Mémoire Food Land Art

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FOOD LAND ART

UNE AUTRE FAÇON DE VIVRE LE PLAISIR CULINAIRE

Charlotte Aubry



FOOD LAND ART

UNE AUTRE FAÇON DE VIVRE LE PLAISIR CULINAIRE

Charlotte Aubry


1 6 / Préambule

MANGER ET S’ÉVEILLER

2 LA NATURE AUX SOURCES DE L’INSPIRATION

Sensibiliser

Typologies

10 / Actualité

52 / Paysage(s)

12 / Relation Homme Nature

54 / Typologies esthétiques - état des lieux

16 / Approche éthique

géologique

Manger ensemble 18 / Identité, convivialité & partage

54 / Typologies culturelles - philosophie du lieu

Land art

24 / Manger : un plaisir et une fête 40 / Formes de démesure

66 / Une approche land-artiste

42 / Plaisirs & contraintes

72 / Potentiels de la matière culinaire

Dehors ! 44 / Un repas en plein-air

84 / Géoplasticitié 86 / Trace éphémère


3 AU PLUS PRÈS DU NATUREL

4 RESTAURANT NOMADE

126 / Conclusion 129 / English text

Un esprit 90 / Nomade 92 / Néo Païen 92 / Post Dionysiaque

In Situ 96 / Installation in situ 98 / Terroir mental 100 / Application en Bretagne

Gestes culturels 106 / Gestes de partage, relation sociale 108 / Relation du corps à l’espace 110 / Relation du corps à la Nature 111 / Relation du corps à l’aliment

114 / De la cuisine au design 118 / Les enjeux 120 / Une hypothèse d’avenir

130 / Remerciements 132 / Bibliographie


préambule

La nature est un moyen de me créer un

repas est un acte commun à tous, vecteur

ailleurs. Dans cette bulle à la fois protec-

d’identité de convivialité et de partage.

trice et rassurante, étrange et sauvage,

Ainsi, nous étudierons principalement le

riche et diversifiée, mon esprit vagabonde.

repas sous différentes formes en tant que

Chaque voyage, immobile ou lointain, à

célébration.

l’échelle microscopique ou macroscopique, devient source d’inspiration.

Comment le designer peut-il s’emparer d’un lieu et le rendre plus visible, palpa-

Aujourd’hui, la population est plus que

ble et intime à travers l’acte de manger ?

jamais sensibilisée à l’environnement, dans

Comment le repas peut-il être repensé à

un flot d’informations souvent inquiétan-

travers des enjeux sociologiques et anthro-

tes et de conseils moralisateurs. Toutefois,

pologiques actuels ?

mon mémoire n’est pas un écrit militant

L’objet de la problématique est en effet

sur la protection de l’environnement, mais

de comprendre l’intérêt d’un manger

un message doux, éthique et enthousiaste

ensemble plus naturel, attractif et agréa-

qui aborde la nature sous une forme artisti-

ble pour réorienter notre perception de

que, sensible et expérimentale. Sensibiliser

l’environnement.

efficacement, c’est concerner, rendre récep-

Au cours de mes pérégrinations, je tente

tif et actif, toucher et faire agir ensemble,

de définir le naturel, le sauvage, le pay-

dans le plaisir.

sage ou l’environnement, afin de mieux

C’est dans cet esprit que je relie la nature à

comprendre les interactions possibles entre

l’aliment. Elle vient bouleverser et enrichir

une nature humaine et le potentiel de la

le processus du repas, dans un acte social,

matière culinaire.

culturel et esthétique à part entière, car le

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À travers ce mémoire, je cherche des lieux, des ambiances où puiser les formes d’un manger ensemble dans une gestuelle nouvelle et contemporaine. La relation entre le chef cuisinier et le designer devient nécessaire pour transporter le projet dans un concept viable, celui d’une restauration nomade à l’image d’un «food land art».

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1

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sensibiliser manger ensemble dehors !


Sensi bi l i s e r Actualité L’écologie ou du moins la prise en compte

L’éco-design, l’éco-conception, le slow

environnementale est aujourd’hui au cen-

design sont des exemples de mouvements

tre des pratiques, dans la mode, l’habitat,

où le designer s’intéresse et prend en compte

l’alimentation, l’automobile...

la nature dans le processus de conception

L’écologie moderne est née d’une science

et de réalisation, ainsi que le cycle de vie

et d’une prise de conscience des effets à

et de fin de vie du produit.

l’échelle planétaire : épuisement de res-

Le slow design, basé sur des principes d’éco-

sources naturelles, disparition d’espèces

design, interroge également le consom-

animales ou changements climatiques

mateur et le met en quête d’une prise de

souvent dus à l’activité de l’Homme sur

conscience sur lui même et sa manière

son environnement (industrie, transport,

de vivre dans la rapidité et le profit. Le

déchets…).

slow design est né du slow food et de la

Aujourd’hui, l’Homme comprend en par-

volonté de contrer «le fast-food et la fast-

tie sa responsabilité dans les problèmes

life» pour mettre en avant et défendre une

environnementaux, et s’en sent menacé.

éloge du goût et du temps, par la biodi-

Au delà de vouloir protéger la nature, il

versité, le respect de l’environnement et

protège aussi sa survie et celle des géné-

des traditions…

rations futures.

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Aujourd’hui, des crises comme celle de la vache folle ont largement sensibilisé les consommateurs européens à une alimentation plus saine, leur prise de conscience venant d’un scandale médiatisé. L’actualité est une morale incessante où l’on nous conseille ou oblige d’agir ou non d’une certaine manière, et ce, dans un rapport à la population, menacée et menaçante.

Image symbolique du slow food.

«A taste of slow»

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Relation Homme Nature Pour sensibiliser, il est important de revenir

L’Homme ne peut pas se passer de la nature.

à des sources premières, plus primaires, celle

En quoi en est-il lié ? En est-il vraiment

du rapport de l’Homme à la Nature.

dépendant ? Il est lié à la nature car elle assure sa sur-

Au sens commun la Nature regroupe un

vie. Elle est aussi pour lui une source

vaste territoire lié autant à l’environnement

d’enseignement, de richesse, de dévelop-

inhabité qu’habité, naturel que construit,

pement. Elle lui apporte bien-être, plaisir

maitrisé ou non par l’Homme. On peut

de la découverte. Même si nous sommes

donc parler de nature pour un parc natu-

aujourd’hui capable de vivre en ville, d’uti-

rel, une forêt cultivée et exploitée ; lorsque

liser des progrès techniques et scientifiques

l’Homme met en place des aménagements

pour nous éloigner d’une nature parfois

où une large place est réservée aux animaux

gênante, cela ne veut pas dire que nous

et végétaux. Etymologiquement pourtant,

ne faisons plus partie d’elle, du moins

la nature désigne un ensemble de phéno-

biologiquement.

mènes dont la transformation n’est pas faite

La nature reste notre élément d’origine et

par l’Homme.

c’est peut-être pour cela que nous aimons nous ressourcer dans des environnements

Image de droite

Randonnée à l’île d’Ouessant.

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naturels, éloignés du quotidien.


Le simple fait de marquer un temps de

manière que l’alimentation, dont le lien

silence, de respirer un air sain, nous

sera abordé, est un éveil à tous les sens,

conduit directement à une forme de

ou presque

bien-être primordial. Dans notre partie du monde où tout va de plus en plus vite,

Elle concerne la vue, parfois imprenable

marquée par des innovations, nous avons

sur l’immensité du paysage, l’ouïe ou le

tout à portée de main.

son du vent qui s’engouffre dans la roche,

La nature permet de ralentir le temps quo-

l’odorat ou les senteurs fleuries du pré sau-

tidien et de se reconnecter à un monde plus

vage, le toucher ou la neige qui fond dans

paisible. Les éléments naturels esthétiques

les mains... Ils sont autant de sensations

et temporels sont une source d’ouverture.

qui éveillent et ravivent.

