Séminaire EPSU – Vienne, 15 et 16 janvier 2015 S’opposer à la libéralisation des services publics prévue dans les accords TTIP, CETA et TISA 85 participants provenant de 25 pays, dont beaucoup d’Europe de l’est. Rappel : CETA (accord UE-Canada) : texte « consolidé » clôturé fin septembre 2014 (les négociations avaient débuté en 2009), publié par la Commission européenne,1 et qui peut dès lors servir de référence pour ce qui risque de figurer dans le TTIP (accord UE-Etats-Unis). Le CETA ne commencera à être ratifié qu’à la mi-2015, au mieux. En ce moment il est en procédure de révision et de traduction dans les 28 langues de l’UE. On ne sait toujours pas s’il s’agira d’une ratification mixte (PE + parlements nationaux) ou pas (uniquement PE). Dans le cas d’un accord mixte, le refus d’un seul Etat de ratifier l’accord entraînerait le blocage de celui-ci.
TTIP (accord UE-Etats-Unis) : négociations entamées en juillet 2013 et prévues de s’achever fin 2015.
TISA (accord sur le commerce des services) : Négociations entamées début 2013. Pas de date butoir connue à ce jour.
Pour une information détaillée sur le contenu et les menaces que représentent ces différents traités, cf www.cgspwllonne.be 5 règles de base reprises dans l’ensemble des traités de libre-échange qui nous occupent : - Règles d’accès au marché : favoriser celui-ci à tous niveaux - Traitement national les autorités d’un Etat doivent traiter de la même façon un service domestique et un service proposé par une entreprise privée (ex. allouer les mêmes montants de subventions) - Règle de la nation la plus favorisée : un Etat ne peut accorder un traitement plus favorable à un service que ce qui ne se fait dans les pays tiers. - Protection des investissements : accorder un traitement équitable et non discriminatoire aux investissements étrangers par rapport aux investissements domestiques - Interdiction des « expropriations directes et indirectes » : « expropriation » entendue ici sous une acception très large, qui inclut toute forme de régulation par un pouvoir public. En matière de règlement des différends : Deux types de mesures : Système de règlement des différends d’Etat à Etat (ce que prévoit déjà l’OMC) un Etat peut porter plainte contre un autre Etat s’il estime que ce dernier n’a pas respecté les termes de l’accord. Système de règlement des différends d’Investisseur à Etat (ISDS) une multinationale ou tout autre acteur privé peut demander la condamnation d’un Etat si elle s’estime lésée dans sa quête de profits. Jusqu’à présent, seuls CETA et TTIP disposent d’un mécanisme de règlement des différends d’investisseur à Etat, TISA en est apparemment dépourvu.
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Texte disponible via ce lien : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/september/tradoc_152806.pdf; résumé disponible via ce lien : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/december/tradoc_152982.pdf
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Dernières infos concernant CETA (l’accord UE-Canada) :
L’accord ne s’applique pas aux services fournis dans le cadre d’une autorité gouvernementale (police, système judiciaire, armée, …) : cela représente très peu de services ! et cela ne protège pas les services publics !
Application de la « liste négative », du statut quo et de l’effet de cliquet dans la libéralisation des services, ce qui fait de cet accord un danger s’étendant sur un très long terme (cf http://www.cgspwallonne.be/documentations/actualite/item/279-la-cgsp-au-sommetmondial-sur-le-commerce-washington-d-c-15-17-09-14)
Les représentants de la Commission européenne ainsi que les responsables politiques qui participent aux négociations clament souvent avec vigueur que les services publics ne sont pas concernés par les termes de l’accord et que des exceptions protègent ces derniers d’une libéralisation forcée. Or, s’il est vrai que certaines exceptions ont été entérinées, la portée de ces dernières est souvent moindre que ce que l’on veut bien nous faire croire. Quelques exemples : Clause sur les services d’utilité publique (public utility clause) Cette exception ne couvre que l’accès au marché. Cette exception est donc fortement limitée et ne protège pas les services d’utilité publique des 4 autres règles contenues dans l’accord. Par ailleurs, cette clause ne protège que les services en situation de monopole d’Etat (autant dire, quasiment aucun), et ne s’applique qu’aux investissements et pas au commerce transfrontalier de services. Enfin, elle est loin de couvrir l'entièreté des services publics : l'énergie et les télécommunications, par exemple, ne sont pas concernés par cette clause. Services liés à l’eau La clause ne s’applique pas aux règles de la nation la plus favorisée, du traitement juste et équitable, de l’expropriation et ne concerne par l’assainissement et le traitement des eaux usées. En séparant les services de distribution d’eau potable des services liés à l’assainissement et traitement des eaux, l’accord menace les services publics qui s’occupent des deux secteurs en interconnexion. Marchés publics et subsides Ils sont soi-disant hors de portée de l’ISDS (règlement des différends investisseurs-Etat). Mais seuls quelques articles du chapitre « investissements » émettent en effet des exceptions dans ce secteur, ce qui signifie que les autres articles du chapitre s’appliquent bel et bien aux marchés publics et subsides dans le cadre de l’ISDS. Concernant les subsides à proprement parler : bien qu’ils soient effectivement hors de portée de l’ISDS, des « consultations informelles » peuvent néanmoins mettre en Etat dans l’obligation de minimiser ou éliminer les subsides octroyés si ceux-ci sont considérés comme ayant des « effets négatifs »
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Marchés publics : des seuils maximums sont établis dans le cadre de l’achat de biens, de services et de tâches. Mais : au vu du manque criant de clauses sociales contraignantes dans l’accord, le fait de conditionner les contrats publics au respect des droits des travailleurs (salaire minimum, 2
conventions collectives, …) risque d’entrer en contradiction avec les autres dispositions prévues par le CETA en matière de marchés publics. -
favoriser une entreprise locale ou l’utilisation de produits locaux sera interdit
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Les mesures de prévention et protection de la santé ne peuvent constituer une « discrimination arbitraire » ou une « restriction déguisée au commerce ». Or, quels seront les critères permettant d’établir la limite de ces deux concepts pour le moins brumeux ?
