Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

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Charles Bail

Dossier de recherche dans le champ de l’internet des objets.



Charles Bail

Dossier de recherche dans le champ de l’internet des objets.

Les interfaces tangibles favorisent-elles la pédagogie de l’enfant ?

e-artsup 2013-2014 Filière Design de l’interaction dirigée par Nicolas Baumgartner. e-artsup n’endosse pas la responsabilité du contenu développé dans ce dossier. Il appartient à son auteur.



Introduction.............................................................................. p.1 I. La pédagogie et ses enjeux...................................................... p.3 1.1 Survol de la pédagogie 1.2 Le droit à l’erreur 1.3 Le développement cognitif

II. Les interfaces utilisateurs tangibles......................................p.15 2.1 L’émergence des interfaces tangibles 2.2 Les TUIs face aux GUIs

III. Aujourd’hui : Les TUIs comme vecteurs d’apprentissage.............................................. p.29 3.1 Contexte : de nouvelles formes de pédagogie 3.2 Les TUIs dans les systèmes pédagogiques 3.3 Des limites 3.4 Quel avenir pour les TUIs ? 3.5 Conclusion ?

Annexes................................................................................... p.55 Interview de Michael Stora Interview de l’équipe de Qleek.me Interview de l’équipe du projet Lunii & Luniilab Lexique Références



Introduction L’Homme émet toujours plus de données. Connecté à internet, son quotidien est parfois partagé sans même qu’il ne s’en aperçoive. L’effervescence des objets connectés laisse à penser qu’il a besoin d’un retour au réel, qu’il a besoin de ‘saisir’ ce qu’il a dématérialisé. Avec pour fil directeur la pédagogie, ce dossier présente des principes fondamentaux du développement de l’enfant, futur adulte s’appropriant le monde. Ce sera aussi l’occasion de découvrir les précurseurs qui ont cherché a créer des interfaces tangibles et en quoi elles répondent ou non aux attentes des utilisateurs. Grâce à cela il sera possible de replacer le tangible dans un contexte actuel, celui de « l’internet des objets » et d’aboutir à une proposition de projet pour répondre à cette problématique.

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Chapitre

La pĂŠdagogie & ses enjeux



1.1

Survol de la pédagogie

Qu’est-ce que la pédagogie ? Le sens du terme ‘pédagogie’ a évolué depuis la Grèce antique à nos jours. Il vient du grec ancien paidagogia qui signifie « mener, conduire, élever1 ». Si aujourd’hui on considère la pédagogie comme l’action de transmettre un savoir souvent avec un rapport maître/élève, la définition stricte faire référence à la personne qui soutient l’enfant dans sa démarche d’apprentissage et veille à son éducation, aussi bien lors des cours et des devoirs mais aussi dans son environnement de tous les jours.

L’enfant grec était souvent accompagné par un esclave qui le protégeait et lui donnait des conseils, se servant de ses propres connaissances et expériences qu’il transmettait ensuite au plus jeune. La pédagogie est donc la transmission des connaissances mais aussi un ensemble de méthodes et de processus éducatifs qui permettent à l’enfant et aux adolescents de se construire2. Tout comme le mot ‘pédagogie’, ces méthodes ont varié au cours de l’histoire selon des influences culturelles ce qui a engendré des questionnements sur le rôle de l’enseignement et du rapport d’autorité entre les différents acteurs du processus d’éducation, sur les méthodes d’apprentissage ainsi que sur le contenu des cours.

1. Définition du Larousse

2. MINOIS Georges, Les grands pédagogues, Du Seuil, 2006, p.9-10

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Différents types de pédagogie

3. KOZANITIS Anastassis, Historique de l’approche de l’enseignement, Bureau d’appui pédagogique Ecole Polytechnique, 2005, [en ligne]

4. LIEURY Alain, DE LA HAYE Fanny, Psychologie cognitive de l’éducation, DUNOD, 2009, p. 13 - 34

Aristote dans un détail de la fresque L’École d’Athènes du peintre Raphaël

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500 ans avant J.-C., Socrate et Aristote avaient émis des hypothèses en désaccord. Le premier défendait un courant rationaliste basé sur des faits vérifiables et qui faisait appel à la Raison de l’Homme. Le second prônait une démarche empirique en partant de faits vérifiés qui amenaient l’homme à des conjectures. Les experts en science de l’éducation ont remarqué l’émergence de quatre courants principaux à partir du XXe siècle3. Les adhérents au courant constructiviste établi par Jean Piaget, expert en psychologie du développement et en épistémologie, considèrent que l’enfant apprend grâce à ses actions. Il acquiert un savoir en contournant des obstacles imposés par l’enseignant lors d’exercices. Grâce à ses expériences précédentes, il est capable d’en découvrir de nouvelles et se construit peu à peu4. Les socio-constructivistes insistent sur la nécessité de créer un dialogue entre les différents élèves afin que leurs avis convergent ou qu’ils diffèrent. Cela se matérialise sous la forme d’exercices de groupes et de débats par exemple. Ainsi l’obstacle peut être immatériel (il aurait pu apparaître sous la forme d’un mur dans un jeu) lors d’un désaccord par exemple où des avis s’opposent4.


En simplifiant il est possible de dire que le processus cognitiviste suggère un rapprochement entre le raisonnement d’un humain et celui d’une machine. L’enfant associe ses acquis à des éléments qu’il perçoit. Puis il les range et les trie. Lorsqu’il rencontre les mêmes facteurs déclencheurs il fait appel à son savoir et sait où chercher de la même manière qu’un ordinateur traite des données informatiques5. Enfin les ‘behavioristes’ ou ‘comportementalistes’ modèlent l’enfant en aménageant l’espace dans lequel il évolue. Il est souvent motivé par une récompense proportionnelle à l’objectif. C’est souvent un enseignement individuel qui permet à l’enseignant de suivre les élèves au cas par cas et de procéder à des négociations : sur l’emploi du temps ou le type d’exercice par exemple. Mais ce modèle suggère le manque d’autonomie de l’élève qui a un parcours trop jalonné.

La notion de pédagogie semble ne pas se résumer à l’exacte définition d’un dictionnaire. Elle est plutôt le fruit de constantes mutations qui se traduisent par le nombre de courants pédagogiques qui existent. Il possible de voir que certains axes de réflexion sont radicalement opposés et ne proposent pas les mêmes solutions en terme de contenu de cours et d’objectifs à atteindre. Néanmoins d’un point de vue de designer cela peut être considéré comme une richesse car il est possible d’étudier des réponses différentes à des problématiques comunes autour d’utilisateurs : l’élève,les parents et l’enseignant.

1.2

5. CRAHAY Marcel, Psychologie de l’éducation, Quadrige, 1999

6. ASTOLFI Jean-Pierre, L’erreur, un outil pour enseigner, Broché, 2011

Le droit à l’erreur

Que signifie « se tromper » à l’école ? Jean-Pierre Astolfi est un spécialiste français de la didactique des sciences qui a établi une liste d’erreurs. Dans sa recherche il évoque l’erreur de compréhension de la consigne6. Elle peut relever d’un manque de lexique qui a empêché l’élève 7


7. REASON James, L’erreur humaine, Presses Universitaires de France, 1993

8. Scala, 1995, p. 23

9. SANA Thibault et BAYLOT Virginie, Fiche de lecture sur «L’erreur, un outil pour enseigner» de Jean-Pierre Astolfi, Université de Provence, [en ligne]

10. BOIMARE Serge, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 2000

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de s’approprier l’objectif. Ou bien la surcharge cognitive lorsque l’apprenant traite un flux trop important d’informations. Le psychologue ergonome James Reason a précisé ces types d’erreurs en parlant des « lapsus » lors– qu’il s’agit de la mauvaise application d’un schéma d’actions dans une matière, de « ratés » quand il a échoué à traiter l’information (par inattention ou par difficulté à canaliser toutes les données d’un problème mathématique par exemple) et enfin les « fautes » lorsqu’il procède à une mauvaise utilisation de ses connaissances7. Avec ces raisonnements l’erreur est plutôt considérée comme une conséquence plutôt qu’une cause. Elle trouve son origine dans le travail de l’élève mais elle peut être la conséquence de la transmission d’une mauvaise méthodologie employée par l’enseignant ou bien encore d’une mauvaise formulation de la consigne. Cela peut être aussi la conséquence des outils utilisés : si un apprenant est mal à l’aise avec l’informatique il aura déjà des informations supplémentaires à traiter en plus d’utiliser un clavier et une souris avec lesquels il n’est pas familier, ce qui signifie qu’il serait judicieux d’anticiper les erreurs dans la création des exercices. Trop souvent les élèves se sentent responsables et pensent avoir un manque de savoir, « L’erreur n’est pas l’ignorance, on ne se trompe pas sur ce qu’on ne connaît pas, on peut se tromper

sur ce qu’on croit connaître. Un élève qui ne sait pas additionner ne fait pas d’erreurs d’addition et celui qui ne sait pas écrire ne commet pas de fautes d’orthographe. C’est une banalité. Toute erreur suppose et révèle un savoir 8».

Se tromper peut être perçu comme une peur L’élève peut se sentir responsable au point qu’il développe une ‘phobie de l’erreur’. Cela vient du fait que l’enseignement moderne considère trop souvent que si les conditions d’enseignement, les performances de l’enseignant et la motivation de ses élèves sont favorables, alors il n’y aura pas d’erreur9. Ce genre de pensée est de plus en plus condamné, considéré comme « archaïque » par Daniel Favre. Serge Boimare, directeur pédagogique et administratif du Centre Médico-psychologique Claude Bernard à Paris, parle du sentiment de « persécution » des élèves qui « s’auto-dévalorient ». Il en résulte un blocage de l’élève vis-à-vis de l’enseignement mais aussi vis-à-vis de lui-même dans la conception qu’il a de son Soi10. Ce processus est parfois renforcé en appliquant une sanction, très souvent sous la forme d’une note matérialisée par la fameuse encre rouge, agressive.


L’information scolaire, Robert Doisneau, 1956

On parle d’ailleurs du ‘zéro pointé’ qui est éliminatoire. Une fois encore les avis varient entre les différents courants de pensée mais le ministère de l’Éducation nationale se rend compte des limites du système de notation11. Il faudrait donc re-concevoir l’image de l’erreur et la manière

de l’exprimer, plutôt que des stries rouges sur une feuille à carreaux. Ne pas noter un exercice de façon dégressive en regardant quels points ont été validés mais en observant le comportement de l’élève face au problème et la façon dont il a utilisé ses connaissances pour le résoudre, ou non.

11. Le point, Les zéros pointés en dictée, une pédagogie pas très efficace, 10 avril 2014, [en ligne]

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Se tromper pour mieux comprendre : traitement de l’erreur

12. LALLEMANT Patrick, 5 questions à Jean-Pierre Astolfi : l’erreur, source d’apprentissage, 30 avril 2004, [en ligne]

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Justement, l’élève ne résout pas le problème dans tous les cas ou bien il se trompe pour diverses raisons comme je l’ai développé précédemment et il faut lui indiquer qu’il s’est trompé. Un enfant devrait être préparé à affronter un problème dont il n’a pas la solution et ne pas s’affoler mais être en condition pour travailler, c’est-à-dire émettre des hypothèses, les tester et les vérifier. Marcel Crahay, professeur de pédagogie théorique et expérimentale, considère qu’il existe trois manières d’appréhender l’erreur5. Il y a le « feedback simple » qui consiste à simplement signaler sa présence, le « feedback expliqué » où l’enseignant donne déjà une réponse à l’élève et enfin le « feedback de contrôle » où l’élève est invité à vérifier son résultat. C’est dans ce dernier cas où l’enfant fonctionne en autonomie et intègre un processus de validation de son résultat. Le professeur ne fait pas le travail à la place de l’élève mais il lui donne simplement une piste. L’enfant peut retracer son parcours de réflexion et s’il y avait une erreur dans le résultat, il peut abandonner cette méthode de réflexion pour une nouvelle qui lui donne des résultats plus justes — ce qui se rapproche plus du

courant constructiviste et de la création de schémas. L’erreur est alors positivée est c’est un travail in situ et une interaction entre l’enseignant et l’élève (ou entre les élèves) qui permettent d’avancer. « Se raviser et se corriger, abandonner un mauvais parti, sur le cours de son ardeur, ce sont qualités rares, fortes et philosophiques » disait Montaigne dans les Essais. De mon point de vue, changer l’interaction entre l’élève et l’enseignant c’est aussi repenser le rôle de ce dernier. Il peut paraître inaccessible puisque dans les yeux d’un enfant, c’est lui qui détient le savoir. Parfois il impressionne, il effraie et pour ces raisons il n’est pas imitable par les enfants12 qui le considèrent comme supérieur. Le type de feedback qu’il utilise peut l’aider mais aussi la forme de ses cours où il aura un statut de conseiller et d’auxiliaire plus que de « juge » en élaborant des jeux comportant des énigmes par exemple. L’erreur apparaît donc comme une source de connaissance car elle permet au professeur comme à l’élève de vérifier leurs méthodologies. Elle créé de l’interaction et se rend nécessaire à l’apprentissage. De plus l’enfant agit plus en autonomie. Il y a plusieurs


Illustration : maquette de molécules

moyens d’exprimer la présence d’une erreur mais souvent les méthodes utilisées participent aux « violences » de l’éducation. Mais ne serait-ce pas plus facile pour un enfant ou un adolescent de voir s’il y a une erreur en comparant un puzzle ou un assemblage de cubes avec un modèle par exemple ? Cela lui permettrait de se tromper plus vite et de faire plusieurs tentatives facilement. Les modèles moléculaires sont enseignés parfois dès le collège puis au lycée grâce à des maquettes avec lesquelles il est possible d’interagir afin de mieux comprendre le fonctionnement des molécules. Ce genre de méthode doit-elle être réservée aux notions dites complexes alors que dès l’entrée au collège certains ‘décrocheurs’ peinent à calculer avec des nombres négatifs ? Mais existe-t-il des méthodes qui favorisent l’apprentissage ?