La sortie en pleine nature, de la même

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randonnĂŠe dans les monts du Vaucluse

Comment le designer peut-il repenser cette relation ? À travers de nouveaux usages ?

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La nature a le pouvoir de surprendre et de fasciner par sa diversité. Qu’elle soit vécu selon des phénomènes géologiques ou plus culturels, elle aide à l’épanouissement des hommes, ceux qui savent l’observer, sans en comprendre forcements tous les fonctionnements théoriques et géologiques, mais plutôt sensibles. L’intérêt du mémoire et du projet est de sensibiliser de manière étonnante. C’est par la surprise qu’un moment devient marquant, et que nous sommes touchés et donc sensibilisés. Le travail du designer, en relation avec des sociologues, anthropologues, voire même psychologues, est d’aider à faire prendre conscience de notre lien avec la Nature, de manière harmonieuse et paisible.

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Approche éthique

De manière globale le rôle du designer est

La morale serait liée à ce que l’on fait par

Mais mon projet est autre celui de valoriser

de veiller à bien la qualité de vie de l’être

devoir, en devant mettre en oeuvre une

la Nature de manière surprenante et peut-

humain. Son travail tend vers des créations

volonté, alors que l’éthique se définit par

être encore inconnue.

le plus souvent esthétiques, ergonomiques

ce que l’on fait par amour, en mettant

et donc plaisantes.

donc en oeuvre les sentiments au dessus

Si les sorties en pleine nature sont l’oc-

de la volonté.

casion de se ressourcer et de faire appel à la plupart des sens, manger est l’acte qui

Les actes de sensibilisation sont souvent de l’ordre de la morale : discipline ten-

De manière à sensibiliser les gens au des-

permet de tous les combler, dans un éveil

dant vers des règles et donc des devoirs. Je

sus de leur volonté, il est nécessaire de

total. Commun à tous, il doit être analyser

conçois une réflexion où l’éthique amène à

réfléchir à les faire oeuvrer par amour,

plus pleinement pour en comprendre la

une conscience douce liée au plaisir, plutôt

dans un domaine qui les concerne et où

situation actuelle et les besoins.

qu’un devoir moralisateur. L’éthique dans

ils pourraient être actifs plutôt que pas-

Ma volonté n’est pas seulement de sensi-

le design est une discipline permettant de

sifs. Il s’agit de les concerner directement

biliser les gens à leur environnement natu-

réfléchir sur des valeurs de l’existence, des

et aller d’une certaine manière là où ils

rel mais aussi de leur offrir une nouvelle

conditions de vie heureuse. Dans «le capi-

pourraient être touchés.

manière d’aborder le repas.

talisme est-il moral?» le philosophe André

De quelle manière intervenir ?

Comte-Sponville distingue l’ordre moral

La suite de ce mémoire aurait pu être

de l’ordre éthique.

consacrée à la randonnée, activité de découvertes souvent nombreuses.

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Une création qui reprend le principe des sucettes aux inclusions décoratives multicolores pour essayer d’en percer le mystère. Aller plus loin de ce dont on a l’habitude !

Élise Labide.


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ma ng e r ens e m bl e Identité, convivialité & partage Il est intéressant de revenir d’abord sur les

Au XI ème siècle par exemple, manger

habitudes alimentaires contemporaines.

ensemble n’était pas vécu comme une

Nous dresserons ici de manière générale les

activité sociale à l’image d’aujourd’hui.

composants de l’acte de manger, en terme

Les gens mangeaient avec les mains, s’es-

d’évolution, puis les différentes probléma-

suyaient les doigts sur leurs vêtements, sur

tiques du manger ensemble à travers l’acte

le voisin, la nappe… Souvent seul le goût

culturel, les manières de table...

importait. C’est l’aristocratie et le clergé qui ont commencé à utiliser des couverts,

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L’alimentation fait aujourd’hui l’objet

non pas dans une utilité pratique, mais

de questionnements et de publications

pour se démarquer du peuple, des classes

majeures dans différents champs (santé,

populaires.

culte de la minceur, économie, culture

Manger est devenu au fil des siècles un

et patrimoine...). Si manger se définit

acte social fort, marqué par diverses inven-

comme un acte naturel de se nourrir, il

tions, comme celles de Léonard de Vinci,

induit aussi l’autre, les autres, dans une

à la recherche d’un plaisir global et pluri

dimension sociale et culturelle.

sensoriel.


Gargantua

Gustave Doré Bacchanales ou les dangers de l’ivresse

Noël Halle

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Notre rapport à l’alimentation a évolué au

Paradoxalement, manger est vécu comme

fil des années. Aujourd’hui, la vie moderne

un temps à part, un ensemble de symboles

menace en partie le plaisir culinaire, par

identitaires, en vue d’un plaisir partagé

une occupation de notre temps différente,

et convivial. On assiste à un engouement

par l’évolution du statut des femmes, la

pour une nouvelle manière de cuisiner,

mondialisation et diverses technologies.

de manger ensemble, via différentes émis-

À la seule condition de pouvoir payer,

sions ou concepts culinaires comme Top

nous avons accès presque partout à une

Chef, Un Dîner Presque Parfait… Il ne

abondance de nourritures, déstructurant

se passe pas une journée dans une classe

parfois le moment des repas.

d’étudiantes textiliennes où manger n’est

Le mangeur se transforme en une sorte de

pas au coeur des discussions !

consommateur/grignoteur. Notre mobilité urbaine a poussé les designers, cuisiniers et industries alimentaires à penser le jetable, le kit, le plat à emporter ; et cela de plus en plus sous forme biodégradable pour limiter l’impact environnemental.

Images à la page de droite

photographies personnelles tirées de l’enquête sur le festin

rôtisserie de la presque’île

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Nicolas, vin & spiritueux léonidas pâtisserie

Pourquoi l’alimentation importe autant ?


On ne nourrit pas seulement notre corps,

Si elles dépendent de la situation écono-

mais aussi notre esprit.

mique, géographique, sociale et politique

De manière générale, le culinaire est une

du pays, le repas est partout vécu comme

des seules activités au monde à avoir autant

un besoin collectif, une valeur et un rituel,

stimulé les diverses cultures humaines,

un plaisir des sens.

parce qu’il est le berceau de notre identité.

En France, le secteur agro-alimentaire est

Se nourrir fait parti d’un acte social identi-

aujourd’hui à la toute première place de

taire. On se nourrit d’abord de nutriments,

l’industrie, ce qui prouve l’intérêt de la

mais aussi et surtout d’affects, de symboles

population. La France est de plus, répu-

liés au rattachement à un groupe.

tée pour être le pays de la Gastronomie et

La tradition intervient dans la mémoire,

avoir ainsi un rapport au temps et au plaisir

témoigne d’un passé que l’on ne veut pas

plus présent que dans d’autres parties de

oublier.

l’Europe.

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Il est impressionnant de voir que nous

Elles sont à la fois la preuve d’un apprentis-

développons à la fois un attachement au

sage, d’une bonne éducation, d’un respect

local et à la tradition, ainsi qu’aux produits

en communauté, mais aussi et souvent

du monde. L’Homme a besoin de se rassu-

vecteurs de frustration, rendant la dégus-

rer avec ce qu’il connait, mais aussi d’aller à

tation parfois plus délicate, trop pensée et

l’aventure de la découverte culinaire, sorte

maîtrisée.

de nouvelle approche gustative, sensorielle et émotionnelle.

