Gravelines 2080 : Paysage Balnéonucléaire ?

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gravelines 2080 Paysage balnéonucléaire ?

De la transition énergétique à la conquête des futurs paysages post-nucléaires


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Membres du jury : Annie Tardivon (paysagiste, enseignate à l’ENSAP Lille, agence INUITS ) Armelle Varcin (paysagiste, enseignante à l’ENSAP Lille) Céline Orsingher (paysagiste, plasticienne) Jérôme Saint-Chélly (service du paysage et de l’aménagement de la ville de Paris) Vincent Charruau (paysagiste, exerçant à l’AGUR ) Travail mené sous la direction d’Annie Tardivon et de Philippe Thomas


3 Diplôme de Paysagiste D.P.L.G.

gravelines 2080 Paysage balnéonucléaire ?

De la transition énergétique à la conquête des futurs paysages post-nucléaires

Travail Personnel de Fin d’Études Réalisé par Cyril Guimard - Juin 2016 École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille


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aux générations futures...


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Premiers contacts Préface Introduction

1 habiter le polder

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Des marais au polder

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L’Atlantide du Nord

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2 Les patrimoines de gravelines

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Risque de désaffection

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Crystal de temps Patrimoine de demain

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Doel ruine moderne

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3 La forteresse électrique

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L’oignon nucléaire

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Les effets de la forteresse

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Réserve nucléaire

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La trame verte et jaune

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4 et si on démantelait ?

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Calendrier prévisionnel du démantèlement

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Décontaminer le paysage

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Mémoire nucléaire

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Relais énergétique

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synthèse et enjeux

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Stratégie temporelle

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Postface

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Bibliographie

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Annexes

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Enjeux

Remerciements


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« Mais qu’est-ce que c’est que ce dépot d’ordures ?

Vous allez en faire quelquechose ?

»

« Il était prévu, il était prévu ... mais on a pas de place »

Donc au début, notre réflexion sur le démantèlement était légère - et le piège s’est refermé sur nous. Claude Parent

Claude Parent, architecte du nucléaire, s’entretenant avec un responsable d’EDF au sujet du démantèlement


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premiers contacts

L’esprit bucolique de l’océan, le cris des mouettes et les sirènes des bateaux qui traversent l’horizon affichent la nature première de ce paysage côtier. Au loin, la silhouette imposante de la centrale attire mon regard.

Rapidement, un sentiment de malaise et d’interdit se font ressentir. Les argousiers piquants, les clôtures, les caméras de surveillance et les patrouilles de sécurité confirment cette gêne inattendue en bord de mer.

La présence furtive d’une joggeuse sur la plage me rassure brièvement. Accueil particulier d’un paysage occupé par une industrie qui se veut sécurisée et sans dangers...


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Croquis d’ambiance aux abords du périmètre de la centrale nucléaire de Gravelines


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préface LE NUCLÉAIRE , TIERS PAYSAGE DU FUTUR Nous ne savons pas ce dont demain sera fait priorité à la sécurité et à la dissimulation, ce et c’est pour cette raison qu’il est nécessaire sont des forteresses monofonctionnelles de réfléchir et agir sur des futurs possibles. et standardisées qui se sont érigées dans nos campagnes plus ou moins habitées. Nul « Mieux vaut prévenir la guérison » ignore l’impact de ces forteresses électriques La sortie du nucléaire français n’est pas pré- dans le paysage, comme personne n’est invue à l’heure où sont écrites ces lignes. Pour- sensible aux lignes haute-tension suspendues tant, le futur paysagiste que je suis ne peut au-dessus de nos têtes qui nous fournissent la s’empêcher à imaginer des horizons où le fée électricité. paysage serait empreint de modifications énergétiques profondes. Je ne peux m’empê- Cette fée, nous nous y sommes habitués, cher de penser sans être pro ou anti-nucléaire jusqu’à l’oublier parfois. Comme nous nous à un avenir qui serait différent que celui réser- sommes habitués à allumer la lumière d’un vé par la conjoncture actuelle. Le jour où aura simple geste sur l’interrupteur, nous ne prêsonné l’heure de la transition, il ne faudra en tons plus attention à ces fils tendus dans les aucun cas se retrouver au pied du mur sans airs ou ces fumées blanches qui s’échappent savoir comment agir. des tours de refroidissement. Pourtant, dès qu’on y fait attention, les adjectifs « disgraLe nucléaire a-t-il blessé nos paysages ? cieux », « moches » ou « dangereux » nous À l’inverse de démarches semblables à celle viennent à l’esprit. de Claude Parent qui souhaitait faire de nos territoires nucléaires des paysages du quo- Nous le verrons à Gravelines, plus que partout tidien, nombre d’infrastructures atomiques ailleurs, les habitants sont confrontés à une présentent les symptômes d’une industrie centrale qui en plus de leur priver d’espaces secrète et camouflée. En effet, à l’image et d’une pratique du littoral habituelle, font de la centrale de Gravelines ou d’autres face à des installations qui ne dialoguent ausites de première génération laissant la cunement avec leur environnement et créent


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des lésions sur un territoire d’une richesse insoupçonnée. Ici, au-dessus, là-bas et là-dessous Les typologies du paysage nucléaire sont nombreuses et variées. S’intéresser aux formes dans les paysages concernés par le nucléaire va au-delà de l’emprise même du site de production. Des sites eux-même jusqu’au sites de traitement ou d’enfouissement des déchets en passant par les postes de transformation, il existe une variété de géographies et de territoires dans le paysage éclectronucléaire. Des friches nucléaires à l’horizon Se laisser la liberté d’imaginer un futur sans nucléaire implique la prise en compte de multiples dimensions dans l’espace et dans le temps, autant de terrains de projets qu’il sera nécessaire de prendre en considération dans l’ère post-nucléaire.1 Le parc nucléaire français vieillit et avec lui la menace grandit. Alors que les démantèlements des centrales dans le monde en sont à leurs balbutiements, les paysages qui en résulteront deviendront une préoccupation capitale du 21ème siècle. Allant de la résorbtion des stigmates hérités de

cette industrie à l’enjeu d’entrer dans la transition énergétique, le projet de paysage s’impose comme le moyen privilégié pour traiter ces problématiques. À l’image du paysage en préalable de Michel Desvigne, il s’agira de mener des actions dans la perspectives de ces changements énergétiques à avenir. La question des temporalités est une matière à laquelle le paysagiste est coutumier, du fait qu’il doit concevoir avec l’histoire des paysages, le temps de croissance des végétaux, la période de temps entre l’image du projet qu’il dessine et sa réalité sur le territoire. Parallèlement, les questions de radioactivité, de démantèlement et la présence des centrales qui marquent plusieurs générations affairent elles aussi à des temporalités étendues.

Ce travail personnel de fin d’études est l’opportunité de s’emparer des interrogations liées au paysage du nucléaire et de l’après-nucléaire. J’espère qu’il saura en intéresser les lecteurs et qu’il véhiculera compréhensibleUlricht Breck, La société du risque global et l’avè- ment les motivations de cet exercice.

