12 mars christine vaden daelen

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« Les femmes sont les véritables créancières de la dette publique » Impacts des mesures d’austérité sur les femmes en Europe Christine Vanden Daelen – CADTM Mars 2014

Mécanismes de la dette au Nord Quasi plus une seule journée ne se passe sans que la dette n’occupe l’espace médiatique. En son nom, des Plans d’austérité aussi drastiques qu’injustes sont désormais imposés à tous les peuples d’Europe. Sans cesse, le discours officiel manipule la question de la dette : il tente de nous culpabiliser et présente la dette comme la résultante de dépenses publiques trop généreuses. Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette fausse litanie : nous vivons au-dessus de nos moyens, notre protection sociale est trop coûteuse, etc. ? Or lorsqu’on y regarde de plus près, on se rend très rapidement compte que cette dette n’a de publique que le nom. Elle n’a en rien servi les intérêts des populations. Elle n’a pas permis de financer des créations d’emplois, des améliorations des services publics et des infrastructures collectives Elle a seulement servi :  à sauver la mise des responsables de la crise financière et économique et à  combler les déficits budgétaires ainsi provoqués. La dette est ainsi un formidable mécanisme de transfert des richesses des plus pauvres vers les plus riches, de conversion de dettes privées (dette des banques) en dettes publiques. Il faut bien noter qu’ •

A chaque foi, la dette a fonctionné au service des plus nantis.

• Les solutions mises en avant sont toujours en faveur des créanciers et en défaveur des peuples 1


Comment est-on arrivé à la crise de la dette en Europe ? D’où vient-elle cette dette publique européenne? Contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire, la nature de la dette n’est pas financière ou économique : Elle est la conséquence de choix éminemment politiques !

1.

Elle est principalement le fruit de politiques fiscales favorables aux individus les plus riches et aux grandes entreprises. La baisse des recettes publiques que ces cadeaux aux riches a entrainé a amené les gouvernements à financer par l’emprunt une partie croissante du budget et donc à augmenter la dette publique.

2.

 

Elle est également la résultante plus récente de la baisse de l’activité économique consécutive à la crise des Subprimes qui en provoquant : une des recettes publiques (faillites d’entreprises, diminution de leurs bénéfices…)  des dépenses publiques ( du chômage et des allocations sociales correspondantes).

 oblige les Etats à emprunter pour se financer   dette publique

3.

Enfin, la mise en place des Plans de sauvetage des banques (Entre 2008 et 2009, l’Union européenne a injecté pas moins de 2.000 milliards €1 pour pallier à la déroute des banques) a encore aggravé davantage les déficits publics (et donc la dette) sans que les pouvoirs publics n’en profitent pour prendre le contrôle du secteur financier afin d’en changer les pratiques

4.

Le 4ème mécanisme à l’origine du gonflement de la dette publique des Etats européens et dès lors de la crise de la dette est le comportement spéculatif des banques encouragé par la construction européenne d’inspiration néolibérale. Je m’explique :

Le Traité de Lisbonne oblige les États à emprunter non pas à la BCE ou à leur Banque centrale à un taux faible voire nul mais auprès des marchés financiers. Cette disposition nous amène à une situation délirante : la BCE prête aux banques privées à un taux de maintenant de 0,25% et celles-ci elles prêtent ensuite aux États mais à des taux nettement supérieurs : 3% pour la France, 4% pour la Belgique, 6% pour l’Espagne, près de 7% pour l’Italie, 12% au Portugal, etc. Elles réalisent ainsi sur le dos des Etats des bénéfices plantureux

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5.

Enfin les agences de notations en diminuant la note des Etats font grimper les intérêts qu’ils doivent payer et accentuent dès lors leur endettement

C’est bien la combinaison de ces 5 mécanismes qui provoqua la crise de la dette qui, si elle a débuté en Grèce et dans les pays qu’on a nommé « Périphériques », touche désormais quasiment l’ensemble des pays de la zone euro. Face à une dette qui explose, les banques privées profitent de l’impossibilité faite aux États de se tourner vers la BCE pour imposer des taux d’intérêt très élevés. Ce qui instaure un cercle vicieux : Lorsque la dette publique  => les agences de notation dégradent la note des États, ce qui est censé signifier qu’il est plus risqué de leur prêter => les marchés financiers en profitent pour encore imposer une hausse des taux d’intérêts et ainsi augmenter leurs bénéfices A un certain moment, il est devenu tellement cher pour certains Etats dont la Grèce de se financer auprès des banques qu’ils ont dû trouver d’autres créanciers. C’est là que la Troïka (FMI, la BCE et la Commission européenne) entre en scène : elle prête de l’argent aux pays dits en difficulté (Grèce, Portugal, Espagne, Italie …) non pas pour qu’ils l’investissent dans des infrastructures ou des projets socialement utiles mais pour qu’ils remboursent en toute priorité les banques. En contrepartie de ces sommes prêtées – appelées plans d’aide -, les Etats sont sommés d’appliquer des plans d’austérité visant à réduire leurs déficits de manière à leur permettre de payer la charge de la dette. Ainsi, au nom d’une dette publique estimée pléthorique, ces plans d’ « aide » = la courroie d’imposition de mesures d’austérité drastiques portant atteintes aux droits sociaux des peuples. Progressivement, c’est à toute l’Europe qu’est imposée une véritable course à l'austérité Cette réduction imposée des dépenses publiques fige l’activité économique (l’investissement des entreprises stagne, la consommation des ménages stagne ou , les recettes fiscales ) et nous amène à un risque fort de voir la récession se généraliser à toute l’Europe L’austérité est une donc une réponse stupide… mais en plus de cela elle est complètement injuste. Je m’explique : Avec les plans d’austérité, les gouvernements font payer la crise aux populations, et épargnent les responsables que sont les institutions financières.

