Champigny et la Grande Guerre Vies et morts des Campinois 1914-1919 Exposition rÊalisÊe par la SociÊtÊ d’Histoire de Champigny-sur-Marne (Éric Brossard, Christian Duchefdelaville, Denise Grassart, Janine Gourio, Annette Gondelle, Jacques Lecourt, Daniel Tolosana).
Avec le soutien : t EF MB 7JMMF EF $IBNQJHOZ TVS .BSOF EJSFDUJPO EF MB $VMUVSF EJSFDUJPO EFT *OJUJBUJWFT QVCMJRVFT t EFT "SDIJWFT DPNNVOBMFT EF $IBNQJHOZ EFT "SDIJWFT EĂ?QBSUFNFOUBMFT EV 7BM EF .BSOF FU EFT OPNCSFVTFT QFSTPOOFT RVJ POU PVWFSU MFVST BSDIJWFT QSJWĂ?FT t EF M 6OJPO MPDBMF EFT "ODJFOT $PNCBUUBOUT EF $IBNQJHOZ EF MB EJSFDUJPO EĂ?QBSUFNFOUBMF EV 7BM EF .BSOF EF M 0ĂśDF OBUJPOBM EFT "ODJFOT $PNCBUUBOUT FU 7JDUJNFT EF (VFSSF EF MB EJSFDUJPO EF MB .Ă?NPJSF EV 1BUSJNPJOF FU EFT "SDIJWFT %.1" EV NJOJTUĂ’SF EF MB %Ă?GFOTF t EV .VTĂ?F EF MB 3Ă?TJTUBODF OBUJPOBMF Ă‹ $IBNQJHOZ $PODFQUJPO FU SĂ?BMJTBUJPO HSBQIJRVF 0MJWJFS 6NFDLFS
SociÊtÊ d’Histoire de Champigny-sur-Marne
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01 Carte de Champigny, vers 1910 (coll. particulière).
A
u recensement de 1910, Champigny compte 10 486 habitants. La commune connaît une
période d’expansion rapide depuis le milieu des années 1870 : 2 813 habitants en 1876, 3 084 en 1881, 4 624 en 1891, 6 655 en 1901. De nouveaux quartiers sont apparus autour du bourg d’origine, vers le Plant, le Maroc, la Fourchette, et à Coeuilly, avec le lotissement du parc du château et du Village parisien.
L
’urbanisation ne concerne que certains secteurs du territoire communal. Champigny conserve
encore un air de campagne, ce qui lui permet de répondre à la demande de loisirs des citadins. Les Parisiens viennent nombreux se promener et se détendre en bord de Marne, parier lors des courses sur l’hippodrome du
Champigny veille de guerre 1
Tremblay ou assister aux représentations du Théâtre antique de la Nature.
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es échanges entre Champigny et le reste de l’agglomération parisienne sont facilités par le déve-
loppement du réseau de transport. En effet, la commune est desservie par plusieurs lignes de tramways qui la relient à Nogent et à Saint-Maur d’une part, à Paris d’autre part. Il est également possible de prendre le train à la gare du Plant ou à la gare de Champigny, située à Saint-Maur.
Vue de la Marne prise du plateau de Champigny. Carte postale colorisée, vers 1905-1910 (coll. Archives communales de Champigny).
Le Village parisien à Coeuilly. Carte postale, vers 1905-1910 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Le lotissement du Village parisien amorce la disparition progressive du paysage de campagne sur le plateau.
La place d’Armes et sa fontaine publique. Carte postale, vers 1910 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Située en bordure de la Grande Rue, la place d’Armes est un lieu très fréquenté par les Campinois. C’est pourquoi le pilier de la fontaine est couvert d’affiches publicitaires ou politiques.
La mairie de Champigny au croisement de la Grande Rue (actuelle rue Louis Talamoni) et de la rue de Bonneau (actuelle rue Albert Thomas). Carte postale, vers 1910 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
La place du marché. Carte postale, vers 1905 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
La foire aux cochons. Carte postale, vers 1905 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Jeu de ballon dans une pâture au pied du coteau. Carte postale, vers 1910 (coll. Archives communales de Champigny).
Les spectateurs arrivant à l’hippodrome du Tremblay. Carte postale, vers 1905-1910 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
La foire témoigne du maintien de traditions rurales dans une commune urbaine. La vente des cochons par des paysans vêtus de blouse est devenu un spectacle pour les citadins.
Les bords de Marne sont très appréciés par les citadins qui viennent s’y détendre et s’y distraire aux beaux jours. Des maisons de campagne sont édifiées sur le coteau (celle avec une tour d’angle abrite actuellement le musée de la Résistance nationale).
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e nom de Champigny reste associé au siège de Paris de 1870-1871. Depuis 1878, la ville est placée
Le monument de 1870-1871 couvert de couronnes. Carte postale colorisée, vers 1905-1910 (coll. Archives communales de Champigny).
Paul Déroulède, un des animateurs de la droite nationaliste, à Champigny. Carte postale, début 1914 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Lors de ses visites à Champigny à l’occasion des cérémonies commémoratives de la bataille de 1870, Paul Déroulède se fait le défenseur de l’Armée et de la reconquête de l’Alsace-Lorraine. Très affaibli, il vient une dernière fois à Champigny en décembre 1913 et meurt quelques semaines après.
sous la protection du fort de Champigny, construit au sommet du plateau, sur la commune de Chennevières. La ceinture des forts autour de Paris perd son efficacité défensive avec les progrès de l’artillerie, mais les troupes qui stationnent dans le fort de Champigny maintiennent une présence militaire dans le secteur.
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haque année, les cérémonies commémoratives de la bataille de 1870 sont l’occasion de réunions
nationalistes, inspirées autant par les affrontements politiques franco-français que par la volonté de revanche contre l’Allemagne. Les Campinois préfèrent manifester un patriotisme tranquille : ils savent que le principal monument commémoratif contient, depuis 1878, les dépouilles de soldats français et celles de soldats allemands et ils ont assisté avec une certaine indifférence, en 1910, à l’inauguration en présence d’officiels alle-
Champigny veille de guerre 2
mands du monument en hommage aux soldats du Wurtemberg tués durant la bataille de 1870.
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a population de Champigny est plutôt conservatrice mais Albert Thomas, dirigeant national du
Parti socialiste et enfant de la commune, devient député en 1910 et prend la direction de la municipalité en 1912, dans le cadre d’une alliance de circonstance : le maire est socialiste, mais son premier adjoint, Maitrot, est un républicain.
Tract du candidat socialiste Albert Thomas à l’occasion des élections législatives de 1914 (coll. particulière). Réélu à la Chambre des députés, Albert Thomas est un des principaux animateurs du groupe socialiste (SFIO). Il est un proche collaborateur de Jean Jaurès et rédige de nombreux articles pour L’Humanité.
Entrée du Théâtre antique de la Nature avant une représentation. Carte postale colorisée, vers 1905 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Ouvert en 1905 par le dramaturge Albert Darmont, né à Champigny, le Théâtre antique de la Nature attire une foule nombreuse venue de Paris et des environs. La programmation se veut prestigieuse en proposant des spectacles interprétés par des acteurs renommés, associés à des comédiens amateurs. La mort de Darmont en mars 1913 ne met pas un terme à l’aventure. En juillet 1914, le Théâtre antique de la Nature propose Roland, un drame patriotique inédit.
Carte de la France avec les frontières de 1871 dans le cahier d’un écolier campinois, vers 1910 (coll. particulière).
Soldats français en manœuvre à Champigny. Carte postale, vers 1900 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). La proximité du fort de Champigny et la présence de terrains disponibles (des champs moissonnés comme le montrent les meules en arrière-plan), expliquent l’organisation de manœuvres militaires. La simulation des soins aux blessés attire les curieux, notamment les jeunes garçons qui feront leur service militaire dans quelques années.
Jeunes garçons et leurs maîtres dans la cour de l’école du Plant, hiver 1913-1914 (coll. particulière). L’école publique et laïque inculque à ses élèves les valeurs républicaines et le sens du devoir patriotique. Chacun de ces enfants connaît les frontières d’avant 1871, adroitement suggérées par le tracé des cours d’eau sur la carte géographique de la France. Encore quelques mois, et ce seront les vacances d’été 1914.
Maison de la famille Gondelle à Coeuilly, vers 1910 (coll. particulière) Après leur mariage Louis et Alice Gondelle s’installent à Champigny. Avec l’aide de son frère et d’un voisin, Louis construit lui-même sa maison, rue du Pré-de-l’Etang, à Coeuilly. Car la famille va s’agrandir : en juillet 1914, Alice est enceinte.
Extraits des registres des délibérations du conseil municipal de Champigny, séance du 6 août 1914 (coll. Archives commnunales de Champigny). La déclaration de guerre est un nouveau traumatisme pour le Parti socialiste, quelques jours après l’assassinat de son chef Jean Jaurès, ardent défenseur de la paix. Albert Thomas, comme la plupart des socialistes, se déclare partisan d’un gouvernement d’Union sacrée. Il demande que le conseil municipal de Champigny en soit une application locale.
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La mobilisation et la déclaration L de guerre
a crise européenne qui s’ouvre avec l’attentat de Sarajevo le 28 juin 1914 touche peu la France
jusqu’à la fin du mois de juillet. Les menaces qui se précisent dans les derniers jours de juillet (mobilisation générale en Russie puis en Autriche-Hongrie) ne provoquent pas de poussées nationalistes. À l’inverse, ce sont les manifestations pacifistes qui l’emportent.
L
e 31 juillet, l’assassinat de Jean Jaurès cause une forte émotion en France mais n’entraîne
aucun trouble. Cependant, la tension internationale monte et, le lendemain, la France décrète la mobilisation générale en même temps que l’Allemagne. Le 2 août, l’Allemagne demande à la Belgique de laisser passer ses troupes sur son territoire et, le 3 août, elle déclare la guerre à la France. Le 6 août, le président de la République, Raymond Poincaré, adresse un message au Parlement où il appelle à l’Union sacrée des forces politiques.
À
Champigny, les hommes mobilisés rejoignent leur centre de regroupement dans le calme.
Agé de 36 ans, Albert Thomas est mobilisé dès août 1914. Il quitte son poste de maire, laissant l’intérim à son premier adjoint Maitrot. Affiche de mobilisation générale, datée du 2 août 1914 (coll. particulière). Photographie d’affiches placardées sur un mur de Paris au moment de la mobilisation générale au début du mois d’août 1914, publiée dans Le Pays de France, août 1914 (coll. Société d’Histoire de Champigny). Les affiches visibles concernent autant Paris que les communes de la banlieue situées dans le département de la Seine. Certaines de ces affiches ont donc pu être apposées également sur les murs de Champigny.
Le 1er août 1914, en fin d’après-midi, le maire de Champigny, comme tous les maires de France, est informé par un télégramme du gouvernement de la mobilisation générale. Les affiches de mobilisation, disponibles dans chaque commune, sont datées et apposées sur les murs. A partir du dimanche 2 août 1914, sont mobilisés les hommes aptes à combattre dans les armées de terre et de mer, troupes coloniales comprises. Les animaux et les matériels de traits sont également réquisitionnés.
Livret militaire d’Alphonse Carré, Campinois installé à Nogent depuis son mariage en 1913 (coll. particulière).
Couverture du mensuel Le Pays de France, août 1914 (coll. Société d’Histoire de Champigny).
Chaque soldat mobilisable est pourvu d’un livret personnel avec mention du lieu où il doit se rendre en cas d’ordre de mobilisation. Alphonse Carré, soldat de la classe 1909 (année de son service militaire), rejoint le centre de mobilisation de Fontainebleau.
La photographie qui illustre la couverture donne une vision patriotique de la mobilisation. Les manifestations d’enthousiasme existent, mais le départ des mobilisés se déroule le plus souvent dans le calme. Le sens du devoir l’emporte, même si l’inquiétude est partout présente.
Passage d’un convoi de troupes indiennes en gare de Champigny. Carte postale, sans date (coll. particulière). Plan de la gare militaire du Plant, avant 1914. Publié dans l’ouvrage de Bruno Carrière et Bernard Collardey, L’aventure de la Grande Ceinture, La Vie du Rail, 2002.
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Le passage des troupes à Champigny
Rapidement, les armées alliées mobilisent leurs troupes coloniales. Ces soldats indiens, reconnaissables à leur turban, doivent renforcer les unités britanniques. Ils montent au front dans des wagons de voyageurs.
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La guerre déclarée, les troupes françaises doivent rejoindre le front, situé dans le nord et l’est de la
France. Le chemin de fer a un rôle fondamental pour la réussite de l’opération et la ligne de la Grande Ceinture, passant au large de Paris, se retrouve au cœur de l’organisation des transports militaires.
D
ès le 2 août, par arrêté ministériel, la partie est de la Grande Ceinture entre Le Bourget et Ville-
neuve-Saint-Georges est rattachée au Réseau militaire placé sous l’autorité directe du haut commandement.
L
a gare militaire du Plant-Champigny est l’un des cinq « ports secs » reliés à la Grande Ceinture.
Cet ensemble de quais d’embarquement permet aux convois ferroviaires de se constituer avant leur départ pour le front.
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Nos Soldats à la Gare de Champigny __________ On sait le grand nombre de nos combattants traversant notre gare pour se rendre au front, et aussi, heureusement moins nombreux, ceux qui blessés en reviennent. Ces jours derniers, allant renforcer nos armées, ils remplissaient près de cent trains et c’est gais et confiants qu'ils partaient. Ah ! ces fils de France, ils sourient et dans leurs yeux je lis qu'ils vont chercher la victoire. Leurs trains s'arrêtent à Champigny, pas longtemps, mais enfin ils stationnent, et ces courts instants ne sont pas perdus pour ceux d'entre eux qui sont assez prompts pour sauter sur le quai, ou prêts à tendre leur quart pour y recevoir le cordial qu'on leur a préparé, ou encore les mains pour saisir les provisions qui leur sont offertes. C'est que, depuis les premiers jours de la mobilisation, avec un empressement qui ne s'est jamais démenti, c'est installé là Le Comité de Ravitaillement qui, toujours représenté et faisant acte de dévouement, à toute heure du jour ou de nuit, aidé dans sa noble tâche par les employés de la gare au moindre loisir de ceux-ci dont le concours, hors ser vice, est gracieusement autorisé, donne à nos soldats le réconfort dont ils ont besoin matériellement et moralement. C'est du café, du lait, du chocolat, du bouillon ; ce sont des portions de viande, des sandwiches, du pain, des victuailles de toutes sortes ; c'est du tabac ou des cigarettes, des journaux ; ce sont des cartes des régions où ils se dirigent et, aussi bien les officiers que les soldats, tous participent à ce ravitaillement. Et il faut voir avec quelle prodigieuse célérité la distribution s'opère afin que, le signal donné et le train remis en marche, tous les occupants soient satisfaits. Il compte d'ailleurs sur cet arrêt, car à la gare de Sucy, d'un côté, ou à celle de Noisy, de l'autre, on les prévient de la halte bienveillante qui les attend ici. On se charge aussi de remettre au bureau de poste leurs lettres ou les télégrammes que chacun adresse aux siens. Au début, et jusqu'à ce que l'hiver vint sévir, l'installation un peu sommaire existait sur le quai ; depuis la mauvaise saison il a été offert à cette œuvre admirable une grande salle de la gare qui est l'ancienne chaufferie, et c'est dans cette salle, qui a été habilement aménagée et qui est tenue dans un état d'extrême propreté, que se fait la cuisine et que s’infuse le café. Subventionné par le Conseil municipal, doté par notre député et par de nombreux donateurs, aidé par La Goutte de Café, par les souscriptions volontaires, par l'actif dévouement de ses membres qui se partagent la besogne dans une parfaite entente, nous avons l'espoir de voir le Comité de Ravitaillement fournir sa longue carrière jusqu'à ce que, ayant vaincu et chasser nos ennemis, les trains nous ramènent plus gais encore et glorieux, nos défenseurs regagnant leurs foyers. Au nom de nos populations, avec eux solidaires, il nous faut rendre hommage à ses concitoyens dévoués de nos communes de St-Maur et de Champigny et, espérant n’en pas oublier, voici leurs noms, comme j'ai pu les recueillir : Préjean, président ; Van Esten, trésorier ; [15 autres membres cités].
a gare de Champigny, située sur la commune de Saint-Maur, sur la partie est de la Grande Cein-
ture, voit le passage de très nombreux trains au début août 1914. Les habitants s’organisent pour ravitailler les soldats de passage. Cette actualité donne lieu à plusieurs reportages, dont les photographies sont largement reprises par la presse.
Reportage photographique sur le passage de troupes et de matériels en gare de Champigny, publié dans Le Pays de France, août 1914 (coll. Société d’Histoire de Champigny). Au début du mois d’août 1914, le photographe Branger réalise un reportage sur le montée des troupes vers le front. Il photographie notamment le passage du 5e régiment du génie, d’une unité de turcos (soldats venant d’Afrique du Nord) et d’un convoi de canons de 75.
Article sur l’organisation du ravitaillement des troupes de passage en gare de Champigny, paru dans La Voix des Communes, 23 avril 1915 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Durant toute la guerre, les convois militaires circulent en nombre autour de Paris, plaque tournante de réseau ferroviaire français. Le ravitaillement des troupes en gare de Champigny, spontané et enthousiaste durant les premiers jours de la mobilisation, devient par la suite organisé et souvent pénible, en particulier lors du passage de convois de blessés évacués du front.
Passage d’un convoi de soldats nord-africains en gare de Champigny, août 1914. Page de L’Album de la Guerre 1914-1919, L’Illustration, 1930 (coll. Société d’Histoire de Champigny) et carte postale, sans date (coll. Archives départementales du Val-de-Marne) Cette photographie est une parfaite image de propagande. Les soldats nord-africains, qualifiés ici de tirailleurs sénégalais, sont très peu nombreux en août 1914 sur le territoire français. Le passage de cette unité permet donc de glorifier la contribution de l’empire français. Des drapeaux tricolores ont été distribués aux soldats par les femmes chargées de ravitailler les convois. Le cliché est repris sous différentes formes et différents cadrages, pendant et après la guerre.
Photographie de soldats du 175e régiment d’infanterie, sans date (coll. particulière). Les soldats sont descendus du wagon et posent pour le photographe. L’expression des visages montre la diversité des sentiments des hommes qui montent au front.