1 nement de l’ère post-nucléaire, 2012


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Les perchoirs ĂŠlectriques de Gravelines


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introduction « Si certains esthètes de mauvaise foi affirment que ce sont des signes de notre modernité et qu’il nous faut donc les accepter tel quel, sans état d’âme et même avec fierté, EdF indemnise toutes les communes traversées par des lignes à haute tension pour faire taire les reproches contre ses hideuses tourelles. » Brice Gruet

La prochaine fessenheim Une des plus vieillles centrales Parmi les centrales nucléaires françaises, Gravelines figure dans les plus anciennes unités de productions à avoir été mise en fonctionnement. Reliée au réseau électrique d’EDF à partir de 1980, elle se présente aujourd’hui comme un des sites les plus problématiques en terme de risque1. La fabrication des centrales de première génération fut à l’origine conçue pour une durée d’exploitation d’une trentaine d’années. C’est l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) qui définit suite à des visites décénnales obligatoires si l’exploitation 1

Rapport de Greenpeace de 2013 « 5 centrales à fermer en priorité »


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de réacteurs peut-être prolongée ou non. En fonction de l’état du risque au moment de ses visites, l’ASN peut exiger des réparations, modifications et travaux pour assurer le bon fonctionnement des unités et écarter le risque nucléaire. Le démantèlement des centrales nucléaires est une opération très lourde et coûteuse.

mentaire lié à la présence de l’eau, aux possibilités de submersions marines, d’évolution du trait de côte et de montée du niveau de la mer. Au-delà de la question du risque accru lié à la situation de la centrale, il faut imaginer (c’est le sujet de la première partie) que la centrale se retrouvera progressivement les pieds dans l’eau. L’idée du démantèlement dans de telles conditions renforce le postulat En 2036, si on l’on respecte scrupuleusement d’urgence à penser l’avenir de la centrale et les dates de péremption, la quasi totalité des de ses paysages et l’enjeu économique comsites aura dépassé le seuil d’exploitation de 30 pliqué par la présence de l’eau. ans. Pour repousser la perspective de cette opération de déconstruction de tout son parc Le risque technologique à proximité électronucléaire, EDF a entamé au début du Outre le risque marin, la centrale est confron21ème siècle « Le Grand Carrénage » autre- tée à la proximité d’une dizaine d’indusment dit, la rénovation de ses sites de tries classées SEVESO2. Des installations production afin d’envisager un sursis pour chimiques, pétrolières et technologiques meleur exploitation. Seulement, Gravelines fête- naçent aussi la sécurité de la centrale. Bien ra en 2020 ses 40 ans, et même avec une ral- qu’EDF se prémunisse de ces risques, il ne longe supplémentaire (augmentant de facto peuvent être complètement écartés. le risque de l’installation), l’échéance de son Les risques industriels à proximité démantèlement approche à grands pas, et à l’échelle des temps de projet de paysage, il est primordial de s’y intérésser maintenant. La centrale sur le polder Cette anticipation est capitale quand on sait où est implantée l’exploitation de Gravelines. C’est la raison principale du choix de ce site, le CNPE (Centre Nucléaire de Production d’Électricité) est l’unique centre en France construit sur un territoire pris par l’homme à la mer. Ce contexte induit forcément un risque supplé- 2

Sites industriels présentant des risques majeurs, classés selon la directive européenne Seveso


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80KM

ZONE D’EXCLUSION PÉRIMÈTRE ÉLARGI

30KM

(en cas d’accident)

ZONE D’EXCLUSION PÉRIMÈTRE RESTREINT

20KM

(en cas d’accident)

PPI 2016

10KM PPI

DUNKERQUE CALAIS WATTEN ST-OMER BOULOGNE SUR MER

LILLE


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138 000 habitants, 5400 MW C’est la densité de population qui vit et habite dans un rayon de 10 kilomètres autour du CNPE. Cela en fait le territoire nucléaire le plus densément peuplé en Europe. D’autant plus considérable qu’il s’agit de la la 2ème centrale en puissance installée, avec six réacteurs de 900 MW sur le site de Gravelines. Avec le risque de la menace terroriste, le PPI (Plan Particulier d’Intervention) a été doublé et s’étend désormais sur un rayon de 20 kilomètres et concerne désormais plus de 250 000 habitants. Tous ces facteurs font de Gravelines une priorité à traiter. Ce TPFE s’inscrit avec conscience des risques auxquels est soumise l’exploitation gravelinoise. Conscient de la remise en question croissante de ce mode de production et convaincu que des alternatives existent, conscient de l’équation non résolue des déchets qu’il produit et des enjeux environnementaux, sociétaux et politiques qu’il implique, j’aborde ce travail comme une utopie concrète. Un travail qui propose des pistes d’analyses et de projections pour imaginer le paysage de la centrale dans une dynamique de sortie du nucléaire. Cette sortie n’est que faiblement amorcée d’un point de vue politique, sa mise en place dépend grandement des volontés politiques et des ressources économiques du pays.

J’écarte pour ma réflexion les hypothèses dramatiques que peuvent être l’accident nucléaire, l’impossibilité de financer cette entreprise de transition ou la pression du lobby nucléaire qui s’obstinerai à prolonger at vitam eternam cette industrie dangereuse et néfaste pour les générations futures. Le TPFE s’inscrit dans la perspective de la nécessité d’intervenir rapidement, imaginer et fabriquer ces paysages de l’après-nucléaire. Dans cette optique, la problématique est celle de l’avenir du territoire nucléaire et de l’opportunité de l’arrêt d’activité du CNPE. Nous allons voir comment la perspective du démantèlement peut amener des transformations importantes sur le paysage, engager de nouveaux rapports au territoire et révéler les paysages qui s’imbriquent dans ce contexte. Après avoir expliqué la situation intimement liée à l’eau et les risques qu’elle présente, nous verrons les ressources du territoire gravelinois et l’impact de la centrale sur celui-ci. Le processus du démantèlement sera abordé avant de poursuivre sur les enjeux de projets qui se présentent pour la transformation du paysage de la centrale nucléaire.


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Au-delà de cette limite, le périmètre de la centrale. Photographie prise depuis la zone de sûreté


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Le golfe de l’Aa au XVIIème siècle


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habiter le polder « C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme » Renaud

DES MARAIS AU POLDER Gravelines, située sur le littoral nord à une quinzaine de kilomètres entre Calais et Dunkerque, s’inscrit à la pointe d’un des anciens estuaires de l’Aa. La carte ci-contre retranscrit un état du territoire occupé par de grands golfes apparus après une crise climatique submergeant une partie du pays.

Avec le temps, des dépôts sédimentaires se sont formés et le fleuve de l’Aa s’écoulait alors par de nombreux bras. À partir du VIIè siècle, l’Homme amorce les premières actions pour assécher les terres et pouvoir les occuper. Les systèmes hydrauliques de l’époque visent à réduire l’effet des marées afin de rendre les terres cultivables. Peu à peu, un paysage de cultures traversé par des «wateringues» (canaux permettant l’assèchement des terres) remplace les marécages, tourbières et bois qui évoluaient ici. Nous allons voir comment ces paysages perdus sont susceptibles de réapparaître dans les décennies à venir.


