Mémoire d'Architecture - Concevoir et accompagner l'auto-construction

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Concevoir et accompagner l’auto-construction Postures d’Architectes

Yasmine CHAMAND

École nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand Domaine d’Études Eco conception des Territoires et Espaces Habités 2017-2018



Mémoire de 5e année Directeurs d’étude : Rémi LAPORTE, Shahram ABADIE Date de présentation : 22 janvier 2018

Concevoir et accompagner l’auto-construction Postures d’Architectes

Yasmine CHAMAND École nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand Domaine d’Études Eco conception des Territoires et Espaces Habités 2017-2018



Remerciements

Je remercie tout d’abord les architectes Caroline CHAPELLET, Loïc PARMENTIER, et Jean Yves MASROUBY qui m’ont généreusement accordé de leur temps et sans qui ce mémoire ne serait pas ce qu’il est. Je remercie également Rémi LAPORTE, Shahram ABADIE, Amélie FLAMAND et Jean-Louis COUTAREL pour leurs commentaires éclairants. Je remercie Maïa pour avoir été ma partenaire de travail durant cette année, pour m’avoir si souvent conseillée et sortie de l’obscurité. Merci Meghane et Marion, pour s’être intéressées et m’avoir conseillée, me prouvant que l’amitié franchit même les frontières des domaines d’étude. Enfin, merci Guillaume de m’avoir aidée, soutenue et si bien nourrie.



SOMMAIRE



Sommaire

Remerciements Sommaire

4 8

Introduction

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Le faire, le savoir-faire et le faire savoir

20

1. Entre adaptation et volonté de l’architecte 2. Une conception tournée vers le chantier

22 38

Quelle production architecturale ?

64

1. Une architecture adaptée à ses usagers 2. Une conception par l’image

66 84

Conclusion Bibliographie Iconographie Annexes

98 104 109 112

8



INTRODUCTION


1. Dictionnaire Larousse en ligne. Source : http:// www.larousse.fr 2. Caroline Bougourd, L’Esprit Castor, mythe et réalités, 2011 Source : http://strabic. fr/L-esprit-Castor-Mytheet-realites 3. MANIAQUE Caroline, Go West, des architectes au pays de la contre culture. Editions parenthèses, 2014

L’auto-construction : de l’évidence aux mouvements contestataires Le verbe « auto-construire » définit l’action de construire entièrement ou partiellement sa maison 1 . Cette pratique intemporelle était autrefois évidente, par tradition ou par obligation et on n’employait alors pas le terme “autoconstruction” du fait même de cette évidence. Pour construire, les habitants étaient rarement seuls, ils faisaient appel à des personnes tierces dans un esprit d’entraide et de partage de connaissances, ou alors de façon très ponctuelle, en les rémunérant pour des tâches précises nécessitant des compétences particulières. Ce n’est que depuis l’ère industrielle que le mot “auto-construction” est apparu, moment où il ne relevait plus de l’évidence de construire soi-même son logement. A cette époque, l’habitat était lui aussi sujet à l’industrialisation et adoptait des modes de construction standardisés. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, face à l’offre déficiente de logements salubres, des coopératives d’ouvriers s’attaquent au problème en construisant eux-mêmes leur habitat. Ainsi émerge le mouvement coopératif d’auto-construction des Castors, qui aujourd’hui encore compte de nombreux adhérents partout en France 2 . En parallèle, l’auto-construction est remise d’actualité à partir des années 70 par un mouvement contestataire initié par de jeunes intellectuels aux Etats-Unis. Afin de protester contre l’industrialisation exponentielle des modes de production, le capitalisme et la guerre du Vietnam, ces artistes et hommes de lettres vont se baser sur un mode de vie communautariste et l’auto-construction de leur habitat pour matérialiser leur détachement de la société de consommation. Cette architecture prend ses sources dans le premier mouvement « écologique » et revêtira les qualificatifs d’architecture douce, d’architecture sauvage et d’architecture marginale. Ses formes multiples et aléatoires vont influencer largement l’image de l’auto-construction dans la société et fascinera une génération entière d’architectes3.

11 - INTRODUCTION


L’architecte face à l’évolution pratiques socio-culturelles

des

La participation, une réponse à un besoin de réintégration On voit apparaître ces dernières années de plus en plus de phénomènes sociétaux qui redonnent au citoyen sa place d’acteur de son milieu. Parmi ces phénomènes, le regain d’intérêt pour l’auto-production chez les Français se manifeste principalement à travers l’importance qu’ils accordent à la valorisation de leur habitat. Selon l’étude “Les tendances de la consommation des Français en matière d’aménagement du logement »4 , le budget dédié à ces questions occupe la première place des dépenses des Français. Le marché du bricolage, actuellement le mieux portant des marchés de la maison suit une croissance constante (+ 1.9% en 2016)5.

4. Les tendances de la consommation des Français en matière d’aménagement du logement, 2012 étude menée par la Fédération des magasins de bricolage et de l’aménagement de la maison (FMB) 5. Idem. 6. LEFEVRE Pierre, L’habitat participatif, 40 ans d’habitat participatif en France, Editions Apogée, 2014, Période 1, Les ateliers communautaires de Cergy-Pontoise

Face à ce besoin de réintégration des citoyens dans les décisions impactant leur environnement de vie, des réponses diverses ont été apportées. Une part de ces réponses ont été apportées par les habitants eux-mêmes, au travers de démarches comme le Mouvement de l’Habitat Groupé Auto-géré, lancé dans les années 70 par des citoyens, qui en se rassemblant en groupes montaient ensemble des projets d’habitats groupés et adaptés à chacun d’eux et à leur budget. D’autres réponses sont apportées par les pouvoirs publics eux-mêmes ainsi que par les acteurs de la construction comme les bailleurs sociaux mais aussi par les architectes. Tous tentent de replacer le citoyen au centre des décisions et de la conception de l’espace public et de l’habitat. Pour ce faire, des démarches de participation ont été développées : parfois elle se manifeste par des séances de consultation où l’habitant est invité à donner son point de vue, parfois quand c’est possible, cette participation va jusqu’à l’intervention des usagers dans la construction. Ces démarches de réintégration du citoyen ne sont pas récentes : c’est dans les années 70 qu’on en observe les premières manifestations. Après la révolution culturelle de 1968, des ateliers communautaires voient le jour dans certaines villes en périphérie de Paris6 , ces expériences de participation connaissent un succès important et sont reconnues comme améliorant le cadre de vie des habitants : « Aucun représentant de la population, que ce soit dans l’administration,

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7. Ibid. p. 11 8. FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, L’éclat, Paris, 2003 (première édition 1978), p 21 9. Ibid. p. 57 10. GUYET Claire, Quelle place pour l’architecte dans l’auto-construction ? Editions Cosmografia, 2014 p 7

les pouvoirs publics ou la vie associative, ne se prive de commenter l’intérêt, voire même la nécessité de la participation des habitants à l’amélioration de leur cadre de vie des années 1970 à aujourd’hui. » 7 .

Depuis cette période, la participation est restée très présente dans les démarches de conception, bien qu’on puisse observer une période d’éclipse aux alentours des années 80 jusqu’aux années 2000. La participation a été prônée par les architectes et certains en ont fait leur matière à penser : Patrick Bouchain, Lucien Kroll avant lui ou encore le collectif ETC privilégient tous l’implication citoyenne dans les démarches de conception des équipements et espaces publics, des logements collectifs. Cette participation se fait souvent sous forme de concertation et n’aboutit pas toujours à des changements concrets dans les projets. Les avis sur ce type de participation sont mitigés : Yona Friedman explique « […] quand les architectes nous parlent de “faire

participer l’habitant”. Il s’agit en fait de séances de consultation où l’architectearbitre amène les habitants à dire ce qu’il souhaite les entendre dire »8 , il ajoute « […] il ne saurait être question, pour moi, de la « participation de l’habitant tant vantée par les irréfléchis. Je cherche plutôt si la “ participation de l’architecte ” pourrait être utile quelque part. » 9 .

Je ne vais pas chercher à justifier cette affirmation, ce que je peux néanmoins mettre en exergue c’est que Yona Friedman ne considère pas la consultation comme une participation suffisante pour atteindre les idéaux d’intégration du citoyen dans les démarches de conception. On peut donc se demander si l’implication dans la construction pourrait atteindre ces idéaux. Les mots « participation » et « auto-construction » peuvent être associés dans certains contextes, je me devais donc de les expliciter tous les deux mais dans cette recherche, je ne les associerai que très peu. En effet, je vais parler essentiellement d’habitat individuel où les maîtrises d’ouvrages sont privées, le concept de participation ne s’applique donc pas à l’usager qui est ici le décideur.

L’architecte accompagnant l’auto-construction - vers l’appropriation d’un marché prometteur Parmi le panorama de l’auto-production, l’auto-construction semble elle

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aussi reprendre de l’importance, d’après Claire Guyet dans son livre Quelle place pour l’architecte dans l’auto-construction « ces expériences se sont raréfiées mais démocratisées dans le même temps, touchant un public plus diversifié »10. Ce marché qui représenterait entre 3 et 7% des maisons construites tous les ans intéresse les artisans et les entreprises11 qui tentent d’adapter leurs prestations et leurs produits à ces projets. Selon Claire Guyet, « plusieurs facteurs favorisent le retour à l’auto-construction

: la situation économique actuelle et la crise du logement, la prise de conscience environnementale et la recherche d’un mode d’habiter plus personnalisé » 12.

En effet, on pourrait associer ce retour à la situation économique difficile à laquelle font face une partie des ménages français ainsi que la crise du logement qui s’y ajoute mais pas uniquement, une certaine modification de l’éthique et des envies peut aussi influencer ce regain d’intérêt. Avec la démocratisation de ce type de constructions et face aux difficultés rencontrées par les auto-constructeurs, de nombreux manuels d’auto-construction sont publiés, des blogs relatent les expériences d’auto-constructeurs et des sites internet les meten relation les uns avec les autres. Ces outils permettent à l’auto-constructeur de s’informer sur des sujets très variés, allant de l’aspect administratif à des techniques de mises en œuvre précises. L’émergence de ce marché mobilise différents acteurs comme les artisans eux-mêmes qui vont parfois être appelés à intervenir en tant que pédagogues ou pour réaliser des tâches nécessitant un savoir-faire poussé, on retrouve également les associations comme les Castors, les Compagnons Bâtisseurs, les Compaillons et d’autres encore qui vont assister les auto-constructeurs. Les Caue 13 organisent également des journées conseil sur le thème de l’autoconstruction et mettent à disposition des architectes conseils en permanence.

11. Source : https:// w w w. l e m o n i t e u r. f r / article/l-autoconstruction-concurrence-ou-debouche-pour-les-entreprises-27010394 12. GUYET Claire, Quelle place pour l’architecte dans l’auto-construction ? op. cit, p9 13. CAUE : Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement, ces organismes de droit privés , bénéficient de financements publics et sont aujourd’hui présents dans presque tous les départements. 14. GUYET Claire, Quelle place pour l’architecte dans l’auto-construction ? op. cit. 15. FATHY Hassan, Construire avec le peuple, Editons Jérôme Martineau, Paris, 1970. 16. FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, L’éclat, Paris, 2003 (première édition 1978), 219p.

Les architectes peuvent aussi avoir un rôle à jouer dans ce type de démarche. Cette intervention peut être imposée à l’auto-constructeur par la loi selon la surface qu’il compte bâtir, ou alors elle peut être choisie par celui-ci. Certains architectes s’intéressent réellement à ces projets et y trouvent leur place en y dédiant une partie de leur pratique : ils réalisent alors de l’accompagnement à l’auto-construction. Cette pratique reste quelque peu marginale et peu connue, peut-être parce qu’elle ne constitue souvent qu’une petite partie du travail effectué par ces architectes. Les publications sur le sujet se font rares, mis à part le livre de Claire Guyet, Quelle place pour l’architecte dans l’autoconstruction14 , et les livres plus anciens de Hassan Fathy Construire avec le

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17. EL JADAOUI Rémi, Directeurs de mémoire : Stéphane HANROT & Marion SERRE, Quel rôle pour l’architecte dans des processus d’autoconstruction ?, ensa Marseille, 2016 18. CHAUVIN Adrien, Autoconstruire Ensemble : Quelle place pour l’architecte dans l’accompagnement à l’autoconstruction ? Ensa Nantes 2016 19. BAJARD Justine, Directeur de mémoire : SEGAPELI Silvana, Pratiques d’Auto-constructions et Postures d’Architectes, L’auto-construction comme solution pour habiter en Europe dans une situation de crise économique, Ensase, 2016 20. BERNETTE Eva, Directeur de mémoire : Marie-Hélène Gay-Charpin, L’apport et la place de l’architecte dans l’auto-construction, Ensacf ,2013

peuple 15 et de Yona Friedman L’architecture de survie 16 . Ceux-ci ne parlent pas encore d’architecte accompagnateur à l’auto-construction mais abordent des sujets connexes. Le livre de Claire Guyet, bien que prometteur sur la question, présente une partie des acteurs qui peuvent intervenir dans la conception d’habitat auto-construit comme « les vendeurs de plans », « les concepteurs de kits », « les membres associatifs » ou encore « les humanitaires » mais elle ne parle que très peu des architectes intervenant sur ces projets. Les étudiants en architecture sont ceux qui s’intéressent le plus à cette pratique. J’ai pu accéder à quatre mémoires d’étudiant traitant de cette question : Quel rôle pour l’architecte dans des processus d’auto-construction ? de Rémi El Jadaoui 17 , Quelle place pour l’architecte dans l’accompagnement à l’auto-construction ? Auto-construire ensemble, d’Adrien Chauvin18 , Pratiques d’Auto-constructions et Postures d’Architectes de Justine BAJARD 19 et enfin, L’apport et la place de l’architecte dans l’auto-construction de Eva Bernette 20 . Ces mémoires pour la plupart analysent essentiellement le ou les rôles des architectes dans ces projets, en gardant une position entre auto-constructeur et architecte, sans réellement questionner la conception et l’architecture créée. Pour certains, les situations de projets sont à mon sens peu communes mais mettent en évidence certaines particularités qui m’ont aidées à me poser des questions orientées. Les méthodes de recherches adoptées sont représentatives de la réflexion apportée, les architectes entretenus sont souvent des architectes conseils des CAUE , ou les auto-constructeurs eux-mêmes et les projets sont souvent analysés plutôt dans les rapports entretenus entre auto-constructeurs et architectes. Dans cette analyse je vais plutôt m’orienter vers la pratique de l’architecte accompagnateur à l’auto-construction et tenter de répondre à cette question : En quoi l’accompagnement à l’auto-construction est-il une manière de pratiquer singulière pour l’architecte ? La conception d’une maison individuelle est-elle différente lorsque celleci est auto-construite partiellement ou entièrement par l’habitant ? Si oui, quelles particularités revêt la conception de ces maisons individuelles et quelle architecture en résulte ?

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Méthodologie Pour répondre à ces questionnements, j’ai choisi de me baser essentiellement sur des architectes et sur leur expérience de la pratique, je n’ai donc rencontré aucun auto-constructeur car il me semble que malgré la multitude de profils existants, les mémoires de mes collègues étudiants expriment très bien les avis des auto-constructeurs. Afin de territorialiser cette recherche, j’ai choisi de m’entretenir avec des architectes qui pratiquent dans la région Auvergne Rhône-Alpes. J’ai également tenté de représenter au maximum les profils d’architectes accompagnateurs à l’auto-construction existants, de ce fait, les trois architectes choisis ont des âges, des compétences et des domaines d’intervention différents :

21. Le collectif Virage est composé de quatre ateliers d’architecture : Félix Mulle et l’Atelier de l’Ourcq, Loïc Parmentier et l’Atelier de Montrottier, Simon Teyssou et l’Atelier du Rouget, Mathieu Bennet et l’Atelier de SaintCéré. Source : http:// virage.archi/index.html

Caroline Chapellet est diplômée de l’école d’Architecture de Lyon depuis 2008, après avoir travaillé un moment en agence, elle a fondé son agence In Situ en association avec Aurélien Gely, celle-ci se situe à Francheville, dans la métropole de Lyon. Elle s’est spécialisée dans l’éco-conception par conviction et co-préside l’association Oikos. Elle concentre sa pratique sur les maisons individuelles. Loïc Parmentier est diplômé de l’école d’Architecture de Clermont-Ferrand depuis 2010, son agence, l’Atelier de Montrottier se trouve dans les monts du Lyonnais. Il intervient principalement en milieu rural et fait partie du collectif Virage 21 qui réalise des études urbaines sur des bourgs et des petites villes. Il a lui-même des expériences d’auto-construction et enseigne à l’école d’Architecture de Clermont-Ferrand. Jean Yves Masrouby est diplômé de l’école d’Architecture de Clermont-Ferrand depuis 1984. Son agence, Couleur Nature se trouve à Clermont-Ferrand et il intervient principalement dans des zones rurales ou dans des communes périphériques. Jeune diplômé, il a travaillé comme conducteur de travaux, comme ouvrier et a aussi réalisé plusieurs projets en auto-construction. Il a également enseigné à l’école d’Architecture de Clermont-Ferrand. Les entretiens ont été réalisés entre juillet et novembre 2017, avec Caroline Chapellet une seule rencontre a suffi tandis qu’avec Loïc Parmentier et Jean

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Yves Masrouby ces entretiens ont été séparés en deux temps : un premier rendez-vous nous a permis de discuter de questions générales sur la pratique et sur la conception et un deuxième rendez-vous visait l’approfondissement de quelques projets réalisés par ces architectes. La sélection des projets a été faite de manière spontanée par les architectes au cours des entretiens et permettent de se rendre compte de la diversité des projets suivis en accompagnement à l’auto-construction sans qu’il soit impossible de les comparer. Je vais analyser trois projets de l’agence In Situ de Caroline Chapellet dont une réhabilitation, une construction neuve en auto-construction partielle ainsi qu’une autre construction neuve en autoconstruction totale. Parmi les projets de Loïc Parmentier je vais analyser une extension, une réhabilitation et construction neuve en auto-construction totale. Enfin, je vais analyser deux des projets de Jean Yves Masrouby dont une réhabilitation et une construction neuve en auto-construction partielle. Jean Yves Masrouby n’ayant suivi aucun projet d’auto-construction totale, je ne vais donc étudier que deux de ses projets. Ces projets seront mobilisés tout au long du développement de l’analyse pour appuyer les propos mais ne seront décrits totalement qu’en annexe, j’inviterai donc le lecteur à se référer à ces fiches projets. Mon analyse s’articule en deux parties. La première permet de poser des hypothèses sur ce qui amène ces architectes à diriger une partie de leur pratique vers l’accompagnement à l’auto-construction, tout en identifiant les profils des architectes, leurs compétences et leurs domaines d’intervention. Ensuite, après avoir analysé le cadre légal dans lequel se fait la conception, je tenterai de comprendre les mécanismes utilisés pour ces projets. La deuxième partie concerne le produit de cette conception, j’y analyserai les caractéristiques majeures et la manière dont celle-ci est perçue par la critique architecturale.

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Entre adaptation et volonté de l’architecte Un contexte économique et géographique déterminant L’architecte de proximité Des compétences et des thématiques de réflexion adaptées Une conception tournée vers le chantier Des prestations cadrées par l’offre assurantielle Le processus de conception


Partie I

Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


Pour comprendre la manière de pratiquer des architectes accompagnateurs à l’auto-construction, il me paraissait primordial d’analyser les particularités de la conception même de ces projets mais aussi de déterminer les origines de l’intérêt apporté à ce marché par les architectes interrogés. Ces origines prennent leur source dans des aspects multiples de la pratique architecturale allant de l’implantation des agences aux domaines d’intervention des architectes. Au cours des entretiens avec les trois architectes j’ai pu dégager une constance dans certaines données de conception inhérentes aux projets autoconstruits, qui bien qu’importantes dans un projet conventionnel deviennent structurantes quand il s’agit d’auto-construction. Lorsque Jean Yves Masrouby tente de qualifier l’accompagnement à l’auto-construction il l’explique comme suit : « […] on est dans le faire, le savoir-faire, le faire savoir […] »22

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1. Entre adaptation et volonté de l’architecte

L’un des points communs entre ces trois architectes est surement que tous ont eu un rapport presque immédiat à l’accompagnement à l’auto-construction lorsqu’ils ont commencé à exercer en tant qu’architectes. Ce premier rapport était à la fois induit et choisi : leur environnement de travail leur demandait de s’adapter à un public particulier mais c’est aussi de par leurs convictions qu’ils en sont arrivés à s’intéresser à cette pratique.

Un contexte économique et géographique déterminant L’auto-constructeur initiateur de la rencontre C’est souvent dans une volonté d’économie que les auto-constructeurs choisissent de construire entièrement ou en partie leur habitat. Qu’ils auto-construisent par conviction, par envie ou par besoin, les économies significatives réalisées leurs permettent de concrétiser leur projet en restant dans un budget raisonnable. Elles peuvent aussi permettre d’utiliser des techniques constructives et des matériaux qualitatifs, d’apporter une efficience énergétique ou encore d’apporter des qualités spatiales au logement qu’ils n’auraient pu se payer en déléguant tous les travaux. Malgré ce besoin d’économie, les auto-constructeurs font parfois appel aux architectes par choix ou de façon contrainte.

22. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017 23. La loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture indique que : « Quiconque désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l’objet de la demande de permis de construire » Le seuil d’obligation de recours à un architecte fixé auparavant à 170m² passe à 150m² avec le décret du 14 décembre 2016 de la loi LCAP relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine Source : https://www.legifrance. gouv.fr 24. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017

Lorsque la surface à construire est supérieure au seuil des 150 m² 23 , ils se retrouvent obligés de consulter un architecte pour déposer leur permis de construire. Lorsque le projet est inférieur aux 150 m², ce choix est souvent motivé par des raisons administratives ou des demandes techniques spécifiques ou encore par un besoin de rassurer et de se rassurer. « En fait c’est simple avant de me rencontrer, ils n’avaient pas compris ce qu’amenait un architecte. Pour la plupart ils pensent que je vais les aider à obtenir un permis de construire, à dépatouiller un architecte des bâtiments de France quand ils ont un ABF qui les embête, que je vais les aider sur l’aspect technique [...] Ou alors ils ont une demande sur le bio-climatisme mais ça, ils ont déjà essayé de se débrouiller tout seul, tu vois. Ou alors des fois c’est quand ils sont en couple, c’est le compagnon ou la compagne qui dit “ Va voir un architecte, ton plan il est pas mal mais ça serait bien de voir un professionnel ” » 24

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25. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017

Il est donc rare que l’architecte soit mobilisé pour son rôle premier, celui de concepteur et de dessinateur.

26. Idem.

S’adapter à un territoire et à un public

27. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017

Loïc Parmentier a installé son agence « L’Atelier de Montrottier » en 2014 à Montrottier dans les Monts du Lyonnais, un territoire rural situé entre Lyon, St Etienne et Roanne. Le choix d’installer son agence en milieu rural a conditionné en partie sa pratique : ses premiers projets étaient avant tout des petits projets avec des maîtrises d’ouvrage privées, des réhabilitations et des extensions, avec des budgets très réduits et des programmes ambitieux. Il s’est vite aperçu des problématiques liées à ce marché, à ce contexte géographique mais en a aussi analysé les potentialités. Le territoire recèle d’artisans avec des savoir-faire variés et de « bricoleurs »25 avec des compétences simples, l’architecte a donc adapté ses prestations pour y intégrer l’auto-construction. « Et en fait dans cette recherche économique, souvent la plupart des gens ont pris conscience qu’ils pouvaient faire quelques petites choses eux-mêmes parce qu’en plus on est à la campagne, ils ont toujours un ou deux copains artisans qui savent faire des choses, la plupart du temps j’ai affaire à des bricoleurs, plus ou moins du dimanche mais qui ont des compétences. J’ai aussi affaire à des artisans qui font appel à mes services parce qu’ils ont besoin de concevoir parce que ça ils ne savent pas le faire, par contre ils savent construire. L’auto-construction est venue par ellemême dans ce besoin économique et puis ce milieu . »26

Jean Yves Masrouby, et Caroline Chapellet bien qu’installés à ClermontFerrand et à Francheville en milieux plus urbains, touchent eux aussi des clients dont les budgets sont souvent assez réduits et qui par conséquent choisissent de construire en milieu rural, du fait des prix des terrains à bâtir très bas. En s’adaptant à ce public et à ses besoins d’économies, les architectes peuvent devenir eux-mêmes initiateurs de la démarche d’auto-construction. L’expérience au contact d’auto-constructeurs leur donne certains automatismes et lorsqu’ils en sentent capable les clients ils peuvent eux-mêmes proposer à ceux-ci de participer à certaines tâches dans la construction. Jean Yves Masrouby affirme demander systématiquement aux clients « [...] est ce que vous allez en faire par vous-même ? » 27 et lorsque la volonté de participer aux travaux n’est pas manifestée, il leur propose de réaliser les lots peintures qui coutent cher en main-d’œuvre mais qui sont techniquement à la portée de tous. Loïc Parmentier adopte aussi cette démarche, il lui arrive de proposer aux

23 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


clients de participer pour faire baisser les coûts de la construction lorsqu’ils n’y ont pas pensé eux-mêmes : « Moi je me dis que s’ils savent... parce qu’on est systématiquement dans la recherche d’économie. Ce qu’ils savent faire eux-mêmes c’est déjà une économie. » 28 . Parfois face à un budget très bas, c’est la seule

solution qui permet au projet d’aboutir, en parlant du projet de la Maison d’Affoux 29, il exprime ce choix : « Il faut trouver les astuces pour que le projet sorte

et se fasse et qu’il soit de bonne qualité pour autant, sinon on pourrait dire : on fait tout au rabais et on ne transforme pas cette maison »30.

28. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 29. Se référer à la fiche projet page 161 30. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Novembre 2017

Bien sûr, lorsque l’architecte initie la démarche, c’est en ayant au préalable sondé les compétences de son commanditaire, afin de ne pas proposer l’infaisable.

« L’architecte de proximité » Une proximité géographique L’une de mes premières démarches pour comprendre la pratique de ces architectes a été d’essayer d’évaluer leur rayon d’intervention. En effet, comprendre dans quels territoires et à quelle distance leurs projets s’implantent par rapport à leur agence permettrait d’émettre des hypothèses sur la façon dont la rencontre entre architecte et client se fait. N’ayant pas accès à une liste exhaustive des projets et de leurs emplacements, j’ai procédé à une analyse sur un échantillon significatif de ces projets. Cet échantillon s’est limité aux projets sur lesquels les architectes communiquent, que ce soit à travers les sites internet de leurs agences comme pour Caroline Chapellet et Loïc Parmentier ou à travers un document récapitulatif de présentation de Jean Yves Masrouby réalisé en 2013. À partir des cartes réalisées, on remarque que la plupart des projets restent dans le département où est implantée l’agence. C’est probablement l’activité de Jean Yves Masrouby qui illustre le mieux cette proximité : la plupart de ses projets se trouvent dans le département du Puy de Dôme, donc très proches de son agence, en revanche il a réalisé très peu de projet en tissu urbain dense. Sa pratique se rapproche donc de ce qu’on pourrait appeler “architecte de proximité” et pourrait s’apparenter à celle d’un professionnel de

Partie 1 - 24


Agence In-Situ Caroline Chapellet at Aurélien Gely

Atelier de Montrottier Loïc Parmentier et associés

Couleur Nature Jean Yves Masrouby

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FIGURE 1 Implantation des agences et des projets réalisés par chaque agence à l’échelle de la région Auvergne Rhône-Alpes. Document Personnel Source : https://www.insituarchi.com/, http://www.atelierdemontrottier.archi/ADM_aveize.html, portfolio de Jean Yves Masrouby


Emplacement des des agences agences Projets analysés analysés Maisons individuellesconstruites construitestotalement totaleMaison individuelles ment ou partiellement en auto-construction ou partiellement en autoconstruction Maisonsindividuelles individuelles/ / pas d’information Maison pas d’informations sur l’aspect l’aspect auto-construit auto-construit sur Autres projets projets(équipement (équipementpublic, public, habitat Autres collectif, étude ,urbaine) habitat collectif étude urbaine)

FIGURE 2 Implantation des agences et des projets réalisés par chaque agence à l’échelle de départements. Document Personnel Source : https://www.insituarchi.com/, http://www.atelierdemontrottier.archi/ADM_aveize.html, portfolio de Jean Yves Masrouby

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31. Source : http:// virage.archi/index.html 32. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 33. FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, L’éclat, Paris, 2003 (première édition 1978) 34. Ibid. p. 58

la construction qui serait référent dans une zone. Caroline Chapellet pratique elle aussi uniquement dans une zone relativement proche de l’agence, bien qu’un peu plus étendue du fait de sa spécialisation dans l’habitat « écologique ». Les projets de Loïc Parmentier sont ceux qui s’étendent le plus largement sur le territoire du fait de son appartenance au Collectif Virage . Ce collectif lauréat du Palmarès des jeunes urbanistes de 2016 est composé principalement d’architectes implantés en milieu rural et s’attaque à des questions d’urbanisme à l’échelle des centres bourgs31. Loïc Parmentier peut donc exercer à deux échelles mais la plupart de ses projets à échelles plus réduites sont des projets de maisons individuelles qui se trouvent dans la zone dans laquelle s’implante son agence. Sa vision de l’architecte corrobore l’idée d’un architecte acteur de son territoire et nécessaire à son développement « [...] pour moi on doit être au service de la population, c’est un service l’architecture. D’intérêt public.»

. Au-delà des questions sur l’auto-construction, on remarque que chacun d’eux a développé une connaissance du territoire dans lequel il a l’habitude d’intervenir ainsi que des habitants de ce même territoire. 32

Dans son livre « L’architecture de survie, une philosophie de la pauvreté » 33 Yona Friedmann théorise l’évolution du rôle de l’architecte comme un professionnel de proximité s’apparentant à un médecin, dont le rôle serait de conseiller des clients en pleine connaissance du cadre d’implantation de la construction : « il existe un autre volet au rôle nouveau de l’architecte : celui de conseiller sur rendezvous. […] Evidemment, c’est la fin de l’architecte créateur, du maître. Tant pis ! »34.

Une proximité sociale et culturelle Communiquer sur ses projets La relative proximité géographique n’est pas la seule source de rencontre entre les architectes et les auto-constructeurs. En effet, on pourrait parler d’une proximité sociale et culturelle. Cette catégorie regroupe tous les facteurs qui peuvent rapprocher architecte et auto-constructeur en dehors de la proximité géographique. Pour un architecte, un moyen de se faire connaitre d’un certain public réside dans les projets qu’il a réalisé, témoins de son expérience. Or les références qui

27 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


peuvent intéresser un auto-constructeur sont plutôt de l’ordre de l’habitat, des maisons individuelles à performance thermique élevée, à technique constructive ou à matériaux particuliers, ou à budget très bas. Ces caractéristiques sont celles qui rendent le travail d’un accompagnateur à l’auto-construction remarquable car ce sont les caractéristiques que recherchent généralement les auto-constructeurs. L’esthétique, l’adaptabilité aux modes de vie revêt elle aussi son importance mais semble parfois presque annexe comparée à la question technique qui est perçue comme le rôle principal de l’architecte. «

En fait c’est simple avant de me rencontrer, ils n’avaient pas compris ce qu’amenait un architecte. Pour la plupart ils pensent que je vais les aider sur l’aspect technique et ils découvrent en fait c’est quoi l’aménagement spatial, c’est quoi la spatialité, en gros ils découvrent c’est quoi l’architecture. » 35

35. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 36. Source : Site internet de l’agence « In situ » de Caroline Chapellet et Aurélien Gely : https:// www.insituarchi.com 37. Idem.

Ces projets privés ne sont pas médiatisés, ne sont pas accessibles et visibles comme pourrait l’être un projet public et les architectes doivent trouver le moyen de communiquer autour de ceux-ci pour faire valoir les particularités de leur pratique. La question qui se pose alors est : comment les architectes communiquent-ils sur leurs projets d’accompagnement à l’auto-construction, à quelle échelle et à destination de quel public ? Caroline Chapellet et Loïc Parmentier possèdent tous les deux des sites internet pour leurs agences respectives, leurs façons de communiquer sur les projets sont néanmoins très différentes. Caroline Chapelet diffuse un discours tourné autour de l’accompagnement à l’auto-construction et la performance thermique des maisons qu’elle conçoit. Elle ne fait que des chantiers de maisons individuelles avec des maitrises d’ouvrage privées, elle connaît donc le public qu’elle vise. Ses prestations sont adaptées et son site internet explique en détail tout ce qu’un client a besoin de savoir : il comprend un résumé complet et explicite des prestations proposées, des différentes phases d’un projet, des honoraires de l’architecte ainsi qu’une explication de ce que ces honoraires comprennent. Poser ces bases de façon claire sur le site de l’agence permet aux auto-constructeurs de comprendre en amont de la rencontre comment un architecte intervient. Sur le site on retrouve également une section « Pourquoi choisir un architecte ? » 36 et un texte expliquant « Pourquoi payer l’esquisse ? » 37 . Au vu de cette communication, il semble que le site internet de l’architecte est l’un des principaux médias utilisé dans la diffusion de sa pratique. Un autre aspect qui permet à Caroline Chapellet de communiquer sur ses compétences est sa présence au sein de réseaux liés à l’auto-construction

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38. Site internet de l’association Oikos : https:// oikos-ecoconstruction. com/association/ 39. Idem. 40. Source : Site internet de l’agence « Atelier de Montrottier » de Loïc Parmentier : http://www. atelierdemontrottier.archi 41. Projet d’extension d’un corps de ferme à Aveize – Atelier Montrottier, Se référer aux fiches projets en annexe 42. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 43. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017

mais surtout à la conception et construction bioclimatique. Membre actif de l’association des Castors Rhône Alpes, elle possède notamment un rôle important au sein de l’association Oikos, qu’elle co-préside. Cette association créée en 1991, intervient uniquement en Rhône-Alpes, prône la « construction et la rénovation écologique » 38 et plus spécifiquement « les techniques, les matériaux et les savoir-faire permettant la généralisation des pratiques respectueuses de l’environnement, du patrimoine bâti et de la santé des individus. » 39 . Elle se

fait également connaître grâce aux ateliers et aux réunions de conseils pour les auto-constructeurs auxquels elle est conviée comme intervenante.

Sur son site internet, Loïc Parmentier ne communique que très peu sur les maisons individuelles qu’il a réalisé et ne parle pas de sa pratique d’accompagnateur à l’auto-construction 40. Un des projets que nous allons analyser est présenté sur son site 41 mais l’architecte ne mentionne pas l’aspect auto-construit, la seule information qu’il donne sur le sujet est son rapport particulier à la construction et au chantier. Pourtant, pour les projets sur lesquels il a choisi de communiquer, il explique clairement le contexte d’élaboration du projet, la manière dont les espaces ont été conçus et pourquoi. En parlant des marchés privés il explique « c’est un peu compliqué d’aller démarcher, soit il y en a soit il n’y en a pas. »42 Il semble que c’est principalement au travers de l’implantation de son agence qu’il se retrouve au contact d’auto-constructeurs. Jean Yves Masrouby ne possède pas de site internet pour son agence « Couleur Nature ». Il possède néanmoins des documents de communication sur ses projets notamment un portfolio rassemblant une partie de ses projets. Ce document datant de 2013, ce sont uniquement des projets un peu datés qui sont mis en valeur. Cela nous laisse penser que ce n’est pas au travers de ces documents qu’il communique sur sa pratique. Il apparait clairement dans l’entretien réalisé avec l’architecte que c’est plutôt le « bouche à oreille » qui lui permet de rencontrer ses clients. Les auto-constructeurs sont souvent dans une démarche de partage de leur expérience, parfois au travers de blogs relatant l’élaboration de leur projet, il y a donc une importante part de communication qui ne dépend pas de l’architecte. Les entreprises de construction jouent aussi un rôle dans la rencontre entre architectes et auto-constructeurs. « Les clients ils vont souvent voir l’entreprise d’ossature bois avant et puis comme je les connais, l’entreprise dit ”allez voir Masrouby, il va vous faire votre permis“ » 43.

29 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


Mettre en place une relation Dans son mémoire « Quel rôle pour l’architecte dans des processus d’autoconstruction ? » 44 Rémi El Jadaoui analyse entre autres le rapport entre architecte et auto-constructeur dans un projet d’accompagnement à l’autoconstruction. Ses six cas d’étude se situent dans une même région et pour cinq d’entre eux il y a eu une intervention d’un architecte pendant le projet. Pour trois des projets, l’architecte intervenant fait partie de la sphère amicale ou familiale, ce sont les projets où l’architecte est le plus impliqué et ne se contente pas de déposer le permis de construire sans prendre conscience de l’aspect auto-construit. « Cette place qu’ils occupent dans le réseau affectif de

44. EL JADAOUI Rémi, Directeurs de mémoire : Stéphane HANROT & Marion SERRE, Quel rôle pour l’architecte dans des processus d’auto construction ? Ensa Marseille, 2016

Rémi El Jadaoui diagnostique donc la présence dans le cercle familial comme la source de l’association qui se crée. C’est pour lui la condition sine qua non qui fait que l’architecte va s’investir au maximum, en allant jusqu’à participer aux travaux et se positionner réellement comme accompagnateur pédagogue plutôt qu’uniquement comme dessinateur. Ses diagrammes de collaboration se basant sur la méthode de Venn 46 illustrent bien la différence des rapports entre un architecte faisant partie du cercle familial et amical et un architecte hors de ce même cercle.

47. EL JADAOUI Rémi, Quel rôle pour l’architecte dans des processus d’auto construction ? op. cit. p 44

l’auto-constructeur pèse autant voire plus que sa compétence professionnelle dans la décision des auto-constructeurs de faire appel à lui. La dimension familiale de l’architecte pourrait même créer l’impulsion. On est dans le principe informel et spontané de l’auto-construction. Il n’y a pas d’offre commerciale précise. S’il n’y avait pas d’architecte dans la famille, il n’y aurait peut-être pas eu de projet. » 45

45. Ibid. p 44 46. Le diagramme de Venn montre toutes les relations logiques possibles dans une collection finie de différents ensembles. Source : https:// fr.wikipedia.org/wiki/ Diagramme_de_Venn

48. MANIAQUE Caroline, Go West, des architectes au pays de la contre culture. Editions parenthèses, 2014.

Nous pourrions nuancer ce constat en observant que dans des projets privés plus conventionnels on observe aussi ce phénomène : la maitrise d’ouvrage va recourir à l’architecte qu’elle connait où qu’on lui a conseillé. Les architectes n’ont alors pas réellement besoin de communiquer sur leur pratique car les clients se chargent de le faire pour eux. Là où Rémi El Jadaoui insiste c’est que ce procédé rentre « dans le principe informel et spontané de l’auto-construction » 47 , pour lui l’auto-construction peut être une manifestation d’une envie d’anticonformisme comme cela a pu être le cas dans les années 60 aux EtatsUnis 48 et en Europe par la suite. L’auto-constructeur chercherait donc à s’émanciper du système de maitrise d’ouvrage, maitrise d’œuvre et le recours à un architecte diplômé d’Etat peut venir à l’encontre de cette volonté mais quand l’architecte fait partie du cercle de connaissance de l’auto-constructeur cela change sa vision.