La première croix de guerre à Champigny __________
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Champigny vient, une fois de plus, d’être à l’honneur en la personne de notre jeune concitoyen Guéneau Jacques, caporal au 30e bataillon de chasseurs alpins. Sur le front, dès le premier jour de la mobilisation, il était blessé le 19 août à Gunsbach (Alsace). Son père, qui avait pris l’initiative d’instituer, dans la cour de la mairie, un tableau d’honneur à tous les braves, tués ou blessés sur le champ de bataille, voyait avec peine, mais avec fierté que le premier document officiel par venant en mairie concernait son fils bien-aimé. Nous savons quelle peine M. Guéneau a ressenti en apprenant ce malheur qui devait l’encourager encore dans l’œuvre bienfaisante qu’il avait entreprise et qu’il a menée à bien puisqu’aujourd’hui nous lisons sur la pancarte, af fichée dans le musée de la mairie, que sou à sou, 2 315 fr. ont été versés pour nos chers blessés. Mais, que dire de l’émotion de ce père quand son fils revint, il y a quelques jours, avec la Croix de guerre que ses chefs venaient d’accrocher sur sa poitrine de héros, comme récompense de sa citation à l’ordre du jour, pour son sang-froid et sa belle conduite au feu. Nous avons eu la joie de nous entretenir quelques instants avec ce brave, et comme sa blessure ne lui permet plus de retourner au feu, il va encore ser vir à la France en travaillant à l’usine pour la fabrication des munitions. Pour lui, c’est l’idéal nouveau, c’est la joie, malgré la cruelle mais glorieuse blessure dont il souffre encore, de pouvoir, à l’intérieur, accomplir la noble tâche qu’il a commencée, et de continuer, dans la mesure de ses forces, à défendre la Patrie contre l’envahissement des Germains. Qu’il nous soit permis ici de le féliciter et de porter son nom à la postérité campinoise. PICK.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 11 juillet 1915 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Citations et Actions d’Éclat __________ [...] Avis du chef de bataillon Clemenson. Proposition très appuyée. « J’ai vu à l’œuvre l’adjudant Duchefdelaville depuis que je commande le bataillon et les faits relatés par son capitaine me prouvent encore une fois que ce sous-officier est un brave qui mérite la médaille militaire. En conséquence, je transmets cette proposition qui pourrait avoir la mention suivante : « Au front depuis le début de guerre, a fait preuve d’un courage, d’une énergie et d’un sangfroid admirables le 28 mars ; sa tranchée ayant été complètement bouleversée par un bombardement intense, a malgré un obus qui, détruisant son abri, avait brisé d’un éclat son revolver, maintenu ses hommes à leur poste, et sous la rafale, travaillé de ses propres mains à dégager les soldats ensevelis, à soigner les blessés, et à déblayer les boyaux obstrués. » Aubreville, le 30 mars 1915. Tels sont les admirables états de ser vice de ce vaillant Campinois, auquel nous adressons nos plus vives félicitations. PICK.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 22 août 1915 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Citations et Actions d’Éclat __________
Parmi les citations, nous recevons la suivante : Le capitaine de frégate, commandant le 2 e bataillon de fusiliers marins, a l’honneur de faire savoir à M. le colonel commandant le 1er régiment de cuirassiers qu’il a été tout à fait satisfait du groupe des cinquante cyclistes, commandé par le lieutenant Esendier, qui lui avait été adjoint par le Gouverneur militaire de Paris pour participer à une opération sur Creil et Clermont. Le cycliste Triadou a fait plusieurs reconnaissances de Creil à Clermont, par mauvais temps et de nuit ; il s’est acquitté de ses missions avec intelligence et a rapporté de ses tournées des enseignements intéressants pour le général commandant le ...e corps d’armée dont le quartier général est actuellement à ... ..., le 16 septembre 1914. Capitaine de frégate commandant le bataillon de fusiliers marins Signé : LE MERROT Notre concitoyen a déjà été cité à l’ordre du 10e corps d’armée. Nous lui renouvelons nos félicitations les plus sincères.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 4 avril 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Cette citation correspond à la période qui suit immédiatement la bataille de la Marne et marque la remontée vers le nord des troupes françaises, d’où le besoin d’informations fiables sur les positions de l’ennemi.
Page du livret militaire de Paul Gallois, engagé volontaire le 14 juillet 1915 (coll. particulière). Les engagés volontaires ont la possibilité de choisir leur arme : devancer l’appel permet soit d’éviter l’infanterie très exposée, soit d’intégrer une arme plus prestigieuse comme l’artillerie ou l’aviation, en plein essor, comme c’est le cas pour Paul Gallois.
Camion Berliet, 1916 ou 1917 (coll. particulière). La conflit se caractérise par une mécanisation des armées. De nombreux camions sont mis en service pour le transport du matériel et des personnels, même si la traction animale est encore très utilisée. Paul Gallois est au milieu dans la cabine du véhicule.
Les Campinois au front Paul Gallois Classe 1917
Combattre L
Durant la guerre, la France mobilise plus de 8,7 millions d’hommes, dont 0,6 million dans ses
colonies. Le nombre exact de Campinois mobilisés n’est pas connu. Vu la population de la commune, la mobili-
Né le 25 octobre 1897 à Champigny, Paul est le fils de Paul Gallois et Clara Zoé Nel. Il réside avec ses parents 79 Grande Rue, à Champigny. Élève à l’École des Arts et Métiers, il devance l’appel de la classe 1917 : le 14 juillet 1915 à Nogent, à 17 ans et 9 mois, il s’engage volontairement « pour la durée de la guerre ». Il est intégré au 37e puis au 39e régiment d’artillerie. Ses compétences techniques l’oriente vers l’aviation. Le 12 janvier 1916, il est affecté au 2e groupe d’aviation en qualité de mécanicien. Après presque 8 mois de formation, Paul Gallois se retrouve sur le front le 26 mars 1916. Il est mécanicien chargé de l’entretien de monomoteurs de chasse et de bimoteurs de bombardement. Par la suite, il est affecté au 1er régiment d’aérostation (entretien et de la mise en action de ballons pour l’observation ou la protection de sites sensibles). Paul Gallois termine la guerre avec le grade de caporal, sans blessure. Son parcours militaire ne lui vaut pas de citation, mais il obtient la médaille interalliée, dite de la Victoire. Il est démobilisé le 23 septembre 1919, après 4 ans 2 mois 9 jours de temps de service accompli dans l’armée active.
sation a sans doute touché plus de 2 000 habitants.
E
D’après les archives de la famille Gallois
n 1914, les hommes de 20 à 40 ans partent pour le front tandis que les plus âgés sont affectés
à la territoriale, en charge de la surveillance du territoire national. Rapidement, pour faire face aux besoins
Paul Gallois et quelques-uns de ses camarades du 39e régiment d’artillerie, 1915 (coll. particulière). Les jeunes soldats sans formation militaire suffisante sont entraînés durant plusieurs semaines ou plusieurs mois avant d’être envoyés au front.
en effectifs, l’âge de la mobilisation est abaissé et les conseils de révision ont pour consigne d’exempter le moins possible.
L
es Campinois sont présents dans toutes les armes, principalement l’infanterie très demandeuse
en combattants, et sur tous les secteurs du front, en France comme à l’étranger ; mais certains, du fait de leur profession ou de leur qualification, sont mobilisés
Un As campinois
à l’arrière pour faire tourner l’économie de guerre.
__________
Les hostilités sont suspendues et il y a tout lieu de supposer qu’elles ne reprendront pas, car la bête fauve et féroce qu’était l’Allemagne s’est tapie dans un coin, enfin domptée. Les exploits de nos aviateurs, en pleine envolée, ont dû s’interrompre, si avides qu’ils fussent encore d’augmenter leurs périlleuses prouesses. De tous côtés, des chants d’allégresse célèbrent la fin glorieuse pour nos armées de la guerre qui a semé tant de deuils, tant de souffrances, tant de misères. C’est le moment de décerner un autre jeune et valeureux concitoyen Fernand Guyou le témoignage de notre admiration, en narrant ses titres de gloire qui lui ont valu, le 16 octobre dernier, le grade de Chevalier de la Légion d’honneur que le général Pétain lui a décerné en même temps que la Croix de Guerre avec palmes. Les termes de cette nomination sont des plus flatteurs, et ses parents qui habitent rue des Perreux, une petite maison au-dessus de laquelle il est venu souvent planer, peuvent en être fier : « Of ficier d’élite, d’abord cavalier d’une éclatante bravoure, est devenu un pilote de chasse de premier ordre. Exécute toutes les missions qui lui sont confiées avec le plus bel entrain, un grand courage et une rare audace, qui sont un exemple constant pour tous ses camarades d’escadrille. Vient d’abattre le même jour un drachen et un biplace, portant ainsi à neuf le nombre de ses victoires. Deux blessures, cinq citations, Médaille militaire pour faits de guerre. » Il avait ser vi au Maroc avant la guerre, où il acquit le grade de maréchal des logis, et c’est sur sa demande qu’il fut incorporé dans l’aviation où il obtint le grade de sous-lieutenant. Il fait partie de l’escadrille Spa, et c’est depuis 1916 que ses victoires furent citées et qu’il ne cessa de donner de nombreux exemples de sa hardiesse. Nous pensons que tous nos lecteurs rendront hommage à l’as de Champigny. Critico
Article paru dans L’Union régionale, 6 décembre 1918 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
L
es moyens techniques de l’époque permettent difficilement la prise d’images en première ligne
et la censure filtre les informations. Cependant, les articles de presse et les photographies prises par les reporters ou par les combattants eux-mêmes rendent compte de l’évolution du conflit : guerre de tranchées, modernisation du matériel et de l’armement, nouvelles manières de combattre qui en résultent. Par ailleurs, les journaux locaux ne manquent pas de signaler à leurs lecteurs la conduite héroïque des soldats sur le front. Pilotes et personnels au sol devant un chasseur, hiver 1916 (coll. particulière). Paul Gallois, mécanicien chargé de l’armement, est le premier en partant de la droite, au deuxième rang.
Blessés et malades
« Les nôtres - Après la bataille : blessés français attendant leur évacuation devant le poste de secours où ils ont été pansés ». Photographie publiée dans L’Album de la Guerre 1914-1919, L’Illustration, 1930 (coll. Société d’Histoire de Champigny).
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La violence de la guerre
Article publié dans La Gazette de l’Est, 25 mars 1917 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Liste publiéedans dans Gazette de l’Est, Liste publiée La La Gazette de l’Est, 18 juillet1915 1915 (coll. Archives 18 juillet (coll. Archives départementales départementales du Val-de-Marne) du Val-de-Marne)
Blessés et malades
Les blessés campinois L
e perfectionnement des armes à la disposition des forces qui s’opposent durant la Grande Guerre est
à l’origine du nombre très important de blessés d’une part, du caractère souvent terrible des blessures infligées d’autre part.
P
our 8,7 millions de mobilisés, l’Armée française cumule plus de 4,2 millions de blessures durant
la Gran-de Guerre. Même si certains soldats ont pu être blessés à plusieurs reprises, c’est environ un combattant français sur deux qui est touché dans sa chair au cours du conflit. Les blessures par éclats d’obus (environ 60 % du total) l’emportent largement sur les blessures par balles (35 % du total), car le conflit a pris de nouvelles formes par rapport aux précédents, la plus insidieuse étant la guerre des gaz.
L
e nombre des blessés campinois reste indéterminé mais plus de 250 cas de blessures ou de
maladies ont été recensés. En effet, avec la blessure, la maladie est l’autre motif de mise au repos forcé des combattants. Les conditions d’hygiène très relatives qui règnent sur le front et les moyens encore limités dont dispose la médecine pour lutter efficacement contre elles font des maladies des ennemies redoutables et souvent meurtrières (telle l’épidémie de grippe espagnole qui se propage à la fin du conflit).
Photographie d’Alphonse Carré, sans date (coll. particulière). Alphonse Carré adresse cette photographie à sa femme et à son fils peu de temps avant sa blessure.
« Pendant le combat – Les premiers soins aux blessés ». Photographie publiée dans L’Album de la Guerre 1914-1919, L’Illustration, 1930 (coll. Société d’Histoire de Champigny).
Lettres reçues par la femme d’Alphonse Carré, écrite par un infirmier de l’ambulance où il est soigné à la suite d’une grave blessure, 2 et 7 février 1916 (coll. particulière). L’annonce de la blessure est toujours un moment angoissant. Le fait qu’un autre écrive à la place d’Alphonse Carré ne peut qu’inquiéter sa femme, même si les propos s’efforcent d’être rassurants tout en préparant au pire...
Liste par ordre alphabétique des soldats habitant la commune malades ou blessés (suite). LEROUX René, ...e d’inf., blessé le 29 janvier au bois de le Grurie (amputé de la moitié du pied gauche), 81, Grande-Rue. LETOURNEUR Lucien, ...e d’inf., blessé le 22 mai, près d’Arras (Pas-de-Calais), 1, rue du Bouquet. LETREMY Eugène, ...e d’inf., blessé pour la deuxième fois, le 15 mars, à Vauquois (Meuse), 6, rue de Bonneau. LEVASSEUR Albert, ...e d’inf., blessé le 11 mai à Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais), 10, rue de Bonneau. LEZE Albert, caporal au 77e d’inf., malade, en traitement sur le navire-hôpital « Tchad » à Dunkerque, 21, avenue Des-touches. LHOST Henri, du 53e d’inf., blessé le 17 septembre à Chavat (Somme), 100, rue de Bonneau. LIEVAUX Eugène, du 269e d’inf., blessé une première fois le 6 septembre en Lorraine et une deuxième fois le 4 octobre à Reims (Marne), 3, route de Joinville. LONCLE Eugène, du 2e escadron du train, blessé le 6 septembre, à Brousse-le-Petit (Marne), et une deuxième fois le 8 novembre à Waterlen (Belgique), 85, Grande-Rue. LUQUET Louis, du 131e d’inf., malade à Epernay (Marne), 216, boulevard de Nogent. MAGAINDOUX Simon, du 10e génie, malade, à l’Hôtel-Dieu de Lyon (Rhône), Villa Laversin. MAGDELAINE Robert, du ...e d’inf., blessé le 20 avril à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), 101, quai du Général-Galliéni. MAGNIEN Henri-Michel, clairon au ...e d’infanterie, blessé le 1er mars, à Vauquois (Meuse), rue de l’Avenir, à Coeuilly. MAINDIAU Alexandre, du 135e d’inf., blessé le 12 novembre, à Sonnebergue (Belgique), 105, boulevard du Centre. MAL Marcel, blessé à la bataille de la Marne, 3, Grande-Rue. MARMUSE Charles, du ...e d’inf., blessé le 13 avril, au Bois Le Prêtre, 34, rue des Acacias. MARTEAU Clément, du ...ee d’inf., blessé le 5 mars, à Notre-Dame-de-Lorette, 92, Grande-Rue. MARTEAU Paul, de la 24e section de commis et ouvriers, malade à l’hôpital militaire Dominique-Larrey à Versailles (Seine-et-Oise), avenue Marthe. (à suivre.) A. G.
Liste par ordre alphabétique des soldats habitant la commune malades ou blessés (suite). MARTY Henri, du 160e d’inf., blessé à la bataille de la Marne, rue des Platanes. MASLAIN Raoul, du ...e d’inf., blessé le 15 avril à Arras, 10, rue du Soleil. MEE, du 25e d’inf., blessé en septembre 1914, dans la Meuse, 104, route de Villiers. MENIGAULT Gaston, du 340e d’inf., blessé le 23 septembre, en Woëvre (Meuse), 1, rue du Bouquet. MERCIER Laurent, du 331e d’inf., blessé le 23 septembre à Pont-à-Mousson (Meurthe-et Moselle), 21 bis, avenue du Bois-Juliette. MERCIER Georges, du 84e d’inf. territoriale (frère du précédent et du suivant), blessé le 2 novembre à Ypres (Belgique), 21 bis, avenue du Bois-Juliette. MERCIER Adrien, du 76e d’inf., (frère des précédents), blessé le 8 septembre, dans le Nord, 21 bis, avenue du Bois-Juliette. MEUNIER Jean-Baptiste, engagé volontaire, classe 1885 au 134e d’inf., malade à l’hôpital de Belleville (Rhône), 7, avenue de la Fourchette. MICHEL Louis, sergent au 38e d’inf. territoriale, blessé le 9 avril. En trait. à l’hôpital de Beaurepaire (Isère), 28, rue de Bonneau. MONNIER Roger, blessé le 16 octobre à Ypres (Belgique), 71, rue de Bonneau. MOREAU Louis, caporal au 19e bat. de chasseurs à pied, blessé le 4 novembre, à Dixmude (Belgique), 58 Grande-Rue. MOREL Marius, du 169e d’inf., malade à l’hôpital Saint-Julien, à Nancy (Meurthe-etMoselle), 33, avenue Carnot. MOREL André, caporal au 169e d’inf. (frère du précédent), blessé en septembre, 33 avenue Carnot. MOUSSIER Lucien, du 109e d’inf., blessé le 29 août, à Saint-Benoît (Alsace), rue du Tremblay. NAU Bernard, du 131e d’inf., blessé le 7 septembre, à Vollotte (Meuse), 4 bis, rue Mignon. NIOLLET Henri, du 323e d’inf., blessé le 6 septembre, bataille de la Marne, 29, rue du Petit-Champigny. NOBLET Raoul, sergent au 69e d’inf., blessé le 10 septembre, à Laimont (Meuse), et, pour la deuxième fois, le 10 janvier, au Bois de la Grurie, gare du Plant. NICODIE Jean-Baptiste, du ...e d’inf., blessé le 31 janvier, à Notre-Dame-deLorette, 1, route de Villiers. OLIN Henri, du 279e d’inf., blessé le 18 décembre, près d’Arras (Pas-de-Calais), 135, Grande-Rue. OLIVIER Georges-Noël, sergent au ...e d’infanterie, blessé le 14 janvier, à Crouy, rue de Villiers, à Coeuilly. PAGES Antoine, du 100e d’inf. territoriale, malade, à l’hôpital du Havre (Seine-Inférieure), 16 avenue Destouches. PARENT Henri-Georges, 10e génie, malade, à l’hôpital de Saint-Chef (Isère), 33, rue des Batailles. (à suivre.) A. G.
Liste publiée dans La Gazette de l’Est, 25 juillet 1915 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne)
Lettre du médecin-chef de l’ambulance où est soigné Alphonse Carré, 11 février 1916 (coll. particulière). La note du médecin insiste sur l’extrême gravité de l’état de santé d’Alphonse Carré. Elle permet à la femme de ce dernier d’obtenir l’autorisation de se rendre auprès de son époux.
1914
1918
Les morts d’août et septembre 1914
Les derniers morts (combattants pour lesquels les informations connues sont suffisamment fiables)
(combattants pour lesquels les informations connues sont suffisamment fiables)
07
Octobre 1918 6 octobre : Louis MICHEL, 39 ans, sergent, mort à Saint-Clément-à-Arnes (08), suite à blessures de guerre. 11 octobre : Victor Maurice DIONOT, 21 ans, soldat, mort à Seboncourt (02), tué à l’ennemi. 13 octobre : Maurice Ernest GUEMIED, 30 ans, soldat, mort à Westrooscheke (Belgique), suite à blessures de guerre. 16 octobre : Valerius Auguste BUCHEL, 20 ans, soldat, mort à Olizy (08), disparu. Henri Marie LUTTENAUER, 20 ans, soldat, mort à Charmes (88), suite à blessures de guerre. 18 octobre : Léon Auguste COUTIER, 24 ans, soldat, mort à Lesnica (Albanie), suite à maladie contractée en service. 20 octobre : François Henri JAVAUD, 39 ans, artilleur, mort à Epernay (51), suite à maladie contractée en service. 21 octobre : Paul Etienne Louis POINTEAU, 37 ans, canonnier, mort à Ochrida (Serbie), suite à maladie contractée en service. 24 octobre : Paul Marcel DELPORTE, 22 ans, soldat, mort à Braisne (02), suite à blessures de guerre. 27 octobre : Gilbert HIGELIN, 23 ans, soldat, mort à Prizren (Macédoine serbe), suite à maladie contractée en service.
