette hypothèse ne peut être un obstacle à la recherche fondamentale et au développement de nouvelles applications, tout dépend des intentions du créateur, du développeur. Sur ce plan, j’adopte un point de vue plutôt scientifique. Depuis que Prométhée a volé le feu des dieux, acucun retour en arrière n’est possible.
Liens www.staalhemel.com
www.deepblue.be
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Is you Me, 2008 © André Cornelier
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À DÉCOUVRIR /regard sur /
Éric Legendre
Is You Me
Benoît Lachambre Louise Lecavalier Laurent Goldring Hahn Rowe
Is You Me s’apparente à un plongeon au cœur des préoccupations esthétiques et formelles de Benoît Lachambre, chorégraphe, danseur et enseignant qui œuvre depuis maintenant trente ans
La scénographie, d’un blanc immaculé, se déploie sur les plans horizontaux et verticaux. Le sol est prolongé par une paroi verticale en fond de scène, telle une rampe de skate-board. Cet espace se transforme en plusieurs surfaces sur lesquelles les deux danseurs évoluent, glissent, rampent, montent et descendent, en se cachant derrière, en longeant les arêtes et en dialoguant avec leurs ombres.
Présenté pour la première fois en mai 2008 lors du Festival TransAmériques (Montréal, Canada), le spectacle Is You Me a beaucoup tourné en Europe et en Asie – mais pas encore aux États-Unis ! Trois représentations montréalaises en avril – avant Ottawa en juin – permettent de [re]prendre la mesure des propositions de ce spectacle.
Laurent Goldring projette ses animations, ses esquisses. Toutes ses actions en direct s’effectuent via des capsules vidéo sur la totalité de l’espace scénique. L’unique source d’éclairage utilisée pour le spectacle provient du vidéoprojecteur, un procédé déjà exploré lors de collaborations précédentes (avec la chorégraphe Mathilde Monnier par exemple), mais proposée ici comme partie intégrante de l’œuvre. Goldring devient dès lors responsable, en plus des interventions et dessins qu’il propose à l’aide des outils qu’il utilise – tablette graphique, stylo numérique, logiciel –, des modulations d’éclairage et des atmosphères lumineuses, plongeant par moment la scène entière dans le blanc ou le noir le plus complet, griffonnant, effaçant, nuançant ou alors remplaçant certaines sections de ses dessins par une autre couleur.
Les deux danseurs Benoît Lachambre et Louise Lecavalier occupent la scène. Pourtant, Is You Me n’est pas un duo mais un quatuor – avec le plasticien Laurent Goldring et le musicien Hahn Rowe – lesquels bordent les marges du plateau de leurs présences discrètes. Leurs interventions révèlent des rapprochements et relations esthétiques habituellement réservés aux danseurs-chorégraphes entre eux.
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À DÉCOUVRIR /regard sur /
Éric Legendre
Hahn Rowe reste un musicien [trop] discret au regard de son considérable talent. Violoniste, guitariste et ingénieur de studio reconnu, il utilise ici des séquences sonores d’ambiance ou plus rythmées (basses, sons électroniques, cloches, pianos, voix) auxquelles il juxtapose parfois des interventions en direct jouées sur un violon, avec l’archet ou en pizzicato. Il a beaucoup composé pour la danse (pour Meg Stuart notamment) et semble particulièrement à l’aise avec les spécificités de ce type d’exécutions sonores et musicales. Moment entre autres saisissant, il réussit une superbe envolée lyrique, seul au violon, pendant que Lachambre et Lecavalier deviennent des formes mouvantes de couleur (orange et verte) qui déambulent à l’aveugle, couverts d’une capuche, comme des dessins/ombres transformés en figures humaines animées.
Les interventions et les échanges entre danseurs, compositeur et graphiste proviennent d’une écoute attentive et d’une véritable collaboration. Lachambre ayant préalablement travaillé avec chacun des membres du quatuor lors de productions précédentes, ce spectacle réunit ces quatre performeurs d’expérience pour la première fois ensemble. Et cette imbrication fonctionne à merveille. Le spectacle d’une soixantaine de minutes ne comprend aucun moment faible, plutôt des variations en intensité, tant visuelles que musicales, laissant – très adéquatement – un espace au spectateur et à l’imaginaire.