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Parmi les populations, ce sont en particulier les plus précaires, les plus fragilisés qui sont les plus touchés par les mesures d’austérité, ce qui est doublement injuste. Et parmi eux, les femmes sont en toute première ligne. De plus, ce sont celles d’entre elles qui sont déjà les plus vulnérables (les mères célibataires, les femmes jeunes, âgées, migrantes, les femmes provenant d’une minorité ethnique, du milieu rural …) qui paient le prix fort ! Ainsi on peut affirmer sans craindre toute exagération que la crise de la dette est sexuée dans ses caractéristiques et ses effets. Tout comme les plans d’Ajustements structurels ont exténué et appauvrit les femmes du Sud, les Plans d’austérité pressurent celles d’Europe. Les mêmes mécanismes découlant d’une même idéologie néolibérale sont bien désormais partout à l’œuvre. Privatisations, libéralisations, restrictions budgétaires au menu des mesures d’austérité :    

Sabrent les acquis sociaux des femmes, accentuent leur pauvreté, durcissent et aggravent les inégalités entre les sexes et sapent les acquis féministes.

Partout en Europe, les politiques mises en œuvre par les dirigeants européens, sous la tutelle du FMI et des institutions européennes, sanctionnent - au nom de la dette - l’émancipation des femmes. Ces mesures instituent : -

 de leurs revenus provenant du travail rémunéré,

-

la casse de la protection sociale,

-

la destruction du service public,

-

la remise en cause du droit du travail et

-

 de la fiscalité sur la consommation, c'est-à-dire de la TVA.

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Quels sont les liens entre la dette et les femmes ? Avant toute chose, il faut bien souligner que la crise de la dette est sexuée dans ses caractéristiques et ses effets. Elle touche les populations les plus fragilisées, les plus pauvres et donc majoritairement les femmes ! Et parmi elles, celles qui sont les plus vulnérables : les mères célibataires, les femmes jeunes, âgées, migrantes, les femmes provenant d’une minorité ethnique, du milieu rural ou encore les femmes ayant été victimes de violences. Tout comme les plans d’Ajustements structurels ont exténué et appauvrit les femmes du Sud, les Plans d’austérité pressurent celles d’Europe. Les mêmes mécanismes découlant d’une même idéologie néolibérale sont désormais partout à l’œuvre. Privatisations, libéralisations, restrictions budgétaires au menu des Mesures d’austérité sabrent :    

les acquis sociaux des femmes, accentuent leur pauvreté, durcissent et aggravent les inégalités entre les sexes et sapent les acquis féministes.

Partout en Europe, les politiques mises en œuvre par les dirigeants européens, sous la tutelle du FMI et des institutions européennes, sanctionnent au nom de la dette l’émancipation des femmes. Ces mesures instituent : -

 de leurs revenus provenant du travail rémunéré,

-

la casse de la protection sociale,

-

la destruction du service public,

-

la remise en cause du droit du travail et

-

 de la fiscalité sur la consommation, c'est-à-dire de la TVA.

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Reprenons chacune des principales mesures d’austérité en analysant leurs impacts spécifiques sur les femmes

I.

La diminution des revenus du travail rémunéré des femmes

Avant d’analyser l’impact de l’austérité sur les revenus du travail rémunéré des femmes Notons que la situation des femmes sur le marché de l’emploi était déjà avant la crise loin d’être égalitaire à celle des hommes. De fait, l’emploi des femmes reste caractérisé par : 

une ségrégation femmes-hommes par secteur de travail,

des écarts salariaux,

un taux élevé de travail à temps partiel

et la concentration dans les secteurs de l’économie 

les moins rémunérateurs,

sous-valorisés,

moins protégés par la sécurité sociale

et informels.

Ainsi avant que la crise n’explose, les femmes se trouvaient dans une situation moins « avantageuse » que celle des hommes pour l’affronter.

La diminution des revenus du travail rémunéré des femmes résultant de la crise économique et financière est la conséquence de plusieurs facteurs :

1.

Le taux de chômage des femmes a augmenté

Si la crise a, dans sa première phase, frappé de plein fouet les secteurs professionnels à prédominance masculine (cf. secteurs bancaires, du bâtiment, de l’industrie automobile et des transports), les secteurs où prédomine une main-d’œuvre féminine :  les secteurs financés par les pouvoirs publics, 6


 les services aux personnes et aux entreprises – cafétérias, catring, horeca, nettoyage, etc. -,  la restauration ainsi que  les secteurs de la vente et du commerce sont actuellement directement et très fortement touchés. Cet impact sexuellement différencié de la crise sur l’emploi des femmes et des hommes est révélateur de la prégnance de la segmentation professionnelle qui confine les femmes dans des ghettos d’emplois traditionnellement féminins et donc généralement :  atypiques,  sous-valorisés,  sous-payés et  précaires. Les pertes d’emplois féminins sont essentiellement imputables au :  non renouvellement de contrats à durée déterminée,  à la perte de pouvoir d’achat des consommateurs et des utilisateurs de services majoritairement fournis par les femmes et  aux coupes budgétaires imposées par l’austérité dans les finances publiques. Comme, En Europe, les femmes sont largement prééminentes dans la fonction publique puisqu’elles constituent pas moins des 2/3 des actifs des secteurs de l’éducation, de la santé et de l’aide sociale.  Les restrictions financières exigées des pouvoirs publics plongent disproportionnellement un nombre considérable de femmes dans le chômage et la précarité. Depuis le début de la crise, le chômage des femmes n’a pas cessé d’augmenter jusqu’à atteindre en 2013 un taux moyen en EU de 11%2. Ce sont bien entendu les femmes habitant dans les pays les plus touchés par la crise de la dette qui sont connaissent des taux de chômage les plus élevés et parmi elles, les jeunes femmes sont le plus sévèrement frappées. Ainsi, les jeunes femmes grecques connaissent un taux de chômage de 53, 3% ! 3

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http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-30042013-BP/FR/3-30042013-BP-FR.PDF

3

Christiane Marty, « Vous avez dit chômage des femmes ? », le Monde, 29 décembre 2011.

