Vichy son remarquable patrimoine thermal 1

Page 1

Entre galerie couverte et galeries marchandes : « errance apprivoisée » dans le parc des Sources

62

S Intérieur du hall des Sources

s Palais des Sources vers 1936, fonds Manias

Le hall des Sources Le hall des Sources est en soi la finalité de la galerie couverte, construit par Charles Lecœur en 1898-1902, appelé aussi Trinkalle dérivé de l’allemand puis transformé en anglais en drink-hall lors de la première guerre mondiale en raison de sa connotation germanique. Il est construit à l’emplacement du vieil établissement thermal de 1830, démoli pour l’occasion. Avec le grand établissement thermal de première classe, c’est l’un des lieux les plus emblématiques de la station, en harmonie avec le parc et ses frondaisons. Les travaux sont confiés à l’architecte Gustave Simon mais les plans sont élaborés par Charles Lecœur. Ce dernier, de retour de voyage d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, s’est inspiré des édifices germaniques où les buvettes ne sont jamais confondues avec les établissements de bains comme la magnifique Trinkhalle de Marienbad, appelée colonnade Maxime-Gorki et élevée de 1884 à 1889. En effet, à l’exemple de ces prestigieuses stations allemandes, il réunit en 1903 dans une vaste Trinkhalle les quatre sources de l’État que sont Grande Grille, Mesdames, Lucas et Chomel ainsi que des salles de lotions et de gargarismes : dès lors, l’activité déambulatoire pour se rendre aux différentes sources disséminées dans le parc va commencer à disparaître, changeant l’usage et la physionomie des lieux. s Frise de chardons des consoles des auvents du hall des Sources

s Avant projet de la Trinkhalle réalisé par L. Woog le 7 novembre 1902, archives de l’établissement thermal de Vichy


ExtĂŠrieur du hall des Sources

63


Entre galerie couverte et galeries marchandes : « errance apprivoisée » dans le parc des Sources

64 Spécialement affecté à la boisson et à la promenade, c’est un véritable vaisseau de verre et de fonte, un « vaste parapluie » unique en France par son plan, sa fonction et ses dimensions, dont la surface de 1 580 m2 favorise le passage de la lumière et la circulation des buveurs. Sa forme rectangulaire et son toit de pans coupés permettent de recevoir les abouts de la galerie couverte et donner un but final à la promenade thermale. Mais la construction à peine achevée, les rédacteurs des gazettes critiquent facilement ce nouveau pavillon. L’Avenir de Vichy du 4 janvier 1903 le compare à une « halle où au lieu d’y voir des légumes ou des grains, on y trouverait de l’eau minérale et c’est tout ». On va alors dissimuler son ossature métallique, novatrice pour l’époque, par un plafond lambrissé et une décoration très soignée. Le ferronnier Émile Robert va l’entourer de grilles et agrémenter les bordures des pourtours et les consoles des marquises du promenoir de fleurs et de feuilles de chardons en tôles repoussées. Tandis que la décoration des tympans, éclairés par des pavés de verre cathédrale jaune, mêlés à des peintures de fleurs d’arum et de glycine est l’œuvre du décorateur du casino Léon Rudnicki. L’édifice cependant abrite toute une modernité d’usages : la Compagnie Fermière essaie d’améliorer ainsi les conditions hygiéniques des buvettes en mettant habilement en scène les différentes sources qu’il convient de préserver de toutes contaminations. Les donneuses d’eaux ne plongent plus le verre dans l’eau de la source mais elles récupèrent l’eau minérale par d’élégants robinets à pression. Le bouillon de l’émergence est rendu à la vue des buveurs sous des cloches dessinées par l’architecte adjoint de Charles Lecœur, Lucien Woog. Suite à une nouvelle convention entre l’État et la Compagnie Fermière en 1927, ce lieu est transformé en 1928 par l’architecte du gouvernement Charles Letrosne qui supprime les grilles en fer forgé qui l’entourent pour les remplacer par des vitres et mettre ainsi à l’abri les sources des courants d’air et de la poussière. Il dégage aussi l’espace central, le surélève pour éviter l’effet de serre et pose une verrière centrale pour apporter de la lumière. Les édifices centraux abritant les buvettes des sources Mesdames, Lucas ainsi que les salles de lotion et de gargarisme sont détruits, la buvette de la source Chomel agrandie, celles des sources Grande Grille et Lucas sont conservées, quant à celle de la source Mesdames elle est déplacée sous un kiosque attenant à la galerie couverte dans le parc des Sources. Contrairement aux travaux issus de la convention de 1896 où l’Allemagne inspirait largement les architectes, il semble que cette fois-ci le modèle provienne d’Italie où l’on construisait de véritables « Palais des Sources », ce qui lui valut aussi cette dénomination lors de son inauguration le 16 mai 1928. À partir de 1971 on adjoint aux sources Grande Grille, Chomel et Lucas déjà présentes dans le hall, les sources du Parc, de l’Hôpital et des Célestins sous forme de « libre-service » avec accès payant aux buvettes. Les donneuses d’eaux ont disparu depuis cette période ainsi que l’activité déambulatoire pour se rendre aux différentes sources disséminées dans le parc.

Source de la Grande Grille C’est la plus connue et la plus fréquentée des sources de Vichy. Elle jaillit dans une vasque de marbre recouverte d’une cloche de cristal et de bronze et est recueillie par des robinets ciselés. Elle doit son nom à une grille de fer qui, avant les travaux de captage, empêchait le bétail de s’y abreuver. Les guides de 1910 indiquent que les princes, bourgeois, ecclésiastiques et militaires s’y pressent chaque matin et chaque soir à l’heure du verre d’eau, « bercés de l’espoir d’une guérison prochaine » et que le spectacle qui s’en dégage, très original, est une des curiosités de Vichy. Les donneuses d’eaux sont revêtues d’une robe uniforme à larges rayures et coiffées de bonnets tuyautés. Cette eau est généralement recommandée pour soigner les maladies des voies digestives, les coliques hépatiques, la gravelle, la goutte, les calculs biliaires ou encore le diabète.

s Buvette de la source Grande Grille vers 1905, fonds Manias

S Source de la Grande Grille vers 1936, fonds du musée de l’Opéra de Vichy


65

Source Chomel La source Chomel est surtout employée pour les gargarismes. Le guide Conty de 1908-1909 indique qu’elle « guérit les maladies de l’organe respiratoire ; aussi est-on sûr d’y rencontrer chanteurs, avocats, professeurs et prédicateurs ». Le gaz carbonique qui s’en dégage est recueilli pour être employé en bains, en douches et en inhalations.