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l’atlantide du nord Aujourd’hui, le delta de l’Aa a été entièrement conquis par l’Homme. La poldérisation du territoire a permis aux populations de s’installer au bord de la mer, de multiplier les étendues cultivables, y développer des activités... La conséquence principale de cette maîtrise du socle géographique s’observe à la topographie presque nulle dans la plaine maritime et le risque logique que ce faible relief implique : celui de l’exposition à la montée du niveau de la mer causée par le réchauffement climatique. Les scientifiques et futurologues s’accordent sur une moyenne d’augmentation d’un mètre du niveau d’eau à l’horizon 2100. Si l’on se fit à cette moyenne, une majeure partie de la plaine sera en eau. Par remontée de nappes, par phénomène de submersion, par difficulté économique d’entretenir les systèmes défensifs, ces paysages seront soumis à rude épreuve de l’eau et auront tendance à évoluer vers ceux que l’on observe dans les estuaires comme en baie de Somme ou dans les marais audomarois. La carte ci-contre projette cette montée des eaux à un

mètre au dessus de la mer par phénomène de remontée de nappes. En imaginant ce scénario plausible, il faudra alors reconsidérer l’approche et les pratiques du territoire, accompagner cette montée des eaux de façon à ce qu’elle présente le moins de danger pour les populations locales. Aux Pays-Bas, une démarche de dépoldérisation est à l’étude afin de prévenir les risques pour les habitants et s’adapter aux aléas. Bien qu’une partie du littoral puisse par endroits subsiter, il faut être conscient que les submersions marines et les marées sont à l’oeuvre et viendront peu à peu grignoter et endomcalais


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mager les installations anthropiques. Avoir la mesure de ces évolutions climatiques permet d’anticiper sur le long terme les aménagements et mutations à enclencher. Pour la question du nucléaire et de l’optique du démantèlement qui s’effectue sur des décennies, ces projections

justifient à elles seules l’urgence à mener une réflexion sur les espaces de la centrale de Gravelines.

dunkerque

gravelines

L’Aa canalisée

30 km


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À l’échelle du territoire Gravelinois, les prévisions montrent que la montée d’un mètre viendrait noyer la majorité des terres. Subsisteraient certains îlots, sur les niveaux les plus hauts et les plus protégés. Alors que de nombreux lotissements auront les pieds dans l’eau, la centrale ainsi que les espaces du port industriel semblent hors de portée. Cet aspect témoigne de l’artificialisation des sols au niveau des industries.


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Centrale nuclĂŠaire

4 km


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La DREAL1 a mené une étude sur les risques liés aux aléas de submersions marines. La simulation ci-contre indique les zones qui seraient submergées en cas d’évènement centennal. Sur la base des brèches prévisibles et ruptures de protection et avec une probalité de 1/100 que ce type d’évènement intervienne, de nombreux terrains habités seraient exposés. L’étude ne fait pas état du risque millénal, mais souligne l’importance du risque submersion à Gravelines. Cet état des lieux sur les risques liés à l’eau confirme la nécessité absolue d’anticiper ces évènements dans le projet, qu’il s’agisse de repenser l’accessibilité sur le moyen et long terme, la viabilité du territoire, les aménagements à réaliser pour guider l’eau en cas de montée importante du niveau d’eau etc... L’exploitation et le démantèlement tardif de la centrale constitueraient une menace supplémentaire et une dangerosité élevée dans de tels contextes. 1 Direction Régionale de l’Aménagement, de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement


27 L’aléa submersion simulé - Source : DREAL


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Entre eau maîtrisée et eau de mer, le paysage offre des indices qui rappellent l’importance de cet élément dans le territoire


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Peinture de Thomas Luny, 1834 - Battle of the Nile


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les patrimoines de gravelines La capacité d’une commune à valoriser son patrimoine, ses équipements et la qualité de vie est une condition décisive pour développer l’attractivité de son territoire. Dans le dossier d’élaboration du schéma de cohérence territoriale mené par l’AGUR1 sur la région Flandre Dunkerque, l’office aboutit à la nécessité d’engager de nouvelles dynamiques touristiques dans la région. Ils mettent un point d’honneur à renforcer l’importance de valoriser les patrimoines sous-exploités tels que le patrimoine industriel et technologique de la région. Le but de cette partie est de découvrir le potentiel considérable de Gravelines en la matière. 1 Agence d’Urbanisme et de développement de la région Flandre-Dunkerque

Les ressources abordées sont des arguments de poids pour attirer à la fois des touristes et visiteurs temporaires et à la fois des résidents.

RISQUE DE DÉSAFFECTION Il existe un risque sérieux de désaffection du territoire Gravelinois à plusieurs titres. Alors que la situation littorale pourrait constituer une base solide, la présence de la centrale, des zones industrielles, l’urbanisation du territoire qui ne s’est pas faite en relation directe avec la mer sont autant d’aspects qui affaiblissent le potentiel d’attrait de la commune. L’industrie électronucléaire par les limites qu’elle impose dans le paysage et par son manque


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d’intégration esthétique et architecturale constitue un frein à l’image de la ville. Le démantèlement de la centrale est une opportunité de changer l’image de la commune, mais aussi de référer aux nombreux patrimoines qui existent déjà sur le territoire.

crystal de temps Ce risque de désaffection montre tout l’intérêt pour la ville d’exploiter et de valoriser ses richesses locales en terme de paysage et de patrimoine, tout en motivant aussi l’urgence du démantèlement de la centrale. Gravelines a la chance de posséder un patrimoine (pris au sens large) varié avec la particularité de crystaliser les traces anthropiques de nombreuses époques. Toutes ces traces renvoient à différents visages du paysage qu’il est précieux de souligner et d’en garder la mémoire. Ces éléments font du territoire de Gravelines un merveilleux livre ouvert sur nos cultures, nos façons d’habiter le territoire, de le pratiquer. Comme un reflet de nos sociétés à un temps donné, les paysages permettent de raconter l’histoire et font office d’instrument de mémoire pour les populations. En découvrant la ville tournée sur son fleuve canalisé, on apprend que Gravelines était un port de pêche important et une porte d’entrée


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2 km


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maritime stratégique entre les Flandres et le Calaisis. Les multiples fortifications rapellent qu’avec Calais et Dunkerque, la ville faisait office d’avant-poste de défense et fut le théatre de grandes batailles, notamment contre les Espagnols au XVIème siècle. Le long du littoral gisent les blockhaus datant de la seconde guerre mondiale, parfois presque ensevelis sous le sable par l’action inexorable du vent et de la mer. À l’abri éphémère du cordon dunaire règne la centrale nucléaire, symbole de technologie et de puissance, tandis qu’à ses pieds sillonnent les wateringues ancestraux qui régulent l’assèchement des sols du polder.

Réserve naturelle nationale du Platier d’Oye

Citadelle de Gravelines


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patrimoine de demain

Parmi cette diversité de patrimoines qui prennent place entre espaces naturels et côtiers figurent les héritages de demain. Ce sont les paysages que nous avons fabriqué récemment et dont la valeur en tant que patrimoine n’est que peu ou pas reconnue. La reconnaissance de cet héritage du futur peut pourtant être inaugurée et anticipée. Comme les sites miniers ou les sites métallurgiques de la vallée de la Ruhr en Allemagne par exemple, ces industries qui employaient des travailleurs en grand nombre sont aujourd’hui des monuments et lieux de mémoire fréquentés. Pourquoi ne pas se projeter et intégrer ces exploitations au panel des richesses à utiliser dans une perspective touristique ? Pour Gravelines, l’opportunité est de taille: la participation de toutes ces diversités de paysages contribueront sans aucun doute à l’attractivité du territoire. En combinant ces potentialités à la mise en oeuvre d’aménagements révélant leur qualité, leur architecture et la manière dont ils ont impacté le territoire, la transformation de la centrale nucléaire fera figure de proue et d’amorce pour l’entre-deux littoral gravelinois.

Vue depuis la digue de protection de la centrale


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À l’arrière des zones industrielles portuaires


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Par peur du risque nucléaire, ce village de 1500 habitants a vu la quasi totalité de sa Doel, petit village situé près d’Anvers en Bel- population disparaître. Aujourd’hui, seulegique, dans une situation fortement similaire ment habité de 24 habitants, le village s’est à celle de Gravelines par sa configuration lit- transformé en commune fantôme et montre torale, sa proximité avec une grande ville et les risques indirects liés à la présence d’une en relation immédiate avec le port industriel infrastructure nucléaire. d’Anvers, permet de comprendre un enjeu De manière analogue, la centrale de Gravefort des communes à proximité d’une centrale. lines se situe à moins de deux kilomètres des Doel est aussi le nom de la centrale exploitée premières habitations et l’idée du risque nuau même endroit : elle constitue un exemple à cléaire est tout à fait susceptible d’avoir des analyser et comparer avec Gravelines. effets sur l’attractivité du territoire gravelinois en matière de tourisme mais aussi pour ceux À moins de deux kilomètres du village, la cen- qui habitent quotidiennement ce paysage trale de Doel, son âge et les incidents crois- soumis au risque. sants avec le temps ont causé un phénomène de désaffection et de fuite des villageois.

doel ruine moderne ?