Août 1914 8 août : Pierre Louis Raymond MAGNIER, 23 ans, sergent, mort à Wisembach (88), tué à l’ennemi. 9 août : Richard BERTRAND, 23 ans, soldat, mort à Rixheim (68), tué à l’ennemi. 20 août : Alfred CHENAYE, 21 ans, soldat, mort à Morhange (57), tué à l’ennemi. 22 août : Ernest Clément CHARPENTIER, 23 ans, soldat, mort à Gorcy (54), suite à blessures de guerre. Georges Henri DESBARRES, 22 ans, soldat, mort à Romain (54), tué à l’ennemi. Léopold GEYER, 21 ans, sergent major, mort à Signeulx (Belgique), suite à blessures de guerre. 24 août : Gaston Jules Louis LEFRANC, 26 ans, lieutenant, mort à Sorbey (55), tué à l’ennemi. Léon MAGAUDOUX, 28 ans, soldat, mort à Cheppy (55), disparu au combat. 25 août : Louis Clément Eugène BONVARLET, 37 ans, caporal (inf. territoriale), mort à Iwuy (59), tué à l’ennemi. Louis Gustave DEFRANCE, 21 ans, canonnier, mort à Haraucourt (54), tué à l’ennemi. Edmond Alexandre HEGUILUS, 22 ans, soldat, mort à Drouville (54), tué à l’ennemi. Jules Albert LELARGE, 20 ans, soldat, mort à Courbesseaux (54), tué à l’ennemi. Marius François MERCOIROL, 23 ans, soldat, mort à Champenoux (54), tué à l’ennemi. 26 août : Alexandre Louis LALEVEE, 22 ans, canonnier, mort à Doncières (88), tué à l’ennemi. Louis Alexandre Jean Baptiste MARECHAL, 38 ans, caporal (inf. territoriale), mort à Cambrai (59), suite à blessures de guerre. 29 août : Auguste REGOUBY, 46 ans, soldat (inf. territoriale), mort à Fontenay-sous-Bois (94), en service commandé. 30 août : Yves Marie KERAMBRUN, 29 ans, soldat, mort à Guincourt (08), tué à l’ennemi. 31 août : Henri Valentin ALEXANDRE, 30 ans, soldat, mort à Munich (Bavière), tué à l’ennemi. Edmond Stanislas Edouard AUBERT, 25 ans, soldat, mort à Champigny (hôpital F120), suite à blessures de guerre. Marcel LEMOINE, 21 ans, soldat, mort à Fossé (08), tué à l’ennemi. Emile Julien MARMUSE, 25 ans, soldat, mort à Fossé (08), tué à l’ennemi. Auguste Henri RICHARD, 31 ans, soldat, mort à Fossé (08), tué à l’ennemi. Félix ROULAN, 23 ans, soldat, mort à Champigny (hôpital F 120), suite à blessures de guerre. Septembre 1914 1er septembre : Georges Camille MARTEAU, 24 ans, soldat, mort Cierges (55), tué à l’ennemi. 5 septembre : Gaston HENRIET, 21 ans, soldat, mort à Crevic (54), tué à l’ennemi. Emile Raymond SEMENTERY, 29 ans, soldat, mort à Villeroy (77), tué à l’ennemi. Georges Alphonse VILLAIN, 33 ans, soldat, mort à Drouville (54), tué à l’ennemi. 6 septembre : Alfred Auguste MOREAU, 28 ans, soldat, mort à Labeycourt (55), disparu. Clément NANTIER, 30 ans, soldat, mort à Réméréville (54), tué à l’ennemi. Berthin NIROUET, 29 ans, sergent, mort à Villote-Loupy-le-Château (55), tué à l’ennemi. André Edmond REMY, 21 ans, soldat, mort à Vaubécourt (55), tué à l’ennemi. Adrien Alphonse TILLET, 23 ans, sergent, mort à Vaubécourt (55), tué à l’ennemi. 7 septembre : Henri Joseph GATIN, 26 ans, sergent, mort à Chapton (51), tué à l’ennemi. 8 septembre : Georges Edouard TROUILLEBOUT, 25 ans, caporal, mort à Fère-Champenoise (51), tué à l’ennemi. 10 septembre : Albert WALTER, 22 ans, soldat, mort à Vassincourt (55), disparu. André Alfred SCHARBACH, 26 ans, soldat (chasseur alpin), mort au camp de Mailly (51), tué à l’ennemi. 12 septembre : Charles André SERAFINO, 21 ans, soldat, mort à Thillois (51), disparu. 14 septembre : Paul Auguste Bernard BOUDET, 25 ans, mort au Mont d’Origny (02), tué à l’ennemi. 15 septembre : Arthur Anatole LEDARD, 41 ans, capitaine (inf. coloniale), mort à Bavay (59), à l’hôpital, suite à blessures de guerre. 19 septembre : François Gustave MAUROY, 28 ans, soldat, mort à Cuffier (02), suite à blessures de guerre. 20 septembre : Léon Henri MONTRE, 29 ans, soldat, mort à ... (60), circonstances inconnues. 24 septembre : Henri Lucien FAURIEL, 30 ans, soldat, mort à Vauquois (55), disparu. 26 septembre : Louis GUICHOU, 33 ans, soldat (inf. coloniale), mort à Minaucourt (51), tué à l’ennemi. 27 septembre : Adolphe Francis GUILLIEN, 27 ans, soldat, mort à Maricourt (80), tué à l’ennemi. Henri Charles Marius SAILLOT, 34 ans, soldat, mort à La Chavatte (80), disparu au combat. 29 septembre : Valerius Victor TILLET, 22 ans, soldat, mort à Four-de-Paris (55), tué à l’ennemi.
S
Novembre 1918 1er novembre : Jacques André CHENAYE, 28 ans, conducteur, mort à Vouziers (08), tué à l’ennemi 11 novembre : Ernest Léon RENAUDIN, 29 ans, mort à Regenburg (Allemagne), sans doute en captivité. 17 novembre : Pierre VIOLA, 32 ans, soldat, mort à Salonique (Grèce), suite à maladie contractée en service. 20 novembre : Lucien Joseph Marie LOIRAT, 35 ans, soldat, mort le 20 novembre 1918, à Champigny (hôpital F 120), suite à blessures de guerre. 22 novembre : Gaston Georges VAUDEQUIN, 35 ans, soldat, mort à Champigny (hôpital F 120), suite à maladie contractée par les gaz. 25 novembre : Georges Henri Ernest GILLET, 31 ans, soldat, au lazaret de Friedricksfeld (Allemagne), suite à maladie. Décembre 1918 1er décembre : Albert Frédéric CHENAYE, 21 ans, soldat, mort au lazaret du camp de Cottbus (Allemagne), en captivité. 13 décembre : Albert DAHM, 21 ans, mort à Champigny (hôpital F 120).
« Devant Froideterre », tableau de E. Barthelemy, sans date. Publié dans La Grande Guerre vécue, racontée, illustrée par les combattants, tome 1, Librairie Quillet, 1922 (coll. Société d’Histoire de Champigny).
La violence de la guerre Les morts campinois
ur 8,7 millions de mobilisés, la France perd 1,4 million d’hommes. Un sur deux meurt « tué à l’en-
nemi », un sur cinq à la suite de blessures, un sur huit de maladies et près d’un sur sept est porté disparu. Les pertes les plus élevées concernent l’année 1914 (qui ne compte qu’un peu plus de quatre mois de guerre), l’année 1915 et l’année 1918.
L
e nombre de Campinois tués est d’un peu plus de 600. La répartition des morts correspond presque
exactement aux grandes phases du conflit : les décès sont plus nombreux au début et à la fin de la guerre, Photographie de la tombe d’Alphonse Carré, à Belleville (Meurthe-et-Moselle), sans date (coll. particulière).
les pics de mortalité signalent les grandes batailles. Les Campinois meurent davantage au feu en 1914,
Les proches du soldat Carré ont pu venir se recueillir sur sa tombe et améliorer l’apparence de la sépulture en remplaçant la croix d’origine et en ajoutant barrières et couronnes.
davantage de blessures ou de maladies en 1918.
L
’ampleur des pertes amène les autorités mili-taires à mettre en place une gestion bureaucratique
de la mort des combattants. Les personnels en charge
Lettre adressée par le médecin de l’ambulance 3/64 au médecin de la famille Carré, 20 février 1916 (coll. particulière).
de cette tâche s’efforcent de maintenir un minimum d’humanité. Les proches des victimes, notamment les veuves et les orphelins, bénéficient d’une certaine bienveillance, dans la limite des contraintes liées aux nécessités de la guerre.
C
haque mort annoncée est un drame que les auto-
Copie intégrale de l’acte de décès d’Alphonse Carré, d’après le registre des actes de décès pour l’année 1916 de Nogent-sur-Marne (coll. particulière). Le décès d’Alphonse Carré est retranscrit dans les registres d’état civil de la commune où Alphonse Carré s’est installé après son mariage. Son corps est rapatrié au cimetière de Champigny après la guerre.
rités communales tentent d’atténuer par une
aide matérielle et morale apportée aux familles. Le pire sans doute est l’incertitude, quand le mari, le fils ou le
Tombés au champ d’honneur
père est porté disparu, quand l’absence de nouvelles
PLASTRIER Alfred-Charles, du ...e d’artillerie, décédé le 5 juillet à Old Castle, près de Sedd-el-Bahr (Turquie) ; 8 bis, rue des Sapins. BAZILLE Louis-Isodore, du ...e infanterie, tué à l’ennemi le 15 juin à Aix-Noulette ; 9, rue du Soleil. SIMON Christophe, du ...e régiment infanterie, tué le 5 juin à Neuville-SaintVaast ; château de Coeuilly. AUBRY Fernand-Alexandre, du ...e infanterie, tué à l’ennemi le 16 juin à Souchez ; 85, Grande-Rue.
______________
dissout peu à peu l’espoir.
Plaque tombale d’Alphonse Carré (coll. particulière). Après le remplacement de la simple croix de bois sur la tombe, la famille du défunt a conservé la plaque qui s’y trouvait fixée.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 15 août 1915 (coll. Archives départementales du Val-deMarne).
Dans l’intérêt des familles ______________ Dans le but de rendre ser vice aux familles qui sont privées de nouvelles des leurs, nous insérons ici GRATUITEMENT toutes communications qu’elles nous adressent. SERAFINO Charles-André, 39e d’infanterie, matricule 5204, disparu le 12 septembre 1914, à Thillois (Marne). Donner nouvelles à sa famille, rue du Cimetière.
Copie de l’avis de décès d’Auguste Regouby, soldat du 35e régiment territorial, transmis au maire de Champigny, 6 octobre 1915 coll. Archives communales de Champigny). Le document demande au maire de prévenir la famille « avec tous les ménagements nécessaires en la circonstance ».
Article paru dans La Gazette de l’Est, 26 mars 1916 (coll. Archives départementales du Val-deMarne). En 1916, la famille du soldat espère encore qu’il a pu être fait prisonnier, mais l’absence de nouvelles inquiète. Le décès de Charles-André Serafino est confirmé par jugement du tribunal de la Seine le 8 octobre 1920.
08
Soldats du 156e régiment d’infanterie photographiés devant une maison du Tréport (Seine-Maritime) avec ses habitants, 8 octobre 1916 (coll. particulière). Afin de ménager les hommes diminués par la dureté des combats, les unités tournent au front. Lors des périodes de re-
Soldats du 353e régiment d’infanterie au repos, photographiés au bord d’une route, 1915 (coll. particulière).
pos, à l’arrière, les soldats sont logés chez l’habitant et les règles de la vie militaires sont un peu assouplies. La solidarité des combattants qui permet d’avoir la certitude qu’on ne sera pas abandonné en cas de coup dur s’exprime ici sous la forme d’une camaraderie virile.
Les Campinois L au front Tenir
a Grande Guerre qui met en œuvre les techniques les plus modernes de destruction demeure une
expérience traumatisante. Si le front n’est pas le lieu d’affrontements permanents, si des périodes d’accalmies et de repos à l’arrière préservent les capacités de résistance des hommes, la tension inhérente au stationnement en première ligne et la présence permanente de la mort épuisent physiquement et moralement.
C
hacun gère la violence subie ou infligée comme
Carte postale colorisée, 1914 ou 1915 (coll. particulière). Cette carte postale reprend un des arguments patriotiques de la propagande de guerre : la sauvegarde de la cellule familiale et de son bonheur. Le soldat porte encore l’uniforme de 1914.
il le peut. Tous les soldats trouvent un récon-
fort dans l’esprit de solidarité entre les combattants, né d’une expérience commune, et dans les échanges de courriers avec la famille ou les amis. Les permissions individuelles, accordées avec parcimonie, sont attendues avec impatience et donnent parfois lieu des comportements excessifs, qui sont autant de dérivatifs pour oublier la vie au front.
Carte postale colorisée, 1916 ou 1917 (coll. particulière). À ce moment de la guerre, un très grand nombre de combattants sont très jeunes, ne sont pas mariés ou n’ont de la vie amoureuse qu’une expérience limitée. Sous son apparence poétique, cette carte restitue l’inquiétude face à une guerre qui se prolonge et qui réduit d’autant les chances de connaître pleinement tous les plaisirs de la vie.
Photographie de la famille Letrémy, de Champigny, 1915 ou 1916 (coll. particulière).
Photographie de Paul Gallois, prise à l’occasion d’une permission, 1916 (coll. particulière).
Malgré le décès de ses parents en 1913, Marcel Letrémy est mobilisé alors qu’il est chargé de famille. Les cinq frères et sœurs se font photographier ensemble lors d’une permission de Marcel (peutêtre accordée à la suite de la décoration qu’il porte à sa veste d’uniforme).
La photographie est un élément essentiel dans le maintien du moral des combattants. Elle est le moyen de conserver avec soi les visages des êtres chers, de fixer sur la pellicule un moment de bonheur à l’occasion de retrouvailles. Elle donne aussi la possibilité de garder le souvenir d’un corps vivant et indemne, de pouvoir surmonter l’angoisse de la blessure et de la mort, quand tant de soldats subissent des mutilations épouvantables ou disparaissent sans laisser de traces.
Soldats du 46e régiment d’infanterie au repos, noël 1914 (coll. particulière). La scène se veut amusante : les soldats en tenue de travail blanche et en sabots simulent la distribution de vin et de nourriture à leurs camarades. Chacun s’efforce de sourire et de profiter de ce moment de détente. La photographie sert d’illustration à une carte postale que Louis Gondelle envoie à son épouse.
Carte postale écrite par un soldat à son frère, lors d’une permission à Champigny, 7 octobre 1918 (coll. Archives départementales du Valde-Marne)
Carte postale adressée par un soldat dans le secteur de Suippes (Marne) à un de ses camarades blessés, 11 janvier 1915 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne) Cette carte révèle de manière brutale la terrible condition des combattants et leur proximité avec la mort. Malgré tout, ce soldat a choisi une carte de propagande comme support à son texte, montrant en cela qu’il accepte le discours patriotique appelant à la poursuite du conflit. « Suippe le 11 janvier 1915 Mon cher André Je pense que tu est complettement rétabli de tes blessures ; moi je me porte bien malgré nôtre triste vie que l’on voudrait bien voir finie dans ce métier. J’ai appris par ta mère et Elise la triste mort de nôtre pauvre Emile. Comme tu sait je serais donc à prendre la faction devant sa dépouille il y a au moins une vingtaine de cadavre devant nous si seulement je savais quel est celui d’Emile il me serait assez facile d’aller le cherché mais malheureusement je ne le sait. mon cher André si tu peux te dispensé ainsi que Marcel fait le car la vie que nous menons n’est guère agréable Mon cher André je te quitte en t’embrassant bien fort et bien des fois ainsi que toute la famille
Carte postale écrite à un soldat, 17 août 1917 (coll. Archives communales de Champigny). La quasi absence de texte sur cette carte souligne que le maintien du lien entre le front et l’arrière est plus important que les nouvelles données. De manière générale, nombre de cartes postales, avant comme après la guerre, portent un texte aussi minimaliste...
« Champigny, le 7 octobre 1918 Mon cher frangin, Ce matin, j’ai été pour tâter ma prolongation mais rien à faire, alors pour finir la journée je suis en promenade ici avec Alice et Sylvia chez le bistro qui se trouve sur cette carte, nous sommes déjà à moitié retournés et ce n’est pas fini. Au revoir mon vieux, une fois au dépôt, j’espère avoir un peu plus de courage pour t’écrire. Ton frère Armand »
Le camp de Meschede vu par un prisonnier Charpentier dans un village de Vendée, M. Charrier est mobilisé dès août 1914. Il est affecté au 6e régiment du génie qui est engagé en Belgique. Son unité se replie sur la Marne puis participe à la contreoffensive dans le secteur de La Fère-Champenoise. Transféré au 2e régiment du génie, il se retrouve dans l’Oise. Il est capturé le 21 décembre 1914, au cours d’une opération. Il arrive au camp de prisonniers de guerre de Meschede le 23 décembre. Il découvre un camp construit rapidement, sans équipements adaptés, aux conditions de vie très dures. Pour échapper à son sort, il accepte de travailler dans une usine éloignée du camp mais il est impliqué dans plusieurs tentatives d’évasion. Il retourne à Meschede au printemps 1915 et constate que le camp a changé depuis son départ.
Cartes postales du camp de Meschede, sans date (coll. particulière) Ces cartes postales présentent une vision convenable du camp de prisonniers de guerre, conforme à l’image que veut en donner la propagande allemande.
« En y arrivant, grand fut notre ébahissement ! Que de transformations ! Une route principale, des allées transversales avec trottoirs en ciment, ont été créées. Le service d’eau avec robinets et bornesfontaines, salle de douches, autoclave pour le linge, y sont installés, ainsi que des « water » vastes et propres. Des baraquements nouveaux, espacés et alignés, offrent un certain confort. Le lazaret est composé de six grandes baraques. Une chapelle en planches est élevée au milieu. Pourquoi tant de modifications ? Sans doute pour bien impressionner les commissions étrangères chargées de visiter les prisonniers. La garde du camp avait été puissamment organisée. On avait dressé tout autour une puissante clôture de protection. D’abord une grande palissade de quatre mètres de haut, formant chemin de ronde, une autre clôture de barbelés hauts de trois mètres. Aux quatre coins du camp et au-dessus de la palissade s’élevaient des observatoires hauts de huit mètres, où veillaient des sentinelles. Sur les hauteurs, tout autour du camp, étaient placées bien en vue des mitrailleuses et des soixante et onze de campagne ; de puissantes lampes électriques, la nuit, éclairaient le camp et les environs. Toute évasion semblait ainsi impossible. Cependant, nous en avions tellement le désir que nous creusâmes plusieurs souterrains au-dessous des planches des baraquements. Plusieurs furent très avancés et dépassèrent même la palissade, mais aucun ne put être mené à bonne fin, les Allemands étant toujours renseignés à temps. [...] Je quittai le camp pour être envoyé en différents commandos ou petits détachements de travailleurs. Je n’y restai que peu de temps. On nous faisait travailler le bois, pour en faire des pieux pour les tranchées, des manches de pelles ou de pioches. Pour rien au monde je ne voulais travailler contre ma patrie. Je me faisais alors porter malade. Mais une fois mon subterfuge ne prit point et je fus envoyé dans un « commando » de représailles créé pour les fortes têtes. Je n’y travaillai qu’à force de coups de crosse ou de baïonnette. »
Extraits de l’ouvrage de M. Charrier, Notre évasion d’Allemagne, non daté.