1.3

Le développement cognitif & les méthodes pour favoriser l’apprentissage

Apprendre par l’action Les premiers mois de l’enfant montrent à quel point l’Homme est sensible aux objets. Son œil est attiré par le balancement d’un jouet suspendu au-dessus de son berceau. Il va essayer de le saisir. S’il arrive à le décrocher il va essayer de le porter à la bouche. Puis, ayant compris le mécanisme, il va le répéter sur d’autres objets à sa portée. Il se construit grâce à la découverte et assimile petit à petit des connaissances qu’il va appliquer à d’autres domaines en grandissant et même plus tard en tant qu’adulte. Contrairement à l’étude moléculaire développée précédemment, le calcul est une notion abstraite. On pourrait penser que le simple fait de prototyper facilite la compréhension dans tous les cas, 11


or parfois cela provoque une perturbation. Ainsi pour étudier les fractions ce n’est pas évident d’imaginer un gâteau que l’on coupe car l’œil humain peut difficilement faire la distinction4 entre une part qui représente 1/20 et une autre qui représente 1/21. 13. Article universitaire [en ligne]

Apprendre par l’image Il est généralement dit que la sensibilité de chacun face à l’art et aux images varie. Mais elle provoque généralement une réaction, que l’on apprécie ce que l’on a sous les yeux ou non. Ainsi l’image est un atout qui peut enrichir voir compléter une explication. L’illustration a une fonction immersive et donne le ton. Mais pour être efficace dans la pédagogie l’image doit être liée à un vocabulaire qui permet de la décoder. Ainsi par la suite il est plus facile de se référer à un mot par une représentation iconique, mais cela implique d’avoir auparavant rencontré ce mot pour lui associer ensuite l’image. C’est la théorie du « double codage » développée par le Canadien Allan Paivio13.

Popup book, illustration de Lorelyn Medina

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Apprendre par le jeu Dans ses recherches, Jean Piaget distingue quatre catégories de jeux distinctes : ◊ le jeu de manipulation : par répétition et assimilation l’enfant se fait une expérience du monde dans lequel il vit. Comme dans l’exemple cité avant, cela peut être le fait de taper dans une balle ou de tirer. ◊ le jeu symbolique : l’enfant a pris conscience des personnes qui l’entourent et cherche à reproduire leurs actions, piochant à droite et à gauche des schémas de comportement qu’il a observés. ◊ le jeu organisationnel : aussi appelé « jeu de règles » c’est un mode de jeu coopératif où chaque enfant tient un rôle bien défini et où des règles sont fixées. ◊ le jeu de construction : il témoigne des capacités autonomes de l’enfant. Il empile des LEGO, teste par lui même, émet des hypothèses, constate des erreurs. Il fait un travail sur son aptitude à prendre des décisions, en sollicitant de moins en moins l’aide d’un adulte. Une fois encore l’aspect social et l’interaction sont mis en avant. L’enfant peut gagner ou perdre,

de façon juste ou en trichant. Dans ce cas-là il sera sanctionné mais c’est ce qui lui permet d’intégrer les règles de comportement en société14. Cette réflexion sur le développement cognitif de l’enfant démontre que ses besoins et sa manière de faire évoluent. Il se lasse souvent d’un objet une fois qu’il a compris son fonctionnement et en découvre un autre. Car l’enfant est curieux et il prouve au fur et à mesure qu’il grandit qu’il a besoin de diversifier ses activités pour s’épanouir et s’intégrer au monde. Il devient ensuite un élève qui doit rester curieux pour progresser. S’il y a un désintérêt, c’est peut-être parcequ’au-delà d’une récompense il a besoin de motivation constante. Le jeu, les images, les expériences doivent être attrayantes et donner envie afin de combler les attentes et d’en créer de nouvelles. Elles lui permettent de s’immerger plus facilement et de pouvoir mettre des mots sur des images.

14. SARFATI Anne-Cécile, BRUNET Christine, Petits tracas et gros soucis de 1 à 7 ans : Quoi dire, quoi faire?, Broché, 2002

Une pièce de LEGO

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2 Chapitre

Les inter faces utilisateurs tangibles



2.1

L’émergence des interfaces tangibles

Le tangible en quelques mots

Qu’est-ce qu’une interface tangible ?

« Qu’on connaît par le toucher ; matériel, sensible15 » Le tangible est quelque chose, c’est une matière palpable qui donne des sensations. Cela peut être un objet. Il y a donc un rapport physique car l’objet est manipulé mais aussi une dimension cognitive car cela va jouer sur la perception de l’utilisateur face à l’objet et à son environnement.

Une interface tangible est un intermédiaire qui permet d’intervenir sur un contenu réel ou virtuel. Les actions de l’utilisateur lui permettent d’agir soit dans le réel soit dans le virtuel grâce à des objets physiques aussi appelés tokens. Ils sont la représentation physique d’une information virtuelle. Eva Hornecker, professeur à l’université du Bauhaus à Weimar en Allemagne, définit les interfaces tangibles comme un moyen de créer de l’im­ mersion dans l’expérience. Ce qui se passe dans l’espace réel a un parallèle virtuel16, on parle alors de cœxistence de ces éléments dans un « espace interactif ». Les tokens subissent les lois de la physique,

15. Définition du Larousse [en ligne]

16. HORNECKER Eva, What are Tangible Interfaces, 2004, [en ligne]

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17. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, [en ligne]

ils peuvent donc tomber, rouler, rebondir et même se casser. Leur manipulation a une répercussion dans le monde virtuel. L’utilisateur a plus de facilité à s’approprier l’objet et sa représentation virtuelle car il a des réactions naturelles qu’il a déjà pu observer auparavant, ou qu’il vient d’étudier. Il existe plusieurs types d’interfaces tangibles. Aussi, il est important de pouvoir les distinguer lorsque nous étudierons des projets de plus près. Je me suis basé sur les propos de Brygg Ullmer17 qui distingue : ◊ les surfaces interactives : là où les utilisateurs manipulent des objets physiques sur une surface de projection. Par exemple le projet Urp qui sera détaillé plus tard. ◊ les ensembles de constructions : ils sont comparables aux LEGO, ils sont souvent utilisés pour

faire l’analogie avec la construction (construction d’une maquette d’un bâtiment par exemple). Ils sont modulables et ils permettent de créer différentes combinaisons. Par la suite nous aborderons le projet i-Cube qui fait partie de ce type d’interface. ◊ les tokens et les contraintes : les tokens sont la matérialisation d’une information, cette information est manipulée dans une certaine structure appelée « contrainte ». C’est le principe de la Marble Answering Machine, un projet qui sera présenté plus tard dans le dossier.

De gauche à droite : surface interactive, ensemble de constructions, tokens et contraintes

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Les précurseurs et leurs projets Cette partie s’intéresse aux projets de plusieurs précursseurs parmi d’autres. Dans la première moitié du XXe siècle aux États-Unis d’Amérique, le modèle pédagogique dominant est le modèle progressiste, proche des théories de Jean Piaget et du constructivisme. Comme il a été dit précédemment les modèles pédagogiques sont liés à l’environnement socio-culturel d’un pays. Avec l’arrivée de « l’ère spatiale » dans les années 60 suite au lancement de Spoutnik par l’urss beaucoup ont voulu mettre l’accent sur l’importance des mathématiques et de la physique afin de tendre vers l’innovation. Seymour Papert, Wallace Feurzeig, et Daniel Bobrow ont mis au point LOGO (du grec « mot ») un programme destiné aux plus jeunes pour apprendre à programmer. LOGO a été conçu pour être intuitif, permettre un débogage facile et favoriser la communication de groupe. Les enfants programmaient et déplaçaient une tortue robotisée. Cette tortue laissait un tracé qui permettait aux enfants de visualiser le résultat en temps réel de leur code. Ainsi beaucoup de ces élèves ont appris les concepts de base des fonctions et des variables18.

Un enfant travaille avec la première tortue sans fil nommée Irving, photo de Wallace Feurzeig, 1970

18. CHAKRABORTY Anit, GRAEBNER Randy, STOCKY Tom, LOGO : A Project History, 10 décembre 1999, [en ligne]

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19. Vidéo d’explication [en ligne]

20. FITZMAURICE George, Graspable User Interfaces, University of Toronto, 1996, [en ligne]

21. Vidéo d’explication [en ligne]

22. Article du M.I.T. [en ligne]

23. ISHII Hiroshi et ULLMER Brygg, Tangible Bits : Towards Seamless Interfaces between People, Bits and Atoms, Proceedings of CHI, mars 1997

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L’élément d’interface était à leur portée et de façon symbolique ils pouvaient se l’approprier plus facilement (l’utilisation d’un animal leur plaisait). Dans le projet « Marble Answering Machine » de Bishop en 1992, les appels manqués d’un téléphone apparaissaient sous la forme de billes. En remettant la bille à l’intérieur de la machine, le téléphone procédait à un rappel automatique19. Une image plus actuelle serait celle des ‘crimes prémédités’ représentés aussi par des billes dans le film Minority Report. C’est un peu comme une enveloppe corporelle pour l’information, cette dernière devient sujette à la manipulation de l’utilisateur. La structure qui génère les billes, qui les font se déplacer d’un point A à un point B et revenir à un point C est appelée « contrainte ». En 1995 George Fitzmaurice s’est intéressé à ce qu’il a appelé les « graspable interfaces20 ». Il a développé une interface graphique manipulable grâce à des blocs (souvent appelés « bricks ») posés sur un écran21. Ainsi les actions de l’utilisateur étaient directement reproduites sous ses yeux. Cette expérimentation s’est faite pour s’appliquer à des domaines comme l’architecture ou la gestion de plannings et elle est à l’origine de la gestuelle tactile d’aujourd’hui. Pour réduire un élément par

exemple il suffit de placer une « brick » dans deux coins diagonalement opposés et de les écarter, c’est l’équivalent du ‘pinch’ de nos jours. Hiroshi Ishii22 est le fondateur du Tangible Media Group. Il voulait sublimer les « graspable interfaces ». Il considérait que l’utilisation d’objets ap­­partenait au domaine du réel mais qu’il était possible d’aller plus loin en altérant le réel. En comparaison avec le travail de George Fitzmaurice par exemple, effectuer un ‘pinch’ réduirait réellement une feuille de papier si la pensée de Ishii était interprétée de façon littérale. D’ailleurs n’avait-on pas déjà développé de tels procédés en créant les post-it, pouvant ainsi écrire des notes sur des papiers que l’on pouvait fixer, enlever, déplacer et grouper ? Ainsi le monde lui-même serait une interface, c’est ce qu’il a nommé « tangible bits ». En découlent trois principes clefs23 : ◊ transformer les surfaces en surfaces interactives qui font l’interface entre le réel et le virtuel. ◊ lier des objets de la vie de tous les jours avec des informations digitales ; “coupling of bits and atoms”. ◊ amplifier l’immersion et recréer un environnement cohérent avec les informations grâce à « l’ambient media » c’est-à-dire utiliser de la lumière, du son des éléments naturels et de scénographie.