Sources Lucas et Mesdames Alors qu’en 1903 les sources Lucas et Mesdames se font face dans des vasques demi-circulaires adossées à un mur de briques, des transformations peu avant 1908 vont modifier les dispositions intérieures du hall. On assiste à la substitution de la source Mesdames au puits Chomel désormais recouvert d’une cloche de verre. Quant à la buvette en pierre en forme de pain de sucre de la source Mesdames, elle émigre dans un pavillon dans le parc des Sources près de la rue Cunin-Gridaine pour rejoindre définitivement son point d’émergence à Cusset en 1939, d’où elle jaillit depuis 1844. Elle est encore visible aujourd’hui à Cusset dans sa tiare en pierre située à l’angle de l’avenue de Vichy et de la rue Combe-Bessay. s Buvette de la source Chomel vers 1905, fonds Manias

s Buvette des sources Lucas et Mesdames en 1905 dans le hall des Sources, fonds Manias


Déambulation entre établissements thermaux et hydrothérapiques

68

Déambulation entre établissements thermaux et hydrothérapiques À la fin du XIXe siècle, les bains prolifèrent à Vichy et la promenade matinale se transforme en une déambulation d’un établissement à un autre. L’élément architectural pivot pour le parcours du curiste est l’établissement thermal, qui joue à la fois le rôle d’accueil, de lieu de rencontres mais aussi de soins et de détente. Depuis 1853, début de la concession, il y a eu un constant renouvellement de ces infrastructures thermales où les thermes de l’État se distinguent des petits instituts privés hydrothérapiques. Les premiers se situent près de l’émergence des sources dans des bâtiments ayant une vaste emprise au sol ; quant aux seconds, de dimensions beaucoup plus modestes, ils prolifèrent à la périphérie de la station, près du quartier thermal ou encore vers le clos des Célestins dès les années 1880. Au début du XXe siècle, on compte quatre établissements appartenant à l’État et huit à des propriétaires privés. L’hôpital militaire vient s’ajouter à cette liste. Construits selon une hiérarchie des classes créée sous le Second Empire, le nombre de cabines de bains varie suivant la catégorie de l’établissement. Ainsi en 1903, on ne dénombre pas moins de 136 cabines dans l’établissement de première classe, 110 en seconde classe, 64 en troisième classe et 40 dans les bains de l’hôpital. Le curiste opte donc pour se rendre aux bains selon le rang social qu’il occupe. Le parcours s’en trouve différent suivant la posologie médicale mais aussi suivant la classe à laquelle il appartient. Néanmoins l’heure du bain est la même pour tout le monde au début du XXe siècle et le meilleur moment pour prendre un bain, c’est le matin, à jeun, avant la prise d’eau minérale. Alors que le parc des Sources est déjà envahi par les buveurs, les baigneurs cheminent dès 6 heures du matin, voire 3 heures dans certains cas, vers les thermes. Le monument le plus emblématique de la station thermale en 1903 est le grand établissement thermal de première classe, situé à proximité des sources de l’État près du parc des Sources. Dans un style romano-byzantin, son dôme oriental aux tuiles vernissées domine la façade ornée de scènes aquatiques. C’est le céramiste Alexandre Bigot (1862-1927) qui a adopté le grès bleu pour les tuiles faîtières, les claustras du grand dôme mais aussi les panneaux décoratifs des façades principales dont les motifs, dessinés par le sculpteur Paul Roussel (1867-1928), figurent des sirènes et des hippocampes.

S Vue aérienne du grand établissement thermal vers 1936, fonds Manias

s Le grand établissement thermal, avenue Eisenhower


69

Le grand établissement thermal de première classe (1, avenue Eisenhower)

S Dessin de Lucien Woog pour la décoration de la coupole, 7 juillet 1902, archives de l’établissement thermal de Vichy

C’est le lieu thérapeutique qui, dès la seconde moitié du XIXe siècle, apparaît comme un monument, véritable symbole de prospérité. En 1903, la station est le théâtre de grands travaux orchestrés par l’architecte de la Compagnie Fermière Gustave Simon mais dont les plans sont élaborés par Charles Lecœur, architecte du gouvernement et précurseur de l’Art nouveau, accompagné de Lucien Woog, son architecte adjoint. Ce dernier travailla à Paris pour la reconstruction du théâtre La Cigale en collaboration avec des artistes ayant participé aux grands travaux de Vichy, notamment le ferronnier Émile Robert et le céramiste Bigot. Le chantier du nouvel établissement thermal, dit de première classe, s’étend sur plus de 2 hectares de terrain. Commencé en 1898, il subit plusieurs arrêts successifs avant d’être repris en 1901 pour être terminé deux ans plus tard. Lors de son inauguration le 31 mai 1903, il est le plus imposant de France avec ses 170 mètres de long et ses 165 mètres de large, formant un vaste rectangle divisé en deux parties symétriques réparties sur deux niveaux. Sa façade principale, avec son entrée monumentale à triple arcade, est constituée de deux ailes de part et d’autre d’un pavillon central coiffé d’un dôme oriental. Les architectes Lecœur et Woog ont ainsi su répondre aux aspirations de l’État et de la Compagnie Fermière en traduisant leur pouvoir par la monumentalité du bâtiment, tout en répondant aux exigences médicales de l’époque. En effet, la concurrence des établissements thermaux germaniques a poussé l’État à établir dans sa convention de 1896 un programme pour un nouvel établissement thermal comprenant tout le confort moderne, accessoires, dépendances et appareils de toutes sortes. Cette construction est ainsi tenue d’être conforme aux derniers acquis d’une science médicale en plein essor et se traduit par un éventail très varié de bains et de douches, complété par de nouvelles techniques comme la mécanothérapie ou l’électrothérapie. Une salle d’escrime est même établie au sein de cet établissement car ce sport est reconnu dès 1900 par la médecine locale, qui l’intègre au traitement thermal, avec une séance le matin et une l’après-midi. L’établissement contient 136 cabines de bains avec douches et massages dont six de luxe, autant de vestiaires, huit piscines individuelles avec douches sous-marines, dix salons de repos, quatre salles d’attente et dix lingeries. La salle de mécanothérapie est ajoutée dans un pavillon isolé entre les tours réservoirs ainsi qu’un service hydrothérapique, déjà en vogue dès la fin du XIXe siècle, dirigé par le docteur Paul Lejeune (1848-1905). La salle de mécanothérapie, surnommée « palais du mouvement » par les médecins mais aussi « salle de tortures » par les patients, permettait de faire de l’exercice sans se fatiguer grâce à des appareils qui assouplissaient les articulations et faisaient exécuter aux malades des mouvements que l’on dosait à volonté en nombre, en vitesse et en intensité. Cette technique médicale, venue de Suède, accompagnait le traitement thermal et était qualifiée de gymnastique scientifique par excellence. Cette salle, conçue par Lecœur avec une structure métallique, évoque la salle de lecture de la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris où Lecœur avait été élève.