09
Les Campinois prisonniers D de guerre
ès le début de la guerre, les Allemands font de très nombreux prisonniers français. Leur sort est
ignoré en France pendant plusieurs mois. Les premières évasions et les visites des délégués de la Croix-Rouge internationale permettent de connaître la situation des
Portrait de Louis Gondelle lors de sa captivité. Photographie recadrée, sans date (coll. particulière).
Prisonniers ______________
Liste des prisonniers communiquée par les familles, prévenues par l’agence française de la Croix-Rouge. BREQUEL Paul, du ...e infanterie, interné à Altengrabow, près Magdebourg, rue Marin. GONDELLE Louis, du ...e infanterie, fait prisonnier au Lazareth, interné à Saarlouis, rue du Pré-de-l’Etang. GRAIN Georges, du ...e infanterie, fait prisonnier à Vér y, interné au Camp d’Erfurt, rue du Four, 23.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 15 août 1915 (coll. Archives départementales du Val-deMarne). Le numéro du régiment auquel appartiennent les prisonniers a été censuré afin d’éviter la reconstitution des mouvements de l’unité sur le front par d’éventuels espions lisant La Gazette de l’Est...
prisonniers de guerre, qu’aucun règlement militaire
Louis Gondelle
allemand ne définit. Le plus souvent, les conditions sont
Classe 1900 En août 1914, Louis Gondelle est mobilisé et doit quitter son épouse qui est enceinte. Incorporé avec d’autres Campinois au 46e régiment d’infanterie, il est amené à combattre en Argonne. Le 28 février 1915, il est grièvement blessé au cours d’une attaque meurtrière visant à reprendre les ruines de Vauquois. La Gazette de l’Est mentionne sa blessure le 4 juillet 1915, sans préciser le lieu (« à V... dans la Meuse ») ni qu’il est tombé aux mains de l’ennemi. C’est seulement le 15 août 1915 que le journal mentionne sa présence comme prisonnier de guerre au lazaret de Saarlouis. Alice a accouché d’un fils, Raymond, le 14 mars 1915. Une fois remis sur pied, Louis entame une longue captivité au camp de prisonniers de Meschede, en Westphalie. Il peut correspondre avec les siens et leur fait parvenir une photographie rassurante sur laquelle il figure parmi les musiciens lors d’un concert organisé pour distraire les prisonniers. En semaine, Louis travaille dans une fonderie. Comme il en témoigne après son retour, il est mal nourri et astreint à des horaires excessifs. Les récalcitrants sont punis. Beaucoup manquent du nécessaire. Certains de ses camarades déguenillés, démunis de chaussures, en sont réduits à s’emmailloter les pieds de chiffons appelés « chaussettes russes ».
déplorables. En 1915, des épidémies de tuberculose et de typhus éclatent. En France, la presse s’indigne du traitement infligé aux prisonniers de guerre par l’ennemi. Face aux protestations françaises, les Allemands durcissent encore le régime des camps. Des accords signés à Berne, en Suisse, fin 1917, permettent d’améliorer la prise en charge des prisonniers français.
L
es efforts de la Croix-Rouge internationale abou-
Photographie adressée à Louis Gondelle par sa sœur, sans date (coll. particulière). Sous la photographie cousue sur la carte postale « pour la correspondance aux prisonniers » est écrit : « Bonjour petit frère Eugénie » . La carte porte le tampon de contrôle du camp de Meschede.
tissent à l’échange de courriers entre les prison-
niers, d’Allemagne vers la France, et leurs familles, dans l’autre sens. La correspondance est strictement contrôlée. Pour éviter la censure, les propos échangés sont courts et d’ordre général. L’important est de pouvoir écrire et lire, et parfois regarder une photographie qui se veut rassurante, mais ravive aussi la douleur de la séparation.
P
rès de 300 000 Français sont prisonniers en Allemagne en 1916. Ils sont près de 480 000 en
novembre 1918, parmi lesquels au moins 200 Campinois.
Carte postale adressée par Alice Gondelle à son mari prisonnier, sans date (coll. particulière). La carte porte le cachet du contrôle postal du camp de Meschede.
Séance musicale organisée par les prisonniers au camp de Meschede (Westphalie), sans date (coll. particulière). Afin de rompre l’ennui, les prisonniers ont la permission d’organiser des activités artistiques et culturelles. Ils ont pu se procurer des instruments de musique et ont dressé une scène. Louis Gondelle est à la guitare. Les autorités du camp ont autorisé également la prise d’une photographie souvenir qui donne une image positive des conditions de détention. Les prisonniers ont cependant associé à leur concert le nom de Biribi, désignant dans l’argot militaire les compagnies disciplinaires de l’armée française en Afrique, réputées pour leur dureté.
Carte postale adressée par Alice Gondelle à son mari, 1915 (coll. particulière). Alice envoie à Louis une photographie de son fils, âgé de quelques mois, né peu après qu’il a été fait prisonnier.
Félicitations adressées à Albert Thomas. Extrait des registres des délibérations du conseil municipal, séance du 25 juin 1915 (coll. Archives communales de Champigny). La motion est présentée par les conseillers socialistes, mais l’ensemble du conseil municipal ne peut qu’adresser ses félicitations à Albert Thomas suite à sa nomination comme soussecrétaire d’État à la Guerre, en charge de l’artillerie et des munitions.
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Albert Thomas en visite sur le front. Photographie recadrée, septembre 1916 (coll. Imperial War Museum). Le ministre français de l’Armement est en compagnie du général Haig, commandant du corps expéditionnaire britannique, du général Joffre, commandant en chef de l’Armée française, et de Llyod George, ministre britannique de l’Armement.
Albert Thomas Un Campinois au gouvernement
B
ien que mobilisé dès août 1914, Albert Thomas n’est militaire que durant quelques semaines.
En septembre, il est chargé d’assurer la coordination nécessaire entre l’administration des chemins de fer et l’état-major, sous l’autorité du ministre des Travaux publics. En octobre, le ministre de la Guerre le réclame pour organiser la production intensive de munitions. Jusqu’en mai 1915, Albert Thomas sillonne la France, trouvant les ateliers et le personnel appropriés. En mai 1915, il devient sous-secrétaire d’État à l’Artillerie et aux Munitions. En décembre 1916, dans le gouvernement Briand, le sous-secrétariat est transformé en ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre. Albert Thomas conserve son poste dans le gouvernement Ribot en mars 1917. Durant cette période, il parcourt l’Europe entière pour organiser la production et la répartition des armes au profit de la France et de ses alliés.
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lbert Thomas ne néglige pas Champigny. Il
« Dans les Carpathes boisées : M. Albert Thomas, accompagné du général Kornilof, passe sur le front des troupes qui acclament avec lui la guerre jusqu’à la victoire pour la liberté des peuples ». Photographie publiée dans L’Illustration, 23 juin 1917 (coll. Archives communales de Champigny). Après la révolution de février 1917 qui renverse le tsar, Albert Thomas part en Russie pour s’assurer que la nouvelle république reste présente dans la guerre aux côtés de la France et du Royaume-Uni, en attendant l’arrivée des troupes américaines. Le ministre français s’appuie sur son engagement socialiste et ses qualités de tribun pour haranguer les soldats russes.
revient régulièrement dans sa commune, en
particulier à l’occasion de manifestations importantes telles les cérémonies commémoratives au monument de 1870-1871 ou la visite du président Poincaré à l’hôpital F 120.
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n 1917, la pensée et l’action d’Albert Thomas sont de plus en plus critiquées au sein du Parti socia-
liste où beaucoup dénoncent les conséquences d’une guerre prolongée et réclament une paix immédiate. En septembre, l’Union sacrée n’existe plus. Les socialistes décident de quitter le gouvernement et Albert
Albert Thomas en visite sur le front. Photographie publiée en une de L’Illustration, 30 septembre 1916 (coll. Archives communales de Champigny).
Albert Thomas dans les usines de guerre ______________ Notre actif député-maire, M. Albert Thomas, sous-secrétaire d’Etat de l’artillerie et des munitions, vient d’accomplir une tournée de six jours dans les usines travaillant pour l’artillerie, dans les régions de l’ouest et du sud-ouest. Il a visité dans le plus grand détail un certain nombre d’installations, se rendant compte des efforts accomplis pour fournir à tous les besoins de la défense nationale. Son premier arrêt en quittant Paris a été pour la fonderie Chappée, près du Mans. Il s’est ensuite rendu à la fabrique d’emboutis de Saint-Pierre-des-Corps, puis à la poudrerie de Ripault, puis à la Haye-Descartes, puis à Bordeaux. Il a inspecté la poudrerie de Bassens, l’usine des Thuillières, la poudrerie de Bergerac, les établissements de Fumel et enfin les énormes installations faites depuis quelques mois à Toulouse. Sur la route du retour, M. Albert Thomas s’est arrêté aux fonderies d’Issoudun, de Châteauroux et de Vierzon. Il est rentré à Paris après un voyage de 1 400 kilomètres, ayant visité certains jours jusqu’à quatorze établissements différents.
Thomas se plie à cette décision.
« Il faut que les ouvriers s’habituent à voir la dans classe patronale, pour une grande part, la dépositaire des intérêts industriels de l’avenir ; il faut qu’ils s’accoutument à voir dans un effort, comme celui qui a créé cette usine, non pas seulement la réalisation d’un intérêt particulier et égoïste, mais le profit commun qu’en tirent la nation et la classe ouvrière ! Et, par contre, je rappelle aux représentants de la classe patronale française, à l’heure où ils demandent le grand et magnifique effort de labeur que vous réalisez chaque jour dans ces ateliers, il ne faut pas, lorsque les revendications surgissent, qu’ils y voient simplement l’expression de l’intérêt particulier et égoïste des ouvriers, mais aussi l’intérêt d’ensemble de la société ; il faut qu’ils y voient la possibilité du travail et la condition de l’avenir industriel du pays ! Je leur demande, camarades, de faire confiance à l’âme de votre classe, à ses idées, à ses espérances, et de faire que, chaque jour, un peu plus de bien-être se réalise pour la classe ouvrière. »
Extrait d’un discours d’Albert Thomas prononcé lors d’une visite des usines Renault, 1er septembre 1917.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 27 août 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Albert Thomas prononçant un discours lors de la cérémonie commémorative au monument de 1870-1871. Photographie publiée dans L’Illustration, 11 décembre 1917 (coll. Archives communales de Champigny).
Remise par Albert Thomas du prix de la rosière à une campinoise. Couverture du journal Excelsior, 13 août 1917 (coll. Archives communales de Champigny). La jeune rosière est Suzanne Letrémy qui élève seule ses frère et sœurs après le décès de ses parents avant guerre et la mobilisation de son frère aîné.
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Les derniers raids
Les passages d’artillerie ont lieu fréquemment, la nuit, dans notre commune, et seuls les bruits de roulage des canons nous éveillent, les hommes ne causant aucun bruit ; il n’en est pas de même des artilleurs de la Compagnie Sintier, qui n’ont, hélas, dé-claré la guerre qu’à notre pacifique popula-tion et qui crient, poussent lors chevaux avec de formidables jurons, s’arrêtent, jet-tent leurs outils sur le sol, et crient encore à tue-tête afin d’éveiller ceux qui ont tra-vaillé le jour et se reposent la nuit. Cette satisfaction ne leur est pas encore suffisante, car, pour ceux qu’ils n’ont pu réveiller, ils laissent leur carte de visite, en déposant leurs ordures sur les trottoirs de la Grande Rue. Nous connaissons de nos concitoyens qui se promettent de verser le contenu de leur vase de nuit sur le par trop sans-gêne vivous la devanture de leurs boutiques. Nous sommes persuadés que ces lignes tombant sous les yeux de l’aimable et si actif directeur de cette Société, il saura faire le nécessaire pour éviter le retour de pareils désagréments qui ne sont pas de ceux auxquels il est impossible de remédier.
Comme nous le craignions, les sinistres oiseaux nocturnes sont revenus, mais ils étaient attendus et n’ont pu faire grand mal à la proie qu’ils convoitaient, Paris et sa banlieue. Dans notre commune, les sirènes donnèrent l’alerte et aussitôt un grand nombre de nos concitoyens gagnèrent les abris désignés par la commission locale. Si nous n’avons pas eu à subir le bombardement des avions boches, nous avons néanmoins reçu un grand nombre de projectiles et d’éclats de nos canons anti-aériens. Personne ne peut s’en plaindre, car tous ont pu constater l’efficacité des tirs de barrage. Seuls pourraient le regretter, mais trop tard, ceux qui, malgré les avertissements donnés, resteraient encore dehors et recevraient sur la tête un éclat ou un culot d’obus, voire même un obus entier ; je ne pense pas que la curiosité ait poussé à ce point nos braves Campinois et je suis persuadé qu’à part quelques conscrits en fête qui, heureux de recevoir déjà le baptême du feu, chantaient par les rues, les gens sensés sont restés chez eux à l’abri. [...]
Article paru dans La Gazette de l’Est, 12 septembre 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Le passage de convois militaires est devenu un fait banal pour la population campinoise. L’incident évoqué dans l’article est cependant une manière d’en signaler les nuisances, sans paraître remettre en cause la nécessité du déplacement des troupes et de leur matériel.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 17 mars 1918 (coll. Archives communales de Champigny).
ON PROTESTE
Note d’information du maire concernant des exercices de dirigeables au-dessus de Paris, 29 août 1915 (coll. Archives communales de Champigny).
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Pour éviter d’alerter inutilement la population, les autorités militaires ont demandé aux maires des communes de banlieue de diffuser l’information figurant sur la note.
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dizaines de kilomètres de Champigny début
dans la population. En effet, le souvenir du siège de Paris et des combats de 1870 est resté très présent parmi les Campinois. La victoire française de la Marne est un soulagement, provisoire car l’issue de la guerre reste incertaine. e front se stabilise loin de Champigny, mais les dirigeables puis les avions allemands font leur
apparition dans le ciel de la banlieue parisienne. La confrontation avec cette forme nouvelle de guerre ne manque pas d’inquiéter les Campinois. Malgré tout, la guerre est devenue familière : les uniformes des
Il faut les livrer à la police les mauvais Français qui jettent la panique dans notre brave population en colportant de fausses nouvelles. Pourquoi Mme D... racontait-elle samedi dernier que le train partant de la gare de ... à ... heures avait été bombardé en arrivant en gare de ... ? Ignorait-elle que de nombreuses femmes avaient des membres de leurs familles dans le train qu’elle signalait et qu’elle allait jeter l’angoisse et la désolation parmi elles ? C’est ce qui c’est, du reste, produit. Nous pourrions citer de nombreux exemples de la sorte, nous préférons les passer sous silence. De fausses nouvelles sont colportées par des personnes que le public croit trop facilement. Puis des bourreurs de crâne, pour se rendre intéressants, relatent des faits inexacts et mensongers ; ils décrivent la descente d’un « gotha », l’état des occupants tués ou blessés et l’appareil avarié, les croyants s’en vont par les routes à plusieurs lieues voir l’oiseau boche qui n’a jamais existé que dans l’imagination du saltimbanque qui s’est moqué de tous ses auditeurs. Comme il doit rire ce pitre et quelle correction il mérite ! Nous sommes persuadés que M. Voinot, notre sympathique et dévoué commissaire de police, ne manquera pas de rechercher ces mauvais citoyens. – A . V.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 31 mars 1918 (coll. Archives départementales du Val-deMarne). L’auteur de l’article inverse le sens de l’expression « bourrage de crâne » qui désigne dans le langage commun la propagande officielle.
Champigny en état de guerre
Campinois en permission et des nombreux soldats qui passent à Champigny n’attirent plus vraiment l’attention ; les passages des convois ferroviaires ou routiers de l’armée font partie du quotidien. Il faut la présence de blessés, de troupes coloniales ou étrangères, de véhicules inhabituels pour susciter la sympathie ou la simple curiosité.
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’arrivée des troupes allemandes à quelques
septembre 1914 provoque une émotion considérable
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Les semeurs de fausses nouvelles
a multiplication des raids aériens et le succès de l’offensive allemande au début de 1918 font
renaître l’inquiétude. La guerre est toute proche de Champigny, sans entraîner de dégâts majeurs. La réussite de la contre-offensive alliée éloigne définitivement
Couverture du dossier « Défense contre les aéronefs ennemis », sans date (coll. Archives communales de Champigny).
le danger.
Des consignes précises sont données en cas d’alerte, dont l’occultation de l’éclairage. Les autorités craignent particulièrement l’utilisation de bombes contenant des « gaz délétères » (des gaz de combat mortels) lors d’un éventuel bombardement et préconisent l’utilisation d’« appareils de protection » (des masques à gaz).
Note de service concernant les mesures de défense contre l’incendie, 13 février 1918 (coll. Archives communales de Champigny). La multiplication des raids aériens et la mobilisation des hommes jusqu’alors disponibles obligent le maire de Champigny à affecter une partie du personnel communal à des postes de défense passive en cas d’alerte.
Nos avons eu pendant ces derniers jours une série de conversations avec tous ceux qui peuvent à un moment quelconque se préoccuper de l'évacuation de Paris. Nous avons eu, au groupe des Députés de la Seine, une pensée commune, celle d'assurer la sécurité de tous. À l'heure actuelle, malgré ce qu'il y a d'effroyable dans la ruée allemande, malgré que la poussée continue, nous avons une situation militaire qui paraît sans danger. On a pu avoir des inquiétudes, mais nous avons maintenant une ligne qui tient bien, et les reculs après l'affaire du 27 mai sont des reculs lents avec possibilité de contreattaque, ce qui a donné d'excellents résultats au point de vue de l'état moral des troupes. C'est la guerre avec toutes les aventures qui peuvent survenir. Dans ce cas, la situation est très simple. Je demande à chacun, sans panique, sans peur, de l'examiner. Il y a pas de danger, mais il y a des gens qui ont des nerfs, qui ont des enfants, et le régime des caves presque toutes les nuits, n'est pas un bon régime. Nous évacuons des enfants, ceux que les femmes nous confieront, et nous disons à ceux, vieux ou vieilles, à ceux qui ont des nerfs, des maladies de cœur : allez-vous en tranquilles pour deux raisons : d'une part, cet état de siège de Paris, et d'autre part, s'il y a un accroc quelconque, qu'on ne revoit pas le spectacle de 1914 avec l'impossibilité où j'étais d'évacuer plus de 3 000 personnes de Paris. Dans ces conditions, nous avons demandé au Gouvernement, d'accord avec nous, de dire à ceux qui veulent s'en aller de s'en aller. Voici dans quelles conditions est la situation. Ma conviction profonde est que cela tient bien. D'autre part, nous avons le concours américain dont on a si souvent parlé. D'après les chiffres que j'ai eus : 618 000 Américains arrivent en France, dont 425 000 sont déjà dans la zone des Armées. On peut avoir de rudes coups, tout cela peut donner confiance ; pour le reste, on tient bien.