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L’opulence de la végétation incontrôlée, la désuétude des constructions qui tombent, au fur et à mesure en lambeaux, esquissent les traits d’un paysage de catastrophe à Doel.

l’exploitation nucléaire pour ne pas faire face à une désaffection similaire, mais aussi l’esthétique et l’attrait provoqué par la désuétude d’espaces où le temps semble s’être arrêté. Je me poserai la question dans le dessin du La visite de ce village permet de constater à projet sur les moyens de jouer avec ces nola fois la disgrâce « post-apocalyptique » et à tions d’esthétique des ruines modernes, de la fois, paradoxalement, l’intérêt que peuvent l’image de nos sociétés qu’elles renvoient et porter les visiteurs pour ces ruines modernes. du voyage temporel auxquelles elles invitent. En effet, cette scène de paysage abandonné attire de nombreux curieux qui viennent photographier, graffer et parcourir les ruelles de ce village déserté. Cet exemple met en lumière deux facteurs importants à exploiter pour l’étude du projet à Gravelines : l’impératif de la commune de dépêcher l’arrêt de


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CNPE de Gravelines

Lignes haute-tension

Réserve ornithologique Dune anti-feu

Vue depuis le sud de la centrale, près de l’espace naturel sensible « Les Hems St-Pol »


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FORTERESSE ELECTRIQUE L’oignon nucléaire

Cette partie s’attache à l’impact de la centrale nucléaire sur le paysage de Gravelines et ses environs. Par ses aspects sécuritaires, l’industrie nucléaire contraint très largement l’organisation urbaine et paysagère du territoire. Différents dispositifs de sécurité liés à la dangerosité de cette production inclus aux documents d’urbanisme des communes imposent des distances de sécurité qui règlent l’implantation des activités humaines. À l’image du feuilleté d’un oignon dont les écailles renferment le bourgeon en son coeur, la structure de l’industrie nucléaire mani-


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feste aussi ce feuilleté perceptible à plusieurs échelles. Cette structure permet à la fois de prévenir les dommages en cas d’accident nucléaire, mais aussi de se prémunir contre de potentielles malveillances. Le périmètre de la centrale, enceinte accessible uniquement aux personnes y travaillant et aux personnels autorisés, constitue le noyau dur où l’électricité est produite. Caméras de surveillance, clôtures, barbelés, portails de sécurité, postes de contrôle et équipes de

patrouille marquent cette première ligne de défense. Le deuxième échelon de ce système de protection est celui de la zone de sûreté : un périmètre fixé à deux kilomètres autour de la centrale à l’intérieur duquel l’urbanisation n’est pas tolérée et où seules certaines activités peuvent s’implanter, dès lors qu’elles ne visent pas à accueillir un public nombreux ou à une installation permanente d’habitants. À l’instar des douves des châteaux forts, on ob-

Zone de sûreté 480 ha

GRAND FORT PHILLIPE

PETIT FORT PHILLIPE

GRAVELINES CENTRE


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serve que la zone de sûreté reste faiblement plantée sur ses rayons les plus proches des bâtiments nucléaires pour garder une bonne visibilité sur une menace d’origine éloignée. Cette distance correspond à une aire géographique de danger immédiat en cas d’accident nucléaire.

l’énergie vers les villes et villages. À chaque équipement électrique correspond son système de protection qui varie en fonction de sa dangerosité et de sa proximité avec le centre de production.

S’ajoutent à ces deux périmètres les couloirs formés par les lignes haute-tension traversant le territoire pour rejoindre les postes de trans- Cette organisation a pour effet principal de formation électrique qui redistribuent ensuite créer une répulsion à la fois physique et psyPérimètre de la centrale 87 ha

LES HUTTES

Lignes haute-tension

Rayon de 40 m autour des pylones


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les effets de la forteresse chologique à toutes les échelles.

Les aspects réglementaires et leur traduction spatiale provoquent une mise à distance qui réduit l’accessibilité au site et isole certaines portions du territoire. La constructibilité des terrains de la commune de Gravelines en est affectée, avec une tendance parfois à investir après dérogation, l’espace de la zone de sûreté, exposant les habitants à un risque nucléaire plus élevé. Le camping « Les dunes » investit largement cette étendue sous contrôle, à l’image du centre de karting à proximité immédiate de la centrale. Plus inquiétant encore, la poursuite du programme nucléaire a vu augmenter le nombre de réacteurs à Gravelines, et alors que les premières tranches de construction étaient à distance réglementaire

des habitations, les nouvelles tranches ne les respectent pas et une partie des habitants de Gravelines se situe dans la zone de danger immédiat. Cette carte met en valeur le phénomène de blocage urbain provoqué par l’infrastructure électrique. L’urbanisation vient se plier aux contraintes imposées par cette industrie et occupe les terrains constructibles qui se raréfient. Particulièrement à Gravelines, le développement urbain est lié à la présence ou non d’équipements électriques. Aussi, on observe comment le port industriel qui s’achève à l’ouest avec la centrale nucléaire génère 2

1

calais


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une répulsion à l’échelle du territoire dunkerquois. Ce phénomène a en outre induit une perte de lien étroit de Gravelines avec l’océan. L’urbanisation et les activités ne pouvant pas s’implanter en relation avec la mer additionné à la sensation d’être en zone interdite confortent la situation de marge de toute une portion du littoral voisin de la centrale.

1 Zone industrielle de Calais

2 Réserve naturelle d’Oye Plage 3 Centrale nucléaire de Gravelines

4 Port industriel de Dunkerque

4 3

dunkerque

gravelines

15 km


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À la limite du périmètre de la centrale

Malgré les nombreuses contraintes qui émanent de la présence du CNPE, l’enjeu est de nuancer et de considérer ce qu’elle apportent comme potentiels insoupçonnés. Indirectement, ce système défensif qui a pour première vocation de protéger l’industrie nucléaire a aussi protégé les espaces en son sein...


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« Le Tiers-Paysage désigne la somme des espaces où l’Homme abandonne l’évolution du paysage à la seule nature. Il concerne les délaissés urbains ou ruraux, les espaces de transition, les friches, marais, landes, tourbières, mais aussi les bords de route, rives, talus de voies ferrées, etc. A l’ensemble des délaissés viennent s’ajouter les territoires en réserve. Réserves de fait : lieux inaccessibles , sommets de montagne, lieux incultes, déserts ; réserves institutionnelles : parcs nationaux, parcs régionaux, « réserves naturelles ». Comparé à l’ensemble des territoires soumis à la maîtrise et à l’exploitation de l’Homme, le Tiers-Paysage constitue l’espace privilégié d’accueil de la diversité biologique. Les villes, les exploitations agricoles et forestières, les sites voués à l’industrie, au tourisme, à l’activité humaine, l’espace de maîtrise et de décision sélectionne la diversité et parfois l’exclut totalement. Le nombre d’espèces recensées dans un champ, une culture ou une forêt gérée est faible en comparaison du nombre recensé dans un délaissé qui leur est attenant. Considéré sous cet angle le Tiers-paysage apparaît comme le réservoir génétique de la planète, l’espace du futur … » Gilles Clément


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Photographie prise dans la zone d’exclusion, près du village de Bradin en Biélorussie © REUTERS / Vasily Fedosenko