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49. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017 50. Idem. 51. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 52. Idem.

Mes propres cas d’étude ne peuvent confirmer ou infirmer cette hypothèse mais on remarque que Jean Yves Masrouby a accompagné plusieurs de ses connaissances sur des projets en auto-construction partielle et pour ces projets uniquement il a fait quelques interventions sur le chantier : « j’ai aidé le copain à poser des fenêtres »49. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que pour les cas étudiés, les relations entre architecte et accompagnateur semblent génératrices de satisfaction, et sont même parfois réellement plaisantes. « Tout le savoir-faire que j’ai acquis sur les chantiers je leur donne et puis je fais partager aussi aux clients, clients qui sont devenu souvent les copains »50.

Des compétences et des thématiques de réflexion adaptées Bien qu’il y ait une part d’adaptation dans l’intérêt de ces architectes pour la pratique de l’accompagnement à l’auto-construction, on ne peut pas dire qu’ils subissent cette implantation géographique et ce contexte économique puisqu’ils l’expriment clairement comme un choix. On distingue les sources de cet intérêt dans leur parcours et dans leur rapport au chantier, à la construction mais aussi à la pédagogie.

Un rapport à la construction antérieur Loïc Parmentier voit le rapport à la construction comme une source de son intérêt pour le métier d’architecte : « Moi j’ai un rapport à la construction qui

est assez direct, c’est d’ailleurs en fait mon premier rapport à l’architecture : par la matière et la construction. » 51 .

Adolescent, il a suivi l’auto-rénovation d’une maison de bourgs que ses parents entreprenaient et sur une durée de trois ans il a participé activement aux travaux , lui donnant alors « goût à l’espace et à l’architecture » 52 d’une façon orientée. Pendant ses études à l’école d’architecture de ClermontFerrand, il entreprend seul la réhabilitation d’une maison de Bourg à Billom, concrétisant ainsi ses penchants pour l’aspect technique de l’architecture. Plus tard, après l’obtention de son diplôme en 2010 il entame la réhabilitation

31 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


en auto-construction d’une ferme, ce qui lui permet « un développement de ses savoir-faire architectoniques »53. Aujourd’hui, l’accompagnement à l’autoconstruction lui a permis d’entretenir un rapport technique à la construction qui lui sert lorsqu’il intervient sur des marchés publics : « Ce sont des choses qui m’animent vraiment et sur lesquels je vais échanger avec passion avec les entreprises, ça me plait beaucoup tout cet aspect-là. » 54 .

Au-delà de cet intérêt pour la technicité, Loïc Parmentier décrit la pratique de l’architecte comme essentiellement composée de rapports humains et à travers l’accompagnement à l’auto-construction il a pu développer sa capacité à dialoguer et ses compétences pédagogiques : « Le côté participatif pour moi est

hyper important et le fait d’avoir eu ces démarches-là précédemment ça me permet aussi d’avoir cette capacité de rapport humain à aller vers les gens et à avoir envie. » 55.

Le parcours de Jean Yves Masrouby possède des similarités avec celui de Loïc Parmentier. Bien que d’âge et d’expérience différents, ils ont tous les deux approché l’architecture par la construction. Jean Yves Masrouby se définit comme « architecte constructeur » 56 , son rapport à la construction commence aussi au cours de ses études d’architecte au sein de l’école d’architecture de Clermont-Ferrand dans les années 70, alors qu’il apprend les rudiments du bricolage. Ses voyages et les références d’architecture vernaculaire autoconstruite qu’ils lui apportent vont influencer sa façon d’appréhender l’architecture, si bien qu’il va travailler sur des chantiers en tant que concepteur/ constructeur avant d’obtenir son diplôme en 1984 en soutenant un mémoire tourné vers l’auto-construction57. Après avoir mené des chantiers pour ses amis en auto-construction, il entreprend la rénovation de sa propre maison dans le centre de Clermont-Ferrand.

53. Source : Site internet de l’agence « Atelier de Montrottier » de Loïc Parmentier : http://www. atelierdemontrottier.archi 54. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 55. Idem. 56. Portfolio de l’Architecte Jean Yves Masrouby - Document non publié 57. MASROUBY Jean Yves. Directeur de mémoire : MASSOT JM, Une pratique alternative de l’architecture basée sur les principes de l’autoconstruction, Ensacf, 1983 58. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017 59. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017

« Moi j’ai toujours été animé par ce besoin de construire, comme je disais avec trois bouts de bois on structure l’espace, […] on était tâcheron, on était constructeur et puis aussi accessoirement architectes »58.

Il commence à enseigner la construction à l’Ensacf en 1993 et monte son agence « Couleur Nature » en 1995. Il y enseignera 10 ans dans un module appelé « expérimentation et matériaux » et permettra aux étudiants d’expérimenter des techniques constructives diverses. Son rapport à la construction est là aussi clairement défini comme essentiel dans sa pratique d’architecte « Peut-être que

je suis architecte par défaut, je suis peut-être plus charpentier... Bon il se trouve que je suis architecte. » 59.

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60. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en aout 2017 61. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017 62. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 63. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en aout 2017 64. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017

D’une manière quelque peu différente, Caroline Chapelet entretient elle aussi ce rapport à la construction. Son intérêt pour la technique constructive et surtout pour les techniques alternatives l’a amenée à être au contact des auto-constructeurs et c’est auprès d’eux qu’elle a appris, en faisant des chantiers participatifs. « C’est aussi pour ça que je suis arrivée auprès d’eux parce que ça me fascinait qu’ils mettent en œuvre »60.

Ces connaissances techniques semblent importantes pour être compétents sur ce genre de projet. D’après Jean Yves Masrouby « si tu n’as qu’une formation standard de l’école d’architecture, des fois tu n’es pas à la hauteur. » 61. Pour lui les compétences techniques qu’il a acquises sont indispensables, sur tous les projets mais principalement sur les projets auto-construits. Loïc Parmentier est plus modéré sur ce sujet, pour lui, « […] quelqu’un qui veut guider un autoconstructeur mais qui ne sait pas comment construire, […] il va forcément devoir faire appel à des entreprises et des artisans pour s’équiper, pour se documenter, s’informer afin d’informer son auto-constructeur. » 62. Il ajoute que l’auto-constructeur doit

être capable d’apprendre lui-même et ne doit pas dépendre totalement de l’architecte techniquement parlant. Caroline Chapellet rejoint cette vision :

« […] très souvent les auto-constructeurs sont très autonomes et si tu ne leur apporte pas la réponse, ils se débrouillent. […] la majorité des profils ce sont des gens ultras techniques » 63 , pour elle ce n’est pas les compétences techniques qui font la

valeur de l’accompagnement à l’auto-construction mais plutôt l’expérience au contact des auto-constructeurs et la connaissance des solutions alternatives.

Des architectes pédagogues Une autre compétence abordée par les architectes est la pédagogie nécessaire sur ce type de projets. Comme je l’ai déjà mentionné Loïc Parmentier et Jean Yves Masrouby ont tous les deux enseignés à l’école d’architecture de ClermontFerrand, ils mentionnent tous les deux l’importance de l’aspect pédagogique dans la pratique en général et principalement dans l’accompagnement des auto-constructeurs : « […] en fait il y a pédagogie, pour moi systématiquement,

avec les auto-constructeurs peut-être que ça va un peu plus loin […] il y a beaucoup de choses sur lesquelles on va échanger mais c’est aussi dans le rapport humain il va falloir cerner vers où orienter le débat parce qu’il ne faut pas prendre le risque de pousser un auto-constructeur qui saurait pas faire vers une auto-construction. Il faut doser tout ça. » 64. Selon lui, c’est une compétence que tous les architectes n’ont pas : « le fait d’avoir eu ces démarches-là précédemment ça me permet aussi d’avoir

33 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


cette capacité de rapport humain à aller vers les gens et à avoir envie. Parce qu’il y a aussi plein d’architectes qui préfèrent travailler dans leur coin, c’est une question de comportement aussi » 65.

Jean Yves Masrouby est également dans cette démarche, il parle notamment de « faire savoir » et explique : « comme j’ai expérimenté ça je leur

explique la chose naturellement. Je pourrais presque s’ils ne sont pas expert aller sur le chantier et leur faire voir […] ».

65. Idem. 66. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017 67. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017

Les outils de communication qui sont mobilisés pour faire comprendre les projets sont de ce que j’ai pu observer assez conventionnels. Dans les esquisses on retrouve beaucoup de croquis à la main et Jean Yves Masrouby réalise des maquettes simples. Caroline Chapellet semble communiquer via des images des projets en 3D afin de faire comprendre les espaces et permettre de voir les assemblages de matériaux, à partir de la phase avant-projet sommaire. Les entretiens laissent entendre que les architectes sont parfois amenés à expliquer des aspects techniques aux auto-constructeurs, les architectes utilisent ici encore des croquis ou des explications orales. Une des techniques pour parler de certaines mises en œuvre avec les auto-constructeurs est de leur faire voir en les envoyant visiter les chantiers en cours. Les clients peuvent ainsi voir concrètement et dans un même temps discuter avec les autres autoconstructeurs : « […] j’ai déjà amené des personnes que je rencontrais pour un

nouveau projet voir, pas forcément sur les chantiers, mais rencontrer des personnes que j’avais accompagné »67.

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FIGURE 3 Croquis du projet de la Maison d’Affoux Source : Document de l’Atelier de Montrottier

35 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


FIGURE 4 Croquis du projet de la Maison local agricole de Mornant Source : https://www.insituarchi.com/

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37 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


2. Une conception tournée vers le chantier

Après avoir analysé comment ces architectes sont amenés à pratiquer l’accompagnement à l’auto-construction, je vais m’intéresser à la conception elle-même. La première question que je me suis posée a été, dans quelle mesure l’aspect auto-construit est-il pris en compte et surtout en quoi la conception en est-elle différente ? Quels sont les points sur lesquels une attention particulière est portée ? Dans un premier temps, il est important d’analyser dans quel cadre réglementaire s’effectuent ces projets car ce cadre conditionne l’intervention de l’architecte.

Des prestations assurantielle

cadrées

par

l’offre

Une insuffisance des missions dues à une absence de flexibilité des assurances La loi Spinetta du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction oblige les constructeurs à souscrire à une assurance responsabilité civile décennale 68, sous peine de sanction pénale. L’architecte est pris en compte dans la notion de constructeur, cela signifie donc qu’il doit être assuré en fonction des prestations qu’il propose 69. Il est également stipulé dans cette loi que les particuliers qui font construire doivent souscrire à une assurance dommages-ouvrages, cette assurance permet « [...]

68. L’assurance responsabilité professionnelle également appelée garantie décennale garantit la réparation des dommages qui se produisent après la réception des travaux (fin officielle du chantier), sans attendre une décision de justice. Source : https://www. service-public.fr 69. « Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de bâtiment, doit être couverte par une assurance. » Article L241-1 de la Loi Spinetta 70. Source : Site officiel de l’administration Française https://www.service-public.fr

en cas de sinistre de procéder aux remboursements ou à l’exécution de toutes les réparations faisant l’objet de la garantie décennale, sans attendre qu’intervienne une décision de justice. L’assureur se charge ensuite de faire un recours contre le ou les constructeurs responsables. » 70.

Cette question assurantielle est problématique pour tous les intervenants sur un chantier auto-construit. Bien que légalement obligatoire, la non-souscription à une assurance dommage ouvrage n’est pas passible de sanction pénale, les auto-constructeurs se passent donc souvent de ce coût supplémentaire. Accéder à cette assurance est en réalité assez difficile, les assureurs ne sont pas enchantés d’assurer ce type de chantier car en cas de malfaçon l’autoconstructeur est possiblement responsable et étant donné que celui-ci n’a pas

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71. Evaluation de la Maf pour 2017, aucune information n’infirme ce chiffre. Source : https://www. maf.fr/la-mutuelle-desarchitectes-par-les-architectes 72. « Assurer mon activité professionnelle en 10 questions » brochure publiée par la Maf, dbsm editorial, 2016 73. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017

d’assurance décennale, l’assureur ne peut se faire rembourser. Les prix de cette assurance sont donc souvent élevés, parfois les assureurs refusent même de la proposer malgré la loi qui les oblige à le faire. L’architecte et les entreprises sont donc généralement les seuls à être assurés sur un chantier auto-construit et il est également difficile pour les artisans de s’assurer car encore une fois les assureurs sont réticents à prendre ce risque. Légalement, la responsabilité de l’architecte et sa mission sont définies par le contrat signé avec l’auto-constructeur, c’est donc sur ces missions et ces responsabilités que l’architecte doit s’assurer. Plusieurs assureurs proposent d’assurer les architectes, la plus utilisée est la Maf, la Mutuelle des Architectes Français qui assure 85% des architectes en France 71 et c’est chez cet assureur que les trois architectes souscrivent leur assurance. Je n’ai pas trouvé d’informations très précises sur les offres que proposent la Maf, il semble que les cotisations des architectes sont calculées de la manière suivante : « Le calcul de la cotisation

commence par la définition de l’assiette de cotisation. Elle est calculée sur une base montant de travaux HT exécutés (M), pondéré par le taux de mission (T) ainsi que par votre part d’intérêt (P) au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre. Assiette de cotisation = Montant des travaux (M) x Taux de la mission (T) x Part d’intérêt (P). Le taux de cotisation s’applique ensuite sur votre assiette de cotisation ainsi déterminée. » 72 ,

donc le taux de mission est comptabilisé dans le calcul des cotisations.

Au cours des entretiens il est apparu qu’il y a une certaine absence de flexibilité des offres de la Maf qui ne correspond pas réellement à une pratique architecte d’accompagnement à l’auto-construction, il n’y a pas non plus d’offres adaptées chez les autres assureurs. Cette inflexibilité ne permet pas aux architectes de répondre entièrement aux besoins des auto-constructeurs, et ce en restant à des prix abordables. Les points de frustration majeurs qui sont ressortis sont l’absence totale de l’architecte sur certains chantiers du fait de la limite de budget des auto-constructeurs, cette frustration est à la fois exprimée par la maitrise d’ouvrage et par l’architecte : « Je ne suis pas allé sur le chantier. Ça a d’ailleurs

été une frustration pour lui mais je l’avais annoncé parce que sinon je devais faire payer les assurances, tout ça. C’est une frustration pour moi aussi. » 73 . La non

flexibilité des offres assurantielles ne permet pas aux architectes de proposer une version plus légère du suivi de chantier car à partir du moment où celui-ci intervient ou même passe sur le chantier, il doit se faire assurer pleinement et donc cotiser auprès de l’assureur ce qui fait monter le prix de ses honoraires. Loïc Parmentier exprime cette problématique : « En fait c’est un peu compliqué,

moi je suis obligé de me surassurer parce que la MAF n’a pas trop de version light. Je me surassure, donc ça coûte un peu cher pour ce que c’est, c’est-à-dire pour

39 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


. Par besoin d’économie, les auto-constructeurs doivent donc souvent se passer de l’appui et des conseils de l’architecte sur les questions de travaux une fois la partie auto-construite entamée ou alors le suivi de chantier se fait de manière informelle, l’architecte prend des nouvelles, reste ouvert à des questions et des sollicitations mais reste vigilant . faire une version light d’un suivi de chantier »

74

Pour Loïc Parmentier, ce problème va encore plus loin en limitant l’architecte dans son rapport à la maitrise d’ouvrage : « c’est un gros problème parce que pour

moi, l’enjeu de l’architecte c’est quand même d’être proche de son commanditaire, que ce soit un maître d’ouvrage très élaboré ou un particulier qui veut faire une cabane dans son jardin. Et en fait ça nous éloigne, ce problème là il est important parce qu’il ne nous permet pas d’être si proche du particulier parce qu’on est obligés de proposer des prestations un peu chères à cause de l’assurance, on n’a pas les moyens de faire simple en fait. » 75.

L’offre assurantielle est amenée à évoluer, l’association Oikos 76 travaille en ce moment sur une assurance spécialisée pour les accompagnateurs à l’autoconstruction mais celle-ci est pour le moment plus orientée vers les artisans et les entreprises qui ont cette pratique .

Un moyen pour l’architecte de cadrer son intervention Les prestations Les prestations que les architectes proposent sont donc très cadrés par leurs assurances, Caroline Chapellet en fait la liste sur son site internet : « la mission

d’études préliminaires (esquisse + faisabilité), la mission de base (de l’esquisse jusqu’au permis de construire), la mission de conception générale (de l’esquisse jusqu’à l’ouverture du chantier), la mission complète (de l’esquisse jusqu’à la réception des travaux) »77. Cette liste n’est pas exhaustive mais dans l’ensemble

ces missions sont proposées par tous les architectes entretenus. Caroline fournit également des missions complémentaires comme du conseil avant achat, des diagnostics préliminaires et des demi-journées de conseil à l’autoconstruction.

74. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 75. Idem. 76. « Oïkos est une association loi 1901 qui a vocation à promouvoir et à développer la construction et la rénovation écologiques, dans le respect de l’environnement, de la santé des individus et des impacts sociaux-économiques générés par ce type de constructions. » Elle intervient en RhôneAlpes sur trois volets : l’information, la formation et l’éducation grand public. Source : https:// oikos-ecoconstruction. com/association/missions/ 77. Source : https:// www.insituarchi.com 78. Ensemble des ouvrages assurant la stabilité et la résistance d’une construction. Source : BLIN-LACROIX Jean-Luc, ROY JeanPaul, Le dictionnaire professionnel du BTP, édition Eyrolles octobre 2013, 3ème édition ; disponible en ligne : https://www. editions-eyrolles.com/ Dico-BTP/

Les missions les plus récurrentes dans les projets étudiés sont les missions allant jusqu’au permis de construire et les missions en suivi de chantier clos couvert. Cette mission comprend toutes les étapes préalables à savoir l’étude préliminaire, l’esquisse et le permis de construire et s’étend en suivi de chantier sur tous les éléments de gros œuvre 78 , tous les éléments assurant l’étanchéité à

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79. Ensemble des éléments assurant l’étanchéité à l’eau et à l’air d’un bâtiment. Source : BLIN-LACROIX Jean-Luc, ROY JeanPaul, Le dictionnaire professionnel du BTP, édition Eyrolles octobre 2013, 3ème édition ; disponible en ligne : https://www. editions-eyrolles.com/ Dico-BTP/ 80. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 81. Se référer aux fiches projet en annexe : - Fiche projet Maison local agricole de Mornant page 149 - Fiche projet Maison d’Aveize page 165

l’eau et à l’air de la construction 79 qui sont réalisés par des entreprises. Les autoconstructeurs ont alors la garantie de l’assurance décennale des entreprises et de l’architecte qui s’applique à cette partie de la construction. Cette prestation est réalisée de manière récurrente auprès des auto-constructeurs car le clos couvert est la partie la plus « risquée » et la plus déterminante pour une construction, en cas de malfaçon les dégâts peuvent être irréparables et mettre en danger la vie des utilisateurs. Il n’y a pas que des désavantages à ce que l’architecte limite sa mission, ce besoin est encore plus essentiel dans un projet auto-construit car les temps sont beaucoup plus longs, le chantier peut être incertain et il est important qu’une fin soit marquée administrativement. Loïc Parmentier et Caroline Chapellet ont tous les deux exprimé la frustration apportée par l’absence de flexibilité des assurances tout en nuançant leur propos par la possibilité que cela leur apportait de cadrer leur mission et ainsi de s’organiser : « […] j’essaie de séparer

clairement au maximum en amont. D’abord pour des questions d’assurance et puis moi j’ai besoin aussi que les choses soient claires parce que sinon mon travail ne s’arrête jamais.» 80 . Jean Yves Masrouby semble lui satisfait de pouvoir se baser

sur les offres assurantielles pour cadrer son intervention.

Un phasage contractuel menant à une intervention tardive de l’autoconstructeur Toute cette contractualisation entre architecte et assurance et entre architecte et maîtrise d’ouvrage, oblige à penser le chantier dans un phasage qui ne met en danger aucun des partis d’un point de vue assurantiel. Pour cela, il faut que tout le chantier soit organisé de façon à ce que l’auto-constructeur intervienne au dernier moment, après que toutes les entreprises intervenant sur les différents lots aient fini leur travail et se soient retirés du chantier. Le clos couvert est alors terminé et l’auto-constructeur peut prendre le relai, sans que les décennales des entreprises et de l’architecte ne soient mises en cause. Dans les projets étudiés, presque tous ont adopté un mode de fonctionnement où le phasage fait intervenir l’auto-constructeur en dernier sauf sur deux projets où ils étaient mêlés aux les entreprises : la Maison local agricole de Mornant de l’agence In Situ et la Maison d’Aveize de l’Atelier de Montrottier81. On peut donc dire qu’il y a des alternatives à ce phasage. Pour le premier projet, la maitrise d’ouvrage voulait participer aux travaux uniquement pour faire baisser le coût des travaux, ils n’avaient aucune expérience en construction, l’agence a donc trouvé un moyen de répondre à leur demande sans les lancer sur des choses trop difficiles. La technique choisie

41 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


a donc mobilisé l’entreprise Bâti Nature qui propose des systèmes constructifs adaptés aux auto-constructeurs. Le système est simple : un charpentier vient poser l’ossature bois qui permet l’étanchéité à l’air et les auto-constructeurs n’ont plus qu’à poser la paille par l’intérieur et la ficeler sans se préoccuper de la qualité de la pose. Ils peuvent travailler une fois la toiture posée, à l’abri des intempéries. Plus tard, les auto-constructeurs ont pu à nouveau participer pour certains lots comme la plâtrerie, l’électricité et les sols car les artisans intervenant sur ces parties étaient d’accord pour les laisser faire et les encadrer. Pour le projet d’extension de la Maison d’Aveize de l’Atelier de Montrottier, la participation de l’auto-constructeur s’est également faite en même temps que l’intervention des entreprises. Le client étant un professeur d’électricité, il

FIGURE 5 Photo prise pendant les travaux de la Maison local agricole de Mornant. L’entreprise Bati Nature est en train de monter l’ossature bois, la paille est déjà sur le chantier et sera posée plus tard par l’auto-constructeur. Document retravaillé : modification de la saturation des couleurs Source : https://www.insituarchi.com/

Partie 1 - 42


82. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 83. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 84. Idem.

souhaitait donc s’occuper de toute la partie électricité de l’extension or cette intervention était en étroit lien avec la réalisation des travaux de doublage. Loïc Parmentier a choisi de faire confiance au client et l’a considéré comme faisant partie des entreprises, le suivi est donc resté classique bien qu’il ait fallu concerter du passage des fluides avec lui en amont de la réalisation. Il y a donc eu sur ces projets un travail en étroite collaboration entre artisans et auto-constructeurs ce qui montre que l’intervention tardive de l’autoconstructeur n’est pas la seule solution préconisée par les architectes même si elle est parfois risquée. « Parce que c’est facile quand on fait du clos couvert, on

réceptionne et puis ensuite le maître d’ouvrage il auto-construit le reste, et moi j’y vais plus. Là c’était mêlé, je suivais en même temps les choses qu’il faisait lui [...] » 82.

La rémunération La question de la rémunération montre des avis plutôt partagés : D’après Caroline Chapellet, c’est aussi cette limitation dans les prestations et cette contractualisation qui permet aux architectes d’être rentables sur ces projets. Lorsque la mission ne va même pas jusqu’au chantier et s’arrête au permis de construire, alors la rémunération devient intéressante : « C’est une mission qui

est limitée au permis de construire, c’est la phase qu’on maitrise le mieux nous en tant qu’architectes et on sait assez bien caler notre temps sur ce genre de phases alors que les phases consultations chantier, c’est là où... tu sais quand tu commences, tu ne sais jamais quand tu finis et par contre tes honoraires eux, ils ont une fin si ils sont au forfait » 83. Jean Yves Masrouby fonctionne de la même manière pour

tous ses projets en réalisant des missions permis de construire ou clos couvert, il ne voit donc pas de différence majeure même s’il distingue les projets qu’il qualifie d’alimentaire et ceux qui lui plaisent. Loïc Parmentier affirme que ces projets ne sont pas rentables et qu’il est obligé de diversifier sa pratique pour faire fonctionner son agence, il est d’ailleurs le seul qui a des expériences régulières dans des projets de marchés publics. Ce qui est certain c’est que la demande sur ces projets n’est pas assez régulière pour garantir aux architectes une rémunération intéressante : « J’ai l’impression

qu’on est vraiment sur un marché de niches, ils ne seront jamais assez nombreux pour alimenter l’architecte parce que […] on est une économie facile quand tu es en dessous des 150m² »84 . Jean Yves Masrouby évalue le nombre de projets

suivis en accompagnement à l’auto-construction à 10% de sa pratique tandis que Caroline Chapellet affirme que certaines années les auto-constructeurs représentent 60% de ses projets.

43 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


Un cadre néanmoins expérimental Malgré ce contexte réglementaire cadré, le marché de la maison individuelle auto-construite reste une occasion pour les architectes d’expérimenter des techniques qu’ils ne peuvent expérimenter avec des maitrises d’ouvrage publiques. Certains outils ont été mis en place pour faciliter l’expérimentation dans les marchés publics (pour les équipements publics et les logements sociaux) comme l’ATex (Appréciation technique d’expérimentation) mis en place par le CSTB 85 qui permet d’obtenir une évaluation technique de procédés innovants par des experts 86 ou encore plus récemment le « Permis de faire » qui a été introduit par la loi LCAP du 7 juillet 2016 et permettrait de déroger à certaines règles de constructions « dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles pour la réalisation d’équipements publics et de logements sociaux. » 87

Néanmoins, comparé à un cadre réglementaire qui reste rigide pour les marchés publics, les chantiers auto-construits permettent aux architectes un retour vers des techniques constructives non réglementées, peu utilisées mais pourtant cohérentes et adaptées à certains contextes. Caroline Chapellet exprime cet intérêt : « Des fois c’est frustrant parce qu’il y a des choses qu’on

peut faire avec les auto-constructeurs, qu’on n’a pas le droit de faire dans un projet classique parce qu’on est sur des techniques qui ne sont pas réglementées, et qu’une entreprise courante ne sera pas assurée, […] Et tu te retrouves avec des usines à gaz alors que […] tu sais qu’il y a des choses qui marchent, c’est juste qu’elles ne sont pas réglementées. » 88.

La construction en paille a commencé à être réutilisée par les auto-constructeurs qui par leurs expérimentations ont fourni des retours d’expérience qui ont été précieux pour redonner à la paille sa place dans la construction. En 2011, les Règles professionnelles de construction en paille rédigées par le RFCP (Réseau Français de la Construction Paille) ont été approuvées par la C2P89 , « les ouvrages isolés en paille, conçus et construits conformément à ces règles appartiennent aux “techniques courantes” de construction » 90 et sont désormais assurables. Caroline Chapellet explique : « Il y a plein de techniques ancestrales

85. CSTB : Centre Scientifique et Technique du Bâtiment 86. Source : http:// evaluation.cstb.fr/ doc/atex/reglementatex-0116.pdf 87. Source : http://www. architectes.org/actualites/permis-de-faire-lavoie-est-ouverte 88. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 89. C2P (Commission Prévention Produit) appartient à l’AQC (Agence Qualité Construction) Source : https://rfcp. fr/les-regles-professionnelles/ 90. Source : https://rfcp. fr/les-regles-professionnelles/ 91. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 92. FATHY Hassan, Construire avec le peuple, Editons Jérome Martineau, Paris, 1970

qui n’ont pas de réglementation et qui sont mises en œuvre très régulièrement par les auto-constructeurs et par des artisans qui ne sont pas trop regardants sur la réglementation et puis comme ils savent faire ils n’ont pas besoin d’assurance. » 91.

Dans son livre Construire avec le peuple 92 , Hassan Fathy relate comment, face à l’utilisation croissante de techniques constructives et de matériaux de l’occident on assistait au lendemain de la seconde guerre

Partie 1 - 44


mondiale en Egypte à une perte des savoirs faire, à une augmentation du prix des logements et à une inadéquation des maisons au mode de vie des habitants. C’est par l’auto-construction et la participation de l’habitant à la construction que celui-ci a réussi à remettre au gout du jour l’utilisation de la « brique de boue », un des matériaux les plus accessibles, en l’utilisant pour les murs mais également en toiture sous forme de voute. Pour ce faire il a mobilisé les savoirs faire locaux et impliqué les habitants. Cette expérience d’une autre époque, loin des cadres réglementaires européens actuels illustre cette réappropriation de techniques constructives et de savoirs faire par l’auto-construction.

45 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


Le processus de conception

93. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017

Analyser la production, la pratique d’un architecte passe par l’analyse de son acte de conception. Mais est-ce différent de concevoir une maison qui va être construite par ses usagers et si oui en quoi ? Mon postulat de départ était que cette conception était surement différente car basée sur des données de conception particulières. Je me suis rendu compte au cours des entretiens et des analyses que l’on ne peut pas vraiment parler de différence, plutôt de singularité et ce qui rend cette conception si singulière c’est l’omniprésence de la question du chantier mais aussi l’attention portée à l’économie de projet, plus particulièrement au montage financier. Une attention toute particulière est accordée à des thématiques abordées dans un projet conventionnel : « Qu’ils

soient auto-constructeurs, ça ne va pas changer ma manière de faire, par contre je vais faire attention à un certain nombre de choses. »93.

Une étude préalable semblable mais qui dénote déjà d’une démarche Les architectes avec lesquels je me suis entretenue affirment pour la plupart que leur façon de concevoir un projet auto-construit n’est pas différente de leur façon de concevoir un projet pour lequel la maitrise d’ouvrage ne participe pas aux travaux. Il m’a semblé en effet que certains points sont réalisés de manière presque identique, c’est le cas pour l’étude préalable, il apparaît néanmoins que la démarche adoptée par les architectes dénote une certaine similarité de fonctionnement. L’étude préalable est la première phase du projet, elle commence à partir du moment où l’architecte et le futur client entrent en contact l’un avec l’autre et est suivie de l’esquisse. Durant cette phase, l’architecte va pouvoir analyser toutes les données influant sur le projet. Premièrement, il va analyser le lieu d’implantation du projet afin de créer une architecture in situ, basée sur toutes les caractéristiques du site. Les thématiques d’analyse vont être de l’ordre du contexte paysager, des vues du terrain vers l’extérieur et de l’extérieur vers le terrain, de l’orientation de la parcelle et de son ensoleillement, de la morphologie du terrain (sa déclivité, le type de sol), du contexte construit et des vis-à-vis. Il existe des architectes qui ne sont pas particulièrement attachés à cette démarche, qui réalisent des

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94. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 95. BERNETTE Eva, Directeur de mémoire : Marie-Hélène Gay-Charpin, L’apport et la place de l’architecte dans l’auto-construction, Ensacf ,2013

projets à partir de photos et de plans, sans jamais aller visiter le terrain or les trois architectes entretenus accordent une importance toute particulière à cette phase d’appréhension du réel. « L’arpentage avec les futurs habitants il est es-

sentiel, donc je passe beaucoup de temps sur place avec les […] maîtres d’ouvrage pour échanger. En fait pour moi une esquisse c’est super long parce que j’échange énormément, je fais déjà plusieurs aller retours pour comprendre les besoins, comprendre les capacités, les compétences quand c’est des auto-constructeurs, pour comprendre l’existant, pour comprendre les désirs »94

Cette implication fait la différence auprès des auto-constructeurs car ils révèlent l’implication de l’architecte et sont des gages de satisfaction. Eva Bernette a recueilli les témoignages d’un des clients de Jean Yves Masourby dans le cadre de son mémoire « L’apport et la place de l’architecte dans l’auto-construction » 95 . Celui-ci affirme avoir vu un architecte avant Jean Yves Masrouby qui n’a pas pris le temps de venir voir le terrain, ni de discuter plus amplement, qui leur a donc conçu un projet très différent de ce qu’ils attendaient. Les auto-constructeurs ont donc choisi de faire appel à un architecte qui ait une approche différente du projet. Une autre donnée impactant sur le projet est liée au PLU (Plan local d’urbanisme), ce document d’urbanisme détermine les conditions d’aménagement et d’utilisation des sols. Il peut être appliqué à une commune ou à structure intercommunale et réglemente toutes les constructions des territoires compris dans cette commune. Comme expliqué plus haut, la plupart du temps, les terrains à construire sont souvent implantés en milieu rural ou en périphérie de bourg, du fait d’une volonté ou tout simplement de prix bas, l’environnement bâti est donc souvent peu de dense, plutôt résidentiel et agricole. Le PLU conditionne l’emplacement des constructions sur la parcelle ainsi que leur forme globale, il se doit donc d’être analysé par l’architecte comme une des données inhérentes au projet. Bien qu’importante, cette donnée n’impacte que peu les travaux réalisés en auto-construction. De cette analyse ressort entre autres un programme, un organigramme d’organisations des espaces entre eux, des surfaces et bien d’autres choses. L’architecte va également tenter de comprendre les désirs du client, sa manière d’habiter, ses habitudes afin de dégager un programme, des surfaces, une organisation en adéquation avec sa façon de vivre et ses envies. D’après Yona Friedmann à cette étape du projet la communication est un réel problème entre usager et architecte, et cette difficulté est due autant à l’un qu’à l’autre : « L’habitant est rarement capable d’exprimer ses désirs, il les connait bien mais il n’est pas capable de les expliquer et encore moins de pouvoir communiquer

47 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


à l’architecte l’importance qu’il attache et la priorité qu’il attribue aux différentes choses qu’il souhaite […] Nous sommes en face d’un cas de non-communication aiguë : un des interlocuteurs, le futur habitant, sait ce qu’il veut dire mais ne sait pas comment le dire, et l’autre, l’architecte, ignore ce que veut dire son partenaire mais essaie de lui suggérer. » 96.

Cette étape exige de l’architecte une capacité de compréhension, celui-ci ne doit pas se laisser influencer par une image préconçue de la façon de vivre de l’habitant moyen 97. Encore une fois, il semble y avoir une attention particulière chez les architectes entretenus pour cette adaptation de la conception aux modes de vie. Un autre point d’analyse va s’intéresser aux envies esthétiques des clients, ceux-ci arrivent parfois avec des idées, des images mentales de l’architecture dont ils ont envie. Ces images puisées dans leur culture visuelle sont souvent décousues, elles véhiculent des idées mais ne fabriquent pas projet98. Or pour beaucoup l’image de la maison type pavillonnaire est une référence omniprésente de leur culture, qu’il faut déconstruire afin de créer un habitat adapté, unique. Il y a donc toute une facette de l’architecte qui entre en jeu à partir de cette première phase : L’architecte pédagogue, qui permet au néophyte de transmettre ses idées, qui lui apprend à aiguiser son regard sur des références pour que l’architecture à produire soit en adéquation avec des envies plutôt que des reproductions d’images. « Il y a une sorte de travail d’accumulation d’idées,

96. FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, L’éclat, Paris, 2003 (première édition 1978), p20,21 97. « On lui a appris à l’école comment vivait l’habitant (non pas l’habitant spécifique, particulier, qui utilisera le bâtiment à construire, mais l’habitant moyen) » FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, L’éclat, Paris, 2003 (première édition 1978), p21 98. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 99. Idem.

d’effets, de principes, et nous notre travail c’est la synthèse, l’architecte, donc on prend ces éléments et on les transforme, on se l’approprie pour les réinterpréter, pour en fabriquer un projet, une synthèse. C’est un dialogue, ça s’explique, c’est de la pédagogie, c’est de l’échange. » 99

Les temps et l’économie, données majeures de la conception Ce qui est accru sur un projet en auto-construction totale ou partielle est le rapport au temps et l’importance de la question de l’économie du projet. Ces questions sont importantes dans un projet qui n’est pas de l’auto-construction mais ne sont pas aussi structurantes. Tout d’abord l’auto-construction vient souvent avec la volonté d’avoir son propre habitat à un coût accessible et l’économie devient alors le cœur du projet. Le temps est lui aussi une donnée structurante dans la conception, car les temps de chantiers habituels sont beaucoup plus longs lorsqu’on parle d’auto-construction. Ce rallongement est à la fois un potentiel et une contrainte. En effet, ce dont je me suis aperçue en

Partie 1 - 48


100. Se référer à la fiche projet en annexe page 153

analysant les huit projets choisis est qu’il existe un paradoxe important sur la question du temps en auto-construction.

101. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017

Réduire les temps pour faciliter la construction Dans un premier temps il y a cette volonté de réduire le temps de chantier. Sur un chantier en auto-construction, les temps sont décuplés. Les auto-constructeurs travaillent souvent sur leur temps libre, le week-end et les vacances, ils ne sont pas expérimentés dans tous les corps de métier et prennent donc plus de temps à faire les choses. Le projet de la Maison d’Azergue de l’agence In Situ de Caroline Chapellet100 illustre bien ce fait : Le permis de construire a été déposé en 2014 et pendant les trois ans qui ont suivi, l’auto-constructeur n’a construit que le garage et les fondations de la partie habitation. Ces temps très longs peuvent devenir un poids insurmontable pour les auto-constructeurs et le premier rôle de l’architecte vise à conseiller ceux-ci sur les surfaces du projet mais surtout à leur faire prendre conscience de la charge de travail qui les attends et de l’impact sur leur vie sociale. C’est Caroline Chapellet qui au cours de notre entretien a exprimé le mieux cet aspect de la conception par l’évocation de la nécessité d’optimiser les surfaces et de compacter le projet : « En auto-construc-

102. Agence In Situ – Se référer à la fiche projet en annexe page 153

tion on sait que ce sont des chantiers qui durent très longtemps et chaque mètre carré même s’ils ne les payent pas très cher parce que c’est eux qui les font, ils les payent cher en temps donc l’idée c’est de leur dire on fait le plus petit possible pour que ça aille le plus vite possible » 101.

