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Des modes de gouvernance multi-acteurs pour ancrer le concept de démocratie alimentaire
Chapitre 4 Des modes de gouvernance multiacteurs pour ancrer le concept de démocratie alimentaire
PACÔME PAURD, THOMAS LE GUEN, JULIE CASENAVE, ANAËLLE DENIEUL-BARBOT, MATHILDE GORZA
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Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les biens alimentaires répondent aux logiques de marché et les citoyens ne peuvent orienter la construction de leur système alimentaire qu’au travers de l’acte d’achat. Or, ce « pouvoir d’achat » concerne des ménages détenant des ressources financières suffisantes : c’est donc là une forme d’injustice sociale. Tim Lang, chercheur en santé publique, définit pour la première fois le concept de démocratie alimentaire à la fin des années 1990. Il met en avant la nécessité de l’expérimenter à travers diverses initiatives pour remettre les habitants au cœur des processus de décision et permettre une construction collective des systèmes alimentaires.
Pour ancrer le principe de démocratie alimentaire, deux leviers d’action se dégagent : reconnaître l’effectivité du droit à l’alimentation et renforcer les capacités d’action collective au travers de modes de gouvernance multi-acteurs à toutes les échelles des systèmes alimentaires.
Patrice Ndiaye et Dominique Paturel (2019) mettent ainsi en avant la nécessité de reconnaître le droit à l’alimentation durable pour que la démocratie alimentaire soit en capacité de s’exercer. En 2016, le Comité des droits économiques sociaux et culturels, chargé de contrôler l’effectivité de ces droits, a demandé à la France « d’indiquer les mesures prises pour garantir de manière effective la reconnaissance du droit à l’alimentation dans la législation et sa jouissance dans la pratique ». En réponse, le gouvernement français a détaillé le financement de son système d’aide alimentaire, le droit à l’alimentation étant pensé comme le simple droit à être nourri.
La restauration collective tend à devenir un point de convergence des actions politiques et territoriales. Dans ce cadre, la loi EGalim de 2018 instaure l’introduction de 20 % de produits bio en restauration collective. Cependant, cet objectif, qui cherchait à améliorer la qualité des produits proposés aux mangeurs, n’a pas été atteint. La première synthèse de ce chapitre cherche donc à répondre aux questions suivantes : quelles sont les difficultés que les collectivités rencontrent et quelles sont les solutions pour concrétiser cette volonté ?
Dans le Pays basque, l’action collective est facilitée par les liens culturels forts des habitants avec leur territoire. Les paysans basques ont créé une organisation de développement agricole qui inclut des représentants de la société civile pour débattre des sujets d’alimentation sur le territoire : l’association Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG) contribue ainsi au développement d’une agriculture paysanne et durable ainsi qu’à la préservation du patrimoine rural et paysan. Elle agit dans le cadre d’un développement local concerté en Pays basque, à travers l’accompagnement des agriculteurs, le conseil auprès des collectivités territoriales et la mise en place de projets collectifs.
La troisième synthèse de ce chapitre présente un renforcement des capacités d’action collective par la société civile, qui expérimente différents moyens de concrétiser le concept de démocratie alimentaire. C’est notamment le cas de l’association Cocagne Alimen’terre, qui, à travers son projet de paniers solidaires, permet diverses expérimentations visant à élargir les propositions faites en faveur d’une démocratie alimentaire.
Le projet de sécurité sociale de l’alimentation (SSA) s’inscrit comme une proposition politique innovante. Elle propose en effet de rembourser une partie des achats alimentaires conventionnés de toute personne résidant en France. Le financement de ce projet reposerait sur la création d’une nouvelle cotisation sociale. Si pour de nombreux acteurs, la SSA incarne ce que devrait être la démocratie alimentaire institutionnalisée, elle fait aussi l’objet de nombreux débats au sein des sphères politiques, économiques et sociales. L’étude réalisée sur ce sujet dresse un état des lieux des principaux points de débats.
Enfin, les enjeux de participation sont au cœur du concept de démocratie alimentaire. Les conventions citoyennes, comme processus de délibération, permettent à des citoyens tirés au sort de se réunir, d’auditionner des experts et de faire des propositions aux autorités sur une thématique donnée. L’étude proposée ici se concentre sur le cas de la convention citoyenne d’Occitanie, première Région française à avoir mis en place une telle démarche. Elle questionne le rôle que peuvent jouer des conventions citoyennes locales dans la démocratie alimentaire.
RÉFÉRENCE
NDIAYE P., PATUREL D. 2019. Démocratie alimentaire : de quoi parle-t-on ? Les Chroniques « Démocratie Alimentaire » - Volet 1. Disponible sur : www.chaireunesco-alimentationsdumonde.com/ Democratie-alimentaire-de-quoi-parle-t-on (Consulté le 31/03/2022).