Extrait d’une intervention d’Albert Thomas, registres des délibérations du conseil municipal, séance du 16 juin 1918 (coll. Archives communales de Champigny). L’offensive allemande du printemps 1918 place de nouveau Paris et sa banlieue sous la menace directe de l’ennemi. Albert Thomas se fait l’écho de l’inquiétude de la population, mais il fait part des informations dont il dispose en tant que député et ancien ministre afin de se montrer rassurant. Il annonce en particulier l’arrivée sur le front des troupes américaines, dorénavant prêtes à combattre. Le succès de la contre-offensive alliée confirme son optimisme.
Schéma d’aménagement de tranchées-abris, sans date (coll. Archives communales de Champigny). Au début de 1918, suite à l’inquiétude de la population et à la circulation de pétitions, les autorités communales examinent l’aménagement de tranchées-abris à Champigny à partir des plans adressés par le préfet de la Seine.
« Deux exploits à Paris des « héros de l’air » allemands, au cours du raid de zeppelins de la nuit du 28 au 29 janvier 1916 ». Photographies publiées dans L’Album de la Guerre 1914-1919, L’Illustration, 1930 (coll. Société d’Histoire de Champigny). Les Campinois sont les spectateurs impuissants des bombardements de Paris par les dirigeables allemands. Les images des destructions sont publiées par la presse, notamment par L’Illustration, ce qui accroît encore la crainte de subir le même sort.
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L’hôpital F120 vu de la Grande Rue. Carte postale, sans date (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Blessés et infirmières dans la salle Pégoud de l’hôpital F120. Photographie, 1915 ou 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne, dépôt de la ville de Champigny).
L’hôpital occupe l’ancien couvent des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, repliées en Belgique depuis la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905 (le bâtiment devient par la suite l’hôtel de ville de Champigny).
Cette salle de l’hôpital porte le nom de l’aviateur Célestin Pégoud, mort en août 1915. Si chacun participe à la mise en scène composée par le photographe, les visages montrent une réelle gravité.
Blessés dans la salle de lecture de l’hôpital F 120. Photographie, 1915 ou 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne, dépôt de la ville de Champigny). Si des romans sont visibles sur les étagères, les soldats en convalescence ont aussi droit à la presse. Chacun semble attentif aux messages patriotiques qu’elle contient. Sur le mur, à l’arrière-plan, une carte des opérations militaires voisine avec un tableau illustré sur l’histoire de l’armée française, mais la salle est aussi décorée d’affiches à caractère touristique.
A
fin de faire face aux besoins sanitaires considéra-
L’hôpital D auxiliaire F120 de Champigny L
bles, les autorités militaires organisent un réseau
d’hôpitaux auxiliaires dans toute la France. À Champigny, l’hôpital auxiliaire de territoire F120 s’installe au 102 Grande Rue. ès août 1914, l’hôpital F120 accueille quelques dizaines de blessés et de malades (leur nombre
dépasse la centaine par la suite). En 1916, c’est un des 360 établissements hospitaliers gérés par l’Union des Femmes de France, membre de la Croix-Rouge française. Une directrice et un médecin coordonnent l’action du personnel, composé pour l’essentiel de bénévoles.
e fonctionnement de l’hôpital F120 est financé par des dons privés. Certains Campinois s’in-
vestissent dans la récolte de fonds en organisant des quêtes, lors de manifestations festives par exemple. Les soutiens viennent aussi de plus loin : Mme StanleyJones, épouse d’un officier canadien, travaille un temps à l’hôpital F120 puis, après la mort de son mari en Belgique, fait plusieurs séjours au Canada, aux ÉtatsUnis et au Royaume-Uni et parvient à collecter des sommes importantes pour venir en aide aux blessés et Rasage d’un blessé de l’hôpital par une infirmière. Photographie, sans date (coll. Archives départementales du Val-de-Marne, dépôt de la ville de Champigny).
aux malades de Champigny.
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’objectif de l’hôpital reste la remise sur pied des
Le rasage est un plaisir très apprécié par des hommes qui ont pour la plupart connu les conditions de vie pénibles des poilus dans les tranchées.
soldats en convalescence afin que la plupart
soient en mesure de repartir au front. Les photographies montrent des hospitalisés aux traits tirés, souvent munis de béquilles ou alités, et d’autres, moins atteints, qui semblent en phase de guérison. Les textes évoquent des opérations chirurgicales. Malgré les soins prodigués et le dévouement du personnel, plusieurs dizaines de soldats meurent à l’hôpital F120 : les noms de certains sont inscrits sur le monument aux morts de Vue de la salle n°8 de l’hôpital F120. Carte postale, 1915 ou 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Jeu de boules dans la cour de l’hôpital F120. Carte postale, 1915 ou 1916 (coll. particulière). Afin de distraire les soldats convalescents, des activités ludiques sont organisées. Cela permet de proposer des scènes amusantes pour les cartes postales vendues aux profits de l’Union des Femmes de France qui gère l’hôpital.
Champigny.
Cette salle est réservée aux malades. Malgré la promiscuité entre les patients, inhérente à l’organisation en dortoir, les conditions d’accueil de l’hôpital auxiliaire de Champigny sont plutôt satisfaisantes, ce que révèle le texte de la carte postale.
Visite du Président de la République
Champigny, le 28 novembre 1916 Monsieur le Directeur,
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Voulez-vous me permettre de recourir à votre excellent journal pour dissiper un malen-tendu et pour rectifier l'appréciation des Campinois qui, je crains, sont mal renseignés à l'égard des infirmières de l'Hôpital auxiliaire de Champigny. Des personnes, incontestablement sincères, mais mal documentées, semblent croire que les infirmières de notre formation reçoivent une rétribution pécuniaire en échange de leurs admirables services. Il m'appartient de déclarer que c'est là une erreur absolue et je ne saurais trop insister, par votre intermédiaire, auprès de la population de Champigny, dont la sollicitude envers nous ne s'est jamais démentie, pour l'inviter à n'ajouter aucune foi à cette version inexacte. À l’Hôpital de Champigny, le personnel de la cuisine seul est rétribué. Toutes nos infirmières, celles qui sont affectées à l’administration, comme celles du service médical, sont bénévoles ; elles n’aspirent à d’autre salaire que la reconnaissance des braves qu’elles défendent contre le mal, et sont assez payées par leur sourire et leur émotion. D’ailleurs, nos infirmières ont conscience de « servir » ; elles servent le Pays dans toute la mesure de leurs forces, comme les époux et les fils de beaucoup d’elles, là-bas, sur la ligne de feu. C’est le devoir qui les unit auprès des soldats blessés et la satisfaction de l’accomplir est plus haute que le plus haut paiement. Si effacées que veuillent demeurer mes inlassables collaboratrices, je saisis cette occasion pour mettre en lumière, non seulement leur abnégation, mais aussi leur dévouement et la parfaite simplicité de leurs plus beaux efforts. J’ose espérer, Monsieur le Directeur, que vous voudrez bien m’aider à leur rendre hommage en publiant ma lettre, et je vous prie d’agréer, avec mes remerciements, l’assurance de mes sentiments les plus distingués. Eugénie Er. Magnier, Directrice de l’Hôpital F. 120, à Champigny-sur-Marne
Lettre publiée dans La Voix des Communes, 9 décembre 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Soldats convalescents et personnels de l’hôpital F120. Photographie, 1915 ou 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne, dépôt de la ville de Champigny). Mme Hardy, infirmière à l’hôpital F 120. Photographie, sans date (coll. particulière). Mme Hardy tient une herboristerie dans la Grande Rue à Champigny. Comme beaucoup d’autres femmes de la commune, elle met ses compétences au service des blessés et des malades de l’hôpital.
[...] Annoncée dans la matinée de samedi, cette nouvelle fut rapidement ébruitée et connue de notre population campinoise ; aussi, dès une heure de l’après-midi, une foule enthousiaste se pressait-elle aux alentours de la mairie et de l’hôpital auxiliaire F 120 que venaient visiter MM. Poincaré et Albert Thomas. [...] À 4 heures 15, la voiture présidentielle fit son apparition. Sur tout son parcours, la foule applaudissait et le Président, et le Ministre, répondaient en saluant ; peu de temps après, elle stoppait dans la cour de la mairie et pendant que les enfants des Écoles, sous la direction de M. Midy, chantaient La Marseillaise, le maire intérimaire et son conseil municipal allait au-devant de M. Poincaré et de M. Thomas et leur souhaitaient la bienvenue. [...] Après un arrêt au cadre du Souvenir où le Président remarquait avec tristesse la longue liste des enfants de notre commune morts pour la patrie, et au musée militaire dû à l’initiative de M. Gueneau, lequel nous regrettons n’avoir pas rencontré à cette occasion, le cortège se rendait à l’hôpital auxiliaire F. 120. Là, le Président et M. Albert Thomas [furent] reçus par M. le docteur Legay et Mme Magnier, directrice, qui présentèrent leur personnel infirmier. Ils conduisirent ensuite M. Poincaré et M. Albert Thomas dans les salles de l’hôpital où le Président adressa à chacun des blessés et malades de bonnes paroles d’encouragement. [...] Extraits d’un article paru dans La Gazette de l’Est, 9 avril 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Réfugiés du Nord de la France faisant étape dans une commune de la région parisienne, en août 1914. Photographies parues dans L’Illustration, exemplaire découpé, sans date (coll. Société d’Histoire de Champigny).
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urant la guerre, Champigny accueille des réfugiés, originaires des zones de combat et des terri-
toires occupés par les Allemands, souvent très démunis matériellement et moralement. Plusieurs centaines de personnes s’installent plus ou moins durablement à Champigny.
L
a première vague arrive à la suite de l’offensive allemande de l’été 1914 qui a lancé sur les routes
L’accueil des réfugiés à Champigny
plusieurs centaines de milliers de Belges et de Français des départements du nord. Elle est très dispa-
[...] Je suis de Angres Liévin (Pas de Calais) pays ou les Allemands ont occupé pendant longtemps, j’ai pu enfin me faire rapatrier avec ma mère et ma petite fille au bout de vingts huits mois passer avec l’ennemi, il y aura donc deux ans au mois de janvier que je suis rapatriés. J’ai touché l’allocation des réfugiés pendant dix mois au bout de ce temps l’on me l’a supprimé parce que mon mari travaillait en usine est ne gagnant que neuf francs par jour, il y a donc un an de ce mois que je ne touche plus [...] comme vous le voyez Monsieur le Ministre nous avons le temps de manquer pendant ce temps et d’autant plus que notre santé a été altéré pendant les vingts huits mois que nous avons vécu dans les caves. J’en appelle donc Monsieur le Ministre à votre haute justice et votre bonté [...]
rate : individus isolés (hommes âgés, enfants d’âges divers) ; femmes seules chargées d’enfants ; familles nombreuses, dont le père trop âgé pour combattre est généralement mobilisé dans une usine de Champigny ou des environs (on note un père de huit enfants qui a quatre fils mobilisés, dont un a été tué).
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n 1918, arrive une deuxième vague, encore disparate, mais où prédominent des familles entières
dont le père, plus jeune, a combattu et vient d’être
Saint-Quentin (Aisne) en ruines. Carte postale, 1918 ou 1919 (coll. particulière).
libéré du fait d’une grave blessure ou d’une maladie
La ville de Saint-Quentin a subi, comme beaucoup d’autres situées à un moment ou un autre dans le secteur du front, de terribles destructions. Les habitants demeurés sur place doivent vivre au milieu des ruines et, le temps des combats, sous la menace permanente des bombardements.
chronique contractée aux armées. Presque tous fuient devant l’offensive allemande du printemps 1918. Carte de circulation délivrée par les autorités allemandes occupantes, à Saint-Quentin (Aisne) le 9 novembre 1915 (coll. particulière).
La famille Jullion, réfugiée à Champigny En août 1914, à la déclaration de guerre, la famille Jullion habite le petit village de Cons-la-Grandville (Ardennes), entre Charleville Mézières et la frontière belge. Le père, Eugène Jullion, né en 1868, est mobilisé et affecté du fait de son âge au service des gardevoies. Pendant ce temps, sa femme Julie et ses quatre enfants, restés au village, voient défiler les premiers réfugiés belges. Julie Jullion décide de partir chez sa sœur à Charleville. Mais devant l’avance des Allemands, le maire de Charleville ordonne l’évacuation de la ville le 25 août, à minuit. Le même jour, Eugène démobilisé rejoint sa famille. Le 27 août, toute la famille se retrouve à Rouen puis elle s’installe à Criquebœuf (Calvados). Le fils aîné travaille pour des maraîchers avant d’être mobilisé en janvier 1916. Son père s’est engagé volontaire en novembre 1915 et commande la place de Villers-sur-Mer (Calvados). Le 8 novembre 1916, la famille quitte Cricqueboeuf pour venir s’installer à Champigny, sans doute sur les conseils d’un parent qui habite la commune. La famille s’installe à Champigny, au 88 Grande Rue. Les conditions de vie sont difficiles : Eugène Jullion est affecté à l’usine Acétylène en septembre 1917 ; le fils aîné est sur le front et l’autre, âgé de 18 ans, travaille mais ne gagne que 6 francs par jour ; une fille de 15 ans est malade et l’autre de 13 ans est en apprentissage chez une couturière. Eugène Jullion fait une demande d’allocations d’aide aux réfugiés : le 11 juillet 1917, on accorde à la famille une aide de 3 francs par jour. La famille est toujours restée à Champigny. Les enfants s’y sont mariés, ont eu des enfants, tous nés à Champigny et certains y habitent encore. D’après les informations fournies par Denise Grassart, née Jullion
Lettre à Albert Thomas de Madame Laurent Soisson, réfugiée à Champigny, 24 novembre 1918 (coll. Archives départementales du Valde-Marne). Privée de son logement par la destruction ou par l’obligation de céder la place à des soldats allemands, cette famille a connu le régime des caves insalubres et des privations, avant de se retrouver à Champigny et de connaître encore la précarité du fait de l’insuffisance des secours accordés.
Une partie des habitants des départements du nord de la France refusent de partir en 1914 et doivent subir l’occupation allemande et ses contraintes. Certains sont rapatriés en France non-occupée par la Croix-Rouge, d’autres sont libérés en 1917 par le repli des Allemands sur de nouvelles lignes de défense. L’offensive allemande du printemps 1918 incitent ces derniers à fuir afin d’échapper à une seconde occupation. Ils deviennent à leur tour des réfugiés.
Origine des réfugiés recensés à Champigny Département ou pays Pas-de-Calais Nord Marne Somme Aisne Oise Meurthe-et-Moselle Meuse Ardennes Belgique Inconnu Total
Nombre 62 54 49 36 36 23 17 14 12 11 25 339
D’après les dossiers d’allocations aux réfugiés (coll. Archives départementales du Val-de-Marne)
Lettre adressée au préfet de la Seine par Germaine Féron, réfugiée à Champigny, 1er mai 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Germaine Féron réside chez Mme Rouyer, elle-même réfugiée, qui a retrouvé un poste d’institutrice à Champigny. Mme Rouyer est la belle-fille de M. Rouyer, lui aussi instituteur à Champigny. Mme Rouyer a perdu son mari, tué au combat, et Germaine Féron l’aide à élever ses deux jeunes enfants, orphelins de guerre.
La journée des orphelins de la guerre ______________ De très gracieuses quêteuses ont fait dimanche dernier, une abondante et généreuse moisson au profit de l’Œuvre. La recette s’est élevée à 980 francs et nous sommes heureux de constater que nos concitoyens ont songé à ses petits malheureux orphelins, à ses déshérités de la vie. PICK.
Photographie de la famille Carré prise lors d’une permission d’Alphonse, 1915 (coll. particulière). Cette photographie est l’unique trace conservée du père, de la mère et du fils réunis avant la mort d’Alphonse Carré.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 4 juillet 1915 (coll. Archives départementales du Val-deMarne). Les aide privées, très encadrées, viennent compléter les pensions versées par l’État aux orphelins.
14 Notification de sa pension de veuve de militaire à Albertine Carré, 18 août 1916 (coll. particulière). La détresse matérielle des veuves de guerre est prise en compte par l’État. Si le pension est notifiée le 18 août 1916, la prise en compte effective commence le jour de la disparition du défunt. L’aide financière ne compense évidemment pas l’absence physique et le vide affectif.
L
a séparation des couples reste un drame, à peine atténué par les échanges de courrier. Elle devient
insupportable quand est annoncée la mort du mari. L’Etat, relayé par les autorités locales, s’efforce d’apporter une aide matérielle et morale aux veuves et aux orphelins par le versement de pensions et l’affirmation de la reconnaissance de la nation.
L
Les femmes et les enfants de Champigny dans la guerre
a mobilisation d’un très grand nombre d’hommes fragilise financièrement les familles, malgré les
allocations versées. Pour subvenir à leurs besoins, beaucoup de femmes doivent trouver un travail suffisamment rémunérateur. Elles investissent des professions jusque-là réservées aux hommes, mais leurs salaires restent souvent très inférieurs à ceux versés aux travailleurs masculins. D’autres se font chefs d’entreprises, artisanales, commerciales ou agricoles. D’autres encore, moins favorisées, doivent se résoudre à fréquenter les ateliers communaux où l’on procure une rémunération en échange d’un travail d’intérêt général, le plus souvent destiné à approvisionner l’Armée en fournitures.
L
es enfants sont l’objet d’une attention particulière. Si certains sont exploités par des patrons
Receveuse d’une ligne de tramway parisien, sans date (coll. Société française de photographie). Les lignes de tramways qui traversent Champigny emploient des femmes comme receveuses.
sans scrupules, tous bénéficient de la protection bienveillante, mais empreinte de paternalisme, des autorités locales. Cependant, femmes et enfants de tués, de blessés ou de simples mobilisés, restent sous surveillance. La société en guerre accepte difficilement les comportements déviants et impose de fait un ordre moral, parfois intransigeant.
PETITS FAITS DIVERS DE LA SEMAINE ______________ En descendant de sa voiture pour mettre le signal de la rue Guittard, Mme PLOZ Germaine, 21 ans, receveuse à la Compagnie des tramways Est Parisien est renversée par l’auto 8844-U appartenant à M. HERMANT, à Vincennes, contusions multiples.
« En terre de France - Pendant que le père se bat ! ». Gravure publiée dans L’Album de la Guerre 1914-1919, L’Illustration, 1930 (coll. Société d’Histoire de Champigny).