Il y a donc cette intention de réduire la surface totale du projet qui n’est pas toujours partagée par l’auto-constructeur, qui lui a parfois tendance à voir trop grand, sans se rendre compte de l’ampleur de la tâche. Il y a aussi une intention d’optimiser les surfaces de certains espaces et de créer une forme compacte. On remarque que dans la plupart des projets étudiés les circulations sont réduites au maximum et dès que possible, elles sont converties en un espace de vie à part entière. Les formes de ces mêmes projets sont souvent simplifiées au maximum, dans une logique de facilitation de la construction. Prenons pour exemple les deux projets auto-construits entièrement par la maitrise d’ouvrage qui devraient manifester le mieux cette volonté : Dans la Maison d’Azergue 102 l’espace de circulation semble réduit à son minimum, au rez-de-chaussée un espace un peu large marque l’entrée et le reste de la circulation se fait directement en passant dans l’espace de séjour. A l’étage, la circulation pour accéder aux chambres permet d’aménager un bureau dans la mezzanine. La surface qui sert purement de circulation représente environ 7% de la surface totale du logement. La maison a une forme très simple de

49 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


Maison de Montrottier - Atelier de Montrottier

Maison d’Azergue - Agence In Situ

FIGURE 6 Analyse des espaces de circulation «pures» (en orange clair) et «investis» (en orange foncé) Document personnel Source : In Situ architectes et Atelier de Montrottier

Partie 1 - 50


103. Atelier de Montrottier – Se référer à la fiche projet en annexe page 169 104. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 105. « Surface habitable y compris couloir, cuisine, salle de bain, WC. Sont exclus les balcons, terrasses, vérandas, caves, parkings et greniers. » Source : Les conditions de logement en France, édition 2017, Surfaces, nombre de pièces, espaces attenants - Insee Références (des données glanées entre 1984 à 2013)

quadrilatère auquel viennent se greffer le garage et la terrasse. Dans la Maison de Montrottier 103 , l’espace de circulation le plus grand est plutôt vu comme une prolongation de l’espace de séjour et une transition avec la terrasse orientée sud-ouest, c’est un espace qualitatif qui peut être appropriable. L’espace « rotule » qui permet d’accéder aux chambres et aux sanitaires est aménagé en bureau. Donc les espaces de circulation « pures » ne représentent qu’environ 8% de la surface totale du projet. La morphologie de la construction est un peu plus complexe que pour le projet précédent, la forme en L délimite deux volumes distincts et un troisième volume est formé par une double hauteur. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que cette démarche a aussi tendance à être appliquée dans des projets qui ne sont pas de l’auto-construction, on cherche à optimiser en réduisant les circulations, on simplifie les formes, souvent dans un intérêt économique. Or ces notions prennent une importance particulière lorsqu’il s’agit d’auto-construction car ce qui a « uniquement » un impact sur les coûts dans un projet non auto-construit, peut avoir un impact sur la santé de l’auto-constructeur, sur son équilibre social et familial. Laisser le temps pour permettre de faire plus et mieux Là où il y a paradoxe c’est qu’en même temps, cette temporalité singulière permet à l’auto-constructeur de « prendre le temps » de faire les choses. La démarche même de l’auto-construction permet de faire des économies sur un projet, et permet avant tout à l’auto-constructeur de s’autoriser des choses en termes de surface, de programmes et de qualité qu’il ne pourrait pas en faisant tout réaliser par une entreprise. Caroline Chapellet explique en parlant du besoin d’optimiser : « On a des auto-constructeurs avec qui cette démarche ne passe pas, ils veulent de l’auto-construction donc ils veulent 200m², j’essaie de leur faire faire 180 mais… Le discours qu’ils nous avaient sorti c’est “si je le fais-moi c’est justement pour avoir la maison Hollywoodienne que je ne pourrais jamais me payer” oui, puis bon divorce à la clef et compagnie. Hélas. »104.

Les auto-constructeurs sont donc parfois attachés à avoir une surface de vie importante car c’est aussi ce qui les pousse à auto-construire, c’est en analysant les programmes que l’on se rend compte de cette ambition. Tout d’abord, pour donner de la consistance à ces données, je me suis intéressée aux rapports sur les conditions de logement en France publiés par l’Insee. Ces statistiques basées sur des données obtenues pour l’année 2013 indiquent que la

51 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


PROJET

TYPE D’AUTO-CONS

Moyenne (Insee - 2013)

SURFACE «HABITABLE»

NBR DE PIECES

112,2 m²

4,9

SURFACE non comprise dans habitable

Caroline CHAPELLET et Aurélien GELY In Situ Maison local agricole à Mornant (69)

Construction Clos couvert

100 m²

5

150 m²

Maison de la Vallée d’Azergue (69)

Auto-construction totale

120 m²

7

100 m²

Maison à Vetraz Monthoux (74)

Rénovation Clos couvert

180 m²

8

70 m²

140 m²

6

70 m²

Loic Parmentier Atelier de Montrottier Maison à Affoux (69)

Rénovation Pas d’informations

Maison à Aveize (69)

Extention Non révélateur

Maison à Montrottier (69)

Auto-construction totale

Jean Yves Masrouby Couleur Nature Maison à Laschamp (63)

Rénovation Clos couvert

180 m²

8

62 m²

Maison à Ceyrat (63)

Construction Clos couvert

140 m²

6

90 m²

FIGURE 7 Tableau comparatif des surfaces «habitables» et du nombre de pièces des projets étudiés par rapport Approximatif aux moyennes dans l’habitat individuel établies par l’InseeExpliquer pour l’année 2013 surface non comprise dans habitable Document personnel (on ne compte pas les escaliers) Source : Documents des agences In Situ, Atelier de Montrottierexpliquer et Couleur Lesnon conditions de pkNature, extention révélateur logement en France, édition 2017, Surfaces, nombre de pièces, espaces attenants - Insee Références (des données glanées entre 1984 à 2013)

surface 105 moyenne des logements type habitat individuel s’élève à 112,2 m², allant jusqu’à 116,4 m² dans les communes rurales . Ces mêmes logements comptent en moyenne 4,9 pièces d’habitation 106 . On remarque dans le tableau analytique que la plupart des projets étudiés ont une surface habitable supérieure à la moyenne et que le nombre de pièces est aussi souvent plus élevé que la moyenne de 4,9. Si l’on calcule la moyenne des surfaces des projet étudiés, en mettant de côté le projet d’extension, la surface moyenne s’élève à 140m². Les données de l’Insee ne comptabi-

Partie 1 - 52


106. Idem. « dans l’enquête Logement, on compte les pièces à usage d’habitation (y compris la cuisine si sa surface excède 12 m2) ainsi que les pièces annexes non cédées à des tiers (chambres de service, etc.). Ne sont pas comptées les pièces à usage exclusivement professionnel ainsi que les entrées, couloirs, salles de bain, WC. » 107. Agence In Situ - Se référer à la fiches projet en annexe page 153

lisent pas dans « surface habitable » certains programmes comme les balcons, terrasses, vérandas, caves, parkings et greniers or il est pourtant important de les comptabiliser car ils dénotent parfois d’une générosité d’espaces et surtout, ce sont des mètres carrés qui prennent du temps à être construits. Cette surface est symbolisée par la colonne « surface non comprise dans habitable ». Comme expliqué plus haut, il est intéressant d’analyser les types de programmes et leurs surfaces. Par exemple, on remarque que presque tous les projets comprennent des terrasses et des balcons. Dans certains projets, il y en a plusieurs petites, dans d’autres elles sont très grandes allant jusqu’à 50m² dans le projet de la Maison d’Azergues 107. On retrouve des programmes un peu à part dans certains projets qui dénotent d’une générosité d’espace. Pour exemple, dans le projet de la Maison de Montrottier 108 , une salle de jeu avec table de billard est prévue, dans la villa de Vetraz Monthoux109 la suite parentale fait 31m² et est connectée à une salle de sport et un bureau, enfin la Maison de Laschamps 110 , bien qu’assez simple comprend cinq chambres. En plus de permettre cette générosité dans les surfaces et les programmes, l’auto-construction permet également aux auto-constructeurs de s’assurer d’une qualité pour les travaux qui demandent du temps pour être

wc

2,58 m2

Entrée

7,71 m2

Vestiaire

ZONE NON MODIFIEE

3,38 m2

Garage

Bureau

Dressing

36,8 m2

SL

13,14 m2

30

M àL

Suite parentale

400

31,55 m2

Salle de sport 8,15 m2

Sauna

2,24 m2 sauna

SdB

7,55 m2

Patio

10,05 m2

FIGURE 8 Plan du rez-de-chaussée, maison de Vetraz Monthoux , Agence In Situ. La suite parentale de 31 m² est attenante à une salle de sport, possède une salle de bain avec un sauna et deux douches. Source : Avant projet sommaire - document réalisé par In Situ architectes

53 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


bien réalisés. Par exemple en réalisant eux-mêmes certaines finitions en prenant leur temps, ils peuvent se permettre plus de choses. Il y a donc un équilibre à trouver entre compacité, optimisation et générosité, l’architecte se doit de prodiguer les conseils qui vont permettre d’atteindre cet équilibre. Phaser en vivant sur son chantier Prendre le temps pose certaines contraintes à l’auto-constructeur : certains ralentissent leur activité, travaillent moins pour avoir du temps à passer sur le chantier, il y a alors une nécessité qui se présente : se loger à moindres coûts pendant la durée des travaux. Certains choisissent de phaser le chantier de façon à pouvoir y emménager assez tôt, alors que les travaux sont en cours afin de ne pas à avoir à payer un loyer. Cela nécessite une réflexion en amont : « Parce qu’il y a vraiment une démarche particulière quand tu travailles avec les autoconstructeurs, moi spontanément je suis allée vers ça, en disant […] « si tu as besoin d’habiter sur ton chantier, ta maison on la réfléchit en deux temps donc tu construis une première partie d’abord, on fait en sorte que la salle de bain temporaire soit si possible la salle de bain définitive dans le projet complet » 111.

tier

108. Atelier de Montrottier - Se référer à la fiches projet en annexe page 169 109. Agence In Situ - Se référer à la fiches projet en annexe page 157 110. Agence Couleur Nature - Se référer à la fiches projet en annexe page 173 111. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 112. Se référer à la fiches projet en annexe page 161

C’est le cas du projet de la Maison d’Affoux de l’Atelier de Montrot, ce projet de rénovation d’une ferme en auto-construction partielle

112

FIGURE 9 Photo de l’intérieur de la Maison de Vetraz Monthoux, les clients se sont intallés alors que certaines finitions ne sont pas terminées, ici on peut voir l’ancien revêtement de sol. Document retravaillé Source : Document de l’agence In Situ

Partie 1 - 54


113. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Novembre 2017 114. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017

était une mission en clos couvert, l’auto-constructeur se chargeait donc de tout le second œuvre. La maison sur deux niveaux ne pouvait pas être réalisée entièrement faute de budget, les auto-constructeurs ont donc fait le choix de phaser de façon à pouvoir vivre sur le chantier, tout en louant leur logement actuel pour financer les travaux. Comme le dit Loïc Parmentier, « c’est tout un montage financier » 113 qu’il faut réaliser pour permettre au projet de naître. La maison est composée de différentes zones qui sont dédiées à chaque période de l’année. Il y a donc des terrasses orientées au Nord, au Sud et à l’Ouest, et avec la terrasse au Nord, une cuisine d’été est prévue. Une fois le clos couvert terminé, le couple a donc commencé par réaliser le second œuvre d’une petite partie du logement comprenant cette cuisine d’été, une chambre et un bloc sanitaire. Une fois cette partie réalisée dans son entièreté, ils ont pu emménager et commencer lentement à réaliser le reste de la maison. Si la conception et l’organisation du plan ne l’avaient pas permis, ils n’auraient peut-être pas pu phaser de cette manière le chantier, cette donnée est donc à prendre en compte

Concevoir avec le facteur humain Le temps et l’économie sont donc des données de conceptions importantes dans un projet auto-construit. L’autre élément déterminant est le facteur humain. En effet, il faut réfléchir le projet « avec l’idée que c’est la personne qui

fait. »

.

114

Le terme « facteur humain » comprend toutes les personnes qui vont intervenir sur le chantier, le ou les auto-constructeurs mais aussi leurs amis, leur famille, leurs connaissances, ainsi que les artisans. Ces personnes arrivent avec un bagage plus ou moins conséquent à mettre au service du projet. En étudiant la nature des compétences des acteurs du chantier, je pourrai dans un même temps aborder les compétences dont l’architecte a besoin pour suivre ce genre de projet. Il faut néanmoins différencier auto-construction totale et auto-construction partielle, la nature des travaux est alors différente. Lorsque l’on parle d’auto-construction partielle, les tâches à réaliser sont souvent plus longues que compliquées, les compétences ont un rôle à jouer mais pas autant que dans un projet d’auto-construction totale où il va falloir s’attaquer à la structure et à l’étanchéité, qui si elles sont mal réalisées peuvent abimer toute la construction Comprendre jauger et conseiller

55 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


Le premier rôle de l’architecte est de comprendre les attentes de ses commanditaires et pour cela il se doit d’être à l’écoute mais aussi pédagogue. Il est amené à discuter avec la maitrise d’ouvrage et ces discussions doivent résulter en un enrichissement du programme et du projet. Loïc Parmentier explique : « A partir du moment où on commence à

115. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 116. Idem.

avoir une discussion pendant quelques heures avec un maître d’ouvrage autour d’un programme et que nous en tant qu’architectes pédagogues on arrive à discuter et à donner de la profondeur à tout ça, ça devient quelque chose de plus sensible, plus subtil » 115. Il parle de ce rapport humain comme essentiel à sa pratique

d’architecte de manière générale, et encore plus lorsqu’il travaille avec des auto-constructeurs : « Il faut être capable de transmettre, d’écouter, de comprendre la

manière dont les gens interprètent ce qu’on montre, peut être le raconter autrement […] tout ce travail humain d’écoute, de pédagogie, il est pour moi essentiel chez l’architecte. Donc en fait il y a pédagogie, pour moi systématiquement, avec les autoconstructeurs peut-être que ça va un peu plus loin » 116.

Ce rôle de conseil essentiel repose sur la capacité à discuter de l’architecte, son côté pédagogue mais aussi sur son expérience personnelle. Loïc Parmentier et Jean Yves Masrouby ayant tous deux auto-construits leur propre maison, ils ont conscience de la charge de travail que cela engage. Caroline Chapellet a l’habitude de suivre des auto-constructeurs et possède elle aussi une bonne expérience. Ils ont aussi tous pu développer « un carnet d’adresses » composé d’entreprises qualifiées et d’auto-constructeurs à même de transmettre un savoir-faire ou prêt à discuter et conseiller. Ils peuvent également diriger les auto-constructeurs vers des organismes proposant des formations accélérées pour une technique constructive particulière. Au travers de ces discussions, l’architecte tente également de se projeter dans la mise en œuvre, pour cela il tente de comprendre, de jauger les compétences et les ressources des auto-constructeurs et des autres intervenants sur le chantier pour pouvoir effectuer les choix constructifs les plus adaptés. Parmi les huit projets étudiés on peut distinguer différents profils d’autoconstructeurs avec des raisons d’auto-construire qui ne sont pas forcément les mêmes. Pour la plupart, cette raison est liée à un besoin d’économie ou alors à une envie de qualité dans les matériaux utilisés et dans les espaces générés donc autrement dit, certains auto-construisent pour avoir une maison à moindre coût et d’autres pour se permettre d’avoir une surface plus grande ou alors une maison « écologique ». Pour chaque projet les compétences des auto-constructeurs varient : certains n’ont aucune expérience, d’autres sont des bricoleurs plus ou moins chevronnés et enfin certains sont des artisans

Partie 1 - 56


117. Se référer à la fiches projet en annexe page 169 118. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 119. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017

spécialisés dans un corps de métier de la construction. Dans le projet d’auto-construction totale de la Maison de Montrottier 117 , l’auto-constructeur est menuisier charpentier et maitrise d’autres corps de métier du bâtiment. Il a l’habitude de réhabiliter des magasins dans leur totalité, en allant parfois de la structure aux finitions. Cette quantité de compétence est inhabituelle, ce projet est d’ailleurs l’unique projet d’auto-construction totale que Loïc Parmentier a suivi. Il exprime très bien cette nécessité de jauger l’auto-constructeur : « Ce qui est important il me semble c’est de cerner quel

type d’auto-constructeur on a justement, est-ce que c’est un auto-constructeur un peu élaboré qui a vraiment des compétences, […] et qui va être capable d’apporter des choses au projet et l’échange va se faire dans ce sens. Ou est-ce que c’est un autoconstructeur par défaut, parce qu’il n’a pas l’argent, parce qu’il s’est dit qu’il fallait qu’il fasse tout lui-même mais qui en fait n’en a pas les moyens, qu’il va falloir diriger dans l’autre sens en expliquant qu’il y a quand même un certain nombre de choses à faire faire, sinon ça ne marchera pas. » 118.

Une ressource à mesurer est la forme physique de l’auto-constructeur qui va conditionner tout son rapport à la matière et les domaines sur lesquels il va pouvoir intervenir. Un chantier auto-construit s’organise en général en mobilisant le moins possible de machines dont la location coute cher et qu’il est difficile de bien utiliser laissant ainsi aux auto-constructeurs le gros des matériaux à porter : « Ce qui va l’inquiéter c’est quelle quantité de chaux il va devoir porter, c’est ça qui l’inquiète » 119. Cette donnée va impacter sur les matériaux utilisés, leurs sections leur taille et leur poids. La question de la « main-d’œuvre » est également une ressource qu’il faut soupeser au début du projet : L’auto-constructeur a en général une bonne idée des personnes qu’il va solliciter sur le chantier mais il est souvent trop optimiste sur cette participation or celle-ci conditionne également l’ambition qu’on accorde au projet. Si l’aide apportée est régulière, que les intervenants sont des artisans qui savent gérer un chantier, qui ont des ressources en terme d’outils, de moyens de transport des matériaux alors l’ambition du projet peut être revue à la hausse. Pour mener un chantier auto-construit sans une expérience en construction solide, il faut avoir accès aux informations. Sur ce point, les auto-constructeurs n’ont pas trop de mal à trouver leur bonheur : depuis quelques années une bibliographie dédiée aux auto-constructeurs s’est développée, des sortes de manuels pratiques de l’auto-construction qui traitent des questions d’assurance, d’organisation du chantier, des outils nécessaires, des techniques de construction à privilégier. La bibliographie spécialisée sur l’habitat écologique

57 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


est aussi largement fournie avec notamment le magazine « La Maison Ecologique » 120 qui fait régulièrement des articles dédiés aux auto-constructeurs. Enfin les sites internet qui mettent en relation les auto-constructeurs entre eux ou avec des artisans, les blogs qui relatent des retours d’expérience sont autant de moyens de se documenter et de trouver réponse à ses questions. Les réseaux d’auto-constructeurs comme Oikos, les Compagnons Bâtisseurs, les Castors sont aussi des bons moyens de se faire aider : ceux-ci proposent des formations, prêtent des outils et ont des réseaux de bénévoles et de professionnels du bâtiment qui aident les auto-constructeurs dans leurs projets121. Aux compétences et aux ressources s’ajoutent les envies. Comme l’exprime Caroline Chapellet dans notre entretien, pour que la construction ne soit pas totalement considérée comme une corvée, l’architecte doit prendre en compte les envies des auto-constructeurs : « c’est toi qui vas construire, qu’est-ce que tu aimes construire ? tu aimes la maçonnerie ? tu aimes le bois ? tu aimes quoi ? »

120. Ce magazine est indépendant et orienté vers l’écoconstruction 121. Source : https:// oikos-ecoconstruction. com et http://www.castorsrhonealpes.fr, http:// www.compagnonsbatisseurs.eu/ 122. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017

.

122

Adapter Une fois ce travail de récolte d’informations effectué, l’architecte doit adapter la réponse architecturale à ces éléments : Il faut trouver la technique constructive adéquate, les matériaux adaptés. L’une des options est de choisir la préfabrication pour faciliter le chantier. La structure en ossature bois et les éléments de charpente peuvent être fabriqués en atelier préalablement ce qui diminue le temps passé sur le chantier. L’ossature bois est une technique très utilisée pour les maisons individuelles, par les auto-constructeurs mais pas uniquement. Parmi les huit projets étudiés, quatre d’entre eux étaient des constructions neuves, tous ont été réalisés en ossature bois. Dans le projet de la Maison de Montrottier, ce choix a été dicté par les compétences de l’auto-constructeur : comme nous l’avons déjà vu, celui-ci est menuisier charpentier et peut accéder facilement au matériel pour préfabriquer son ossature bois. Une autre option est de faire appel à des entreprises comme Bati Nature ou Bati Pack qui proposent des solutions alternatives. Dans le projet de la Maison local agricole de Mornant , l’entreprise Bati Nature s’est chargée de préfabriquer l’ossature et la charpente et de la poser pour que les autoconstructeurs puissent ensuite poser leur isolation paille sur cette ossature. Le procédé que propose Bati Pack est différent : ceux-ci proposent des murs porteurs en bois préfabriqués, remplis d’isolant laine de roche compressée, facilement transportables et assemblables. Ces procédés accélèrent et facilitent le chantier et sont les bienvenus lorsque les auto-constructeurs n’ont pas de

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126. Agence In Situ - Se référer à la fiches projet en annexe page 153 127. Atelier de Montrottier - Se référer à la fiches projet en annexe page 169 128. « la technique du GREB est une technique qui allie une structure bois, un isolant botte de paille et un enduit coulé pour la construction de parois isolantes » Source : http://www.approchepaille.fr/technique-dugreb

compétences en construction. La question du poids et du dimensionnement des éléments et des matériaux joue beaucoup lorsque aucun engin de levage n’est disponible. Ce qui pèse le plus lourd c’est souvent la structure, or dimensionner celle-ci sur des petites portées implique que ces dits éléments de structure sont beaucoup plus légers et transportables. Il est intéressant d’observer cette particularité sur les projets d’auto-construction totale. La Maison d’Azergues 126 est construite en ossature bois avec du remplissage paille, les sections des éléments porteurs sont donc surement assez réduites mais je ne peux pas vérifier cette affirmation du fait de l’absence de documents plus détaillés. La distance entre les éléments porteurs est de 6,60 mètres et il semblerait que la toiture soit constituée de fermettes. Le projet de la Maison de Montrottier 127 possède une structure hybride : une grande partie de la construction est faite en ossature bois, dont les sections les plus courantes semblent être de 4 x 15 cm. Une autre partie de la structure est composée en poteau poutre : un côté de celle-ci est tenu par un mur de refend et on compte sept poteaux de 20x20 cm allant jusqu’à 3m de haut difficilement transportable sans machine. Il semble que d’autres poteaux plus petits viennent soutenir la poutre principale. Cette structure est plus compliquée que ce qu’on peut voir sur les autres projets. Enfin, certaines techniques peuvent sembler adaptées aux autoconstructeurs mais ne le sont pas forcément, l’expérience de l’architecte est alors précieuse. Caroline Chapellet raconte avoir perdu un client en lui conseillant de ne pas choisir de construire avec la technique du Greb 128 qui a son sens est trop complexe. Cette technique en apparence très simple demande de gérer un chantier sec et dans un même temps un chantier humide. En conclusion, il y a à la fois une part d’adaptation et de volonté dans l’intérêt que ces architectes portent à la question de l’intervention de la maitrise d’ouvrage dans la construction. Il y a en effet une adaptation tout d’abord au contexte géographique dans lequel ils s’implantent et interviennent mais aussi au contexte économique dans lequel évoluent les populations de ces zones. La majorité des projets recensés de ces architectes se trouvent en périphérie de ville ou en milieu rural et touchent des publics aux revenus bas. Il semble que la proximité physique joue un rôle important dans la rencontre avec le maitre d’ouvrage, en effet on remarque que la plupart de leurs projets se trouvent dans le département dans lequel se trouve leur agence, ce qui laisse entendre que les auto-constructeurs se sont tournés vers eux du fait de cette proximité. Cela laisse aussi présumer d’une volonté d’intervenir dans un certain

59 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


FIGURE 10 Plan de la Maison de Montrottier par l’Atelier de Montrottier. En orange, les éléments de structure particuliers : un mur porteur, des poteaux et des poutres. Documen retravaillé Source : Document réalisé par l’Atelier de Montrottier

rayon autour de l’agence et introduit la notion d’« architecte de proximité ». Il y a aussi une proximité qui est due aux réseaux d’auto-constructeurs et aux réseaux comme Oikos qui est tourné vers la « construction et la rénovation écologique » Enfin on remarque que cette activité est en adéquation avec des thématiques de réflexion propres à ces architectes : tout d’abord tous ont un rapport à la construction accru, tous ont eu un jour un rapport direct au chantier, en auto-construisant eux-mêmes ou en participant à un chantier, c’est aussi par leurs valeurs pédagogiques qu’il réussissent à s’adapter à ce public. La conception de ces projets est axée vers le chantier. Elle est cadrée par les assurances qui définissent les prestations que les architectes peuvent proposer mais ne permettent pas aux architectes d’adapter leurs offres aux besoins des auto-constructeurs. Ceux-ci ont besoin d’un suivi de chantier moins poussé que dans des projets conventionnels mais ne peuvent pas payer l’architecte au vu du budget alloué aux assurances. Ces assurances permettent néanmoins aux architectes de définir en amont leur intervention et de la limiter dans le temps. Dans ce type de projet, les mécanismes de conception sont très similaires que dans des projets conventionnels mais ils sont néanmoins adaptés à la démarche d’auto-construction : L’étude préalable est très importante car elle permet à l’architecte de jauger les ressources et les compétences de l’auto-

Partie 1 - 60


constructeur qui vont largement conditionner le projet. Le facteur humain est donc ici primordial. Les données majeures de conception sont le temps et l’économie de projet : il y a à la fois la volonté de prendre son temps pour pouvoir être ambitieux, tout en essayant de faire au plus simple, au plus compact et au plus vite pour que le projet aboutisse.

61 - Le faire, le savoir-faire et le faire savoir


Partie 1 - 62


Une architecture adaptée à ses usagers Une architecture de l’habiter Une architecture de bon sens Une conception par l’image Quelle expression architecturale ? La réception par la critique architecturale


Partie II

Quelle

production

architecturale

?


Nous avons vu que les accompagnateurs de l’auto-construction utilisent des manières de concevoir adaptés à ces projets, je vais maintenant me poser la question de la production architecturale qui en résulte. Tout d’abord je vais tenter de comprendre ce qui définit cette architecture, d’analyser les récurrences qui forment ses caractéristiques, puis je vais également me questionner sur l’expression architecturale de ces projets. Enfin, je vais évaluer comment sont reçus ces projets par les architectes en général au travers de la critique architecturale en France.

65 - Quelle production architecturale ?


1. Une architecture adaptée à ses usagers

Pendant les entretiens avec les architectes, mes questions étaient tournées de manière à comprendre ce qui était différent dans leur démarche lorsqu’ils suivaient des projets auto-construits, la première réponse qu’ils me donnaient alors étaient que la démarche n’était pas réellement différente. C’est en allant dans le détail qu’on se rendait alors compte qu’il y avait néanmoins des singularités dans la conception, comme je viens de l’analyser.

129. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017

Loïc Parmentier affirme que sa démarche ne varie pas pour un projet d’accompagnement à l’auto-construction, pour justifier ce constat il utilise un argument intéressant : « pour moi ça se passe comme dans un projet conventionnel, ça dépend du maître d’ouvrage. » 129 . En effet, pour lui le projet auto-construit comme tous les projets dépend du maitre d’ouvrage, principalement quand celui-ci est un particulier, c’est celui-ci qui va faire les choix, qui va émettre les demandes et surtout, qui va vivre dans le projet. Comme le rappelle Yona Friedman, « De toute évidence, la raison d’être d’un objet d’architecture […] est de donner satisfaction à l’habitant et de lui servir » 130 . On ne peut donc pas analyser un projet architectural sans prendre en compte les demandes, les besoins de l’usager, particulièrement dans un projet de maison individuelle. En effet, une maison possède une telle valeur pour ses usagers qu’elle est réfléchie dans ses moindres détails pour offrir le meilleur cadre de vie possible et « Derrière

131. DE LA PRADELLE Michèle, CORBILLE Sophie, sous la direction scientifique de TAPIE Guy Maison indi-viduelle, architecture, urbanité, édition de l’aube, 2005 P24

130. FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, L’éclat, Paris, 2003 (première édition 1978), p18,19

chaque maison individuelle […], il y a toujours le désir de faire une chose unique, de produire une création personnelle, de réaliser une œuvre […] » 131 . Je vais

donc tenter de dégager les caractéristiques propres à cette architecture qui se concentre sur les usages.

Une architecture de l’habiter S’approprier pour habiter Mon propos se déroule autour de la question de l’auto-construction mais plus particulièrement autour de la question de la participation des habitants dans la construction de leur habitat, il me faut donc parler également de la notion d’habiter. Les recherches sur cette question sont nombreuses et poussées, elles tentent de définir par quoi passe le sentiment d’appartenance à un habitat. Je vais tenter d’extraire directement ce qui va apporter des éclaircissements au

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132. SALIGNON Bernard, « Qu’est-ce qu’habiter », Edition de la Villette, Paris, 2010 133. Ibid. p. 17 134. SEGAUD Marion, Anthropologie de l’espace, habiter, fonder, distribuer, transformer, Edition Armand Colin, Paris, deuxième édition, 2010, p 95 135. Edmund Husserl est un philosophe et logicien autrichien fondateur de la phénoménologie. Source : https:// fr.wikipedia.org/wiki/ Edmund_Husserl 136. SALIGNON Bernard, « Qu’est-ce qu’habiter », op. cit p 28 137. SALIGNON Bernard, « Qu’est-ce qu’habiter », op. cit p 28 138. Ibid. p 33

propos, en simplifiant parfois certains concepts philosophiques. Une théorie récurrente est que pour « habiter » il faut s’approprier. On considère beaucoup l’habitat comme un abri ou un bien à valeur marchande qui fait défaut à certains et qu’il est difficile d’acquérir or l’habitat est plus que cela, il est avant tout un endroit où on se sent « chez soi ». Il est difficile de définir le « chez soi » et je ne vais pas m’appesantir sur cette expression, je vais néanmoins tenter de comprendre cette théorie de « l’habiter » qui passe par l’appropriation. Pour cela je me suis basée principalement sur le propos de Bernard Salignon dans « Qu’est-ce qu’habiter » 132 : une partie de son propos tourne autour de ce besoin d’appropriation pour habiter réellement : « L’habitat, en tant que bien

que les hommes possèdent, comprend l’idée qu’au-delà de l’avoir il y a un appropriement. On peut très bien posséder un logement sans pour cela se l’approprier, en avoir fait son « propre » au sens archaïque du terme.» 133 . Premièrement, il s’agirait de définir ce que veut dire s’approprier un espace : « S’approprier un espace, c’est établir une relation entre cet espace et le soi (se le rendre propre) par l’intermédiaire d’un ensemble de pratiques. Il s’agit donc d’attribuer de la signification à un lieu ; cela peut se faire au niveau sémantique, à travers les mots et par les objets et les symboles qui leur sont attachés. » 134.

Pour B. Salignon cette notion d’habiter dépasse la simple idée d’espace, de formes architecturales et englobe les relations humaines ainsi que ce qui fait l’histoire de l’habitat. Il introduit également l’idée que « l’habiter » prend tout son sens par « l’intentionnalité » de l’habitant et que celle-ci doit être pensée dès la conception. Pour cela il convoque les écrits de Husserl 135 :

« Il va en retirer ce qui fait l’essence de l’être humain en tant qu’il est plongé dans le temps par une action. Si l’on enlève au sujet son intentionnalité, il reste un sujet pétrifié, sans devenir et sans aucune possibilité de projet. Dans l’habiter, travailler à partir de l’intentionnalité nous parait d’une importance capitale […] » 136 .

A partir de cette théorie sur l’importance de l’intentionnalité, il émet l’hypothèse qu’un espace habité doit être inachevé pour stimuler cette intentionnalité, et permettre ainsi « l’habiter ». « […] l’habitat, quand il se donne trop

accompli et trop lisible, détermine fortement le lieu habité comme un code transitoire qui ne peut échapper à sa première impression. C’est dans la façon particulière d’habiter que l’habitat s’accomplit ; il ne peut en outre s’accomplir que s’il n’est pas lui-même accompli complètement. » 137 . En résumé : « L’espace de l’habiter n’est appropriable que s’il peut être transformé par les gens qui y habitent » 138 .

Ces théories me permettent donc d’avancer que dans le cas de l’auto-construction partielle, lorsque l’auto-constructeur prend en charge le projet inachevé,

67 - Quelle production architecturale ?


il fait intervenir cette « intentionnalité » en s’appropriant le projet. Il commence alors à habiter. Si on s’imagine que l’appropriation augmente selon le degré d’inachèvement, alors l’auto-construction totale pousse ce concept plus loin encore car le projet dans son aspect inachevé correspond à la phase venant avant les travaux, il est pris en charge à ce moment-là par l’auto-constructeur et est d’autant plus appropriable. L’appropriation a des conséquences sur l’habiter qui se traduit par des actes concrets et a des répercutions palpables. Pour illustrer cette idée, je me base sur un texte de Daniel Ceruzuelle 139, directeur scientifique du Programme d’Autoproduction et Développement Social à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales. L’article traite des logements sociaux plutôt que de l’habitat individuel où la question de l’appropriation est beaucoup simple mais nous pouvons néanmoins émettre l’hypothèse que les conséquences de l’appropriation sur l’habitat sont les mêmes, même si elles sont peut-être atténuées. Deux sujets abordés nous intéressent particulièrement : la crise du « savoir habiter » et l’accompagnement à l’auto-réhabilitation du logement. Par « savoir habiter », l’auteur sous-entend : « […] la

139. CERUZUELLE Daniel, Crise du «savoir habiter», exclusion sociale et accompagnement à l’auto-réhabilitation du logement, document présenté dans le cadre du Séminaire Développement durable et économie de l’environnement, co-organisé par l’Iddri et la Chaire Développement durable 140. Idem 141. Idem 142. Idem

capacité à la fois pratique et psychologique à utiliser et entretenir son logement, à se l’approprier, à maîtriser les diverses interactions sociales, techniques, symboliques, économiques, qui accompagnent le fait de vivre dans un logement, de l’entretenir, et pas seulement d’occuper des mètres carrés. ». 140. Il parle d’auto-réhabilitation

accompagnée comme une solution envisageable par les politiques de rénovation urbaine qui serait plus efficiente qu’une solution de rénovation par des entreprises.

Selon Daniel Ceruzuelle, l’impossibilité de l’appropriation résulte en une négligence et un vieillissement accéléré des logements. Les expériences d’autorénovation accompagnées montrent au contraire une « […] amélioration effective et durable du logement, en termes d’acquisition de savoir-faire et de culture technique favorisant l’entretien du logement et enfin en termes d’appropriation et d’adaptation du logement au mode de vie de ses occupants. » 141. Ainsi, par la par-

ticipation de l’habitant aux travaux, une appropriation se fait et cet habitant retrouve des pratiques de « savoir habiter ». D’autres bienfaits sont notables comme par exemple un travail sur l’autonomie, une image de soi améliorée et des savoirs faires acquis. « Le chantier est aussi une occasion d’apprentissage de l’autonomie, à travers la définition technique du projet, le choix des matériaux, la prise d’initiatives dans la conception des travaux […] Cet apprentissage de l’autonomie est favorisé aussi par la conduite du chantier au quotidien : trouver un rythme, gérer le temps, prendre des initiatives par rapport aux tâches à effectuer. » 142.

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143. Source : https:// www.insituarchi.com 144. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 145. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 146. « Après niveau espace moi j’essaie d’adapter, de faire des mezzanines pour les enfants » Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017

Il semble qu’il y a donc réellement une appropriation par l’intervention dans la construction de son habitat et au-delà de ça des avantages concrets à l’auto-production en général.

Une adéquation aux modes de vies, une architecture cohérente Sur le site de l’agence de Caroline Chapellet, dans la section « Pourquoi choisir un architecte » on retrouve cette explication : « Si la bonne prise en compte

des problématiques de confort thermique, d’économies d’énergie ou de santé dans l’habitat peut faire la qualité constructive d’un bâtiment, elle ne sera jamais suffisante à faire sa qualité spatiale et architecturale. […] L’architecture, c’est cette pensée globale qui dépasse la simple somme des éléments constructifs, c’est l’art d’organiser le vide pour l’habiter en faisant la synthèse d’un contexte paysager, économique, social, culturel, technique et humain. » 143 .

Au cours de notre entretien, l’architecte a donné une définition de ce qu’elle considérait comme son rôle : « A mon sens, notre métier c’est […] faire un

espace qualitatif, où t’es bien en été, t’es bien en hiver, où tu n’as pas perdu de m² dans les couloirs […] on est les seuls à savoir optimiser un plan, de faire en sorte que les pièces elles soient orientées du bon côté, que tu perds pas des mètres carrés de couloirs à n’en plus finir, que la porte d’entrée elle soit bien située, l’escalier soit bien situé […] » 144 . Les points qu’elle cite comme primordiaux dans la conception

sont reliés aux modes de vies des usagers, à leurs habitudes, à leurs besoins. Loïc Parmentier concentre également sa conception sur l’habitant et ses modes de vie, qu’il voit comme de la matière à projet : « Je suis plutôt dans

la transformation de matière et la matière elle est existante, elle part du site, du programme, de l’habitant. » 145. Jean Yves Masrouby bien que moins explicite sur le

sujet sous-entend qu’il tente d’apporter des qualités architecturales comme il le peut, en ayant une réflexion particulière pour les différents usagers comme par exemple pour les enfants 146.

Lorsque je parle de mode de vie, je parle des habitudes du quotidien à travers lesquelles les habitants s’approprient leur habitat, investissent l’espace d’une manière qui leur est propre. Ces habitudes sont liées au nombre d’habitants et aux caractéristiques de ceux-ci (âge, taille, occupations…), peuvent varier au fil des saisons, des années mais restent représentatives de leur manière d’habiter. L’Eté on ne s’approprie pas les mêmes espaces et de la même manière que l’hiver : on va privilégier les espaces ventilés, profiter de l’extérieur, chercher l’ombre tandis que l’hiver on va privilégier les espaces les plus chauds de

69 - Quelle production architecturale ?


la maison, les plus lumineux. Les différentes tranches d’âges vont également investir des espaces différents, avoir besoin de qualités spatiales spécifiques, la composition de la famille joue donc aussi beaucoup dans la conception. Ces habitudes doivent être traduites spatialement afin qu’elles puissent être accueillies par l’habitat et stimulées ou alors évoluer. Il faut à l’architecte cette capacité de discerner ces habitudes et de créer un habitat qui convienne à un maitre d’ouvrage et à sa famille.