De manière générale, si l’alimentation est vécue différemment selon les cultures, elle

L’attachement et la curiosité face aux pro-

est un miroir de notre identité. Manger

duits du monde et à l’exotisme sont répan-

ensemble induit alors des comportements,

dus, ce qui n’exclut pas des malentendus

des gestes et interactions qui forment la

et des incompréhensions. Chacun d’entre

convivialité, mais qui peuvent être parfois

nous a grandi sur un territoire délimité par

une contrainte.

des habitudes, tant comportementales que

Introduire l’acte de manger à travers l’in-

gustatives. Chaque pays ou région se dis-

connu, la surprise, en dépassant les prin-

tingue par des «bonnes manières» à table,

cipes établis, c’est peut-être répondre à des

mais qui évoluents.

préoccupations sociales actuelles.

La tradition et les valeurs transmises par la culture composent un étayage narratif, une représentation cohérente de soi parmi les siens, précieux facteur de résilience. 22

Boris Cyrulnik


Et quand le repas devient une fĂŞte ?

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Manger : un plaisir & une fête

Il existe différentes manières de manger. Le repas n’est pas le même lorsqu’il est pris dans la précipitation ou dans le temps et le plaisir. Lorsqu’il y a plaisir, il y a parfois fête. La fête suppose une remise en question du quotidien, amenée dans un moment de partage, de surprise et de dépassement de certaines valeurs. L’analyse de différentes formes de manger à travers le plaisir permettra de dégager des problématiques, liées aussi à la Nature. Toute rupture un peu ample du quotidien peut donc introduire la fête, que ce soit Do Disturb, The cocktail party

La Cellule

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par le rapport au temps, à la collectivité, au symbolique ou à l’esthétique.


Dans son essai de sociologie sur «Ce que

De moins en moins répandu tout de

cuisiner veut dire», le sociologue JC Kauf-

même, il est un système de don considé-

mann aborde les deux périodes de la vie :

rable de richesses offertes ostensiblement

celle économique et productive et celle

dans le but d’humilier, de défier et d’obli-

qui consiste en l’état d’exaltation et de la

ger un rival à se comparer. La valeur du

volonté de s’éloigner du quotidien. Notre

don résulte dans le fait que pour effacer

consommation est également divisée en

l’humiliation, le rival doit donner encore

deux parties, celles productives et celles

plus, et vice versa, jusqu’à ce que la perte

improductives qui concernent les dépen-

totale matérielle deviennent une richesse

ses en rapport avec l’art, le luxe, le sexe, la

spirituelle qui fera la force de la tribu.

guerre, le deuil, le culte…

Le potlatch est certes un terme fort pour illustrer mon propos, mais il permet de

Bataille aborde dans «la part maudite», le

comprendre que toute notion de plaisir

caractère fascinant de la perte ; plus elle est

à travers les repas de fête induisent des

grande, plus elle a de sens. Le potlatch des

dépenses, mais dont ces pertes deviennent

tribus amérindiennes illustre bien le propos

une richesse immatérielle.

de sacrifices excédants.

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Comment se retrouve-t-on aujourd'hui ?

Le festin, le pique-nique, la sortie au restaurant font partie de cette envie de sortir, pour un temps donné, d’un cadre quotidien, connu et défini, pour un moment exaltant digne de l’imaginaire. De tout temps, les réunions sont vouées

Comment mange-t-on ?

au manger ensemble, sorte d’obligations physiologiques. Lorsqu’il s’agit de fêter quelque chose, un rapport humain particulier s’installe à travers le repas. On est à la recherche d’une certaine originalité pour marquer le moment, sceller l’amitié et forger le lien social.

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Le festin, c’est la grande tablée autour d’un

boissons servis, nous semble aujourd’hui

excès, en sur-qualité. Les rangs sociaux se

repas, souvent de longue durée, de longue

extravagante, à la limite de l’orgie. Tout

distinguaient par le type et la qualité des

haleine. Il demande donc du temps, sou-

excès était pourtant autorisé.

aliments servis. Les bonnes manières et les rituels de service sont apparus et ont

vent de l’argent, une volonté, et toutes sortes de «sacrifices» en vue d’un moment

À cette époque, un festin ou un banquet

d’exception. Hors des règles ordinaire, le

comportaient la même composition culi-

but est de rompre pour un temps avec les

naire qu’un repas ordinaire.

schémas du quotidien, en visant la surqualité et la sur-quantité, liées au plaisir.

L’apparence du plat est une première jouissance esthétique.

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Dans l’antiquité, Les Grecs et les Romains

Au Moyen Âge, une partie de la population

organisaient des repas et des banquets très

est tenaillée par la faim. L’aristocratie est

codifiés ; cette abondance de plats et de

privilégiée dans la pratique alimentaire, en

alors pris un sens.


Aujourd’hui, le mot «festin» n’est presque

Il est donc l’occasion de célébrer mais aussi

plus employé, ou du moins au sens propre

de se célébrer, visant des fonctions libéra-

et bachique du terme. Sociologiquement

trices, récréatives et exaltantes. Le principe

et anthropologiquement, il ne convient

même du festin est souvent de célébrer un

plus à notre état actuel.

événement marquant dans la vie de person-

Peut-être pourrions-nous réfléchir à

nes (naissance, anniversaire, mariage…),

notre festin d’aujourd’hui. En reprenant

mais aussi lorsqu’il s’agit de célébrations

différentes problématiques actuelles,

traditionnelles (Noël, Pâques…). On

quel serait-il? Quels sont actuellement

«sacrifie», en vue d’un objectif plus impor-

les enjeux sociaux face à l’alimentaire et

tant que ce qui est donné, de l’ordre du

l’acte de manger ensemble?

sacré. L’enjeu d’un festin est aujourd’hui de réaf-

Au delà du rapport à l’alimentation, le

firmer des liens qui unissent un groupe

festin est marqué par ce moment parti-

(familial ou amical, de re dynamiser tou-

culier de fête, ce plaisir des retrouvailles

jours l’engagement pour ressentir le plaisir

où l’on vient célébrer un événement, tous

de l’autre, des retrouvailles, d’une ambiance

ensemble.

conviviale mais sophistiquée.

Image de gauche

Film retraçant l’élaboration d’un grande dîner à la française.

«Le festin de babette»

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Vitrine pour les galeries Lafayette sur le thème du festin. Production textile

jessica vargas

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Historiquement, le pique-nique a des

suivront ces principes à leur manière.

correspond à ce qu’on attend pour passer

origines mixtes, à la fois aristocratiques

Aujourd’hui le pique-nique est plus que

un bon moment. On est à la recherche

(banquet des parties de chasse) ainsi que

jamais à la mode. Dans un style contempo-

d’un cadre, d’une mise en scène, au plus

rurale et agricole (casse croute pris dans

rain, les pique-niques sur les quais de Seine

proche de la nature, mais d’une nature

les champs).

ou les toits de Berlin sont une expérience

accueillante, confortable et agréable !