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Si les pertes d’emplois des femmes sont moins soudaines, moins spectaculaires et donc moins visibles que celles qu’ont connu et connaissent encore les hommes, elles ne sont certainement pas moins douloureuses. De fait, les conséquences du chômage sont plus graves pour les femmes dans le long terme. Elles éprouvent davantage de difficultés à retrouver un emploi (et composent dès lors la majorité des personnes en situation de chômage de longue durée) car elles sont plus vulnérables sur le marché du travail dans la mesure où :  

elles ont en moyenne moins d’expérience que les hommes et que leurs carrières sont souvent basées sur des emplois à temps partiels avec des contrats temporaires.

En outre, les enquêtes montrent que les femmes sont plus susceptibles d’être licenciées lorsque les emplois se font rares car les hommes sont encore et toujours considérés comme les gagne-pains légitimes.  Une enquête de dimension mondiale réalisée en 2005 révèle que près de 40% des personnes interrogées estiment que dans une situation de pénurie d’emploi, les hommes ont plus le droit à l’emploi que les femmes.

Enfin, les travailleuses migrantes employées comme domestiques et/ou auxiliaires maternelles subissent de plein fouet la baisse du pouvoir d’achat de leurs ‘employeuses’. Comme celles-ci n’ont plus les moyens de s’adjoindre leurs services, elles les licencient. Bien que l’emploi des travailleuses migrantes comme domestiques ne leur fournit nullement un travail décent et accentue les différences entre les femmes, l’immigration économique de ces femmes représentait une alternative à la pauvreté de leur pays d’origine. Notons pour conclure, que les effets de la crise sur l’emploi des femmes ont toutes les chances d’être sous-évaluées :  De fait, les personnes travaillant à temps partiel sont exclues des chiffres officiels du chômage. Or en Europe, 80% des temps partiels imposés sont effectués par des femmes et en 2011, 31,6% de femmes qui ont un emploi travaillent à temps partiel contre 8,1%

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pour les hommes4. (les femmes travaillent dès lors 4X plus à temps partiel) que les hommes. Il faut bien souligner que l’augmentation du temps partiel des femmes dans les pays les plus touchés par la crise de la dette5 démontre bien que le passage des femmes à un emploi à temps partiel est une des conséquences directes de la crise…

Seconde conséquence de la crise de la dette sur le travail rémunéré des femmes

2.

A cause de la crise économique et de l’austérité les salaires et retraites des travailleuses sont réduits

L’une des principales variables d’ajustement consiste à réduire salaire et temps de travail des travailleurs/euses du secteur public composé, comme on l’a vu majoritairement de femmes.  Les salaires sont gelés ou réduits  En Espagne où les femmes composent 55 % du personnel de la fonction publique, les salaires ont été baissés de 5% en 2010, gelés en 2011 et diminués de 7% en 2012  En Roumanie, les salaires des fonctionnaires (composés à 53% de femmes) ont été baissés 25%. Suppression du 13ème mois. Elimination des augmentations de salaires prévues  en Estonie, entre 2008 et 2010, les salaires de la fonction publique ont été diminués de 15%,  les retraites sont diminuées tandis que l’âge de la retraite pour les femmes est retardé

 En Autriche, en 2014, les femmes, au lieu d’arrêter de travailler à 57 ans devront attendre leur 60 ans pour pouvoir toucher leur pension, tandis qu’en Italie elles doivent depuis 2012 continuer à trimer jusqu’à leur 65 ans.  En Roumanie, L'âge de la retraite pour les femmes passe de 57 à 63 ans. Réduction de 15% des pensions. Gel des pensions en 2011.

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Op. Cit.

5

Espagne, Portugal, Grèce, Roumanie, Irlande, Hongrie, Lettonie, Italie

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 En Grèce, on assiste à une baisse moyenne de 7% des pensions. Recul de l'âge de la retraite de 7 ans. Passage de 37 à 40 ans de cotisation pour la retraite à taux plein, ce qui pénalise majoritairement les femmes qui n’ont pas des carrières continues et dès lors moins d’années de cotisation à faire valoir pour leur pension.  les avantages professionnels tels que des primes ou des versements complémentaires comme le 13ème ou le 14ème mois sont sapés,  de nombreux postes à temps complet sont convertis en temps partiel,  le recours au congé sans solde se généralise  en Roumanie, les salarié-e-s ont été contraint-e-s de prendre 2 semaines de congés sans solde en 2009…

Ces pertes de revenus poussent de + en + de femmes à recourir au système de crédit afin de pouvoir assurer les besoins de leur famille et leur survie.

Toutes ces mesures imposées par les politiques d’austérité ou consécutives à la récession ne font qu’encore faire chuter le pouvoir d’achat déjà restreint des femmes. Cette glissade vers la précarité les amène souvent à chercher un 2ème voir un 3ème emploi ou à alterner, comme en Angleterre, leur temps de travail avec celui de leur conjoint : alors que l’un-e travaille de jour, l’autre travaille de nuit pour éviter de devoir allouer une partie de leurs revenus à la garde de leurs enfants… L’actuelle précarité des femmes retraitées sera comme on l’a vu encore accentuée. Toujours plus de femmes vivront l’enfer d’une vieillesse démunie alors qu’elles auront travaillé toute leur vie. Les retraitées deviennent l’un des groupes les plus exposés au risque de pauvreté. Pas moins de 22% 6 d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté en Union Européenne.

