Jack Vaughn tome 1: La Morte au Bois Dormant – Le Prince Charmant – Auteur : Cédric Barthel CHAPITRE 1 Le prince charmant J'étais debout devant la fenêtre de la chambre de mon studio miteux. Une cuisine, une sale de bain et cette chambre le composaient – il se trouvait dans le quartier en ruine, pas les moyens et pas le besoin de vivre mieux. Je regardai l'horizon s'éclaircir à la lumière du soleil levant, ce ciel rosé rejetant les ombres des bâtiments en ruines sur le sol comme les fantômes du passé. Quand je sentis une larme monter – larme sans rapport aucun avec ce spectacle, ou du moins qu'en partie – je fis volte-face pour poser mon regard sur le lit. Dans celui-ci se trouvait une femme, complètement nue. Les premiers rayons du soleil donnaient à ses cheveux bruns une brillance surnaturelle, sûrement parce que lesdits cheveux n'étaient en fait qu'une perruque. Je m'approchai de mon bureau lorsque je réalisai qu'elle était réveillée. J'attrapai mon portefeuille et en sortis une liasse de billet. − Prends tes 500 Drills et tire-toi, lui dis-je. Elle se leva et dévoila un corps qui ne resterait pas dans ma mémoire plus de cinq minutes après son départ. Des fesses trop plates, des seins absents. Elle passa ses vêtements en vitesse avant de prendre les billets et sortir, me jetant un dernier regard de ses yeux vides. Je reposai le portefeuille et l'échangeai contre la bouteille de whisky qui se trouvait à côté, puis portai directement la bouteille à ma bouche. J'avais commencé à boire pour oublier – pour les oublier, elle et ma mort. Au début, l'alcool me rendait encore plus déprimé puis il finit par devenir comme de l'eau, probablement à cause de ma perte d'activité cérébrale « physique ». Quand je compris que l'alcool n'aiderait pas, je suis tombé dans un état encore plus lamentable en tentant les putes. À la base, elles n'étaient qu'un vide couille banal – jusqu'à ce que mon corps ne produise plus de sperme du moins. Mais dès la première, je réalisai que je ne pouvais pas l'oublier et que c'était elle que je voyais pendant qu'on s'envoyait en l'air – même si les putes sont en général moins douées qu'elle, paradoxal non ? Sachant que c'est leur boulot. Alors j'ai poussé le vice, leur ai demandé de porter une perruque si elle n'était pas brune et de se comporter comme elle le faisait. Aujourd'hui, je vis dans ce studio minable, je bois de l'alcool à toute heure de la journée – dont le petit-déjeuner – et je me tape des putes toutes les nuits – une différente à chaque fois, versant une larme chaque matin, avant que mon système lacrymal ne s'éteigne aussi. Mais elle est encore là. Je suis flic. On ne dirait pas quand on voit ma gueule de dépressif, pas rasé mal coiffé, mais c'est pourtant bien le cas. En plus, je suis un flic assez spécial. Je fais partis d'une brigade qui s'occupe exclusivement des éléments magiques et surnaturels. Depuis qu'un démon surpuissant est venu foutre le boxon sur terre dix ans plus tôt, créant ainsi ce que l'on appelle la Guerre Démoniaque, il faut dire que beaucoup de choses ont changé. Quand la Guerre Démoniaque a commencée, les humains et leurs joujoux militaires se sont fait pas mal démolir, alors pour nous aider à le combattre, lui et ses sbires – les mini-démons – toutes sortes de créatures que l'on pensait mythiques jusqu'à ce jour sont sortis de leurs tanières pour se montrer au grand jour. Loups, fées, elfes, leprechauns, vampires et autres lilliputiens. Du coup, de nouvelles lois ont été votées pour permettre à nos nouveaux alliés de rester vivre dans le monde de la lumière. Avec ces nouvelles lois, de nouveaux services de police, dont je fais parti. Nous ne sommes pas très nombreux, mais on s'en sort. Je fais équipe avec ce que je peux qualifier de meilleur ami et sa sœur, ça sert pour les boulots d'équipe de s'entendre avec ses coéquipiers. Je regardai l'heure, pris une autre gorgée de whisky et attrapai mon manteau. Tous les