De nombreuses peintures célèbres l’ont

à part entière. Qu’ils aient lieu en pleine

mis en lumière, l’évoquant comme une

nature ou dans des endroits plus reculés

pause, une détente et un plaisir. À mi che-

de la ville, ils sortent des repas académi-

min entre impressionnisme et naturalisme,

ques, de la table, et instaurent de nou-

Manet évoque la nature en y incorporant

veaux rituels à l’extérieur, dans un temps

des scènes sociales dans un «déjeuner sur

décontextualisé.

l’herbe». Monet, Picasso et bien d’autres

L’endroit choisi n’est jamais neutre, il


On mange dehors en apportant son repas

penser pratique, comme le transport et

sur soi et dans l’idéal en ingérant en com-

la conservation des aliments, et de l’allier

mun les mêmes substances, dans un par-

aux plaisir de bouche et d’esthétique que

tage global. L’exemple des pique-niques

l’on recherche.

citoyens montre à quel point le repas est

Le pique-nique évoque donc l’abandon

un acte social dans toutes démarches poli-

des bonnes manières dans un cadre le plus

tiques, religieuses…

souvent champêtre, où manger est vécu dans une expérience et ambiance festive.

Dans un cadre plus cliché et familial, la nappe Vichy se déploie, les couverts jeta-

Qu’est-ce qui implique autant les gens

bles sont disposés en rond. Le pique nique

dans cet acte ? C’est sans doute car il se

nécessite un matériel approprié. C’est un

pratique hors de chez soi, comme la sortie

moment, que l’on prévoit, que l’on orga-

au restaurant, qu’il est un fait de social

nise et qui prend parfois du temps.

total. Mauss considérait que ces repas

Cette forme de nomadisme alimentaire

sont une exploration anthropologique

peut paraître paradoxal, car tout est souvent

mais aussi spatiale. Le lieu importe, il a

préparé et sophistiqué dans un moment

une signification essentielle car il met en

où l’on recherche une part d’inattendu et

évidence un concept de lien social appliqué

d’aventure. Il n’est pas toujours facile de

dans toute sa dimension spatiale.

Image de gauche

Huile sur toile, 1862

«Le déjeuner sur l’herbe» édouard manet

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«Chérie j’ai oublié la nappe» Mosaïques dans le parc du chateau de Negrepelisse

5 5 Designers & Bisazza

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Le restaurant est un lieu où l’on vient pour

ration culinaire que par le service, permet

De plus en plus de chefs font appel à des

manger, moyennant paiement, dans le

une meilleure concentration et apprécia-

designers d’espace pour penser leur res-

cadre souvent familial.

tion du moment.

taurant comme un endroit de calme et

Le repas au restaurant est signe d’un

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de fête à l’abris des regards, sans en être

moment que l’on accorde à soi et à l’autre,

Cet espace est considéré comme un lieu

trop excentré non plus. Il y a un grand jeu

sans autre préoccupation que de se retrou-

privé et collectif, même s’il est à l’inverse

d’ambiguïtés, mais à la fois passionnant,

ver, discuter et manger des plats que l’on

des lieux de prédilection d’un pique-ni-

qui se joue dans cet espace, de l’ordre de

aime ou souhaite découvrir.

que. Il est à la fois un endroit propice aux

l’intimité et de l’extimité*.

Il permet de se nourrir, et aussi de satisfaire

réunions et au plaisir de la découverte,

des besoins de socialisation (en sortant du

du changement, mais aussi un lieu qui

foyer), des besoins d’estime, de valorisation

souvent oblige à une tenue correcte et des

et d’apprentissage. Le fait d’être entière-

manières de table plus présentes que dans

ment pris en charge, autant dans la prépa-

d’autres conditions du repas.


Image de gauche

ÂŤLe grand restaurantÂť Jacques besnarrd

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Restaurant dans lequel j’ai travaillé pendant deux années. Ambiance calme, douce et feutrée, caractéristique des restaurants gastronomiques.

«restaurant la rémanence»

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Formes de démesure

De manière générale, l’organisation festive sort de toute organisation ordinaire car elle côtoie le trop, que ce soit par la surquantité, sur-qualité, sur-ornementation ou sur-habillement. Elle est en quelque sorte un théâtre où les convives sont les acteurs d’un temps donné dans un repas scénographié. Dans une idéologie visuelle et gustative, c’est aussi une démonstration de soi que l’on propose. Chaque partie du repas, que ce soit le festin, le pique nique ou le restaurant a Cette expérimentation à travers le «festin d’étudiants» montre qu’il est possible de créer des mises en scène festives à travers des aliments de base. On assiste à une profusion de formes et de textures. Une plasticité et une gamme colorée se mettent ainsi en place, à l’image parfois d’une peinture.

Le festin des déesses, projet personnel

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sa propre manière d’établir une démesure. L’important dans le repas, ce n’est pas vraiment ou entièrement ce qu’on va manger, mais plutôt la manière dont il va être présenté.


L’apparat, la mise en scène et la théâtra-

dans la manière dont on va s’y intégrer et

lité des mets visent une mise en valeur du

faire parfois d’un anti-lieu, un lieu idéal.

repas. À chaque événement, mais surtout

De manière globale, tout repas de fête

au restaurant, les aliments sont modifiés

cherche à faire agir l’inconscient, le plai-

avec soin pour leur conférer un contexte

sir d’une démesure, dans le sens où l’on

de dégustation.

s’autorise beaucoup plus d’écarts.

La volonté est de transmettre des valeurs festives à travers la gourmandise, l’association de formes et saveurs colorées, comme des micro-architectures. La table devient le lieu d’une démonstration sculpturale, sorte d’hommage visuel où les invités goutent et dégustent ; mais l’intention n’est pas seulement de satisfaire leur appétit. Dans le cadre du pique-nique, la démesure se trouve dans le lieu et sa transgression,

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Plaisirs & contraintes

Si le repas de fête induit le plaisir, le fait de manger ensemble induit des comportements, des gestes et interactions qui forment la convivialité, mais qui peuvent être parfois une contrainte. Censé transcender une monotonie, il est souvent trop attendu, rébarbatif et ennuyeux. Dans le cadre de l’habitat ou du restaurant, l’espace de la table est alors peut-être trop restrictif, dans le sens où il est un espace bien délimité et règlementé qui gène la liberté totale de gestes et d’expressions. Tout est souvent codé dans un moment, un repas devant être un peu magique, exploratoire et transgressif. On est toujours dans un excès maîtrisé, des sacrifices et des dépenses. Certes, cela n’est jamais gratuit (au sens coûteux) et la notion de quantité et de qualité lui confère sa valeur.

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Faut-il toujours une raison pour se voir ?

une manière de faire la fête, et donc contra-

Le simple fait de vouloir sortir du dispositif

C’est souvent le cas. Chaque réunion a

dictoire avec son sens premier.

de la table induit déjà un phénomène festif,

pour prétexte un événement particulier à

dans le sens où on bouleverse le quoti-

fêter, comme si le reste du temps elle devait

Lorsque je pose la question du lieu idéal

dien. On est transporté dans un ailleurs,

être bannie. C’est aussi et parfois un devoir

d’un repas en famille ou entre amis, la

au dessus des moralités et des modes de

de se retrouver en famille.

quasi totalité des personnes répondent

vie remplis de conformités.

des lieux extérieur, en plein-air, des grands Dans les repas de fêtes annuelles, on

espaces naturels et idéaux.

assiste aujourd’hui à un non sens de cer-

Les tendances actuelles en design et déco-

taines fêtes comme pour Noël ou Pâques,

ration sont très centrées sur l’espace inté-

censées être religieuses, dans une société

rieur et familial «lieu cosy», comme si le

presque totalement déchristianisée. Le

fait d’être dans l’habitat était un abris, un

pouvoir commercial a pris le relai dans ces

lieu sécurisé.

moments de «hors contexte économique»

Si l’on remet en question les repas de

incitant le client à dépenser. Les oeufs sont

célébration, il est intéressant d’aller cher-

réservés pour Pâques, la bûche et la dinde

cher une nouvelle définition du manger

pour Noël, le gâteau à la crème pour les

ensemble, à savoir au dehors, dans la (re)

bougies d’anniversaire…

découverte d’un lieu, à l’image du pique-

Ces moments de fêtes restent toujours au

nique, mais en allant plus loin dans sa

final très académiques, comme s’il existait

réalisation.