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réserve nucléaire

On ne peut qu’admirer avec émerveillement les espaces où la main de l’Homme n’intervient pas ou plus. Ces milieux deviennent alors le théâtre d’une nature incontrôlée où la faune et la flore évoluent sans contrainte en présentant la plupart du temps une diversité exceptionnelle. L’exemple de la zone d’exclusion autour de Tchernobyl n’est pas pris au sens qualitatif du fait de la radioactivité persistante, mais pris pour le résultat crée par l’exclusion totale de présence humaine à l’intérieur d’un périmètre défini. Le site souligne remarquablement la capacité de la faune et de la flore à reconquérir des milieux autrefois investis par les Hommes pour révéler un visage de nature libérée. En toute évidence, le caractère contaminé/nucléarisé nuance cette image de nature sauvage avec des scientifiques relevant des irrégularités génétiques et sanitaires de taille chez les espèces étudiées. Mais cet aspect ne retire rien des aspects « désirables » du système de protection et d’exclusion mis en place autour du lieu de la catastrophe. En effet, on y constate un développement des espèces animales et végétales important, notamment d’espèces sauvages qui y trouvent un habitat favorable dénué d’activité anthropique. À l’image du système de protection qui s’applique autour des centrales françaises en ac-


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tivité, on peut observer dans une moindre mesure l’intérêt que présente ses réserves d’espaces pour la biodiversité. Ces espaces sont moins protégés et donc plus accessibles mais présentent tout de même un caractère réglementaire ‘‘favorable’’ au développement naturel des espèces locales.

La réglementation liée à la zone de sûreté permet à ces paysages d’être principalement occupés par des espaces ‘‘naturels’’ et où la proportion d’espace bâti provient majoritairement de la centrale en elle-même.

La cartographie à l’échelle de ce territoire nucléaire permet de prendre conscience des Concernant les abords de la centrale nucléaire rapports de surfaces construites ou non et de de Gravelines, un rapport obtenu au cours de quelle nature elles relèvent. mes recherches auprès de l’organisme indépendant du CRIIRAD1, confirme l’absence de contaminations radioactives sur place. Additioné à la situation privilégiée à proximité du Périmètre de la centrale : 87 ha littoral et en lieu et place du delta historique sols artificialisés : 67,1ha (76,3%) sols perméables : 20,8ha (23,7%) de l’Aa, ces aspects révèlent le potentiel im- mense que représente l’espace de réserve in- Territoire de la zone de sûreté : 478 ha duit par l’industrie nucléaire. bâti : 7,4ha (1,5%) camping : 7,3ha (1,5%) espaces boisés : 43ha (9%) Lorsque l’on s’intéresse à la situation actuelle espaces cultivés : 109ha (00% à l’intérieur de la zone de sûreté, de nom- prairies et friches : 282 ha (59,2%) breux éléments visibles à l’échelle locale four- zones humides : 25ha (5,2%) nissent des preuves de cette réserve naturelle nucléaire. Traversés par de nombreux canaux et waterin- Plage de Petit-Fort-Phillipe : 139 ha gues issus du maillage hydraulique particulier au polder, ponctué de boisements et fourrés Abords des lignes haute-tension : 130 ha bâti : 1,8ha (00%) en quantité importante ainsi que de surfaces agricoles parfois en voie d’enfrichement et non bâti : 128,2ha (98,6%) concentrant un réseau d’espaces verts et de réserves pour la faune, les abords de la centrale montrent un visage essentiellement naturel. 1 Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité


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Périmètre de la centrale

Réserve Naturelle du Platier d’Oye

Parc de l’estran

Plage de Petit-Fort-Phillippe

Espace Naturel Sensible Les Hems St-Pol Parc du polder

«Les champs électriques»

Ch al

en de a

l’A

Plaine sportive du Moulin

2 km


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LA TRAME VERTE ET JAUNE

En prenant du recul, on remarque qu’il existe une corrélation entre l’infrastructure électrique, la présence d’industries et la cartographie des zones naturelles d’intérêt écologique faunistiquue et floristique (ZNIEFF). Alors que les démarches de trame verte et bleue tentent de compléter des maillages existants, on aperçoit ce que l’on pourrait nommer une trame jaune plus ou moins prononcée, liée à la production et à la distribution d’énergie. Les blocages territoriaux précedemment évoqués développent indirectement un réseau d’espaces naturels, parfois même avec une qualité écologique reconnue. C’est là l’intérêt principal de ces systèmes défensifs qui malgré leur réglementation permettent de préserver

des espaces avec peu de densité bâtie, surtout dans une région littorale où le tourisme et la pression immobilière sont généralement forts. Ces aspects font de la forteresse électrique un véritable potentiel pour le paysage gravelinois, en particulier autour de la centrale où la densité bâtie est presque inexistante. Le phénomène de répulsion a permis de protéger le littoral et les étendues comprises dans les différents périmètres de sécurité. Le maillage électrique, dans la perspective du démantèlement de la centrale devient un support de réfléxion à l’échelle du territoire.


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La présence de la centrale nucléaire apporte indéniablement son lot de nuisances et de contraintes, visuelles ou ressenties et ce à plusieurs échelles. L’ambition de l’analyse est aussi d’y voir toutes les opportunités exploitables en tant que paysagiste.

Réserve naturelle nationale ZNIEFF 1 ZNIEFF 2

15 km


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Construction de la centrale de Flamanville


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et si on démantelait ? Après avoir abordé l’impact de la centrale nucléaire sur son territoire, il faut s’intéresser plus particulièrement à l’idée du démantèlement de celle-ci. Se projeter dans une telle posture pose plusieurs interrogations notamment concernant les temporalités, la technique et les issues possibles en terme de paysage.

Pour une commune en bord de mer, cela représente un enjeu considérable et la libération de ces espaces modifie drastiquement les opportunités de développement de la ville. La réflexion sur l’avenir de cette future friche nucléaire doit être anticipée pour éviter le risque d’urbanisation soudaine et potentiellement inappropriée au vu de la montée Avec le démantèlement, c’est l’opportuni- des eaux prévue au cours du siècle. Quelle té pour Gravelines de retrouver un territoire programme pourront accueillir ces terrains actuellement bloqué. La répulsion évoquée ? Quels sont les risques de perturber les dyprécedemment disparaît et la commune de- namiques écologiques qui se sont mises en vra faire face au dégel progressif de près d’un place avec l’arrivée de la centrale ? Comment quart de sa superficie (566 sur 2200 hectares). investir ce tiers-paysage en devenir ?


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Autant de questionnements auxquels ce TPFE apportera des propositions afin de permettre aux populations locales d’en bénéficier. La libération spatiale sera probablement accompagnée d’une libération psychologique des riverains de la centrale qui ne seront alors plus soumis à la possibilité d’un incident nucléaire. Ce sera aussi l’occasion d’imaginer les relations à instaurer dans ce paysage post-nucléaire, des relations qui évolueront au fur et à mesure du temps long du démantèlement. La réappropriation des lieux est à échafauder par le projet de paysage en prenant en compte les temporalités du démantèlement, l’arrivée des nouvelles énergies, le temps nécessaire à la végétation de croître, le temps nécessaire à la mutation ou à la création d’un quartier etc.


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Quel avenir pour ce territoire de friche nuclĂŠaire ?