Photograhie du projet Urp,l’ombre des bâtiments ainsi que l’affichage du vent (traits blancs) sont générés par la projection

Il a développé avec ses élèves le projet Urp24 conçu pour répondre à des problématiques d’urbanisme. Grâce à une table qui supportait une project et des blocs symbolisant des bâtiments. Urp permettait d’afficher la circulation du vent ainsi que les ombres projetées par les constructions. Le prototype offrait aussi la possibilité de modifier la vitesse du vent et l’heure de la journée pour analyser le déplacement des ombres au fil du temps.

Les interfaces tangibles établissent un lien entre le réel et le virtuel par le biais d’objets physiques. Les précurseurs ont essayé différentes approches en répondant à des problématiques d’usage en lien avec le contexte socio-culturel de leur époque, c’est-à-dire à un besoin. Cela s’applique à différents domaines notamment à l’éducation (projet LOGO) afin de faciliter l’apprentissage de certains contenus pour des utilisateurs spécifiques. Ils ont voulu

24. ISHII Hiroshi, UNDERKOFFLER John, Urp : A Luminous-Tangible Workbench for Urban Planning and Design, 1999, [en ligne]

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sublimer le statut de ces objets et celui des informations. Certains comme Ishii associent même les « bits aux atomes ». Utiliser des interfaces tangibles c’est aussi conserver la capacité de l’Homme à utiliser ses sens et une gestuelle naturelle. Aujourd’hui, la société dans laquelle nous vivons semble plongée dans le numérique et la dématérialisation au profit du cloud computing, de la communication à distance, de la simulation. Cependant beaucoup de chercheurs et de designers sont animés par la volonté de ramener le tangible au premier plan.

Hiroshi Ishii s’exprime d’ailleurs en ces termes en faisant une analogie entre les interfaces et les fonds marins :

“These days computers dominate. Everything is pixels, intangible, (...) you can see but you can’t touch” De nos jours les ordinateurs dominent. Tout est pixel, intangible, vous pouvez voir mais vous ne pouvez rien toucher

De nos jours les ordinateurs dominent. Tout est pixel, intangible, vous pouvez voir mais vous ne pouvez rien toucher 22


Illustration : capture d’écran de l’interface de Windows 8

2.2

Différence avec les Graphic User Interfaces

Définition La majeure partie des interfaces que nous rencontrons tous les jours sont des interfaces graphiques (GUIs ; pour Graphical User Interfaces). Les interfaces graphiques sont la représentation, sous forme de pictogrammes et de visuels, d’un environnement digital sur un écran. Elles sont l’intermédiaire entre un utilisateur et les informations contenues sur un ordinateur. Il est possible de manipuler ces éléments grâce à un pointeur comme une souris. Contrairement aux interfaces tangibles les interfaces graphiques sont manipulées exclusivement grâce au pointeur qui permet de faire des actions sur des icônes, des fenêtres ou des boutons.

Avantages des GUIs Ce type d’interface comporte des avantages pour la pédagogie. Premièrement, elle permet aux utilisateurs avec une faible connaissance en informatique de s’approprier l’environnement. Il est donc possible de créer une interface en fonction des aptitudes de l’élève. Si l’interface est graphiquement réussie elle con­ tribuera à l’immersion de l’élève dans un 23


25. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, p.22, [en ligne]

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contexte de travail. Comme énoncé dans l’explication du développement cognitif, il est plus facile de travailler dans un environnement qui plaît car même si au premier abord l’enfant rechigne à l’idée de devoir apprendre quelque chose, il aura plus de chance d’être séduit par l’univers graphique car cela fera appel à ses goûts, il sera donc plus motivé : c’est une interface user-friendly. De plus, une interface réussie est aussi une interface qui respecte le principe d’affordance. C’est-à-dire que son apparence suggère son utilisation. L’utilisateur, en voyant une icône ou un bouton doit savoir ce qui l’attend s’il clique. L’instantanéité est aussi un enjeu. Généralement nos actions dans la vie de tous les jours nous procurent un ressenti immédiat. Il faut que l’interface utilisée soit aussi rapide pour ne pas frustrer l’utilisateur. Il n’y a pas de mécanismes physiques compte tenu du fait que c’est un espace virtuel, ainsi il est plus facile d’imaginer des mécanismes ou des animations complexes difficiles à reproduire dans le réel. Enfin les GUIs sont aussi utiles pour la gestion d’un grand nombre d’instances. Un dossier peut contenir des milliers de dossiers contenant eux aussi des milliers de fichiers. Difficiles à représenter dans le monde réel ils sont pourtant présents et accessibles dans cette interface virtuelle. Beaucoup plus de contenu peut être géré.

Préférer les TUIs aux GUIs Bien qu’il y ait des avantages à utiliser les GUIs il y néanmoins des désavantages et des limites. Les éléments affichés qui peuvent être ‘actionnés’ n’existent pas dans l’espace de l’utilisateur. Ils sont derrière une vitre, même si le doigt peut les atteindre il reste une barrière entre ces deux mondes. Il y a un déficit en ressenti. L’ajout de vibrations ou d’autres retours de force cela n’égale pas les sensations que nous avons en touchant un objet. S’il est possible de parler de l’affordance d’un élément d’interface, c’est en fait une représentation exclusivement visuelle de son utilisation à l’instar d’un objet physique qui a une texture, une forme. Cela ne peut égaler l’affordance d’un objet physique comme le dit Brigg Ullmer25. Le temps est précieux et comme dit précédemment il faut miser sur l’instantanéité. Mais n’est-ce pas contre-productif de devoir rebrousser chemin clique par clique parmi tous les menus d’une arborescence lorsqu’il faut revenir à l’état initial du menu ? L’utilisation est beaucoup plus séquentielle, les actions se suivent les unes à la suite des autres alors que la manipulation d’un objet permet une intervention directe. De plus la génération d’animation ou le chargement d’un contenu dépend des


capacités matérielles de la machine et cela varie d’une machine à l’autre. Dans une interface tangible il n’y a pas ‘d’état initial’ à moins de remettre tous les éléments de l’interface à leur emplacement de base26. Une interface qui se ‘remet à zéro’ peut donner l’impression d’être beaucoup plus radicale qu’une interface composée d’objets qui peuvent être laissés en plan, à l’image d’un jeu de construction que l’enfant range d’une certaine façon et qu’il retrouvera plus tard dans cet état. En d’autres termes il est possible de dire que les TUIs possèdent un pouvoir de persistence27. Aussi, ce genre d’interface affecte la collaboration. Une étude de Scott28 en 2003 révèle que dans un jeu où il faut résoudre un même puzzle, le groupe d’enfants qui travaille sur papier collabore beaucoup plus et montre moins de frustration. Car si sur papier il est possible de prêter son stylo ou même tout simplement d’utiliser deux stylos, ce n’est pas le cas de l’ordinateur où l’utilisation de la souris se fait au tour à tour, avec le risque toujours présent qu’un enfant ne veuille pas partager sa souris, laissant les autres dans un état passif.

l’utilisation des TUIs n’exclut pas le virtuel Enfin nous pouvons aussi voir ici le manque d’influence des actions sur le monde qui nous entoure. Si la réussite d’une épreuve peut être matérialisée par l’icône d’un trophée ou par l’acquisition d’un nouvel équipement dans un jeu de rôle par exemple, cela n’égale pas la richesse d’un objet qui a toutes les chances d’être sublimé grâce à l’imagination de l’enfant. Il n’est pas forcement question que de désavantages de la part des GUIs mais de limites qui nous font préférer l’utilisation d’interfaces tangibles, pour des questions de temps, de collaboration, d’accessibilité et de performance. Si les GUIs sont différentes des TUIs cela ne veut pas dire qu’il faut opposer les interfaces tangibles et le contenu digital. Les interfaces tangibles permettent de naviguer à travers ce contenu grâce à des éléments réels et inversement. Le fait d’utiliser du virtuel pour représenter le résultat d’une action réelle ne veut pas dire que l’interface est intangible. Cela ne signifie pas non plus que tangible et le virtuel sont incompatibles. Au contraire, il semblerait qu’ils se complètent.

26. Userstudio, DIRTI for iPad, 2013, vidéo [en ligne]

27. John M. Carroll, Emerging Frameworks for Tangible User Interfaces, Addison-Wesley, août 2001, p.579-601, [en ligne]

28. S.D. Scott, R.L. Mandryk et K.M. Inkpen, Understanding children’s collaborative interactions in shared environments, Departments of Computer Science, Universities of Calgary, Simon Fraser and Dalhousie, 2003, [en ligne]

25



“We live in a complex world, filled with myriad objects, tools, toys, and people. Our lives are spent in diverse interaction with this environment. Yet, for the mostpart, our computing takes place sitting in front of, and staring at, a single glowing screen attached to an array of buttons and a mouse29.” Traduction personnelle : « Nous vivons dans un monde complexe, rempli d’une myriade d’objets, d’outils, de jouets et de personnes. Nous passons nos vies à interagir avec cet environnement. Pourtant notre relation au virtuel se fait la plupart du temps en étant assis à regarder un écran lumineux relié à des rangées de touches et une souris. »

29. P. Wellner, W. Mackay and R. Gold, Computer-augmented environments. Back to the real world, Communications of the ACM, vol. 36, no. 7, p. 24–26, 1993

27



3 Chapitre

Aujourd’hui : Les s comme

TUI

vecteurs

d’apprentissage



3.1

Contexte : de nouvelles formes de pédagogie

Éducation 2.0

Les digital natives

Lorsqu’il a été question des projets comme LOGO nous avons vu que leur création dépendait de facteurs socio-culturels. Si nous voulons voir en quoi les TUI peuvent être considérés comme vecteurs d’apprentissage il faut commencer par s’intéresser aux nouvelles pratiques pédagogiques et au contexte dans lequel elles s’installent.

Aujourd’hui lorsque nous parlons des enfants nous faisons référence aux ‘digital natives’, littéralement ‘natifs numériques’ en disant qu’ils sont nés ‘avec un iPhone dans la main’. Afin de décrire cette partie je m’appuie sur l’explication de Michael Stora30 sur ce phénomène de société. Auparavant l’image était sacralisée mais aujourd’hui elle est beaucoup plus banale. Les générations précédentes qui sont nées avec la télévision n’interagissaient pas avec l’image qu’ils avaient devant eux, ce qui créait une distance.

30. Interview avec Michael Stora, Psychologue et psychanalyste

31


31. NICOLLET Jessica et al., Performance aux tests d’intelligence : vers une inversion de l’effet Flynn ?, 2009, article [en ligne]

32. Définition Wikipédia

33. Courrier Cadres, Les serious games : qu’est-ce que c’est ?, vidéo [en ligne]

34. Formasup, Interview d’Eric Sanchez: maître de conférences et directeur d’EducTice à l’Institut Français de l’Éducation (IFE) – École Normale Supérieure de Lyon, janvier 2014, vidéo [en ligne]

32

Au contraire maintenant l’image a gagné en proximité car il est désormais possible de la toucher, de la manipuler grâce à des interfaces tacti-les par exemple. L’enfant a une vision banale de l’image et va acquérir peu à peu ses rouages : il s’approprie l’image à tel point que du point de vue du quotient intellectuel, c’est le QI de performance qui l’emporte sur le QI verbal31. Cela apparaît comme une capacité innée. C’est un fait qui peut être intéressant car cela induit que les enfants semblent développer de nouveaux besoins (par rapport à l’image notamment) et qu’il faudrait adapter à cela la pédagogie.

E-learning Internet a permis de stocker les données, mais a aussi participé au partage des connaissances sur le web, ce qui est appelé la ‘cyberculture’. C’est un web où l’utilisateur peut être un contributeur et partager son savoir. Nous avons vu le développement des cours par correspondance et nous observons maintenant celui de la formation en ligne ou ‘e-learning’, désignant l’ensemble des solutions et moyens permettant l’apprentissage par des moyens électroniques. La formation en ligne inclut ainsi des sites web éducatifs, la téléformation,

l’enseignement télématique32. Ce sont des cours digitaux avec un contenu dématérialisé, l’échange entre les enseignants et les apprenants se fait par mail ou par vidéo interposée.