s Salle de mécanothérapie, fonds du musée de l’Opéra de Vichy

s Salle de mécanothérapie. Détail d’un appareil


Déambulation entre établissements thermaux et hydrothérapiques

70 Les tours réservoirs, coiffées d’un bulbe en céramique bleu turquoise, servaient de belvédères à la promenade matinale. Par temps clair il était recommandé de monter au sommet de ces tours donnant sur des terrasses, d’où, « moyennant un petit pourboire », on pouvait admirer le spectacle de la ville de Vichy qui s’étalait aux pieds du promeneur au milieu d’une campagne verdoyante. Les bains de luxe, très fréquentés par la haute bourgeoisie, sont situés au rez-de-chaussée et comprennent une cabine de bains, un salon central avec lit de repos et une cabine avec piscine à eau courante. Leurs murs sont recouverts d’un décor exceptionnel en carreaux de faïence dont les motifs décoratifs sont empruntés au milieu aquatique. Ce décor se développe de manière continue sur tous les murs : les tiges stylisées des iris et des glycines dans les tons de vert d’eau et bleu empruntent à l’Art nouveau. Tandis que la « cabine des iris » apaise l’esprit et repose l’œil du baigneur, la « cabine des nénuphars » au décor très dense apporte une agréable vision à hauteur des yeux lorsque le baigneur descend dans la piscine. Cette faïence émaillée est l’œuvre de l’entreprise H. Boulenger et Cie de Choisy-le-Roi, qui a travaillé également pour le métro de Paris. Ces cabines de luxe, inutilisées aujourd’hui, existent toujours mais sont interdites au public.

A Bulbe en céramique des tours réservoirs du grand établissement thermal

A Cabine de soin de luxe 1, cabine des iris


s Cabine de soin de luxe 2, carrelage mural, frise de fleurs aquatiques

s Intérieur de l'établissement thermal, salle de bain de luxe, premier quart XXe siècle, carte postale, coll. part.

s Cabine de luxe, cabine des nénuphars

71


Déambulation entre établissements thermaux et hydrothérapiques

72

S Établissement thermal. Galerie des Bains, 1er étage, en 1947, fonds Jasz

S Rampe en fer forgé d’Émile Robert

Mais si le programme de Charles Lecœur s’attache particulièrement à l’ornementation de ces intérieurs, il accorde aussi un soin particulier à la distribution où les promenoirs, développés en forme de cloître autour des grandes cours des premiers projets, sont abandonnés au profit de galeries latérales multipliant les points de vues et les espaces de repos. Une attention particulière est aussi apportée à la lumière, notamment pour la galerie du premier étage couverte d’une voûte en verre, dont la lumière naturelle traverse la partie centrale du plancher, en verre également, sur laquelle circulent les baigneurs. Son appellation de « palais des mille et une nuits » atteint son paroxysme avec le hall d’entrée, aux dimensions colossales, conçu comme un foyer de théâtre où l’on peut observer le va-etvient des curistes. Les balcons surplombent une vasque circulaire au centre du hall d’où émerge le bouillon de la source Boussange rendu à la vue des baigneurs. L’accès aux balcons se fait par un escalier dont la ferronnerie est l’œuvre d’Émile Robert et les peintures murales, qui ornent les parois des niches, du peintre Alphonse Osbert (1857-1939). Ces peintures murales, bordées par de larges bandeaux en staff, évoquent elles aussi des scènes aquatiques. Elles représentent l’eau de manière allégorique, avec des personnages féminins drapés à l’antique, dont le premier tableau intitulé La Source (1903) est situé de part et d’autre de l’entrée des bains des hommes et Le Bain (1904) du côté des bains des femmes. s Hall de l'entrée principale, tribune ouest, détail du décor peint, La Source, partie gauche

s Hall de l'entrée principale, tribune ouest, détail du décor peint, La Source, partie droite


73 La distribution et l’ornementation de ce bâtiment nous permettent d’affirmer que les espaces liés à l’accueil et à la rencontre étaient tout aussi importants que ceux liés à la cure, permettant ainsi une déambulation thermale qui alliait les soins du corps aux plaisirs des yeux. Si sa décoration et le soin apporté à sa distribution intérieure sont plébiscités dans la presse locale dès sa construction, en revanche il fut très critiqué pour la lourdeur de sa couverture et les ailes qui entourent le pavillon central. Comparé à un batracien dont la carapace est recouverte d’écailles, on lui reproche même d’être un outrage à la vue du promeneur dans l’édition du Moniteur de l’Allier du 31 mai 1903, jour même de son inauguration. Toutefois, il sera agrandi entre 1931 et 1934 par l’architecte Charles Letrosne sur sa partie latérale nord, et subira des démolitions importantes en 1974 pour recevoir l’actuel hôtel Novotel. La salle de mécanothérapie, les locaux techniques, les ailes latérales est et ouest mais aussi les ailes centrales ont été entièrement démolis. Aujourd’hui dénaturé mais sauvé de sa destruction totale en 1989 par son inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, il est rebaptisé en 1990 « centre thermal des Dômes » sur sa partie nord, tandis que le bâtiment sud est occupé en partie par des galeries marchandes en rez-de-chaussée et des locaux de la Compagnie Fermière à l’étage. S Centre thermal des Dômes

s Hall de l'entrée principale, tribune est, détail du décor peint : Le Bain, partie gauche

s Hall de l'entrée principale, tribune est, détail du décor peint : Le Bain, partie droite