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Calendrier prévisionel du démantèlement Selon le physicien nucléaire Jean-Louis Basdevant, un démantèlement peut prendre entre 30 et 50 ans selon la complexité de la structure. Sur cette base, et même si des exemples (ci-contre) montrent que certaines opérations ont duré moins longtemps, l’enjeu va être d’estimer sans naïveté les échelles de temps à considérer. En fonction des différentes phases de démantèlement dépendent aussi les différents phases de projet. Au fur et à mesure que le risque diminue et que les opérations de déconstruction avançent, des espaces disponibles vont se libérer pour mener des actions sur le paysage de la centrale

Extension de durée de vie probabable

Mise en service Construction de la centrale

1974

1980

nucléaire de Gravelines. En anticipant la possible extension de durée de vie jusqu’à 2030, le planning du démantèlement pourrait se présenter comme suit. Il faut garder en tête que la conjoncture peut faire avancer certaines étapes comme les reculer, mais en prenant en compte l’urgence à traiter le cas de Gravelines et les avancées en termes d’énergies renouvalables, on peut estimer la fin du démantèlement à l’horizon 2080. D’ici là, des actions peuvent être entreprises afin d’accompagner le démantèlement avec un projet de paysage, quand bien-même le calendrier évoluerait.

Date initiale de péremption

2010

Accessibilité à la zone de sûreté restreinte

Évacuation du combustible Déconstruction des Démarrage du bâtiments annexes démantèlement

2030

2035

2040

Disponibilité des terrains de Accessibilité partielle la zone de sûreté périmètre de la centrale

Montée des eaux


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1997-2014 Démantelé 1988-2014

Centrale nucléaire de Würgassen (Allemagne)

s hase tes pment n e r iffé èle Les ddémant Étape 1 : du

telé Déman

CEA de Grenoble

Fin du démantèlement et déclassement du site

Décontamination des bâtiments réacteurs

Dépollution des sols et décontamination

2050

2060

Constructibilité des parties annexes

Arrêt et évacuation du combustible Étape 2 : Déconstruction des bâtiments auxilliaires Étape 3 : Décontamination et découpe de la cuve du réacteur Étape 4 : Déconstruction des bâtiments réacteurs

2080

Accessibilité complète au territoire nucléaire +1 mètre

2100


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décontaminer le paysage

Les étapes du démantèlement et les terrains disponibles qui en résultent ont pour origine la nature des éléments qui constituent la centrale nucléaire. Au coeur de cette structure se trouvent les bâtiments réacteurs, qui contiennent eux-même les cuves des réacteurs où se produit la réaction nucléaire. L’évacuation du combustible contenu dans les cuves est la première étape du processus. Cette opération est courte (1 an et demi) et permet d’extraire 99,9% de la radioactivité du

site. Ce combustible usé est alors transporté dans des centres de retraitement et de stockage. Le pourcentage restant de la radioactivité subsiste dans les circuits et à la surface des éléments plus ou moins exposés. L’opération de décontamination consiste à nettoyer (brossage, lessivage...) les éléments irradiés. Les résidus issus de cette élimination sont ensuite conduits aux centres de traitement des déchets nucléaires. La décontamination des bâtiments réacteurs est plus longue à mener car il s’agit des constructions les plus exposées. L’avancement de ces opérations permet de réduire progressivement le risque et libère peu à peu les espaces attenants au CNPE. Bâtiments auxilliaires Enceinte du réacteur

Bât. combustible irradié Bâtiments de contrôles et bureaux Stockage temporaire déchets solides


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I

3

Nord La digue est investie par une entreprise de pisciculture utilisant les eaux chaudes générées par la centrale. Cette activité cessera avec le début du démantèlement.

Les bâtiments réacteurs et leur reconversion est envisageable à la fin du démantèlement. Cette partie du périmètre ne sera accessible que plusieurs décénnies après l’arrêt d’exploitation.

2

Une fois le démantèlement entamé, la dépollution des sols effectuée et les bâtiments annexes déconstruits, une partie du périmètre de la centrale deviendra disponible pour y agir.

1

La zone de sûreté, actuellement accessible, ne sera constructible que lorsque le combustible sera évacué, rapidement après le début du démantèlement.

2050-2080 2030-2035

2016-2035

1 km


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Cela pousse à penser la production de manière plus locale, non centralisée et répartie à Alors que la reglementation actuelle et la po- l’échelle du territoire. litique d’EDF en terme de démantèlement consistent à effacer toutes les traces de l’in- La région Nord Pas-de-Calais bénéficie d’imdustrie, je m’interoge sur ce qu’implique portantes ressources renouvelables qui, comidéologiquement cette table rase. Le retour à binées, peuvent fournir une offre intéressante. l’état initial n’est-il pas une solution trompeuse Sachant que les énergies renouvelables ont vis-à-vis des populations et des séquelles à une rendement qui varie en fonction des faclong terme que sous-entend le nucléaire? teurs climatiques (vents, ensoleillement, imD’un point de vue éthique, la question du portance des marées et courants...), il sera patrimoine nucléaire peut partager, car cette important de proposer une diversité de soluindustrie représente à la fois un fleuron tech- tions capables d’assurer la production d’énernologique français mais aussi une image de gie en continu. Même en cas d’augmentation crainte du risque et d’un héritage environ- de la population et donc de la demande en nemental désastreux pour les générations électricité, on peut aussi compter sur l’augfutures. Nous verrons par la suite que la mé- mentation des températures1 et l’effort contimoire du nucléaire constitue un enjeu majeur nu des communes à équiper les foyers de syset les raisons en faveur d’une conservation tèmes individuels réduisant cette demande (isolation thermique, installation de panneaux des vestiges de l’exploitation. solaires, chauffages alternatifs...).

PATRIMOINE NUCLéaire

relais énergétique

Penser au démantèlement implique de mener une réflexion sur le relais énergétique à mettre en place. La centrale produit actuellement 9% de l’électricité nationale et couvre 100% des besoins électriques du Nord Pas-de-Calais. Les énergies renouvelables entretiennent un rapport très différent au paysage par rapport à la centrale nucléaire. Elles nécessitent des surfaces beaucoup plus importantes et leur rendement est plus faible. Il est difficile d’imaginer une alternative en lieu et place de la centrale qui assurerait la production actuelle.

Les gisements éoliens en France - ADEME

1

Annexe n°2 : Bulletin météo du 18 Aout 2050


63 Le système centralisé du nucléaire conduit à une perte de 76% de l’énergie due au transport de celle-ci. Cette donnée conforte l’idée que l’exploitation des énergies renouvelables de manière locale constitue une voie à suivre avec un bilan moyen de 14% de perte seulement. (Source : DPH)

Un réacteur nucléaire de 900 MW produit approximativement l’électricité nécessaire à 500 000 foyers. Les éoliennes les plus puissantes de dernière génération fournissent chacune en moyenne l’électricité suffisante pour 1000 foyers.


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synthèse et enjeux


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Située à une quinzaine de kilomètres entre les villes de Calais et Dunkerque dans la plaine maritime des Flandres, le territoire de Gravelines est marqué d’une part par son caractère naturel et de l’autre, par son caractère industriel. À la rencontre entre ces deux types de littoraux se situe le CNPE de Gravelines, dont l’arrêt d’activité va profondément reconfigurer les rapports possibles au territoire. Cet entre-deux est confronté au risque de désaffection du territoire sous-jacent à la présence de la centrale et du risque nucléaire. La forteresse électrique est caractérisée par une multitude de dispositifs de protection qui crée une répulsion à toutes les échelles. Ce processus défensif entraîne une mauvaise intégration de l’industrie dans le paysage, engendre une perte de rapport de Gravelines avec son littoral, privatisé indirectement par la centrale. Le blocage urbain et paysager provoqué par le CNPE ont en outre indirectement fabriqué une immense réserve naturelle. Cet aspect, ajouté à la richesse patrimoniale de la commune, fournissent des bases solides qui pourront être exploitées afin de nourrir la réflexion de ce projet. L’approche du démantèlement de la centrale va questionner le gèle territorial qui s’exerce actuellement. En tant que marqueur de paysage et responsable de la structure du territoire, l’évolution de l’exploitation électrique va engager avec elle des transformations fortes sur le paysage.

schéma de synthèse


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UN Horizon touristique pour gravelines ?