Le Trousseau collabore à la Défense Nationale
Extrait d’un article paru dans La Gazette de l’Est, 4 juin 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
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Il m’a été donné de voir, ces jours derniers, nos fillettes des écoles communales à l’œuvre de couture qui les réunit chaque semaine dans la petite ruche qui leur est réser vée à chaque école (quartier du Centre, quartier du Plant, quartier de Coeuilly). C’est un spectacle gai et réconfortant et il semble que leur entrain soit plus grand encore quand elles ne travaillent pas pour elles, mais pour une oeuvre de solidarité comme leur besogne actuelle. Il se peut qu’elles soient fières de travailler pour les soldats, les grands frères qui se battent là-bas pour défendre leur pays, leur village, leur foyer ; les petits doigts courent, agiles, sur l’étoffe en des mouvements vifs et d’autant plus gracieux qu’ils sont enfantins. [...] Et elles savent bien ce qu’elles font ; leurs maîtresses d’école ne sont-elles pas là pour leur expliquer le but élevé de leurs efforts juvéniles ? C’est ce sentiment, de répandre autour d’elle secours et soulagement, qui anoblit leur jeune âme et les grandit à leurs propres yeux. Elles sont glorieuses, après cela, de faire partie du Trousseau. [...]
L’OUVROIR ______________
Soucieuse de faire profiter des mêmes avantages les ouvrières non munies de machines à coudre, Mme Moreau leur confie des pochettes et des caleçons à finir à la main, c’est-à-dire des œillets, points d’arrêt, boutonnières et boutons. [...] Plus de cent ouvrières vont participer à ces travaux et l’ouvroir vient seulement d’être créé. Le succès que nous souhaitions à cette belle œuvre est d’ores et déjà un fait accompli. Nous savons la rude tâche que s’est volontairement imposée Mme Moreau qui a droit aux remerciements de ces concitoyennes auxquelles elle aura procuré le travail, ce remède indispensable à l’oisiveté, la mère de tous les vices ; aussi nous nous faisons un plaisir de lui adresser ici nos bien modestes félicitations. P.
Femmes utilisant un chalumeau (associant l’acétylène et l’oxygène) pour souder des pièces méralliques dans une usine d’armement, 1916 (coll. Musée de l’Empori).
Extraits d’un article paru dans La Gazette de l’Est, 23 avril 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). L’ouvroir est un atelier de confection devant permettre aux femmes de mobilisés nécessiteuses de trouver un complément à la modeste pension versée par l’État.
Extrait d’un article paru dans La Voix des Com-munes, 20 mars 1915 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). L’article souligne involontairement la pression morale qui s’exerce sur les fillettes.
Extraits des registres des délibérations du conseil municipal, séance du 8 avril 1917 (coll. Archives communales de Champigny). Les arguments bienveillants utilisés pour justifier le contrôle des projections cinématographiques révèlent en réalité la méfiance des autorités envers la jeunesse adolescente.
15
AVIS D’ENQUÊTE
FAITS DIVERS
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Le Maire de Champigny-sur-Marne (Seine), prévient les habitants que M. le Préfet de police a reçu une demande de la Société de l’Acétylène dissous et Applications de l’Acétylène, dont le Siège social est à Paris, 48, rue Saint-Lazare, à l’effet d’être autorisé à exploiter à Champigny-sur-Marne, 38, quai de Halage : 1° un atelier de forges et chaudronnerie de grosses œuvres employant un marteau mécanique (2e classe) ; 2° un atelier d’emboutissage des métaux par moyens mécaniques (3e classe). Toutes les personnes qui auraient des motifs d’opposition à faire valoir contre cet établissement, ou des obser vations à présenter à son sujet, sont invitées à le faire connaître du 14 au 23 avril inclusivement, au Secrétariat de la Mairie de Champignysur-Marne, où il sera donné communication du dossier à tout requérant, de 10 heures du matin à trois heures du soir en semaine et le dimanche, de 9 heures à 11 heures 1/2. Champigny, le 13 avril 1916. Le Maire P. I. : A. Maitrot
Mlle Coulmeau, domestique chez M. Cailleux, 28, boulevard de la Gare, s’enfonce une écharde dans le doigt qui provoque une plaie infectée. M. Tannier Albert, 3, route de Joinville, à l’Acétylène, se brûle à la main droite avec un retour de flamme en chauffant une pièce à l’aide d’un chalumeau. M. David Schermkini, manœuvre à la maison Royer, en montant sur une échelle, a eu ses vêtements happés par un manchon de transmission : plaie à la mâchoire inférieure, plaie au menton et entorse de l’épaule droite. M. Villain Victor, manœuvre à l’Acétylène, en établissant un échafaudage, est tombé à terre avec la pièce de bois qu’il portait : contusion à la jambe droite. M. Dufour Louis, teneur de perche à la Compagnie des Tramways de l’Est-Parisien, s’est pris le pied entre une motte de terre et sa voiture : écrasement du pied gauche. M. Brulez René, rattrapeur à la Maison Parent, se coupe avec une lame de rotin : plaie au médius droit.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 23 avril 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
Article paru dans La Gazette de l’Est, 9 avril 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne)
Affectation de Lucien (Eugène) Jullion à l’usine Acétylène à Champigny, collée dans son livret militaire, 26 septembre 1917 (coll. particulière). Né en 1868 (classe 1888), mobilisé en août 1914, renvoyé dans ses foyers du fait de son âge, mobilisé à nouveau en octobre 1914 dans l’infanterie territoriale, renvoyé dans ses foyers en janvier 1915, engagé volontaire en novembre 1915 dans l’infanterie territoriale, Eugène Jullion est finalement affecté à l’usine Acétylène, qui travaille pour l’effort de guerre, en septembre 1917.
L’économie campinoise D marquée par la guerre
ès le déclenchement de la guerre se pose la question cruciale du renouvellement des réserves
de l’Armée en munitions et en matériels. La guerre préparée devait être courte, celle qui s’engage semble devoir durer des mois, voire des années. En outre, les besoins journaliers de l’Armée ne cessent d’augmenter. Un effort de production considérable est donc entrepris, dans lequel le sous-secrétaire d’État, puis ministre, Albert Thomas manifeste ses talents d’organisateur et
Un scandale
Accident
(Suite) Ce ne sont pas seulement les femmes qui sont exploitées par ce patron d’atelier, devenu maître en l’art d’opérations mercantiles. Les enfants de 13 à 15 ans qui travaillent et peinent à force sur les machines le sont également. C’est trempés d’eau par la perceuse qu’ils quittent l’atelier ; ils ont fourni là un travail considérable qui, effectué par un ouvrier, serait assez bien rémunéré, mais comme ces jeunes gens sont assimilés à des apprentis, ils reçoivent comme prix de leur travail un salaire journalier de 0 fr. 50. [...] Comme la guerre a sensiblement réduit les visites des inspecteurs, le patron fait travailler ces jeunes gens le dimanche dans l’après-midi et si ces derniers, par trop fatigués par un labeur d’une semaine entière, prennent ce repos hebdomadaire d’une demi-journée, ils apprennent le lundi, voire le jour même de la paye, qu’une amende représentant plusieurs jours de travail les frappent. Cette jeunesse, toute heureuse de suivre l’exemple de leurs aînés en participant, elle aussi, à la Défense Nationale, mérite plus d’égards et c’est une honte que de l’exploiter. Les ouvriers mobilisés dans cette usine y mènent une vie de galériens, la menace du patron les poursuit à tout instant, et comme ils sont militarisés, ils ne peuvent répondre à celui qu’ils doivent considérer comme leur chef, sans risquer de voir leur renvoi accompagné d’une fiche adressée aux Autorités supérieures. [...] (à suivre).
Mme Chaponet, 3, rue de Brétigny, l’épouse du sympathique cultivateur, actuellement mobilisés comme G.V.C., est tombé accidentellement de la voiture qu’elle conduisait et s’est fracturée le bras. Elle a été immédiatement transportée à l’hôpital après que les premiers soins lui eurent été donnés par M. le docteur Legay. Nous lui adressons nos meilleurs vœux de prompt rétablissement.
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Extraits d’un article paru dans La Gazette de l’Est, 16 avril 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). En avril et mai 1916, la Gazette publient plusieurs autres articles qui dénoncent, sans le nommer, les agissement d’un fabricant de munitions installé à la Fourchette.
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Article paru dans La Gazette de l’Est, 20 février 1916 (coll. Archives départementales du Val-deMarne).
d’animateur.
L
a priorité donnée à l’approvisionnement de l’Armée et la mobilisation des jeunes hommes en
âge de travailler désorganisent l’économie campinoise, notamment l’agriculture encore très présente dans la commune. Des demandes permanentes de main d’œuvre sont adressées aux autorités par les exploitants agricoles, fermiers ou maraîchers.
À
Champigny comme ailleurs, les entreprises indus-
AVIS ______________
Le Maire a l’honneur d’informer ses administrés qu’il vient d’être requis par l’intendance du Camp retranché de Paris, de faire réser ver et tenir à la disposition de l’autorité militaire, ou des personnes déléguées par elle, et munies d’une Commission du Ministre de la Guerre, toutes les quantités de laine provenant ou à provenir de la tonte des troupeaux : à l’exclusion seulement des laines exotiques et des stocks industriels ou commerciaux des laines de France qui aurait été achetés et réellement constitués avant le 1er février 1916, et sous réser ve que les détenteurs de ces stocks auront fait à la Mairie, bureau des réquisitions militaires, dans un délai de dix jours, une déclaration indiquant leur importance et leur origine. Champigny-sur-Marne, le 21 mars 1916 Le Maire : A. Maitrot. Article paru dans La Gazette de l’Est, 26 mars 1916 (coll. Archives départementales du Val-deMarne)
trielles se sont reconverties dans les produc-
tions de guerre : l’usine de la Société de l’Acétylène dissous (dite usine Acétylène) est la plus importante, mais des ateliers plus modestes fabriquent des munitions, des pièces d’uniformes, des équipements divers. Le personnel est composé en partie de Campinois, présents dans la commune avant-guerre ou installés depuis le déclenchement des hostilités. D’autres habitants de Champigny sont employés dans les entreprises des environs : à Nogent, à Vincennes, à Paris. Les conditions de travail sont souvent pénibles du fait de la pression qui s’exerce sur les ouvriers, poussés à
Ouvrière travaillant à l’usinage d’un obus dans un atelier, 1916 (droits réservés).
produire toujours davantage, et des agissements de patrons peu préoccupés par les mesures de sécurité.
Champigny, le I I mai I9I6
Champigny, le 27 mai I9I6
Champigny, le 20 juin I9I6
LE MAIRE DE CHAMPIGNY à Monsieur le Préfet de la Seine,
LE MAIRE DE CHAMPIGNY à Monsieur le Préfet de la Seine,
LE MAIRE DE CHAMPIGNY à Monsieur le Préfet de la Seine,
En vertu de votre circulaire du 28 Février I9I6, j’ai l’honneur de vous demander une équipe d’ouvriers agricoles dite ordinaire; cette équipe de 3 hommes serait de nécessité publique chez Monsieur AMAGAT, 13, Route de Joinville à Champigny, cultivateur qui accepte les conditions prévues par votre circulaire. Il demande que ces hommes soient mis à sa disposition vers la fin du mois pour le fauchage des foins.
J’ai l’honneur de vous aviser, selon votre désir, que les deux miliaires employés comme ouvriers agricoles chez Monsieur AMAGAT et fournis par le 230e territorial sont arrivés le I9 Mai I9I6.
Monsieur AMAGAT, cultivateur auquel a été envoyé une équipe d’ouvriers agricoles le I9 mai dernier, sollicite une prolongation pour 2 soldats du 230e territorial composant cette équipe, soit : VERDIER Jean & VEZINE Antoine. S’il n’est pas possible d’obtenir une prolongation, il sollicite à nouveau, en vertu de la circulaire du 28 Février I9I6 une nouvelle équipe d’ouvriers agricoles.
LE MAIRE P.I.
LE MAIRE P.I.
Lettres adressées par le maire de Champigny au préfet de la Seine à propos de la main d’œuvre militaire pour les travaux agricoles, mai-juin 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
LE MAIRE P.I.
Conseil municipal ______________
Mairie de Champigny. Carte postale, sans date (coll. Archives communales de Champigny).
16
Le Conseil municipal s’est réuni en session ordinaire vendredi dernier, à 8 heures du soir, sous la présidence de M. Maitrot, premier adjoint. Étaient présents : MM. Maitrot, Caillet, Wetzel, Rainot, Dumont, Meusy, Jouvin, Pasquier, Guenot, Goubet, Converset, Gaillot, Petit et Rivière. Mobilisés : MM. Thomas, Marion, Beralier, Gromas, Martinet, Locret, Duprat et Gandon. Absents : MM. Amiard, Leblanc, Allardel. Excusé : M. Martin. M. Meusy, élu secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance qui est adopté à l’unanimité. Avant de délibérer sur les questions inscrites à l’ordre du jour, M. le Maire donne lecture de la mention suivante déposée par M. Gaillot, au nom de ses collègues socialistes. « Le Conseil municipal de Champigny-surMarne, réunis en assemblée publique le 25 juin 1915, exprime à Albert Thomas, maire de Champigny, député de la Seine, appelé au sous-secrétaire d’État à la Guerre, toutes ses sympathies et, considérant l’énorme tâche qu’il a déjà réalisée pour la défense nationale depuis la mobilisation, lui adresse avec ses plus vifs encouragements, tous ses meilleurs souhaits pour le succès de l’importante mission qu’il a acceptée de remplir, et charge la Municipalité de lui transmettre la présente adresse. » M. Maitrot associe tout le Conseil à cette motion qui est adoptée à l’unanimité par tous les membres présents. Le Conseil, après avis de la commission des Finances, vote un nouveau crédit de 5 000 francs en faveur des soupes populaires, confirme M. Caillet dans ses fonctions de régisseur et lui donne tous pouvoirs et autorisations nécessaires à ce sujet.
A. Maitrot, maire par intérim de Champigny durant la période ministérielle d’Albert Thomas. Photographie recadrée, prise lors de la cérémonie commémorative de la bataille de Champigny, 1er décembre 1918 (coll. Archives communales de Champigny).
1° De la proposition de M. Jouvin, concluant à l’allocation d’une gratification aux ouvriers chômeurs ayant participé aux travaux d’embellissement de la Mairie ; 2° D’une note des conseillers socialistes, soucieux de terminer ce débat, et de maintenir l’entente municipale, se ralliant, sauf en ce qui concerne les attendus et considérants des vues, à la proposition Jouvin. [...] – Le conseil, vu l’avis de la commission des Finances, vote une subvention de 200 fr. à la Société « L’allaitement maternel » dont la soussection de Champigny est dirigée par Mme Albert Thomas. Cette œuvre rend les plus grands ser vices aux femmes en couches et, depuis le début de la guerre, un nombre considérable de layettes et de bons de pain et de viande a été distribué. Chaque femme secourue reçoit 4 kilos de pain tous les 15 jours, et celles qui nourrissent leurs enfants ont un kilo de viande en plus. Lors de l’accouchement, chaque femme reçoit une layette, et 3 bons de viande supplémentaires. Le Conseil alloue à nouveau cette subvention pour encourager cette belle œuvre à continuer la tâche vraiment humanitaire et sociale qu’elle s’est imposée, et nous l’en félicitons. – M. le Maire donne lecture d’une lettre de M. Gaillot qui aurait voulu que l’affiche « Aux Habitants », engageant les locataires à payer leur terme, indiquât également que ceux qui ne pouvaient le faire ne sauraient être inquiétés ni molestés. [...] M. le Maire fait part au Conseil d’une demande d’augmentation émanant d’une concierge des écoles. Le Conseil considérant qu’aucun employé, du fait de la guerre, n’a réclamé l’augmentation à laquelle il avait droit, reporte la demande à l’exercice suivant. [...]
M. le Maire donne lecture :
L’administration L de Champigny en guerre
Article paru dans La Gazette de l’Est, 4 juillet 1915 (coll. Archives départementales du Val-deMarne).
es autorités communales se retrouvent brutalement confrontées à une situation inattendue et
exceptionnelle par son ampleur et sa durée. Le conseil municipal de Champigny est privé d’une partie de ses
Le ser vice de nettoiement ______________
À Champigny, comme dans la plupart des communes, la mobilisation a désorganisé les ser vices municipaux, mais les Municipalités ont pu trouver un palliatif pour assurer leur continuation. Le ser vice de l’enlèvement des boues et ordures ménagères souffre particulièrement du fait de la guerre, car le métier de boueux est pénible et les hommes non soumis aux obligations militaires n’ont pas toujours la robustesse de leurs prédécesseurs pour l’accomplir. Et vraiment, il faut être fort pour arracher du sol et soulever à hauteur de ces immenses véhicules les divers récipients de tous calibres contenant, en sus des ordures ménagères, les résidus de jardins et toutes autres matières qui n’ont rien à voir avec les déchets de cuisine. La Municipalité en priant les habitants de faciliter le fonctionnement des ser vices publics de nettoiement, et en leur conseillant de brûler tous les déchets combustibles de papier, légumes, viandes et emballages, restreint la trop grande quantité d’ordures qui, déposées sur notre territoire, sont dangereuses pour la santé publique, car elles engendrent les plus graves épidémies.
Extrait d’un article paru dans La Gazette de l’Est, 26 mars 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
membres, à commencer par son maire, par la mobilisation. Pour la même raison, le personnel communal est réduit, alors que les tâches à remplir se sont multipliées.
L
’administration communale, sous le contrôle permanent du préfet de la Seine, gère les affaires
courantes, rendues plus compliquées par les contraintes liées au conflit : il faut appliquer les directives gouvernementales, demander constamment des autorisations aux autorités militaires, assurer les meilleures conditions de vie possibles aux habitants malgré les difficultés d’approvisionnement, veiller au moral de la population, honorer les morts de la commune, etc. Le conseil municipal s’attache également à trouver des solutions pour des problèmes qui ne semblent pas
Mesieur, Je suis mère de quatre enfant mon marie est partie depuis le 2 août 1914, et vous tous qui estes à la tête des Comunes garder un junes hommes de 26 ans, navez pas dhomme qui puisse le remplacé le service indispensable. Juger comme nous sommes, mesier toujour les mêmes dans les tranchée. Pauvre France que nous avons des homes franc à notre tête. Lettre publiée dans La Gazette de l’Est, 3 octobre 1915 (coll. Archives départementales du Val-deMarne). Les fautes de français sont maintenues par la rédaction du journal. Il s’agit d’affaiblir la charge contre les fonctionnaires publics, accusés par l’auteure de la lettre d’être d’échapper à leurs obligations, mais La Gazette de l’Est a décidé d’aborder la question en publiant le document.
Avis aux habitants concernant le paiement des loyers, avril 1915 (coll. Archives communales de Champigny).
Le magasin d’approvisionnement ______________
Article paru dans La Gazette de l’Est, 20 février 1916 (coll. Archives départementales du Val-deMarne). La hausse des prix pénalise durement les plus modestes et aggravent les conséquences de la pénurie qui touchant certains produits de base, comme le charbon ou la pomme de terre (qui provenaient en partie avant-guerre des territoires à présent occupés par l’Allemagne).