Les serious games Un autre courant qui s’est développé est celui du ‘serious game’. Autrement dit c’est l’application des approches du jeu vidéo à des domaines ‘sérieux’ dans une entreprise, ou pour la formation de pilotes de lignes par exemple33. Cela correspond à ce que nous avons vu concernant l’enseignement facilité par le jeu. Ici l’intérêt peut être créé par le scénario mis en place, par le graphisme et les illustrations. Encore une fois l’accent est mis sur la motivation et la création d’un espace ludique, mais aussi la matérialisation de l’erreur qui souvent invite à recommencer une étape jusqu’à y arriver. L’erreur est ‘drôle’. Eric Sanchez, parle aussi de la ‘réflexivité’, c’est-à-dire la capacité de l’apprenant à se remettre en question, à tester ses connaissances et sa méthodologie voire en créer de nouvelles34.


Illustration d’un enfant qui s’amuse avec un smartphone

L’enseignement est de plus en plus lié à la technologie mais il semble qu’il ne soit pas totalement en phase avec la société actuelle où les plus jeunes découvrent les choses de façon plus intuitive car ils se sont appropriés les outils numériques. De fait, cela créé pour eux de nouveaux besoins auxquels les méthodes actuelles ne répondent pas forcément. Les interfaces tangibles peuvent-elles palier à ces insatisfactions ? 33


3.1

Les TUIs dans les systèmes pédagogiques

Le projet Mü : un exemple de pédagogie collaborative et participative

Des enfants utilisent la surface Mü

34

L’individualisme ne semble pas profiter à l’élève. L’expérience se fait via un exercice lorsque l’élève interagit avec des éléments physiques mais aussi lorsqu’il a un contact humain. Le projet Mü est un dispositif multimédia sous la forme d’une table interactive multitouch. Il s’adresse aux enfants en maternelle et plus précisément aux classes de grande section. Les enfants peuvent pratiquer des activités individuelles ou des jeux en groupes dans le contexte des contes pour enfants. Cela sensibilise les enfants à la musique et aux histoires et favorise leur esprit créatif. Ils se servent de


leurs connaissances pour se préparer aux apprentissages fondamentaux (souvent à partir du CP) comme la lecture et l’écriture. Dans la vidéo de présentation du projet nous remarquons que l’enseignante commence par expliquer aux enfants les différents ‘tokens’ qui vont leur permettre d’utiliser la table. Car même si certaines fonctionnalités sont simplement tactiles, la majeure partie des activités semble nécessiter l’utilisation d’objets qui représentent les différents acteurs du conte. Pour « Pierre et le loup » chaque pièce représente un personnage et possède souvent un son associé. La prise en main paraît simple et intuitive car l’objet qu’ils possèdent représente réellement l’information qu’il contient. Ainsi la pièce qui correspond au loup est pourvue de triangles et d’yeux rouges. Dans la main il est pointu. Il est qualifié de « féroce » par un enfant. Après avoir écouté le conte, les enfants s’approprient son univers, qui est retranscrit sur la table avec plein de couleurs et d’animations. Chaque enfant a un token et participe à la création d’une scène, il sait qu’il possède

‘le loup’ ou ‘le grand-père’ et ils prennent plaisir à jouer un rôle, comme dans un conte. L’enfant est tout le temps investi car l’objet qu’il a dans la main lui permet, à n’importe quel moment, de partir et de revenir dans l’activité. Le fait qu’il possède cet objet semble lui rappeler constamment qu’il fait partie du groupe. L’univers ludique a été créé et chaque enfant a pris part à l’activité. Le feedback est immédiat, les enfants n’éprouvent pas de frustration et jouent tout le temps (principe de ‘l’engagement’). Les parents et les enseignants font aussi partie de l’activité. Ils ont un rôle avant avec la préparation, pendant pour conseiller les enfants et choisir les types d’activités de la table, mais aussi après. Après car Mü est connectée à internet et permet de consulter sur un serveur les dessins qui ont été faits ou le résultat de certains jeux. Facile par la suite d’imprimer les créations des enfants pour décorer la salle et témoigner de leur investissement pendant le cours (une façon pour eux de comprendre qu’ils ont réussi). Facile aussi de contrôler leurs résultats. 35


Inciter à la découverte de manière intuitive

35. CHAMPAIN Juliette, BLANCHET, Jonathan, Galets magiques, 2012, vidéo [en ligne]

36. JARRAUD François, Le jeu sérieux : un nouvel horizon pour l’Ecole ? Entretien avec Julian Alvarez, 15 mai 2008, [en ligne]

36

L’enfant a beaucoup d’imagination. Lorsqu’il joue il a besoin d’être mêlé à un univers qui facilite l’immersion30. Le son et les images, comme pour un conte d’enfants, peuvent faciliter créer de la motivation. La scénographie d’un lieu aide à concevoir des espaces ludiques. L’installation Galets Magiques35 en est un exemple. C’est une installation interactive où les enfants peuvent découvrir les animaux marins en les délogeant de leur abris. Pour cela ils doivent sauter sur des rochers ce qui va les effrayer. Ce qui est intéressant c’est de voir que des éléments simples plantent le décor. Il y a des feuillages, des rochers, une ambiance sonore et une projection d’une surface d’eau au sol. Le cadre est simple mais comme il en a été question avant, l’imagination de l’enfant lui permet de dépasser ces représentations basiques. L’installation est intuitive et ne nécessite pas de mode d’emploi. Lorsque l’enfant arrive dans la scène il semble attiré par les rochers car ils ont l’apparence de coussins. En réfléchissant à l’affordance du rocher nous pouvons dire que dans une situation réelle les rochers à la surface de l’eau sont le seul moyen de rester sec (il y a aussi l’image des

personnages de dessins animés qui sautillent de rochers en rochers pour traverser un cours d’eau). De plus dans cette scène précise la projection n’a pas de relief, elle est à même le sol, et seuls les rochers dépassent du sol, ce sont vers eux qu’il faut se diriger. Enfin la forme et la couleur rappellent les rochers mais ils sont très ronds et nous devinons leur matière (tissu et mousse) de loin : ce sont des coussins. L’enfant se dirige alors vers ces coussins, s’assoit dessus comme leur apparence le suggère, et déclenche des ondes dans l’eau qui effraient les habitants du bassin. Il est aussi intéressant de constater que lorsque l’enfant débute le jeu, il ne voit pas tous les animaux marins apparaître. C’est en répétant l’expérience, petit à petit, que l’enfant va découvrir les animaux. S’il avait révélé tous les habitants de sous le rocher en même temps il aurait fini très vite et se serait lassé. Il faut étudier les mécanismes du jeu ou d’une interaction pour donner les bases à l’enfant et qu’il se l’approprie à son rythme, qu’il y ait toujours du contenu caché qu’il puisse découvrir. Cela fait référence au game flow36. L’esprit de découverte de l’enfant est sollicité, il peut se déplacer, c’est-à-dire exister dans un


Une petite fille saute sur un galet de l’installation Galets magiques

espace cohérent avec des éléments qui rappellent un univers précis, ici celui des cours d’eau. Les animations des animaux participent au réalisme de la scène et peuvent donner des informations supplémentaires à l’enfant (certains ondulent alors que d’autres utilisent leurs nageoires). Ceci est plus une installation qui montre le concept de l’affordance et de l’importance de la scénographie. Les enfants entrent dans un univers physiques mais ils peuvent aussi concevoir leur propre univers. Le projet Lunii37, sous l’apparence d’une boîte en bois très simple permet aux enfants de composer euxmêmes leurs scénari. Grâce à des boutons situés sur la boîte, il peut choisir les composants de l’histoire

dont certains apparaissent par projection sur le bois. Ensuite, l’histoire est lue à l’enfant. L’enfant est créateur. Même s’il a de la liberté il doit quand même suivre les règles du schéma narratif. Lunii est destiné aux enfants de 4 à 8 ans. Généralement à partir du CE2 l’école enseigne la structure du récit, de la situation initiale jusqu’au dénouement. Ce projet peut servir de support pour l’enseignant afin de rendre son cours plus interactif. Pour l’instant le projet est en phase de prototypage et a pour but d’être connecté afin de mettre en relation les élèves, les enseignants et les parents. Une fois encore les rapports de force sont gommés et incitent beaucoup plus à la collaboration.

37. Article [en ligne]

37


Une autre conception de l’erreur et de la réussite

38. WOOI Goh et al., The i-Cube : Design Considerations for Block-based Digital Manipulatives and Their Applications, [en ligne]

38

Dans la partie I.2 nous avions abordé la question de l’erreur et de sa matérialisation à l’école. Lors de l’interview, Michael Stora30 me rappelait qu’à l’école la conception de l’erreur comme moyen d’apprentissage : « (...) n’existe pas, quand on perd on perd, on a une note qui fait baisser notre moyenne ». Lorsqu’elles sont liées à un contexte ludique les TUIs permettent d’utiliser l’erreur comme un moyen d’apprentissage et de dédramatiser l’erreur. Un enfant qui utilise des interfaces tangibles manipule des objets de tous les jours qu’il a déjà réussi à s’approprier, cela ne lui apparaît pas forcément comme une nouvelle notion qu’il va devoir affronter. Ensuite comme indiqué précédemment le feedback est immédiat, l’enfant est invité à tester le plus de combinaisons possibles, si cela marche alors il intègre le mécanisme et passe à une étape supérieure, si cela ne marche pas il continue de tester. Ainsi il peut banaliser l’erreur. Il est intéressant se voir comment l’erreur peut être signifiée. Si certains enseignants utilisent l’encre rouge il existe pourtant d’autres moyens. Par exemple il est possible d’imaginer un système où si les conditions ne sont pas réunies, le mécanisme ne fonctionne tout simplement pas et alors

l’enfant doit essayer toutes les combinaisons possibles pour y arriver. Mais cela peut aussi se faire de manière plus explicite. Le projet i-Cube38 illustre à la fois le concept de sublimation de l’objet (ici les cubes pour jouer que l’on a étant enfant), le concept de travail par incrémentation et l’expression de l’erreur. I-Cube embarque plusieurs activités : la création de compositions musicales, des jeux de construction et aussi une activité pour apprendre à écrire les mots. Lorsqu’un enfant compose un mot il positionne les lettres présentes sur les faces des cubes les unes à côtés des autres. Des signaux lumineux rouges et bleus guident l’enfant pour lui indiquer s’il utilise les bonnes lettres. Un feedback sonore a aussi été implémenté pour réduire les combinaisons possibles. Par exemple : « deux lettres sont dans le mauvais ordre ». L’enfant a utilisé les bonnes lettres mais pas dans le bon ordre. Cela rejoint ce que nous avons vu concernant les feedback dans la pédagogie.


Ici le feedback intervient en même temps que l’action de l’enfant ce qui lui permet de passer très vite à un autre essai. Ensuite, les signaux qui lui indiquent la validité ou non de sa réponse ne lui donnent pas la solution et le laissent chercher son erreur en toute autonomie, c’est un accompagnement. Il faut noter que les auteurs de ce projet ont effectué des sondages prouvant que les enfants étaient très réceptifs aux signaux lumineux et sonores. Encore une fois, l’erreur peut être ‘drôle’, et une animation plein de couleurs ou une musique entraînante peuvent être des récompenses suffisantes. Les TUIs semblent répondre à de nombreuses problématiques de la pédagogie. Mais leur utilisation est-elle nécessaire dans tous les cas ? Il y a beaucoup de possibilité d’interactions mais sontelles sans limites ?

3.3

Les principales limites des interfaces tangibles

Mode de représentation L’équilibre entre l’emploi du tangible et du virtuel est primordial. Dans la partie qui compare les TUIs face aux GUIs il en est ressorti qu’il faut utiliser ‘les bons outils’ et se servir des forces de chacun des modes de représentation. Par exemple tout ce qui appartient au réel peut faciliter la représentation dans l’espace ou l’appréhension d’un objet. Ce qui est virtuel peut permettre d’afficher plus de données sur un même support, de créer des animations. De fait il faut respecter un équilibre qui, mal géré, affecte l’interaction39.

39. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, [en ligne]

39


Un problème d’échelle

40. Définition [en ligne]

41. Définition Wikipédia, [en ligne]

40

L’interaction peut être altérée de plusieurs manières. L’une d’entre elle est la limitation de la représentation à ‘échelle 1’. S’il est plus aisé d’utiliser des objets et des représentations physiques dans un système simple, c’est plus compliqué lorsqu’il faut faire face à des milliers de données. Dans une interface graphique le designer se pose la question du ‘screen estate’ c’est-à-dire le nombre d’éléments affichés et affichables sans devoir modifier la taille de l’écran ou faire défiler la page40. Dans une interface tangible le designer se pose aussi une question d’espace mais dans un environnement réel : difficile de faire défiler des éléments ou des les réduire. Il n’est pas possible de rajouter de l’espace pour accueillir ces éléments. Un exemple simple est la différence entre avoir des milliers de dossiers contenant des fichiers sur un ordinateur, et avoir des milliers de fichiers et d’images sur un bureau : les dossiers physiques vont remplir la pièce, alors que pour faire du rangement sur le bureau virtuel sur un ordinateur il suffit de les ranger ailleurs en faisant un ‘glisser-déposer’. Le phénomène de combinaison des éléments, appelé la ‘généralisation’ signifie qu’un élément en représente plusieurs. Par exemple sur un jeu de plateau comme Risk41 une figurine de guerrier peut

représenter un groupe de cinq guerriers. Mais dans une interface tangible si un élément en représente cinq à l’écran, comment faire si l’on veut seulement sélectionner les informations relatives à un seul de ces individus ? Cela limite notre capacité à accéder à une distinction plus fine. Il y a des désavantages qui concernent le lien entre l’objet et l’information. Mais qu’en est-il du lien entre l’espace et l’information ? Quand nous avons vu le projet Urp lors de l’étude des précurseurs des interfaces tangibles nous avons remarqué qu’il était possible de créer une maquette de bâtiments. Mais que se passe-t-il si nous voulons rajouter des bâtiments à la limite de la surface interactive ? Sur une interface graphique il est possible d’agrandir la surface de travail, difficile en revanche d’augmenter la taille de la table sur laquelle sont posés les bâtiments. Cela impose de penser en amont au placement des objets et de prévoir leur position.


Des objets parfois figés Les tokens restent des objets. Leur manipulation peut par exemple engendrer la modification d’une représentation en trois dimensions. Par contre la modification d’un objet à partir des données et de la représentation virtuelle est plus délicate. Cela dépend en effet des caractéristiques physiques de l’objet, là où un élément en pâte à modeler peut changer de forme alors qu’un cube en bois posera plus de problèmes.

Illustration d’un token. Dans le film Inception réalisé par Christopher Nolan le personnage principal possède une toupie, un objet qui lui permet de savoir s’il est dans un rêve ou dans la réalité. Le personnage d’Ariadne dit que ces objets « sont une élégante manière de garder une trace de la réalité »

41


Fatigue et accessibilité

42. Marshall et al., Tangibles in the Balance : A Discovery Learning Task with Physical or Graphical Materials, Conference Embedded, and Embodied Interaction, p. 153-160, 2010

42

Lorsque l’enfant joue constamment et qu’il doit sans cesse déplacer des objets il se fatigue. La fatigue arrive plus ou moins vite selon le nombre et le poids des éléments à déplacer. Il faut donc prendre ce critère en considération lors de la création des activités. N’oublions pas que le game flow suggère toutefois de créer une interaction à la portée de l’utilisateur sans pour autant lui faciliter la tâche, réussir une activité qui demande une implication physique et un effort représente un challenge. Si l’output, c’est-à-dire le périphérique de sortie, est un écran alors il peut aussi distraire l’apprenant. Si ce dernier est fatigué cela ne fait que renforcer la distraction. Mais que se passe-t-il lorsque dix enfants veulent avoir accès au même objet ou effectuer la même action ? Lorsque nous avons vu que des élèves étaient frustrés lorsqu’ils devaient se partager une souris et un clavier, n’est-ce pas le même schéma lorsqu’il doivent se partager l’espace pour accéder à une activité ou bien voir correctement l’écran sur lequel est affichélerésultat de leur action  ?

Des problèmes d’application Les interfaces tangibles ne s’appliquent pas à tous les domaines dans l’enseignement. Les informations sont contenues dans des tokens ce qui les rendent concrètes. Il a été montré qu’en mathématiques par exemple l’utilisation d’objets gêne la compréhension des opérations car souvent les nombres représentent des données abstraites42. De plus, les problèmes de généralisation compliquent la tâche lorsqu’il s’agit de former des groupes de nombres ou au contraire de les traiter un par un contrairement au jeu Risk où le joueur contrôle des entités (des personnages de jeu). Il faut aussi noter que les interfaces sont développées pour une application spécifique. Le design de l’interface, des objets, la réflexion autour du contenu du cours et de l’élève font qu’il n’est pas aisé de transposer une activité à un autre domaine d’application. C’est une problématique de réutilisation.


Photographie de Golan Levin dans sa performance Scrapple

3.4

Quel avenir pour les TUIs ?

Dans d’autres domaines d’application Les interfaces tangibles peuvent aussi être utilisées dans le domaine de la musique. Golan Levin est un artiste américain qui en 2005 a réalisé Scrapple43. La table de 3x4 mètres qui sert de support est interprétée comme une partition. Elle est divisée en plusieurs temps et hauteur de notes, ce qui créé une grille à la surface de la table. Un détecteur scanne la présence d’objets posés sur la table. Selon leur position, leur luminosité et leur forme ils vont produire des sons différents. La mesure boucle toutes les quatre secondes, le son est donc joué en permanence. Modifier la position des éléments sur la table permet d’effectuer un mixage en temps réel.

L’affichage de la grille de composition est optionnel mais permet de mieux comprendre où placer les éléments, cela a plus une apparence en lien avec la musique. Plus récemment d’autres projets ont vu le jour ; Xenakis est une table interactive qui réagit aux objets posés à sa surface. En plus de produire un son, la surface créé des animations pleine de couleurs. Elle a moins une qualité de performance artistique comme le projet Scrapple, et elle intègre plus la notion de collaboration entre les utilisateurs pour produire les sons44. Dans le domaine du jeu vidéo, des jeux comme Balloon Paper proposent un voyage onirique. Dans

43. LEVIN Golan, Scrapple, 2005, [en ligne]

44. BISCHOF Markuset al., XENAKIS : Combining tangible interaction with probability-based musical composition, University of Augsburg, 2008, [en ligne]

43


45. ops2.com, Interview : 3 questions à Étienne Mineur, mai 2012, [en ligne]

46. GUILLAUD Hubert, Demain, les interfaces organiques, avril 2009, [en ligne]

un interview, Étienne Mineur, directeur artistique aux Éditions Volumiques, explique que le but était de matérialiser l’objet principal du jeu45. D’abord l’enfant lit une histoire dans un petit livre illustré, il obtient à la fin une montgolfière en papier qu’il déplie. En posant la montgolfière en papier sur un iPad il peut continuer l’aventure qu’il vient de vivre dans une expérience interactive. En ajoutant des effets d’ombre dans le jeu cela donne l’impression que le ballon est effectivement en train de voler. Il est possible de le voir atterrir, décoller alors que le paysage défile sur l’écran. Paper Balloon, réalisé par les Éditions Volumiques

De nouvelles possibilités liées à la technologie Les possibilités des interfaces tangibles sont aussi liées aux prouesses technologiques. Nous avons vu que parfois les écrans d’ordinateur pouvaient créer de la distance ou n’étaient pas forcément accessibles à tous par manque de place (une classe enfants autour d’un écran par exemple). Des surfaces innovantes ont vu le jour et sont en cours de développement ou en cours d’amélioration. Les surfaces organiques par exemple ont tout le potentiel pour répondre à des problématiques liées aux interfaces tangibles46. Nous avons vu que 44

le token avait du mal à être malléable et à changer de forme. Nous avons vu aussi que Hiroshi Ishii pensait coupler les “bits and atoms”, et que le périphérique de sortie pouvait aussi être le périphérique d’entrée. Les surfaces organiques permettent d’afficher un contenu et possèdent des caractéristiques physiques qui facilitent leur pliage et leur déplacement. Lorsqu’une modification se fera sur le contenu numérique alors l’objet pourra être modifié selon les nouvelles données et évoluer en temps réel. Des recherches ont déjà été faites en


2002 par le groupe du MIT dirigé par Ishii avec le projet Illuminated Clay, ce qui rejoint leur vision de “radical atoms”47. La modification en temps réel de l’argile permet d’actualiser simultanément sur la projection les informations relatives à la topologie de la surface. « L’objet est l’interface » comme le dit Jean-Louis Fréchin. J’estime qu’il y aussi beaucoup de potentiel au sein des dirty user interfaces. J’ai découvert DIRTI qui est une expérimentation dont le périphérique d’entrée est un ensemble de particules. Les créateurs voulaient faire l’analogie entre le contrôle de chaque pixel et le contrôle de chaque particule physique. Ils ont donc utilisé de la farine de tapioca, de la glace à la noix de coco et aussi de l’eau. Lorsque ces particules sont déplacées elles modifient l’affichage de l’iPad qui est connecté au système, permettant aux enfants qui utilisent l’interface de jouer des sons, de créer des animations. Ils associent alors un déplacement à un effet sonore. Il existe plusieurs ambiance sonores qu’il faut choisir avant ou pendant l’interaction. Les particules physiques peuvent être jetées et tomber hors de la surface qui les contient, elles peuvent tâcher et salir les vêtements, elles peuvent même être mangées.

Photographie d’es enfants qui utilisent DIRTI et interagissent grâce à une interface en tapioca 47. Définition [en ligne]

48. Jean-Louis Fréchin est le directeur du studio NoDesign

49. User Studio, SCHWARZ Diemo, DIRTI : Dirty Tangible Interfaces, [en ligne]

45


Les prochains grands enjeux ?

50. HORNECKER Eva, ORIT Shaer, Tangible User Interfaces : Past, Present, and Future Directions Foundations and Trends, 2009, [en ligne]

51. Article [en ligne]

52. Article [en ligne], décembre 2013

46

Eva Hornecker et Shaer Orit expliquent que parmi les futurs grands enjeux liés aux TUIs nous retrouverons des enjeux liés au mouvement de l’interface, ce que l’on appelle “l’actuation”, ainsi que des recherches qui se font sur l’interaction du corps de l’utilisateur avec l’interface et pas seulement de l’interaction avec ses mains50. Nous pouvons interagir avec tout notre corps. Les périphériques comme le Eyetoy, la Kinect ou la console Wii nous permettent de jouer en prenant compte de nos déplacements. Toutefois même s’il y a un certain degré de tangibilité il manque toujours le toucher dans ce type d’interaction avec des périphériques infrarouges.

Concernant l’actuation, c’est la notion de « mettre en mouvement ». Introduire le mouvement dans une interface c’est permettre de renforcer la présence physique de l’utilisateur et de sortir de l’aspect figé de l’objet. Le projet inFORM a fait beaucoup parler de lui. Il donne la capacité à un utilisateur d’interagir physiquement avec un espace distant51. Ce n’est pas une simple reproduction de la forme des mains de l’utilisateur, il peut physiquement exister dans un autre espace et grâce à un contact vidéo il peut voir ce qu’il fait concrètement. Nous avions déjà entendu parler de ce genre de système pour des opérations chirurgicales qui demandaient l’intervention d’experts à l’autre bout du Monde52.


Illustration : la valeur de l’objet

Le retour à l’objet Il ne sera pas nécessaire dans cette partie de développer toutes les explications concernant les ‘objets connectés’ mais plutôt d’effectuer un constat. Nous avons vu que depuis les années 60 qu’il y a toujours eu des designers et chercheurs qui ont montré l’intérêt d’utiliser un objet plutôt qu’une souris.