Benoît Lachambre et Louise Lecavalier poussent encore plus loin leurs affinités esthétiques et leur collaboration débutée lors du solo “I” is Memory en 2006 (conçu par Benoît Lachambre pour Louise Lecavalier). Dans cette nouvelle production, Lachambre accompagne cette fois Lecavalier sur scène. Les corps se rejoignent, se décomposent, s’étirent, se glissent dans des morceaux de survêtements (noir, blanc, vert, orange), se tortillent, se convulsent et se confondent, indissociables par moments. Les séquences solo ou en duo, les gestes et les mouvements corporels établissent progressivement les thématiques du spectacle liées à l’identité et à l’inconscient, à la fusion et à l’altérité. Les préoccupations de ce spectacle ne sont pas éloignées de la réflexion rimbaldienne du « je est un autre ». En effet si « je est un autre », alors « être » c’est logiquement toi et moi – Is You Me. Si Rimbaud formulait à propos de la création artistique une conception originale (en 1871), affirmant qu’il ne possédait pas ce qui s’exprimait en lui, alors comment les danseurs peuvent-ils évoluer aujourd’hui sur une scène, l’un et l’autre dansant [in]distinctement, communiquant et se répondant et ce, tout en demeurant soi-même ? En prenant pleinement conscience que le corps, individuel, est un catalyseur d’expériences et de sensations collectives ? Ce spectacle se pose comme une réponse possible à ces interrogations. Is you Me, 2008 © André Cornelier
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Biographies
Benoît Lachambre œuvre depuis plus de trente ans comme chorégraphe, interprète, improvisateur et enseignant. Il collabore pendant les années 1980 et 1990 avec Lynda Gaudreau, Felix Ruckert, Catherine Contour, Boris Charmatz, Sasha Waltz, Isabelle Schad, Meg Stuart, Marie Chouinard. Il fonde en 1996 sa compagnie Par B.L.eux, « B.L. » pour Benoît Lachambre et « eux » pour tous les autres créateurs avec qui il s’associe, principe au cœur de sa démarche artistique et professionnelle. Depuis 1996, une quinzaine de productions jalonnent déjà sa trajectoire en plus de multiples commandes et participations extérieures à la compagnie ainsi que lors d’ateliers de formation animés à travers le monde.
Louise Lecavalier est l’une des plus importantes danseuses de sa génération. Depuis 1977 et au cours de sa riche association avec la compagnie La La La Human Steps (de 1981 à 1999), elle marque d’une manière exceptionnelle et singulière tous les publics, collaborateurs et imaginaires qu’ elle croise. Elle fonde en 2006 sa propre compagnie Fou Glorieux, et accueille des collaborations notamment avec Cristal Pite, Tedd Robinson et Benoît Lachambre avec “I” is Memory (2006). Parmi les reconnaissances qu’on lui décerne – dont un prix Bessie (dès 1985) –, elle reçoit en 1999 le Jean A. Chalmers National Dance Award et en 2008 l’insigne d’Officier de l’Ordre du Canada, la plus haute distinction du pays.
www.parbleux.qc.ca
www.louiselecavalier.com
Is You Me (2008) Direction artistique : Benoît Lachambre Une création de Benoît Lachambre, Louise Lecavalier Laurent Goldring, Hahn Rowe. Interprètes : Benoît Lachambre et Louise Lecavalier. Costumes : Lim Seonoc Scénographie, éclairages et projections : Laurent Goldring Compositeur et musique en direct : Hahn Rowe Direction technique : Philippe Dupeyroux Assistante à la création : France Bruyère.
Laurent Goldring est photographe, cinéaste et vidéaste. Il interroge les spécificités de ces médiums, leurs jonctions et leurs apports réciproques. Également philosophe, depuis 1994, il aborde son travail de recherche et visuel avec de nombreux chorégraphes et danseurs (Germana Civera, Laurence Rondoni, Xavier Le Roy, Isabelle Schad) dans des oeuvres au carrefour de la sculpture, du portrait, de l’installation et des arts médiatiques. L’ âne et la bouche (1997) et RRR… (reading readings reading…) (2001), deux créations de Benoît Lachambre, précèdent cette plus récente collaboration.