L’appropriation par la réalisation Une évolution autonome du projet Dans un projet auto-construit, la question de l’appropriation est intéressante car elle intervient directement par la réalisation. Cette appropriation est d’autant plus importante que lors de la réalisation, l’auto-constructeur est souvent seul du fait du phasage contractuel nécessaire pour les assurances, donc que ce soit de l’auto-construction totale ou partielle, la réalisation des travaux est souvent un moment où le projet ne dépend que de l’auto-constructeur.

147. Un permis modificatif peut être demandé pour modifier l’aspect extérieur d’une construction (par exemple un changement de façade) ; la réduction ou l’augmentation de l’emprise au sol de la construction ou de la surface de plancher ; le changement de destination d’une partie des locaux Source : https:// www.service-public.fr 148. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017

Un projet conventionnel réalisé par des entreprises du début à la fin va être très fidèle aux plans et à l’esthétique transmis par l’architecte, celui-ci vérifie tout au long du suivi de chantier que les travaux sont bien réalisés et sont conformes aux documents communiqués. L’auto-constructeur n’a pas cette contrainte, personne ne vérifie qu’il respecte tous les plans, tous les dessins de façade. La seule contrainte qui peut se présenter est que s’il apporte trop de modifications au dessin de façade, à l’emprise au sol ou à la surface de plancher, il se voit contraint de déposer un permis modificatif 147 . L’auto-constructeur construit parfois sur des temps très long en se basant sur des ressources changeantes, ce qui laisse plus de place aux aléas sur le chantier. Ceux-ci peuvent être dus à un manque d’argent, de temps, de savoir-faire, ou encore une évolution de la famille qui nécessite de modifier l’organisation ou la surface des espaces. Souvent ces choix sont plutôt dus aux contraintes économiques ou à une prise de conscience de l’ampleur des travaux. Jean Yves Masrouby parle de cette impossibilité à formater un projet autoconstruit du fait de la dépendance des ressources : « L’auto-constructeur il va

être plus aléatoire, ça dépend des ressources. […] c’est dur de réguler la chose, de formater le projet. » 148. On assiste donc à une évolution du projet sur laquelle

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149. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 150. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 151. Idem. 152. Idem. 153. Atelier de Monrottier - Se référer à la fiches projet en annexe page 169 154. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 155. Idem. 156. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 157. Se référer à la fiches projet en annexe page 157

l’architecte n’a aucune emprise, il lui faut donc accepter cette évolution autonome , accepter que le projet ne respecte pas totalement la conception initiale et le laisser entre les mains de l’auto-constructeur, pour le meilleur et pour le pire. Loïc Parmentier parle même de projet partagé : « [...] il faut savoir accepter

cette appropriation, cette résilience du projet […] il faut accepter que le projet n’est plus un projet d’architecture, c’est un projet partagé. C’est un peu différent quand même. Ça reste de l’architecture in fine parce que c’est habité, mais c’est quand même autre chose parce qu’on ne peut pas avoir le même niveau d’exigence, c’est impossible. » 149. C. Chapellet ajoute : « […] il faut être conscient que le projet il va vivre sans nous, et que là ça dépend complètement du client, est ce qu’il va respecter ton plan ou le saboter sans même s’en rendre compte ? » 150 D’après elle, les autoconstructeurs « […] prennent très facilement le projet en main en fait, des fois trop, c’est parfois frustrant » 151 .

Il n’est parfois pas facile pour ces architectes de «laisser vivre» le projet, surtout lorsque son évolution n’est pas perçue comme positive ce qui arrive souvent d’après Loïc Parmentier et Caroline Chapelet. Tous les deux expriment la frustration que cela engendre : « Ça c’est le plus frustrant, c’est quand il ne se rend pas compte que la qualité que tu avais apporté il l’a gâché. Ça, ça me rend malade, […] Tu vois il change par exemple l’aménagement intérieur ou l’emplacement d’un système technique ou un truc tout bête qui fait que tu avais dessiné quelque chose qui fonctionnait bien et là subitement c’est nul. » 152 . Loïc Parmentier parle du projet

de la Maison de Montrottier 153, le seul projet d’auto-construction totale qu’il suit à distance faute d’assurance pour le couvrir : « […] il a modifié des choses

apparemment. Ça c’est dur quoi. […] C’est-à-dire qu’on complique des choses, [le projet] perd de son intérêt parfois. » 154. Néanmoins, cette évolution n’est pas toujours néfaste au projet : « […] parfois on peut au contraire avoir de bonnes surprises, […] ils ont des capacités, des compétences qu’on aurait pas imaginées, ça peut être en bien ou en mal. » 155. Afin

de limiter certains mauvais choix, le meilleur moyen est que l’architecte soit accessible facilement pour discuter de ces choix, que l’évolution soit positive. Il arrive que la prise en main du projet se manifeste dès la conception et qu’elle résulte en une co-conception entre architecte et maitrise d’ouvrage : « J’ai eu

deux clients auto-constructeurs qui étaient un peu plus sensibles à l’architecture, dont un qui voulait tout dessiner lui, et on a vraiment dessiné ensemble, on a fait des allers retours de dessins ensemble » 156 . Il y alors plus de chances que le projet soit

moins modifié pendant la construction. C’est le cas du projet de rénovation de Maison à Vetraz Monthoux 157 où l’auto-constructeur était très attaché à l’avis de l’architecte et au projet initial. Pendant les travaux, il a envisagé de

71 - Quelle production architecturale ?


changer le calepinage des éléments de façade pour réduire les coûts, il a alors consulté l’agence In Situ, qui ont pu ainsi tester des calepinages de façade plus économiques. Finalement l’auto-constructeur a choisi de rester sur la solution de départ car il s’est rendu compte que les autres solutions ne lui plaisaient pas autant. Cette phase d’appropriation par la réalisation ne passe pas toujours par une modification importante du projet mais par la discussion et l’implication. L’implication comme outils de bonne réception Ce qui est commun à cette démarche où l’utilisateur participe à la conception et/ou à la construction de son environnement bâti, c’est l’implication que cela lui demande. Ce terme a été évoqué au cours des entretiens avec les architectes comme quelque chose qui permet d’évaluer la motivation des auto-constructeurs et leur capacité ou non à se lancer dans un projet d’auto-construction. Cette implication doit donc être plus palpable chez les auto-constructeurs que chez un particulier qui ne participerait pas à la construction : comme le dit Loïc Parmentier en parlant des particuliers « […] il y en a qui sont très impliqués,

158. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Novembre 2017 159. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 160. Entretien avec Loïc Parmentier réalisé en Octobre 2017 161. CERUZUELLE Daniel, Crise du «savoir habiter», exclusion sociale et accompagnement à l’auto-réhabilitation du logement, 7 novembre 2006

d’autres qui laissent travailler les architectes. La plupart des auto-constructeurs sont impliqués, sinon c’est inquiétant. » 158.

Cette implication en général est un gage de bonne réception du projet. Le fait que la maitrise d’ouvrage suive le projet à toutes les phases et développe une compréhension des enjeux de la conception et de la construction joue beaucoup, le client est alors conscient de la plupart des choix techniques qui sont pris : « C’est surement parce qu’ils sont très autonomes en fait, ils ne cherchent pas à te reporter la faute » 159 . De plus dans beaucoup des projets suivis, les finitions sont réalisées par les auto-constructeurs, or d’après Jean Yves Masrouby ce sont les phases qui sont le plus susceptibles de générer de l’insatisfaction lorsqu’elles sont réalisées par des entreprises car elles sont les plus faciles à évaluer pour des novices de la construction. Loïc parle aussi de cette implication comme quelque chose d’important dans le processus de projet et de plaisant pour l’architecte : « Ce n’est pas

qu’une économie, c’est aussi une manière d’impliquer les gens dans leur projet, les auto-constructeur ont une grande fierté de ce qu’ils fabriquent et c’est normal, et surtout ils apprécient différemment ce qui est fabriqué, ils ont vraiment l’impression d’avoir participé et de s’être approprié le projet. On n’est pas du tout dans la même démarche, et ça c’est hyper intéressant, moi ça me plaît beaucoup cette notion-là» 160 . Comme il l’explique, c’est cette fierté de l’auto-production qui est déter-

minante sur l’appréciation du « produit » fini. Enfin, comme nous l’avons abordé plus haut, cette appropriation conditionne le « savoir-habiter »161 et a

Partie 2 - 72


donc un impact sur la capacité des usagers à transformer facilement leur habitat au gré des besoins, de l’entretenir comme il se doit. Pour conclure, on peut sûrement parler de cette architecture comme appropriable par ses usagers, du fait du processus de conception et de construction qui est choisis. Cette appropriation est importante pour permettre à cet usager d’« habiter ». Il faut préciser que malgré toute cette implication, participation, appropriation qui on pourrait le croire, excluent quelque peu l’architecte de la démarche, lui laisse en réalité une place. On le comprend en analysant les propos de Caroline Chapellet qui explique que les auto-constructeurs, bien que souvent attachés à leur projet, ont une capacité à le lâcher en partie pour laisser l’architecte occuper la place qu’il doit occuper. Elle associe cette particularité au fait que les auto-constructeurs avec lesquels elle travaille ne sont pas réellement intéressés par la conception et permettent donc à l’architecte d’occuper la place de concepteur et les autres architectes n’ont pas parlé de difficultés vis-à-vis de cette question.

73 - Quelle production architecturale ?


Une architecture de bon sens Une analyse des projets et des explications des architectes laisse transparaitre une qualité environnementale indubitable dans l’architecture produite. Ce trait de caractère est à la fois dû à une demande des clients et à la manière de concevoir des architectes.

162. FERNANDEZ Pierre et LAVIGNE Pierre, Concevoir des bâtiments bioclimatiques, fondements et méthodes, Editions Le Moniteur 2009 p 27 163. Ibid. p 29

Entre performance et confort Dans les projets étudiés, on remarque qu’il y a en réalité deux types de publics, avec des demandes différentes : le premier cherche de la performance et a plutôt une approche technique du projet et/ou une éthique particulière tournée vers un habitat « écologique ». Le second public est moins obnubilé par la recherche de performance et cherche plutôt un confort thermique et une économie d’énergie. La démarche pour ces deux publics va donc être adaptée différemment. Les concepts d’architecture bioclimatiques permettent de répondre à toutes ces questions de manière raisonnée : en effet la conception bioclimatique s’étend « […] du plaisir d’habiter ou d’utiliser un espace à l’économie de la construction, ce qui en fait un élément fondamental de l’art de l’architecte » 162 .

Je viens d’analyser la prise en compte de l’habiter et des modes de vie dans l’architecture, ceux-ci sont en parti influencés par la prise en compte des notions bioclimatiques dans la conception. Celle-ci permet d’améliorer le confort qu’un bâtiment peut atteindre en utilisant au maximum les ressources naturelles puisées dans l’environnement dans lequel il s’insère. Ainsi, on vise à réduire l’utilisation d’énergies non renouvelables, les effets néfastes sur le milieu naturel et les coûts de fonctionnement. Cette conception s’appuie des particularités du site tels que « le relief (l’orientation de la pente conditionne

fortement les paramètres du microclimat), le contexte urbain ( la forme urbaine modifie l’ensoleillement disponible et la pression du vent sur les façades) le type de terrain (humidité du sol), la végétation (effets sur l’humidité et le vent et sur l’ensoleillement), la direction vitesse et fréquence du vent, en tenant compte de l’évolution possible dans le temps ( développement urbain ; croissance de la végétation) » 163 pour

créer une architecture in situ . Les particularités du site qui peuvent sembler être des contraintes deviennent alors des moteurs de la conception. Le produit de cette conception s’intègre dans un environnement, s’adapte à lui, perdrait tout sens si elle en était séparée. En ce sens, le travail d’analyse qui est effectué

Partie 2 - 74


164. DUTREIX Armand, Bioclimatisme et performances énergétiques des bâtiments, Editions Eyrolles, 2010, p 90

avant les premières esquisses est donc fondamental pour comprendre le site et permettre une adaptation optimale. La question qui se pose est « comment sont intégrés ces concepts dans des projets d’architecture, que faut-il faire et prendre en compte pour concevoir bioclimatique ? ». Le livre « Bioclimatisme et performances énergétiques des bâtiments » 164 dresse un portrait plus ou moins exhaustif d’un projet que pourrait être qualifié de bioclimatique, en voici une retranscription simplifiée : C’est une construction qui… - … protège de la pluie et est étanche à la vapeur d’eau mais qui laisse passer la vapeur pour maintenir une hygrométrie confortable. - … abrite du vent en hiver mais le laisse circuler en été - … présente un minimum de surface déperditive en hiver et d’exposition au soleil en été - … valorise les rayons solaires hivernaux et laisse entrer leur lumière, ni trop peu, en protégeant des surchauffes en été. - … met en œuvre des matériaux intérieur qui assurent un rayonnement thermique adapté, homogène, élevé en hiver, faible en été. - … est assez solide pour résister aux intempéries et suffisamment souple pour permettre des mouvements de terrain - … est pensée de manière durable pour avoir un impact réduit sur l’environnement tout en ayant une longévité optimale.

La recherche de confort thermique La conception bioclimatique permet donc d’atteindre une performance thermique supérieure en se servant principalement de l’énergie solaire. Celle-ci doit être gérée d’une manière adéquate selon les saisons : Il faut la capter, la diffuser, la conserver ou s’en protéger et l’évacuer. Cela sous entends un travail approfondi sur les orientations et dimensions des ouvertures, sur les protections solaires, sur l’organisation des espaces : On ouvre les façades au sud pour apporter de la chaleur en hiver, on protège pour garder la fraicheur en été, on ferme au Nord pour avoir un minimum de déperditions thermiques, on place des programmes comme la cuisine et les chambres à l’est et à l’ouest. Si l’on analyse les projets, on se rends compte que les dispositifs bioclimatiques mis en œuvre sont plutôt tournés vers la recherche du confort thermique : si l’on observe l’orientation des maisons et l’organisation des espaces intérieurs par rapport à cette orientation on observe que ce

75 - Quelle production architecturale ?


raisonnement rationnel est suivi : les espaces de séjours et les cuisines sont souvent concentrées au sud pour profiter de l’apport solaire passif et la plupart des espaces « techniques » sont placés au Nord. La taille des ouvertures permet de capter le soleil au maximum en hiver tandis que des débords de toitures protègent du soleil estival, les surfaces déperditives au nord sont réduites et les ouvertures sont plus petites. Pour simplifier la lecture de ces projets, j’ai réalisé des schémas afin que pour chacun on puisse comprendre clairement les choix d’orientation des espaces. Pour ce faire, je me suis basée sur un schéma de l’Ademe 165 qui propose une disposition optimale des pièces selon leur besoin de soleil. Comme on peut le voir, la plupart des projets ne s’éloignent pas trop de l’orientation conseillée par l’Ademe.

165. Ademe : Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie 166. Se référer à la fiches projet en annexe page 149

L’isolation de l’enveloppe a aussi un rôle important à jouer dans ce confort thermique, l’enveloppe doit être pensée de manière à ne pas comprendre de ponts thermiques, suffire à atteindre un bon ratio. Toujours dans l’analyse de la prise en compte des concepts bioclimatiques dans ce type d’architecture, on peut prendre le cas de la Maison local agricole de Mornant 166 où les clients, des agriculteurs désirent stocker leurs légumes dans leur construction sans pour autant avoir besoin d’installer un système de refroidissement. Les architectes décident d’utiliser la déclivité

FIGURE 11 Schéma d’orientation optimale des pièces selon le besoin en lumière «Orientation pour un meilleur gain» Document réalisé par l’Ademe et retravaillé Source : https://www.e-rt2012.fr/explications/conception/explication-architecture-bioclimatique

partie 2 - 76


Atelier de Montrottier - Loic Parmentier et associés ATELIER DE MONTROTTIER - LOIC PARMENTIER ET ASSOCIES Maison à Affoux MAISON A AFFOUX RDC

R+1

Tamp

Cuisin Séjour

Chbr

bain

Pas d’informations

Maison à Aveize - Extention

EXTENTION MAISON A AVEIZE RDC

R+1 Tamp

Tamp

bain

Chbr

bain Séjour

MaisonMAISON à Montrottier A MONTROTTIER bain

Séjour

Cuisin Garage

Chbr

Bur

Tamp

77 - Quelle production architecturale ?


In Situ architectes - Caroline Chapellet et Aurélien Gely IN SITU ARCHITECTE - CAROLINE CHAPELLET ET AURELIEN GELY

Maison local agricole à Mornant

MAISON LOCAL AGRICOLE DE MORNANT RDC

R+1 bain

Chbr

bureau

Tamp

Local agricole Chbr

Séjour

Cuisin

Maison d’Azergue MAISON DE LA VALLEE D’AZERGUE RDC

R+1 Garage

bain Chbr

Tamp Séjour

bain Cuisin

Chbr

Tamp

Chbr

bureau Chbr

MAISON Maison deA VETRAZ VetrazMONTHOUX Monthoux RDC

R+1

Tamp

Chbr

bain

bureau

Tamp

Garage

bain Chbr

Cuisin Salle TV Séjour

Chbr

partie 2 - 78


Couleur Nature - Jean Yves Masrouby Maison à Ceyrat

COULEUR NATURE - JEAN YVES MASROUBY

MAISON A CEYRAT RDC

R+1 bain

Chbr

Garage

R+2

Tamp

Chbr

Cuisin

Tamp bain Séjour

Cave

Chbr

Maison à Laschamps MAISON A LASCHAMPS

Garage

Chbr

Tamp

Chbr

Séjour

Cuisin

Chbr Tamp

Tamp

Chbr

bain

Chbr

FIGURE 12 Schémas d’orientation des pièces et d’apport solaire pour chaque projet. Document basé sur la figure 11, le schéma de l’Ademe Document personnel basé sur les plans des projets Source : Agence In Situ, Atelier de Montrottier et Couleur Nature

du terrain pour enterrer une partie de la construction pour bénéficier de l’inertie du sol. De plus, ayant besoin de contrôler l’hygrométrie, c’est dans le choix des matériaux qu’ils choisissent de répondre à cette problématique, en prévoyant l’application d’un enduit à la chaux. La ventilation est également un gage de confort dans une habitation car elle permet de réguler la température intérieure en été. Pour permettre cette régulation, plusieurs paramètres rentrent en compte et certains sont à maitriser

79 - Quelle production architecturale ?


dès la conception : la typologie et la taille des fenêtres ; leur emplacement en plan et en coupe et leur orientation. On peut donc conclure que ce qui est inhérent à chaque projet, que les maitres d’ouvrages en ai fait la demande ou pas, c’est cette attention particulière pour la conception bioclimatique même si en réalité, on remarque que cette utilisation des procédés qu’on appelle bioclimatiques est surtout vue comme du bon sens par les architectes. Pour une partie des projets étudiés, la demande de confort thermique est assez conventionnelle et les architectes y répondent avec ce bon sens, pour une autre partie, plutôt pour les projets de l’agence In Situ, il y a une réelle demande de performance de la part des clients ce qui se traduit par des dispositifs plus poussés, moins conventionnels, éventuellement plus chers. Le niveau de détail des documents fournis ne permet pas de réellement analyser cette performance, ni les dispositifs plus poussés mis en œuvre mais d’après l’architecte 167 , la Maison local agricole de Mornant atteint un niveau passif 168 et la Maison de Vetraz Monthoux passe à un niveau BBC 169 . Pour les autres projets, les architectes ne communiquent pas sur cette qualité, je ne peux donc que me baser sur mes observations et analyses.

Des techniques et des matériaux récurrents Dans les fondamentaux de la conception bioclimatique, les matériaux se veulent « durables », naturels ou ayant subi peu de transformations. Ces matériaux peuvent être choisis sur ce critère mais aussi sur leurs caractéristiques thermiques (convection, conduction, rayonnement) et esthétiques.

167. Source : https:// www.insituarchi.com ; Se référer aux fiches projet en annexe 168. Le Label Bâtiment Passif est appliqué aux projets atteignant une performance thermique particulière qui permet au bâtiment de réduire ses besoins en chauffage. Source : http://www. lamaisonpassive.fr/lalabellisation/la-labellisation-neuf/ 169. Le label BBC (Bâtiment basse consommation) était à une époque applicable dans le neuf, aujourd’hui les exigences de ce label correspond à la RT 2012, le label n’est plus appliqué aux constructions neuves, il peut néanmoins l’être pour les projet de rénovation important. Source : https://particuliers.engie.fr/economies-energie/conseils/realiserdes-travaux-d-isolation/ label-BBC.html

Dans ces cas d’étude, on remarque que certains matériaux sont privilégiés plutôt que d’autres : Le bois est présent dans presque la totalité des projets, sous diverses formes. Celui-ci est utilisé d’abord principalement en structure, mais aussi en parement ou alors au niveau des menuiseries, des sols… Une technique constructive ossature bois est utilisée dans toutes les constructions neuves étudiées, du fait de sa légèreté et sa facilité de mise en œuvre dans le cas d’auto-construction totale mais aussi par choix éthique. Le couplage de cette technique à l’utilisation de paille est recensé dans deux des huit projets étudiés. Celle-ci a depuis longtemps fait ses preuves comme un matériau plus résistant que le bois à la traction et peu combustible lorsqu’elle

Partie 2 - 80


FIGURE 13 Photo de la Maison local agricole de Mornant pendant les travaux, l’ossature bois est en train d’être posée Document retravaillé Source : In Situ architectes

est mise en œuvre en bottes. Elle se prête de plus très bien à de l’autoconstruction partielle ou totale du fait de la facilité de pose. Lorsque l’isolation choisie n’est pas la paille, ce sont d’autres isolants de laine végétales comme le chanvre, la ouate de cellulose, la laine de bois ou encore des isolants en laine minérale comme la laine de verre et la laine de roche. Plus rarement, la laine de mouton est parfois utilisée. Bien qu’il semble intéressant d’aborder ce sujet du fait de demandes parfois plutôt tournées vers les laines végétales et animales, je n’ai pas d’information sur les isolants employés dans les projets et ne peux pas appuyer ces hypothèses. Cette récurrence d’utilisation peut être allouée aux demandes des clients mais aussi aux choix des architectes. Jean Yves Masrouby semble être perçu comme un architecte de la mise en œuvre du bois, Loïc Parmentier utilise le bois sous toutes ses formes dans beaucoup de ses projets et Caroline Chapellet est formée aux règles professionnelles de la construction paille, est une habituée des chantiers participatifs en paille. En conclusion, il semble qu’une des caractéristiques majeures de cette

81 - Quelle production architecturale ?


architecture est son adaptation à ses usagers. Ceux-ci étant peu nombreux et très définis, cette adaptation est très poussée. Les espaces sont adaptés aux modes de vie, les matériaux, les systèmes constructifs sont adaptés aux envies et aux compétences. L’appropriation nécessaire à tout habitat se fait dès le début du projet et est exacerbée dans la partie de réalisation des travaux. Le confort est privilégié et est souvent atteint par l’utilisation des ressources naturelles du site.

Partie 2 - 82


83 - Quelle production architecturale ?


2. Une conception par l’image

Je viens d’analyser la production architecturale qui découle de la pratique de l’accompagnement à l’auto-construction d’un point de vue des usages. Je vais maintenant en analyser les caractéristiques physiques, essayer de comprendre les sources de l’expression architecturale qu’on peut observer dans les projets étudiés.

Quelle expression architecturale ? Défendre une qualité architecturale dans les maisons individuelles Selon les données de l’Insee, en 2016, l’habitat individuel représentait 56 % des logements en France. Depuis 2006 ce pourcentage est légèrement en baisse mais ce type d’habitat est toujours plus présent que l’habitat collectif 170 . Il semble qu’aujourd’hui encore, les aspirations des Français en termes de logement se tournent toujours pour la plupart vers ce modèle d’habitat. Certains associent ces envies à l’histoire de l’humanité et au souvenir de l’abri ou de la grotte préhistorique : « Vivre en maison individuelle relèverait

quasiment des fondements anthropologiques de l’habiter. Plus prosaïquement ce serait aujourd’hui encore, l’espoir le plus largement partagé des Français. Attesté par tous les sondages qui se sont succédé depuis trente ans […] » 171.

Malgré cette forte demande, le marché de la maison individuelle n’est pas investi par beaucoup d’architectes : selon une étude réalisée conjointement par les Ministères de la Culture et du Développement Durable, en 2011 on recensait l’intervention d’un architecte pour seulement 4% des maisons individuelles construites en France 172 . Selon une autre étude réalisée par le Ministère de la Culture publiée en 2010, regroupant des statistiques effectuées entre 1998 et 2007, uniquement 13,6% des projets conçus par les architectes étaient des maisons individuelles 173 . Ce marché n’étant pas investi par les architectes, cette demande trouve réponse auprès des constructeurs dont l’offre est d’abord orientée vers du pavillonnaire. Cet engouement pour la maison pavillonnaire commence dans les années 70 et se nourrit de la faillite des « grands ensembles ». L’accession à la propriété devient le symbole de la réussite sociale et la maison pavillonnaire est vue comme un cadre de vie tranquille et accessible, appropriable et adapté

170. Le parc de logements en France au 1 er janvier 2016, étude réalisée par l’Insee Source : https://www.insee.fr 171. JAILLET MarieChristine, ROUGE Lionel, THOUZELLIER Christiane, Vivre en maison individuelle en lotissement, sous la direction scientifique de TAPIE Guy dans Vivre en maison individuelle, architecture, urbanité, éditions de l’aube, 2005 P11 172.Archigraphie, Chiffres et cartes de la profession d’architecte – Document réalisé par l’ordre des architectes, 2011 Source : http:// www.architectes.org/ archigraphie-chiffres-etcartes-de-la-profession173. CHADOUIN Olivier et EVETTE Thérèse, Statistiques de la profession d’architecte, 1998-2007, Socio-démographie et activités économiques, 2010, Source : http:// w w w. c u l t u r e . g o u v. fr/culture/politiqueculturelle/MCC_Statistiques%20profession%20 architecte_fev_2010.pdf

Partie 2 - 84


174. DEHAN Philippe, DUQUESNE Martine, Repenser le territoire de la maison, Vivre en maison individuelle, architecture, urbanité, op. cit P58 175. AILLET Marie-Christine, ROUGE Lionel, THOUZELLIER Christiane, Vivre en maison individuelle en lotissement, sous la direction scientifique de TAPIE Guy dans Vivre en maison individuelle, architecture, urbanité, éditions de l’aube, 2005 P17 176. DEHAN Philippe, DUQUESNE Martine, Repenser le territoire de la maison, Vivre en maison individuelle, architecture, urbanité, op. cit P51 177. Ibid. p53 178. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017 179. Par l’agence Couleur Nature - Se référer à la fiches projet en annexe page 177 180. BERNETTE Eva, Directeur de mémoire : Marie-Hélène Gay-Charpin, L’apport et la place de l’architecte dans l’auto-construction, Ensacf ,2013 p26 : Entretiens M. Dujauchay, janvier 2013 181. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017

à son usager. L’amélioration du niveau de vie et « les vertus ”d’ascenseur social ” dont est parée la maison » 174 sont autant de raisons qui ont permis à cette forme d’habitat de se répandre largement et d’être encore aujourd’hui si développé même si elle peut être connotée négativement comme une forme de normalité sociale 175 . Celle-ci est toujours plébiscitée par les foyers à revenus moyens, voulant néanmoins accéder à la propriété et posséder une maison avec jardin à un coût raisonnable. Cependant, on ne peut que déplorer la standardisation perceptible dans la maison pavillonnaire : « D’un point de vue formel, elle est très pauvre : un parallélépipède surmonté d’un toit, parfois agrémenté de quelques faux pignons, auvents et débords de garages, […] La distribution interne est aussi formatée […] Cette maison, sans recoin, sans espace de transition, sans place perdue, sans charme et sans mystère est une bonne réponse commerciale puisqu’elle séduit » 176. D’après l’article de Philippe Dehan et Martine Duquesne, Repenser le

territoire de la maison, la maison individuelle possède néanmoins un potentiel de transformation qui justifie partiellement de sa popularité. A l’opposé, d’après eux, l’image qu’on se fait des maisons d’architectes est celle d’une œuvre : « Alors que, pour l’habitant, la livraison n’est qu’une étape de la vie du bâtiment qui, qu’on l’ait ou non programmé finira par se développer, l’architecte conçois son œuvre comme une totalité finie » 177 . Ils ajoutent que les architectes

devraient alors changer leur manière de concevoir pour concevoir des maisons appropriables permettre cette appropriation et ainsi se recentrer sur les besoins du client.

La pratique de l’accompagnement à l’auto-construction se démarque en quelque sorte de cette image de « maisons d’architectes » comme œuvres finies car comme nous l’avons précisé, la réalisation d’une partie des travaux par le client va à l’encontre de cette image. Elle permet de plus à des foyers aux revenus modérés à bas d’accéder à un habitat individuel éloigné des standards de la maison pavillonnaire. Il arrive que l’auto-construction soit un moyen pour ces foyers à revenus modérés de « se démarquer du français moyen avec son pavillon » 178 . Les maitres d’ouvrages du projet de la Maison de Ceyrat 179 justifient leur choix de faire appel à un architecte en pointant le besoin d’avoir un habitat adapté, unique : « Les constructeurs […], c’est souvent par plan type, mais ils ne changent rien, la maison sera toujours la même. » 180 . Parfois on observe chez ces clients un retour vers des savoirs faire traditionnels. Caroline Chapellet raconte cet intérêt : « On a même un auto-constructeur qui nous a dit “ moi je veux de la maison paysanne” »

.

181

Les architectes avec lesquels je me suis entretenue sont tous trois arrivés

85 - Quelle production architecturale ?


à l’accompagnement à l’auto-construction par le marché des maisons individuelles. Jean Yves Masrouby et Caroline Chapellet ne font que des projets de maitrise d’ouvrage privée, presque uniquement de l’habitat individuel et ils semblent avoir fait le choix de cette exclusivité de domaine d’intervention. Loïc Parmentier a débuté sa pratique d’architecte par ce type de projet, plus accessibles pour un jeune architecte que des projets publics et tout aussi formateurs. Depuis il a diversifié sa pratique et ne fait plus beaucoup de projets de maisons individuelles, du fait notamment de l’absence de clients Il déclare cependant en parlant de sa pratique d’accompagnement à l’auto-construction : « j’adore faire ça, c’est un peu militant et je veux continuer à le

182. Entretien avec Loïc Parmentier réalité en Octobre 2017 183. MANIAQUE Caroline, Go West, des architectes au pays de la contre culture. Editions parenthèses, 2014.

faire parce que c’est aussi une manière de travailler au contact de ces commanditaires, de tous ces commanditaires. » 182. Cette façon d’appréhender la pratique me

permet de la voir également comme une manière pour ces architectes de défendre une expression architecturale dans la maison individuelle qui s’éloigne du stéréotype de la maison pavillonnaire, de l’habitat « prêt à consommer » et qui propose un modèle unique et adapté à son utilisateur, et surtout accessible financièrement.

Une expression architecturale de l’auto-construction ? L’image de l’auto-construction perçue par la société a été fortement influencée par les mouvements contestataires des années 70 aux Etats-Unis, dirigé par de jeunes intellectuels pour protester contre l’industrialisation exponentielle des modes de production, le capitalisme et la guerre du Vietnam. Pour ce faire, ils développent des modes de vies basées sur le communautarisme contre culturel et choisissent d’auto-construire leur habitat de façon quelque peu hors normes pour matérialiser leur détachement de la société de consommation. Ce type d’architecture revêtira les qualificatifs d’architecture douce, d’architecture sauvage et d’architecture marginale et préfigurera le mouvement écologique. La fascination autour de ces constructions influencera une génération entière d’architectes. Les matériaux de construction et les techniques employées étant souvent aléatoires dépendant des ressources immédiates, l’esthétique qui en découle semble assez hétérogène. Dans le livre Go West, des architectes au pays de la contre culture, 183 Caroline Maniaque présente des exemples d’autoconstruction réalisées de manière aléatoire qui attestent de ce désordre. On observe néanmoins des récurrences comme l’utilisation des dômes géodésiques

Partie 2 - 86


de Buckminster Fuller qu’on peut observer à Drop City, l’un des exemples de communauté autogérée les plus représentatives de cet engouement. Plus tard, d’autres typologies seront exploitées par les auto-constructeurs comme l’utilisation des sacs de super adobe et les formes coniques qui caractérisent son utilisation. Cette période façonnera en partie une image de marginalité et d’esthétique caractéristique que certains associeront à l’auto-construction. Aujourd’hui cette image semble s’être quelque peu nuancée par le regain d’intérêt pour l’auto-production et pour les valeurs traditionnelles. Parmi les projets analysés, ce qui se dégage clairement c’est l’absence d’une expression architecturale unique, autrement dit, aucun « style » d’architecture auto-construite ne se dégage. En effet, bien que, comme nous l’avons vu, il existe une certaine récurrence dans les matériaux et les techniques constructives employés, ceux-ci sont néanmoins exprimés de différentes manières. L’esthétique produite sur ces projets est variée mais on observe néanmoins des récurrences, notamment dans la générosité des surfaces vitrées. Pour la plupart des projets, la façade sud est très vitrée, comme on peut le voir dans le document ci-contre. De plus, on remarque que dans la plupart des projets, le rapport à l’extérieur est privilégié : on peut le percevoir dans le choix des ouvertures qui sont souvent des portes fenêtres vitrées qui donnent presque toujours sur des terrasses, parfois très grandes. Les projets de construction totale possèdent presque systématiquement des toitures à double pente ou à une pente. Il n’y a que le projet de la Maison de Montrottier dont la toiture est mixte : une partie est faite en toit terrasse et l’autre en toiture à une pente. Ces toitures servent à protéger du soleil au sud, on observe donc souvent un débord important et d’autres dispositifs comme les pergolas permettent de réguler cet apport solaire. Les revêtements de façade sont plutôt variés, souvent des bardages, de bois principalement, d’acier ou de plaques minérales (projet de Vetraz-Monthoux) et dans un cas l’enveloppe de la maison est couverte d’enduit (Maison d’Azergues). On ne peut pas réellement associer ces caractéristiques à l’aspect auto-construit des maisons, celles-ci pourraient très bien être associées à la conception de maisons individuelles en général ou encore à la conception bioclimatique, c’est pourquoi aucune expression architecturale de l’autoconstruction ne se démarque. En revanche, on peut discerner dans ces projets des formes d’expression architecturale propres à chacun des architectes. Dans la mesure de l’accès inégal aux projets des architectes que j’ai pu avoir, je vais tenter de démontrer

87 - Quelle production architecturale ?


Maison Local Agricole de Mornant - In Situ architectes

Maison à Montrottier - Atelier de Montrottier

Maison de Vetraz Monthoux - In Situ architectes

Maison d’Affoux - Atelier de Montrottier

Maison d’Azergue - In Situ architectes

Maison d’Aveize - Atelier de Montrottier

Maison à Ceyrat - Couleur Nature

Maison à Laschamps - Couleur Nature

FIGURE 14 Analyse de la proportion des ouvertures par rapport au plein sur les façades orientées au Sud pour chaque projet Documents retravaillés Source : In Situ architectes, Atelier de Montrottier et Couleur Nature

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cette hypothèse. En effet, n’ayant pas accès aux plans des projets qui me servent de comparaison, cette démonstration n’est pas exhaustive et traite surtout de l’esthétique et des volumes des projets. On peut émettre l’hypothèse que dans le cas l’application à ces projets d’une expression architecturale propre aux architectes est parfois plus plausible lorsque celui-ci suit le chantier en closcouvert. Loïc Parmentier a une manière de mettre en œuvre le bois qu’on retrouve dans ses différents projets, auto-construits ou non. On retrouve le bois sous plusieurs formes et pour différentes fonctions : en structure, en parement, au niveau des menuiseries et des cadres de fenêtres, des sols… Il semble que partout où l’utilisation du bois est cohérente, il est utilisé. Le bardage est souvent posé verticalement bien que les dimensions des planches ainsi que le type de pose varient d’un projet à l’autre.

FIGURE 15 Maison d’Aveize - Atelier de Montrottier - deserte couverte Source : http://www.atelierdemontrottier.archi/ADM_aveize. html

89 - Quelle production architecturale ?

FIGURE 16 Restructuration et extension des vestiaires du centre d’exploitation des routes à Annonay- Atelier de Montrottier et Atelier du Rouget. Source : http://www.atelierdemontrottier.archi/ ADM_annonay.html


La Maison d’Affoux et la Maison d’Aveize sont les projets les plus manifestes de cette expression du bois tandis que le projet d’auto-construction totale, la Maison de Montrottier semble sortir un peu de ce modèle car le bois y est uniquement utilisé en structure. L’auto-constructeur étant menuisier charpentier, on peut supposer que le choix d’un bardage acier est surement un choix esthétique plutôt que dû à un manque de connaissances. Dans les projets de Jean Yves Masrouby on retrouve aussi certaines caractéristiques récurrentes : le bois y est aussi omniprésent bien qu’exprimé différemment que chez Loïc Parmentier. Il est utilisé pour la structure qui est souvent en partie apparente, pour les charpentes traditionnelles qui sont très caractéristiques des projets de l’architecte, pour les revêtements de façades types bardage, parfois même en revêtements intérieurs…

FIGURE 17 Maison d’Aveize - Atelier de Montrottier - débord de terrasse Source : http://www.atelierdemontrottier.archi/ADM_aveize. html

FIGURE 16 Restructuration et extension des vestiaires du centre d’exploitation des routes à Annonay- Atelier de Montrottier et Atelier du Rouget. Source : http://www.atelierdemontrottier.archi/ ADM_annonay.html

partie 2 - 90


184. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017 185. Entretien avec Jean Yves Masrouby réalisé en Septembre 2017 186. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017

Enfin les projets de l’agence In Situ de Caroline Chapellet et Aurélien Gely semblent plus éclectiques au niveau des matériaux que pour leurs confrères, surement du fait des envies des clients. En façade, on retrouve autant de bardage bois que d’enduits. Là où on peut distinguer une expression architecturale propre, c’est au niveau de l’assemblage des volumes : en effet certains de ses projets gardent une forme assez simple et d’autres montrent des emboitements de volumes particuliers. Il y a un travail similaire sur l’expression des prolongements extérieurs couverts comme les terrasses, et entrées qui s’apparente un peu à un travail d’évidements. Enfin, il y a une réelle générosité vis-à-vis des ouvertures, de leurs tailles, de leurs formes et de leur nombre. Il semble que cette expression architecturale de la fenêtre est limitée par les différents publics qui font appel à l’agence, certains ayant des financements plus importants. Bien qu’il semble que les architectes appliquent en partie leur expression architecturale sur les projets analysés, lorsque la question a été abordée au cours des entretiens, il est apparu qu’il y a une conscience de la simplicité de l’architecture créée pour les projets d’accompagnement à l’auto-construction. Caroline Chapellet explique : « c’est conventionnel, c’est surtout très simple

vu que c’est une maison qu’ils vont faire, donc il faut que ce soit simple et puis souvent c’est aussi que c’est leur demande » 184. Jean Yves Masrouby a aussi ce discours : « J’ai fait des maisons super classiques, c’est plutôt de l’alimentaire. » 185. Caroline Chapellet a également exprimé une frustration vis-à-vis de l’expression architecturale des maisons produites : « niveau look c’est un peu frustrant parfois… Par contre elles fonctionnent. » 186, elle ajoute qu’elle accorde

plus d’importance au confort de ces habitats et à la cohérence du plan qu’à l’enveloppe qui pour elle ne fera pas la qualité de l’architecture produite.