Jack Vaughn tome 1: La Morte au Bois Dormant – Le Prince Charmant – Auteur : Cédric Barthel matins, avant de se rendre au Bureau, on se retrouvait sur la terrasse d'un café. Quand j'arrivai, Luke et sa sœur Sunny étaient déjà assis à une table. Luke était très différent de moi avec son look à la Fox Mulder, propre sur lui. Quand on était ensemble, cela faisait typiquement bad cop/good cop. Faut dire que c'était un peu vrai, mais c'est juste qu'il ne faut pas me faire chier. Sunny, elle, était une superbe fille. De blonds cheveux et des yeux bleus comme le ciel, un visage attendrissant et un corps très tentant, une sorte de beauté sexuellement angélique. Elle en pinçait pour moi parait-il, Luke me l'a dit une fois, si ça lui passait le temps, pourquoi pas. Je m'assis à leur côté après les avoir salués. − Tu pues le whisky, me fit Luke. − Pas encore habitué ? − C'est toi qui devrais perdre cette habitude. Ça fait deux ans... − Deux ans et trois mois, le coupai-je. Sunny était toujours silencieuse. − Tu devrais tourner la page Jack. − Je le ferai... quand on sera ensemble je tournerai la page avec elle dans l'histoire, en attendant, je laisse le marque-page. − Ce n’est pas prêt d'arriver alors, murmura Sunny. Je ne relevai pas cette remarque. Après tout, elle avait raison, ce n’était pas prêt d'arriver. Préférant orienter la conversation vers autre chose je dis : − Vos soirées étaient comment ? − Ensemble, me répondit Luke. − Oh, mais c'est dégueulasse. C'est de l'inceste mes enfants ! − On bossait ! On a été appelé pour un tapage, corrigea Sunny. − Eux par contre c'était dégueulasse... C'était trois garous qui s'envoyaient en l'air et qui hurlaient trop à la lune pour leur voisin. Le truc crade, c'était que seulement deux d'entre eux étaient en loup, l'autre, une nana, était toujours humaine... − Et oui, le monde n'est pas beau, ironisai-je. Je ne buvais jamais rien le matin sur cette terrasse. Mon petit-déjeuner entier ne se limitait qu'à mon Whisky au réveil. Leurs verres finis, nous nous levâmes et allions au Bureau. Le Bureau. Juste le Bureau. Pas de Bureau des Affaires Étranges ou d'autres noms de ce genre. C'était juste le bureau. Un étage entier du commissariat de police de la ville complètement rempli de gens qui prônaient la justice, ou presque. Notre chef de section, Amanda, avait son bureau tout au bout d'un long couloir. À droite de sa porte, perpendiculairement, se trouvait une pièce où se trouvaient nos bureaux à nous. En arrivant, nous allions toujours voir Amanda en premier, au cas où une affaire sympa s'était présentée, puis nous nous rendions dans notre pièce. Amanda était assise derrière son bureau, toujours classe et autoritaire dans son apparence avec ses cheveux blond coiffés en chignon. Son apparence me disait autre chose aussi... c'était un couguar. Et dans les deux sens, propre comme figuré. Elle était métamorphe. Devant elle se trouvait tout un tas de paperasses indescriptibles. − Vous voilà enfin, nous fit-elle dès notre arrivée restant assise sur ses fesses. − Je vous ai pourtant proposé de passer la nuit avec moi, non ? répondis-je. − On a une affaire. Un cadavre de jeune femme. − Humaine ? coupa Sunny.