Hahn Rowe est compositeur, DJ, ingénieur, producteur et multi-instrumentiste – guitare, violon, tables tournantes, électronique. Il navigue avec aisance entre les musiques rock, improvisées, drum’n’bass, électroniques et free. Compositeur de musiques autant pour la télévision, le cinéma (notamment Clean, Shaven (1993) de Lodge Kerridan) que la danse, il collabore régulièrement avec la chorégraphe Meg Stuart, notamment sur Forgeries, Love and Other Matters (2004), spectacle célébré et récompensé. Il est également récipiendaire de trois prix Bessie (en 1990, 2001 et 2006) pour ses compositions.
www.myspace.com/hahnrowe
Prochaines dates : 4 juin Festival Danse Canada (Ottawa, Canada) www.canadadance.ca
23 et 25 juillet Impulstanz (Vienne, Autriche) www.impulstanz.com
15 et 16 juin Festival Eurokaz (Zagreb, Croatie) www.eurokaz.hr
Production : Par B.L.eux ; coproduction : Théâtre de la Ville (Paris), MODAFE 2008 (Séoul), PACT Zollverein (Essen), CDC d’Aquitaine (Artigues-près-Bordeaux), Mercat de les Flors (Barcelone), Festival TransAmériques (Montréal), Fabbrica Europa (Florence), Usine C (Montréal). Diffusion : Latitudes Prod [www.latitudescontemporaines.com]
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DANS LES LIVRES
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DANS LES LIVRES
Ernst Gombrich - Didier Éribon Ce que nous dit l’image (entretiens sur l’art et la science) Éditions Cartouche, 2009 Réalisés au début des années 1990, cette série d’entretiens, réédités l’an dernier par les Éditions Cartouche, entre l’historien de l’art Ernst Gombrich – décédé en 2001 – et le philosophe Didier Éribon, se lisent aujourd’hui comme un document témoin d’une pensée d’avant le moment critique de la déconstruction. Comme une archive pour tout étudiant ou chercheur en histoire de l’art et des représentations visuelles. Un document qui balaie avec vivacité les débats et les controverses qui se sont joués, dans la première moitié du xxe siècle, entre les grands historiens de l’art, héritiers d’une tradition rationaliste et universaliste, héritiers d’une idée du progrès applicable à une histoire de l’art – occidental – qui se déroulerait de façon linéaire et évolutive. Et rien n’ est plus succulent, entre autres, que le récit enlevé et piquant de Gombrich dans ses désaccords philosophiques (néoplatonisme versus idée aristotélicienne), méthodologiques et interprétatifs avec les positions d’Erwin Panofsky sur le symbolisme de l’image visuelle. Trois moments composent ce recueil, dont un premier longuement consacré à la jeunesse viennoise de l’auteur à succès de L’Histoire de l’art, puis son installation à Londres, en 1936, où il est attaché à l’Institut Warburg (dont il deviendra le directeur en 1959). Là se révèle l’importance de ses années de
formation intellectuelle, où Gombrich insiste sur son double intérêt, littéraire et scientifique. Élève du médiéviste et historien de l’art autrichien Julius von Schlosser – qui défend l’exigence d’une histoire de l’art fondée sur le document, appuyée sur des études précises et scientifiques, et non plus portée par les « imprécisions » des « Belles Lettres » –, Ernst Gombrich développe son goût pour les sciences et affirme, surtout, des principes méthodologiques qui l’opposent à nombre de ses pairs, inscrits dans la tradition germanique de l’histoire de l’ art, c’est-à-dire à une conception essentialiste de celle-ci. On se souvient de l’assertion claquante de Gombrich : « L’ art n’existe pas. Seuls existent les artistes. » Il n’y a pas d’essence de l’art, mais des individus, mais des définitions mises en œuvre par les historiens. Ce qui est en jeu dans le travail de Gombrich, et que Didier Éribon interroge, c’est la création des images, leur fabrication dans un contexte social et culturel déterminé. L’ analyse des images – l’ œuvre, le cadre dans lequel elle s’inscrit – se scande en un processus en trois étapes : l’artiste crée une image ; l’artiste regarde si cette image est ressemblante ; l’artiste rectifie ce qui apparaît à ses yeux comme une erreur. Par rapport à quels critères ? Aux « schèmes d’une époque », répond Gombrich. D’où l’importance de les insérer dans toute recherche. Cette méthode, empruntée à Karl Popper – référence théorique principale pour l’auteur de The Sense of Order –, fonctionne comme une hypothèse à éprouver : « Un tableau est une hypothèse que nous testons en le regardant. »