En conclusion on ne peut pas parler d’une «expression architecturale de l’auto-construction mais plutôt d’expressions architecturales variées et propres à chaque architecte et à chaque client, même si basées sur des besoins, des ressources et des techniques similaires. Face à ces architectures parfois qualifiées de « conventionnelles » par leurs architectes, on peut se poser la question de la manière dont elles sont reçues par le monde de l’architecture.

91 - Quelle production architecturale ?


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187. DEVILLARD Valérie, JANNIÈRE Hélène, « critique architecturale », Encyclopædia Universalis [en ligne] Source : http://www.universalis. fr/encyclopedie/critique-architecturale/ 188. Maison Latapie, 1993 Source : https:// lacatonvassal.com/index.php?idp=25 189. NAMIAS Olivier, Qui est vraiment Alejandro Aravena, lauréat 2016 du Pritzker Prize ?, 2016, publication dans la revue d’a Source http://www.darchitectures.com

La réception par la critique architecturale Pour évaluer la reconnaissance de ces projets dans le « monde de l’architecture », il me parait intéressant de me baser sur la critique architecturale de manière générale. Pour cela, je m’appuie sur les revues spécialisées dans le domaine de l’architecture et de la construction qui attestent d’une partie de la production nationale et mondiale contemporaine. La critique architecturale peut revêtir plusieurs formes, elle peut aller « des textes de célébration de l’œuvre et de son auteur à la description technique et à l’analyse formelle du bâtiment ou du projet, aux textes théoriques, aux prises de positions doctrinales, ou encore aux chroniques de l’actualité professionnelle. » 187 .

Certains magazines publient des projets choisis en amont en mettant en avant principalement les qualités esthétiques de ces projets, sans analyser les qualités d’usages ou l’intégration au site. D’autres se consacrent à la critique, c’est-à-dire au jugement objectif de ces même projets, en prenant en compte autant les questions d’esthétiques que d’usages, d’histoire et de cohérence, d’intégration dans l’environnement etc. En analysant ces revues, il apparait qu’il y a très peu de médiatisation autour des projets auto-construits, sauf peut-être dans certaines revues spécialisées comme La Maison Ecologique qui est assez peu lue par les architecte. Au vu du peu d’appropriation du marché de la maison individuelle par les architectes, la proportion de maisons individuelles est de toute manière souvent plus faible dans ce genre de revues. Parmi les grands prix d’architecture, on ressence également assez peu de maisons individuelles, et lorsqu’un architecte reçoit un prix, c’est rarement pour ses projets de maisons individuelles, si c’est le cas, les budgets de ces projets sont alors souvent plus haut que les budgets de travaux des projets que j’étudie ici et l’architecture y est souvent totalement maitrisée. Pour nuancer cette affirmation on peut mobiliser le cas de l’agence d’architecture Lacaton et Vassal qui a réussi à affirmer ses convictions architecturales à travers un projet de maison individuelle 188 à moindre coût en utilisant des matériaux de construction agricoles. C’est en partie grâce à cette maison qu’ils ont pu affirmer une expression architecturale et plus tard, alors que leur pratique se diversifiait et touchait beaucoup de marchés publics, ils ont accumulé quelques prix nationaux. On peut aussi parler de l’architecte chilien, Alejandro Aravena qui en 2016 a reçu le Pritzker Prize, la plus grande distinction récompensant

93 - Quelle production architecturale ?


le travail d’un architecte vivant. Aravena est considéré par certaines critiques architecturales comme détenteur « d’une nouvelle architecture, plus sociale, plus utile, plus engagée » 189, d’après le même article « La notoriété d’Aravena s’est construite sur un unique projet, celui de la Quinta Monroy, à Iquique au Chili, en 2004. » 190.

Le but de ce projet était de proposer une offre de logement à moindre coût pour des populations très pauvres, le parti prit de l’architecte a donc été de choisir d’intégrer une part d’auto-construction aux projets : il a conçu les maisons de façon à ce qu’une partie soit laissée à construire aux habitants. Cette démarche a permis de construire cent maisons là où le budget ne permettait que d’en construire trente et a permis aux familles de rester dans le centre-ville. En France, le prix « Archinovo » est destiné uniquement aux maisons contemporaines, celui-ci existe depuis 2011 et est soutenu par le Ministère de la Culture et de la Communication, le Pavillon de l’Arsenal et la Cité de l’Architecture et du Patrimoine 191. Parmi les vingt-quatre projets primés depuis sa création, seule une des maisons a intégré une démarche autoconstruite 192. On remarque que c’est surtout l’image des maisons qui est mise en valeur à travers les photos donc les projets primés ont souvent une forme ou une esthétique assez forte.

190. NAMIAS Olivier, Qui est vraiment Alejandro Aravena, lauréat 2016 du Pritzker Prize ?, 2016, publication dans la revue d’a Source http://www.darchitectures.com 191. Source : http:// www.archinovo.fr/ 192. CLAAS architectes, Maison dans un pré, Les-Lucs-sur-Boulogne (85) disponible en ligne : http://www.archinovo. fr/maison/217/maisondans-un-pre 193. Entretien avec Caroline Chapellet réalisé en Aout 2017

Le point commun de ces projets est le statut d’auteur que possède l’architecte, la maitrise qu’a celui-ci sur l’architecture qu’il produit, mais aussi la forme et l’esthétique fortes qui sont générées et qui sont donc plus adaptées aux politiques éditoriales des grandes revues d’architecture. C’est le cas des projets d’Arevena ou de Lacaton et Vassal, on pourrait voir leurs projets comme « publiables ». A contrario, il se pourrait que les projets étudiés d’accompagnement à l’autoconstruction ne soient pas vus comme des projets maitrisés par le concepteur ou représentatifs de ses idéaux architecturaux. On a de plus comme je l’ai expliqué plus haut une persistance de l’image de l’architecture auto-construire marginale et contestataire des années 70. On ne peut donc pas vraiment dire qu’il y a une reconnaissance du monde de l’architecture pour ces projets dans leur expression architecturale, bien qu’il y ait une reconnaissance grandissante pour la démarche adoptée par les architectes. On peut également se questionner sur la façon dont les architectes eux-mêmes communiquent sur ces projets. Caroline Chapellet parle de certaines de ses conceptions : « […] il faut lâcher l’esthétique. Elles ne sont pas toutes publiables en

Partie 2 - 94


194. Se référer à la fiches projet en annexe page 165

. Il semble qu’elle ait conscience des habitudes éditoriales de la presse spécialisée de l’architecture et qu’elle ne soumette donc pas ses projets à ce type de critiques, elle communique néanmoins dans le milieu de l’autoconstruction. Loïc Parmentier est en quelque sorte celui qui est le plus « médiatisé » parmi les trois architectes entretenus, du fait de son appartenance au Collectif Virage, or il ne met pas en avant cette partie de se pratique bien qu’il soit mentionné qu’il est lui-même auto-constructeur. Sur son site internet, on ne retrouve que deux projets de maisons individuelles dont le projet d’extension de la Maison d’Aveize 194, et a aucun moment il ne mentionne l’intervention de l’habitant dans la construction. Enfin, cette question n’a pas été abordée avec Jean Yves Masrouby mais il me semble que celui-ci ne cherche pas particulièrement à communiquer sur ses projets, il trouve sa clientèle autrement et se détache d’une quelconque reconnaissance du « monde de l’architecture ». On peut donc aussi associer ce manque de « reconnaissance » par la faible communication des architectes à l’échelle nationale sur leurs projets. revue […] »

193

En conclusion, il semble que la pratique de l’accompagnement à l’autoconstruction est une manière de défendre l’implication de l’architecte dans le marché de la maison individuelle. Ces architectes apportent une qualité architecturale dans la maison individuelle des foyers aux revenus moyens loin du pavillon standardisé. L’architecture qui en découle est en adéquation avec les usages et les envies de la maitrise d’ouvrage. Cette architecture n’est pas caractérisée par une expression architecturale de l’auto-construction mais atteste plutôt de l’expression architecturale de chacun des architectes ainsi que des goûts et envies des clients. Peut-être du fait du statut d’accompagnateur de l’architecte, et non d’auteur, on remarque qu’il n’y a pas réellement de reconnaissance par la critique architecturale de ces projets. Bien que la démarche intéresse, la production architecturale qui en découle est quelque peu ignorée, sauf pour quelques projets aux formes et à l’esthétique peu commune visant des populations très pauvres. Cela vient peut-être également du fait que les architectes ne communiquent pas sur leurs projets à grande échelle.

95 - Quelle production architecturale ?


Partie 2 - 96



CONCLUSION


Conclusion

Une manière de pratiquer singulière L’accompagnement à l’auto-construction est une pratique singulière qui amène en effet une manière de pratiquer spécifique même si on ne peut pas dire qu’elle soit si différente que pour des projets plus conventionnels. Au cours de cette analyse, j’ai pu observer que les architectes avec lesquels je me suis entretenue se sont tous adaptés à des demandes de maitres d’ouvrage dues à un contexte économique, géographique et culturel. Dans beaucoup de cas, c’est la question économique qui dicte le choix de l’auto-construction et l’architecte accompagne ou impulse ce choix lorsque c’est nécessaire. Ces mêmes architectes interviennent souvent en milieu rural, non loin de leur agence, ce qui m’a amené à les qualifier d’architectes « de proximité », autant d’un point de vue géographique que social. Leurs compétences et centres d’intérêt tournés autour de l’aspect technique de l’architecture et la pédagogie leur permettent d’accompagner les auto-constructeurs avec justesse. Ces compétences ne sont pas différentes de celles mobilisées pour un projet conventionnel, tout comme les données de conception, elles ont en revanche une valeur différente car lorsqu’elles ne sont pas bien mobilisées, elles impactent d’autant plus le projet et l’autoconstructeur. J’ai diagnostiqué le temps et le budget comme des éléments clés dans la conception, bien que ceux-ci le soient dans tous les projets d’architectures, cette importance est ici décuplée. Les durées de chantier dans un projet autoconstruit sont souvent très longues du fait de l’absence d’outils, de main d’œuvre, de temps et de connaissances, l’architecte dans sa conception doit donc prendre ce facteur en compte et si possible répondre à la demande en réduisant ces temps de chantier. De plus, le besoin qu’a l’architecte d’évaluer les compétences de la maîtrise d’ouvrage pour adapter le projet est présent dans un projet conventionnel également sauf que celui-ci doit prendre en compte le savoir-faire des entreprises. Dans un projet auto-construit, c’est dans le rapport humain poussé avec la maîtrise d’ouvrage que cette compréhension est possible, et que le projet sera bien adapté. On peut peut-être néanmoins affirmer que certains architectes auraient plus de facilités que d’autres à concevoir un projet pour de l’auto-construction car les compétences bien que nécessaires à tous les architectes sont quand même poussées chez les architectes avec lesquels je me suis entretenue. Ceux-ci ont gagné en expérience en suivant ces projets.

99 - conclusion


Une architecture adaptée mais ignorée de la critique architecturale Une conclusion que l’on peut tirer de cette analyse est que cette architecture semble réellement adaptée à la maîtrise d’ouvrage. En se centrant sur l’habiter, elle répond aux habitudes de vies de ses utilisateurs et à ses besoins économiques et culturels. L’appropriation qui est permise par la réalisation d’une partie des travaux en fait un objet de fierté pour ses occupants et facilite la réception. On observe aussi un travail particulier sur le confort de l’habitation, notamment le confort thermique qui est effectué par l’utilisation de procédés bioclimatiques simples. C’est également un moyen pour les architectes de s’investir dans le marché de la maison individuelle souvent confié aux constructeurs et constitué principalement de pavillons. Ils permettent ainsi de diversifier les offres de conception pour les ménages à budget réduits. Les projets analysés ne permettent pas de discerner une expression architecturale de l’auto-construit, mais il est néanmoins assez clair qu’ils reflètent pour la plupart l’expression architecturale des architectes concepteurs. Malgré cela, la formalisation architecturale n’est pas forcément « forte » esthétiquement mais forte dans les convictions qu’elle porte. L’implication de la maîtrise d’ouvrage et l’adaptation du projet à celui-ci dépossèdent quelque peu l’architecte de son statut « d’auteur », ce qui joue surement dans le fait que les projets auto-construit, même lorsqu’ils sont conçus par des architectes sont ignorés de la critique architecturale en France. Pour faire un retour critique sur cette recherche, je dois préciser que l’analyse réalisée n’est pas exhaustive, elle mériterait d’entrer plus en profondeur dans les projets. Ma volonté première était d’avoir une approche globale, pour pouvoir dresser un portrait généralisé de ces architectes et des architectures produites dans des cadres d’accompagnement à l’auto-construction et il me semble avoir dégagé des récurrences. Mon analyse s’est néanmoins cantonnée à des documents à des échelles trop larges, pour approfondir cette recherche, il faudrait rentrer en détails dans les procédés techniques employés qui je le pense sont parfois assez ingénieux dans leur volonté de faciliter la tâche à l’auto-constructeur. La simplicité technique voulue dans ce type de projets ne veut pas dire qu’il n’y a pas de richesse de mise en œuvre, peut-être est-ce pour cette

CONCLUSION - 100


raison qu’un des architectes n’a pas voulu communiquer de documents techniques de ses projets, en mettant en avant le travail poussé qui avait été fait et l’envie de garder ce travail confidentiel. Toujours dans ce souci d’approfondissement et de continuité de cette recherche, je me rends compte qu’il m’aurait-il été utile de visiter ces maisons, qu’elles soient en travaux ou terminées, pour avoir les avis des auto-constructeurs mais surtout pour comparer la conception à la réalisation, pour en apprécier les qualités spatiales et pour voir éventuellement comment vieillissent ces projets afin d’appuyer mon hypothèse sur l’appropriation.

Un cadre assurantiel amené à évoluer pour une adéquation totale Ce que je peux pointer avec une quasi certitude c’est l’inadéquation des offres assurantielles à ce type de projet. Bien que bénéfiques aux architectes dans leur besoin de cadrer leurs prestations pour des projets dont les chantiers durent plus longtemps que la moyenne, elles ne leur permettent pas de répondre parfaitement aux besoins réels des auto-constructeurs. C’est notamment dans le besoin éprouvé par ceux-ci d’avoir un suivi de chantier un peu moins fréquent qu’on voit cette inadéquation : les architectes pour effectuer ce type de suivi de chantier se voient obligés de s’assurer pleinement, ce que les autoconstructeurs ne sont pas en mesure de financer. Des assurances de ce type sont en train de se développer, notamment par l’association Oikos mais la Maf, l’assureur principal des architectes devrait être amené à diversifier ses offres pour répondre à des projets auto-construits.

Vers une reconnaissance de l’accompagnement à l’autoconstruction Malgré une apparente absence de reconnaissance de la critique architecturale, certains acteurs publics s’intéressent de plus en plus à ces manières de faire de l’architecture. On observe un regain d’intérêt pour l’intégration des habitants aux processus de transformation de leur environnement bâti, qui passe parfois par la réalisation d’une partie des constructions. Cette demande est parfois même écrite dans les concours et les appels à projets de marchés publics comme celui qu’a lancé la commune de Sauxillanges dans le Puy de Dôme en

101 - conclusion


octobre dernier. La dénomination du projet laisse entendre la particularité de la demande : « marché de maitrise d’œuvre pour la construction d’une salle de sport et santé (dojo, salle de yoga) en construction bois et paille et partiellement réalisée en chantier participatif » 195 .

Ce projet se place en continuité d’un autre qui vise à redynamiser le centre bourg de Sauxillanges, pour ce faire la commune a mobilisé l’Association, un collectif d’architectes et d’urbanistes qui ont travaillé neuf mois sur cette étude urbaine. En mettant en place des résidences et en impliquant les habitants dans leurs recherches ils ont enclenché un processus de projet collaboratif qui a abouti à la génèse d’un équipement public en chantier participatif. Dans le CCTP 196 , cette volonté est clairement explicitée : « L’objectif est de

travailler avec une équipe de maitrise d’œuvre en capacité d’encadrer des chantiers habitants […] La municipalité souhaiterait ouvrir largement le chantier aux habitants et licenciés volontaires. La volonté, est de réduire, en partie, le coût de l’opération mais également de pouvoir développer un modèle plus écologique (exemplarité de la collectivité et sensibilisation des citoyens) et d’investir habitants et futurs usagers dans une démarche collective. […] Un chantier participatif ne s’improvise pas […]»

195. Nommé tel quel sur le CCAP et non sur le CCTP 196. CCTP : Cahier des clauses techniques particulières 197. CCTP Marché MOE salle de sport et santé, commune de Sauxillanges 198. Idem. 199. DCE : Documents de Consultation des Entreprises

197

Il est également précisé que pour départager les projets, « une grille évaluative, notamment sur le volet environnement et le volet auto construction, sera réalisée par la maîtrise d’ouvrage. » 198 Vis-à-vis de ce volet auto-construit il

est demandé entre autres aux architectes d’adapter les DCE 199 aux chantiers accompagnés, de mettre en place des bonnes conditions pour les chantiers bénévoles, d’évaluer les compétences des habitants et de les mobiliser en conséquence. On peut alors se douter que les architectes ayant acqui toute une expérience en accompagnant les maitrises d’ouvrage privées dans des projets d’autoconstruction seraient à même de répondre à ce type d’appel à projet. Au cours de cette analyse, il est apparu que ceux-ci ont des mécanismes de conception adaptés, et que même si pour la plupart ils ont rarement appliqué cette expérience dans des projets de maitrise d’ouvrage publique, ils seraient surement à même de le faire. Tout au long de l’écriture de ce mémoire, j’ai qualifié de « conventionnel » les projets n’intégrant pas d’auto-construction dans leur réalisation, faute d’adjectif plus adapté. Cela met en évidence le caractère encore quelque peu marginal de la pratique de l’accompagnement à l’auto-construction. Il est en tout cas intéressant de voir que celle-ci ne se cantonne pas aux maisons individuelles et aux maitrises d’ouvrages privées et commence à se développer à d’autres échelles, mobilisant alors l’expérience acquise par les accompagnateurs à l’auto-construction.

CONCLUSION - 102



BIBLIOGRAPHIE


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Webographie - 108


Iconographie

FIGURE 1. CHAMAND Yasmine (2017) Implantation des agences et des projets réalisés par chaque agence à l’échelle de la région Auvergne Rhône-Alpes. . Carte. FIGURE 2. CHAMAND Yasmine (2017) Implantation des agences et des projets réalisés par chaque agence à l’échelle de départements. Carte. FIGURE 3. Atelier de Montrottier Croquis du projet de la Maison d’Affoux FIGURE 4. In Situ architectes Croquis du projet de la Maison local agricole de Mornant https://www.insituarchi.com/ FIGURE 5. In Situ architectes Photo prise pendant les travaux de la Maison local agricole de Mornant https://www.insituarchi.com/ FIGURE 6. CHAMAND Yasmine (2017) Analyse des espaces de circulation «pures» et «investis» . Schémas FIGURE 7. CHAMAND Yasmine (2017) Tableau comparatif des surfaces «habitables» et du nombre de pièces des projets étudiés par rapport aux moyennes dans l’habitat individuel établies par l’Insee pour l’année 2013. FIGURE 8. In Situ architectes Plan du rez-de-chaussée, Maison de Vetraz Monthoux , Agence In Situ. FIGURE 9. In Situ architectes Photo de l’intérieur de la Maison de Vetraz Monthoux FIGURE 10. Atelier de Montrottier Plan de la Maison de Montrottier FIGURE 11. Ademe Schéma d’orientation optimale des pièces selon le besoin en lumière https://www.e-rt2012.fr/explications/ conception/explication-architecture-bioclimatique

109 - Iconographie

FIGURE 12. CHAMAND Yasmine (2017) Schémas d’orientation des pièces et d’apport solaire pour chaque projet. FIGURE 13. In Situ architectes Photo de la Maison local agricole de Mornant FIGURE 14. CHAMAND Yasmine (2017) Analyse de la proportion des ouvertures par rapport au plein sur les façades orientées au Sud pour chaque projet FIGURE 15. Atelier de Montrottier Maison d’Aveize. Photographie. http://www.atelierdemontrottier.archi/ ADM_aveize.html FIGURE 16. Atelier de Montrottier Projet de restructuration et extension des vestiaires du centre d’exploitation des routes à Annonay - Atelier de Montrottier et Atelier du Rouget. Photographie http://www.atelierdemontrottier.archi/ADM_ annonay.html FIGURE 17. Atelier de Montrottier Maison d’Aveize. Photographie. http://www.atelierdemontrottier.archi/ADM_ aveize.html


Iconographie - 110



ANNEXES


113 - Annexes


Annexes

GRILLE D’ENTRETIEN

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Entretien / Caroline Chapellet

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Entretien / Jean yves masrouby

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Entretien / loic parmentier

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fiches projet

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GRILLE D’ENTRETIEN

Thématiques générales à aborder Comprendre la pratique de l’architecte et les sources: - Parcours et convictions - Importance donnée à cette activité dans leur pratique générale. - Rôle de l’architecte dans l’auto-construction - Nombres et types de projets suivis Comprendre sa façon d’assister à l’auto-construction - Quelle façon de concevoir, quels apports pour le projet - Durée d’intervention/ implication dans le projet - Rapport au client, quels outils, quelles différences/ difficultés/ attentes des clients. Comprendre les éventuels impacts/ influences sur la façon de pratiquer en général - Les compétences de communication avec le client :La pédagogie, la communication - Le style architectural - Rapport à la mise en oeuvre et techniques constructives Comprendre les facteurs administratifs - Assurance et responsabilité - Rémunération

Comprendre la vision de ces architectes sur les mutations en cours de la pratique de l’architecture

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Questions types Pouvez-vous me parler de votre parcours, et d’un de vos projets qui représenterait le mieux vos convictions? Qu’est-ce qui vous a amené à pratiquer l’assistance à l’auto-construction? Quelle importance accordez-vous à cette activité? Quel rôle donnez-vous à l’architecte dans ce type de démarche? Quelle est la proportion de cette activité par rapport à tous vos projets? Sur quelles phases intervenez-vous? Dans quelle mesure intervenez-vous sur la phase de conception? Qu’est-ce que cela change dans vos relations aux clients ? mais aussi dans votre statut d’architecte ? Quelles sont les compétences fondamentales l’architecte pour ce type de projets? Vous semble-t-il que cette activité a changé votre façon de concevoir et de voir l’architecture, si oui comment? Iriez-vous jusqu’à dire que c’est une nouvelle façon d’aborder le projet d’architecture ? Dans quelle mesure réutilisez-vous les compétences acquises grâce à l’assistance dans vos projets conventionnels? Comment sont réparties les responsabilités/ comment vous assurez vous ? Vous sentez vous parfois limité par l’absence d’une offre d’assurance adaptée ? Voyez-vous une alternative à ces lacunes? Comment vous faites rémunérer pour de telles prestations? Trouvez-vous cette rémunération adaptée à la charge de travail et vous serait-il possible de vivre uniquement de cette activité? Comment voyez vous évoluer l’assistance à l’auto-construction à long terme? Comment pensez vous que l’on puisse améliorer le cadre de cette pratique?

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Entretien / Caroline Chapellet

Rendez-vous le 01/08/17 au sein de son agence In situ à Lyon / Durée de l’entretien : 1h30

Pour commencer je vais vous demander de me parler de votre parcours, de ce qui vous a amené à aider les auto constructeurs dans leurs projets... Moi j’ai démarré... je suis diplômée depuis 2008, de l’école de Lyon (silence). J’ai commencé en faisant pas mal de… enfin je me suis mise à mon compte tout de suite et je faisais au départ de la soustraitance auprès d’architectes (silence) petit à petit j’ai commencé à ... avoir des clients particuliers. Quand j’ai eu mon diplôme en 2008, c’est un diplôme que j’avais dessiné en paille porteuse, ça se voulait très écologique en tout cas. Et puis quand je suis rentrée dans le monde de l’architecture, de la construction plus exactement, je me suis dit que c’était pour rêver et que maintenant on allait faire de la vrai construction, et il n’y a pas de paille. En 2011 j’ai rencontré une association avec plein de gens qui construisaient en paille.Je me suis dis : “ Je suis trop bête, ils le font pour de vrai, pourquoi pas moi?” Et par la paille, c’est là que j’ai commencé à rencontrer le milieu auto-constructeur : parce que la paille c’est vraiment un système constructif qui attire énormément de marginaux en tout genre. Des gens qui veulent construire eux-même parce qu’en 2010/2011 la construction paille n’était pas encore réglementée et du coup il y avait beaucoup d’expérimentateurs Le premier auto constructeur pour qui j’ai travaillé c’était justement un projet de maison paille, c’est comme ça que ça a démarré! Et puis oui j’avais une fascination pour ces gens qui se lancaient dans un projet en se disant “ok je fais tout moi”, vraiment ça me fascinait. C’est un petit monde le monde de l’auto construction, la paille c’est déjà un petit monde mais l’auto-construction encore plus peut-être. Et lorsqu’un client est satisfait, , ça se répand comme une traînée de poudre (silence). Parce qu’il y a vraiment une démarche particulière quand tu travailles avec les auto-constructeurs, moi spontanément je suis allée vers ça, en me disant “ok ton projet c’est ça, c’est toi qui va construire, qu’est ce que tu aimes construire ? Est-ce que tu aimes la maçonnerie ? Est-ce que tu aimes le bois? Tu aimes quoi exactement ? Et du coup dessiner la maison en fonction de “c’est lui qui va la faire” “Si tu as besoin d’habiter sur ton chantier, ta maison on la réfléchit en deux temps. Donc tu construis une première partie d’abord, on fait en sorte que la salle de bain temporaire soit si possible la salle de bain définitive dans le projet complet”.On réfléchit vraiment avec l‘idée que c’est la personne qui fait. Donc il y a vraiment un impact sur la conception en fait dans le… par exemple vous prenez l'exemple de la temporalité... Oui c’est clairement ça ! Nous en tous cas c’est ce qu’on essaie de proposer, sinon ça veut dire quoi? Ca veut dire que tu fais un plan et que le client change tout derrière parce qu'il est auto-constructeur, il a besoin de vivre sur son chantier et la salle de bain n’est pas là où tu l’as dessinée donc le résultat

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est nul (rire). Donc c’est dommage ! Oui c’est sûr (Rire) Et pour vous,vis à vis de toutes vos expériences en rapport avec les autoconstructeurs, votre rôle en tant qu’architecte, c’est quoi? … D’aider les gens à trouver comment ils ont envie de construire ? Vous le définiriez comment? Souvent - c’est vrai que j’ai eu tous les profils en auto-construction mais quand même - souvent, ce sont des gens techniques, des gens qui ont réfléchi, qui sont allés très loin dans l’approche technique. Parfois, voire même souvent, ils sont meilleurs que moi en technique, soyons clairs, ils ont tout documenté, c’est des fous de l’internet, ils connaissent tout ! Ils ont fait pleins de chantiers participatifs. Par contre en architecture, c’est là que je leur apporte quelque chose parce qu’ ils réfléchissent vraiment sur la technicité du plein : Comment je vais visser mon osb par exemple, des trucs hyper pointus. Et puis après quand on habite dans la maison, on atteint les limites, notamment au niveau du plan. : l’entrée n’est pas au bon endroit, l’escalier n’est pas au bon endroit, les toilettes ne sont pas au bon endroit. Juste remettre les espaces aux bon endroits pour rendre le plan plus facile à construire et plus vivable tout simplement. Moi je mets vraiment l’accent là dessus, après bien sûr on parle technique mais, pour la plupart c’est pas tant là dessus qu’ils ont des attentes Ou alors je les calme niveau technique “non tu fais pas 15 systèmes de chauffage, t’en fais qu’un, t’en choisis qu’un” (rire). D’accord, donc vous vous sentez rarement en décalage niveau technique? Vu que vous intervenez plus sur la conception des espaces, l’organisation? Il y a une demande technique de leur part ou …? Il y a une demande technique mais je ne me suis jamais trouvée en difficulté sur ce point là. D’abord parce que très souvent les auto-constructeurs sont très autonomes et que si tu ne leur apportes pas la réponse, ils se débrouillent. C’est ce que j’ai rencontré, ou si je ne sais pas leur apporter la réponse et que ce n’est plus de mon ressort, je leur dis va voir untel, et du coup avec le réseau tu arrives toujours à trouver… (silence) Non sur l’aspect purement technique il n’y a jamais eu de vrai soucis, d’autant plus que la majorité des profils ce sont des gens ultra techniques, qui aiment ça et qui se débrouillent tout seuls. Et vis à vis de votre pratique générale, vous faites des projets qui ne sont pas de l’autoconstruction d’après ce que j’ai vu. Si on essayait de faire un pourcentage des projets d’auto-construction que vous suivez vous diriez combien ? Ca dépend des années, mais il y a une année ou c’est monté à quasiment 60% des projets, plus de la moitié (silence). Oui ça dépend des années, c’est fluctuant mais on a toujours une bonne part, là cette année encore on a eu quelques auto-constructeurs. Vous me disiez que vous intervenez surtout sur la conception. En fait vous intervenez tout au long de la construction aussi ou uniquement pour la conception? On intervient jusqu’au permis de construire et il y a certains auto-constructeurs avec qui on fait les plans techniques, le dossier projet en gros… Attends, je dis une bêtise, on a des auto-constructeurs

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partiels avec qui on allait jusqu'à l’ouverture du chantier. On avait fait la consultation des entreprises avec eux et après ils ont pris le relais. C’était une auto-construction où il y avais des entreprises et les clients ont pris le relais à partir du chantier. Donc là c’est vraiment fluctuant, on adapte au cas par cas, en fonction de : Est-ce qu’ils sont auto-constructeurs en totalité? en partie? en partie comment ? Qu’est-ce qu’ils se gardent pour eux? Est-ce qu’ils se gardent juste des finitions ou des choses techniques? Ca dépend vraiment et ça dépend surtout du budget qu’ils veulent allouer à l’architecte aussi. Et vous n’êtes jamais allés au delà de l’ouverture du chantier ? Il y avait un petit suivi de chantier ... Non, ou alors de manière informelle. C’est à dire qu’on aime bien savoir où ils en sont, on leur rend visite mais pas plus, on est vigilants là dessus parce qu'au niveau assurantiel c’est compliqué, c’est le truc où tu met le doigt dans l’engrenage et puis tu n’en finis plus. Déjà c’est des chantiers qui ne terminent jamais donc … (silence) Donc ça veut dire que vous n’avez pas d’assurance qui vous couvre sur les suivis de chantier ? Sur du suivi de chantier auto-constructeur il ne faudrait pas trop expliquer à la MAF ! Sur la conception il n’y a pas de problème, c’est assuré comme sur un projet normal, pas de problème, c’est sur le suivi de chantier que ce serait délicat. Parce que du coup au moindre problème, c’est le client qui est responsable car c’est lui qui construit, Le client n’a pas d’assurance donc ça veut dire que c’est l’architecte qui est responsable. Pour le moindre problème, c’est 100% pour l’architecte. Donc la MAF elle est pas d’accord (rire). Vous pensez que ce serait possible qu’il y ait une offre spéciale pour les assistants à l’autoconstruction? Oui, c’est en court ,c’est en court. Moi je suis élue chez Oïkos, je sais pas si je te l’ai dis. L’association Oïkos c’est une association qui a 25 ans et qui fais depuis 25 ans la promotion de l’éco-construction et dans cette éco-construction il y a beaucoup d’auto-constructeurs qui tournent. En ce moment, un des gros sujets qu’on a depuis un an, c’est l’assurabilité des assistants à l’auto-constructeur. Alors ça concerne pas tant les architectes parce que franchement on est pas les plus mal nanti sur le sujet, mais ça concerne surtout les entreprises qui ne font que ça : les artisans qui au lieux de faire de la prestation d’artisan font de l’accompagnement à l’auto-construction et eux ils ont pas d’assurance (silence.) Voilà donc c’est en court et normalement on nous dit que d’ici septembre 2018 ça devrait être possible d’assurer ces profils là, donc il y aura certainement une réponse architecte aussi qui sera proposée. Et ça ça se discute avec quels organismes ? Là ils sont en train de travailler sur le sujet avec l’association Oikos, les compagnons bâtisseurs. Ils travaillent avec un courtier en assurance qui va donc démarcher les grandes compagnies d’assurance : ils sont en train de monter un référentiel d’assurance type pour aller démarcher les assurances. Alors comment ils ont appellé ça ? C’est un acronyme … Le réseau REPAAR : réseau pour les professionnels à l’auto-rénovation. Et pas auto-construction.