Jack Vaughn tome 1: La Morte au Bois Dormant – Le Prince Charmant – Auteur : Cédric Barthel − Humaine, confirma Amanda. − Alors pourquoi nous ? Coupai-je. − J'y viens ! Laura Près, 22 ans. C'est arrivé cette nuit, c'était sanglant. Elle a été retrouvée ce matin dans une ruelle du quartier en ruine B, elle était encore habillée mais il lui manquait le bras droit. Aucun homme normal ne peut faire ça, si ? (Rhétorique la question) Et on n’a pas de trace de sang non plus. On a un témoin oculaire... mais il n'est pas crédible, de plus, c'est lui qui nous a appelés. L'autopsie est en cours. Luke et Sunny, allez voir le légiste. Jack, va voir le témoin. (Elle me tendit un dossier, sûrement celui contenant ce premier interrogatoire si peu crédible). − Bien, fit Luke. Je ne répondis rien, me contentant de sortir de son bureau pour aller à la salle d'interrogatoire à l'autre bout du couloir. Sur le chemin de la petite pièce, je repensai à ce qui était arrivé à la fille. Je pensai à son bras droit manquant. Luke et Sunny pourront me dire s'il a été arraché ou coupé. C'était un élément important. Toutes sortes de créature me passaient dans la tête, goule, wendigo, loup-garou, alcoolo armé d'une hache, un camion qui n'a pas vu son bras tendu alors qu'elle faisait du stop... On verrait bien. J'arrivai devant la porte et l'ouvrai violemment. À l’intérieur se trouvait un jeune homme effrayé habillé à la mode gansta-rap vielle de l'avant-guerre. Je le regardai longuement sans dire un mot et l'attrapai par le bras. − Viens avec moi. − Mais... Où vous m'emmenez, ce n’est pas moi le tueur ! Je suis le témoin ! − Y a trop souvent des gens qui espionne derrière cette glace, tu vois. C'est pas mon genre le voyeurisme. C'est pas mon genre ! m'exclamai-je plus fort vers le miroir. Je sortais de la salle en tirant mon témoin par le bras, appuyant assez fort pour que la peur l'atteigne un peu.. Arrivé dans mon bureau, je lui ordonnai de poser ses fesses sur la chaise qui faisait face à ma place, m'asseyant à mon tour sur la mienne. Je gardai le silence, le fixant simplement, attendant que, affolé, il me demande encore une fois pourquoi on faisait ça ici ou qui j'étais. Il le fit assez rapidement. − Qui... qui êtes-vous ? − Agent Vaughn. Mais appelle-moi Jack si tu veux. Ma patronne pense que tu n'es pas crédible. Je n'en dis pas plus, attrapant le dossier qu'Amanda m'avait donné plus tôt et commençant à le feuilleter. Une fois fini, je relevai la tête, surpris que le témoin n'avait pas commencé à me dire qu'il ne mentait pas. − Et moi non plus, continuai-je. Alors, comme je n'ai pas de temps à perdre, tu vas me dire la vérité en premier et si après t'as envie de t'amuser à te créer une petite vie magique dans ton royaume enchanté, c'est ton problème, d'accord ? − Oui... − Qu'est-ce que tu as vu ? − Un... un loup-garou. En fait, j'ai vu un couple. Il marchait dans la rue et le mec, arrivé à l'endroit de la ruelle a poussé la fille dedans. Alors je suis allé voir si elle avait besoin d'aide et j'ai vu le mec se transformer avant de l'attaquer sauvagement ! Il lui a bouffé le bide et arraché le bras ! C'était bien ce qu'il avait dit la première fois, alors sans répondre, je pris mon téléphone. − Luke ? − Ouais ?