Déambulation entre établissements thermaux et hydrothérapiques

74

A Hôpital militaire en 1989, galerie couverte

L’hôpital militaire (rue Lucas, rue Jean-Jaurès) Cet établissement a participé à la renommée des eaux de Vichy dans la deuxième moitié du XIXe siècle grâce au traitement des maladies dites « coloniales », tel le paludisme ou encore les affections hépatiques contractées dans les pays chauds. Construit dans l’ancien hôtel Cornil, il ouvre ses portes en 1847 sous la direction du docteur François Barthez (1801-1866), auteur de nombreux guides sur Vichy. En 1855 s’ouvre un service balnéaire et hydrothérapique au sein même de l’hôpital militaire avec douches et piscines, bains de vapeur alimentés par l’eau minérale du puits Lucas et du puits Carré. En 1870, il reçoit jusqu’à 5 000 blessés de la campagne franco-allemande. À partir du XXe siècle, il est considérablement agrandi pour recevoir les soldats de plus en plus nombreux venant d’Outre-mer, et des fonctionnaires coloniaux. Il est agrémenté de nombreuses marquises en verre et passages vitrés mettant ainsi à l’abri les malades lors de la promenade qui s’étire jusque dans le grand jardin occupant toute la partie nord de la parcelle, vers l’avenue Victoria. Il est déserté à la fin des années 1990 pour être racheté par la ville qui le démolit en 2002 pour aménager le centre commercial des Quatre-Chemins.

L’hôpital thermal civil (boulevard Denière) Tout d’abord appelé hôpital des pauvres ou encore Hôtel-Dieu, il était situé dès le Moyen Âge dans le vieux bourg, sur la place Sévigné. Devenu trop exigu, il est rebâti en 1753 à côté de la source de l’Hôpital, au cœur du quartier thermal, et occupe une surface d’environ 10 000 m². Un nouvel édifice de 60 000 m², construit par un architecte lyonnais, Adolphe Coquet, accompagné par deux architectes vichyssois Barrody et Percilly, est inauguré derrière la gare au lieu-dit de la Font-Folliant le 23 octobre 1887. Il renferme un service thermal, distinct de celui de l’hôpital civil. Situé dans un bâtiment distinct au sein même de l’enceinte de l’hôpital, il est entouré de potagers et de jardins d’agrément. Des galeries couvertes le long du bâtiment servent de promenoir aux malades. La fonction thermale de ce service était réservée aux malades alités buveurs d’eaux. Mais ce service n’était pas une véritable concurrence pour l’État car il était le seul à ne pas être alimenté par de l’eau minérale mais exclusivement par de l’eau douce.

L’établissement thermal de deuxième et troisième classe (rue Petit) Dès le Second Empire on crée une hiérarchisation des classes qui engendre la construction de plusieurs établissements de bains réservés à une clientèle aisée, à une classe moyenne et aux indigents. La modestie ou le luxe de leur architecture va inscrire des parcours différents, distincts selon la catégorie sociale. En 1858, un établissement de seconde classe, d’après les plans de l’architecte Isabelle et sous la direction de Jean Le Faure, est ouvert à l’emplacement du couvent des capucins. Sa destination aux classes modestes se lit par son élévation de plain-pied et l’absence d’arcades qui le distinguent de l’établissement de première classe situé à proximité et construit par Roze-Beauvais de 1821 à 1831. En 1865 il est agrandi pour recevoir les bains des pauvres représentés par la troisième classe ; il proposait alors 180 baignoires, et 24 cabines de douche. En 1903, l’établissement de Roze-Beauvais est démoli pour laisser la place au hall des Sources actuel et le grand établissement thermal de première classe est construit face à celui de seconde et troisième classe. Mais en 1933 il est remplacé par un nouvel établissement de seconde classe, les bains Callou, réalisé par Charles Letrosne pour être finalement démoli en partie en 1937. Les vestiges de la galerie centrale de ces bains, que l’on appelle la galerie Napoléon III (réhabilitée en salle de loisirs), sont encore visibles aujourd’hui dans le parc des Sources.


75

Établissement thermal Lardy, établissement privé (1, avenue Eisenhower) En plus de tous ces établissements appartenant à l’État, il en est un qui appartient à des propriétaires privés, Mme Lardy et son gendre, qui inaugurent en 1864 dans la partie basse du parc Lardy un petit établissement thermal qui porte le nom de la source qui l’alimente et comprend une trentaine de cabines de bains. Le jardin anglais qui sépare la source Lardy, située en haut du parc, de cet édifice, permettait au promeneur de couper à travers une composition végétale afin d’agrémenter son parcours thermal, entre un bain et un verre d’eau, par une déambulation au milieu d’un cadre de verdure. Par la suite il subira de nombreuses transformations jusqu’à être démoli en 1937 pour laisser place à un autre de troisième classe appartenant à l’État, conçu par l’architecte Charles Letrosne. Appelé « Bains Lardy », il est délaissé trente ans après pour finalement être réhabilité dans les années 2000 afin d’accueillir une université et porter le nom de « Pôle Lardy ». Si la déambulation thermale commençait dès l’aube dans les établissements de l’État, elle pouvait se poursuivre dans des instituts privés que l’on appelait des établissements hydrothérapiques, très à la mode dès les années 1880 et qui se complètent dans un premier temps mais auxquels l’État fera concurrence dix-neuf ans après. On y soignait les maladies dans lesquelles les douches d’eau ordinaire froide étaient indiquées et où le bain d’eau minérale était coupé de moitié par de l’eau douce pour tempérer les eaux minérales trop chaudes. C’est le médecin Eudore Baldou (1813-1885) qui prône l’hydrothérapie dès 1840, suivi du docteur Fleury qui ouvre son institut à Bellevue, aux portes de Paris et qui aura beaucoup de disciples dans toute la France. Compléments indispensables de la thérapeutique thermale, ces établissements étaient de dimensions beaucoup plus modestes que les thermes de l’État et étaient très recherchés pour leur intimité par les étrangers mais aussi par la population locale.

Établissement hydrothérapique Antoine Jardet (rue Jean-Jaurès) Antoine Jardet, disciple du docteur Fleury, est le premier à avoir implanté à Vichy un institut privé d’hydrothérapie scientifique alors que l’établissement thermal de deuxième classe est en cours de construction à l’emplacement de l’ancien couvent des capucins. En 1857, il achète un terrain d’environ 1 000 m² à l’angle de la rue de Ballore (actuelle avenue Jean-Jaurès) et du boulevard du Sichon et en 1858 il administre ses premières douches froides. Considéré comme le « berceau de l’hydrothérapie scientifique à Vichy », il ferme ses portes en 1939 et est démoli à la fin des années 1970.