Le démantèlement de la centrale nucléaire de Gravelines est une aubaine pour ce territoire. C’est la chance pour la commune, ses habitants et les acteurs concernés de renouveler l’idendité de la ville. La fin de l’exploitation du site ouvre la possibilité de connaître Gravelines pour ses plages et ses trésors patrimoniaux plutôt que pour les dangers qu’elle présente pour des milliers d’habitants. C’est aussi l’opportunité pour EDF de faire de cette situation une vitrine pour le démantèlement de ces exploitations. Alors que la situation exceptionnelle de Gravelines entre industrie, milieux naturels riches, océan, plaine polderisée et patrimoine local pourraient en faire une destination de référence, le CNPE constitue un frein certain au développement touristique et à l’évolution du paysage. Nous allons voir comment tirer parti de la péremption de la centrale et faire du démantèlement un moteur de paysage.


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enjeux retrouver le littoral

valoriser la centrale

Le premier enjeu est de s’emparer du littoral. Priver une ville côtiere de la mer revient à lui ôter sa ressource la plus abondante et à partir de laquelle elle s’est formée. À la fois pour les loisirs, le cadre de vie, l’écononomie locale et l’attractivité touristique de Gravelines, retisser un lien fort entre le littoral et la ville est une priorité. L’accessibilité au littoral, la mise en avant d’axes forts entre l’arrière des terres et le front de mer, la valorisation des éléments de patrimoine à proximité de la plage et la continuité du littoral seront des actions clés pour parvenir à instaurer ce nouveau rapport.

Inscrire la centrale et en conserver la mémoire après son démantèlement pour transmettre un message environnemental aux générations futures. La thèse de la table rase de l’industrie n’est pas soutenable, ce serait prétendre que l’entreprise nucléaire ne laisse aucune marque après son passage. Au contraire, ces marques méritent d’être rappellées par le paysage et l’architecture. Pour éviter la perte de mémoire, les monolithes en béton, les canaux permettant de refroidir les réacteurs et autres fragments aspireront à être sauvegardés pour faire résonner l’empreinte du nucléaire (les déchets, mines d’uranium, les sites de catastrophes). Transformer le paysage de la centrale en la valorisant permettra à la fois de réconcilier ce territoire de marge avec les entités adjacentes, mais aussi d’exploiter ce que génère sa présence (succession de limites, espaces de nature protégée, monumentalité, verticicalités de son infrastructure...). En assumant la réserve naturelle nucléaire, en affirmant les limites de la zone de sûreté, en aménageant les espaces inclus dans ce périmètre, l’ambition est d’offrir un nouveau regard sur le territoire nucléarisé sous la forme d’un grand parc. La forme et les usages de celui-ci évolueront selon l’avancement du démantèlement et l’accessibilité des terrains.

tourisme front de mer

attractivité

patrimoine

reconversion

sauvegarde

mémoire


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révéler le polder

assurer la transition

Faire prendre conscience de la situation géographique à risque pour les populations. L’occupation anthropique du territoire dissimule le fait qu’il s’agisse de terres prises par l’homme sur la mer. L’enjeu est de progressivement aménager des espaces dédiés à l’eau, réouvrir l’ancien estuaire de l’Aa et développer les zones humides dans la zone de sûreté. La présence périodique de l’eau sur le territoire permettra de sensibiliser les populations à la nature du paysage dans lequel ils habitent et sensibiliser à la question du risque. À moyen terme, l’objectif est de guider l’eau afin de réduire l’exposition des lieux habités et prévoir le risque de submersion dans des espaces prévus à cet effet.

Imaginer des relais énergétiques à partir des ressources du paysage pour parvenir à une production décentralisée, locale et renouvelable. La démarche du projet aspire à offrir un modèle capable d’assurer à la la ville de Gravelines les moyens de produire son énergie de manière autonome. Les énergies éoliennes, hydroliennes, la filière bois-énergie et à la méthanisation des déchets verts issus de l’activité agricole de la région permettront de proposer une alternative plurielle capable de fournir de l’électricité en continu aux communes habitant le territoire. Ces nouveaux modes de production participeront de l’attractivité du territoire et feront aussi office d’appels visuels dans le paysages plat de la plaine maritime.

Au fur et à mesure que le temps passe et que l’eau occupe le territoire, les paysages de marais se reconstitueront. Cette démarche a pour but de renforcer la qualité naturelle de la réserve amorcée par la centrale, offrir un souvenir de paysage ancien et de prendre conscience des risques naturels liés à l’eau.

zones humides risques naturelsmarais

tracé historique de l’eau

repères visuels autonomie diversité de modes de production

bois-énergie


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stratégie temporelle L’enjeu sous-jacent à ceux cités précédemment est celui du temps. les actions sur ce territoire doivent s’opérer à la hauteur des temporalités du démantèlement et accompagner celui-ci. Le projet prendra donc différentes formes selon la période considérée, dans un premier temps cantonné au littoral et à la zone de sûreté, par la suite sur une portion limitée du périmètre de la centrale puis couvrant l’entièreté du territoire nucléaire lorsque la décontamination sera achevée. On peut aussi s’attendre à l’évolution du port industriel de Dunkerque, dépendant de la décentralisation à ‘étranger de son activité, de la fermeture de certaines productions épuisables telles que les exploitations d’hydrocarbures. Les pages qui suivent proposent des sauts temporels pour imaginer la mutation de ce territoire.

Schéma directeur

Continuité et valorisation du littoral


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Le quartier nucléaire densifié et équipé

Aménagement et reconversion de la centrale

Mise en avant des élements de patrimoine

Développement du réseau hydrographique

Accessibilité repensée orientée vers la mer

Affirmation des franges du parc nucléaire


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2035

rĂŠserve naturelle nuclĂŠaire


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Le programme « 2080 Gravelines-les-Bains » lancé en 2020 commence à esquisser les transformations majeures à venir sur le territoire nucléaire. Les réserves naturelles intégrales de nature prévues aux franges de la zone de sûreté ont permis d’identifier les limites du parc de la centrale.

Le combustible radioactif vient d’être évacué et les riverains peuvent désormais admirer depuis les pavillons d’observation le début des travaux du démantèlement. Tandis que la déconstruction a commencé, la zone de sûreté accueille à présent une richesse écologique incomparée. Alors que les visiteurs viennent apprécier ces espaces de nature, ils découvrent au détour des cheminements du parc les vestiges de la seconde guerre mondiale, la station d’épuration de la ville ou encore les pylones haute-tension prits d’assaut par les plantes grimpantes.

La communication du projet permet de faire monter l’attente des habitants et se projeter dans ce paysage en mutation perpétuelle. Les zones humides et le tracé de l’ancien estuaire de l’Aa se décèlent avec le temps en évoquant les paysages de marais ancestraux qui existaient ici.


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2080

LA CITÉ RADIEUSE ACTIVE


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Le démantèlement est achevé. La centrale dont les bâtiments sont reconvertis sont inaugurés les uns après les autres, car chacun accueil un programme spécifique.

La digue artificielle qui protégeait la centrale est aujourd’hui occupée par des terrasses de cafés et restaurants de plage, idéalement situés entre la centrale et la mer.

Les aménagements de la zone de sûreté accueillent de plus en plus fréquemment l’eau sur son emprise, rappelant aux visiteurs que le changement climatique est en cours.