Mais après l’entrée de la société dans ‘l’ère numérique’ et du WEB 2.0, ce fut l’abandon progressif des supports multimédias tels que les disquettes et les CD et une tendance à la dématérialisation de nos données. Les utilisateurs ont préféré sauvegarder leurs données personnelles ou professionelles sur des 47


53. ZANON Olivier, Dématérialiser ses données : quels sont les risques ?, 7 septembre 2011, article [en ligne]

54. Interview avec l’équipe de Qleek.me

Les ‘tapps’ utilisés par Qleek

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systèmes de stockage en ligne, des clouds ; par un souci de place, car les éléments physiques occupent notre espace de vie. Pour des fans de musique par exemple ce n’est pas facile de se balader avec tous ses CD dans la rue. C’est pour cela que des plateformes comme Spotify ont vu le jour pour la musique, ou Steam pour les jeux vidéos. Mais c’est aussi pour un souci de rapidité et d’efficacité comme il en était question avec la cyberculture et le partage presque instantané d’informations et d’articles sur internet (avec un simple blog). Mais petit à petit c’est le phénomène inverse qui apparaît. De nombreuses craintes découlaient de ces données qui se retrouvaient sur le web : perte, piratage ou détournement d’informations. Au final il y avait une impression (légitime) de fragilité du système. Aujourd’hui il est question de « l’internet des objets ». Pour combler cette distance qui est créée par la dématérialisation, l’Homme a créé de nouveaux objets. Avoir un objet connecté permet de redonner de la valeur à l’objet, de créer de la rareté et un lien tangible. Lorsque j’ai fait mes recherches sur les objets connectés et les interfaces tangibles j’ai pris connaissance du projet Qleek54. En quelques mots, Qleek est un projet qui permet d’enregistrer un lien internet, une suite d’images, une playlist ou un lien youtube sur une petite plateforme hexagonale

personnalisable en bois : un ‘tapps’. Lorsqu’il est posé sur une plateforme spécifique, il se connecte à internet et joue ou affiche automatiquement le contenu du lien. Ce genre d’objet permet de représenter un contenu numérique, la personnalisation permet d’extérioser ses goût, de redonner un intérêt à l’objet qui a été spécialement designé pour tenir dans la paume de la main. L’utilisateur se positionne vis-à-vis de son objet, qui existe dans un espace et qui peut aussi être accroché au mur et contribuer à la décoration de l’environnement de son possesseur. Il peut l’offrir ; alors ce qui aurait été un simple partage de lien d’une musique sur le mur facebook d’un ami devient une interaction humaine. L’effet est amplifié si cette musique a une signification particulière entre les deux protagonistes. L’intérêt pour les interfaces tangibles s’accroît car de plus en plus d’objets connectés sont développés et prennent place dans notre vie de tous les jours. Cela s’inscrit dans la tendance d’un retour à l’objet suite à une réaction de la société face à la dématérialisation. L’application de ces interfaces dans la pédagogie est renforcée par la volonté d’innover de la part des chercheurs et des designers.


3.5 Conlusion Interfaces tangibles et pédagogie Il est possible de dire que les interfaces tangibles ont de nombreux atouts pour favoriser la pédagogie :  elles encouragent le travail en groupe, la discussion avec les élèves et l’enseignant, la découverte, l’autonomie et elles banalisent l’erreur. Couplées à un univers graphique de qualité, elles motivent les enfants et leur font prendre conscience de leur existence dans le monde, faisant appel à leurs sens. Des limites apparaissent, mais les développeurs de TUIs cherchent à les contourner. Les interfaces tangibles s’inscrivent dans un contexte de re-conception de la pédagogie, à l’heure de la revalorisation des rapports humains, de l’importance du jeu et de la place

de l’objet dans notre quotidien. Si nous avons pu voir qu’il existait encore des méthodes archaïques pour la pédagogie il y a tout de même une prise de conscience générale. Au début de l’année 2014, Vincent Peillon alors ministre de l’Éducation a créé un pôle numérique au sein de l’éducation nationale avec pour but de faire entrer l’école dans l’ère du numérique55. L’école continue d’intéresser les designers. Eliumstudio a fait une proposition appelée “l’école en Archipel” qui développe une vision collaborative de l’école, où les enfants échangent et communiquent, où ils apprennent grâce à des tablettes et des outils numériques. Une école qui pour eux

55. CHAMPEAU Guillaume pour Numerama, Vincent Peillon crée la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), 18 février 2014, [en ligne]

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« rapproche l’espace virtuel de l’espace tangible ». C’est une vision d’une structure réaménagée où le lieu favorise l’apprentissage.

56. Teaser de l’installation Wall of rain, vidéo [en ligne]

57. Terrence Malik a réalisé The Three of Life et To the Wonder respectivement en 2011 et en 2013

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Pourquoi ce sujet Pour moi, « l’internet des objets » induisait immédiatement un contexte de réaction face à la dématérialisation et donc de retour au tangible. En décembre 2013 j’avais déjà commencé à travailler sur cette problématique lors d’un workshop en imaginant un journal intime connecté. J’ai aussi réalisé une installation interactive et photosensible : Wall of Rain56, fonctionnant avec une kinect, qui devait créer un lien tangible avec l’utilisateur. Très sensible à la poésie, j’étais toujours impressionné par le nombre d’adjectifs utilisés pour qualifier un élément simple. Une chaise en bois, c’est banal. Mais pas une chaise en noyer qui sent le vernis, sur laquelle s’asseyait un être cher, rugueuse au toucher aux endroits abîmés par les coups de pied des enfants qui jouent. Tous ces adjectifs donnent des informations qui donnent de la valeur (parfois sentimentale) à un élément et viennent faire ressurgir en nous des souvenirs : une odeur, une sensation dont on se souvient du bout des doigts. Il n’y a qu’à voir la force qui se dégage des images

des deux derniers films de Terrence Malik, où les enfants et les adultes déambulent en touchant les murs, les fleurs, levant leurs mains au ciel57. Il y a une richesse qui malheureusement, pour moi, s’estompe une fois que ces éléments ne sont plus qu’une donnée informatique que l’on consulte. Si je me suis intéressé aux interfaces tangibles et à la pédagogie pour les enfants c’est aussi par rapport à une problématique qui m’est propre. Plus jeune, j’avais tous ces adjectifs, toutes ces images et ces pensées en tête. Malheureusement toutes ces idées venaient en même temps, à la fois parce que j’étais impatient de tout mettre sur papier, mais aussi parce que je manquais de méthode pour les exprimer. Que de frustration de me sentir pénalisé alors que j’avais la bonne réponse, la bonne idée, et qu’au fur et à mesure que je m’exprime les sourcils de mon interlocuteur se froncent proportionnellement à son incompréhension, et moi de m’embrouiller de plus en plus ! J’avais besoin de faire des dessins, de faire des signes avec mes mains, de tracer des flèches ; malheureusement à l’époque je n’avais qu’un stylo, une feuille à carreaux et pas le droit de dessiner sur ma rédaction à rendre à la fin de l’heure. Pendant mes recherches pour ce dossier j’ai pu prendre conscience de beaucoup de problématiques liées à l’enseignement, sur l’erreur, la façon de la traiter et sur ces différents acteurs (philosophes, chercheurs, designers, enseignants)


qui se sont intéressés à ce sujet et ont proposé des solutions. Des solutions où l’on donne à l’apprenant des outils pour s’exprimer, où la collaboration est encouragée pour partager le savoir, un domaine où les interfaces tangibles ont de nombreux atouts. Peut-être que cette curiosité vis-à-vis de la pédagogie et des méthodes était ce qui m’avait donné envie d’entamer une licence à l’université Lyon III afin devenir professeur d’Histoire et de géographie avant de commencer l’école e-artsup.

Proposition de projet Grâce à mes recherches j’ai pu réaliser qu’il fallait, dans ma réflexion de designer, prendre en compte non seulement les enfants mais aussi les parents et les enseignants58. Aussi, je pense aussi qu’il très important de créer une ambiance pour accueillir une activité pédagogique pour toutes les raisons qui ont été décrites précédemment. Après une période de réflexion j’ai décidé de re-penser un concept sur lequel j’avais travaillé en début de 4e année avec Florent Chau. Le brief donné en cours demandait d’imaginer un concept de scénographie et d’application mobile au sein de la galerie de paléontologie du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Le projet Simulation

Paléontologique permettait aux enfants et aux parents de collecter des informations sur les dinosaures du musée puis de les mettre en application en les invoquant (avec un smartphone) sur une table interactive de 2x4 mètres recréant l’environnement de l’ère du Trias jusqu’au Jurassique pour observer leur comportement : nutrition, déplacements, création de troupeaux59. Mais pendant mes recherches j’ai repensé à ce concept et je me suis dis que plusieurs choses pourraient changer. Premièrement ce concept fonctionne entièrement avec un smartphone ; lorsque je faisais des recherches je me suis demandé pourquoi je n’avais tout simplement pas utilisé des figurines. En effet, elles ‘existent’, elles peuvent être emportées à la maison pour décorer une chambre ou pour jouer. Elles ont la capacité de créer un lien avec l’enfant qui a vu un squelette de dinosaure, qui a acquis une figurine miniature de ce squelette et qui a pu lui redonner vie dans un jeu. Il serait intéressant de travailler avec des enseignants afin d’imaginer comment créer un lien avec leur cours afin de donner aux enfants l’occasion d’en apprendre plus avant (préparation de la visite), pendant (étude des squelettes et table interactive) et enfin après (en classe ou à la maison) car les adultes pourront accéder à l’historique des actions de chaque enfant et ainsi voir quelles ont été ses erreurs, ce qu’il a tenté de faire. Enfin bien que Florent et moi ayons

58. Interview avec l’équipe du projet Lunii

58. Vidéo de démonstration du projet Simulation paléontologique, vidéo [en ligne]

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imaginé une ambiance préhistorique avec des effets de lumière et une bande son, je pense qu’il est possible d’aller plus loin : les murs pourraient être rocheux, la lumière venant du plafond pourrait donner l’illusion de la lumière du jour, comme si l’utilisateur était au fond d’un trou qu’il a creusé pour découvrir des ossements. La table, d’abord imaginée en bois pourrait elle aussi être en pierre. Il faut un lieu pour une expérience mémorable. Finalement, ce concept incite lui aussi à jouer en groupe. Cela reste un monde persistant, c’està-dire que les actions des utilisateurs avec leurs dinosaures vont avoir un impact sur l’environnement et inversement. Ainsi le climat ou la topologie de la carte pourraient changer. Cela engendre une plus grande probabilité d’investissement dans l’expérience de la part des utilisateurs car l’univers ne reste pas figé, ce qui peut les amener à revenir au musée pour jouer une nouvelle fois avec les figurines qu’ils ont rapportées. L’erreur est encouragée. Si un enfant s’est amusé à invoquer un tricératops en plein désert “pour voir ce que ça fait” il saura dorénavant que le Tricératops est un herbivore et qu’il a besoin d’herbe et de plantes.

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En conclusion, ce projet d’installation et d’application serait l’occasion de répondre à plusieurs problématiques en lien avec les interfaces tangibles et la pédagogie en partant d’un concept repensé avec de nouvelles informations sur les interfaces tangibles. Il cible en priorité les élèves en cours élémentaire, leurs enseignants et leurs parents afin de découvrir la galerie de paléontologie du MNHN et ses dinosaures en mélangeant à la fois une représentation physique réelle (le squelette), un token (la figurine), et une surface interactive qui comporte une représentation virtuelle, celle du dinosaure réincarné.


ModĂŠlisation 3D de la table interactive dans une salle du musĂŠe

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Annexes


Interview de Michael Stora, Psychologue & Psychanalyste Lundi 2 juin 2014 à Paris Pour vous, quels sont les avantages des interfaces tangibles ? Trouvez-vous qu’elles ont des désavantages ? Apportent-elles quelque chose de plus que les GUIs ? Pensez-vous qu’elles favorisent la découverte et l’autonomie par exemple ? Un enfant naît avec ses cinq sens. Au cours de son développement l’enfant unifie ses sens, c’est ce que l’on appelle la ‘transmodalité’. Lorsque l’enfant comprend qu’un objet ou qu’une entité peut être toucher, entendu, vu, goûté ou senti il réalise qu’il peut s’unifier avec le monde qui l’entoure. Ensuite vient la ‘proprioception’ où l’enfant a conscience qu’il existe dans un espace. Si l’enfant jette un objet il va créer du bruit et voir que l’endroit où il se trouve est composé de différentes matières, que l’objet qu’il a lancé est à une certaine distance de lui, et à la distance de tel ou tel autre objet. On voit donc que l’enfant découvre le monde tout petit avec sa bouche mais très vite il le fait avec sa main, le professeur Gantheret disait d’ailleurs: « La main est la métaphore du Moi dont le but est de serrer le monde entre son poing fermé ». Les interfaces tangibles font appel aux sens des enfants et les incitent à le découvrir. Ce type d’interface a la qualité de s’intégrer à l’espace dans lequel les enfants évoluent. Dans une interface tangible l’enfant va utiliser un objet ; sa matière, sa texture, amplifient les caractéristiques de l’objet et qui font encore plus appel aux sens de l’enfant qui prend plaisir à exister.