Établissement thermal hydrothérapique Larbaud Aîné (rue de la Porte-Verrier)

S Établissement hydrothérapique Larbaud, carte postale, coll. part.

Cet établissement, ouvert en 1879, était situé à l’angle du boulevard des Célestins et de la rue de la Porte-Verrier, face au nouveau parc. La source qui jaillit dans une belle vasque en pierre se trouve au centre de plusieurs constructions. L’établissement comprend 34 cabinets de bains, dont 16 cabinets pour les hommes et 18 pour les dames plus deux salles de douches et 18 vestiaires. Il appartient à Charles Amable Larbaud, dit Larbaud Aîné, confiseur depuis 1840 à Vichy dans la rue Montaret, inventeur des sucres d’orge de Vichy aux sels minéraux des sources. En 1853, il fore une source sur la commune de Vichy au lieu-dit les Longues-Vignes qui donnera naissance en 1856 à la source Larbaud qui sera autorisée en 1860. Presque vingt ans plus tard elle alimente les baignoires et la buvette de l’établissement du boulevard des Célestins. Sa composition se rapprochant de celle des Célestins, elle est très prisée par les curistes car elle guérit les maladies du foie, de la rate, calculs, gravelle ou encore catarrhes de la vessie. Aujourd’hui cet établissement n’existe plus.


De source en source : de la source de l’Hôpital à la source des Célestins

78

S Pavillon de la Source de l’Hôpital vers 1900, fonds Manias

De source en source : de la source de l’Hôpital à la source des Célestins Il y a un siècle, la posologie médicale ainsi que la durée du traitement déterminait l’itinéraire de la promenade. On se promène de source en source, on reste plus ou moins longtemps en station devant la première, en fonction du nombre de verres d’eau préconisés, puis on repart en direction de la deuxième. La distance qui les sépare permet de mettre en mouvement le corps par la marche qui, tout comme le verre d’eau minérale, contribue au traitement thermal. Celui-ci est le plus souvent commencé par la source de l’Hôpital et continué par celle de la Grande Grille située dans le hall des Sources à 400 mètres de celle-ci. La source des Célestins quant à elle, située en marge du pôle thermal, permettait d’effectuer une promenade à travers les parcs d’Allier et de profiter ainsi des bienfaits de la cure d’air en pleine ville. Cependant suivant la maladie diagnostiquée, l’itinéraire du curiste pouvait se trouver modifié selon la quantité d’eau minérale à absorber mais aussi selon l’emplacement de la source bienfaitrice adaptée aux maux du patient.

Source de l’Hôpital Point d’articulation entre le vieux Vichy et le quartier thermal, la source de l’Hôpital est un lieu très important lors de la promenade thermale du curiste il y a un siècle, car son emplacement joue à la fois un rôle thermal mais aussi commercial. Il est d’usage de prendre un tiers d’eau de cette source et deux tiers d’eau de la source de la Grande Grille. Elle agit principalement dans les maladies du foie, de la rate et dans les engorgements du pancréas. Connue depuis l’époque antique, c’est une source dite chaude émergeant à 34°C aux environs immédiats de l'hôpital civil construit en 1753. Appelée « Fontaine Quarrée », « Gros Boulet Quarré » ou encore « Grand Boulet », elle prend brièvement le nom de « Source Rosalie » en 1819, en l’honneur de la duchesse Rosalie de Mouchy qui la fait arranger, assainir et dégager. Puis elle est appelée plus communément source de l’Hôpital comme aujourd’hui encore. À la fin du Second Empire, son eau est mise en bouteille sur la place même, engorgeant la circulation de cette place, déjà très fréquentée. En vue d’un meilleur aménagement urbain, l’embouteillage est relégué derrière les bains de l’hôpital, mais l’accès à cette place reste néanmoins difficile. Contrairement à la source du Parc qui bénéficie de l’ombrage des arbres du parc des Sources, la source de l’Hôpital est située sur une place minérale, véritable carrefour de trois routes, dans l’axe du pont de Bellerive, formant le point de jonction entre la vieille ville et le nouveau Vichy. Tout d’abord enfermée dans un bassin circulaire en pierre de Volvic et entourée d’un promenoir surmonté de trois rangs de marches, elle donne plutôt l’image d’une fontaine de village que celle d’un pavillon de source. En 1894, une chape de verre recouvre le bassin, permettant de la protéger de la poussière. Même si sous le Second Empire la place est transformée en un square ombragé, la buvette manque d’abris pour les buveurs pendant les grosses chaleurs de l’été. Plusieurs projets sont envisagés à la fin du XIXe siècle pour déplacer la buvette au centre des terrains de l’Hospice civil mais ils seront vite abandonnés suite aux pressions des marchands établis autour de la place Rosalie qui voyaient là une perte lourde pour leurs activités. A Source de l’Hôpital, élévation, par l’architecte Simon vers 1907, archives de l’établissement thermal de Vichy


79 Il faut attendre 1907 pour voir apparaître un pavillon métallique de style Art nouveau de plus de 9 mètres de haut, conçu par l’architecte de la Compagnie Fermière Gustave Simon ainsi qu’une cloche de verre protégeant la source, dessinée par le même architecte en 1909, sur le modèle de celle de la source de la Grande Grille. Simon s’entoure d’une entreprise renommée, la maison Schwartz et Meurer, la même avec laquelle il réalise cette année-là aussi des avantprojets pour la construction d’une galerie des sources aux Célestins. Son pavillon de forme circulaire, dont la base est délimitée par une balustrade en pierre, est surmonté de douze colonnes en fonte supportant un toit débordant polylobé. Conçu dans le même esprit que la galerie couverte du parc des Sources, une galerie d’accès vient achever cette construction afin de la relier à l’hémicycle des magasins du square de l’hôpital. En 1946 cet édicule est détruit pour laisser place au bâtiment actuel en forme de rotonde, conçu par l’architecte F. Aublet. Quant à la vasque, elle perd sa cloche de verre en 1972 pour prendre son aspect actuel. Après avoir bu quelques verres à la source de l’Hôpital, le trajet peut se poursuivre à la source des Célestins, laissant ainsi le temps nécessaire à une bonne digestion des eaux, estimé par les médecins à vingt minutes. Pour arriver à la source des Célestins trois itinéraires sont possibles pour le promeneur : soit il passe par le vieux Vichy, soit il déambule dans les allées des nouveaux parcs. Le vieux Vichy est peu connu de la clientèle des eaux en raison du manque de monument digne de fixer l’attention du touriste mais aussi à cause de ses rues souvent décrites dans les guides comme tortueuses, étroites et sombres. Seule la maison appartenant à la famille Gravier située rue Verrier, avec sa tour, offre un certain charme pittoresque, ainsi que la maison dite de Mme de Sévigné que les baigneurs s’empressaient de visiter chaque saison. Quant à la tour de l’Horloge, vestige de l’ancien château, elle sert de belvédère pour admirer la vue sur l’Allier mais aussi de campanile pour abriter la cloche de la ville. Elle s’écroule une nuit de 1987.