43


deh o rs ! Un repas en plein-air Après cette brève analyse, j’ai le sentiment

l’extase spirituelle, le passage au divin.

que le repas idéal se trouverait dans une

Le rêve et l’ivresse sont des pôles d’activité

part de définition de chacun, à savoir le

de l’inconscient. Le besoin de «l’au-delà»

pique nique dans le fait de manger dehors,

se traduit par un besoin de dénigrer le pré-

le restaurant pour le plaisir de découvrir

sent, le Christianisme et les valeurs mora-

des saveurs nouvelles et d’être pris en

les. Nietzsche en prônait l’importance, le

charge, et, le festin pour l’aspect qualita-

grand oui à la vie. Les orgies dionysiaques

tif et quantitatif qui s’en dégage, dans une

et les Bacchanales sont marquées par la

forme de démesure globale.

régression de l’homme, déstructurant les principes d’individualisation, vers une

Comment trouver une nouvelle forme de

utopie de la joie et de l’instant, célébrant

luxe et de démesure dans le cérémonial,

aussi bien le groupe que la Nature.

correspondant à des enjeux sociaux et environnementaux ? Dionysos et Bacchus apparaissent comme une jubilation et une abolition des limites, vers une réconciliation avec la nature. L’acte dionysiaque était accompagné d’une régression marquée par l’ivresse et visant

44


ÂŤbacchanales pour alphonse 1erÂť titien

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46


ÂŤdeezen mobileÂť kollectiv stad

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Qu’a-t-on besoin de célébrer aujourd’hui ?

par le repas, célébrer le repas par le lieu ; manger est l’acte et le dehors son médium,

La plupart des fêtes ont un rapport avec la

où chacun apporte son sens et sa raison

célébration d’une personne, d’une religion,

d’être. Il s’agit de réfléchir à la manière

souvent portées par des phénomènes com-

d’effacer certains aspects contraignants du

merciaux marqués par l’après guerre. Nos

repas de fête pour le transporter au dehors,

modes de vie de plus en plus maitrisés tech-

s’en inspirer dans la pratique culinaire, et

nologiquement nous poussent à repenser la

faciliter les rencontres à partir d’un pôle

notion de vraies valeurs, comme un souffle

attractif autour de la nourriture.

d’air et une prise de conscience.

Qu’est-ce que le dehors ? Qu’entend-on par Environnement, Paysage et Nature ?

Qu’en serait-il si nous revenions à un état

De manière théorique ou expérimentale,

plus naturel, sauvage et donc païen ?

nous verrons en quoi ces termes influent

Celui d’un état qui romprait avec les sché-

sur le culinaire et ce qu’ils peuvent apporter

mas du quotidien, tout en donnant un sens

à la population, plus subtilement, à travers

sacré et légitime à la fête grâce au lieu, ainsi

l’esthétique et la culture.

qu’à la manière dont il est offert. Peut-être avons nous besoin de célébrer tout simplement, la solidarité, la nature et le voyage à travers elle. Célébrer le lieu

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Cette installation pose la question du paysage culinaire, de l’espace gourmand, tout en restant sur des aliments de base. L’idée est d’aller au-delà même de l’aliment et des habitudes que nous avons à le voir, à le présenter, à le manger, en le présentant dans un univers plus attractif… La typographie est ici un moyen de faire passer un message communautaire, celui de manger de manière impromptue.

projet personnel

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2

la nature aux sources de l'inspiration 50


typologies land art


typologies Paysage(s) Le paysage est d’abord ce qu’on voit et

différemment. Nous considérons souvent

Mon paysage culinaire reflèterait alors une

ressent d’un point de vue naturel et géogra-

notre environnement comme allant de soi,

vision et une lecture personnelle mais qu’il

phique (sol, horizon, ciel, eau, temps…)

à force de le voir quotidiennement. L’étude

convient de rendre sensible le plus large-

mais aussi d’un point de vue culturel (habi-

paysagère est très subjective car la vue rend

ment possible, en essayant de retranscrire

tat, culture, tradition…) ; chaque région,

compte d’une appréciation esthétique et

la notion d’idéal, pour établir un lien fort

chaque pays a son paysage.

sensorielle, vecteur d’émotions. Nous

entre l’Homme et la Nature.

Il existe plusieurs manières de percevoir

pouvons le voir et l’interpréter de manière

le paysage, selon sa nature, ses espaces,

ordinaire mais aussi plus prestigieuse.

Comment mettre en avant le paysage tout

sa représentation, ses formes et sa poéti-

Une étude a montré que les comporte-

en y intégrant les hommes dans un acte

que, mais aussi comme une scène sociale

ments et les ressentis sont très variables

social ?

universelle qui exprime notre rapport au

d’une culture à une autre, lorsqu’on se

monde habité. Il peut être un paysage

trouve devant un paysage. Mesurés à

absent d’humanisation, rural, patrimonial,

l’aide d’électro-encéphalographie et de

industriel, touristique, institutionnel…

fréquence cardiaque, certains paysages ont ainsi un effet calmant et agréable, comme

52

La définition du paysage est assez com-

la montagne, l’eau ou la forêt. Les réactions

plexe, mais il est avant tout marqué par la

sont cependant très diverses, d’un cerveau

vue et le ressenti. Chacun d’entre nous, par

américain à un cerveau thaïlandais. Je vous

son éducation, sa culture, sa personnalité,

laisse imaginer lesquels sont les plus réac-

voit, perçoit et ressent alors un paysage

tifs et sensibles…


«Qu’est-ce qu’un lieu? Une matière particulière qui le fait exister au-delà de l’espace.» Jean Giono - Colline

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Typologies esthétiques Typologies culturelles Etat des lieux géologique Philosophie du lieu Comprendre le paysage et ses typologies. Apprendre à le voir, à analyser sa morphologie, ses couleurs et textures parfois intraduisibles.

La culture autant que l’esthétique d’un lieu permettent d’établir une philosophie personnelle et référencée. Mon travail n’est pas seulement celui d’un regard sensible et plasticien sur le lieu, mais

Rendre hommage à l’état naturel et sauvage !

aussi celui d’une prise en compte culturelle. La géologie ainsi que les ressources parfois

Il existe différentes typologies de lieu qui sont d’abord de l’ordre de l’esthétique géologique. Un temps de regard particulier et

culinaires, l’architecture ou l’Histoire ont autant d’intérêts pour développer une pratique mêlant l’art, l’artisanat et le design.

différent est nécessaire pour en comprendre les circonstances, qu’elles soient lumineuses, circulaires, temporelles, végétales ou minérale...

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Le lieu et ses typologies amènent à l’identification culturelle du terroir et des traditions.


«Il faut un grand temps de regard, plusieurs parcours, pour prendre le lieu en considération, comme il est et le faire (re) apparaître.» Minia Biabiany

«L’île déserte» Exposition à Lyon, 2012

Minia Biabiany

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Minéral maritime L’Océan, les vagues, l’écume, la roche, le lichen, les creux, l’égrainage des coquillages. La fin de la Terre, le Finistère, un (mon) paradis...

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«finistère»


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Minéral coloré Les balades riches en couleurs, formes, matières et contrastes, les dentelles d’ocre. Le pouvoir de la couleur...