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D’accord donc c’est amené à évoluer… Oui voilà, ça fait un moment que c’est sur le tapis et ça n’a jamais été près de déboucher sur quelque chose de concret niveau assurance. Donc si on essaie d’envisager le futur de l’assistance à l’auto-construction il faut se baser sur la création de cette nouvelle assurance… Une autre de mes interrogation c’est : qu’est ce que ça change vis à vis de votre rapport aux clients, les outils que vous amenez, les difficultées, les attentes spéciales des clients, ce sont des gens qui ont une idée précise de ce qu’ils veulent? Pas sur l’architecture. Pour la majorité, ils ont une idée très précise du système constructif qu’ils veulent mettre en oeuvre ou d’une performance qu’ils veulent atteindre par exemple en rénovation. J’ai eu deux clients auto-constructeurs qui étaient un peu plus sensibles à l’architecture, dont un qui voulait tout dessiner, et on a vraiment dessiné ensemble, on a fait des aller retours de dessins ensemble. Mais autrement tous les autres auto-constructeurs que j’ai eu, ils m'amènent un plan architecturalement discutable , techniquement peut-être intelligent mais architecturalement c’est vraiment pas terrible. Les espaces ça ne marche pas, la porte d’entrée est jamais au bon endroit etc... Je leur dis comment on va travailler. Ils m’expliquent pourquoi ils ont dessiné ça, puis je leur propose exprès de dessiner autre chose, avec les mêmes critères, Il y en a que ça surprend un peu. Et puis on signe la commande puis je dessine son projet comme il le décrit en terme de mode de vie. Sauf que je le dessine plus intelligemment en terme d’aménagement et là en général il fait “ ah oui c’est mieux, maintenant la technique!” et voilà et ça y est le projet architectural c’est plié on en parle plus. Dans la majorité des cas c’est ça. (rire) Je voyais ça plus compliqué vis à vis de l’attachement à leur projet… Franchement, pour la plupart, je suis très surprise de la facilité avec laquelle ils lâchent leur projet, c’est une généralité qui n’est pas toujours vrai, j’ai eu des contre exemples, mais pour beaucoup c’est la partie technique qui compte.Mais c’est le cas parce que je touche des autoconstructeur, des pailleux, des gens qui veulent de l’ultra performance, des gens qui viennent par la technique à l’auto-construction. J’aurai des auto-constructeurs plus conventionnels, ils seraient surement plus attachés à leurs plans. Justement, les auto-constructeurs qui font appel à vous ce sont des gens qui connaissent leurs lacunes en architecture ? Pas du tout,! Ils ne savent pas ce que c’est avant. En fait c’est simple avant de me rencontrer, ils n’avaient pas compris ce qu’allait amener un architecte. Pour la plupart ils pensent que je vais les aider à obtenir un permis de construire, à dépatouiller un architecte des bâtiment de France quand ils ont un ABF qui les embête, que je vais les aider sur l’aspect technique et ils découvrent en fait c’est quoi l’aménagement spatial, c’est quoi la spatialité. En gros ils découvrent c’est quoi l’architecture. Ou alors ils ont une demande sur le bioclimatisme mais ça ils ont déjà essayé de se débrouiller tout seul (silence). Ou alors des fois c’est quand ils sont en couple, c’est le compagnon ou la compagne qui

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dit “ va voir un architecte, ton plan il est pas mal mais ça serait bien de voir un professionnel !” (rire) Il y a aussi des gens qui sont obligés de faire appel à vous car ils sont au-dessus du seuil des 150m², le dialogue est le même? La majorité ils sont en dessous du seuil. Les rares que j’ai vu qui étaient au dessus, en gros il y a deux projets qui étaient au dessus et ce sont les deux qui étaient à part. Un des 2 projets était une très grosse rénovation où le client rêvait d’une architecture contemporaine. Le client savait qu’il lui fallait un architecte parce qu’il rêvait d’une architecture de revue. C’était des gens qui étaient sensibilisés et ce n’est pas du tout le profil autoconstructeur classique. Et lui pour le coup il a respecté mes plans à la lettre. Ils nous ont re-sollicité pour faire son calepinage de façade, ça coûtait moins cher si on déplaçait deux ou 3 trois trucs. On a revu ça ensemble et finalement il a fait pile ce qu’on a dessiné au calepinage près. Donc ça, c’était pile des clients qui étaient sensibles à l’architecture, à la composition et c’était exceptionnel hélas (rire). Et l’autre projet qui était au dessus de 110m2, là c’était très compliqué car il était très attaché à dessiner lui, mais ça s’est quand même super bien passé. Ils étaient super contents quand même mais il a fallu qu’on lâche tout les deux un peu de notre égo de concepteur (rire). Au niveau des compétences requises, en a parlé et vous disiez que vous n'avez pas vraiment eu de soucis vis à vis de la technique ? Moi je suis assez technique, j'aime ça, du coup on s'entend assez bien. C'est aussi pour ça que je suis arrivée auprès d'eux parce que ça me fascinait qu'ils mettent en œuvre et du coup, petit à petit en allant voir ce qu'ils faisaient, j'ai fais pas mal de chantiers participatifs. La technique ça me plaît aussi, il n’y a pas de soucis ils peuvent parler technique avec moi, ça ne me rebute pas et je sais leur répondre sur quand même pas mal de sujets donc ça c'est bien. Au niveau technique, il y a eu un échange dans vos projets ? Ils vous ont aussi apporté des choses vis à vis de ce qu'eux savaient et vous saviez moins ? Vous avez fais des chantiers participatifs, c'était déjà en tant qu'architecte ? J'étais déjà archi oui !, Quand j'ai découvert ce milieu je m'y suis tout de suite intéressée.J’ai fais pleins de chantiers participatifs, et donc c'est là que j'ai découvert des techniques alternatives qui m’ont permis de nourrir ma pratique pour les auto-constructeurs, et leur dire « ah ben va chez untel il a fait ça, c'est pas conforme DTU mais ça marche”, euh voilà (rire). Ce que tu ne peux pas dire à un client normal. Vous pensez qu'un architecte qui ne se serait pas intéressé à ce genre de pratique avant, ça serait plus dur pour lui ? Oui c'est quand même mieux.C'est quand même mieux parce que l'autoconstructeur, pour beaucoup

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d’entre eux, l'aspect réglementaire n’est pas important. Si tu lui préconises une solution alternative qui a fait ses preuves chez d'autres, ça lui va ! Lui ce qui va l'inquiéter c'est quelle quantité de chaux il va devoir porter, c'est ça qui l'inquiète (rire). D'accord, et toutes ces choses que vous appliquez sur ces projets d'auto-construction, est-ce que vous avez l'impression qu'il y a des choses qui ressortent sur vos autres projets ? Des fois c'est frustrant parce qu'il y a des choses qu'on peut faire avec les auto-constructeurs qu’on n’a pas le droit de faire dans un projet classique parce que c'est sur des techniques qui sont pas réglementées, et qu'une entreprise courante elle ne sera pas assurée.Tu n’as pas vraiment envie de porter l'assurance à sa place, vu que ce n’est pas une technique courante. Et du coup tu te retrouves avec une usine à gaz alors que bon ... (silence). Après ça dépend un peu du client et de sa sensibilité, parfois c'est un peu frustrant d'avoir recourt qu'aux techniques normalisées dans les projets classiques, alors que tu sais qu’il y a des choses qui marchent, c'est juste qu'elles ne sont pas réglementées. Donc quelque part peut-être que ça ferait évoluer la réglementation, ces projets d'auto-construction... parce que c'est ce qui s'est passé pour la paille au final. Ce sont les projets d'auto-construction qui ont amenés la réglementation paille à évoluer … Tout à fait! Et des associations comme Oikos, les compagnons bâtisseurs et compagnie, ils travaillent justement sur les mises au points de ces normes. Là il y a un gros travail qui est en train d'être fait sur la réglementation de la terre crue, Oikos n'y est pour rien dans le sujet. Il y a plein de techniques ancestrales qui n'ont pas de réglementation et qui sont mis en œuvre très régulièrement par les autoconstructeurs et par des artisans qui ne sont pas trop regardant sur la réglementation et puis comme ils savent faire ils ont pas besoin d'assurance. Voilà, là on est en train petit à petit de donner des cadres à tout ça, pour que ça puisse être fait notamment sur des chantiers publics. Tant que tu es sur du particulier tu fais un peu ce que tu veux mais dès que tu vas être sur des chantiers publics tu ne peux pas rigoler... C'est vrai que si on prend l'exemple de la paille, depuis quelques années c'est appliqué à des chantiers publics... Oui, alors l'avantage du chantier public c'est aussi qu'il existe des systèmes assurantiels spécifiques aux chantiers publics. Et c'est comme ça qu'on a pu faire de la paille depuis pas mal d'années sur les chantiers publics, avant même l'existence des règles professionnelles de la construction paille. Parce qu'il existe un cadre d'assurance, comment ils appellent ça ? … techniques expérimentales. Alors c'est une démarche particulière auprès de la MAF, et des autres assurances. Il faut être capable de montrer pâte blanche sur l'aspect technique mais l'assureur peut te suivre à partir du moment où ton maître d'ouvrage est d'accord pour dire « ok on va sur une technique expérimentale » et ça, ça a énormément

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servi le monde de la paille. (silence) Donc le monde de l'auto-construction et du chantier public se servent l'un l'autre autrement dit… Oui c'est tout l'entre deux qui est plus rigide en fait.Tout le monde de la construction, les logements collectifs, etc...où là c'est extrêmement rigide niveau réglementaire, où le coup des techniques expérimentales ça n’intéressera personne. Et niveau rémunération vous pensez que vous pourriez vivre uniquement de votre pratique avec les auto-constructeurs ? Là aujourd'hui je n'en ai pas assez. C'est pas qu’avec eux on gagne mal notre vie, franchement. C'est une mission qui est limitée au permis de construire, c’est la phase qu'on maitrise le mieux nous en tant qu'architecte et nous on sait assez bien caler notre temps sur ce genre de phase. Alors que les phases consultations chantier, c'est là où... tu sais quand tu commences, tu sais jamais quand tu finis. Par contre tes honoraires eux ils ont une fin, ils sont au forfait... maintenant,si on avait plus d’autoconstructeurs, effectivement ça ne serait pas inintéressant financièrement mais ils ne sont pas assez nombreux quoi. Des auto-constructeurs près à payer quatre ou cinq mille euros un permis chez un architecte, surtout quand ils sont en dessous du seuil, y'en a quand même pas beaucoup ( rire) Donc vous pourriez vivre de l'activité si vous aviez assez d'auto-constructeurs. Oh oui! Et puis franchement, en auto-construction on n’a jamais de clients chiants, alors que les autres (soupir). C'est surement parce qu'ils sont très autonomes en fait.Ils ne cherchent pas à te reporter la faute, ils prennent très facilement le projet en main en fait. Des fois trop, c'est frustrant « non non mais refais pas trop mon plan quand même ! » Il doit y avoir une certaine frustration de ne pas faire tout en entier niveau conception … Après il faut être conscient que le projet il va vivre sans nous, et que là ça dépend complètement du client. Est-ce qu'il va respecter ton plan ou le saboter sans même s'en rendre compte ? Ça c'est le plus frustrant, c'est quand il ne se rend pas compte de la qualité que tu as apporté et l'a bousillé. Ça ça me rend malade, “mais bon sang tu n'avais pas vu que ça marchait avant ce qu'on avait dessiné et que là tu nous a fais un truc nul” (rire). Tu vois il change par exemple l'aménagement intérieur ou l'emplacement d'un système technique ou un truc tout bête qui fait que tu avais dessiné un truc qui fonctionnait bien et là subitement c'est nul quoi. Et vis à vis de l'évolution de cette pratique, vous l'imaginez comment ? C'est une pratique qui donne l’impression de se répandre non? Je ne sais pas trop. J’ai l'impression qu'on est vraiment sur un marché de niche, les architectes qui font autant d'auto-constructeurs que nous à mon avis ils ne sont pas nombreux Il y en a eu un paquet quand même (silence). Et puis ils ne seront jamais assez nombreux pour alimenter l’architecte parce

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que le principe de l’auto-construction, enfin le truc le plus facile, ce sont les plans ! Enfin quand on voit ce qu’ils dessinent on se dit, “non c’est pas le plus facile” (rire). Du coup on est une économie facile quand t’es en dessous des 150m² surface de plancher. En général on est à 4000 euros hors taxes sur un permis, c’est une économie, forcément. Ils ont une envie de performance pour la plupart des clients, mais y’a une recherche d’économie c’est évident. D’accord, donc il n’y a pas assez de demande…

PRÉSENTATION DES PROJETS : Maison d’Azergue Celui là c’est un projet paille, le projet typique de la personne ultra technique qui arrive avec ses plans. Dès l’avant projet je lui redessine un autre plan, là c’était madame qui avait dit “on va peut-être passer par un professionnel quand même ” (rire) Il avait déjà beaucoup réfléchi, il voulait de la construction paille, il voulait le faire lui-même, il avait beaucoup réfléchi au système constructif, il voulait le système complet de la VMC double flux. Tous les gadgets techniques possibles et imaginables. Par contre son plan n’était pas terrible… Surtout qu’il avait un terrain un peu compliqué, donc là tu vois on avait fait une proposition de plan, c’est passé tout de suite. On a changé un tout petit peu l’esthétique. Au final la pergola au lieu d’être gris sombre elle est devenue gris clair. On a quasi rien changé ! C’est aussi pour ça qu’on s’en sort bien sur ce type de projet parce que les autres entre l’esquisse et l’avant projet, ils avaient énormément de modifications, alors que là sur ce genre de projet on a peu de modifications, d’une phase à l’autre. Qu’en dire sur ce projet? Bien sûr il voulait une maison passive et son terrain ne s’y prêtait pas facilement. Le sud est en bas de la parcelle et sa parcelle est orientée est-ouest donc c’était pas facile. L’idée c’était de lui proposer la maison la plus fine possible qui va chercher la vue.Il a son terrain qui descend jusqu’au bord de la rivière c’est sympa comme tout, mais par contre la façade principale qui prend bien le soleil de ce côté simplement parce qu’on cherche à faire de la performance. Le but c'était à la fois.. l’angle principal de la maison, c’est là qu’il se passe quelque chose d'intéressant. Et puis de cantonner les accès au nord avec cet angle qui était mal fait et que celui-ci soit avalé si possible par le garage. Le plan était pas facile à aménager parce que la maison était très très étroite et on avait du mur paille à 55 cm d’épaisseur fini je crois. En auto-construction on sait que ce sont des chantiers qui durent très longtemps et chaque mètre carré même s’ils ne les payent pas très cher parce que c’est eux qui font tout il les payent cher en temps. Donc l'idée c’est de leur dire on fait le plus petit possible pour que ça aille le plus vite possible. Donc on cherche vraiment sur tous nos projets d’auto-construction à rentabiliser le plus possible. On est donc sur des projets le plus compact possible : ça tombe bien ça marche bien avec du passif, et puis on optimise le plus possible en terme de surface. On a des auto-constructeurs avec qui cette démarche elle ne passe pas : ils veulent de l’auto-construction donc ils veulent 200m², j’essaie de leur faire faire 180 mais… Le discours qu’ils nous avaient sorti c’est “si je le fais moi c’est justement pour avoir la maison Hollywoodienne que je pourrais jamais me payer” , puis bon divorce à la clef et compagnie. Hélas. Le premier projet qui avait été conçu avait une esthétique un peu différente : On lui avait fait une

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terrasse au lieu de remblayer le terrain.Puis au final on a remblayé le terrain pour que la maison soit de plein pied au lieu de suivre la pente. Donc au final à part quelques détails c’est exactement la même chose. La façade a un peu changé, la forme de cette fenêtre parce que effectivement on ne voyait pas correctement. Cette fenêtre là qui donne dans le vide sur séjour, dès que t’es assis à l’étage tu vois plus grand chose donc on était partis sur une plus grande baie qui permettait d’avoir plus de visibilité. Autrement le projet c’est le même. Le grand vide, le principe c’est que le soleil rentre bien même au solstice d’hiver, alors qu’au solstice d’été avec la pergola t’as pas un rayon de soleil qui touche la façade. Et ce projet il est en construction ? Oui, alors ça ce sont des plans qui datent d’octobre 2014, je crois qu’il a fini le garage… (Rire) Je crois qu’il n’est pas allé plus loin. Il a fait les fondations de la maison, et je crois qu’il a terminé le garage et puis il a eu une deuxième fille entre temps, il n’a pas le temps.Il continue à travailler en même temps donc a un moment donné il ne peut pas tout faire. Je ne sais pas trop où il en est mais la dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles il n’y avait que le garage qui était fait et c’était il n’y a pas si longtemps. Vous avez l’air de bien suivre les projets ... Oui, ceux avec on s’est bien entendus on prends des nouvelles, on est intéressés! Et puis pour savoir aussi si on peut leur envoyer des gens, dire “ils ont mis en oeuvre telle technique”, si on a de la demande on peut t’envoyer des gens, “tu en es où?”, “tu as quoi à montrer en ce moment?”. A la fois celui qui reçoit chez lui il est trop content d’avoir de la visite parce que souvent ils sont un peu seul donc ils sont contents d’avoir des gens intéressés, des fois des gens qui viennent faire un chantier participatif chez eux. Et les nouveaux ils sont trop contents d’aller voir ce qui est en train de se faire pour se faire une idée. Maison Local agricole de Mornant Autre chantier paille :là c’est de l’auto-construction partielle. C’est ceux avec qui on est allés jusqu’à l’ouverture du chantier. Eux, ils n’avaient pas trop dessiné de plan, l’auto-construction ils en ont fait un peu pour faire baisser le coût des travaux, c’était pas le projet de leur vie, ça les intéressait pas plus que ça. Donc là justement notre travail ça a été de trouver des systèmes constructifs et notamment le système constructif paille qu’on a mis en oeuvre ici, où justement ce ne sont pas des gens qui allaient passer leur temps sur internet. Il fallait leur trouver un truc où ils aient juste de la manutention. Ca permet que ce soit simple, que ce soit efficace et qu’ils soient très encadrés par les entreprises qui étaient là. Donc ils ont fait comme ça, le système constructif paille c’était vraiment un système qui se prêtait à ça, où toute l’intelligence de l’ossature bois et de l’étanchéité à l’air était chez le charpentier. Ce n’est pas nous qui avons inventé ce système, c’est l’entreprise bati nature qui l’a inventé , et qui est juste génial. Toute l’étanchéité à l’air est gérée par le charpentier, après l’auto-constructeur il mets sa paille. S’il l’a mets mal ce n’est pas notre problème. C’est juste pas très beau.,. Donc ça c’est super intelligent d’un point de vue technique. Ensuite,on leur a trouvé un plâtrier qui acceptait qu’ils prêtent la main sur le chantier, un électricien qui lui aussi acceptait qu’ils participent au chantier, un carreleur aussi et ça leur a permis de faire descendre les prix, pour des gens qui n’avaient pas envie de tout faire eux-mêmes mais quand même avec une réflexion économique.

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Le but c’est qu’en gros soit ils faisaient de la maison conventionnelle béton, soit ils se payaient la maison écologique de leurs rêves. Mais il fallait mettre la main à la pâte. Donc les artisans qui ont travaillé, le chantier viens à peine d’être terminé mais y’a quelques adresses qu’on va garder. Le client était super content du platrier, le carreleur on avait déjà bien bossé avec lui, l’électricien on avait encore jamais bossé avec lui mais c’est les clients qui l’avaient trouvé. ça s’est bien passé pour des gens qui veulent faire en partie mais qui ont pas envie de devenir électricien, qui ont pas envie de devenir charpentier, c’est vachement bien. Ce qu’il y a d'intéressant sur ce projet c’est vraiment la coupe, y’a un terrain hyper pentu. Donc il fallait chercher à s’intégrer le plus possible dans la pente. Là ça tombait bien puisque la pente était face au sud donc c’était parfait pour faire un peu de bioclimatisme. Tout le local professionnel qui est semi enterré, ça tombait bien : on devait faire des caves pour stocker les légumes. Du coup comme ils étaient dans une réflexion écologique, ils cherchaient a faire sans chambre froide, sans système de ventilation. Ca avait l’air de pas mal fonctionner. Au final on a fait des courettes de ventilation naturelle, on a enterré le projet donc ça a fait du frais naturellement. Et puis on s’est dit: “comme ils stockent des courges par exemple, ça dégage énormément d’eau”, l’idée c’était de dire: “si vraiment à un moment donné il y a un problème d’humidité on pourrait faire des enduits à la chaux pour gérer l’hygrométrie”, pour faire le plus possible sans systèmes mécaniques. Pour l’instant ils ont pas besoin d’enduit à la chaux, ça fonctionne comme ça. Et donc toute la partie à l’étage qui est en ossature bois paille, on voit un peu sur le plan : la partie ossature elle est à l’extérieur et la paille est rapportée sur l’ossature bois. e Du coup il n’y a pratiquement pas d'interactions entre l’ossature bois qui est gérée totalement par le charpentier et la paille qui est posée après coup par l’auto-constructeur quand il veut, à l’abris de la toiture. C’est à dire qu’il n’y a pas de problèmes d’intempéries qui est un gros problème du chantier paille : il fait ça à la vitesse où il veut, quand il veut. Donc dans la construction paille il y a des techniques que vous préconisez ? Il me semble que la technique du greb est très utilisée par les auto-constructeur ? Exactement. La technique du Greb je la trouve pas terrible comme technique. Déjà elle n’est pas conforme à la réglementation actuelle. Je me demande pourquoi alors qu’aujourd’hui il existe des réglementations qui fond que ta maison est assurable, pourquoi s’embêter avec une technique pas réglementaire? Aujourd’hui il y a pleins d’autre techniques qui existent. Je ne comprends pas l’attrait qu’il y a pour le greb. C’est une technique qui en mise en oeuvre de manière extrêmement complexe, où tu dois gérer du chantier humide avec de la paille, le contreventement, ça à l’air de tenir puisque les maisons faites en greb tiennent, n’empêche que personne ne sait dire par quelle opération du saint esprit ça tient, voilà. Et au niveau gestion de l’hygrométrie pour la paille, pareil, on sait pas trop comment la paille vit dans ces enduit : il y a du ciment dedans donc c’est pas… Normalement sur la paille tu mets tout sauf du ciment. Tu as une double gestion de chantier : tu as un chantier sec et un chantier humide, je veux dire tu choisis l’un ou l’autre mais tu ne t’embête pas avec les deux! Pourtant j’adore la maçonnerie hein, si je devais faire de l’auto-construction je ferais du béton, mais tu ne mélanges pas, ça ne va pas ensemble ! J’ai perdu un client comme ça en lui expliquant que la technique du Greb c’était pas terrible. Lui il voulait faire cette technique et je lui ai dit que franchement y'avait mieux, et on a pas fait affaire (Rire) Ils livrent la paille à l’intérieur de la maison, l’ossature bois est construite par Bati Nature et après le

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client n’a plus qu’à bourrer sa paille contre, et on la ficelle. Toute l’étanchéité à l’air est gérée par les panneaux de l’ossature bois. La seule interaction que tu as entre la paille du client et l’ossature bois du charpentier ce sont les fenêtres. Donc là pour la construction on est à 2000 euros du m², donc c’est quelque chose qui est cher. Les auto-constructeurs ils cherchent plutôt à taper en dessous, donc là il y a énormément d’entreprises qui participent, la part client est faible sur ce projet. Si c’était tout fait fournis par les entreprises on serait plutôt à 2400 euros du m², donc là on est à 2000 si tu considères qu’il y a que la paille qui est posée par l’auto-constructeur et eux ils ont dû descendre bien en dessous. On n’a jamais refais les calculs puisque du coup ils ont fait du carrelage, du plâtre, de l’électricité, et c’était pas prévu au départ. Donc là ils ont dû bien bien descendre le prix mais bon on n’a pas refait les calculs. Maison de Vetraz Monthoux Donc là c’est de l’auto-rénovation, les clients sont venus avec cette maison là : une maison pur jus années 60, une maison d’architecte. Elle était quand même bien dessinée, intelligemment conçue, c’est pas un sujet facile à travailler en tant qu’architecte… Par contre c’est une passoire thermique, rien à lui reprocher à l’époque où elle a été construite avec du simple vitrage, pas d’isolation du tout. Voilà donc la demande des clients c’était à la fois rénovation thermique très performante et à la fois ils voulaient une maison publiable en revue. Ils avaient deux trois images d’architecture un peu marquante en tête et ils voulaient ça, la maison bling bling. C’était pas facile parce que nous on l’aimait bien cette maison au départ et pour sortir un projet ça a été un peu difficile. J’avais pas envie que l’archi qui avait fait ce projet se retourne dans sa tombe sur ce qu’on avait dessiné (rire) parce que je trouve qu’il avait dessiné quelque chose de bien La première esquisse qu’on leur a faite… on en avait fait deux. En gros ils nous avaient fait un catalogue d’images marquantes qu’ils avaient vu et puis il y avait cet espèce de C qui revenait souvent dans l’architecture qui les avait séduit. Dans le projet qu’ils n’ont pas retenu on tombait juste la terrasse et on ne faisait pas d'extension. En général ce qu’on fait en esquisse c’est qu’on propose une esquisse où on essaie d’être le plus raisonnable possible en terme de budget par rapport à leur demande et puis une esquisse où on leur dit, “ regardez si on se lache un peu plus on pourrait aller vers ça” et là ça dépend complètement du client, qu’est-ce qu’on lache, le budget ou… Alors eux ils ont lâché le budget et du coup au final on est partis sur la deuxième version plutôt. L’idée c’est qu’on est allés coloniser sous la terrasse pour agrandir le séjour. La grande terrasse super profonde le problème c’est qu’en été c’est bien j’ai pas de soleil car elle est très profonde mais en hiver je n’en ai pas non plus. Ca c’était une des fautes de climatisme, et puis il y avait eu une extension dans les années 80 rajoutée par les propriétaires précédents. Quand on a vu le projet original de l’architecte on s’est dit, “eh ben voilà, il y en a encore qui ont saccagé un plan parce que c’était vachement mieux quand il n’y avait pas ce truc!” Et dans le projet qu’on a proposé on a cassé ce truc. On a démoli cette extension qui du coup mettait en second jour toute la cuisine, là on a fait un patio qui nous a permis de faire descendre de la lumière dans le sous-sol et d’aller éclairer ce sous sol gigantesque qui était trop fermé et on a donc une très grand pièce de séjour, le débord de toit est assez important pour protéger en été mais pas en hiver, et le fait d’avoir du coup le soleil qui rentre bien dans la maison. Sur la façade ouest on garde quelque chose de bien vitré parce qu'ils avaient une vue magnifique. La vue coté sud est pas très intéressante, dans la maison d’origine tu ne voyais pas dehors alors que maintenant… C’est pas trop moche, il y en a qui ont pire niveau vis à vis, au fond il y a le lac de genève, par beau temps tu vois même le gai du lac.

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Du coup ça c’est la première esquisse et après … sur le projet final c’est pas tout à fait le genre de matériaux qu’on a l’habitude de préconiser. Pour moi on est sur des matériaux qui vont passer de mode très très vite, surtout le machin rose, bon c’est le client il a vu ça dans la rue, il est allé chercher un échantillon chez le fabricant et il a dit : “je veux ça sur ma façade”. On lui avait fait une version qui nous paraissait moins facile à démoder, quelque chose de plus sobre, après on aime on n’aime pas… Après c’est une question de choix, au final il sont en train de réaliser ça et ça rend bien, moi j’ai juste peur de ce qu’on va en dire dans 10 ans, à mon avis ça aura pris un sacré coup de vieux. La pose des menuiseries, les reprises en sous-oeuvres, ça, ils ont fait faire. Après tout le bardage, l’isolation et tout, c’est eux, ça commence à ressembler à quelque chose. Finalement le fabricant avait plus le rose disponible alors on est en rouge vert. C’est lui qui voulait faire un calepinage régulier parce que forcément c’était moins cher., Il y avait vachement moins de chutes, et puis quand on a retravaillé ensemble et que je lui ai dis “oui c’était sympa avec la progression vers l’extérieur…” “ok on change rien, on fait comme ça” et puis il est très content. C’est mieux, on l’a dessiné avec le calepinage régulier c’était pas terrible ! Il n’ont pas encore fait leur sol, il y a encore l’ancien sol et le sol de la terrasse mais bon ils habitent sur place. Ils ont mis combien de temps pour en arriver là? ça fait deux ans et ils en sont au stade où tu as vu. Là c’est vrai sur les projets que j’ai montré on a beaucoup de paille mais chez les auto-constructeurs il y a beaucoup de paille. Là on se mets à avoir de la demande pour de l’auto-construction partielle, ils sont dans une toute autre démarche : de la location. Dans votre agence vous êtes combien ? On est deux archi, c’est mon compagnon. Et là depuis peu on travaille avec Marie qui est dessinatrice mais c’est surtout parceque je suis enceinte et que je ne travaille plus trop en ce moment. Dans l’auto-construction dans ce que je t’ai montré, au niveau look nous on est souvent un peu frustrés. Après je me fais une raison c’est pas ça qui est important; l’important c’est que la maison elle soit bien agencée, facile à vivre, que le plan soit intelligent, ça c’est vital et puis que ça marche bien niveau bioclimatique, t’es bien en été, t’es bien en hiver etc… Par contre souvent on est un peu frustrés au niveau look parce que … Bah il y’a la maison de Vetraz Monthoux là, on s’éclate un peu au niveau look et puis sur les autres on est sur des trucs … Mais bon… C’est conventionel ? Oui c’est conventionnel, c’est surtout très simple vu que c’est une qu’ils vont faire, donc il faut que ce soit simple et puis souvent c’est aussi que c’est leur demande. On a carrément un auto-constructeur qui nous a dit “ moi je veux de la maison paysanne” donc là on lui réponds “oh non tu es sûr?” Voilà. Donc au niveau look parfois on est un peu frustré mais bon parfois je me demande, est ce que notre métier c’est de faire … c’est pas important le look, c’est un vêtement.. tu as vu la maison de Vetraz Monthoux, je te la mets un coup en rose un coup en gris, c’est un vêtement, elle marche pareil, c’est la même ! Du coup bon faut lâcher… Elles sont pas toutes publiables en revue parce que ben bon voilà… niveau look c’est un peu frustrant parfois… Par contre elles fonctionnent !! (Rire)

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Après il y a des architectes qui sont très attachés à l'enveloppe, aux matériaux.. Peut-être que c’est parce que vous travaillez avec des auto-constructeurs que vous pouvez être aussi souple. Ca demande une concession quand même parce que dans notre métier on a cette culture de l’image, qui a de la gueule franchement, quand on rend des images qui ont pas cette gueule là, on est un petit peu déçus quoi… Mais du coup vous vous attaquez d’autant plus aux espaces … Oui oui, parceque ça ça t’oblige à te recentrer sur notre métier de base parce que des archis qui font de la pers et le projet n’est pas qualitatif derrière, il y en a pleins. Il y en a des pleines revues où le plans est complétement nul, et je t’ai fais juste des beaux vêtements. A mon sens, notre métier c’est pas de faire un beau vêtement. Le beau vêtement ils peuvent se le payer après, il peut changer. Par contre faire un espace qualitatif, où t’es bien en été, t’es bien en hiver, où t’as pas perdu de m² dans les couloirs. Là par contre c’est notre métier et tu te rends compte que sur le marché on est les seuls à savoir faire ça. Quand je vois en face de qui on est en concurrence on est les seuls à savoir optimiser un plan, de faire en sorte que les pièce elles soient orientées du bon côté, que tu perds pas des m² de couloirs à n’en plus finir, que la porte d’entrée elle soit bien située, l’escalier soit bien situé, pour que ça fonctionne en desserte, là par contre c’est notre force et y’a pas grand monde qui sait faire. Vis à vis des autres architectes ou de promoteurs …? Vis à vis des autres concepteurs qui sont pas architectes. Tout ce qui va être maîtres d’oeuvre et compagnie. Techniquement si on compare aux autres maîtres d’oeuvre, techniquement il y en a qui sont très bons mais sur la partie conception, zéro quoi ! ils ne savent pas dessiner un plan intelligent, ce n’est pas leur boulot ils savent gérer des entreprises, mieux que nous surement mais dessiner un plan intelligent, non zéro, c’est nul. On travaille avec certains maîtres d’oeuvre, quand on voit les plans de salle de bain qu’ils nous envoient c’est pas possible quoi, pourquoi tant de haine ? (Rire) Et là dessus on a vraiment peu de choses à amener en tant qu’archi. C’est pas tape à l'oeil, vraiment ça en jette pas. Mais c’est ça qui fait que la maison elle traverse les âges, le vêtement dans 10 ans il est démodé. Le plan qui peut évoluer parce qu'il a prévu de faire une extension, toute cette intelligence de bon sens paysan - avant ils construisaient comme ça - ça y’a plus grand monde qui l’apporte sur les projets.

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Entretien / Jean yves masrouby

Rendez-vous le 18/09/17 au sein de son agence à Clermont-Ferrand / Durée de l’entretien : 1h15

Moi j’ai toujours été animé par manier les matériaux et notre pratique même en temps qu’étudiant dans les dernières années… enfin on construisait. Après moi je me suis installé et j’ai enseigné un peu à l’école d’archi pour permettre aux étudiants de manier les matériaux. Je sais que maintenant à l’école d’archi c’est du théorique et il y a très peu d’étudiants qui vont sur les chantiers. Donc c’est ça qui vous a amené à faire de l’auto-construction et de l’assistance à l’auto-construction? C’était un peu dans l’aire du temps, là ce qu’il faudrait c’est qu’on parle de mon cursus. Quand j’étais à l’école d’archi, Massot c’était un prof, tu connais le père Massot? En 74 j’ai fais un dôme géodésique, j’ai voyagé au canada et j’ai vu ces habitats auto-construits, après je suis allé en Norvège, c’était une auto-construction vernaculaire. Après dans les années 80, 84, 90 on a fait des chantiers on était toute une bande de copains de l’école d’archi et on construisait. Donc c’était pas tout à fait de l’auto-construction mais on maniait les outils, on faisait de l’architecture et voilà… Après j’ai fais mon mémoire, faudra que je te le passe. Moi j’ai toujours été animé par ce besoin de construire, comme je disais avec trois bouts de bois on structure l’espace, et après quand j’ai fais mon mémoire je me suis installé, j’étais sur des petits chantiers, des chantiers de maison individuelle rénovation et donc on était tâcheron, on était constructeur et puis aussi accessoirement architectes, tu vois ? Ce qu’il y a c’est que dans ma démarche après j’ai fais pas mal de chantier où les clients faisaient eux même le second oeuvre. Tu vois là, ce sont les projets, projet malochet, projet Dambrun, moi je leur ai fait le clos couvert puis il s’est débrouillé pour faire l’intérieur, ce projet là c’est pareil, Perochon, je lui ai fais tout le clos couvert et lui il a fait l’aménagement intérieur. On peut dire que c’est une sorte d’auto-construction tu vois. D’accord, donc en général c’est de l’auto-construction partielle c’est ça? Oui le second oeuvre parce que c’est vrai que pour construire cette maison, il y avait une entreprise et puis bon, ils sont pris par le temps, mais après ils gagnent pas mal de temps, par exemple lui il était en retraite Dujonchay et il a fait tout l’intérieur, tout ce qui est électricité plomberie, tout ça c’est lui. Et tu peux les contacter, les voir un peu ! Par exemple tous les enduits extérieurs c’est pas moi qui m’en suis occupé, c’est lui … Donc ça c’est une réhabilitation? Oui oui, c’est une réhabilitation.

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Vous accordez quel rôle à l’architecte dans ce type de projet ? Vous trouvez votre importance …? Oui, parceque moi j’amène… dans ces projets j’ai fais le clos couvert tu vois, donc limite la créativité… Bon là il y avait beaucoup d’ossature bois, sauf la grande, oui il y avait beaucoup de bois donc tout le savoir faire que j’ai acquis sur les chantiers je leur donne et puis je fais partager aussi aux clients tu vois, clients qui sont devenu souvent les copains tu vois. Vous avez une phase de conception ensemble et vous vous intervenez dans la construction après? La conception oui, enfin comme tous les chantiers que j’ai, les gens ils viennent le voir, ils veulent des idées, de la concrétisation, il se trouve que là il y a la face auto-construite. C’est qu’après eux ils prennent en charge des lots, la serrurerie, le placo, les fenêtres, par exemple tu vois ce projet là … Malochet. (en cherchants dans le catalogue de ses projets) c’est une maison qui est au bord de la mer dans le Morbiant. Le client, “le copain”, lui il est directeur financier chez Peugeot, là il doit être en chine mais il voulait participer à sa maison; donc il avait pas le temps de faire, pi il avait pas les compétences de monter la maison, mais par exemple les fenêtres on les a posées ensemble, pi moi je l’ai aidé. (en montrant son atelier) Là ces travaux de bois, ça fait pas très longtemps je les ai fais moi même donc vraiment c’est plus ma pratique des matériaux que je fais partager aux clients. C’est lié au fait que vous soyez vous-même auto-constructeur…? Ben oui voilà, c’est cette dimension chantier, moi je passe peut être plus de temps en chantier que... l’ordinateur. Bon là j’ai un ordinateur pour les gestion de chantier mais tout les dessins d’ordinateur c’est Cédric un maitre d’oeuvre qui est à coté qui les fait. Moi je dessine encore à la main tu vois. D’accord mais en ce qui concerne l’organisation des espaces, vous faites ça en discussion avec clients ? Ah bien sûr Vous avez eu des cas où c’était de l’auto-construction totale ? Non, dans la mesure où pour l’auto-construction totale, ils ont pas besoin d’archi les gens. Moi j’avais décrit dans mon mémoire, bon à la limite ça peut être d’actualité, la pratique euh… Ce type de bâtiment on le trouve encore : les maison en parpaing, les gens ils construisent eux-même et tu vois pour ce type de maison mais ça ils n’ont pas besoin d’archi. Que ce soit construction, ou auto-construction ils n’ont pas besoin d’archi. Même dans le cas où c’était des maison de plus de 150m², où les gens étaient obligés de faire appel à vous ? Non non, cette histoire de seuil c’est pas… Non. Parce que soit les gens ils ont besoin d’un archi, moi j’ai beaucoup de projets de moins de 150m² mais ils passent par moi tu vois. Donc il y a des clients

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aussi, s’ils n’ont pas besoin d’archi ils passent par les maîtres d’oeuvre tu vois, par exemple ça ici, chantier Perrochon, il n’y a pas 150m² habitable... et … En plus je communique pas sur « Masrouby spécialiste de l’auto-construction Peut-être mais il y a surement du bouche à oreilles parmi les auto-constructeurs ? Oui Non. Moi je pense que les gens qui ont voulu participer à leur maison, c’était une opportunité. Celui qui vient de m’appeler c’est une personne qui veut des coordonnées: c’est pour une grande grange de 5m de long par 7m de large. Il est venu me voir et moi la première chose que je lui ai dit c’est « est ce que vous allez en faire par vous même ? » Il m’a dit oui. Il a trouvé un serrurier pour faire les lots de charpente, serrurerie et là lui il cherche un coût moindre que s’il passait par un archi ou une structure qui lui fait sa maison. Là il a déjà un devis global de 300 000 euros, c’est pas dans son budget. Donc il sait qu’il va falloir qu’il fasse de l’auto-construction ou qu’il s’occupe d’aller chercher. C’est pareil, les clients ils viennent me voir, je leur fais le permis de construire et après ils connaissent le maçon, le charpentier tout ça et ils font de la maîtrise d’oeuvre chantier. Il faut bien scinder aussi les différentes phases d’intervention de l’archi. Je ne sais pas ce qu’on vous en dit parce que l’architecte c’est pas nécessaire qu’il fasse une mission totale de A jusqu’à Z. Je comprends bien oui, donc souvent vous vous arrêtez avant le suivi de chantier ? De toute façon vous n’êtes pas assurés sur le chantier ? Oui, si je fais qu’un permis de construire ma responsabilité s’arrête au permis de construire. Si je fais après la consultation d’entreprise c’est 60%, si je fais tout le chantier c’est responsabilité à 100%. Vous avez des cours là dessus ? Je me suis surtout renseignée sur l’offre d’assurance pour les architectes assistants à l’autoconstruction, vu qu’il y a une partie faite par les entreprises c’est difficile d’assurer les architectes sur cette partie là. Oui mais ce qu’il faut c’est que toi en tant qu’archi, tu fasses une mission permis de construire ou une mission clos couvert avec le client et après il se débrouille. Tu es là pour lui donner des conseils mais tu es hors responsabilité. Donc vous vous arrêtez à une phase bien définie, avant que l’auto-constructeur intervienne ? Moi je m’aperçois qu’entre l’école d’archi et la réalité, y’a des choses... Par exemple lui tu vois, cette maison c’est un permis de construire, une maison en bois, j’ai trouvé le client par l’entreprise. Les clients ils vont souvent voir l’entreprise d’ossature bois avant et puis comme je les connais, l’entreprise dit « ben allez voir Masrouby, il va vous faire votre permis » donc moi je lui ai fait son permis, maison bois. Donc moi j’ai une maison jusqu’au permis de construire parce qu’il a déjà le charpentier, il a le maçon, il va avoir un coût global bien moindre qui s’il était passé par une entreprise dès le début. Mais moi, où je me garantit c’est que je fais un contrat: un contrat de maîtrise d’oeuvre. J’ai le client moi je suis là, la définition du projet, la mission, alors ce qui est très important « limité à la demande de permis

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de construire », les plans que je fais c’est qu’une demande administrative, c’est pas des plans d’exe. Demain si avec mes plans il va voir une entreprise et puis que l’entreprise construit mal, ça se casse la gueule, moi avec ce contrat... Vous êtes hors de faute… Oui voilà, parce que c’est une demande administrative, c’est pas des plans d’exécution donc tu vois je mets analyse du programme, élaboration, les honoraires, point barre. Après il faut quand même avoir une étude thermique, le client aura ça à sa charge. Donc là moi j’ai un parapluie d’ouvert, ça limite ma prestation. Après lui il fait, il construit lui même à l’intérieur, il fait ses plans et tout ça, si ça se casse la figure je dirais “c’est plus mon problème” (rire) Donc vous avec une assurance tout à fait lambda d’architecte ? Vous n’avez jamais eu de problème vis à vis de ça vu que vous vous êtes toujours arrêté à une phase fixe ? Non non et puis ce qu’il faut dire aussi, les entreprises, après moi je connais des entreprises qui vont faire les chantiers. Bon le maçon je le connais pas tu vois, après c’est au client de s’assurer que le maçon travaille bien, et qu’il est assuré… Peut-être que vu que vous connaissez les artisans vous pouvez éventuellement conseiller… Oui mais là le client son plaquiste je ne le connais pas, son maçon je ne le connais pas, je lui ai juste dis qu’il fallait qu’il fasse une étude thermique et un sondage géotechnique, un sondage de terrain, tu vois c’est quand même les paramètres contractuels de l’architecte c’est vachement important. Parce que après ils font de l’auto-construction, ils font appel à une entreprise, après c’est plus gérable, c’est plus notre problème. On a ce soucis des assurances professionnelles. Daccord. Et pour vous quelles compétences vous permettent de travailler sur ce type de projet, qui sont spécifiques à ce type de projet on va dire ? Silence. Je dirais pareil que d’autres types de projets, ce qu’il y a c’est que tu leur amènes… Parce que pour le client j’ai fais pas mal de chantiers, donc quand je lui dit, (en montrant son atelier) tu vois le bardage, c’est un truc très simple là, moi comme j’ai expérimenté ça je leur explique la chose naturellement tu vois. Je pourrais presque, s’ils ne sont pas expert, aller sur le chantier et leur faire voir tu vois. Ca c’est que j’ai fais pour les chantiers où c’était des copains il m’est arrivé sur des chantiers de continuer à poser du plancher ect… Enfin ça c’était pas une logique d’auto-construction c’était plus une logique de tacherons. Et ce rapport auto-constructeur architecte est différent ? Non, non. Non en plus.... ben le rapport est peut-être un petit peu différent parce que tu peux le … (long silence) Des fois tu leur amènes une plus value aussi, ou des fois bon ils savent construire donc bon alors ils savent tu vois. Et aussi le copain chez Peugeot je l’ai aidé à poser des fenêtres, il a fait du placo, il m’a demandé des conseils et moi je savais tu vois.