a Vue générale de la tour de l’Horloge en 1986 s Projet de carapace pour la cloche de verre protégeant la source de l’Hôpital, juin 1909, coll. part. de la Compagnie Fermière de Vichy

s Verres gradués du pavillon de la source de l’Hôpital, fonds du musée de l’Opéra de Vichy


De source en source : de la source de l’Hôpital à la source des Célestins

80

Chastel Franc (3, rue Verrier) Le Chastel Franc, dit aussi « maison du bailliage », remonte au XVIe siècle. Au début du XIXe siècle, il devient la mairie de Vichy et en 1826 il est racheté par la famille Gravier du Monsseaux. Elle le fait restaurer en 1880 dans un style néo-médiéval, lui faisant perdre son aspect bourbonnais d’origine avec ses toits de tuiles et ses lucarnes. Il est un temps ouvert au public comme musée de la Compagnie Fermière de 1937 à 1984 mais aujourd’hui le site est entièrement fermé. À côté se trouve le pavillon Sévigné au n°52 du boulevard John Kennedy. Cette construction de 1624 serait celle où Mme de Sévigné aurait séjourné en 1676 et 1677, mais rien n’est vraiment sûr. Cependant il s’agissait de l’une des maisons les mieux situées de Vichy à cette époque, c’est-à-dire à proximité de l’entrée principale du Vichy médiéval vers la porte du Pont. Elle abrite un hôtel de luxe jusqu’en 1995 puis elle est transformée en résidence en 2002.

S Chastel-Franc

Celui que le pittoresque du vieux Vichy n’intéressait pas pouvait emprunter les allées du nouveau parc qui permettent d’optimiser au maximum le traitement thermal en ajoutant une nouvelle promenade préconisée entre deux verres d’eau mais aussi une cure d’air au sein de la verdure. Quant à ceux qui préfèrent les emplettes, ils peuvent se rendre le long du boulevard National, aujourd’hui boulevard Kennedy, où se tiennent de nombreuses échoppes à souvenirs.

Source des Célestins L’eau des Célestins est l’emblème de Vichy et a fait sa réputation dans le monde entier où elle est reconnue et appréciée pour son action bénéfique sur la digestion. Un filet d’eau minérale s’écoulait déjà au Moyen Âge au pied du rocher d’aragonite des Célestins, où l’on se rendait en barque lorsque l’Allier n’était pas endiguée. Propriété de l’ingénieur Emmanuel Tardy en 1763, le site est déjà très convoité lorsqu’il fait creuser une première source plus au sud de cette émergence. Ce n’est qu’en 1817 que l’architecte Hugues Roze-Beauvais lui construit un premier pavillon qu’il agrandit en 1836 pour mettre à l’abri une deuxième source dont le débit, cumulé à la première, augmente son rendement. Ce pavillon forme une galerie de 12 mètres de long sur 9 mètres de large. Afin de procurer plus de confort aux buveurs d’eaux, dont la fréquentation était en hausse, on construit un deuxième pavillon en 1843, à proximité de la galerie de Roze Beauvais, contenant une salle de billard, un salon de lecture et un salon des dames. La source est fréquentée par des malades qui sont atteints d’affections des reins, de la vessie, de la gravelle, de la pierre ou de la goutte. Suite à la convention passée avec l’État en 1853, la Compagnie Fermière est tenue d’entreprendre des travaux de réfection des sources de Vichy et fait construire un nouveau pavillon à la place de la galerie de 1836, devancé par une rotonde en bois pour abriter les promeneurs. En 1857, l’État exproprie les terrains, comble l’une des deux sources et en fait forer deux nouvelles à 30 mètres des « Anciens Célestins » : la source de la Vasque et la source de la Grotte. Elles sont mises en valeur en 1858 par l’architecte du gouvernement Jean Le Faure (1814-1883) dans une grotte artificielle creusée dans le rocher à laquelle il accole une galerie néo-classique utilisée comme promenoir par les nombreux buveurs et dont la toiture a été réalisée le plus bas possible afin de ne pas masquer la vue sur le plateau supérieur. On aperçoit sur la gravure d’Hubert Clerget la buvette des Anciens Célestins, à droite, construite en 1853 sous forme de rotonde, tandis qu’à gauche se trouve la Trinkhalle, dite « Nouveaux Célestins » construite en 1858, surmontée de quelques marches pour la mettre à l’abri des inondations. s Plan d’ensemble du parc des Célestins, coll. part. de l’établissement thermal de Vichy

S Source des Célestins, intérieur de la grotte vers 1857-1858, lithographie. In : Vichy et l’établissement thermal, s.n., s.d., coll. part.