 Notons qu’en France, notamment à cause de la généralisation du travail partiel (or, qui dit travail partiel, dit retraite partielle !), les retraites féminines sont inférieures à 40% de celles des hommes

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European Parliament, « Opinion draft on an agenda for adequate, safe and sustainable pensions », 19 décembre 2012

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 tandis qu’en Pologne, les femmes reçoivent une retraite inférieure au salaire minimum déjà extrêmement faible !

3.

La crise de la dette accentue le phénomène de précarisation de l’emploi féminin en Europe

La diminution des revenus du ménage générée par la récession pousse les gens des classes populaires à accepter des emplois qui se situent largement en deçà de leurs qualifications professionnelles et/ou de leur niveau d’étude. Ce phénomène est particulièrement vrai pour les femmes (et plus spécifiquement encore pour les mères) qui ont plus de difficultés que les hommes à accepter des emplois qui ne leur permettent pas de concilier vie professionnelle et responsabilités familiales (ex. travail éloigné de leur domicile et/ou dont les horaires ne sont pas compatibles avec ceux des structures scolaires et parascolaires). Ainsi encore plus aujourd’hui qu’hier, les femmes sont majoritaires dans les emplois précaires Or, non seulement ce sont précisément ces emplois-là qui : 

sont les premiers supprimés en cas de licenciement mais en plus,

ils ne permettent pas ou peu aux travailleuses d’accéder à la protection qu’offre la législation du travail et la sécurité sociale.

De fait, bien souvent, les travailleuses précaires sont privées  des conditions relatives à la protection durant la grossesse ou au congé de maternité ainsi qu’aux  autres formes majeures de protection sociale. Pour clore ce premier point, on peut affirmer que la crise de la dette et l’austérité ont indubitablement amoindri partout en Europe les revenus que les femmes peuvent escompter de leur travail rémunéré. Un paramètre illustrant parfaitement cette tendance est l’augmentation avec la crise de l’écart salarial entre les hommes et les femmes dans les pays les plus touchés par la Crise de la dette. Il atteint en 2011 une moyenne de 16% en Europe et monte jusqu’à 30% dans certains pays tels qu’en Estonie. 18% en Hongrie 16% en Espagne (en Belgique, il est de 21% ??).  Ainsi, la crise de la dette est dans toute l’Europe synonyme de : 11


précarisation financière, physique et psychologique du travail des femmes,

d’augmentation de leur pauvreté (un nombre grandissant de travailleuses ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté) et

de perte d’autonomie financière, élément fondamental de toute réelle émancipation des femmes

Nous arrivons à notre 2 ème mesure consécutive à l’austérité

La Casse de la protection sociale Partout en Europe, au nom des économies à réaliser pour gérer la « crise de la dette », les budgets de protection sociale subissent des restrictions draconiennes : diminutions : -

des allocations de chômage,

-

des allocations sociales,

-

des aides aux familles,

-

des allocations de maternité,

-

des prestations aux personnes dépendantes, etc.

Ces coupes affectent particulièrement les femmes dans la mesure où parce qu’elles assument encore le rôle de responsables principales de la famille et sont plus précaires financièrement, elles sont plus dépendantes des allocations sociales que les hommes.

1.

Les mesures d’austérité sapent les politiques familiales des Etats

En Espagne, le Ministère pour l’égalité a été purement et simplement supprimé tandis qu’en Italie, le budget des politiques familiales a été diminué de 70%.

 En Angleterre,  la subvention de bonne santé pendant la grossesse,  les allocations familiales,  les crédits d’impôts liés à la naissance d’un enfant ont tous été réduits ou gelés.

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 D’autres réductions, comme la réduction des aides au logement, vont toucher les femmes de façon disproportionnée, car d’avantage de femmes que d’hommes dépendent de ces prestations.  Une étude commandée par le syndicat anglais TUC relève que suite à toutes ces mesures, les mères célibataires perdent pas moins de 18% de leurs revenus nets.  En Allemagne :   des allocations de maternité et du congé parental.   des allocations de chômage.  Suppression de l'allocation parentale de 300 euros pour les chômeurs/euses de longue durée  En Hongrie :  Gel de l'allocation familiale.   des allocations de chômage.   de 66% des subsides pour les repas des enfants à l'école maternelle et primaire.  Au Portugal :   des allocations de maternité et du congé parental.  L'instauration de pénalités pour non-respect du droit des femmes enceintes à une allocation et à un congé de maternité a été reportée.  L'allocation pour soins prodigués à un enfant handicapé  de 30%.

De plus, alors que les femmes sont souvent désavantagées en terme d’accès et de niveau des allocations de chômage (en Allemagne sur les 47% de femmes qui sont chômeuses seulement 28% touchent des allocations de chômage) (les systèmes de protection sociale continuent à être construits sur le concept d’une carrière ininterrompue au cours d’une vie professionnelle allant de 40 à 45ans, ce qui correspond rarement au cycle de la vie professionnelle des femmes), les politiques d’austérité prévoient encore de les diminuer. Certains pays ont rendu leurs critères d’éligibilité aux allocations encore plus stricts, tandis que d’autres comme l’Irlande diminuent leur montant (de 4%) ou encore écourtent la durée d’indemnisation (cf. Danemark a réduit de moitié - de 4 à 2 ans - la durée des allocations chômage) La Belgique quant à elle :   à réduit les allocations de chômage de longue durée,  applique une plus grande dégressivité dans le temps et des conditions d'exclusions du chômage élargies

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 Une dernière mesure particulièrement crapuleuse consacre la suppression de 6 mois d’allocations de chômage pour les femmes enceintes licenciées.