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Donc vos connaissances techniques sont vraiment utiles ? Oui c’est nécessaire quoi. C’est là où on en revient à la formation où quand tu parles avec les autoconstructeurs t’es dans le faire, le savoir faire, le faire savoir, de dire tu vois voilà, on mets ça comme ça, comme ça. Et si t’as qu’une formation standard de l’école d’archi des fois t’es pas à la hauteur. Mais que ce soit en auto-construction et même pour une pratique traditionnelle. Moi j’ai noté, je discute aussi avec les entreprises et puis voilà… Des fois les archis, ils me disent techniquement ils sont pas bons ! Euh, pour se rassurer, à chaque époque, même quand j’étais étudiant on disait “les archis sont pas bons” et j’ai expérimenté l’aspect technique. L’archi c’est pas que de faire un dessin et après … c’est aussi … Enfin ça on n’y peut rien puisqu’à l’école d’archi il n’y a plus d’ateliers qui permettent de se former là dedans. SI vous deviez faire un ratio, vous diriez que l’accompagnement à l’auto-construction ça à quelle place dans votre pratique générale ? Là maintenant, depuis un bout de temps j’en fais… 15%. Dans la mesure où moi je leur fais une prestation qui est clos couvert, après actuellement je fais quelques permis. Des permis où ils font les peinture, les sols, il y a un plombier et un electricien quoi. 10% peut-être. Les vrais auto-constructeurs c’est les baba cool, c’est les gens… T’es allée sur internet voir un peu les sites où il y a de l’autoconstruction? Oui, oui. Après il y a une grande variété de projets, on se rend compte du ressenti… ça à l’air très compliqué d’auto-construire totalement. Auto-construire totalement ils ont pas besoin d’archi hein… Peut être s’ils font une grande maison au dessus de 150m². Mais d’un point de vue de la qualité d’organisation et tout ce genre de question, pour vous c’est la même chose archi ou pas ? Ben (long silence) moi je pense que, je ne peux pas avoir un état statistique. L’auto-constructeur il fait son permis de construire, pour les matériaux il va sur internet, il prend des matériaux écolo, laine de mouton tu vois. Des matériaux plus ou moins certifiés. Après ils ne seraient pas venu voir un archi, tu vois. C’est quelque chose d’assez marginal quand même. D’accord, donc pour vous le fait même d’auto-construire, vu que c’est une pratique marginale ils ont pas besoin d’archi… Ben non. J’ai eu le cas de figure… C’est le frère d’une personne que je connais, c’est une maison en ossature bois, elle est vraiment banale quoi. Donc la personne en question, je connaissais son frère et son frangin lui dit “tu veux une maison en bois alors va voir Masrouby”. Il est venu me voir, moi j’ai fais le permis, il m’a dit texto : “ moi j’ai 150 000 euros mais je ne pense pas que j’ai assez pour faire une maison en ossature bois” , je savais que son frangin et lui sont de la montagne, ils avaient

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une pratique… ils avaient rettapé des maisons et tout ça, je lui ai dit: “ il y a une possibilité, c’est de faire faire les panneaux par un charpentier”, lui comme il met la main à la pâte avec le frangin, ils ont acheté que les panneaux qu’ils ont monté eux-même, ils ont fait la charpente ils avaient le bois tout ça et il a eu sa maison pour 150 000 euros, c’est vraiment de l’auto-construction. Moi je lui ai fait le..., je lui ai dis : “il faut aller voir untel qui vous fait les panneaux”, parce que sinon il partait sur une maison en parpaing donc il a fait le bardage extérieur… Je n’ai pas vu comment c’était le résultat, moi je lui ai fait son permis comme ça et puis il s’est débrouillé. En plus le bois il l’avait, donc l’entreprise l’a taillé, ils ont taillé tous les panneaux d’ossature donc c’était de l’autoconstruction, moi j’étais là pour le guider, pour lui dire “voilà, vous pouvez faire ça” et il est content, il a sa maison bois. En fait quand c’est de l’auto-construction même partielle ce qui change peut-être c’est le rapport au temps ? Oui ça prend plus de temps, c’est un peu ce que je mettais dans mon mémoire, si tu veux autoconstruire il faut plus de temps mais au niveau coût, budget, tu aura moins. Moi j’ai bien vu, de mettre en oeuvre un cloison en placo, la plaque de plâtre en elle-même ça coûte 2 euros le m², de monter une cloison par entreprise c’est 30 ou 40 euros donc le coût d’intervention de chantier il faut que tu le détache sur tes loisirs. Moi c’est ce que je dis, sois les gens ils bossent moins et puis ils font leur maison… Après il y a de l’utopie mais pas tant que ça. Regarde tu vas voir sur les chantiers le week-end, les gens qui montent des maison en parpaing ils vont chez brico dépôt, ils montent leur parpaing le dimanche, ça se fait pas mal. Bon après c’est une typologie très… je dirais pavillonnaire alors qu’on peut avoir de l’auto-construction un peu comme ... Mes références c’est ça (en montrant des photos de voyage), quand j’étais à l’école d’archi en 76, je suis allé aux Etats-Unis et puis j’ai découvert… à Vancouver sur une île, les gens ils prennent le bois sur la plage pour construire. Ils avaient végétalisé à l’époque. (En montrant d’autres photos) Bon ça c’est quand je suis allé en norvège, erasmus ça existait pas à l’époque, j’ai deux profs de l’école d’archi qui m’avaient poussé à aller en Norvège, bon ça c’est des habitats auto-construits aussi, vernaculaire. ( En montrant une photo) Bon ça c’était en 92, un copain archi, j’avais fais sa maison. Lui bossait et moi j’étais au chomage alors je lui construisait sa maison en bois. Vous l’avez conçu ensemble ? Oui oui, et on l’a construit ensemble. Lui il est toujours archi, il a 12 bonhommes. Le week-end on bossait ensemble et la semaine moi je continuais. Vous vous faites rémunérer comment sur ce genre de prestations ? Bon là, quand j’ai aidé le copain à poser des fenêtres j’avais une rémunération sur la coordination de chantier tu vois. Mais bon globalement je ne lui prenais rien. Après les clients une fois que j’ai fais le clos couvert, s’ils me demandent des conseils c’est gratuit tu vois. D’accord, et si vous aviez uniquement ce genre de projet là, est-ce que vous pourriez en vivre ?

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Non (radical) non et puis, c’est dur d’en faire un business, les auto-constructeurs c’est un peu … Ben moi j’ai en tête le baba cool, le gars qui est un peu... pas dans le système, il fait son truc tu vois. Il fait ses murs en chanvre … Pour vous ce sont des gens qui font de l’auto-construction pour sortir des techniques traditionnelles… Oui, maintenant c’est vrai que l’auto-cons y’a quand même les règles administratives, les permis de construire, les PLU, des fois tu as des règles très strictes. Après tu peux faire un permis de construire … tu vois la maison en bois, moi je leur ai fais le permis et ils se sont débrouillés. Après vis à vis de l’auto-cons il faut voir quelle est l’image qu’ils construisent. Parceque c’est vous qui signez les plan… Oui, et même si la maison fait en dessous de 150m² ils sont libres de déposer eux-même. Et vis à vis de l’image de la maison finale, ils se tiennent à vos plans... ? Oui oui, souvent c’est des gens qui … Il y a déjà des plans, c’est bien défini alors après ils font. Alors que l’auto-constructeur il va être plus aléatoire, ça dépend des ressources. Dans l’exemple de cette maison aux Etat-Unis, ils avaient un tas de bois, après chaque fois qu’ils avaient un gamin ils agrandissaient la maison. Mais ça c’est dur de réguler la chose, de formater le chose. Oui, vous vous adaptez à des choses différentes que sur un projet conventionnel... Oui… Est-ce que vous connaissez d’autres personnes qui font de l’assistance à l’auto-cons ? Ben les gens avec qui je bossais ils sont dans des agences, non non après je n’en connais pas. Après moi dans ma pratique je travaille vraiment avec le particulier, je fais pas de marchés publics parce que je suis tout seul. Et les archi que je connais ne font pas ça. C’est un concept qui est quand même marginal... Faudrait peut-être aller voir... il ya un marchand de matériaux écologiques qui s’appelle Kenzai, ils sont à Gerzat. Je pense que eux ils peuvent te donner des pistes sur les gens qui auto-construisent parce qu’ils vendent de la laine bois, tous les matériaux écolos. Là c’est quand même bien relié à l’écologie. Vous dites que les gens qui auto-construisent veulent souvent faire de la construction écologique. Oui et se démarquer du français moyen avec son pavillon... Et les projets que vous traitez, lorsque vous discutez de l’image de la maison, vous sentez des envies d’images type pavillon ?

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Oh oui oui, et puis moi les gens quand ils venaient me voir... (en montrant les projets) On voit que sur toutes les maisons le bois prédomine. Il y a des éléments communs... Après niveau espace moi j’essaie d’adapter, de faire des mezzanine pour les gamins, des mezzanines qui donnent sur chaque chambre... J’ai fais des maisons super classiques, c’est plutôt de l’alimentaire. Il y a un moment où il faut bien manger, tu fais un peu ce qui se présente, je sais que souvent les archi ne veulent pas faire ce qui ne leur plait pas, moi j’ai connu ça aussi. Ce que vous appelez alimentaire c’est quand le projet est moins intéressant ? Oui oui, c’est pour gagner des sous, et payer les charges. Et les projets avec les auto-constructeurs vous les considérez comment ? Ce sont ceux qui ne sont pas alimentaires ? Non parce que y’a beaucoup de maisons que j’ai fais où ce n’était pas des auto-constructeurs. Mais y’a une dimension de faire partager, d’artisans à artisans. Peut-être que je suis architecte par défaut, je suis plus peut-être charpentier... Bon il se trouve que je suis architecte.

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Entretien / Loic Parmentier

Rendez-vous le 11/10/17 à l’école d’Architecture de Clermont-Ferrand / Durée de l’entretien : 1h

Premièrement, j’aimerai comprendre comment vous intégrez cette notion dans votre pratique, est-ce que vous avez fait beaucoup de projets d’accompagnement à l’auto-construction ? Si on devait faire un pourcentage … Un pourcentage je ne sais pas, moi déjà je suis installé depuis 2014, et je suis installé dans un territoire rural : les Monts du Lyonnais, à l’Est de Lyon. Donc c’est un territoire entre Roanne, Saint-Étienne et Lyon qui est à la fois très dépendant de ces métropoles mais qui en même temps a son autonomie sur pas mal de points. Et donc c’est un territoire spécifique, par sa géographie, sa culture... et moi quand j’ai commencé à travailler sur ce territoire j’ai commencé sur de petits projets de réhabilitation ou d’extension de bâtiments existants pour des particuliers. Et donc c’est là que je me suis vite rendu compte que le système de la loi MOP qui définit comment doit en gros s’établir une étude d’architecture pour un maître d’ouvrage n’est vraiment pas adapté pour ces petites missions un peu singulières parce que en fait souvent c’est des tout petits montants de travaux, avec des situations très complexes, dans l’existant, avec des extensions très imbriquées. En gros si on commence à mettre un pourcentage de travaux sur un montant de travaux qu’on ne connaît même pas et qui est tout petit on ne s’en sort jamais. Si on commence à dire qu’il y a 15 phases au client pour aboutir un projet, il part en courant il ne comprend pas et surtout ça ne fait pas avancer le projet quoi. Donc j’ai vite compris qu’il fallait procéder autrement. j’ai plutôt proposé des forfaits et des solutions sur mesure en fonction des situations. En fait j’ai adapté au contexte. Et en proposant ces missions adaptées au contexte, je me suis aussi rendu compte que la plupart du temps les gens, parce qu’on est quand même sur un milieu rural assez pauvre, on a des projets avec des montants de travaux le plus faible possible. A chaque fois on me dit qu’il n’y a pas de finances et à chaque fois on me demande un programme qui n’est pas en adéquation avec le budget. Souvent le programme est ambitieux et le projet est trop petit. C’est un peu systématique. Donc en fait il y a une logique économique dans ce travail avec ces particuliers, ces maîtres d’ouvrage et cette logique économique. Ca passe aussi par ne pas les assommer par une étude architecturale qui soit démesurée par rapport à leur projet. Donc trouver une mission adaptée, ne pas en faire plus qu’il n’en faut tout simplement, pour que le projet sorte parce que j’ai eu le cas où je proposais des choses un peu classiques, soit ils partent en courant, soit en fait on ne finit pas parce que c’est trop complexe, c’est trop, ce n’est pas adapté.

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Et en fait dans cette recherche économique souvent la plupart des gens ont pris conscience qu’ils pouvaient faire quelques petites choses eux-mêmes parce qu’en plus on est à la campagne, ils ont toujours un ou deux copains artisans qui savent faire des choses. La plupart du temps j’ai affaire à des bricoleurs, plus ou moins du dimanche mais qui ont des compétences. J’ai aussi affaire à des artisans qui font appel à mes services parce qu’ils ont besoin de concevoir parce que ça ils ne savent pas le faire, par contre ils savent construire. L’auto-construction est venue par elle-même dans ce besoin économique et puis ce milieu. Je pense que si je travaillais dans un milieu très urbain j’aurais un peu moins de bricoleurs de fait, un peu moins d’artisans en face de moi. C’est aussi qu’il y a beaucoup d’artisans ou d’agriculteurs qui sont bricoleurs. Donc voilà pourquoi j’en suis arrivé à accompagner des personnes à l’auto-construction. Et du coup en fait la plupart du temps je propose des missions et je les adapte. Celui qui est très auto-constructeur, qui veut faire beaucoup de choses, moi je vais plutôt participer beaucoup à la conception, je vais lui proposer un forfait pour l’accompagner pendant le chantier mais ça va être extrêmement léger, forfait un peu light où je passe deux trois fois, c’est vraiment pour des conseils. En gros ça me permet de payer mon assurance moi en tant que concepteur parce que je dois être assuré si je viens sur le chantier. Il y une autre solution c’est de pas y aller du tout, mais ça arrive rarement, ils ont quand même toujours besoin d’un appui au moment du chantier, des phases importantes. Donc là on définit ensemble avec le maître d’ouvrage quelles sont les phases importantes. Parce que s’il est auto-constructeur à ce point il connaît quand même bien l’aspect technique donc on peut aller très loin dans la discussion et définir les points qui pourraient être bloquants sur lesquels il faudrait que j’intervienne. On définit à l’avance, c’est très clair, c’est écrit, je m’assure en fonction et voilà. Avec la MAF ce n’est pas toujours simple mais en fait j’ai pris le droit, on va dire les choses comme ça. Et vous spécifiez à la MAF que vous suivez des projets d’auto-construction ? En fait c’est un peu compliqué, moi je suis obligé de me sur-assurer parce que la MAF elle n’a pas trop de version light. Je me sur-assure, donc ça coûte un peu cher pour ce que c’est, c’est-à-dire pour faire une version light d’un suivi de chantier mais dans l’ensemble ça s’absorbe quand même parce que les auto-constructeurs sont quand même bien contents que je passe à ces moments-là. Après il y a des versions intermédiaires, je peux suivre le chantier que sur le clos couvert et puis laisser l’auto-constructeur faire la suite : le second œuvre. Ou alors il peut même, j’ai eu le cas d’une personne qui était prof en électricité, donc lui son truc c’était l’électricité donc il a dit « c’est moi qui vais le faire, je vais pas le faire faire, je sais faire » donc moi je lui ai dit « ben oui c’est évident » j’allais pas aller contre ça je trouve ça logique. En même temps il fallait que je suive tout le reste et l’électricité est complètement mêlée au reste, c’est à dire que tout le doublage, la plomberie tout ça, tous ces fluides sont emmêlés au reste du bâtiment et du corps de l’œuvre, c’était entremêlé. Parce que c’est facile quand on fait clos couvert, « tac » on réceptionne et puis ensuite le maître d’ouvrage il auto-construit le reste, et moi j’y vais plus. Que là c’était mêlé quoi, je suivais en même temps les choses qu’il faisait lui donc voilà... Donc en fait c’était le seul projet où c’était mêlé ? D’habitude vous faites toujours... ? Oui, j’essaie de séparer clairement au maximum en amont. D’abord pour des questions d’assurance et puis moi j’ai besoin aussi que les choses soient claires parce que sinon mon travail ne s’arrête jamais, après je fais tout ou rien donc j’ai besoin de savoir ce que je vais devoir faire et ça me permet aussi très

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vite de savoir si le maître d’ouvrage il sait ce qu’il fait. Parce qu’on rentre un peu dans le détail. Un maître d’ouvrage pour qui on suit le chantier, un privé parfois, il ne comprend pas tout ce qui se passe. Il fait confiance, ça se passe comme ça. Alors que là on a besoin de rentrer dans le détail. Donc à partir de là je vois très vite s’ils savent ce qu’ils racontent, si je sens que l’auto-construction va se dérouler correctement aussi ; parce que je n’ai pas envie de les mener à quelque chose qui ne fonctionne pas non plus. D’accord, mais du coup en général ce n’est pas forcément des gens qui viennent vers vous parce qu’ils ont envie d’auto-construire en partie, c’est juste que vous, vous leur conseillez … Moi je me dis que s’ils savent... parce qu’on est systématiquement dans la recherche d’économie. Ce qu’ils savent faire eux-mêmes c’est déjà une économie. Ce n’est pas qu’une économie, c’est aussi une manière d’impliquer les gens dans leur projet. Les auto-constructeurs ils ont une grande fierté de ce qu’ils fabriquent et c’est normal, et surtout ils apprécient différemment ce qui est fabriqué, ils ont vraiment l’impression d’avoir participé et de s’être approprié le projet. Ducoup on n’est pas du tout dans la même démarche, et ça c’est hyper intéressant, moi ça me plaît beaucoup cette notion là. En plus il y a clairement un lien économique. Après faut avoir l’habitude de les accompagner parce que certains disent « ça je vais le faire, il n’y a pas de problème », ils ne se rendent pas compte. Ils ne se rendent pas compte que c’est démesuré, qu’ils vont y passer leurs vacances et que ça ne sera pas fini, et ça sera mal fait. Donc il faut aussi sélectionner, faut très vite réussir à cerner qui est en face de nous. J’ai un charpentier en face de moi, je connais ses compétences. Si j’ai juste un auto-constructeur du dimanche qui a déjà bricolé un peu mais qu’en fait il n’a jamais mené des travaux lui-même, il ne s’est jamais organisé, ça peut vite être très compliqué. Toute cette connaissance vient aussi du fait que vous avez auto-construit votre maison non ? Oui ça part de là. Moi j’ai un rapport à la construction qui est assez direct, c’est d’ailleurs en fait mon premier rapport à l’architecture: par la matière et la construction. J’ai commencé à faire des travaux avec mes parents, c’est ce qui m’a donné goût à l’espace et à l’architecture. C’est venu de là en fait. Et j’ai toujours eu ce goût là, j’ai continué et depuis j’ai construit ma maison tout seul, en 4 ans les week-ends avec ma compagne, en partant d’une ferme qu’on a à moitié déconstruite puis reconstruite. Des travaux assez lourds... J’ai fait tous les corps de métier dans un projet de maison. Je n’ai pas du tout la prétention de tout connaître, absolument pas, par contre je me suis un peu coltiné toutes ces questions, concrètement, avec toutes les difficultés que ça comporte. Donc je me suis un peu approprié ces questions techniques et ça m’a donné un bagage qui est confortable pour un archi, qui permet déjà d’échanger, de comprendre, de sentir et d’anticiper un certain nombre de situations. Mais ça c’est quotidien, c’est dans mon métier. Le rapport à l’auto-constructeur... Je connais aussi la difficulté que c’est de se lancer dans un truc qu’on ne connait pas parce qu’il y a pleins de trucs dans lesquels je me suis lancé, plein de travaux que je n’avais jamais fais, je savais pas comment faire, je savais pas avec quoi... Donc je me suis renseigné, j’ai pris le temps de. Et donc je sais ce que c’est que de se lancer dans un truc qu’on ne connaît pas. Et ça me permet d’accompagner un auto-constructeur, je me suis déjà retrouvée dans ces situations là. Et du coup vous accordez quelle importance à cette activité là ? Tout à l’heure je demandais combien de projets vous aviez déjà fait avec ce fonctionnement...

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Des projets comme ça, où il y avait une part d’auto-construction j’ai dû en faire... je ne sais pas... parce qu’en fait aujourd’hui ma pratique a quand même beaucoup évolué, je suis surtout sur des marchés publics, il se trouve qu’en ce moment j’ai beaucoup moins de marchés privés parce que ça, c’est un peu compliqué d’aller démarcher, soit il y en a soit il n’y en a pas. Au début j’en avais et, tant mieux puisque ça m’a permis d’avancer donc j’ai dû en faire je sais pas... un quinzaine, je n’en sais rien. De la micro-opération à la rénovation totale d’une maison avec extension, des choses plus ou moins importantes quoi. Et jamais d’auto-construction totale ? Si, j’ai eu un menuisier charpentier, enfin d’ailleurs qui fait beaucoup d’autres choses encore, pour qui j’ai fais uniquement la partie conception. J’ai fait la partie... selon la loi MOP je suis allé jusqu’au document de consultation des entreprises. Lui il n’a pas consulté d’entreprises mais il s’est basé sur ces documents là comme base d’exécution pour ensuite faire ses plans d’atelier et construire lui-même la maison. Je ne suis pas allé sur le chantier. Ça a d’ailleurs été une frustration pour lui mais je l’avais annoncé parce que sinon je devais faire payer les assurances, tout ça... c’est une frustration pour moi aussi. Là ce qui est compliqué en plus, c’était pourtant clair mais il a modifié des choses apparemment. Ça c’est dur quoi. Et il faut savoir accepter cette... appropriation, cette résilience du projet. C’est-àdire qu’on complique des choses, il perd de son intérêt... parfois. C’est ce que vous disiez, il y a cette facette d’appropriation qui est intéressante mais … En contrepartie il faut accepter que le projet c’est plus un projet d’architecture c’est un projet partagé. C’est un peu diffèrent quand même. Ça reste de l’architecture in fine parce que c’est habité, et tout ça mais c’est quand même autre chose parce qu’on ne peut pas avoir le même niveau d’exigence, c’est impossible. Et parfois on peut au contraire avoir de bonnes surprises, comme quand on rencontre une super entreprise et qu’elle propose de faire des choses sur un marché qui était défini, des choses encore mieux, là le savoir-faire de l’artisan est hyper plaisant. Et bien parfois chez l’auto-constructeur ça arrive aussi, ils ont des capacités, des compétences qu’on n’aurait pas imaginé, ça peut être en bien ou en mal. C’est quand même parfois en mal : des mauvais choix sans consulter. Moi je dis toujours que c’est intéressant de revenir consulter l’architecte pendant, si on se pose des questions et qu’on pense modifier quelque chose on peut en discuter. Moi ça me prend du temps mais je préfére le faire plutôt que de mauvais choix qui soient fait mais parfois ils ne le font pas. Et dans la phase de conception ils arrivent avec des projets déjà un peu pensés, ça se passe comment? ça se passe comme dans un projet conventionnel ou... ? Ben j’ai envie de dire : pour moi ça se passe comme dans un projet conventionnel, ça dépend du maître d’ouvrage. Il y a des maîtres d’ouvrage qui vont arriver avec des idées très préconçues, très définies qu’il va, la plupart du temps un peu falloir déconstruire pour avancer, sinon on part sur quelque chose qui est une adaptation parce que... Sauf cas exceptionnel, moi ça ne m’est encore jamais arrivé mais, quand un maître d’ouvrage privé arrive avec des idées préconçues trop importantes, la plupart du temps ce sont des choses décousues qui ne fabriquent pas le projet, ce sont des idées, une accumu-

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lation en fait. Il y a une sorte de travail d’accumulation d’idées, d’effets, de principes, et nous notre travail c’est la synthèse, l’architecte, donc on prend ces éléments et on les transforme, on en fait une synthèse, on se l’approprie, pour les réinterpréter pour en fabriquer un projet, une synthèse. Donc il faut un peu déconstruire ces idées là et c’est un dialogue, ça s’explique, c’est de la pédagogie, c’est de l’échange. De toute façon c’est des rapports humains pour moi l’architecture, c’est essentiellement un travail avec des rapports humains. Et du coup, il y a ce type de maître d’ouvrage là puis il y a d’autres types de maîtres d’ouvrage qui arrivent et disent « c’est vous l’architecte, moi je n’y connais rien, je ne sais pas comment faire, faites ce qui vous plaît, enfin ce qui vous semble le mieux » Ce n’est pas “ce qui vous plait” le terme mais “ce qui vous semble le plus adapté”. Donc là on sait faire aussi les architectes. Donc ça dépend du type de maître d’ouvrage que j’ai en face de moi. Donc c’est conventionnel, c’est classique pour moi. On pourrait croire qu’il y a peut-être un rapport à la pédagogie un peu différent justement quand c’est des gens qui vont autoconstruire une partie, on peut se demander s’il y a un rapport à la pédagogie que vous utilisez au sein de l’école qui se retranscrirait sur ces projets... Déjà, moi j’insisterais sur le fait que, l’architecte il doit être pédagogue, aujourd’hui. Et le fait d’enseigner à l’école ça va avec mais pour moi parler à un élu, parler à un maître d’ouvrage privé, il faut être capable de transmettre quoi, d’écouter, de comprendre la manière dont les gens interprètent ce qu’on montre, peut être le raconter autrement... enfin voilà, tout ce travail humain d’écoute, de pédagogie, il est pour moi essentiel chez l’architecte. Après c’est vrai que chez l’auto-constructeur ce qui est important il me semble c’est de cerner quel type d’auto-constructeur on a justement, est-ce que c’est un auto-constructeur un peu élaboré qui a vraiment des compétences, qui a travaillé dans le milieu artisanal, du bâtiment et qui va être capable d’apporter des choses au projet et ducoup l’échange va se faire dans ce sens? Ou est-ce que c’est un auto-constructeur par défaut, parce qu’il a pas l’argent, parce qu’il s’est dit qu’il fallait qu’il fasse tout lui-même mais qui en fait n’en a pas les moyens, que du coup va falloir caler dans l’autre sens en expliquant qu’il y a quand même un certain nombre de choses à faire faire, sinon ça ne marchera pas. Donc en fait il y a pédagogie, pour moi systématiquement, avec les auto-constructeurs peut-être que ça va un peu plus loin parce qu’ils s’impliquent dans la construction du projet donc il y a beaucoup de choses sur lesquelles on va échanger mais c’est aussi dans le rapport humain il va falloir cerner vers où orienter le débat parce qu’il ne faut pas prendre le risque de pousser un auto-constructeur qui saurait pas faire vers une auto-construction. Il faut doser tout ça. Mais du coup dans la conception en soit, dans la conception de l’organigramme par exemple ou le choix de matériaux, ça va être différent d’un projet conventionnel ou ça va être .. Il y a peutêtre des aller retours différents, une intervention différente du client…? Ben en fait chez moi non, je ne crois pas. Peut-être que chez d’autres c’est le cas… Parce qu’en fait je procède toujours comme ça moi, c’est-à-dire que, souvent les cas dont je parle, les cas que j’ai expérimenté c’est plutôt des rénovations de l’existant, intervention de l’existant, voire extension. Et du coup déjà l’arpentage avec les futurs habitants il est essentiel quoi, donc je passe beaucoup de temps sur place avec les habitants; beaucoup de temps avec les maîtres d’ouvrage pour échanger. En fait pour moi une esquisse c’est super long parce que j’échange énormément. Je fais déjà plusieurs aller retours

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dans l’esquisse pour comprendre les besoins, comprendre les capacités, les compétences quand c’est des auto-constructeurs, pour comprendre l’existant, pour comprendre les désirs… Du coup moi, systématiquement j’ai beaucoup d’échanges avec mes maîtres d’ouvrage, qu’ils soient auto-constructeurs ou pas en fait. Je dirais que c’est un peu comme une option qu’ils soient auto-constructeurs, ça ne va pas changer ma manière de faire, par contre je vais faire attention à un certain nombre de choses mais la démarche, je pense pas qu’elle soit vraiment différente. Ce qu’on peut se dire c’est justement parce que vous avez cette démarche là que vous pouvez travailler avec les auto-constructeurs… Peut-être oui, je suis assez persuadé effectivement qu’il y a d’autres architectes qui ne fonctionnent pas du tout comme ça et qui devraient adapter leur démarche s’ils devaient travailler avec des autoconstructeurs. Mais en fait c’est mon parcours et ma manière de faire aussi qui font qu’effectivement je suis capable de travailler avec des auto-constructeurs. Et est-ce que vous avez l’impression que ce rapport là impacte sur les projets conventionnels, par exemple des projets de marché public que vous allez faire, le dialogue…? En fait je vais parler d’une déviation qui pour moi est importante mais c’est ce travail humain en fait, parce qu’on parle beaucoup de ça quand même, moi il m’a permis par exemple de développer -dans un domaine connexe qui est l’urbanisme- des méthodes participatives assez … Je cherche vis-à-vis de ces questions là qui sont un peu innovantes selon moi, en tout cas j’essaye d’être un peu performant sur ce point de vue là, performant ce n’est peut-être pas le bon terme mais… d’intégrer ça systématiquement dans les études de bourgs que je mène. Le côté participatif pour moi est hyper important et le fait d’avoir eu ces démarches là précédemment ça me permet aussi d’avoir cette capacité de rapport humain à aller vers les gens et à avoir envie. Parce qu’il y a aussi plein d’architectes qui préfèrent travailler dans leur coin, c’est une question de comportement aussi quoi. Donc il y a ça et puis après sur les projets publics architecturaux je dirai des oeuvres architecturales dans des marchés publics, (hésitation) il ne faut pas croire, ce n’est pas parce que c’est un marché public qu’on n’a pas de l’existant qu’il va falloir arpenter, des habitants futurs ou des habitants qu’il faut reloger et du coup là aussi ça aide beaucoup. Et puis moi le rapport à la construction et à l’accompagnement à l’auto-construction me permet aussi d’avoir un rapport un peu technique à la construction, même d’un marché public, d’une architecture. Je dirai que ça va plus se voir au moment du suivi de chantier ou de la préparation du chantier avec les entreprises parce que quand on va parler de l’installation de la grue, du plan de chantier tout ça, ce sont des choses qui m’animent vraiment et sur lesquelles je vais échanger avec passion avec les entreprises, ça me plait beaucoup tout cet aspect là. Du coup ça va se sentir plus à ce moment là je pense. Après on peut se dire que si déjà on n’est pas très bon en technique ça va être compliqué de suivre un auto-constructeur parce qu’on ne saura pas le guider sur les bonnes choses… Alors il faudrait s’équiper autrement. Enfin moi je n’ai pas la prétention d’être bon techniquement, parce qu’il y a des choses peut-être que je connais et il y a beaucoup de choses que je ne connais pas, ça c’est clair. Et quand je ne connais pas je m’équipe en fait, c’est à dire que je vais chercher l’information. Mais quelqu’un qui voudrait guider un auto-constructeur mais qui ne sait pas comment construire,

Annexes - 144


comment techniquement ça va se réaliser, et bien il va forcément devoir faire appel à des entreprises, à des artisans pour s’équiper, pour se documenter, s’informer afin d’informer son auto-constructeur. On a quand même ce rôle là. C’est aussi pour ça qu’il faut juger l’auto-constructeur parce que s’il faut tout lui expliquer, il n’est pas réellement auto-constructeur. Il doit avoir la capacité d’apprendre de par lui même aussi, sinon il a juste l’envie mais pas la capacité, c’est deux choses différentes. Une des techniques dont on m’a parlé c’est de faire se rencontrer les nouveaux et les “anciens” auto-constructeurs, de les amener sur les chantiers pour qu’ils apprennent des autres… C’est vrai que ça je l’ai déjà fait oui, j’ai déjà amené des personnes que je rencontrais pour un nouveau projet voir, pas forcément sur les chantiers, mais rencontrer des personnes que j’avais accompagné, parce que voilà, ces nouveaux maîtres d’ouvrage me demandaient comment ça allait se passer. C’est un peu compliqué de le dire à l’avance, on peut l’expliquer du mieux qu’on peut mais c’est difficile à sentir. Et de rencontrer un maître d’ouvrage ça les rassure, ça leur permet de rencontrer des gens qui ont un peu les mêmes capacitées et ils peuvent expliquer par leurs mots comment ça s’est passé. Les difficultés, les avantages.. Pour ce qui est responsabilité, assurance, vous vous avez réussis à trouver ce qu’il vous fallait même si vous payez cher? Il y a pas vraiment de produit adapté à la MAF en fait, enfin chez les assureurs d’architecte je n’en ai pas trouvé. Ca m’interresse s’il y en a. J’ai entendu dire que Oikos sont en train d’essayer de développer une assurance spéciale pour les professionnels qui accompagnent à l’auto-construction. Sauf qu’en tant qu’architecte on a des responsabilités qui vont plus haut qu’un accompagnateur lambda parce qu’on est censés être sachant. C’est un peu le problème mais ça m’intéresse. Mais ça ne marchera pas, pas pour les architectes. Le problème c’est qu’on a tendance à endosser beaucoup de responsabilités parce qu’on est bien assurés aussi, enfin c’est un engrenage. Et du coup c’est un peu compliqué de se sous assurer ou de s’assurer de manière light pour des missions un peu partielles. Et pour moi c’est un gros problème parce que pour moi l’enjeu de l’architecte c’est quand même d’être proche de son commanditaire, que ce soit un maître d’ouvrage très élaboré ou un particulier qui veut faire une cabane dans son jardin. Et du coup ça nous éloigne, ce problème là il est important parce qu’il nous permet pas d’être si proche du particulier parce qu’on est obligés de proposer des prestations un peu chères à cause de l’assurance parce qu’on n’a pas les moyens de faire simple en fait. C’est un gros problème pour moi ça, avoir les moyens de faire simple … et du coup de pouvoir répondre à des services basiques. Parce qu’après on se dit, on a quand même un certain nombre d’architectes qui disent “oui mais en fait on est coupés de la société, on n’arrive pas à faire le pas et travailler sur des petites missions aussi” on en fait peu, on est un peu exclu de ce genre prestations. Parce que l’architecte coûte cher dans la tête des gens et en réalité c’est vrai parce qu’il y a des moments où on coûte cher, rien qu’avec l’assurance. Alors que globalement il y a des petites missions qu’on peut faire très simplement, on n’a pas besoin de tout cet attirail, il faut juste pas grand chose, passer un peu de temps et c’est tout quoi. Sauf qu’on doit être assuré c’est pour ça que pour moi c’est compliqué.