Dans le dernier entretien qui s’articule autour de la notion de la « physiologie du goût », Ernst Gombrich se pose en critique virulent de ce qu’il nomme « la mode de la déconstruction » et de la tentation des sciences humaines de s’engouffrer dans un relativisme extrême. En filigrane, la contestation des modes opératoires que sous-tendent les démarches post-modernes qui alors s’imposent dans le champ des sciences humaines. En poppérien qu’il resta, Gombrich s’affirme dans une « logique de situation » où toute théorie peut être réfutée par l’analyse de documents, de signes, mais jamais prouvée. Ainsi de l’art dont il reste à tester qu’il a une histoire. Marjorie Micucci
JOHAN SWINNEN (Ed.) Anders zichtbaar (Une autre vision) VUBPRESS, 2009 Cet ouvrage, rédigé par l’historien de l’art et photographe Johan Swinnen (Vrije Université de Bruxelles), présente une vision synthétique des thèmes universels mais très hétérogènes que sont l’humanisme et le sens de la vie. Ce livre fournit au lecteur un regard kaléidoscopique sur l’évolution culturelle et languagière liée aux images. De l’ existentialisme visuel de Michelangelo Antonioni jusqu’au nomadisme de l’ œuvre d’Agnès Varda, de l’archéologie aux nouvelles interfaces médiatiques, tous les grands artistes sont passés en revue, et ce dans un style d’écriture fluide et vivant. Les réflexions philosophiques et artistiques s’entremêlent sans transition lorsque sont abordés les rapports complexes entre l’individu et la société. À l’évidence, ce volume constitue un ouvrage de référence sur la culture de l’image. Tom de Mette
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DANS LES LIVRES
Stephen Wilson Art+Science Thames & Hudson, 2010 Destiné au grand public, cet ouvrage se présente a priori comme un résumé en images de l’ouvrage majeur publié par le même Stephen Wilson en 2002 et intitulé Information Arts (MIT Press). Couvrant tous les domaines artistiques, Art+science fait office de panorama actuel de ces pratiques hybrides qui conjuguent art, science et technologie. Une partie importante de l’ouvrage est consacrée à l’art biologique. Si l’on peut saluer la traduction en français, l’effort de vulgarisation et la présentation d’œuvres récentes (la majorité du corpus est postérieure à 2000), on ne peut que regretter l’extrême simplification du propos. Parfois très complexes, les démarches d’artistes et de scientifiques sont réduites à quelques lignes descriptives et l’ancrage historique des différents domaines abordés est à peine évoqué. Un ouvrage en forme d’introduction aux ressources en ligne indiquées en annexe. Clarisse Bardiot
Vangelis Athanassopoulos La Publicité dans l’art contemporain tome I Esthétique et postmodernisme Tome II Spécularité et économie politique du regard Éditions L’Harmattan, 2009 Vangelis Athanassopoulos analyse en un spectre large les « liaisons dangereuses » qui se sont nouées entre l’art et les formes publicitaires. Le premier tome de cet ouvrage met en perspective historique les « esthétiques » artistiques et publicitaires qui se constituent au xxe siècle. Le deuxième tente, en prolongement, de définir la position des regards spectateur et consommateur. L’ auteur inscrit sa réflexion dans la triple « révolution » de ce moment contemporain de l’art et de la société capitaliste post-moderne. En premier, la « perte de l’aura » de l’œuvre d’art et sa reproductibilité, selon les termes de Benjamin. En second, l’amplification des phases d’esthétisation des supports de diffusion liés au langage et au discours publicitaires dans une économie « marchandise » et hautement consumériste. En dernier, la dématérialisation des œuvres produites dans un monde réifié et spectaculaire. L’ouvrage décrypte le statut de l’image, ses modalités de production, de diffusion et son impact discursif dans ce contexte. À partir de ce qu’il définit comme les limites atteintes par l’art conceptuel des années 60-70, au travers, notamment, des œuvres slogans réalisés par Barbara Kruger ou des