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Hiroshi Ishii du M.I.T. Lab parlait de fusionner “atoms and pixels” et donc d’interagir sur le réel. Pensez-vous qu’il faille forcémment imposer une représentation du réel ? Les enfants peuvent-ils être troublés par une déformation de la réalité ? L’enfant reste encore à un stade de découverte, vers l’âge de trois ans il est encore à un stade de développement de sa ‘motricité fine’ et puis il est encore dans l’imaginaire et l’imagination, il verra plus tard par lui-même comment différencier le vrai du faux, au même titre que sa réalité n’est pas déformée lorsqu’il voit des illustrations car ce sont souvent des univers métaphoriques. Avant l’âge de sept ans il se laisse beaucoup plus aller à sa poésie intérieure. Je pense qu’il ne faut pas prêter trop de puissance au tangible et en effet le considérer comme un vecteur. Combiné au virtuel, le tangible peut dépasser ses propriétés, là où l’on va pouvoir simuler des choses, créer des animations. Pensez-vous que ces interfaces sont adaptées au système éducatif actuel ? Quel est leur avenir ? l’Éducation nationale a débloqué un budget de dix millions d’euros pour le développement de “serious games” pour apprendre les fondamentaux. Ce qui témoigne d’une prise de conscience. On est beaucoup plus sur de la pédagogie active. Quel est votre avis concernant la notion de “digital natives” ? Est-ce que c’est vérifié ? Est-ce que c’est positif ? Ma génération est née avec des écrans. Mais par exemple pour la télévision c’était une relation ‘interpassive’. On interprète ce que l’on voit à l’écran, on le met en parallèle avec ce que l’on ressent et avec notre histoire : c’est un processus d’identification. La nouvelle génération est née avec un phénomène d’appropriation de l’image. Car auparavant on voyait l’image mais aucun moyen d’agir dessus, cela créait alors de la distance. De nos jours les enfants peuvent toucher l’image, il n’y a plus de distance. J’ai d’ailleurs parlé dans un article du Monde du « doudou sans fil » en faisant référence à l’iPhone car le doudou va palier aux angoisses de séparation. 57


Les enfants nés avec cela ont un surinvestissement de la perception visuelle au point que le QI de la performance a explosé, il est devenu supérieur au QI verbal31. Mais d’un côté cela créé un rapport plus sain à l’image pour les enfants comparés à leurs parents. Les plus petits comprennent les mécanismes de l’image et comment elle peut parfois être mensongère (photoshop). Pour les digital natives, l’image est devenue un objet banal. Comment définiriez-vous un bon espace de travail ? Sur quel critères ? La scénographie peut-elle contribuer à améliorer cela ? Avant le CP on va surtout apprendre aux enfants à exister dans l’espace, à se déplacer, à ne pas bouger par exemple. On leur créé des activités et des parcours mais ils restent bien souvent sans enjeux. Or les enfants sont toujours en compétition les uns avec les autres. Pour ne pas créer un espace individuel ou chacun existe dans son coin la scénographie peut participer à la création d’un cadre collaboratif, un jeu en groupe par exemple. L’exposition ‘Mille milliards de fourmis’ au Palais de la découverte à Paris présente d’ailleurs un jeu qui, pour faire l’analogie entre la cohésion de groupe et la collaboration des fourmis, repose sur la coopération entre les joueurs. C’est-à-dire qu’il est impossible de gagner seul. C’est là que la dimension du ludique est essentielle, car c’est souvent par le jeu que l’enfant s’approprie le savoir. Il faut donc créer un espace pour le jeu et s’il y a une ambiance associée (avec du son ou des illustrations) cela contribue à la motivation et aussi à la désacralisation de l’enseignant qui devient accessible. On ne créé pas se rapport de force entre l’élève et le professeur mais on mutualise les statuts de chacun. Il faut que cet espace favorise aussi l’imaginaire, où un simple bâton peut devenir l’épée du roi Arthur par exemple. Pour Freud : « il n’y a pas d’apprentissage sans expérience hédonique ». Le tangible est au service de l’imaginaire et de l’imagination.

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Concernant l’éducation, que pensez-vous du système de notation ? Ne devrait-on pas encourager l’expérience et la découverte et du coup noter les méthodes employées plutôt que le résultat ? Malheureusement l’école ne favorise pas toujours la créativité, lorsque l’on apprend à ne pas dépasser quand il faut colorier par exemple. Des écoles favorisent la ‘pédagogie active’ où l’enfant apprend à ne pas avoir peur de se tromper et où il est conseillé de rechercher la nouveauté. L’enfant en sort grandi car il développe un sens de déduction lorsqu’il va comparer ses différentes créations, examiner les couleurs d’un dessin par rapport à un autre. En fin de compte on pourrait presque dire que l’on favorise l’erreur mais c’est grâce aux erreurs que l’on créé un processus de travail car on sait ce que l’on devra faire et ne pas refaire à la prochaine tentative. C’est très bien illustré dans les jeux vidéos où l’ont dit parfois que l’on est ‘bloqué’, jusqu’à avoir refait suffisamment de fois une action pour comprendre le mécanisme. C’est en perdant qu’on apprend à gagner alors qu’à l’école une note peut faire baisser une moyenne sur toute l’année. Mon avis c’est qu’il faudrait voir l’école comme une simulation de soi où l’on prend des risques.

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Interview de Johanna Hartzheim & Pierre-rudolf Gerlach Respectivement designer et CTO du projet Qleek.me

Jeudi 12 juin 2014, lors de l’exposition Futur-en-Seine à Paris Quel type de lien le projet Qleek54 est-il susceptible de créer ? Pourquoi créer de l’interaction ? Le lien est dans le début d’une conversation. Tu vas chez quelqu’un, s’il n’avait que des fichiers sur son ordinateur tu n’aurais aucune idée de ce qu’il aime et de ce qu’il écoute. En revanche si tu arrives quelqu’un et que tu vois sa bibliothèque tu as une idée de qui est la personne et de vos points communs. Tu extériorises ce que tu es. Même principe pour les photos où tu as l’habitude d’en prendre sur ton téléphone mais tu ne vas jamais les voir sur ton ordinateur, et tu vas encore moins les imprimer à cause du coût, du déplacement que ça peut impliquer et du temps que ça prend. Concernant le design : pourquoi ces matériaux ? Cette forme hexagonale ? Tout a été étudié pour que l’objet tienne dans la main, ça a une vertu ergonomique. Aussi c’est important pour le rangement car ça tient facilement dans une bibliothèque. Ça n’a pas la taille d’un livre ni d’un CD : pas trop grand ni trop petit. Comme ça l’objet reste facile à transporter mais il prend toujours un peu de place, et donc de l’importance. J’ai utilisé du bois pour m’éloigner de l’univers ‘tech’ et ainsi se placer plutôt dans l’univers maison, intérieur et design. Le bois est aussi connoté comme étant plus friendly car il est doux et chaleureux. Cela évite aussi d’effrayer les technophobes car ils ont en face d’eux un matériaux commun qui communique la simplicité. La forme hexagonale n’incarne pas ce vers quoi elle redirige (des images, des vidéos, des playlists) mais elle possède la qualité de rendre l’objet modulaire, c’est plus facile pour les ranger les uns à côté des autres our bien pour décorer. 60


Pourquoi pensez-vous qu’il y a un retour à l’objet ? Je pense que ce n’est pas vraiment un retour à l’objet. C’est juste qu’il y a de nouveaux objets. L’objet n’a jamais vraiment complètement disparu. On a pris l’habitude de tout accumuler et de ne plus trier ; quand tu as accès à tout et que les possibilités semblent infinies les choses perdent de leur valeur. Du coup l’objet recréé la rareté qu’on a perdu. Que pensez-vous de de l’avenir des objets connectés ? Je ne suis pas très fan du terme ‘objet connecté’. Je suis plutôt de l’avis de Rafi Haladjian pour qui le fait qu’un objet soit connecté va devenir très vite une commodité ; avant on parlait des objets électriques mais maintenant plus besoin de préciser si l’objet est électrique ou non car c’est devenu naturel. La question se pose plutôt sur les nouveaux usages qui vont voir le jour. Je pense que dans trois ans ce terme aura disparu. D’ailleurs on peut prendre l’exemple des téléphones, au final il n’y a rien de plus connecté qu’un smartphone, c’est un objet connecté mais personne ne le précise car c’est une évidence. Généralement les gens placent Qleek comme un objet connecté, or on ne capte aucune donnée, c’est une redirection automatique vers un contenu. Le projet Mother développé par Sen.se (d’ailleurs créé par Rafi Haladjian) est pour moi l’achèvement des objets connectés, il enregistre énormément d’informations. Au final ce qui est intéressant ce n’est pas forcément les données que l’on capte mais la façon dont elles sont traitées et perçues par les destinataires.

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Interview de l’équipe du projet Lunii & Luniilab Représentée par Claire Bresson et Pauline Dorel (LE CUBE) ainsi que Thomas et Irgor Krinbarg (VeridisQuo Design) Jeudi 12 juin 2014, lors de l’exposition Futur-en-Seine à Paris Avez-vous testé le projet auprès des enfants ? Pendant six mois, les enfants étaient dans cinq classes dans la Communauté d’Agglomération Grand Paris Seine Ouest (GPSO). Chaque classe, d’une moyenne de 30 élèves répartis en binômes, a écrit 15 histoires en suivant le schéma narratif tel qu’il est enseigné à l’école avec une partie d’introduction, l’élément perturbateur, les péripéties et enfin le dénouement. Ce sont ces quatre blocs qui sont interchangeables et permettent de combiner les histoires des enfants. Le test de la combinaison des histoires s’est fait auprès d’une seule classe car le faire au sein des cinq classes aurait été trop important, il fallait se contenter au début d’un plus petit échantillon. Il y avait tout de même des contraintes pour qu’il y ai une suite logique entre les différentes parties. Serait-ce un support pour les enseignants ? On a remarqué que pour l’enseignant Lunii servait d’appui pédagogique. Ça a lui a permis pendant six mois de créer beaucoup plus d’interaction dans sa classe et de rendre le cours moins ennuyeux car ce n’était pas un travail individuel. Les enfants se sont ancrés dans un projet réel en collaboration avec leur enseignant mais aussi les autres écoles: un projet concret. La communication entre les différents acteurs sur l’avancée du projet s’est faite via un compte Twitter mis à leur disposition sous le regard des parents, spectateurs de l’avancée de leurs enfants. Ces derniers d’ailleurs utilisaient le compte Twitter directement sans passer par l’enseignant afin de nous poser des questions comme si Twitter était devenu un jeu pédagogique. 62


Est-ce qu’à l’avenir vous imaginez que ce genre de concept peut-être applicable un peu partout au sein de l’Éducation nationale ? Les enseignants nous ont fait de nombreux retours positifs. Pour eux ce genre d’application est tout à fait justifié car il est ancré dans leur programme. Ils ont aussi relevé la grande motivation des enfants grâce à l’interaction qui était créée, loin de la rédaction sur la feuille a carreaux. Ils se sont amusés. La valeur ajoutée est le travail en binôme car cela surprend mais on apprend aux enfants à travailler en groupes seulement à partir du collège. En revanche au début c’était assez compliqué pour les élèves pour la formation des groupes. Chaque enseignant avait une approche différente mais c’était souvent la composition d’un binôme avec un maillon fort et un élève moins à l’aise ou alors par affinité. Toutefois c’est le premier type de binôme qui a le mieux fonctionné. À plus grande échelle cela fait sept ans que nous faisons les ateliers “connectons nos écoles” où nous testons chaque année une nouvelle technologie dans un atelier avec beaucoup de succès. On considère la technologie non pas comme le but mais comme le moyen. On se focalise sur les méthodes employé et le résultat final auquel arrivent les élèves. On hésite pas à mélanger les outils : twitter, la radio, les applications. La relation apprenant/enseignant a-t-elle changé durant ce projet ? L’enseignant se sentait beaucoup plus soutenu car nous étions là pour le conseiller et vice versa. Il y avait un contact régulier qui permettait de faire avancer le projet concrètement. De plus des enseignants ont rattaché certaines parties du projet à leur expérience ou à d’autres parties de leur cours. Lorsqu’il s’agissait d’établir le lieu de l’intrigue et que les enfants ont choisi de partir sur le labyrinthe, un enseignant conquis par la culture anglaise s’est dit qu’il fallait concevoir un labyrinthe ‘à l’anglaise’. Pour l’écrit et la rédaction l’utilisation de Twitter n’exemptait pas les enfants de faire des fautes, et l’utilisation de 140 caractères les contraignait à choisir les bons mots pour s’exprimer tout en ayant un message impactant.