Jack Vaughn tome 1: La Morte au Bois Dormant – Le Prince Charmant – Auteur : Cédric Barthel − Est-ce que, la victime s'est fait « bouffer le bide » ? Est-ce que les blessures laissent penser à un loup-garou ? Je fus satisfait que le témoin n'eut pas pu entendre la réponse, car j'ai ainsi pu faire monter la tension en le fixant après avoir raccroché. Il allait faire dans son froc, devenu blanc comme neige. Je pris encore mon temps, sorti une petite bouteille de whisky de mon tiroir et bu en le fixant. Je remis la bouteille à sa place avant de reprendre la parole. − Tu crois que je vais gober qu'un minable comme toi ait voulu aider une personne en danger ? − Bah... pourquoi, je ne suis pas une poule... − Si ! Regarde-toi, tu es blanc comme le cul d'un nouveau né. Tu vas chier dans ton froc juste sous mon regard. − Mais c'est parce que c'était un garou que j'ai préféré ne pas m'interposer... − Ce n'était pas un loup-garou. Après cette révélation, il était obligé de me dire la vérité. Enfin, après mes menaces de le foutre en taule après lui avoir redessiné le portrait. Direction le bureau du couguar pour le rapport de l'interrogatoire. Luke et Sunny se trouvaient déjà dans le bureau de la patronne. Après avoir donné mes trouvailles et les leurs, nous irions sur les lieux du crime pour voir si les flics qui ont été sur les lieux plus tôt n'avaient rien loupé car en plus de ne pas faire parti de notre section spéciale, ils étaient plutôt cons dans notre commissariat. − Alors ? Amanda s'était levé à mon arrivée, que d'honneur. − Il n'a rien vu. En fait, il était en train de pisser dans la ruelle d'à côté quand il a entendu des cris. Il s'est planqué dans une benne pendant plus de deux heures entières avant d'aller voir. Il a trouvé le corps déjà découpé et a appelé les flics. − Donc on n’a rien avec celui-là... fit-elle déçue. − Non. Mais même là il mentait... je crois qu'il faisait autre chose que pisser avec sa main et sa queue. − Très intéressant, fit-elle. Luke ? − Voici le rapport d'autopsie de Zsaz. Zsaz était le légiste du service. Il avait un doctorat dans les sciences occultes qui lui étaient très utiles pour les cadavres qu'on lui donnait. C'était aussi l'un de mes rares amis avec Luke et Sunny et un vieux type extrêmement sympa. Luke tendit un dossier beige à Amanda. Elle l'ouvrit et lu en silence avant de relever la tête encore plus déçue. Pauvre de nous, elle allait être très stressée par cette affaire et on allait le sentir quand elle serait chiante avec nous. − Pas de viol, pas de trace de lutte, pas de drogue dans le corps, pas de trace d'ADN, pas de poils... juste un bras coupé... à la scie. − Oui... fit Luke. On peut écarter le loup, le wendigo et le zombie. En fait on peut écarter pas mal de créatures... − Mais il en reste toujours de suspectable, ajouta Sunny. − Y compris l'homme normal... fis-je. On refile l'affaire aux autres ? − Non ! Je suis sûre qu'il y a autre chose, fit Amanda. Il faudrait qu'on lance un appel à témoin ou que vous en trouviez un pendant que vous cherchez d'autres indices là-bas. − Ça pourrait être utile, dis-je. − Des parents qui vivent dans les quartiers reconstruits, fit Luke.