81 Elle prend le nom de Trinkhalle en raison de sa galerie qui est associée à une buvette, mais elle est transformée en usine d’embouteillage en 1885 par l’architecte Antoine Percilly (18581928) et agrandie vers 1900 par une galerie perpendiculaire qui servira de quai de déchargement. Ce bâtiment, encore visible aujourd’hui, n’abrite plus l’usine d’embouteillage mais des bureaux de la Compagnie Fermière. Mais en ce début de XXe siècle, les sources des Célestins sont de moins en moins fréquentées, non seulement à cause de leur éloignement mais aussi en raison de leur dénomination de sources froides : la mode est à l’absorption des sources chaudes de la Grande Grille, de l’Hôpital et de Chomel. Des observations médicales de la Commission des services thermaux vont alors entraîner la construction d’une seule buvette. Parce que l’on constate que les buveurs non initiés hésitent dans le choix d’une source à cause de la multiplication des buvettes, l’État décide en 1908 de confier à Lucien Woog la construction d’une seule buvette permettant de rassembler les multiples émergences souterraines des Célestins dont les forages se sont multipliés entre 1857 et 1905. Il édifie alors une nouvelle Trinkhalle de 35 mètres de long sur 6 mètres de large, pour remplacer toutes les autres constructions.

a Source des Célestins vers 1858, lithographie. In : Vichy et l’établissement thermal, s.n., s.d., coll. part. s Pavillon des Célestins vers 1910, fonds Manias

s Buvette des Célestins réalisée en 1908, fonds Manias


De source en source : de la source de l’Hôpital à la source des Célestins

82

S Intérieur du pavillon des Célestins Son plan, de forme ovale, à claire-voie sur toute sa périphérie, se termine à ses extrémités par deux absides occupées par des bancs pour le repos des baigneurs. La façade en pierre blanche, recouverte de treillis de bois en forme de croisillons, est composée de sept arcs en plein cintre agrafés d’une petite console. Le sculpteur Garnier a réalisé les bas-reliefs ornés de putti. La source jaillit dans une conque en pierre d’Euville sur laquelle sont fixés quatre robinets, le tout surmonté d’une cloche en verre protégée par une balustrade en pierre rose. Cette dernière construction fait référence au côté sacré de la source aux vertus miraculeuses qui influe sur la forme employée de l’édifice : on est clairement sur une sacralisation des lieux, à travers un « autel » avec les quatre robinets et un « tabernacle » abritant la source. Tout comme la construction de la Trinkhalle du parc des Sources, celle des Célestins a renforcé le prestige de la station au début du XXe siècle en s’intégrant parfaitement dans le cadre naturel tout en apportant aux baigneurs bien-être et confort.

s Le pavillon des Célestins aujourd’hui

s Intérieur de l’édifice, la niche de la source des Célestins


Abside du pavillon des CĂŠlestins

83


A Passage de l’Opéra

Entre clos et ouvert : les passages couverts et les rues commerçantes

104

Le passage de l’Opéra En 1906, le sol de la parcelle voisine de celle du passage Giboin, appartient à Michel Mombrun. Il est divisé en cinq lots dont la majeure partie est rachetée par la ville qui y fait construire l’hôtel des Postes, qui se trouve près de l’hôtel de ville place du Fatitot (actuel square du Généra-Leclerc). Contrairement au passage Giboin, il n’est pas recouvert d’une verrière sur toute sa longueur mais il est composé de trois corps de bâtiments formant un U. Son entrée sur la rue Clemenceau était jadis fermée par une grille dont le fronton affichait les mots « postes et télégraphes ». Ce passage, qui était néanmoins privé, prit le nom de « passage de l’ancienne poste » jusqu’en 1948 puis celui de « passage de l’Opéra ». En 1934, la poste est transférée à son emplacement actuel place Charlesde-Gaulle.

Rue Georges-Clemenceau

s Église Saint-Louis

Cependant, la rue la plus commerçante et la plus animée dès la fin du XIXe siècle est bien la rue Georges-Clemenceau. Jusqu’au lendemain de la première guerre mondiale, elle porte le nom de rue de Nîmes. Elle est reliée au parc des Sources par de nombreuses rues perpendiculaires dont certaines sont des passages couverts. En fond de chaque rue apparaît la ligne blanche horizontale de la galerie couverte qui ceinture le parc. Elle accueille non seulement de nombreux commerces mais aussi des cafés-restaurants, des cafés-théâtres et le lieu de culte qu’est l’église Saint-Louis.

Église Saint-Louis (place Saint-Louis — 33, rue Sainte-Cécile) Son accès depuis le parc des Sources, où se trouve la majorité des baigneurs, est situé face au passage Giboin reliant directement le parc à la rue Clemenceau. C’est dans les années 1861 que Napoléon III aménage ce quartier dont la construction de l’église, commencée en 1862, est achevée en 1865. Située au cœur du nouveau Vichy, elle devient, dès sa construction, l’église des touristes, venue remplacer l’église Saint-Blaise du vieux bourg, devenue trop petite et située en dehors du parcours du curiste, plutôt réservée aux Vichyssois. La façade principale de la nouvelle église domine la place Saint-Louis dont le porche d’entrée est encadré par deux tours surmontées de flèches en forme de pyramides hexagonales. L’architecte de cet édifice public n’est autre que Jean Le Faure, architecte de l’empereur, et les peintures de l’abside, réalisées en 1913, sont l’œuvre du peintre parisien Alphonse Osbert, celui-là même qui réalise les peintures du hall du grand établissement thermal. Elle est conçue dans un style mêlant des références néo-romanes bourguignonnes et auvergnates, rappelant à certains auteurs de guides touristiques comme le docteur F. Castanié l’église de SaintMenoux (sic) à Bourbon-l’Archambault.

La pastillerie et la gare d’emballage (37, avenue de Gramont)

s Dessin aquarellé de la pastillerie vers 1895, archives de l’établissement thermal de Vichy