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Avez-vous rencontré des problématiques liées au coût d’un tel projet ? Ce projet est intervenu dans le cadre d’un appel à projet que l’on a remporté ce qui nous a permis de débloquer des fonds de la Région Île de France pour le développer. La question financière ne s’est pas trop posée car tout a été fait en fonction de l’enveloppe qu’on nous a donnée. Après pour nos autres projets on essaye toujours de travailler avec des outils qui coûtent peu cher. Lorsqu’on a eu besoin d’utiliser de la réalité augmenté on a travaillé avec une application pré-conçue (Aurasma) qui coûtait moins d’une dizaine d’euros. Il ne faut pas effrayé les enseignants parfois technophobes, et leur montrer que s’ils veulent refaire cette activité une autre année c’est quelque chose de financièrement abordable, il faut que ce soit à leur portée. Il ne faut pas oublier que les régions équipent les classes de plus en plus avec des tablettes, des ordinateurs et autres outils numériques. Mais cela ne représente-t-il pas une inégalité entre les régions qui sont moins équipées ? D’un côté si. Mais il faut savoir que récemment l’Éducation Nationale a créé un pôle numérique et puisque les écoles primaire sont gérées par les municipalités elles peuvent plus facilement demander à débloquer des fonds pour le développement d’activités numériques. Ça se développe de plus en plus. L’avenir de l’école c’est d’aller vers des outils de plus en plus maniables et collaboratifs.

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Lexique

Pinch Traduit de l’anglais par « pincer ». Sur un écran tactile cela correspond à la gestuelle où l’utilisateur rapproche deux doigts. Pour agrandir une image par exemple.

Affordance La capacité d’un système ou d’un produit à suggérer sa propre utilisation. C’est un concept imaginé par James J. Gibson dans les années 1970.

Bits Le bit est un chiffre binaire, c’est à dire 0 ou 1. Il est donc aussi une unité de mesure en informatique, celle désignant la quantité élémentaire d’information représentée par un chiffre du système binaire.

Instance Synonyme d’une entité unique qui comporte des qualités propres. Elle peut être dupliquée mais chacune des copies se réfère à l’entité initiale. Dans le jeu Risk par exemple un seul pion peut remplacer plusieurs pions de niveau inférieur.

Cloud computing Le cloud computing est une manière de fournir et d’utiliser les aptitudes des systèmes informatiques, qui est basée sur les ‘nuages’ : un parc de machines, d’équipement de réseau et de logiciels maintenu par un fournisseur, que les consommateurs peuvent utiliser en libre service via un réseau pour échanger ou stocker des données. Quelques services connus: google drive et dropbox.

Multitouch Une interface est multitouch lorsqu’il est possible d’utiliser plusieurs doigts pour la contrôler, ou lorsque plusieurs utilisateurs peuvent interagir sur la même surface simultanément. Cette notion s’oppose au single touch qui fonctionne avec un seul doigt.

User friendly Une interface est qualifiée de “user friendly” lorsqu’elle est conviviale pour ses utilisateurs finaux.

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Engagement Dans le contexte cognitif, l’engagement est la combinaison de l’attention et de la concentration de l’utilisateur vis-à-vis d’une activité.


Gameflow C’est le déroulement d’un jeu. Un gameflow équilibré varie la difficulté d’une épreuve pour ne pas être linéaire et il n’est ni trop difficile, ni trop facile, il est adapté aux attentes du joueur. Incrémentation En informatique, l’incrémentation est l’opération qui consiste à ajouter une valeur à un total. Dans le contexte du travail cela se traduit par le fait de travailler étape par étape en ajoutant des nouvelles connaissances à chaque tentative afin de progresser. Input et Output L’output est le périphérique de sortie qui permet de constater le résultat d’une action effectuée via un input. Par exemple sur un ordinateur portable, l’input est le clavier et l’output est l’écran. L’output n’est pas exclusivement visuel, il peut peut aussi être sonore. Interface organique Interface sur un dispositif d’affichage qui peut se plier, changer de forme en fonction d’une donnée informatique ou bien changer de forme par lui-même.

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Références

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10. BOIMARE Serge, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 2000

2. MINOIS Georges, Les grands pédagogues, Du Seuil, 2006, p.9-10

11. Lepoint, Les zéros pointés en dictée, une pédagogie pas très efficace, 10 avril 2014, [en ligne] http://www.lepoint.fr/societe/les-zeros-pointes-en-dictee-une-pedagogiepas-tres-efficace-10-04-2014-1811893_23.php

3. KOZANITIS Anastassis, Historique de l’approche de l’enseignement, Bureau d’appui pédagogique Ecole Polytechnique, 2005, [en ligne] http://www.polymtl.ca/bap/docs/documents/historique_approche_ enseignement.pdf 4. LIEURY Alain, DE LA HAYE Fanny, Psychologie cognitive de l’éducation, DUNOD, 2009, p.13-34 5. CRAHAY Marcel, Psychologie de l’éducation, Quadrige, 1999

13. Article universitaire [en ligne] http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2005. pekdag_b&part=104016

6. ASTOLFI Jean-Pierre, L’erreur, un outil pour enseigner, Broché, 2011

14. SARFATI Anne-Cécile, BRUNET Christine, Petits tracas et gros soucis de 1 à 7 ans : Quoi dire, quoi faire?, Broché, 2002

7. REASON James, L’erreur humaine, Presses Universitaires de France, 1993

15. Définition du Larousse [en ligne]

8. Scala, 1995, p. 23

16. HORNECKER Eva, What are Tangible Interfaces, 2004, [en ligne] http://www.ehornecker.de/Tangibles.html

9. SANA Thibault et BAYLOT Virginie, Fiche de lecture sur L’erreur, un outil pour enseigner de Jean-Pierre Astolfi, Université de Provence, [en ligne] http://cies.univ-provence.fr/data/SanaBaylot_Fichelecture.pdf

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12. LALLEMANT Patrick, 5 questions à Jean-Pierre Astolfi : l’erreur, source d’apprentissage, 30 avril 2004, [en ligne] http://www.vousnousils.fr/2004/04/30/hors-serie-recherche-appliquee2105-questions-a-jean-pierre-astolfi-lerreur-source-dapprentissage-246821

17. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, Massachusetts Institute of Technology, 2002, [en ligne] http://alumni.media.mit.edu/~ullmer/thesis/full-noblanks.pdf


18. CHAKRABORTY Anit, GRAEBNER Randy, STOCKY Tom, LOGO : A Project History, 10 décembre 1999, [en ligne] http://web.mit.edu/6.933/www/LogoFinalPaper.pdf 19. Vidéo d’explication [en ligne] https://vimeo.com/19930744 20. FITZMAURICE George, Graspable User Interfaces, University of Toronto, 1996, [en ligne] http://www.dgp.toronto.edu/~gf/papers/PhD%20-%20Graspable%20 UIs/Thesis.gf.html 21. Vidéo [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=V-TGEe-Imro

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30. Interview avec Michael Stora 31. NICOLLET Jessica et al., Performance aux tests d’intelligence : vers une inversion de l’effet Flynn?, 2009, article [en ligne] http://osp.revues.org/2109

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32. Définition Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Formation_en_ligne

39. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, Massachusetts Institute of Technology, 2002, [en ligne] http://alumni.media.mit.edu/~ullmer/thesis/full-noblanks.pdf

33. Courrier Cadres, Les serious games : qu’est-ce que c’est?, vidéo [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=1zL1gqYJdqk

40. Définition [en ligne] http://www.usabilityfirst.com/glossary/screen-real-estate/

34. Formasup, Interview d’Eric Sanchez: maître de conférences et directeur d’EducTice à l’Institut Français de l’Éducation (IFE) École Normale Supérieure de Lyon, janvier 2014, vidéo [en ligne] http://www.canal-u.tv/video/formasup/embed.1/les_jeux_serieux.14111

41. Définition Wikipédia, [en ligne] http://fr.wikipedia.org/wiki/Risk#Attaques

35. Vidéo [en ligne] https://vimeo.com/57373837 36. JARRAUD François, Le jeu sérieux : un nouvel horizon pour l’Ecole ? Entretien avec Julian Alvarez, 15 mai 2008, [en ligne] http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2008/93_ EcoleEntretienavecJulianAlvarez.asp 37. Article [en ligne] http://www.lunii.fr/accueil2/concept-2/ 38. WOOI Goh et al., The i-Cube: Design Considerations for Block-based Digital Manipulatives and Their Applications, [en ligne], http://www3.ntu.edu.sg/home/aswbgoh/publication/DIS2012_iCube.pdf

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42. Marshall et al., Tangibles in the Balance : A Discovery Learning Task with Physical or Graphical Materials, Proc. ACM Fourth Int’l Conf. Tangible, Embedded, and Embodied Interaction, p. 153-160, 2010 43. LEVIN Golan, Scrapple, 2005, [en ligne], http://www.flong.com/projects/scrapple_perf 44. BISCHOF Markuset al., XENAKIS – Combining tangible interaction with probability-based musical composition, 2008, [en ligne] http://modin.yuri.at/tangibles/data/xenakis.pdf 45. ops2.com, interview : 3 questions à Étienne Mineur, mai 2012, [en ligne] http://www.ops2.com/opserver/blogdetail.asp?idblog=95 46. GUILLAUD Hubert, Demain, les interfaces organiques, avril 2009, [en ligne] http://www.internetactu.net/2009/04/22/demain-les-interfaces-organiques


47. Définition [en ligne] http://tangible.media.mit.edu/vision

55. CHAMPEAU Guillaume pour Numerama, Vincent Peillon crée la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), 18 février 2014, [en ligne] http://www.numerama.com/magazine/28463-vincent-peillon-cree-ladirection-du-numerique-pour-l-education-dne.html

48. Jean-Louis Fréchin : directeur du studio NoDesign 49. User Studio, SCHWARZ Diemo, DIRTI : Dirty Tangible Interfaces, [en ligne] http://www.topophonie.fr/content/publications/39/file5145e46fd1d3a.pdf 50. HORNECKER Eva, ORIT Shaer, Tangible User Interfaces : Past, Present, and Future Directions Foundations and Trends, 2009, [en ligne] http://www.academia.edu/232329/Tangible_User_Interfaces_Past_ Present_and_Future_Directions

56. Teaser de l’installation Wall of Rain [en ligne] https://vimeo.com/96439425 57. Teaser du projet Simulation paléontologique [en ligne] http://youtu.be/oMIdRU583nE 58. Interview avec l’équipe du projet Lunii

51. Article [en ligne] http://tangible.media.mit.edu/project/inform/ 52. Article [en ligne], décembre 2013, http://tempsreel.nouvelobs.com/le-dossier-de-l-obs/20131129.OBS7645/chirurgiea-distance-les-exploits-d-un-medecin-francais.html 53. ZANON Olivier, Dématérialiser ses données : quels sont les risques ?, 7 septembre 2011, article [en ligne] http://www.journaldunet.com/solutions/expert/50139 dematerialiser-ses-donnees---quels-sont-les-risques.shtml 54. Interview avec l’équipe de Qleek.me

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Dans ce mémoire, les fontes utilisées sont les suivantes : Titres : Frutiger LT Std 45 Light corps 16 Intertitres : Frutiger LT Std 75 Black corps 12 Texte courant : Mrs Eaves XL Serif corps 10 Notes : Mr Eaves Mod OT corps 8 Dossier de recherche imprimé en Juin 2014 à Paris. Le format choisi est celui d’un iPad : 240 x 185 mm. Cela permet d’évoquer l’objet qui peut être sublimé et par lequel on accède en le manipulant.

« Les livres sont des secrets échangés dans la nuit » Citation de Christian Bobin, écrivain français.





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