 Tous ces exemples montrent combien les mesures d’austérité résultant du système dette sont contraires à toute visée émancipatrice des femmes :  elles sapent leur autonomie financière  tout comme toute possibilité de mieux pouvoir concilier leurs différents temps de vie via le recours à des services publics  et ambitionnent de leur faire porter le prix le plus élevé de la crise.

2.

Les politiques d’austérité minent les programmes instaurant l’égalité des genres

Les politiques d’égalité des genres Alors que les mesures de promotion de l’égalité des sexes ne doivent pas être un « luxe » réservé uniquement aux périodes de croissance économique, on constate très clairement que la crise de la dette entraine une diminution autant de :  l’attention des politiques que  des financements pour les mécanismes d’égalité des genres ainsi que pour  la mise en pratique des lois en la matière. Or, l’importance de l’existence de telles politiques est particulièrement criante en période de récession. A cause des mesures d’austérité, les services de soins pour les enfants et autres personnes à charge deviennent de moins en moins :  abordables,  adéquats,  accessibles et  leur qualité se dégrade. Or, de bons services de soins sont la garantie pour les femmes  d’un meilleur équilibre entre temps de vie professionnel et privé, 14


 ils facilitent leur participation au marché de l’emploi et  stimulent l’égalité des genres. En outre, des services de qualité jouent rôle important dans le développement positif des enfants.  En Estonie, les heures d’ouverture des services à l’enfance sont réduites empêchant les femmes de les concilier avec leur horaire de travail tandis qu’en Irlande, les prix demandés par les structures d’accueil de la petite enfance ont augmenté. A Dublin, la somme mensuelle par enfant dans les crèches est de 800 à 1000€ !!!

Ce déclin des services de soins à déjà obligé nombre de femmes européennes soit :  à diminuer leurs heures de travail rémunérées et dès lors, à basculer dans le travail partiel,  soit à carrément abandonner le marché de l’emploi. Ainsi le taux d’emploi des femmes d’Europe chute de 12,4% lorsqu’elles ont des enfants (chiffres de 2009 – maintenant çà doit être encore pire).  On constate à quel point les mesures d’austérité mettent en danger  les acquis des combats féministes et  renforcent les stéréotypes existants de l’homme gagne-pain et de la femme au foyer.

Les associations de femmes

Les associations de promotion des femmes sont elles aussi directement dans l’œil du cyclone de l’austérité. Partout en Europe, alors qu’elles ont contribué à des changements significatifs en faveur des femmes et indirectement au bien-être général, ces associations doivent faire face à  de leurs subventions autant publiques que privées. En Catalogne, les Maisons et associations de promotion des femmes ont vu leurs subsides diminués de moitié tandis qu’en France, en 2011, se fermait le dernier centre d’hébergement parisien qui accueillait les femmes en difficultés !

 En conclusion, on peut sans crainte affirmer que la dette détériore en spirale toute politique et processus menant à l’émancipation des femmes en Europe

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Destruction du service public Autre mesure prise par les gouvernants européens au nom du sacro-saint équilibre budgétaire: la destruction des services publics. Elle touche en premier lieu et triplement les femmes car : Elles sont majoritairement employées et usagères des services publics et ce sont elles qui doivent, via une  de leur travail non rémunéré et invisible, assurer les tâches de soins et d’éducation tout comme de transport des biens et des personnes délaissées par la fonction publique. On assiste ainsi à une véritable substitution des rôles et des responsabilités de l’Etat vers le privé et donc vers les femmes. Au nom de la dette publique et des plans d’austérité, on passe du concept de l’ « Etat social » à celui de « Mère sociale ». Les femmes subissent également de plein fouet les coupes dans les systèmes de santé et d’éducation. En tant que travailleuses prééminentes dans ces secteurs (2/3 des effectifs des services sociaux sont féminins en Europe), elles sont les premières touchées par des pertes d’emplois imposées au nom de l’austérité et leurs conditions de travail se dégradent. De plus, alors que des centres de santé se ferment moins de subsides publics sont attribués à la santé sexuelle et reproductive des femmes. Les maternités et centres de gynécologie sont généralement les premiers services hospitaliers à être supprimés au nom des économies à réaliser pour rembourser la dette.  En France, Fermeture de 144 maternités entre 2001 et 2012. Plus globalement en 35ans, 800 maternités ont été supprimées. Fermeture d'écoles maternelles publiques et gratuites pour les enfants à partir de 2 ans au profit de "jardins d'éveil" privés et payants.  En Grèce,   nombre de crèches.  Beaucoup d'hôpitaux ont été fermés ou fusionnés et dans ceux qui continuent leurs activités règne un manque criant de personnel et de matériel médical avec pour conséquence directe l'incapacité de nombreux services à assurer les besoins médicaux de tou-te-s les patient-e-s. Là aussi, on assiste à la fermeture de Jardins d'enfants publics.  En Italie,  du nombre de crèches.  Les coupes récentes ont réduits la disponibilité de classes en plein-temps dans l'enseignement primaire. 16


Enfin, l’autodétermination reproductive des femmes conquise de hautes luttes est sans cesse attaquée. En Espagne, le gouvernement conservateur a franchi le pas d’une régression insupportable en adoptant le 20 décembre 2013 un projet de loi annihilant les possibilités de recours à l'IVG. L’avortement ne sera plus un droit et ne sera autorisé qu'à 3 conditions.   

- suite à un viol, justifié par un dépôt de plainte ; - en cas de grave danger encouru par la femme, attesté par deux médecins différents et étrangers à l’établissement pratiquant l’IVG ; - en cas de malformation fœtale, confirmée par rapports médicaux.