aphorismes de Jenny Holzer. À partir, également, pour les années 80, des figures « post-warholiennes » d’ artistes qualifiés de « publicitaires » tels Jeff Koons. L’auteur se penche aussi sur la reformulation de la notion d’ esthétique de l’image dans ces démarches informatives de séduction du consommateur. Il décortique également les assimilations de la sphère artistique, c’est-à-dire les manipulations référentielles de l’histoire de l’art, notamment celles des avant-gardes, de Kurt Schwitters ou Raoul Haussmann à Rodtchenko. Vangelis Athanassopoulos montre comment l’art, et l’art conceptuel surtout, a aussi utilisé les langages, les méthodes de l’information dans le processus artistique jusqu’aux attitudes extrêmes d’un Philippe Cazal ou d’un Philippe Thomas. Ce dernier fonde en 1987 l’agence « Les ready-made » appartiennent à tout le monde. Ainsi, la publicité, ses lieux, ses acteurs deviennent art. Ces deux tomes articulent les croisements, les interpénétrations entre art et publicité qui engagent une autre « économie » du regard.
Gagarin Revue semestrielle publiée par GAGA vzw En tant qu’artiste, trouver un forum adapté pour partager son travail avec d’autres est souvent un parcours du combattant. Sauf si le hasard est au rendez-vous. Par bonheur, Gagarin donne aux artistes ce petit coup de pouce. Il s’agit d’un périodique entièrement consacré à la publication de textes originaux d’artistes plastiques contemporains. C’est une initiative de l’asbl GAGA, en collaboration avec le Research Centre for Artists’ Publications / Archive for small Press & Communication (ASPC) du Neues Museum Weserburg de Brême (Allemagne). Bref, Gagarin est censée permettre la découverte de l’environnement rhétorique des artistes. Dommage que ces espaces langagiers constituent un entrelacs, un pêle-mêle de « chaos discourses » fragmentaires. Tom de Mette
Marjorie Micucci Editions L’Harmattan www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig =catalogue&obj=livre&no=30228 revue : protheus.net www.revue-proteus.net
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DANS LES LIVRES
Christa Sommerer Laurent Mignonneau Interactive Art Research Wien, New York, Springer Verlag, 2009.
Chris Salter (foreword by Peter Sellars) Entangled. Technology and the Transformation of Performance The MIT Press, Cambridge (MA), 2010
Richement illustré, accompagné d’un DVD, l’ouvrage se situe entre le « beau livre » et le livre universitaire. Ce qui frappe dans la création de Sommerer et Mignonneau est certes l’étendue et la rigueur de leurs recherches mais surtout la qualité sensible de l’expérience esthétique proposée au public, au fond plus proche de l’imaginaire onirique de l’enfance que de la rationalité scientifique.
Comment les technologies ont-elles transformé les pratiques des arts de la scène aux XXe et XXIe siècles ? Comment la performance, à la fois comme méthode et comme pratique, peut-elle être explorée au travers d’un large éventail de champs artistiques ? Comment ces pratiques ont-elles développé des histoires communes malgré les frontières entre disciplines ? Pour répondre à ces questions, Chris Salter divise son ouvrage en chapitres thématiques (scène/machine, scénographie, architecture performative, image projetée, son, corps, machines/mécanismes et interaction) offrant des allers-retours constants entre des réalisations historiques et des pratiques actuelles. Plutôt que de se consacrer uniquement au numérique, il s’intéresse également à « l’âge mécanique », c’est-à-dire aux avant-gardes européennes du début du XXe siècle. Il englobe ainsi ces démarches dans un même mouvement. L’ ouvrage, riche en exemples et en références, est judicieusement accompagné d’un glossaire des termes techniques employés et d’un système de renvois (en plus d’un index) qui invite à de multiples chemins de lecture.