Jack Vaughn tome 1: La Morte au Bois Dormant – Le Prince Charmant – Auteur : Cédric Barthel − Bon. Va falloir les prévenir et enquêter, savoir si elle avait des ennemis, si... − On connaît notre boulot vous savez, la coupai-je encore une fois. − Alors qu'est-ce que vous faites encore là ?! Je lus du désir dans ses yeux. Damnation ! Nous tournions les talons. Sunny et moi allâmes sur les lieux du crime, Luke allait seul parler aux parents, j'étais trop « direct » m'avait dit Amanda. Elle avait sûrement peur que je manque de tact au moment de leur dire que leur fille était crevée un bras en moins dans les quartiers malfamés de la ville. C'était le cas après tout non ? Sunny était craquante au volant de sa Coccinelle bleu. Si mon cœur n'était pas brisé en mille morceaux puis pétrifié et si chacun de ces morceaux n'appartenait pas à une autre, j'aurais presque pu tomber sous son charme et sous ses tentatives de drague, si bien qu'elle m'en ait fait. Mais je n'en étais pas là et ne le serai jamais. Elle avait vingt ans seulement. Elle portait un jeans délavé et un débardeur rose tout à fait banal, mais elle était craquante, car c'est son visage qui irradiait de beauté. Sexuellement angélique, rappelez-vous. − Jack, on y est... Elle gara la voiture à l'entrée de la ruelle. Je n'avais pas le permis et je pensais que ce serait inutile pour moi de l'avoir dans un monde en ruine. D'autant plus que par moments, mes jambes perdaient de leur force et que je tombais sans raison, alors sur une pédale de frein, elles seraient dangereuses. Je quittai la voiture et passai le premier dans la ruelle sombre malgré le grand jour. Les ruines de celle-ci étaient encore suffisamment hautes pour cacher les rayons rassurant du soleil. Deux immeubles encore entiers se trouvaient à ma gauche et à ma droite et la ruelle finissait sur un cul-de-sac, un mur de trois mètres au moins nous bloquant le passage. − J'aurai dû m'occuper de l'interrogatoire, fis-je. − Pourquoi ? Tu crois que mon frère n'est pas capable de s'en charger. Je gardai le silence. − Tu crois qu'il ne peut pas s'en charger ?! Insista-t-elle. − J'aurai simplement voulu m'en charger. Avec moi y aurait pas eu de secret. Et y a des questions auquel je voudrai des réponses auxquelles ton frère ne pensera peut-être pas. − Lesquelles ? − Qu'est-ce qu'une fille de vingt-deux ans des quartiers reconstruits se baladait ici en pleine nuit ? − Mon frère pensera à ça ! Et il n'y a pas de sang, alors peut-être qu'elle n'y est même jamais venue. Je gardai le silence. Encore. − Mon frère pensera à ça je te dis ! − Oui. Il y pensera. Mais j'ai quand même envie de l'appeler pour lui proposer cette question. Elle leva les yeux au ciel et passa devant moi, lançant flotter son doux parfum à mes narines. Nous continuions en silence l'ascension dans la ruelle. Je commençai à douter de ce que Luke me disait par rapport aux sentiments de Sunny, elle ne pouvait pas craquer pour moi. Même son amitié était surprenante à vrai dire. − Regarde, me fit-elle en me faisant signe de venir. Elle était déjà au bout de la ruelle au pied du mur sur lequel se trouvait un graffiti disant : « Si t'aimes les Succubes, prends ton pied avec moi chéri ! ». Sunny était penché en avant et semblait
Jack Vaughn tome 1: La Morte au Bois Dormant – Le Prince Charmant – Auteur : Cédric Barthel être intéressée par quelque chose de fabuleux. Des deux côtés de mon chemin se trouvaient un tas de benne et d'ordure. Quand j'arrivai au niveau de Sunny – son parfum était maintenant masqué par une odeur de pisse et de cadavre – je me penchai à mon tour. − Qu'est-ce que je dois voir ? − Là, regarde. Son doigt pointait le sol. Puis je vis quelque chose briller. Un pendentif. − Tu crois que c'est à elle, fit Sunny. − C'était, fis-je le ramassant. − Mais putain ! Et les gants ! Tu vas mettre tes empreintes partout ! Je me contentai de la regarder d'un air ennuyé. Même si mon esprit était plutôt amusé. Le pendentif était un cœur