Le texte réintroduit par ailleurs l'obligation pour les mineures âgées de 16 et 17 ans d’avoir une autorisation parentale (actuellement, les parents doivent simplement en être informés). Heureusement, un peu partout en Europe s’organisent des manifestations contre ce projet on ne peut plus réactionnaire qui prive la femme, et par-delà le couple, de la possibilité de choisir sa vie. En France, ce sont plus de 180 centres IVG qui ont fermé leurs portes en dix ans, en Suisse plane la menace d’un avortement désormais payant, au Portugal, des centres de santé refusent de fournir la pilule du lendemain tandis que dans un nombre toujours croissant de pays, on impose aux femmes désireuses de se faire avorter toute une série de procédures telles que l’obligation d’obtenir l’autorisation des parents pour les mineures (Catalogne) ou encore le passage devant une « institution de conseil » tenue généralement par des religieux/euses (Roumanie). On imagine bien quel type de discours culpabilisateur, moralisateur et jouant sur l’émotionnel les femmes entendent en de tels lieux… Parallèlement à toutes ces stratégies visant à empêcher les femmes d’avoir un contrôle sur leur propre corps, et dès lors sur leur vie, on assiste à une véritable banalisation de la prostitution et de la marchandisation du corps des femmes tandis que les violences à leur égard sont toujours plus fréquemment marquées du sceau de l’impunité. Ainsi pour ne citer qu’un seul exemple : En France, la loi contre les violences faites aux femmes déjà très édulcorée par rapport à la loi carde initiale défendue par les féministes est fort peu opérante vu les faibles moyens qui lui sont octroyés ! Notons pour clore ce point sur les impacts de la destruction des services publics sur les femmes enfin que la privatisation des services sociaux à la personne également au menu des politiques d’austérité sanctionne quant à elle surtout les femmes migrantes et sans-papières. Souvent non déclarées et donc sans accès à une protection et aux avantages sociaux et professionnels, ces femmes sont fortement exposées à des conditions de travail proches de celles du travail forcé ainsi qu’aux violences sexistes et/ou racistes.

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Remise en cause du droit du travail Le démantèlement de la législation du travail et la désagrégation du droit syndical constituent une autre des mesures d’austérité infligée par les gouvernements européens à leurs populations. Le travail flexible, précaire et informel devient pour les femmes plus la norme que l’exception. Ainsi, 83% des personnes travaillant à temps partiel en France sont des femmes. Non seulement partout en Europe, au titre du remboursement de la dette, les femmes travaillent plus (cumulent entre autres les mi, tiers, quart temps) pour gagner moins mais en outre elles ont à faire face à  des procédures illégales à leur égard, en particulier lorsqu’elles sont enceintes ou après un congé de maternité. Ainsi au Royaume-Uni, la Commission pour l’égalité des chances reconnaît qu’alors que le nombre de licenciements de femmes enceintes atteignait 30 000 femmes en 2009, ce phénomène s’accentue continuellement avec la crise.

Augmentation de la TVA Enfin l’ de la fiscalité sur la consommation – sous forme de pourcentage accru de TVA – qui occupe une place de choix dans l’éventail des mesures socialement régressives imposées au nom de la dette désavantage les classes populaires et parmi elles, particulièrement les femmes. De fait, comme en raison d’une division des tâches et des responsabilités encore toujours inégalitaire, ce sont généralement les femmes qui assurent les besoins de base et l’alimentation de la famille, ce sont elles qui sentent le plus durement les effets de l’augmentation des prix des produits de consommation courante. A titre d’exemple : En Angleterre, la TVA est passée de 17,5 à 20%.

Toutes ces mesures d’austérité mènent à une usure généralisée des femmes Les femmes sont bien aux premières loges, minées par l’impact psychologique d’une pauvreté s’amplifiant, l’usure engendrée par trop de labeur et le stress induit par l’obligation d’assumer de multiples rôles. Le tout menant à une dégradation de leur santé physique et psychique. Les femmes n’ayant plus de temps pour souffler, s’occuper de leur propre personne ou de participer aux affaires publiques Comme on l’a vu, la dette et les plans d’austérité ne sont nullement neutres du point de vue du genre. Bien au contraire, ils sont la cause : 18


 d’une féminisation de la pauvreté,  d’une précarisation de l’emploi féminin,  d’ considérable de la charge de travail gratuit fourni par les femmes pour amortir leurs effets dévastateurs et de plus,  ils détruisent les acquis féministes … Or, alors qu’elles en supportent les pires conséquences, les femmes n’ont à payer aucune dette de quelque nature soit-elle. Ce sont elles les véritables créancières tant au niveau national qu’international. Elles sont titulaires d’une énorme dette sociale. Sans leur travail gratuit de production, de reproduction et de soins aux personnes, nos sociétés péricliteraient tout simplement ! Or comme on l’a vu tout au long de cet exposé, partout en Europe, ce sont bien les femmes qui paient le prix le plus élevé des politiques imposées au nom de la dette, partout, ce sont elles qui sont les plus durement frappées. Il n’est dès lors pas un euphémisme de déclarer que l’illégitimité de la dette publique est encore plus criante lorsqu’on est une femme ! Face à l’ampleur des attaques contre les services publics, contre la protection sociale et toute forme de solidarité qui participait à leur émancipation en tant que femmes, Face à ces mesures d’austérité qui en essayant de les reconfiner à la sphère privée sont de véritables courroies de réactivation d’une idéologie patriarcale, conservatrice et complètement sexiste, Face à cette destruction en règle de leurs droits les plus fondamentaux et de leur autonomie économique,

Les femmes d’Europe se mobilisent de diverses façons contre la dette et revendiquent l’audit ! Cette mobilisation à commencé en Grèce en février 2011 avec l’Initiative « Femmes en mouvement contre la dette et les plans d’austérité » née de la volonté de poser la question de la dette d’un point de vue féministe. Ce mouvement indépendant et autonome basé sur l’auto-organisation veut se constituer en un parapluie large qui regroupe au-delà des appartenances associatives, syndicales et politiques l’ensemble des femmes européennes ayant décidé de se mobiliser contre la dette et les mesures d’austérité.