L
’Union sacrée reste une réalité à Champigny durant tout le conflit, en partie du fait de la person-
nalité exceptionnelle d’Albert Thomas, mais des divergences entre les conseillers socialistes et les conseillers conservateurs ne manquent pas de réapparaître ponctuellement. AFFAIRES DIVERSES ______________
– Le Maire donne lecture au Conseil d’une lettre de M. le Préfet de la Seine, lui faisant connaître que le sous-secrétaire des BeauxArts a donné son approbation à l’exécution du devis relatif aux travaux de réparation à exécuter à l’église de Champigny et qui fait ressortir une dépense totale de 13 223 fr. 23. M. Gaillot dit que tous les habitants doivent être épris de ce monument précieux du XIIIe siècle qui, après étude, a été classé monument historique, mais qu’il ne faudrait pas, sous prétexte qu’on l’arrangeât, qu’il subisse l’outrage de réparations comme celles qui ont déjà été effectuées. Il est partisan de la réfection de ce monument, mais il demande que la commis-sion des recherches historiques et préhistoriques sur veille les travaux et empêche toute modification au style, même si les architectes communal et départemental étaient un avis contraire. En ce qui concerne le paiement de la quotepart de la commune, M. Gaillot voudrait que la municipalité s’entende avec la préfecture pour que les versements soient effectués en plusieurs années afin d’éviter une charge supplémentaire pendant la période de la guerre. [...] – M. le Maire fait part au Conseil que les habitants du quartier des Prairies ont décidé le changement de nomination du quai Stalier (voie privée) par celui du général Galliéni, en souvenir du défenseur du camp retranché de Paris, et qu’ils sollicitent la pose à leurs frais d’un poteau et d’une plaque indicatrice au coin de ce quai et de l’avenue Charles Floquet (voie communale). Le Conseil approuve l’érection de ce poteau et décide que les frais d’entretien seront à la charge des riverains. – M. le Maire communique à l’assemblée une lettre de riverains de l’acétylène dissous, se plaignant du voisinage de cette usine. Les plaignants sont, en effet, fondés à réclamer car une odeur désagréable se dégagent des travaux effectués par l’usine, et leurs plantations et récoltes sont détruites. Le directeur de l’usine a fait connaître qu’aucun danger n’était à craindre pour l’organisme humain puisque les ouvriers qui sont encore plus exposés n’ont rien à redouter ; au point de vue de la santé et de la sécurité, il n’y a également aucune crainte à avoir. Cette usine étant mobilisée, est maintenant sous l’autorité militaire, et la plainte adressée
LE MONUMENT AUX MORTS POUR LA PATRIE ______________
Chaque dimanche, défilent au Magasin d’Approvisonnement bon nombre de ménagères qui, soucieuses de réaliser une économie assez sensible sur leurs achats de denrées, viennent chercher les quelques kilos de pommes de terre qui leur sont nécessaires pour leur nourriture hebdomadaire, étant sous-entendu que le magasin n’est ouvert que le dimanche matin et les réflexions vont leur train : Pensez donc, ma chère, ça les met à 17 centimes à peine le kilo alors que je les ai payées hier 30 centimes, ce n’est vraiment pas cher et je me promets de revenir dimanche prochain ! et c’est ainsi que la clientèle augmente et que le stock diminue. La vente effectuée serait actuellement d’environ 13 000 kilos, et il en resterait 12 000 en cave. La hausse continuant à se faire sérieusement sentir, il était de toute nécessité pour une municipalité qui a déjà tant fait pour le bien-être de sa population, d’avoir pensé d’approvisionner, à bon compte, ses administrés, d’une précieuse denrée qui leur est indispensable. Là encore, nos édiles ont droit aux félicitations du remerciement du public Campinois qui peut envisager avec confiance le renchérissement de la pomme de terre. VIDI.
prioritaires en temps de guerre.
La Municipalité et le Conseil municipal ont inauguré le 3 décembre, jour de la Cérémonie commémorative, le Monument provisoire que la Commune a fait élever au cimetière, en attendant l’édification du Monument définitif voté en principe. C’est une simple pyramide de 5 m 50 de hauteur environ, élevée sur un tertre, le socle comporte une moulure à larmier en cimaize et une forte plinthe en enmarchement. Ce socle est décoré d’un écusson aux armes de la Ville. La face antérieure de la pyramide porte la dédicace : À ses Enfants morts pour la Patrie, la Ville de Champigny. Le monument avait été lauré, fleuri et pavoisé aux couleurs nationales, l’effet en était particulièrement remarquable. Ajoutons que le Monument définitif, dans un but d’effet décoratif qui aura en même temps l’avantage de réduire les dépenses, sans rien compromettre de la valeur décorative, sera exécuté en roche du pays, caillasse rejointoyée, avec panneaux latéraux, soit en granit, soit en bronze, où seront gravés les noms des citoyens morts pour la Défense du pays. Article paru dans La Gazette de l’Est, 17 décembre 1916 (coll. Archives départementales du Val-deMarne).
Projet de monument aux morts pour le cimetière de Champigny, 1916 (coll. Archives communales de Champigny).
en Mairie a été transmise au Ministre de la Guerre. Le Conseil approuve cette transmission mais voudrait connaître si les odeurs signalées le sont par intermittences ou continuelles. Ce sera à l’autorité militaire d’enquêter, mais d’ores et déjà il apparaît que le fait signalé n’a été qu’accidentel. Nous sommes persuadés que les riverains seront indemnisés des dégâts commis à leurs propriétés, et qu’ils commanderont à leur odorat de ne plus s’inquiéter de ces odeurs inoffensives à leur santé. – Le Conseil, comme suite à une demande faite par les boulangers de la commune demandant la fixation du prix du pain à 0 fr. 90 les 2 kilos, décide de maintenir le prix à 0 fr. 85, mais qu’il fera le nécessaire auprès de l’intendant militaire et du Gouvernement du camp retranché de Paris, pour assurer aux boulangers le bois de chauffage qu’ils ne peuvent se procurer. – En ce qui concerne le charbon, la municipalité s’est déjà inquiétée de rechercher les prix les meilleurs et elle traitera bientôt pour la fourniture indispensable aux bâtiments communaux ; elle étudie également la possibilité de faire livrer un stock considérable de combustible pour la population mais, auparavant, elle devra être assurée de la commande. [...] – Sur la demande de M. Caillet et sur la proposition de M. le Maire, le Conseil décide que M. Carratier, le garde champêtre, sera chargé de la sur veillance des champs et qu’un garde messier pourra, au besoin, être adjoint au garde champêtre. – Le Conseil, sur la demande de M. Converset, nomme une commission de révision des listes de chômeurs. MM. Petit, Converset et Caillet sont désignés. – Sur la réclamation de M. Caillet, con-cernant la divagation des chiens dans les champs, M. Maitrot propose que, quand un garde trouvera un chien, il devra rechercher le propriétaire et dresser contravention ; une affiche sera, du reste, apposée à ce sujet, afin d’éviter toute réclamation. La séance est levée à 10 heures et quart et le Conseil siège en séance privée pour l’examen des demandes d’assistance. PICK.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 4 juillet 1915 (coll. Archives départementales du Val-deMarne). Cette séance ordinaire montre la diversité des problèmes à régler par le conseil municipal de Champigny. Si l’état de guerre pèse sur les décisions, les conseillers s’efforcent de trouver des solutions durables.
Le 14 Juillet 1916 ______________
Ce n’est pas une banale distribution de prix qui a eu lieu le 14 juillet dans la Salle des Fêtes de la Mairie, mais bien une cérémonie civique ou des discours du maire adjoint et de M. le lieutenant Sadoul, représentant le sous-secrétaire d’État à la Guerre, M. Albert Thomas, notre sympathique Maire, firent une grande impression sur tous les assistants. Sous la direction de M. Midy, les enfants des écoles chantent la Marseillaise, puis M. Maitrot prononce le discours que nous sommes heureux de reproduire ici :
POUR LA DEFENSE NATIONALE ______________
Appel à la population
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Bon de versement d’or pour la Défense nationale, 23 septembre 1915 (coll. particulière). Des affiches ou des annonces dans la presse invitent la population à verser son or pour financer l’effort de guerre. La famille d’Alphonse Carré, mobilisé depuis août 1914, participe à l’emprunt national dans l’espoir d’accélérer la fin de la guerre et le retour des soldats.
Les circonstances actuelles imposent à tout Français, dégagé par son âge ou son état de santé des obligations militaires, le devoir d’apporter sous la forme la plus utile son concours à l’œuvre de Défense nationale. Conformément aux instructions du Ministre de l’Intérieur, il est fait appel à tous ceux, anciens fonctionnaires, retraités et citoyens valides, honorables et capables, qui habitent la commune et dont les connaissances et l’expérience pourraient trouver leur emploi dans certaines administrations et ser vices de la Défense nationale. Les inscriptions et offres sont reçues à la Mairie.
Article paru dans La Gazette de l’Est, 24 décembre 1916 (coll. Archives départementales du Val-deMarne).
Mesdames, Messieurs, Mes Chers Enfants, « M. Albert Thomas qui devait présider cette cérémonie, est en mission en Angleterre. Vous connaissez l’importance de sa charge dont l’accomplissement et l’oblige à être au milieu de vous moins souvent qu’il le voudrait. « Il a délégué M. le lieutenant Sadoul qui tout à l’heure vous dira ce que M. Thomas lui-même devait vous dire. « Vous voilà réunis une fois de plus pour recevoir les prix spéciaux accordés à l’occasion du 14 juillet, aux élèves de nos écoles, titulaires du certificat d’études, qui ont participé au concours d’instruction civique. Permettez-moi, dès maintenant, de féliciter d’une part, les lauréats de ce concours, et d’autre part, vos directeurs et directrices, pour les résultats obtenus. « Vous avez compris, les uns et les autres, que malgré les angoisses que nous traversons depuis deux ans, malgré des espérances de paix non réalisées, tous, vous aviez un devoir impérieux à remplir : Professeurs, en continuant à donner à nos enfants, l’instruction et l’éducation nécessaires ; élèves, en travaillant pour acquérir cette instruction et cette éducation. C’est pour nous un réconfort de faire cette constatation. Ah ! Nous savions que le peuple de France ne se laisserait pas abattre, mais qu’au contraire sa force civique se révélerait plus grande devant le danger. Vous nous en donnez la preuve.[...] « Notre 14 juillet, cette année, est encore assombri par les événements qui se déroulent, espérons que le prochain se fera dans la paix, et qu’il revêtira toute sa signification par l’abattement des tyrans et des despotes. « Vive la République ! Vive Champigny ! Vive la France ! » Dans une belle improvisation, M. le lieutenant Sadoul excuse tout d’abord l’absence de M. Albert Thomas, chargé de mission en Angleterre, qui eût été heureux de se retrouver dans sa commune, là où ses fonctions de Maire et de Député et surtout sa qualité de citoyen et d’enfants du pays l’attachent si profondément. S’adressant aux enfants, M. le lieutenant Sadoul leur dit que ce 14 juillet doit être pour eux un anniversaire mémorable ; n’ont-ils pas actuellement sous les drapeaux, leur père, leur frère ou un des leurs qui se battent pour les destinées de la France.[...] Faisant entrevoir l’avenir, M. le lieutenant Sadoul demande aux enfants d’envisager ce que sera demain : une longue période de paix et de tranquillité qui leur permettra de travailler désormais à l’abri des soucis et des difficultés actuels. Le discours de M. le lieutenant Sadoul est haché d’applaudissements et écouté avec la plus grande attention par tous les assistants ; nul doute qu’il laisse dans les têtes des enfants l’impression que nous avons ressentie nous-mêmes. [...] Article paru dans La Gazette de l’Est, 23 juillet 1916 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne).
La mobilisation de la population campinoise L
es autorités françaises sont persuadées que la guerre ne se gagne pas seulement sur le front ;
elle se gagne aussi à l’arrière. La population civile est mobilisée à son tour. Elle soutient l’engagement dans la guerre, soit directement en travaillant pour les productions destinées à l’Armée, soit indirectement en assurant son financement par l’impôt ou l’emprunt.
U
ne propagande intense diffuse un discours patriotique appelant à participer à la défense
nationale. Le sacrifice des combattants est mis en avant
Papillons encollés vendus lors de la « Journée des Éprouvés de la Guerre », septembre 1915 (coll. Archives communales de Champigny).
Groupe de femmes et jeunes enfants participant à la quête lors de la Journée du Canon de 75. Carte postale, sans date (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Le canon de 75 est l’armement le plus réputé de l’armée française au début de la guerre.
pour justifier les efforts que doit faire l’ensemble de la population française.
L
es actes de solidarité et de compassion envers les militaires et les civils éprouvés par la guerre sont
donc nombreux. Chacun se sent concerné car tout le monde a un ou plusieurs membres de sa famille proche au front. Le dévouement des volontaires bénévoles est Bilan des ventes lors de la « Journée des éprouvés de la Guerre » à Champigny, 27 septembre 1915 (coll. Archives communales de Champigny).
salué et montré comme modèle à suivre : une passivité trop évidente suscite la désapprobation en temps de
L’Union des Femmes de France qui gère l’hôpital F120 a pris en charge l’organisation de la quête. Celle-ci a rapporté 659 francs au comité de Champigny.
guerre…
C
omme partout en France, la population campinoise est sollicitée dans le cadre de multiples
journées nationales autorisées par le gouvernement. Des femmes et des enfants font la quête et la collecte donne lieu à une comptabilité précise. Les sommes recueillies sont reversées aux organisations à vocation humanitaire qui travaillent au contact des victimes du conflit.
Étiquette encollée et écussons cartonnés vendus lors de la « Journée serbe », juin 1916 (coll. Archives communales de Champigny).
Lettre du maire annonçant l’organisation d’une « Journée de l’Armée d’Afrique et des troupes coloniales », 5 juin 1917 (coll. Archives communales de Champigny).
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Affiche annonçant la cérémonie anniversaire des batailles de Champigny de 1870, 12 novembre 1918 (coll. Archives communales de Champigny).
La victoire célébrée à Champigny
Dès le lendemain de l’armistice, Albert Thomas donne un caractère exceptionnel à la cérémonie annuelle d’hommage aux morts de la bataille de Champigny.
L
e 11 novembre 1918, l’armistice annonce la fin des combats sur le front ouest. C’est le soulagement
pour les combattants et leurs familles. L’Allemagne est vaincue après plus de quatre années de guerre.
À
Champigny, l’événement a une portée particulière. En effet, la ville conserve sur son territoire
le souvenir des combats 1870-1871 et elle a été, avantguerre, un lieu d’appels à la revanche.
L
a cérémonie commémorative de la bataille de Champigny, le 1er décembre 1918, est l’une des
premières occasions de célébrer la victoire de 1918 et de laver l’affront de la défaite de 1871. Une foule impressionnante se presse donc à Champigny ce jour-là. La
Les soldats formant une haie d’honneur devant le perron de l’hôtel de ville de Champigny. Photographie, 1er décembre 1918 (coll. Archives communales de Champigny). Au garde-à-vous, la baïonnette au canon, les soldats présentent les armes au président de la République.
solennité du moment est affirmée par la présence de Raymond Poincaré, président de la République, invité par Albert Thomas. Les 8 et 9 décembre, Raymond Poincaré préside des cérémonies plus grandioses encore à Metz et à Strasbourg, en Alsace-Lorraine reconquise par les troupes françaises depuis le mois de novembre.
Albert Thomas (à gauche) et Raymond Poincaré (à droite) sur le perron de l’hôtel de ville de Champigny. Photographie recadrée, 1er décembre 1918 (coll. Archives communales de Champigny).
Duplicata du bordereau de prêt de matériel militaire allemand pour la cérémonie du 1er décembre, 27 novembre 1918 (coll. Archives communales de Champigny). Afin de donner encore plus d’éclat à la cérémonie, des prises de guerre sont prêtées par les autorités militaires et présentées comme trophées. Une demande comparable, mais plus modeste, a été faite pour la cérémonie de 1917.
L’Anniversaire des Batailles ______________
Les discours au monument de la Guerre de 1870-1871. Photographies, 1er décembre 1918 (coll. Archives communales de Champigny).
Quarante-huit années se sont écoulées depuis la sombre tragédie de 1870, durant lesquelles, fidèlement, les bons Français, les patriotes n’ont jamais manqué, avec les diverses Municipalités qui se sont succédées, de venir célébrer la mémoire de ceux qui, alors, arrosèrent de leur sang nos plaines et nos plateaux, comme les rues de notre commune. Pleins de tristesse et d’amertume, aux premières années, pieux et recueillis toujours, l’hommage que nous rendions à nos morts était à chaque fois accompagné de paroles d’espérance et d’appel à la justice qui les vengerait un jour. Le 1er décembre 1918, jour inoubliable pour tous ceux qui prirent part à la cérémonie, des chants de victoire et des cris d’allégresse ont retenti tout autour d’eux, montant vers le mausolée, et leurs cendres ont pu tressaillir sous le grand tertre qui les recouvre, aux vibrations joyeuses du sol tout autour du grand tombeau. [...] Il nous a paru que le discours d’Albert Thomas, au Monument de Champigny, méritait plus qu’un banal entrefilet de compte-rendu. [...] Ce discours nous a paru, dans sa péroraison, prendre l’ampleur d’un programme social dont la hardiesse ne nous effraie point. Nous en livrons un extrait à l’appréciation de nos lecteurs : Ah ! c’est un rude, c’est un accablant héritage que nous avons à recueillir. Jamais la renommée de notre pays n’avait été portée si haut. Soldats de Verdun, soldats de la Marne, les soldats français sont célébrés dans le monde entier comme les sauveurs de l’indépendance humaine. Jamais, pour aucun héros, ne s’était révélée plus vraie la parole de l’orateur ancien, que de tels morts ont la terre entière pour tombeau. Jamais aucun peuple n’avait été plus aimé par ses alliés, plus admiré par les neutres, plus estimé par ses ennemis mêmes, que ne l’est à cette heure le peuple de France. Jamais nation n’a fait naître autant d’espérances ni provoqué de si enthousiastes appels. C’est la parole, c’est le geste de la France qui partout est attendu. Saurons-nous répondre dignement à cette confiance de l’univers ? Ou bien permettrions-nous qu’après avoir été surpris par les qualités admirables du vainqueur, l’univers fut plus surpris encore de ses défaillances et de ses abandons ? Certes, les difficultés sont lourdes. Organiser la guerre était presque plus facile que d’organiser la victoire. A l’heure où les négociateurs vont se réunir, toute une partie de l’humanité est en révolution. L’un après l’autre, les empires s’écroulent. Partout, contre l’autocratie qui les a conduits à la défaite et à la famine, les peuples se redressent. Les voici maîtres du pouvoir, mais tiraillés et déchirés entre leurs aspirations nationales et leurs revendications de classes. Mêmes dans les démocraties victorieuses, quelques frémissements d’inquiétude ont couru. Dictature de la misère en révolte, ou démocratie disciplinée assurant aux citoyens la jouissance de droits nouveaux, qui des deux l’emportera ? En bien des pays, le problème se pose. Affirmons et prouvons par nos actes qu’en France il est résolu. La foule ouvrière et paysanne a gagné sur les champs de bataille ou dans les usines le droit à une existence plus sûre, plus douce, plus noble. Pour qu’elle en jouisse, accordons-lui, dans la patrie, la part la plus large de collaboration et de responsabilité qu’elle se sent capable d’assumer. Les grandes associations syndicales ont formulé ces jours-ci un programme de raison et de sagesse fondé tout entier sur une intense production nationale. De cette production, les unions patronales recherchent avec passion les moyens et les conditions. Offrons aux uns et aux autres, par nos ententes avec les Alliés et par une organisation réfléchie, les perspectives d’avenir qui, seules, peuvent donner à tous sécurité et audace…
Devant une assistance recueillie, des discours sont prononcés. Dans le but d’identifier sans erreurs les officiels présents, leurs noms ont été reportés sur les photographies conservées dans les archives de la commune.