Education, santé et services sociaux Cette exception ne couvre pas les règles de la Nation la plus favorisée, du traitement juste et équitable et de l’interdiction d’expropriation. La libéralisation de ces services ne peut porter que sur les services bénéficiant de fonds privés. Or, énormément de services publics ont également un apport privé dans leur financement, ne seraitce que via la participation des patients ou la souscription à une assurance dans les soins de santé, le paiement d’un minerval dans l’éducation, etc. Est-ce que ces types d’apport sont considérés comme des « financements privés » ? cela n’est pas clair dans le texte de l’accord. Energie et remunicipalisation Cette exception ne s’applique qu’aux systèmes de transmission d’électricité et de gaz, et ne couvre pas les réseaux locaux de distribution. La remunicipalisation de ces réseaux n’est donc pas protégée. De plus, la clause « service d’utilité publique » ne s’applique pas dans ce contexte, puisqu’elle ne couvre que l’accès au marché et pas le traitement national. Or, pour pouvoir remunicipaliser un service, il faut pouvoir le financier publiquement au niveau national, ce que la règle du traitement national interdit. Cependant, en Belgique, une exception proposée via la « liste négative » permet à l’autorité publique de garder la main sur le secteur de distribution d’énergie. Droit du travail Un gouffre dans l’accord : il n’y existe aucune clause contraignante portant sur les droits humains fondamentaux (clause qui pourrait entraîner la suspension de l’application de l’accord en cas de violation de ces droits). Le Canada a proposé la mise en place de sanctions économiques (amende de 15 millions de dollars) en cas de violation du droit du travail, mais cette proposition a été rejetée par l’UE ( !). L’on constate qu’en les observant de plus près, les exceptions présentées par les négociateurs comme préservant les services publics et protégeant les droits sont pour la plupart rendues partiellement ou entièrement caduques par le fait que seuls certains articles sont effectivement concernés par ces exceptions, ce qui amoindrit fortement la protection des services censés être protégés.
Cet accord entre également en contradiction avec certaines dispositions du droit européen. Par exemple, la clause sociale adoptée dans le cadre de la directive sur les marchés publics ne pourrait pas être d’application sous le CETA, car celui-ci ne prévoit aucune clause sociale contraignante dans ce chapitre. Le texte entre également en conflit avec les mesures relatives aux services d’intérêt général figurant dans le Traité de Lisbonne, ainsi qu’avec des lois européennes telles que l’interdiction faite par l’UE aux Etats d’accorder des subventions à des investisseurs privés : si l’on met en œuvre la règle du traitement national, les Etats seraient supposés financer les acteurs privés de la même façon que les acteurs publics. 3
Certains Etats européens ont dressé une liste d’exceptions qu’ils voudraient faire valoir au niveau national (liste négative), mais peu d’entre eux ont effectivement réalisé ce travail, hormis l’Allemagne, un peu la France et la Belgique.. Et ces exceptions ne s’appliquent de toute façon pas à l’ensemble des 5 règles sur la protection des investissements, ce qui les rend également peu fiables. Initiatives déjà lancées pour contester ces accords, (outre les nombreux rapports déjà publiés sur le sujet et les mobilisations locales qui ont lieu un peu partout depuis plusieurs mois): - une Initiative Citoyenne Européenne avait été proposée en juillet dernier, mais refusée par la Commission européenne. La pétition circule quand même à travers l’Europe et a déjà rassemblé plus d’un million de signatures ! - la consultation publique sur l’ISDS dans le TTIP lancée par la Commission européenne à l’été 2014 a suscité plus de 115 000 réponses ! Parmi celles-ci, 97 % sont contre l’ISDS et s’opposent à l’accord de partenariat transatlantique d’une manière générale. Malgré cette participation sans précédent, et la nature des réactions pour le moins unanimes dans le sens de la condamnation des termes de l’accord, la Commission a réagi extrêmement faiblement, suggérant que des recommandations soient faites dans le cadre de la mise en œuvre de l’ISDS, mais ne remettant pas en question le mécanisme. - au Canada, plus de 50 municipalités se sont déjà prononcées contre le CETA : cf http://rqic.alternatives.ca/spip.php?article79&lang=fr - en Norvège, une large campagne contre le TISA est en cours - au niveau du Parlement européen, les libéraux et PPE sont favorables au Traité, les verts et l’extrême droite sont contre. Au niveau S&D les pour et contre se partagent en ce moment fiftyfifty. Leur position finale fera pencher la majorité du Parlement vers le pour ou le contre : important de les convaincre !!! Une résolution sur le TTIP doit être votée au Parlement à la mi-mai. Cette résolution déterminera certainement le positionnement du Parlement par rapport au Traité. - Forum Social mondial : la mobilisation s’organise de façon assez large, les accords de commerce occuperont une grande partie des débats - 18 avril : journée mondiale d’action sur les accords de commerce Il est important de rejeter ces accords, d’en refuser la poursuite des négociations, plutôt que d’essayer de voir ce que l’on pourrait éventuellement aménager dans les textes actuels pour qu’ils s’avèrent plus digestes. Ces accords visent avant tout la dérégulation et le transfert de souveraineté des pouvoirs publics vers les transnationales, ils sont donc par définition nocifs et doivent être bloqués.
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