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L’objectif étant de parvenir à mettre sur pied en partant d’un niveau local et/ou national un front coordonné des féministes européennes contre le « système dette ». Progressivement, comme nous le verrons par la suite, leur appel commence à être entendu et répercuté. Les militantes grecques furent les premières de l’Initiative à réaliser des actions contre la dette et les plans d’austérité. Elles ont exigé des audits des comptes publics nationaux et locaux mais aussi des audits d’hôpitaux, de centres sociaux, d’écoles…de toutes les structures que le gouvernement pille actuellement Elles ont initié et participé aux mouvements « nous ne payons pas » qui refusent de payer les transports publics dont le prix a triplé pour payer la dette, les nouveaux péages routiers et les nouveaux impôts injustes imposés aux pauvres et à la classe moyenne. Elles ont également initié une série d’actions dans les rues et au sein même des hôpitaux visant à dénoncer une mesure d’austérité portant à 900€ le coût d’un accouchement à l’hôpital. Dernièrement, avec le mot d'ordre: « Pas une femme toute seule dans la crise », l’Initiative des Femmes contre la Dette et les mesures d’Austérité est en train de créer une structure de solidarité à Thessaloniki. Fin janvier, elle va ouvrir une maison de solidarité de femmes dont l’’objectif est donner de l’aide à toutes celles qui sont en souffrance à cause de l’austérité, aux femmes qui connaissent la pauvreté absolue et sont en détresse. Il s’agit surtout des mères monoparentales, des immigrées, des femmes battues, sans toit. La maison a été mise à disposition via une amie des militantes de l’Initiative. Cette maison sera un espace ouvert et autogéré où, les femmes pourrons exprimer leur voix, se rendre visibles et organiser leurs résistances pour répondre de manière collective et solidaire aux attaques perpétuelles contre leurs droits. Dans cette maison seront partagés 1)

des conseils juridiques et sanitaires et du soutien en cas des violences physiques etc

2) la possibilité d’échanger des vêtements et de la nourriture tout en organisant des repas collectifs, des ateliers de discussions et de projection de films 3) et aussi un lieu pour agir de manière collective aux problèmes que les femmes rencontrent (coupure de l'eau et de l’électricité, expulsions de leurs maisons, problèmes relatifs à l’accès aux soins des hôpitaux, à l’accouchement gratuit etc.) D’autre part le groupe d’Athènes de l’Initiative Femmes contre la Dette et les mesures d’Austérité se prépare à lancer sa campagne pour les Droits à la Santé des Femmes, les Droits Sexuels et Reproductifs et propose deux grandes actions:

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1) L’organisation d’une campagne pour l’accouchement libre et gratuit avec le mot d'ordre : L’accouchement est un droit, pas une marchandise ! Des actions auront lieux dans des grandes maternités d’Athènes où les femmes de l’Initiative accompagneront deux femmes enceintes, une grecque et une immigrée, pour revendiquer « l’accouchement libre et gratuit » et l’abrogation des mesures de la Troïka qui pénalisent et punissent l’accouchement des pauvres dépourvus d’assurance-maladie. 2) Seconde action : Créer une structure mobile pour sensibiliser et informer sur des thèmes de planning familial : contraception, avortement, maladies sexuellement transmissibles, grossesse, accouchement, hygiène individuelle, rapports sexuels et humains, droits sexuels et reproductifs,… Si vous désirez vous mettre en contact avec les militantes grecques de l’Initiative et apporter votre soutient à leurs actions qui reposent essentiellement sur l’autogestion et la solidarité, n’hésitez pas à me le dire ! Parallèlement à ces mobilisations, Partout où des processus d’audit de la dette se créent (cf. France, Irlande, Grèce, Portugal, Espagne et bientôt nous l’espérons en Belgique), l’Initiative travaille à outiller le mouvement féministe pour qu’il puisse y participer activement et y faire entendre ses exigences et ses revendications. 

L’Initiative a organisé des Tournées féministes en France et en Italie en 2012-2013

Tournée des féministes européennes en France au sein des Collectifs d’Audit Citoyen (CAC) Ainsi, à l’automne 2012, des militantes féministes de 7 pays (la Grèce, l’Espagne, le Portugal, la Hongrie, la France, la Belgique et l’Angleterre) ont sillonné les r outes de France pour réaliser au sein des Collectifs d’Audit Citoyen (CAC) des rencontres et des conférences sous le thème « Dette publique illégitime, austérité, crash social et Féminisme ». Ces rencontres, tout en démontrant aux militant -e-s des Collectifs d’Audit Citoyen la nécessité de réaliser ces audits avec un angle d’analyse féministe, ont permis de sensibiliser les mouvements de femmes participant à la tournée à l’urgence de se mettre en marche contre la dette qui anéantit toute perspective d’émanc ipation.

Tournée féministe en Italie En mars-avril 2013, l’Initiative « Femmes contre la dette et les mesures d’austérité » a également réalisé une tournée dans 10 villes italiennes. Son objectif : impulser la création d’un réseau de solidarité face à la crise sanitaire et humanitaire qui frappe de plein fouet la Grèce. Ainsi, sous l’impulsion de féministes italiennes et grecques, un mécanisme de collecte et d’envoi de dons financiers et de matériel médical et pharmaceutique nécessaire aux dispensaires sociaux grecs fut mis en place. 21


Ces tournées féministes sur la dette et l’austérité permettent de sensibiliser de nouveaux publics, d’aller à la rencontre des gens de la base. Elles renforcent le réseau « Femmes contre la dette et les mesures d’austérité » et ainsi participent à la lutte contre la dette et pour l’audit en Europe.