en argent. Légèrement bombé. Je l'approchai de mon visage pour y déceler quelque chose de spécial, inscriptions, rayures, trous... mais rien. Je le fourrai dans ma poche. − On fera vérifier les empruntes. − Oui, en espérant qu'ils trouvent plus que les tiennes dessus ! Je baissai la tête et cherchai d'autres indices, le plus évident était celui déjà cité par Amanda, le crime n'avait pas eu lieu ici. Pas une seule goutte de sang ne laissait présager qu'une femme s'était fait amputer d'un bras ici. J'étais penché en avant quand j'entendis une porte s'ouvrir. Je me redressai et vis une jeune femme sortir d'une porte d'un des immeubles de gauche avec deux sacs poubelles. − Bonjour, lançai-je. − Bonjour. Sunny ne dit rien, lançant un regard froid – jaloux – à la jeune femme. − Vous travaillez dans ce bar ? − Oui. Je suis serveuse. Ma jolie équipière blonde était toujours silencieuse. − Vous travailliez hier soir ? − C'est un bar humain, on ferme à 20 heures... − Bon sang... des bars qui ferment à 20 heures... fis-je dépité. Vous vous appelez ? − Candy. Elle se décida à jeter les deux sacs qu'elle tenait encore dans une des bennes puis se tourna vers moi et me tendis la main. − Vous êtes de la police ? − Oui. Je suis l'agent Jack Vaughn et voici Suzanne Valentine, dite Sunny. − Sunny ? Pas Suzy ou je ne sais pas quoi ? s'étonna Candy. − Non. Sunny, parce que c'est note rayon de soleil. J'ignore comment Candy interpréta mon sourire, mais je ne pense pas qu'elle y ait vu un sarcasme. Sunny était vraiment notre rayon de soleil, quand on voit des filles amputées retrouvées dans la rue, des décapitations dues à des monstres sanguinaires, on aime avoir notre Sunny pleine d'innocence et de naïveté pour nous rappeler qu'il y en a encore et que c'est pour eux qu'on bosse, pour les protéger. Rayon-de-soleil de son côté, dérangée par je-ne-sais-quoi – surement ma remarque au sujet de son surnom – s'éloigna de nous pour retourner près de la voiture. Jalouse ? Attirée par Candy plutôt, pensai-je. Cette fois mon sourire faillit se transformer en rire et Candy le remarqua. − Qu'est-ce qu'il se passe ? − Rien. Est-ce que vous seriez disponible pour répondre à quelques questions prochainement ?
Jack Vaughn tome 1: La Morte au Bois Dormant – Le Prince Charmant – Auteur : Cédric Barthel − Bien sûr. − À bientôt alors. Je plaçai mon index et mon majeur sur mon front en guise d'au revoir et rejoignais Sunny. Sans rien dire, je montai dans la voiture et elle fit de même. Le trajet fut silencieux et monotone. J'avais envie de savoir ce que Luke avait réussi à avoir des parents... mais j'étais déjà presque sûr du résultat. Dans le bureau d'Amanda... il n'y avait pas d'Amanda – zut alors. Alors nous étions tous là à l'attendre, moi assis dans son siège derrière son bureau et les pieds sur la table, Luke assit sur le bureau et Sunny en face, dans un des sièges visiteur. Le bureau qu'Amanda occupait faisait deux à trois fois la taille du nôtre que nous occupions à trois. Que voulez-vous, c'est le chef. La patronne. La présidente ! Bref, chacun sa place. J'étais concentré sur la porte, me demandant quand le couguar allait enfin se décider à se pointer quand, trop impatient d'en savoir plus sur l'interrogatoire de Luke je me décidai moi, à lui demander. − Luke... rapport. Luke sourit à mon imitation du couguar mais répondit. − Elle était étudiante, avait des amis très bien et n'avait pas de petit copain. Elle n'avait pas d'ennemis connus des parents et n'avait pas un comportement qui risquait de lui en créer. Bref, la parfaite petite fille à son papa qui s'est fait descendre. − Oh, Luke, un peu de respect, fis-je à peine crédible. Est-ce que tu leur as demandé ce qu'elle pouvait foutre dans ce quartier en ruine ? − Ouais. Mais comme tu t'en doutes, ils n'en savent rien. La gentille petite fille à son papa était en fait une admirable menteuse et peut-être même un peu salope sur les bords. J'évitai de déballer mon hypothèse aux autres... pour