Annick Bureaud
Clarisse Bardiot
En 1992, Christa Sommerer et Laurent Mignonneau créent une œuvre majeure : Interactive Plant Growing. Cette installation interactive de vie artificielle, qui n’a cessé d’être exposée depuis, associe l’humain dans une relation au vivant non humain et à l’artificiel numérique. C’était il y a près de 20 ans, le temps d’élaborer et de construire un ensemble d’œuvres que documente ce livre monographique réunissant des textes de théoriciens, historiens et critiques d’art parmi lesquels Peter Weibel, Florence de Mèredieu, Machiko Kusahara et la description-présentation par les artistes eux-mêmes de 23 de leurs créations.
Parallellepipeda Catalogue d’exposition, 2010 L’ exposition Parallellepipeda s’est construite à partir d’un projet de recherche (IvOK et Museum M, à Louvain). Il s’agit d’une étude en médecine nucléaire et en hérédité humaine, dans laquelle les scientifiques comme les artistes explorent le domaine de l’autre. Le résultat, une série de rencontres (ou plutôt, d’expériences) nées et développées dans le laboratoire commun de l’art et de la culture : une sorte de cerveau créatif. Une question en constitue le fil rouge : la créativité est-elle scientifique et donc mesurable, ou plutôt artistique et donc concevable ? Bien qu’elles soient assez académiques, les expériences de Parallellepipeda montrent dans chacun des cas que la science et l’art se chevauchent, là où généralement les images nous laissent sans voix. Tom de Mette
George Gessert Green Light : Toward an Art of Evolution The MIT Press, Cambridge (MA), 2010 L’art biologique a pour caractéristique de travailler avec des organismes vivants. Dans ce livre présenté sous forme de notes, l’artiste George Gessert aborde ce nouveau champ artistique non pas via les implications sociales et politiques qu’il suscite généralement, mais à travers des considérations esthétiques, en se basant notamment sur les écrits de Hans Gumbrecht. Il analyse essentiellement les plantes, plutôt que les animaux, car il s’agit du domaine dans lequel George Gessert exerce son art depuis de longues années. Par ailleurs, les végétaux sont les organismes vivants les plus domestiqués au cours de l’histoire comme en témoignent les plantes ornementales qui peuplent nos jardins. La question de la domestication comme démarche artistique traverse l’ensemble de cet ouvrage remarquable. Une démarche qui remet en cause nombre d’a priori sur la biodiversité ou sur ce qui relèverait d’une nature prétendument sauvage. Clarisse Bardiot
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TRANSDIGITAL
TechnocITé
Le Manège Mons Maubeuge
Le Fresnoy studio national
Tout au long de la revue, vous trouverez des petits carrés noirs : les datamatrix. Vous pouvez scanner ces codes-barres 2D à l’aide de l’appareil photo disponible sur votre téléphone portable. Grâce à la connexion internet de votre mobile, vous accédez alors aux liens. La plupart de ces codes vous renvoient directement au site internet, soit de l’entreprise, soit de l’artiste ou du chercheur.
Latitudes Contemporaines
Elles vous permettent également d’accéder à de multiples informations complémentaires. Il ne vous reste plus qu’à télécharger une application gratuite pour lire ces codes sur votre téléphone mobile ou vous rendre sur http://qrcode.kaywa.com
Kustencentrum Vooruit
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STEREOGRAPH
NeuroTV
R.F.ID
Bing Map 3D
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Acapela
Numediart
À la recherche de la poule aux œufs d’or
quand l’UCL sort de ses labos
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Kris Verdonck
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SÉBASTIEN RÉMy
Matthieu Adrien Davy de Virville
Christoph De Boeck
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Abonnez-vous à Transdigital Bon de commande à renvoyer à : Revue Transdigital CookBook Le Manège Mons Carré des Arts-Rue des Sœurs Noires, 4a BE-7000 Mons Tarif pour le numéro annuel Frais de port
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