Extraits d’un article paru dans L’Union régionale, 13 décembre 1918 (coll. Archives départementales du Val-deMarne).
Carte postale adressée par un soldat démobilisé travaillant à l’usine à gaz de Champigny, 13 avril 1919 (coll. Archives communales de Champigny). Le texte au dos de la carte est en partie déchiré, mais il restitue les conditions de la démobilisation du soldat.
Fiche de démobilisation d’Eugène Jullion, collée dans son livret militaire, 26 novembre 1918 (coll. particulière).
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Affecté à l’usine Acétylène en raison de son âge, Eugène Jullion, né en 1868, est démobilisé dès le 26 novembre 1918. Les plus jeunes doivent attendre encore plusieurs mois avant de retrouver définitivement leur famille.
D
ans les mois qui suivent l’armistice, les hommes démobilisés regagnent peu à peu Champigny.
Ce sont d’abord les territoriaux, puis les prisonniers
Sortir de la guerre
de guerre, puis les combattants quand cesse l’état de guerre. Certains doivent attendre le 2e semestre 1919 pour être délivrés de leurs obligations militaires. Les familles qui ont perdu un proche doivent parfois patienter plusieurs années avant de pouvoir faire
« Le Plant Champigny, 13 avril 1919 Mon cher Chosson, Excuse moi de ne t’avoir répondu plus tôt, c’est le travail qui en est cause car tu dois penser qu’il y a beaucoup à faire pour remettre le tout à sa place, surtout que depuis que je suis rentré je n’ai pas perdu une heure, enfin je commence à voir clair. Je profite de mon dimanche pour m’occuper des copains que je n’oublie pas. Tu me dis que tu as passé à Romilly 8 jours après mon départ, alors tu dois avoir su comment j’ai été démobilisé. Ils m’ont bien baladé. J’ai été [...] au fort de Rosny au 4e zouave. J’ai repris mon travail d’avant-guerre. Bien entendu pas dans les mê[mes conditions]. Je ne me plains pas. Mais [...] que tu n’as pas eut de [... et que tu en] as fait une mauvaise, rentré gr[ippé comme] tout le monde. Moi, de ce côté, cela va [car] ma petite famille est en bonne santé mais moi je suis toujours souffreteux. Tu te rappelle qu’à Romilly. Je me plaignais de la tête. Cela est toujours pareil, cependant je fais bien attention. Peut-être qu’avec le temps cela se passera. Je n’ai aucune nouvelle de T[exier]. Je lui ai écrit. Il ne m’a pas répondu. Il doit être démobilisé. Tu présentera de notre part nos meilleurs respects à Madame Chosson et son fils. En comptant sur toi quand tu viendras à Paris. Je te serre cordialement la main. Ton copain. »
rapatrier le corps et l’inhumer dans le cimetière de Champigny.
L
a fin de la guerre signifie pour les soldats démobilisés le retour à la vie civile. Il faut rependre sa
place au sein de la famille ou en fonder une nouvelle, retrouver l’emploi abandonné avec la mobilisation ou en chercher un nouveau. L’après-guerre est particulièrement difficile pour les mutilés, les veuves et les
Prisonniers rapatriés
orphelins. Pour répondre aux situations les plus drama-
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Voici une liste de nos concitoyens, prisonniers rapatriés : Angenheyster Léon, 68, boulevard du Centre ; Boitel Louis, 22, rue Saint-Amand ; Bréquel Paul, 34, rue du Petit-Champigny ; Buyck Victor, 14, boulevard dePolangis ; Cailleux Robert, 23, boulevard de la Gare ; Caloire Alphonse, 9, route de Villiers ; Coutier Félix, chemin de la Planchette ; Deflorence Lucien, 109, rue de Sucy ; Desvignes Hubert, 19, rue des Ormes ; Dubroca Jean-Baptiste, 5, avenue de l’Étoile ; Dubroca René, 5, avenue de l’Étoile ; Dudelfant Armand, 60, route de Villiers ; Ducillier Henri, 5, rue du Clocher ; Dumoulin Julien, 7, rue Mignon ; Fautrier Georges, 85, Grande-Rue ; Feillet Prosper, 2, rue Nationale ; Feland Auguste, 10 Grande-Rue ; Fouchard Louis, 7, villa Rémy ; Georges Jean, 40, rue des Sapins ; Gilbert Louis, 22, rue Saint-Amand ; Gondelle Louis, rue du Pré-de-l’Étang ; Gondré André, 36 rue Saint-Amand ; Gouffray Emile, 2, chemin latéral de l’Est ; Gradel Arsène, 23, boulevard de la Gare ; Haentzler Abel, 50, Grande-Rue ; Halar y Georges, 156, route de Joinville ; Hinard Louis, 117, Grande-Rue ; Hirschelmann Georges, rue de Balzac ; Jamin Marcel, 18, rue Nationale ; Josse Joseph, 5, quai du Général-Galliéni ; Journe Léon, 73, route de Joinville ; Luya Fernand, 9, impasse Saint-Amand ; Leroy Albert, 22, avenue du Pont, Joinville ; Lescot Maurice, 15, rue Prétoria ; Liais Maurice, 73, rue Saint-Amand ; Morizot Henri, 9, rue des Acacias ; Nantier Alexandre, 96, rue des Batailles ; Paillard Paul, 83, Grande-Rue ; Picard Gustave, 4 bis, chemin du Moulin ; Pierlot Maurice, 10, avenue de l’Hippodrome ; Pirio Casimir, 4, rue des Batailles ; Pussin Georges, 8, rue des Frères-Petits ; Renart Benjamin, 8, rue Nationale ; Straube Emile, 19, rue des Fleurs ; Thorouss Gustave, 52, avenue Bel-Air Prolongée ; Thomas Charles, 19, rue de la Fourchette ; Thuillier Fernand, 26, avenue Léon ; Truffaux Marcel, 88, boulevard du Centre ; Virlot Marcel, 29, avenue du Bel-Air.
tiques, l’administration communale assure le suivi de nombreux dossiers d’aides aux personnes nécessiteuses.
L
a réorganisation de l’économie locale, inévitable
NOS GRANDS MORTS ______________ AVIS AUX FAMILLES Les familles domiciliées à Champigny qui désireraient obtenir le transfert dans le cimetière communal, aux frais de l’État, du corps d’un militaire, marin ou victime civile de la guerre, décédé entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919, sont invitées à se présenter à la mairie pour y retirer une formule de demande avant le 25 décembre 1920. Le Maire : H. DUMONT.
avec l’arrêt des productions de guerre, ne ralentit
pas le développement de la commune. La croissance
Article paru dans La Gazette de l’Est, 12 décembre 1920 (coll. Archives départementales du Val-deMarne).
démographique reprend son rythme d’avant-guerre : Champigny compte 13 830 habitants en 1921, 20 180 en 1926 et 27 352 en 1931. La ville de la banlieue parisienne supplante définitivement le village d’avantguerre.
A
lbert Thomas n’est pas le maire de l’après-guerre. Les tensions consécutives à l’éclatement de
l’Union sacrée à Champigny l’incite à démissionner de son poste et à ne pas se représenter aux élections municipales de 1919. Il devient le premier directeur du Bureau international du Travail, en liaison avec la création de la Société des Nations, fonction qu’il occupe jusqu’à son décès en 1932. Le retour du prisonnier de guerre dans son foyer. Gravure publiée dans L’Album de la Guerre 1914-1919, L’Illustration, 1930 (coll. Société d’Histoire de Champigny)
Demande de rapatriement du corps d’un soldat, adressée au maire de Champigny, 18 février 1924 (coll. Archives communales de Champigny).
Du mois de janvier au mois d’avril 1919, La Gazette de l’Est publie des listes de prisonniers de guerre campinois rapatriés. Au total, plus de 200 noms sont cités.
Plusieurs années après la fin de la guerre, des corps sont encore rapatriés après identification. Des conditions très strictes sont imposées, notamment l’obligation de résidence de la famille dans la commune où doit être transféré le corps.
Liste de prisonniers de guerre rapatriés publiée par La Voix des Communes, 1er février 1919 (coll. Archives départementales du Val-de-Marne). Après l’armistice, Louis Gondelle n’attend pas les mesures de rapatriement et rentre par ses propres moyens, malgré une santé délabrée. Lorsqu’il fait irruption dans son foyer son fils, qu’il ne connaît pas, n’est pas là. En effet, sa femme Alice travaille comme giletière et confie chaque jour Raymond à une nourrice. Le père et la mère se précipitent chez la nourrice après être passés à une boulangerie au coin de la rue de la Marne. C’est ainsi que Raymond voit arriver un inconnu porteur de friandises. Il a presque quatre ans.
Dossier des allocations aux familles nécessiteuses, janvier-avril 1919 (coll. Archives communales de Champigny). De nombreuses familles ont encore besoin d’être secourues dans les mois qui suivent l’armistice. Certaines sont privées de revenus suffisants pendant de longs mois encore du fait de la démobilisation progressive, même si les hommes mariés regagnent leur foyer plus rapidement que les célibataires. D’autres ne reverront jamais le mari ou le père tué ou disparu et connaissent une détresse morale et matérielle qui nécessite la prolongation des aides. Le 25 septembre 1920, une lettre de la préfecture de la Seine supprime les allocations de réfugiés aux 12 familles qui en bénéficient encore à Champigny.
Liasse de documents concernant le retour des corps de trois Campinois, fin mai-début juin 1922 (coll. Archives communales de Champigny). Le télégramme annonce au maire l’arrivée prochaine de trois corps par train spécial, à charge pour lui de prévenir les familles.
Document placé par Robert Alexis Jullion en frontispice de l’ouvrage 1914-1918. La Grande Guerre vécue, racontée, illustrée par les combattants, Aristide Quillet Éditeur, 1922 (coll. particulière).
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Carte postale patriotique, sans date (coll. particulière). Cette carte postale reprend une affiche diffusée en 1917 pour inciter les Français à souscrire à un nouvel emprunt. La mention manuscrite concerne le 46e régiment d’infanterie où ont été affectés nombre de Campinois.
Robert Alexis Jullion associe son sort à celui de l’ensemble des anciens combattants. Le titre de l’ouvrage suggère qu’il s’agit d’une présentation de la guerre faite non pas par de simples historiens, mais par des acteurs de l’histoire, supposés pouvoir mieux restituer le caractère exceptionnel du conflit qui vient de s’achever.
Photographies de Campinois anciens combattants de la Grande Guerre, novembre 1995 (coll. Archives communales de Champigny, photos J.-P. Persico). En 1995, Fernand Voileau, Jean Sénéchal et Gaston Grange sont décorés de la Légion d’honneur, comme les autres anciens combattants de la Grande Guerre encore vivants à cette date.
NOS HÉROS _________
L’HOMMAGE DE LA POPULATION
La mémoire de la guerre à Champigny D
ès l’immédiat après-guerre, la société française inscrit le conflit dans la mémoire collective : des
noms en rapport avec la Grande Guerre sont attribués à certaines rues ; dans chaque commune, un monument aux morts conserve le souvenir des tués, et chaque 11 novembre, une assistance nombreuse et recueillie leur rend hommage. Cette mémoire est également individuelle : les anciens combattants, comme leur famille, conservent pieusement les traces de ce moment douloureux et les ouvrages sur la guerre connaissent une diffusion que le récit d’une victoire ne peut seul expliquer.
D
ans l’entre-deux-guerres, le respect qui entoure les anciens combattants leur donne une place
centrale dans la société française : dans les années 1930, la génération du feu, celle des hommes de 30 à 50 ans, oriente la vie politique nationale et locale par ses votes et par ses associations très actives.
À
près la Seconde Guerre mondiale, l’influence des anciens combattants de la Grande Guerre
s’estompe, concurrencée par celle des anciens résistants et déportés, puis celle des anciens combattants Affiche annonçant l’inauguration du monument aux morts de Champigny, 1er novembre 1924 (coll. Archives communales de Champigny). Un monument aux morts provisoire est inauguré dans le cimetière le 1er novembre 1916. Il est financé par la commune. En 1924, un nouveau monument le remplace, financé pour partie par la commune, pour partie par souscription. Lors de son inauguration, les familles de soldats tués reçoivent un extrait officiel du Livre d’or contenant la liste des Campinois « morts pour la France ».
d’Afrique du Nord. L’âge aidant, les poilus deviennent ces vieillards que l’on voit, de moins en moins nombreux, lors des cérémonies du 11 novembre.
L
a disparition annoncée des poilus de la Première Guerre mondiale a relancé l’intérêt pour les
derniers des derniers des survivants. On les décore, on les honore, on sollicite leurs souvenirs en partie évanouis, alors qu’on trouvait leur patriotisme un peu Le monument aux morts face à l’hôtel de ville. Carte postale, du début des années 1930 (coll. particulière).
suspect et leurs histoires lassantes à force d’être répétées il y a peu encore.
Le monument au morts portant la liste des noms inscrits sur le Livre d’or de la commune est inauguré le 12 avril 1925 sur le parvis de la mairie. En 1930, la mairie est transférée dans l’actuel hôtel de ville. En 1946-1947, suite à l’élargissement de la route nationale, le monument aux morts est démonté et remonté place Jean-Baptiste Clément.
Ferdinand Gilson en couverture du magazine ONAC Info, décembre 2005 (coll. Société d’Histoire de Champigny) Ferdinand Gilson, né à Champigny en 1898, était l’une des ultimes mémoires vivantes de la Grande Guerre. Il est décédé en 2006 après avoir commémoré avec les habitants de son village du Loiret le 87e anniversaire de l’armistice.
Le monument aux morts, place Jean-Baptiste Clément, en 2006 (coll. Société d’Histoire de Champigny). Le mur qui encadre le soldat au repos porte les noms de combattants tués à l’ennemi, des suites de blessures ou de maladies, dont la famille demeurait à Champigny à la fin de la guerre, ainsi que les noms d’autres combattants décédés à Champigny, le plus souvent à l’hôpital F120. Tous ont été déclarés « mort pour la France ».
La cérémonie en l’honneur des Morts pour la France a eu lieu le 1er novembre au cimetière communal. La Municipalité, le Conseil municipal, les Sociétés locales et un nombreux public y assistaient. Sur le Monument provisoire élevé à la mémoire des Enfants de Champigny, des couronnes et des fleurs furent déposées par le Conseil municipal, « L’Union Nationale des Combattants », le « Foyer de l’Avenir », les « Vétérans des Armées de Terre et de Mer », et diverses Sociétés locales. Des discours furent prononcés par M. Bécherot, président, et le Vetzel, vice-président des Vétérans des Armées de Terre et de Mer ; Prieux, au nom de la Section de l’Union Nationale des Combattants ; Perrot, président de l’Union des Mutilés de Vincennes ; Dumont, maire de Champigny, et Brisson, conseiller général. Durant cette cérémonie, la Musique municipale et la Société des Trompettes « la Revanche » se firent entendre. Voici le discours de M. Dumont, notre dévoué maire : Mesdames, Messieurs, Mes chers enfants, Nous venons aujourd’hui, comme nous le faisons depuis cinq ans, devant ce Monument provisoire élevé à la mémoire des 600 enfants de Champigny, morts pour la Patrie. Nous avons en France, avec raison, le culte des morts, surtout pour ces héros tombés au champ d’honneur ou morts des suites de blessures ou de maladies. A ces braves, les familles ne pouvaient rendre les derniers devoirs, mais les camarades de nos chers disparus remplaçaient les familles absentes, ce sont eux qui, la plupart du temps, annonçaient par lettre la mort de celui qui venait de tomber à côté d’eux. Avec quels ménagements, avec quels sentiments de regret ils en prévenaient l’épouse ou les vieux parents de ceux qu’ils ne reverraient plus ; encore aujourd’hui nous constatons combien la fraternité existait entre nos chers poilus. Ne recevons-nous pas encore, aux dates anniversaires où ils sont morts et à cette fête de la Toussaint, des lettres de regrets et de souvenir des camarades de nos chers morts pour nous rappeler qu’ils n’oublient pas ceux qui ont été leurs compagnons d’armes. Souvent, nous ne connaissons pas ceux qui nous écrivent, n’ayant jamais eu l’occasion de les remercier que par correspondance. Oui, Mesdames, Messieurs, comme nous le faisons ici aujourd’hui et dans toute la France, soit le matin, soit à cette heure, dans tous les cimetières on ira déposer des fleurs, des couronnes à la mémoire de ceux qui ont défendu notre pays. C’est le culte des morts ! Et là-bas dans l’ancienne zone des armées, beaucoup de familles iront aussi faire ce triste pèlerinage ; là où s’alignent de nombreuses croix de bois où les noms des héros commencent à s’effacer ; et aussi aux plus grandes fosses, comme j’en ai vu dernièrement en Argonne, où une simple croix indique que cette fosse renferme un certain nombre de soldats français. Chers morts inconnus, vous ne serez pas pour cela oubliés. Jusque dans le plus petit village on tiendra à ce que votre nom soit gravé sur la pierre pour que les générations futures se souviennent des héros de la Grande Guerre, qui ont fait le sacrifice de leur vie en espérant que cette terrible guerre sera la dernière. C’est notre espoir à tous, espérons qu’il sera réalisé ! En ce moment, l’État s’occupe de sépultures pour nos braves. 500 000 monuments semblables sont commandés pour ceux qui resteront dans les cimetières du front. L’État se chargera de l’entretien des tombes à perpétuité. Dans notre cimetière, nous ne savons pas exactement ce que nous pourrons faire, nous n’avons pas tous les renseignements voulus à ce sujet ; aussitôt que nous les aurons, nous en informerons les familles. Ce matin, avant de distribuer des diplômes officiels aux veuves, aux ascendants de nos chers morts, je lisais, une fois de plus, les quelques lignes qui sont gravées : « AUX MORTS DE LA GRANDE GUERRE » « Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie « Ont droit à leur tombeau la foule vienne [et prie « Entre les beaux noms, leur nom est le plus beau « Toute gloire auprès d’eux passe et tombe éphémère « Et comme ferait une mère « La voix d’un peuple entier les berce en leurs tombeaux. » Ces quelque lignes, je tenais à les rappeler ici, car toutes les familles de nos chers morts ont reçu ce diplôme qui sera un souvenir durable pour les descendants, simple parchemin, mais semblable, c’est l’égalité pour tous. Au nom de la Municipalité, de la majorité du Conseil municipal, de la population, je remercie M. Brisson, notre dévoué conseiller général, la Société de l’Union Nationale des Combattants, les Vétérans, et toutes les Sociétés locales qui nous ont accompagné à ce triste pèlerinage, et je dépose une couronne au nom de tous, en disant : « Honneur et gloire aux morts de la Grande Guerre ».
Article paru dans La Gazette de l’Est, 7 novembre 1920 (coll. Archives départementales du Val-deMarne).