145 - Annexes


Donc il devrait y avoir plus d’options assurantielles selon l’implication… Exactement, selon le degré d’implication. Je dis pas que la MAF est pas du tout attentive à ça j’ai ai déjà parlé, je suis allé aux journées de la MAF tout ça, et j’ai évoqué ce genre de sujets qui sont un peu tabou mais bon, et ils ne sont pas inattentifs à ces questions là mais je ne pense pas que ça les intéresse vraiment de réduire leurs prestations. Et donc on peut se dire qu’au final ça ne serait pas forcément rentable si vous aviez que ce genre de projets là…? Non ils ne sont pas rentables, clairement, moi si je fais que ça je coule la boîte. Donc en fait c’est aussi pour ça que je diversifie ma pratique, mais par contre c’est hyper enrichissant, moi j’adore faire ça et c’est un peu militant et je veux continuer à le faire parce que c’est aussi une manière de travailler au contact de ces commanditaires, de tous ces commanditaires. Pour des questions qui sont très complexes, très grosses, pour des millions d’euros de travaux mais aussi pour dix mille euros de travaux il faut savoir accompagner son maître d’ouvrage quoi… En fait pour moi on doit être au service de la population, c’est un service l’architecture. D’intérêt public. Peut-être que ça participerait à améliorer l’image de l’architecte, qui ducoup à cause de ces problématiques assurantielles est vu comme la personne qui va faire uniquement des gros projets… Tout à fait. Moi je préfère qu’on me considère comme quelqu’un au contact de la population qui peut répondre à des questions toutes simples comme à des questions plus complexes. Les deux en fait, qui s’adapte aux besoins. Vous connaissez d’autres personnes qui font ça ? Vous imaginez la pratique comment ? Sur la question de l’auto-construction, des confrères qui feraient ça… (hésitation) J’avoue que j’ai un rapport à mes confrères qui est quand même basique pour l’instant parce que j’en croise quand même beaucoup à l’école, j’échange énormément avec ceux-ci mais je n’en connais pas qui font ça. Après sinon je suis dans un territoire qui est assez pauvre en architectes, du coup je n’en croise pas beaucoup. Et puis il y en a que je n’ai pas envie de croiser, clairement. Si y’en a certains à qui je pense je te dirai plus tard, là j’ai pas de noms qui me viennent. Je me suis entretenue avec une jeune architecte qui pratique à Lyon, Caroline Chapellet. Elle est plus axée maisons écologiques, ce qui plaît beaucoup aux auto-constructeurs... Parce qu’après il y a les Castors, qui est carrément une filière je dirais, qui n’est pas une filière sur la question de la conception, c’est une question d’aide à la construction. C’est deux choses différentes quand même. Après moi je pense que, justement c’est une question de la.. parce que moi c’est ce qui m’a permis de démarrer dans ma pratique. Ce n’est pas que l’auto-construction mais c’est ce rapport un peu direct à des maîtres d’ouvrage qui avaient des services simples à demander et pas forcément des choses très complexes. Mais l’architecte

Annexes - 146


doit être capable de répondre à tous ces sujets, il n’y a pas de petits projets. Pour moi ça fait partie d’une manière de rentrer dans la commande aujourd’hui pour un jeune architecte qui démarre. Et je pense qu’il y en a d’autres qui le pensent et qui le pratiquent. Parce que s’il faut tout de suite commencer par un gros projet avec la loi MOP et tout ça, avant de trouver des commandes, ce n’est pas facile. Il y aura un long moment un peu compliqué. J’ai une dernière question, un peu compliquée peut-être, de quelle manière définissez-vous votre rapport à la conception ? Les architectes que j’ai rencontré avaient des rapports très différents à la conception… C’est une question compliquée… En fait, moi je pars quand même de deux choses systématiquement, c’est le site et le programme. Et à l’intérieur du site et du programme il y a souvent le maître d’ouvrage. Et donc c’est cette relation humaine et cet échange. Parce qu’en fait le site il prend toute sa subtilité quand on le met en perspective de son utilisateur et donc de son maître d’ouvrage. Parce que souvent il est habité, il a une histoire et ça donne beaucoup de grain et d’épaisseur au site et le programme c’est pareil. On peut prendre un programme sur une feuille qui est énuméré : deux chambres, tant de mètres carrés, ça n’a vraiment pas d’épaisseur. A partir du moment où on commence à avoir une discussion pendant quelques heures autour d’un maître d’ouvrage autour d’un programme et que nous en tant qu’architectes pédagogues on arrive à discuter et à donner de la profondeur à tout ça, ça devient quelque chose de plus sensible, plus subtil. Et pour moi c’est un peu les fondements et les éléments sur lesquels on s’appuie: l’existant, donc le site et le programme. Après la conception elle se fait beaucoup en fonction de ça mais ça c’est pour un projet de particulier et d’habitat. Quand on va être sur des logiques plus fonctionnelles parfois, sur des logiques beaucoup plus économique sur des projets de marché public et puis moi je fais aussi beaucoup d’urbanisme donc on va être sur des logiques de conceptions beaucoup plus… qui ne sont pas complètement ailleurs mais qui s’appuient sur des choses très différentes. C’est très dur de répondre à cette question de manière concise. Mais par exemple sur un projet d’urbanisme je vais quand même partir de l’habitant, je vais essayer de comprendre, recueillir des témoignages, une matière fertile que je vais essayer de transformer en fait, finalement. Pour moi on part jamais de rien, c’est ça que je veux dire. Je suis en dehors des architectes concepteurs qui fabriquent des oeuvres, moi je suis pas du tout dans cette démarche là. Je suis plutôt dans la transformation de matière et la matière elle est existante, elle part du site, du programme, de l’habitant. Il y a toujours de l’existant quand on fait de l’urbanisme. Je cherche à quoi me raccrocher et comment le transformer… mais c’est très dur de répondre à cette question.

147 - Annexes


Annexes - 148


Fiches projet Tous les documents et informations glanés ont été founi par les agence, pendant les entretiens et via leurs sites internets

Maison Local agricole de Mornant (69) IN SITU architectes - Caroline Chapellet et Aurélien Gely Auto-construction partielle Chantier terminé Surface : environ 255 m² Budget : 321000 euros Technique et matériaux : Ossature bois, isolation paille, béton

Le projet Ce projet est composé de deux parties : une partie habitation et une partie local agricole. La construction s’insère dans une pente très forte face au sud. Tout le local professionnel est semi enterré ce qui est en adéquation avec le besoin de stocker des légumes dans un espace frais sans pour autant avoir de chambre froide avec tout un système de ventilation. Au-dessus, la partie habitation comprend un grand séjour, deux chambres, un bureau et des sanitaires. Les clients ayant une réflexion écologique sur la question du stockage il a fallu effectuer un travail approfondi pour que la construction elle-même puisse permettre ce stockage. Afin qu’elle puisse s’adapter à l’hygrométrie changeante, il est prévu qu’un enduit à la chaux soit appliqué afin d’exclure les systèmes mécaniques.

149 - Annexes


La partie basse semi encastrée de la construction est en béton banché tandis que la partie haute utilise une méthode inventée par l’entreprise Bati Nature qui est composé d’une ossature bois à l’extérieur et d’une isolation paille par l’intérieur.

Le chantier en auto-construction Pour ce projet, il a été clairement défini que la partie auto-construite devait être le plus simple possible, les clients n’avaient choisi cette option que pour faire baisser les coûts et ils n’avaient aucune expérience. Le travail de l’architecte à donc été de trouver des systèmes constructifs qui leur permette de faire baisser les coûts de la construction, tout en restant globalement très simples. L’idée était de leur faire faire de la manutention, en étant encadrés par les entreprises le plus possible. La technique choisie a donc mobilisé l’entreprise Bati Nature qui propose des systèmes constructifs adaptés aux auto-constructeurs : un charpentier vient poser l’ossature bois qui permet l’étanchéité à l’air et les auto-constructeurs n’ont qu’a poser la paille par l’intérieur et la ficeler sans se préoccuper de la qualité de la pose. Ils peuvent travailler une fois la toiture posée, à l’abris des intempéries Les artisans qui ont été appelés à travailler sur le projet ont été sélectionnés pour leur flexibilité, ils devaient accepter que les auto-constructeurs effectuent une partie des travaux et prêtent la main sur le chantier. Le plâtrier, l’électricien et le carreleur ont donc permis à la maîtrise d’ouvrage de participer et de faire descendre les prix. Si l’on ne compte que la paille dans l’intervention des auto-constructeurs les travaux auront coûté 2000 euros/m², ce prix a du encore baisser vu qu’ils ont participé à beaucoup d’autres choses. Si la totalité des travaux avaient été réalisés par des artisans on serait plus à 2400 euros/m². Cette démarche leur a permis de construire une maison « écologique » en utilisant des matériaux biosourcés à un coût raisonnable plutôt qu’une maison en béton conventionnelle.

La mission de l’architecte La mission de l’agence In Situ est allée jusqu’à l’ouverture du chantier. Le permis de construire a été déposé, le dossier de consultation des entreprises réalisés. Ils n’ont en revanche pas suivi le chantier.

Annexes - 150


Plan de RDC - échelle inconnue coupe BB

coupe AA

1459 189

100/H100

266

188

150/H100

220

150/H100

151

100/H200

133

216

4

5 28

HSP 240

wc

1,72 m2

Chambre 2

Vestiaire

Bureau

11,16 m2

2,91 m2

10,84 m2

SdB

HSP 240

8,5 m2

Entrée

5,65 m2

HSP 240

HSP 240 Cellier

849

porte acoustique

5,66 m2

339

Ballon 500L

HSP 240 Dgt

MàL

2,61 m2

Espace jour 45,74 m2

CC

633

coupe CC

fixe

140/H100

LV

Frigo

HSP 240

Chambre 1 11,31 m2

154

TERRASSE

fixe

163

140/H165

130

280/H165 + imposte H60

95

300/H225 + imposte H60

130

280/H225

Plan de R+1 - échelle inconnue

151 - Annexes

BB

AA

1646

128

48,63 m2


Coupe - échelle inconnue

Annexes - 152


Maison d’Azergue (69) IN SITU architectes - Caroline Chapellet et Aurélien Gely Auto-construction totale Surface : environ 230 (annexes comprises) PC déposé fin 2014 Chantier en cours Mission : Esquisse et permis de construire

Le projet Ce projet est une maison en auto-construction totale en paille. La maison est construite sur un terrain en pente, un peu compliqué du fait de son orientation qui ne s’adapte pas très bien à la conception bioclimatique. Le terrain à été remblayé pour que la maison ait un accès direct de la rue. La vue est intéressante à l’est mais la volonté d’atteindre une performance thermique optimale induit le choix d’une maison fine avec la façade longue au sud, qui va néanmoins chercher la vue à l’est avec une terrasse. Les accès sont concentrés au nord et le garage s’insère dans un angle ingrat du terrain. Ces choix bioclimatiques ont donc induit la forme compacte mais assez fine de maison et de ce fait l’espace a été dur à aménager. La maison est conçue sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée on trouve un vaste

153 - Annexes


séjour, une chambre et des sanitaires ainsi que des espaces types buanderie, abris de jardin et garage. Au niveau du séjour un volume en double hauteur permet d’amener du soleil assez profondément dans l’espace de vie en hiver, tandis qu’en été la façade est protégée du soleil par la pergola et le débord de toiture. A l’étage, un bureau donne sur le vide sur séjour et se trouve dans l’espace de circulation pour rejoindre les trois chambres, la salle de bain et les sanitaires. La technique constructive employée est une ossature bois avec une isolation paille, il semble qu’il y ait eu un travail poussé sur le système constructif et les détails techniques employés mais je n’ai pas eu accès à ces informations car Caroline Chapellet ne souhaitait pas communiquer les documents techniques du projet.

Le chantier en auto-construction Avant même de rencontrer les architectes de l’agence In situ, l’auto-constructeur avait décidé qu’il construirait en paille, qu’il réaliserait lui-même tous les travaux. Celui-ci avait décidé de demander conseil à un architecte en suivant une demande de sa femme. Il est très intéressé par l’aspect technique et veut atteindre des performances thermiques en installant des systèmes de ventilation et de chauffage élaborés mais il a fallu le limiter sur ces questions. En arrivant à l’agence il a déjà réalisé des plans et a une idée assez claire de l’esthétique voulue. La réflexion sur le temps de construction a été poussée, le choix de la compacité est dû à ce besoin de faire vite. La construction avance néanmoins très lentement. Le permis de construire à été déposé en 2014 et aujourd’hui l’autoconstructeur a réalisé le garage ainsi que les fondations de la maison. Ce retard est dû à l’agrandissement de la famille et à un manque de temps du fait de l’activité qu’il continue en parallèle.

Annexes - 154


Plan de RDC - ĂŠchelle inconnue

Plan de R+1 - ĂŠchelle inconnue

155 - Annexes


Coupe - échelle inconnue

Annexes - 156


Maison de Vetraz Monthoux (74) IN SITU architectes - Caroline Chapellet et Aurélien Gely Auto-rénovation partielle Mission PC Surface 266m² terrasses comprises Année 2015 Chantier en cours Evaluation du montant des travaux sans auto-construction : 270 000 euros

Le projet Ce projet vise à rénover une maison d’architecte des années 60 qui est une réelle passoire thermique. La maison est déjà intelligemment conçue et bien dessinée mais une l’extension rajoutée par les anciens propriétaires dans les années 80 n’est pas adaptée. La conception à été compliquée car les architectes avaient conscience de cette valeur architecturale et ne voulaient pas dénaturer le travail de l’architecte ayant conçu le projet de base. Les clients avaient une esthétique précise en tête avec des images d’architecture contemporaine, ils voulaient avoir une maison représentative de cette esthétique contemporaine. Deux esquisses ont été faites, une conforme au budget annoncé et une autre plus ambitieuse en termes de travaux, plus chère mais aussi plus intéressante. C’est cette version qui a été retenue.

157 - Annexes


Une extension a été réalisée pour agrandir le séjour permettant ainsi de résoudre le problème de la terrasse trop profonde qui empêchait les apports solaires passifs en hiver. L’extension réalisée dans les années 80 mettait en second jour la cuisine : elle a été détruite et remplacée par un patio qui permet de faire descendre la lumière dans le vaste sous-sol. Celui-ci est réaménagé, on y trouve l’entrée, une très grande chambre parentale avec un dressing, une salle de bain et une salle de sport ainsi qu’un bureau profitant de la lumière amenée par le patio. Un débord de toit bien proportionné permet de contrôler les apports solaires selon les saisons. La façade ouest s’ouvre sur la vue vers le lac de Genève. Les matériaux employés en façades sont des plaques en basalte et en ciment, l’un d’entre eux a été trouvé par le client et sort quelque peu de l’ordinaire. C’est un bardage irisé, de couleur rouge/vert dont la teinte varie selon les angles de vue et la lumière. Selon l’architecte c’est un matériau qui va mal vieillir.

La démarche La démarche de la maîtrise d’ouvrage est ici un peu différente de ce que l’on a pu voir dans les autres projets. Les clients ont fait appel à une agence d’architecture principalement car ils rêvaient d’une architecture de revue contemporaine, ils étaient sensibilisés aux espaces et à la composition, ils étaient donc assez éloignés du profil classique d’auto-constructeur.

Le chantier en auto-construction Le chantier est en cours depuis deux ans et est à un stade assez avancé, les clients ont déjà pu s’installer sur place. Ils ont fait faire le gros œuvre, ont fait poser les menuiseries, puis ils ont pris le relai pour le reste, le bardage, l’isolation et une partie du second œuvre. Ils vivent actuellement dans la maison mais le chantier est toujours en cours. Du fait de leur démarche peu commune ils sont très attachés au projet tel qu’il est conçu et n’ont rien changé pendant les travaux. Il était plus économique de changer le calepinage des façades et la question s’est posée à un moment donné mais finalement les auto-constructeurs ont choisis de réaliser exactement ce qui avait été proposé.

Annexes - 158


CES DOCUMENTS NE PEUVENT EN AUCUN CAS SERVIR DE SUPPORT À LA CONSTRUCTION - seul un dossier de plans d'exécution pourra servir à cet effet Les vues en plan et en perspective sont dessinées à titre indicatif, sous réserve d'être validées avec les documents techniques suivants : Etude de sol - Relevé topographique - Plan de bornage contradictoire - Servitudes éventuelles

482

1198 100/H200

145

30/H45

208

388

145

320/H200

70

wc

2,58 m2

Entrée

82

40

7,71 m2

Vestiaire

ZONE NON MODIFIEE

100 60/H205

12

150

7

36,8 m2

13,14 m2

170

25

417

20

400

30

MàL

Suite parentale 7

31,55 m2

SdB

7,55 m2

Patio

10,05 m2

200

Sauna

2,24 m2 sauna

40

70

8,15 m2

40

Salle de sport

257

200/H100

7

123

10

780

68

409

Garage

Bureau

Dressing

261

coupe BB

SL

433

200/H205

7

95

3,38 m2

Zone Enterrée

coupe AA

CES DOCUMENTS NE PEUVENT EN AUCUN CAS SERVIR DE SUPPORT À LA CONSTRUCTION - seul un dossier de plans d'exécution pourra servir à cet effet Les vues en plan et en perspective sont dessinées à titre indicatif, sous réserve d'être validées avec les documents techniques suivants : Etude de sol - Relevé topographique - Plan de bornage contradictoire - Servitudes éventuelles

Plan de RDC - échelle inconnue 592

51

297 818

36

250/H100

120/H95

101

402 45 45 60/H95

971 460 545

120/H95

I T

E

C

T

E

10,4 m2

SdB

4,39 m2

7,3 m2 PROJET de RENOVATION THERMIQUE et REAMENAGEMENT d'une VILLA

ZONE NON MODIFIEE

60

50

300 cours Lafayette - 69003 Lyon - www.insituarchi.fr - 06 31 74 80 68

50 2 m2

Hall

Dgt

Cuisine

6,43 m2

301/H225

5

240

Salle à manger

CH 2 9 m2

coupe BB

743

76,30 m2 7,55 m2 ech: 1/75 31,55 m2 8,15 m2 7,71 m2 13,14 m2 2,58 m2 3,38 m2 2,24 m2

9,49 m2

35

205

50

SURFACE RDC PROJET: SURFACE RDC PROJET: lundi 22 décembre 2014 SURFACE RDC PROJET: SURFACE RDC PROJET: SURFACE RDC PROJET: SURFACE RDC PROJET: SURFACE RDC PROJET: SURFACE RDC PROJET: SURFACE RDC PROJET:

365

CH 3

45

50

63

311/H165

13,5 m2

180/H135

476

40

89

761

53,8 m2

102

Salon TV

250

Salle de séjour

APS - Rez De Chaussée 117

Maître d'Ouvrage: Audrey BOULOIS & Vincent BOUVET - 30 chemin des Carrés - 74100 VETRAZ MONTHOUX wc CH 1

S

120/H135

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115

C

120/H135

R

1020

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50

157

CAROLINE CHAPELLET & AURELIEN GELY

375

60 75/H345 22

50

EP

EP

Terrasse Terrasse

coupe AA

250

250

30,14 m2 30,14 m2

392/H165

Plan de R+1 - échelle inconnue CAROLINE CHAPELLET & AURELIEN GELY A

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I T

E

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300 cours Lafayette - 69003 Lyon - www.insituarchi.fr - 06 31 74 80 68

159 - Annexes

50 842

300/H225

55

45 41

250/H165

91

382

544

Maître d'Ouvrage: Audrey BOULOIS & Vincent BOUVET - 30 chemin des Carrés - 74100 VETRAZ MONTHOUX

PROJET de RENOVATION THERMIQUE et REAMENAGEMENT d'une VILLA

APS - ETAGE SURFACE ETAGE PROJET: SURFACE ETAGE PROJET: lundi 22 décembre 2014 SURFACE ETAGE PROJET: SURFACE ETAGE PROJET: SURFACE ETAGE PROJET: SURFACE ETAGE PROJET: SURFACE ETAGE PROJET: SURFACE ETAGE PROJET:

116,31 m2 m2 6,43 m2 13,50 m2 10,40 m2 9,00 m2 7,30 m2 53,80 m2

2,00 ech: 1/75


CES DOCUMENTS NE PEUVENT EN AUCUN CAS SERVIR DE SUPPORT À LA CONSTRUCTION - seul un dossier de plans d'exécution pourra servir à cet effet Les vues en plan et en perspective sont dessinées à titre indicatif, sous réserve d'être validées avec les documents techniques suivants : Etude de sol - Relevé topographique - Plan de bornage contradictoire - Servitudes éventuelles

NORD

SUD tice

r hive

sols

tice

été

sols

HALL

PATIO

SALON

ENTREE

BUREAU

La transformation de la cave en patio permet d'apporter de la lumière naturelle au sous-sol. Des espaces habitables supplémentaires peuvent ainsi être créés. L'ensemble de la maison est revêtu d'une ITE et d'un sarking en toiture.

Coupe - échelle inconnue

PORTANT: Ces plans sont établis en vue de l'obtention d'un Permis de Construire. Par conséquence, seuls les plans ultérieurs d'un Dossier d'Exécution peuvent constituer un support a toute construction. IMPORTANT: Ces plans sont établis en vue de l'obtention d'un Permis de Construire. Par conséquence, seuls les plans ultérieurs d'un Dossier d'Exécution peuvent constituer un support a toute construction.

CHAPELLET & AURELIEN GELY A

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te - 69003 Lyon - www.insituarchi.fr - 06 31 74 80 68

URELIEN GELY

archi.fr - 06 31 74 80 68

Maître d'Ouvrage: Audrey BOULOIS & Vincent BOUVET - 30 chemin des Carrés - 74100 VETRAZ MONTHOUX

PROJET de RENOVATION THERMIQUE et REAMENAGEMENT d'une VILLA

ESQ - COUPE AA Version extension

lundi 22 décembre 2014

4- Face Sud de la maison Vue sur le patio

2- Angle Sud-Ouest de la ma Vue depuis le bas du jardin

3- Angle Sud-Est de la maison Vue depuis le haut du jardin

Maîtres d'Ouvrage: Audrey & Vincent BOUVET - 30 chemin des Carrés - 74100 VETRAZ MONTHOUX

CAROLINE CHAPELLET & AURELIEN GELY

PROJET de RENOVATION THERMIQUE et REAMENAGEMENT d'une VILLA DEMANDE de PERMIS de CONSTRUIRE - PIÈCES COMPLÉMENTAIRES A

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300 cours Lafayette - 69003 Lyon - www.insituarchi.fr - 06 31 74 80 68

1- Face Nord de la maison Vue depuis la voie du lotisse

PCMI 8 d'Ouvrage: Audrey & Vincent BOUVET - 30 chemin des Carrés - 74100 VETRAZ MONTHOUX INSERTION Maîtres PAYSAGÈRE

S

mercredi 11 février 2015

ech: 1/75

PROJET de RENOVATION THERMIQUE et REAMENAGEMENT d'une VILLA DEMANDE de PERMIS de CONSTRUIRE - PIÈCES COMPLÉMENTAIRES

PCMI 6 INSERTION PAYSAG mercredi 11 février 2015

Annexes - 160


Maison d’Affoux (69) Atelier de Montrottier - Loic Parmentier et associés Rénovation d’une ferme – 2016 (livraison du clos couvert) Chantier en cours Coût des travaux du clos couvert : 100 000 euros Mission Clos Couvert

Le projet Le projet vise à rénover une ferme pour un couple. Cette ferme n’est plus en exploitation, elle possède des murs épais en moellons hourdés cachés derrière une couche d’enduit. La maison est implantée dans la pente, le premier étage donne sur la partie haute du terrain et le rez-de-chaussée donne sur la partie basse. Le but du projet est d’ouvrir un maximum sur l’extérieur et de faire des grands volumes de pièces. Des grandes ouvertures sont créées. Il y a une réflexion sur l’appropriation des espaces pendant les différentes saisons : des terrasses aux orientations différentes sont prévues. Le salon d’hiver et une terrasse sont orientés plein sud et à l’étage, un salon et une cuisine d’été sont orientés nord. Enfin, une terrasse à l’ouest permet de profiter du soleil de fin de journée en été. Un travail d’hybridation de l’isolation thermique a été réalisé sur une partie

161 - Annexes


de la ferme. Pour remettre à nu les murs en moellons sur deux faces (celles donnant sur cour et contre terrier) l’isolation est posée en intérieur tandis que sur les deux autres faces sont recouvertes d’un bardage bois, avec une isolation par l’extérieur.

Démarche Le couple est venu voir l’architecte car ils ne se sentaient pas capable de gérer le projet seuls. Au vu du budget et du programme ambitieux, il est vite apparu qu’il fallait trouver une solution économique.

La mission de l’architecte Loic Parmentier avait une mission en clos couvert, il a donc suivi le chantier sur la maçonnerie, la démolition, les modifications d’ouvertures, la pose de menuiseries extérieures, le dallage. Le maçon et le menuisier étaient donc encadrés par l’architecte mais celui-ci a d’abord guidé les auto-constructeurs sur des questions de conception comme l’organisation, la taille des baies, les orientations, l’esthétique générale.

Le chantier en auto-construction Le budget des auto-constructeurs n’était pas suffisant pour tout faire réaliser par des artisans et ils n’avaient pas non plus de quoi tout faire d’un seul coup. Ils se sont chargés du second œuvre comme l’isolation, les sols, les fluides, l’électricité et pour cela ils se sont fait accompagner par des amis artisans. Le chantier est toujours en cours et un phasage particulier a été adopté dû à ce un manque de finances : ils ont choisi de construire entièrement une petite partie de la maison au premier étage pour y emménager, ils peuvent ainsi louer leur autre logement pour financer le chantier. Ils se sont donc installés dans une chambre et ont construit la partie cuisine d’été, le reste de la maison est en travaux. L’escalier reliant les deux étages n’a pas été posé et le sera plus tard.

Annexes - 162


Plan de situation - ĂŠchelle inconnue

5 2

3

4 1

Plan - ĂŠchelle inconnue

163 - Annexes


Coupe - échelle inconnue

Annexes - 164


Maison d’Aveize (69) Atelier de Montrottier - Loic Parmentier et associés Projet d’extension d’une ferme habitée Surface construite : 66m² 2016 Livraison du Clos Couvert Chantier fini Budget Clos couvert 75000 euros Matériaux et techniques : Revêtement bois, ossature bois ; soutènement et sol en béton brut

Le projet La volonté première du projet était de réaliser une extension pour un corps de ferme en s’implantant sous l’ancien abris de véhicule agricole de la ferme et en se servant de cette toiture existante. L’extension permet de reconditionner tout l’accès piéton de la ferme en reliant le porche d’entrée aux portes donnant dans les espaces de vie. Le rez-de-chaussée de l’extension est en continuité du séjour et de la cuisine existants, on y trouve des espaces techniques, des sanitaires et un second petit séjour. A l’étage, une chambre parentale avec une salle de bain donne sur une terrasse accessible. Cette terrasse permet de faire profiter de nouvelles vues sur le versant Ouest du jardin et les prés environnants. Il y a fallu excaver au niveau de l’extension pour se raccorder aux niveaux exis-

165 - Annexes


tants tout en donnant des hauteurs sous plafond appropriées. L’ensemble du projet est en ossature et revêtement bois avec des sols et murs de soutènements en béton brut.

Démarche Les clients ont fait appel à Loïc Parmentier en ayant déjà en tête de réaliser une partie des travaux, ils avaient déjà réhabilité leur maison récemment et se sentaient capable de réaliser partiellement l’extension.

Le chantier en auto-construction Le couple a réalisé le reste du second œuvre et le chantier est actuellement terminé. La mission de l’architecte était de suivre le clos couvert, or il y a eu une subtilité : Le client étant un professeur d’électricité, il souhaitait s’occuper de toute la partie électricité de l’extension or cette intervention était en étroit lien avec la réalisation des travaux de doublage qui eux étaient assurés par des artisans et compris dans la mission de suivis de l’architecte. Loic Parmentier a fait comme si le propriétaire faisait partie des entreprises, le suivi est donc resté classique. Il a donc fallu concerter du passage des fluides avec lui en amont de la réalisation au même titre que pour la conception.

Annexes - 166


Plan de RDC - ĂŠchelle inconnue

Plan de R+1 - ĂŠchelle inconnue

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7.5m 4.3m

3.2m 1m

1m

1m

1m

+ 4.1

fenêtre transformée en porte

+4

+ 3.6

2.7m

+ 2.9

2.5m

2.10m

bardage mélèze naturel + 1.5

fenêtre sur allège 1.80m 0.15m - 0.3

+/- 0

-0.4m mur de soutènement en béton

0.85m

1.4m 0.5m

5.1m

12m

evacuation E.P

1.4m 5.3m

- 0.7m

1.4m 0.3m

1.5m

1.6m

4.1m

7.1m 19.1m

Coupe - échelle inconnue

Annexes - 168


Maison de Montrottier (69) Atelier de Montrottier - Loic Parmentier et associés Auto-construction totale Surface construire : 238m² Budget prévu : 120 000 euros pour la construction Mission PC PC rendu en 2016 - Chantier en cours Matériaux : Bois, Plancher béton, habillage acier Technique : Ossature bois, Poteau poutre

Le projet La parcelle à construire se situe dans un environnement composé majoritairement d’habitats et possède des vues dégagées au nord sur la vallée du Rhône et les Alpes et à l’est sur le bourg ancien de Montrottier. La demande de l’autoconstructeur était de concevoir la maison de plein pied, la situation et la forme de la parcelle ont conduit à choisir une forme en L, en limite de propriété. Ce choix n’a pas demandé de modifier les niveaux existants du terrain et permet dans un même temps d’isoler l’espace vaste de jardin de la rue. La forme et l’implantation suivent un plan d’aménagement général appliqué au site. Ce plan demande à ce que les voitures accèdent au nord-est de la parcelle, tandis que le PLU demande un retrait de 4m par rapport à la voirie. Ce

169 - Annexes


recul permet d’aménager un espace de pétanque et un espace planté au nord. A l’est on retrouve un parking couvert et un abri de jardin. La maison est orientée de façon à favoriser l’ensoleillement et les apports thermiques passifs. La volumétrie simple est faite de deux types de toitures : une toiture terrasse non accessible ainsi qu’une partie de toiture à un pan qui permet de capter la lumière au sud et d’améliorer les rendements passifs tout en créant une volumétrie intérieure généreuse. La technique prédominante est l’ossature même si la partie de toiture à un pan est portée partiellement par un système poteau poutre. Une contre isolation est prévue en plus des murs à ossature bois pour améliorer la performance thermique. L’habillage est fait de deux matières aciers différentes : un premier volume est habillé de bardage acier vertical de couleur sombre et un second est habillé d’un bardage vertical petit onde similaire. La toiture à un pan est réalisée en bac acier. Une attention particulière est donc portée à l’aspect bioclimatique et économique de la construction.

Le chantier en auto-construction Le client est un menuisier charpentier qui maitrise d’autres corps de métier, il a l’habitude de réhabiliter des magasins dans leur totalité, en allant parfois de la structure aux finitions. Le choix de la technique constructive a donc été dictée par les compétences de l’auto-constructeur, celui-ci avait les moyens de réaliser l’ossature bois seul puis de la monter. Les clients se sont beaucoup impliqués dans la conception afin de comprendre du mieux qu’ils le pouvaient. Il semble que l’auto-constructeur se soit approprié le projet et l’ai modifié pendant la construction, le chantier est actuellement en cours.

La mission de l’architecte La mission de l’architecte pour ce projet est allée jusqu’au permis de construire. Il a aussi réalisé le document de consultation des entreprises à usage de l’autoconstructeur lui-même afin qu’il réalise ses plans d’atelier. Il y a donc des détails techniques qui ont été fait mais ceux-ci ne sont pas au niveau de documents d’exécution. Il y a eu une frustration partagée sur la partie suivi de chantier, l’auto-constructeur tout comme l’architecte aurait voulu suivre le chantier mais Loïc Parmentier ne pouvait pas s’assurer pour le faire.

Annexes - 170


PERMIS DE CONSTRUIRE Plan - échelle inconnue

PROjET DE CONSTRUCTION D’UNE MaISON D’habITaTION Croquis perspective MaîTRISE D’OUvRagE :

aDRESSE DU PROjET :

Mme Cynthia LaURENT & M. guillaume MaRCOUX

La Chambardière 69770 Montrottier

10 rue de la Dîme, 69770 Montrottier

171 - Annexes

PROjET DE CONSTRUCTION D’UNE MaISON D’habITaTION Commune de Montrottier

MaîTRISE D’OEUvRE :

ChaRgéS DU PROjET :

atelier de Montrottier Loïc Parmentier et associés La Madeleine, Grand’ Rue 69770 Montrottier

Loïc Parmentier, architecte DE.

Tel : 04 26 63 14 43 / courrier@atelierarchitecture.fr www.atelierarchitecture.fr / N° SIRET : 80115698500013

Laurie Gangarossa, titulaire du diplôme d’état d’architecte.

PhaSE PC 11 avril 2016


REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

Projet de CoNstruCtioN d’uNe MaisoN d’habitatioN

Maîtrise d’oeuvre :

Chargés du Projet :

Maîtrise d’ouvrage :

adresse du Projet :

Loïc Parmentier, architecte DE.

Mme Cynthia LaureNt & M. guillaume MarCouX

La Chambardière 69770 Montrottier

atelier de Montrottier Loïc Parmentier et associés La Madeleine, Grand’ Rue 69770 Montrottier

Echelle 1/50e - Format A3. 13 avril 2016

La Chambardière 69770 Montrottier

Maîtrise d’oeuvre :

Chargés du Projet :

atelier de Montrottier Loïc Parmentier et associés La Madeleine, Grand’ Rue 69770 Montrottier

Loïc Parmentier, architecte DE.

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

adresse du Projet :

Tel : 04 26 63 14 43 / courrier@atelierarchitecture.fr www.atelierarchitecture.fr / N° SIRET : 80115698500013

6 REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

r

PhaSE PC COUPE aa’ PCMI3.

Coupes - échelle inconnue

une Maison d’habitation

aume MarCoux

Tel : 04 26 63 14 43 / courrier@atelierarchitecture.fr www.atelierarchitecture.fr / N° SIRET : 80115698500013

REALISE PAR UN PRODUIT AUTODESK A BUT EDUCATIF

10 rue de la Dîme, 69770 Montrottier

Laurie Gangarossa, titulaire du diplôme d’état d’architecte.

Laurie Gangarossa, titulaire du diplôme d’état d’architecte.

PhaSE PC COUPE bb’ PCMI3.

Annexes - 172 7

Echelle 1/50e - Format A3. 13 avril 2016


Maison à Laschamp (63) Couleur Nature - Jean Yves Masrouby

Réhabilitation Clos couvert : Août 2006 Emménagement dans la maison Novembre 2007 Mission Clos couvert

Le projet Pour réhabiliter cette ferme en maison d’habitation, la maîtrise d’ouvrage était obligée de faire appel à un architecte du fait du changement d’utilisation. Des amis leurs ont conseillé Jean Yves Masrouby. La ferme est composée en demi niveaux et possède une grande grange. Ces espaces sont totalement réaménagés : une partie de la ferme est déconstruite et transformée en jardin, au niveau bas là où il y avait des chambres, une salle de bain et une buanderie, on installe l’entrée principale, une chambre et un grand garage. L’étage qui donne sur le jardin comprend la cuisine et un vaste séjour ainsi que les sanitaires et la salle de bain. Enfin, les combles sont aménagés en trois chambres. Les escaliers menant à ces chambres dans les combles sont travaillés de façon à contourner la fermette qui fractionne l’espace en deux. Ces recherches de conception ont en partie été effectuées en maquette. Cette réorganisation a aussi demandé de changer la nature des ouvertures et

173 - Annexes


d’en élargir d’autres mais dans l’ensemble les fenêtres et les portes sont placées dans les ouvertures existantes. Des vélux sont prévus en toiture pour les quatre chambres. Les auto-constructeurs n’avaient pas particulièrement d’aspiration à avoir une maison écologique ou à employer des matériaux biosourcés ce qu’ils ont par la suite quelque peu regretté.

Le chantier en auto-construction La maitrise d’ouvrage avait la volonté de participer aux travaux afin de faire des économies mais aussi par envie. Ils n’avaient pourtant aucune expérience et ont préféré faire appel à un architecte pour la conception mais aussi par besoin d’un soutien administratif. L’architecte avait pour mission de suivre le clos couvert, les travaux de gros œuvre. Les auto-constructeurs se sont chargés du reste, les planchers, l’isolation, les menuiseries, la plâtrerie en faisant parfois appel à des artisans. Ils se sont basés sur les plans du permis de construire pour leurs travaux. Ils ont emménagé dans la maison avant qu’elle ne soit terminée, alors qu’il leur restait des finitions comme le crépi extérieur ou encore des parties intérieures. Ils n’avaient pas énormément de temps à accorder à la construction et ne pouvaient s’y investir que le week-end car ils avaient gardé une activité à plein temps en parallèle. Des années après, la maison n’était toujours pas terminée.

Annexes - 174


Plan de RDC - ĂŠchelle inconnue

Plan de R+1 - ĂŠchelle inconnue

175 - Annexes


Plan de R+2 - échelle inconnue

Coupe - échelle inconnue

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Maison à Ceyrat (63) Couleur Nature - Jean Yves Masrouby Auto-construction partielle Mission en Clos couvert Fin clos couvert : 2008 Emménagement : 2009

Le projet La maîtrise d’ouvrage est un couple bientôt retraité qui souhaitait d’abord acheter une maison à rénover mais qui a finalement choisi d’acheter un terrain aux alentours de Clermont-Ferrand. Le couple voulait que leur maison soit en bois et par cette envie ont entendu parler de Jean Yves Masrouby. Ils sont aussi assez sensibilisés au besoin d’avoir une architecture adaptée aux réalités climatique dans laquelle elle s’implante ainsi qu’aux besoins de leur utilisateurs. La maison est construite sur trois niveaux et s’implante dans une pente importante. Au rez-de-chaussée, l’accès voiture permet d’accéder au garage et à la cave. Un autre accès rejoint le premier étage où on trouve un grand séjour orienté au sud-ouest, une cuisine orientée au sud, un cellier, une chambre, une salle de bain et des sanitaires. Enfin au dernier étage on retrouve deux autres chambres, une autre salle de bain et des sanitaires. La maison est assez grande, il y a une certaine générosité dans le dimensionnement des pièces et

177 - Annexes


les circulations sont elles aussi assez largement proportionnées. Le matériau prédominant dans la maison est le bois : le système constructif choisis est une ossature bois, le bardage extérieur est en pin, la structure secondaire est en lamellé collé. Cette structure est particulière, un point porteur repose sur une poutre et cette charge n’est pas reprise par un poteau. Le rezde-chaussée semi encastré est lui en béton.

Le chantier en auto-construction Dans ce projet l’architecte avait pour mission de suivre le clos couvert, la charpente, le terrassement, la couverture, les menuiseries. L’auto-constructeur s’est ensuite chargé du reste, l’isolation, l’électricité, la plomberie, la plâtrerie, les sols, les finitions … Il avait prévu de faire des choses lui-même et d’engager des artisans pour réaliser la plus grande partie des travaux mais au fur et à mesure il a entrepris d’en faire plus. Etant à la retraite, il avait du temps et était plutôt à l’aise pour certains travaux comme l’électricité. Le premier étage comprenait tout ce dont le couple avait besoin à savoir les espaces de séjour, des sanitaires et leur chambre donc une fois cet étage terminé en 2009, ils ont pu emménager dans la maison. Il leur restait alors tout le troisième étage.

Annexes - 178


Plan de RDC - ĂŠchelle inconnue

Plan de R+1 - ĂŠchelle inconnue

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Plan R+2 - échelle inconnue

Coupe - échelle inconnue

Annexes - 180


181 - Annexes


Annexes - 182


Ce mémoire tente d’éclaircir la pratique de l’accompagnement à l’auto-construction par les architectes en interrogeant les processus de conception et l’architecture résultante de ces démarches. Cette recherche s’appuie sur la pratique de trois architectes aux profils variés exerçant dans la région Auvergne Rhône-Alpes et étudie huit de leurs projets. Ces projets en auto-construction totale ou partielle, en rénovation ou en construction neuve permettent de déterminer des récurrences dans le processus de conception de projets auto-construits, d’étudier les caractéristiques de l’architecture créée et d’en analyser l’image perçue. Mots clés : pratique - auto-construction - accompagnement conception - expression architecturale Mémoire encadré par Amélie FLAMAND, Rémi LAPORTE, Shahram ABADIE et Jean Louis COUTAREL dans le cadre du séminaire du domaine d’études Ecoconception des territoires et espaces habités. Année UNIVERSITAIRE 2017-2018 École Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Fd 85 Rue du Docteur Bousquet 63000 CLERMONT-FERRAND


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