Visiter les usines faisait aussi partie des distractions à la mode : le tourisme industriel est attesté dès le milieu du XIXe siècle. Parmi les lieux visités l’après-midi, on peut citer la pastillerie et la gare d’emballage, toutes deux considérées comme les annexes de l’établissement thermal. Tout d’abord située au sein de l’établissement thermal, une partie des activités industrielles va être isolée et occuper son propre bâtiment. Alors que le puisage des eaux minérales et le bouchage des bouteilles s’effectuent toujours au sein même de l’établissement thermal, l’emballage est déplacé vers la gare. En effet, avec l’arrivée du chemin de fer en 1862 et le développement des ventes, de nouveaux ateliers d’emballage sont créés en 1867 sur des terrains appartenant à la Compagnie Fermière près de la gare, avenue de Gramont et la pastillerie est construite en 1895 face aux bureaux de l’administration, rue de l’Établissement (actuelle avenue Thermale). Si dans la première on s’employait à mettre les bouteilles d’eau minérale dans des caisses prêtes à l’exportation, dans la deuxième on fabriquait les comprimés et les pastilles de Vichy issus des sels extraits des eaux minérales. Qui n’a pas souhaité ramener une boîte de pastilles de Vichy en souvenir de son passage dans la ville d’eaux ? La pastillerie se visitait tous les après-midi entre 2 et 4 heures. On y pénétrait par la salle de vente citée dans la plupart des guides comme une véritable bonbonnière Louis XV. Dès 1860 on estime à près d’un million les bouteilles expédiées dans toute la France ; en 1900 elles seront 14 millions. En 1898 la gare d’emballage s’agrandit pour recevoir des ateliers d’embouteillage. Cet agrandissement est prévu dans la convention de 1898 et dès lors on supprime le puisage des eaux minérales et le bouchage des bouteilles au sein même de l’établissement thermal. Celui-ci ne conservant plus qu’une activité purement thermale, la visite des ateliers se poursuit donc à la gare d’emballage où l’eau des différentes sources est conduite par une canalisation souterraine allant du hall des Sources à la gare d’emballage située sous la rue de Paris et construite en 1909-1910. L’apparition des bouteilles en plastique et la capacité d’embouteillage de l’usine de Saint-Yorre, dépendant de la Compagnie Fermière, engendre le transfert de cet embouteillage des eaux à SaintYorre en 1985 et la fermeture de ces ateliers vichyssois. Le site reste désaffecté jusqu’en 2007, date à laquelle il est réhabilité pour accueillir des bureaux administratifs, perdant cependant sa façadeécran qui supportait les enseignes Vichy-État et Compagnie Fermière.


105

S Surpastilles de Vichy-État entre 1929 et 1939, fonds du musée de l’Opéra de Vichy S Usine d’embouteillage de la Compagnie Fermière en 1986 a Série de bouteilles dans l’usine d’embouteillage entre 1929 et 1939, fonds du musée de l’Opéra de Vichy a Publicité pour les eaux minérales de Vichy entre 1929 et 1939, fonds du musée de l’Opéra de Vichy s Usine d’embouteillage réhabilitée en bureaux en 2007


Un cadre festif : le casino

146

S Casino de Vichy : façade du théâtre-opéra En 1880, en raison de l’affluence des curistes, on songe à agrandir le casino devenu trop étroit. Mais il faut attendre la convention de 1898 pour que les travaux, d’un montant estimé à plus de trois millions de francs, soient décidés. La Compagnie Fermière confie cette tâche aux architectes Charles Lecœur et Lucien Woog. Les travaux commencent en décembre 1898 et se terminent en 1902. Ils consistent en la transformation complète de l’ancien casino conçu par Charles Badger, et en l’adjonction, à droite de celui-ci, d’une salle d’opéra, de salons et d’un vaste hall. Les nouveaux théâtre, salle, scène et dépendances s’inscrivent dans un rectangle irrégulier au sud, en raison du tracé oblique de la rue du Casino. Tandis que la salle de bal se transforme en un salon des fêtes, actuelle salle Napoléon III, l’ancienne salle de théâtre devient un salon de jeux. a Vue générale intérieure de la salle de bal de Badger appelée salle Napoléon III, vers 1936, fonds Manias s Casino de Vichy, ancienne salle de spectacle transformée en salle de jeux par Charles Lecœur, fonds Manias


147

S Salle du théâtre avant restauration s Pourtour de la salle de théâtre, portes des loges

La nouvelle salle d’opéra qui peut contenir 1 400 spectateurs, est probablement le seul théâtre Art nouveau en France. Le décor, élaboré dans des teintes or et ivoire, est signé du peintre décorateur polonais Léon Rudnicki, auteur également des décorations du grand établissement thermal, et dont les œuvres s’inspirent de motifs floraux.

S Coupole de la salle du théâtre-opéra, détail du lustre circulaire à motifs de lyres, 1989


s Masque sur la façade nord du théâtre

Un cadre festif : le casino

150 Le sculpteur Pierre Seguin (1872- ?) exécute la sculpture ornementale de pierre et de staff de ce nouveau casino, notamment les deux masques des angles supérieurs de la façade principale donnant sur le parc. L’un féminin, l’autre masculin, ils représentent des motifs décoratifs inspirés de l’Égypte et de la Mésopotamie. Le principal décor de cette sobre façade est constitué des fers forgés réalisés par le ferronnier Émile Robert : les motifs sont des pavots et des chrysanthèmes donnant naissance à des spirales décoratives. De part et d’autre des trois portes d’entrée du théâtre, le tympan circulaire des baies est surmonté des visages d’Arlequin à gauche et de Colombine à droite. L’architecture extérieure ne fait pas preuve d’une grande originalité, contrairement au caractère sophistiqué du décor Art nouveau de l’intérieur. La Compagnie Fermière met alors tout en œuvre pour faire de Vichy non seulement la « reine des villes d’eaux », mais aussi la « reine de la musique ». La programmation du casino est faite pour séduire le curiste et le faire revenir à chaque saison pour admirer les grands noms du spectacle tels que Fontaine et Verdier pour les ténors, Albers et Riddez pour les barytons, mais également Sarah Bernhardt, qui joue « Phèdre » en 1896 dans le casino enthousiaste. Divers agrandissements ont été réalisés entre 1911 et 1920 et en 1925 par l’architecte de la Compagnie Fermière, Gustave Simon, qui remplace notamment la véranda par une marquise en verre qui reprenant toutefois la structure porteuse et donc aussi le plan circulaire. Ces agrandissements permettent surtout de perfectionner la salle de l’opéra en la dotant d’une machinerie très élaborée. En 1995, le casino a été entièrement restauré à l’identique et enrichi d’espaces contemporains pour la création d’un lieu entièrement dédié au tourisme d’affaires, l’actuel palais des Congrès-Opéra, conçu par l’architecte Jean-Guilhem de Castelbajac. De nouvelles salles ont été creusées dans les sous-sols, dont l’espace Sévigné, qui s’avance sous la terrasse, et la salle Albert-Londres. Le théâtre de Charles Badger, devenu salle de jeux lors de l’agrandissement de 1900, est réaménagé sous le nom d’auditorium Eugénie. Classé au titre des monuments historiques en 1996, cet ensemble est le seul en France à accueillir un palais des congrès dans un site classé.

s Masque de Colombine sur la façade nord du théâtre

s Masque d’Arlequin sur la façade nord du théâtre


151

S Casino-opéra : détail des grilles de fer forgé par le ferronnier Émile Robert, photographie vers 1936, fonds Manias a Façade du casino, affiche Vichy PLM, par Louis Tauzin


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.