 L’Initiative a coordonné l’Agora sur les Alternatives et résistances féministes de Firenze 10+10. Firenze 10+10 fut le rdv européen que les mouvements sociaux européens se donnèrent novembre 2012 pour débuter la lutte coordonnée contre l’austérité Cette rencontre permit de partager des propositions de mobilisations féministes contre la dictature de la dette et de l’austérité et amena tout Firenze 10+10 à appeler à l’organisation d’un 8 mars ayant comme axe de lutte la dénonciation des régressions des droits des femmes et la destruction de leur autonomie financière menée au nom de la dette et de la crise.

Si 2011 marqua le début des mobilisations féministes contre la dette et les mesures d’austérité, 2012 et 2013 furent celles de la multiplication des initiatives et des convergences féministes contre le « système dette ».

le 8 mars 2012 fut l’occasion pour de nombreuses féministes européennes de faire entendre leurs protestations, leur indignation et leur colère face à la « gestion » néolibérale de la crise de la dette. Que ce soit sous forme de manifestations, de vidéos, de pétitions internationales, d’interpellations politiques ou encore de communiqués de presse, les femmes ont dénoncé les innombrables régressions socio-économiques au menu des mesures d’austérité. En cette journée internationale des femmes, des féministes portugaises et belges ont clairement et publiquement opté pour l’audit de la dette comme outil de mobilisation. Elles appellent à la réalisation d’audits de la dette publique qui intègrent autant une analyse des impacts des politiques d’austérité sur les femmes que leurs alternatives pour la construction d’un nouveau modèle social qui garantisse l’émancipation de toutes et de tous.

La Marche mondiale des femmes s’est également jointe à cette contre-offensive féministe à la dette et à l’austérité. Elle a axé sa campagne européenne contre la dette. De fait, si l’une de ses revendications consiste en la réalisation d’un audit féministe de la dette afin d’en annuler la partie illégitime l’un des slogans de sa campagne est « La dette publique est envers les femmes, non envers les banques ! ». Récemment, al MMF Europe a décidé que la dette structuerait les analyses et actions de sa 3ème mobilisation internationale de 2015. 22


La Belgique n’est pas en reste de ces mobilisations féministes. 2012 a vu la tenue à Bruxelles d’Agora féministes contre la crise et l’austérité. Ces Assemblées populaires de femmes sont nées de la volonté d’apporter une réponse féministe à la crise et de se réapproprier l’espace public et politique. Ces Agoras ont débouchés sur la création d’un Collectif qui s’est appleé Ta mère à l’Agora et s’est rabatisé : Elles s‘en mêlent qui condamne l’austérité et son caractère sexiste, la dette comme instrument de saccage social, le patriarcat, le racisme et le sexisme. Actuellement le collectif travaille sur la réalisation d’une facture qui visibiliserait tt l’argent que le gouvernement a épargné sur le dos des femmes depuis l’application des mesures d’austérité. Nous comptons faire en sorte que le max de femmes remplissent cette facture en indiquant par ex le nombre d’heures qu’elles consacrent par semaine durant le temps où elles pourraient avoir un travail rémunéré à s’occuper de leurs enfants ou des enfants des autres, à prendre soin des personnes malades, handicapées ou âgées de leur famille mais aussi où elles indiqueraient le montant que la diminution des allocations sociales leur a fait perdre. Après avoir collectivisé l’ensemble de toutes ces données, nous allons envoyer la facture de tout cet argent enlevé aux femmes aux politiques avec des rappels et même des mises en demeure en revendiquant non seulement l’arrêt immédiat de l’ austérité mais aussi la réalisation d’un audit féministe de la dette, l’annulation de sa part illégitime et la mise en place d’une fiscalité socialement juste ! Nous utiliserons aussi toute la dynamique qui se sera créée autour de la réalisation de cette facture pour faire des actions de rue dès que le climat nous le permettra !

Vie Féminine en collaboration avec le CADTM a réalisé un outil pédagogique sur les mesures d’austérité, la dette et la crise en y intégrant la dimension du genre. Cet outil qui sera accessible à la fin de ce mois vise à promouvoir une analyse critique de la société et à permettre le développement d’actions collectives contre l’austérité et la dette illégitime. Il présente clairement l’audit citoyen de la dette comme un instrument de mobilisation sociale en vue de l’annulation de la dette illégitime. Aussi, si cet outil en destination d’un public en alphabétisation - public qui n’a pas été scolarisé dans le pays d’origine mais qui a un bon niveau de français oral - et aussi en direction d’ un Public Fle (francais-langue étrangère) - public scolarisé dans le pays d’origine pouvant s’exprimer dans un français courant - vous intéresse, aussi n’hésitez pas à me demander plus d’infos.

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Je vais clôturer en soulignant que plusieurs associations féministes belges sont actives dans le processus d’audit citoyen. Ainsi par exemple parmi les 6 associations ( SCI, Quinoa, Bruxelles Laîque, CADTM) qui appellent mercredi 15 janvier au lancement de l’audit citoyen à Bruxelles, 2 sont des associations féministes (VF, Monde selon les Femmes). Nous espérons que ce n’est qu’un début et que progressivement les femmes et leurs collectifs se joindront de plus en plus à l’audit afin de le renforcer et de faire en sorte qu’il contienne bien une perspective et des revendications féministes !

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