Les plantations menées 50 ans plus tôt permettent aujourd’hui d’alimenter la ville en électricité grâce à la filière bois-énergie complétée par l’apport des éoliennes et hydroliennes placées en mer.


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2120 la plaine inondĂŠe


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Un siècle plus tard, les eaux de la mer ont progressivement repris les terres gagnées précédemment par l’Homme. Les populations ont entamé des migrations pour fuire le risque croissant d’évènements climatiques exceptionnels.

Les exploitations industrielles font partie des constructions les mieux armées pour résister dans le temps.

La centrale se présente désormais comme un avant-poste maritime auquel l’accessibilité se fait par bateau. Comme un phare qui incarne un repère pour les marins, la centrale devient le symbole de la persistance du nucléaire dans le paysage.


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postface Au-delà des enjeux qui concernent le territoire de Gravelines, il s’agit d’une opportunité inouïe pour mener une réflexion précurseur autour des paysages nucléarisés français. 4% de la population vit à proximité immédiate d’une centrale nucléaire, ce qui représente 2 600 000 personnes directement concernées par ces paysages qui muteront dans les décennies à venir. L’ambition dépasse la seule étude de cas de Gravelines en proposant une ouverture de cette réflexion à une échelle plus globale. Grâce au statut si spécifique du paysagiste et de son approche pluridisciplinaire, l’évolution des territoires des centrales constituera un objet d’étude majeur du 21ème siècle, à la fois pour les questions d’énergie et d’environnement, mais aussi pour des questions d’identité et de mémoire. Ce patrimoine technologique en voie d’obsolescence et le maillage qu’il impose au territoire interroge les rapports futurs que nous entretiendront avec les vastes espaces qu’il occupe. La question du nucléaire en France est très sensible tant le pays s’est engagé dans cette voie, elle montre aujourd’hui ses faiblesses et ses risques pour les générations futures. Ce travail invite à imaginer des pistes pour transformer ces paysages sur le long terme, de manière à ne pas simplement effacer une industrie qui a perturbé nos paysages et se poser les questions de mémoire, des déchets et de l’énergie.


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83

bibliographie Balnéaire et littoral T. Pelloquet (dir.), Le temps des vacances, 2011, Revue 303 Hors-Série n°118 Nucléaire et énergie Claude Parent, Les Totems de l’atome, 2014, Éditions B2 Denis Delbecq, La fausse solution du nucléaire, 2016 dans Le Monde Hors-série COP21 Sylvain Huot, Quel après nucléaire à Brennilis ?, 2014 , Travail de fin d’études ENSNP Blois Greenpeace France, Scénario de transtion énergétique, 2013 Michelle Boganim, La terre outragée, 2012, 1h48, Le Pacte Peter Mettler, The End of Time, 2012, 1h39, Maximage Bernard Nicolas, Centrales nucléaires, démantèlement impossible ?, 2013, 1h08, Arte Julien Goetz, Fukushima mon amour, 2015 Datagueule n°32, Premières Lignes Télévisions Micha Patault, Are Vah !, 2014, 1h15, Fatcatfilms Klaus Feichtenberger, Les loups gris radioactifs de Tchernobyl, 2011, 0h52, ORF Risque inondation, submerssion,de crue et estuaire de l’Aa B. Simon, Les niveaux marins extrêmes le long des côtes de France et leur évolution, SHOM Gravelines, port de dunkerque et région D. Tonneau, Gravelines, de la place forte à la ville contemporaine, 2007, Ville de Gravelines P. Oddone, Gravelines Grand-Fort-Philippe, 1998, Éditions Alan Sutton D. Tonneau, Gravelines, son chenal, ses écluses, 2001, En quête de mémoire P. Boissé (dir.), Gravelines et son patrimoine, 1983, Les éditions des beffrois Patrimoine et mémoire F. Choay, Le patrimoine en questions, anthologie pour un combat, 2009, Éditions du Seuil


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85

annexes


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1

Le Monde du 22 Avril 2016 Entretien entre Pierre le Hir et Pierre-Franck Chevet


2

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Atlas de la France du Futur Bennoist Simma


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3 Fonctionnement

du démantèlement EDF


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90

MERCI ! Merci à Annie Tardivon et Phillipe Thomas, ils ont sû me guider, m’encourager et croire en mon travail avec sincérité et curiosité. Merci à tous ceux, à l’école, à l’extérieur, qui ont montré tout leur intérêt dans ce sujet. Merci aux petites mains, qui m’ont et et qui continueront certainement à me supporter dans cette aventure radioactive. Merci à Jérémie Hernandez, ingénieur d’études à la centrale de Fessenheim, qui m’a accordé toute son attention pour savoir quels éléments de la centrale pouvaient être sauvegardés. Merci à Louise, présente du début à la fin, pour son aide, son incroyable patience et la motivation qu’elle m’a transmise. Merci à Léa, pour les multitudes de coupures de presse qu’elle m’a fourni et qui ont confirmé tout au long de ce travail que cette thématique est urgente à traiter. Merci à mes parents et à ma soeur pour leurs relectures et leur soutien sans failles. Merci à tous !


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gravelines 2080 Paysage balnéonucléaire ?

De la transition énergétique à la conquête des futurs paysages post-nucléaires

2030, 2050, 2100. Quelque soit la date à laquelle nous nous projetons, l’arrêt de l’activité de nos centrales nucléaires est imminent. La volonté politique de nos dirigeants européens et français ainsi que notre capacité technique à mener cette transition énergétique définiront l’échéance de ces projections. Alors que faire de ces futurs territoires post-nucléaires ? Que vont devenir les zones de sûreté établies autour de ces édifices monumentaux ? Quid des villes et villages aux alentours désertés par peur du risque ? Comment ces territoires auparavant synonymes de danger peuvent-ils être reconvertis ? Quelles reconnexions possibles avec le reste du territoire ? Comment réinvestir des lieux qui sont source de ruptures avec leur environnement ? La France est le pays le plus nucléarisé au monde avec 58 réacteurs implantés sur son territoire, que peut-on envisager pour amorcer cette reconversion énergétique d’un point de vue urbain et paysager ? Comment le territoire lié à cette industrie peut répondre à des enjeux économiques colossaux ? Quel héritage technologique projeter et sauvegarder ? Quel consensus adopter entre patrimoine et démantèlement d’une industrie de la modernité ? À Gravelines, la première centrale nucléaire de France en terme de puissance, le démantelement de la centrale bien que non prévu à l’heure où sont écrites ces lignes, s’avère pourtant nécessaire et mérite d’être anticipé. La montée des eaux due au réchauffement climatique et la présence de plusieurs dizaines de milliers d’habitants dans un rayon de 100 kilomètres justifient le choix porté sur ce site. Dans une telle perspective se croisent de nombreux enjeux économiques, technologiques, sociaux mais aussi et c’est ce qui concerne cette étude des enjeux paysagers et territoriaux. Au-delà des 87 hectares qu’occupe la centrale, ce sont des modifications profondes du territoire qui sont à envisager, avec l’idée que ce tiers paysage en devenir puisse trouver des vocations à de multiples échelles. Ce TPFE porte une réflexion sur des notions spécifiques que convoque Gravelines : la mutation d’une industrie en bord de mer, la question de la montée des eaux, la continuité paysagère du littoral du nord, la place de la nature comme intermédiaire temporel dans les transformations progressives du territoire ou bien les nouvelles configurations urbaines et paysagères qu’implique le démantèlement d’une centrale. À l’image des milliers d’années de radioactivité nocive et des déchets produits par cette industrie, ce travail invite à se questionner à des échelles de temps très longues sur l’avenir de nos paysages anthropisés et la manière dont nous allons résoudre les problématiques liées aux activités humaines.


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