le moment. Luke remarqua mon regard hagard et m'en jeta un interrogateur. Auquel je ne répondis pas. La porte du bureau s'ouvrit et Luke et Sunny se levèrent en vitesse. Je restai assis. − Jack Vaughn... Je ne me souviens pas du jour où on a échangé nos bureaux. − Oh, pourtant je l'ai marqué d'une croix blanche sur le sol de ma chambre. Elle s'approcha du bureau et je finis par me lever. Une fois assise à la place qu'il lui était soit disant due, elle se tourna vers nous. − Alors, qu'est-ce qu'on a ? Sunny fit un pas en avant. − Sur le lieu du crime, pas grand-chose. On a cependant retrouvé un pendentif en argent représentant un cœur qui est au labo en ce moment pour se faire prendre les empreintes... Elle me jeta un regard de travers. Je souris. − Tu oublies notre jolie Candy, continuai-je. Je pense que, même si le bar était fermé au moment du meurtre, elle en sait peut-être sur la ruelle en elle-même et aura peut-être déjà vu Laura traîner par là. Où d'autres personnes très louches. − Dans une ruelle derrière un bar dans un quartier en ruine ? ironisa Luke. Je parierais qu'elle a vu des trucs ouais. L'intervention de Luke dans la conversation lui fit s'attirer l'attention de la patronne. − Et les parents ? − Une fille sans histoires, sans ennemis et très studieuse. − Dans les rues mal famées ? fit Amanda. − Exactement ce que je me suis dit ! hurlai-je en tapant des mains. Si je peux me permettre, soit ses parents ignorent des choses, soit ils en cachent. Je pense que cette
Jack Vaughn tome 1: La Morte au Bois Dormant – Le Prince Charmant – Auteur : Cédric Barthel petite parfaite ne l'est pas tant que ça. − Expliquez-vous. − Je m'explique... Mais je n'eus pas le temps de le faire, on frappa à la porte. − Entrez, lâcha Amanda. La porte s'ouvrit sur un type quelconque portant une enveloppe brune. − Un coursier a laissé ça pour vous Madame. − Merci. Le type donna l'enveloppe à Amanda et reparti sans même nous lancer un regard. La patronne ouvrit l'enveloppe comme une vulgaire facture mais lorsque ses yeux se posèrent sur le papier qui s'y trouvait, son expression changea net. − C'est une lettre... du tueur. − Oh, j'avais espéré que vous ayez enfin un admirateur secret, lançai-je. Elle me regarda sans lever la tête et commença à lire à haute voix. − « Bonjour messieurs de la police... » − Première erreur. − « Je suis sûr que vous vous doutez de mon identité. J'ai tué une jeune femme, cette nuit, vous l'avez trouvé dans une ruelle derrière un bar paumé. Vous avez peut-être trouvé sur elle un pendentif représentant un cœur. L'amour est une chose magnifique n'est-ce pas ? Une chose magique. J'ai aimé cette jeune femme... avant de la tuer. J'ai senti son parfum délicieux. Je m'apprête à aimer à nouveau. Ce soir. Bientôt vous trouverez une nouvelle victime. Ne vous demandez pas pourquoi je fais ça, si oui ou non j'attends quelque chose de vous. Car ce n'est pas le cas. Je fais ça dans un but précis et très personnel, cette lettre et les suivantes... ne me servent qu'à m'amuser avec vous. « Le Prince Charmant. « P.S. : Dites bonjour à Vaughn de ma part. » − Vaughn ? − Oui ? − Qui est-ce ? − Aucune idée... mais faut croire que par « jouer avec vous », c'est de jouer avec moi qu'il parlait. J'étais dubitatif. Non pas que le sort d'une quelconque jeune femme ne m'intéresse, mais qui... qui voulait jouer avec moi. Il le faisait dans un but précis mais personnel, donc sûrement aucun rapport avec moi. Non, il voulait juste jouer avec moi comme ça, par pur plaisir. Je n'étais pas sa motivation pour les meurtres. J'étais un petit bonus. Enfin... Il me semble. Je regardai les yeux d'Amanda posés sur moi, elle allait me tenir pour responsable des meurtres si, effectivement il en tuait d'autres... qui est ce salaud ? Et où donc est passé le bras de la première victime ? Putain, c'est un fétichiste des membres ? J'allais avoir du boulot dans les prochains jours, j'allais avoir besoin d'une bonne dose de whisky...