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«lubéron»


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Minéral historique Les ruines archéologiques, l’Histoire et le vécu, l’antique, le marbre, les sommets. Les survivances...

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«grand lyon»


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Friche végétale L’anti-lieu, l’abandon, les saisons, les tonalités, l’arbre totem, la richesse végétale. La raisonnance d’un «non lieu»...

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«grand lyon»


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Ligne graphique Les cols, monts et montagnes, l’horizon, la pureté du vide, du blanc. La sensation d’immensité...

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«alpes»


land art Une approche Land artiste L’intérêt pour la nature ne se limite pas à

Ils oeuvrent en contact direct avec les

l’étudier, la respecter, à chercher à limi-

matières, qu’elles soient minérales ou

ter les impacts néfastes qui la menacent ;

végétales, en laissant place au hasard et

l’art aussi s’y intéresse, montrant la Terre

à l’incertitude du cycle éternel. L’appro-

comme un espace expérimental riche et

che est artistique, raffinée, écologique et

sacré, loin de préoccupations utilitaires.

poétique.

L’art environnemental et le land art en

Le film «Rivers & tides» sur Goldsworthy

sont des exemples. À partir des années

m’a particulièrement permis de prendre

70, des artistes prônent la Nature comme

encore plus conscience de l’étendue de la

oeuvre, au coeur d’elle même, et non plus

diversité et des possibilités qui découlent

dans les musées et galeries. On parle alors

d’un lieu, à exploiter en terme d’installa-

d’oeuvre in-situ, comme une expérience

tions culinaires.

liée au monde réel, différente de la valeur

Le but de l’artiste n’est pas vraiment de

marchande et élitiste accordée jusqu’à

présenter «son» oeuvre, mais plutôt celle

présent à l’art.

que la nature aurait pu laisser, moins visible sans son approche.

Les artistes environnementaux, tels que Goldsworthy tentent de comprendre l’état et l’énergie d’un paysage, par l’impalpable, les changements, la croissance, les flux…

66

image de droite

«andy goldsworthy»


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Elle a pour but de changer notre mentalité,

C’est en suivant les principes du land art

et, par ses dispositifs, de mieux nous faire

qu’un «food land art» peut voir le jour. En

comprendre les phénomènes naturels. Elle

plus de créer une situation souvent belle et

est une forme poétique pour interpeller sur

touchante, il permet de manger en plein air

Dans quel but l’artiste land art

le regard porté à la Nature, la conception

et dans un environnement revisité, pres-

s’exprime-t-il ?

que nous avons de celle-ci, la culture de

que utopique et magique, en lien avec une

consommation et les civilisations techno-

mémoire collective.

La pensée land art ne se borne par à

logiques dans lesquelles nous vivons. Et si se retrouver pour manger donnait une

une visée purement émotionnelle par l’esthétique. Elle ne se limite pas à la

Le land art, comme toute forme d’art, à

contemplation, même si elle tient une

la différence près qu’il se déroule hors des

grande importance.

musées et galeries, reste pour le public une forme de contemplation passive. Comment inviter le public à participer sans forcément qu’il soit un artiste ? Le choix de faire interagir Nature et aliments amènerait les gens à un rapprochement je pense plus accessible et actif sur des processus naturels, dans une expérience totale.

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finalité pratique et sociale au land art ?


Images de cette page

A.goldsworthy. Image de la page suivante

N.Udo

«Rivers and tides» est une expérience sensorielle, une invitation à se laisser surprendre par la nature, à voir ce qui était toujours là mais qu’on ne voyait pas. C’est une oeuvre qui se découvre à nous et une extraordinaire odyssée de la nature.» Thomas Riedelsheimer, réalisateur du film

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Potentiels de la matière culinaire L’aliment, comme matériau premier d’ex-

la salive, au plus l’opinel. La référence

périmentations touche de plus en plus des

«Pantone culinaire» montre à quel point

designers, des chefs et également le secteur

il est possible de voir l’aliment hors du

de l’agro-alimentaire.

cadre du repas, sous une forme artistique

Il devient le lieu de tous les possibles.

et expérimentale.

«Comestible Edible» est un ouvrage

J’ai toujours été intriguée et fascinée par

fabuleux qui montre un engagement vers

l’aspect des aliments qui proviennent

l’aliment comme porteur de sens, et ce

directement de la nature. Il m’arrive de

dans tous les sens du terme !

plonger mon regard sur la teinte, le motif ou la texture particulière d’un fruit, et de

L’aliment est porteur d’un potentiel expéri-

le transposer au rang d’oeuvre, juste pour

mental inestimable, et cela par deux appro-

ce qu’il évoque esthétiquement.

ches distinctes.

Le regard peut être trompeur, tout ce qui est beau pas voir n’est pas toujours bon

La première se trouve dans la diversité de formes, couleurs, textures et saveurs des aliments tels qu’ils sont à l’état naturel. L’artiste land art, ou particulièrement de l’art environnemental, n’utilise aucun outil qui dépasse la dextérité des doigts, «couleurs & matières» photographies personelles

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à manger !


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ÂŤpantone culinaireÂť Griottes

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La deuxième approche concerne les progrès techniques actuels comme les machines que l’on trouve sur le marché du culinaire, toujours plus poussées. Elles sont sont également une manière de développer la pratique culinaire et d’aller encore plus loin dans l’expérimentation et dans la proposition de formes, de textures et d’installations à bases alimentaires. Cuire, gonfler, hacher, mouler… Ils sont autant de possibilités pour modifier l’aliment et lui conférer un contexte de dégustation. En plus d’un caractère bi dimensionnel plastique, l’aliment présente les caractéristiques d’une oeuvre micro-architecturale ; il est possible de superposer, entremêler, tisser, construire…

Image de droite

Extrait du livre, l’aliment comme matériau

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«comestible edible» diane leclair bisson


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Expérimentations autour du mimétisme de matières naturelles comme la roche, l’écume...

«expérimentations culinaires» projet personnel


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Les sculptures culinaires sont des instal-

naturel, mais aussi grâce aux connaissan-

lations artistiques plus que quotidiennes,

ces que nous acquérons aujourd’hui sur

nous mettant parfois face à un question-

la cuisine.

nement plus ou moins évident, est-ce de

La base alimentaire devient alors un

l’art? Est-ce que l’art se mange ?

matériau de réflexion pour rendre visible autrement le paysage, de manière parfois

Ma réflexion a pour but de dynamiser l’acte

transgressive et impromptue.

alimentaire, ainsi que le lieu dans lequel il s’insère. La finalité des interventions In Situ est de développer une nouvelle approche à partir de ressources, à l’état

Sculptures culinaires réalisées en collaboration avec Clémence Bécaud.

«sculptures culinaires» projet personnel

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Sucettes dont les matières sont issues d’éléments naturels

«sucettes» projet personnel

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Géoplasticité Image ci-dessous

L’empilement et la disposition de roches, sont suivis d’une installation artificielle également empilée mais contrastée visuellement. Image de droite

Montage, théâtre romain, Lyon

«entre sculpture & architecture» projet personnel

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La géoplasticité est importante pour comprendre les enjeux du projet, et ce vers quoi le travail tendra. La géoplasticité est polymorphe, caractérisée comme un art qui présente la Nature ; il existe plusieurs moyens et médiums pour mettre en oeuvre la relation, in situ.


Le projet invite à explorer et exploiter

au rang d’artifice, mais l’artifice au rang

comme un artiste land art, des phénomènes

de nature.

naturels tels que le gel, la chaleur, le vent, l’éclair, la gravité, le vide, le flottement, le

Ces sculptures culinaires sont un exemple

microcosme et le macrocosme…

concret de l’intervention d’artifices dans le processus du paysage.

La géoplasticité est à la fois matérielle et

Le rapport à la nature peut s’établir de

immatérielle. Il est possible de la mettre en

manière sobre et naturelle ou plus sur-

avant par deux procédés que j’ai choisis,

prenante et artificielle. Dans tous les cas,

qui peuvent paraître confus et contradic-

il doit être pensé pour le plaisir, à l’image

toires au premier abord : la nature et l’arti-

d’une utopie du repas.

fice. Il est intéressant d’utiliser directement les matériaux issus de la nature en révélant

Un regard peut se jouer avec les hasards

leurs caractéristiques plastiques mais éga-

et les illusions, est-ce un plat? est-ce un

lement d’utiliser l’artifice comme élément

paysage ?

révélateur d’un espace parfois invisible. Il est possible de mêler étroitement la nature et l’artifice pour amener non pas la nature

85


Trace éphémère Je ne pouvais terminer cette partie sur le

souvenir symbolique dont la nature vien-

land art sans évoquer l’éphémère. L’artiste

dra une fois de plus prendre le dessus.

land art est souvent isolé dans son travail, qui relève d’une trace éphémère, nécessi-

Comment et pourquoi l’éphémère prend-il

tant une pratique photo ou vidéographi-

un sens dans la démarche ?

que pour garder l’oeuvre en mémoire. Qu’en est-il de la trace ? Il suppose que

Lorsqu’on prend conscience qu’une chose

les artistes qui se plaisent à travailler de

ne dure pas, on en profite plus intensé-

cette manière visent une trace éphémère

ment. Travailler avec l’éphémère, c’est

qui questionne notre rapport à la nature et

choisir de remettre en cause l’objet d’art

une union entre l’humain et son territoire,

et sa longévité en dépassant ses limites.

comme si le fait de laisser son empreinte

C’est accepter que la nature dont nous

permettait de mieux révéler celles de la

admirons les phénomènes, poursuive son

nature.

chemin.

En ce qui concerne mon travail, la question de la trace concerne aussi l’action collective et le fait de vouloir marquer ce moment comme une image figée dans nos têtes, un

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87

au grÊ d’une promenade sur la plage


3

au plus près du naturel 88


un esprit in situ gestes culturels 89


un e s p ri t

Quel esprit reflèterait ce repas en plein air ? Réfléchir au plus près du naturel, c’est réfléchir à la place de l’Homme dans un lieu, mais aussi à son rapport avec les autres et l’alimentation. Sortir de la table, espace cloisonné et codé, vers un espace ouvert, presque sauvage, induit un esprit transgressif qu’il s’agit de penser de manière contemporaine, dans une forme de déme-

Nomade La ligne tendue de l’horizon, c’est celle que cherche sans fin le nomade, et qui l’incite à toujours partir de l’avant, à aller vers des

sure actuelle.

terres encore inconnues...

Qu’en est-il de l’esprit nomade, païen et

taire, amateur de flux, de transports et de

dionysiaque recherché ?

Chacun se découvre nomade ou sédendéplacements, ou statique et ancré dans ses racines. Le nomadisme, c’est l’errance, le goût pour le changement, la passion pour le mouvement, le désir forcené de mobilité et d’indépendance, le culte de la liberté, en vain, l’improvisation. Il est un besoin naturel de dépassement, vers d’une jubilation souvent culturelle.

90


«Le milieu païen, du fait de ses aspects de reconstruction, a parfois du mal à se poser dans une logique sociétale moderne, ne trouvant pas le juste équilibre avec des valeurs traditionnelles liées au contextes d’origine. Il y a un travail général à repenser les valeurs anciennes, à la lumière des changements de société.» Destination Païenne - Jérôme Meizoz

Néo Païen Aujourd’hui les églises se vident de plus en

vécue aussi dans sa métaphysique, spiri-

plus. Toutes les croyances ne sont cepen-

tuelle et surnaturelle.

dant pas abandonnées. Elles se dégagent sous différentes formes, par exemple par un

Cultiver la notion de païen ou de néo

retour un peu primitif à la nature et à l’acte

païen est peut-être un terme un peu fort,

néo-païen, conservant des traces religieu-

cependant à conserver dans l’esprit d’un

ses. Notre société ne peut faire abstraction

retour aux sources, à des valeurs sacrées à

de ses 2000 ans d’Histoire et de religions.

travers la célébration.

Le paganisme moderne est une religion de célébration plus qu’une obédience, une joie plus qu’un devoir. La notion de païen est donc large car elle regroupe des termes liés au lieu, à la nature, à l’écologie et aux consciences actuelles, sur une Terre reconnue et sacralisée. La population néo-païenne s’abandonne à une sorte de célébration où la Nature est

91


Post Dionysiaque Dionysos, dans la mythologie grecque et

sociétés. Sans entrer dans des extrêmes,

Bacchus, Dieu romain prônaient la jubi-

s’inspirer d’un esprit dionysiaque à la

lation et l’abolition des limites par une

manière contemporaine, c’est provoquer

réconciliation avec une Nature originelle.

l’idéal parfois par l’interdit, le transgressif,

Le geste dionysiaque, c’est le geste à la

le délire et la démesure.

fois sensuel, fougueux, inspiré et démesuré qu’aborde Nietzsche dans la Naissance

Où on veut, quand on veut ?

de la tragédie ; l’esprit dionysiaque est à

Quelque chose de démesuré et de déli-

l’opposé de l’apollinien, du christianisme,

rant peut très bien déboucher du strict

à savoir le stable, l’ordonné, le classique

nécessaire. À partir du moment où on est

et rationnel.

sensible à ce qui se passe dans le lieu, des possibilités en découlent, et parfois avec

Aujourd’hui, on pourrait concevoir la

très peu de choses.

notion dionysiaque comme une transfor-

Le lieu offert et revisité est alors re-pré-

mation esthétique dans nos cuisines, le

senté, découvert autrement, comme un

beau et le sensible rejoignant par là l’extase

petit voyage, à la fois nomade, païen et

spirituelle des goûts et des formes.

dionysiaque !

Aller manger dehors dans l’esprit du projet, sortir de l’aspect cadré de la table, c’est s’opposer à une forme de bourgeoisie, d’académisme et de codes que l’on croyait instaurée définitivement dans nos

Images de droite

Micro-événement dans un champs abandonné de Lyon. Installation et mise en lumière du lieu. AVANT & PENDANT

«fourvière party»

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projet personnel


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in si tu Installation in situ L’in Situ est une méthode qui tient compte

laire. Nous sommes dans un repas raffiné

du lieu dans lequel l’oeuvre est installée,

plutôt que gargantuesque.

de manière unique et éphémère. C’est en

C’est un travail de correspondances for-

partie grâce à cette notion que mon travail

melles, de textures et couleurs qui sont à

prend un sens.

envisager. Il provient d’un désir de pro-

Consciente que l’influence du lieu joue

poser une nourriture qui se fond visuelle-

un rôle primordial dans mon travail, j’ai

ment, qui accompagne, sans entrer dans un

cherché à réfléchir à la manière de mettre

mimétisme profond, mais en prolongeant

en place des correspondances entre l’ins-

le lieu dans une forme plus globale.

tallation et le paysage dans laquelle elle se situe. Le lieu est riche, riche de matières,

Au delà de l’esthétique du lieu, c’est aussi sa

de formes, de textures et de couleurs qu’il

culture qui est à cerner, pour aller dans son

s’agit de mettre en avant par l’expérimen-

sens, mais aussi faire évoluer des pensées

tation culinaire.

et des traditions.

Comment serait l’aliment sous une forme géologique et environnementale ? Une fois installés, les éléments expérimentaux se rencontrent avec une nature à accompagner et à prolonger. La «magie du trouvé là», comme si l’installation faisait préalablement partie du lieu, est une intervention douce plutôt que spectacu-

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Workshop Boisbuchet avec Marc Brétillot, “Remontant les temps immémoriaux, enfermée dans la glace, la forme géologique se dévoile au mangeur patient. Autre temps, autre temporalité. La gangue glacée qui enferme la cabosse fond lentement et retourne au court de l’eau illustrant le cycle immuable des éléments.” MARC BRETILLOT

«Hibernatus» Marion chatel chaix

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Terroir mental Chaque personne, qu’elle soit nomade ou

Comment les traditions, particulièrement

sédentaire, appartient plus ou moins à un

culinaires peuvent-elles alors être repen-

pays, à une région, qui lui confère une

sées ?

manière de s’alimenter, des goûts particu-

Les spécialités de grand-mères ont-elles

liers. Dans la lignée des traditions, les goûts

leurs places ailleurs que dans nos assiet-

nous gouvernent. Les traditions culinaires

tes ?

dessinent le lieu, à caractère ambivalent, et ses saveurs. Elles sont un moyen et un besoin de se rassurer, et à la fois, elles nous poussent à la découverte de l’autre, dans un métissage culturel. Revendiquer un territoire et ses traditions, c’est chercher à les faire perdurer dans le temps. La tradition s’écrit tous les jours, même si nous n’en avons pas toujours conscience. Comment évoluer avec notre société dans un esprit «nomade et païen», sans en perdre l’authenticité ?

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«Nous décidames d’inventer la cuisine traditionnelle d’un endroit imaginaire. Bum-Bum est une île où tout va à l’envers : les gens naissent plein de sagesse avec les contraintes qui en résultent parfois, et tandis que la vie avance, ils recherchent la liberté et l’innocence de l’enfance. Dans les festins traditionnels bumbumiens, piquer dans l’assisette du voisin est considéré comme une marque de politesse et de respect.» Luau basquaise de Bum-Bum, festins orphiques


Àchaque pays ses traditions, l’artiste les a ici analysé sous forme de sculptures

«typic breakfeasts» schwarzwald

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Application en Bretagne Cette série de photographies est une

Le kig ha farz est mon plat préféré, celui

application, une installation culinaire «in

qui me rappelle les longs dimanches d’hi-

situ» réalisée sur une plage en Bretagne,

ver, autour de la table familiale, où ma

et plus particulièrement à Kerlouan, «pays

grand-mère nous sert à tour de rôle ce met

pagan». Terre druidique et chrétienne à la

remplis d’amour.

fois, la Bretagne conserve la mystique celte avec la magie du lieu.

Qu’en serait-il d’un kig ha far en pleine nature ?

Ma volonté de construire une réflexion et des installations sur la base de ces paysages

C’est un travail qui rend compte d’expé-

est personnelle et résulte de ma culture et

rimentations parfois mimétiques.

de mon évolution à cet endroit qui m’est

De l’empilement énigmatique des rochers,

cher.

aux fracas des vagues qui forment l’écume, de l’égrainage des coquillages au sable doux

100

Comment faire prendre conscience du lieu

qui effleure ma peau, ce repas met en scène

tout en proposant un rituel de dégustation

le paysage et vous invite à toutes sortes

et de partage ?

de ressentis. Le contenant, questionné,

J’ai souhaité faire (re)connaître les recettes

est naturel et laisse ici une trace de notre

traditionnelles et familiales inter-généra-

passage. À la fin du repas, les gens sont

tionnelles, pour leur donner une seconde

invités à créer leur oeuvre éphémère ; ce

vie, replacée dans un contexte contempo-

sont toutes sortes de gestes qui invitent au

rain du manger ensemble dehors.

partage et au souvenir..


Kig ha farz Crème caramel au beurre salé, écume sucrée, dans son coquillage

«repas de plage» projet personnel

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g este s c u lt u r e ls Geste de partage, relation sociale Comment repenser la relation entre les

Réussir à atteindre un aliment seulement

personnes à travers le repas ?

si on est plusieurs ?

La nourriture est vecteur de sensations,

Proposer des mets d’une même base mais

d’échanges et de partages qu’il est encore

avec différentes saveurs pour satisfaire tout

possible de faire évoluer. Le simple fait de

le monde ?

sortir du cadre de la table induit une nouvelle sociabilité. Les gens ne se nourrissent

Faire de la nourriture un jeu ?

plus ici dans leur assiette, mais dans un et même ensemble, dont les gestes fondent

Ces questionnements sont autant de pos-

la communauté.

sibilités de réfléchir au geste du partage

Ce «un et même ensemble» est à conser-

dans le manger ensemble dehors.

ver dans l’installation afin de générer un espace d’échange et de sociabilité riche et étonnant. C’est en dépassant des principes établis qu’une nouvelle forme de relation sociale peut naître.

106


« Ce morceau de pain, aliment objet, est une offrande en référence à Bacchus ou encore Gargantua. Nous voulions réaliser quelque chose où toute la communauté serait impliquée. Il fut impressionnant de voir comment le village s’est démuni pour, à la fois maintenir et dépasser ses coutumes.» Festins orphiques

107 IMAGE DE GAUCHE «Mangier»

Stéphanie Marin, Smarin Design IMAGE DE DOITE «Baguette énorme en gala»

Festins Orphiques


Relation, du corps à l’espace

Le repas en extérieur fait intervenir une dimension spatiale plus large, qu’il est importante de prendre en compte. Les personnes sont invitées à regarder au delà d’un support adapté, droit, parallèle et restreint tel que la table. Il s’agit dans l’étude comportementale du projet, de comprendre et de cerner les enjeux du corps social et du corps de l’individu dans le manger ensemble ; l’idéal serait de débloquer ce corps en l’incitant à se déplacer dans l’espace. Regarder en haut, en bas, dessus, dessous (…) pour mettre le corps et l’esprit en activité. Image de droite

108

«Installation»

événement privé


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Relation, du corps à la nature

Pour ancrer le projet en adéquation avec

L’installation in situ prend encore son sens

la notion de paysage et d’être ensemble,

et fait résonner le lieu dans ce qu’il a de

il est également important de repenser les

plus caractéristique.

gestes de l’ordre de l’échange, qui forgent le lien et le lieu.

Qu’en est-il de l’aspect tactile ? Les artistes qui utilisent les matériaux de

Lorsqu’on parle du lieu, on évoque aussi

la nature creusent, déplacent, transpor-

la relation qu’entretient le corps avec lui,

tent, accumulent, tracent, plantent… Ce

avec la nature. Des gestes et comporte-

sont des gestes concrets, qui dans l’acte de

ments sont à prévoir et préméditer pour

s’alimenter méritent aussi une attention

faire en sorte que ce corps soit aussi acteur

particulière et subtile comme la caresse,

des choses, dans une compréhension et un

où l’on redécouvre par les sens tactiles un

ressenti du lieu.

certain plaisir.

Lorsque le lieu possède des ressources alimentaires, il est souvent caractéristique d’une approche de l’Homme, dans une quête de la nourriture.

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Est-t-on dans un paysage propice à la pêche ? ou bien propice à la cueillette ?


Relation, du corps à l’aliment

La préhension est le geste qui concerne la

marmites, dans lesquelles les repas sont

prise en main d’un aliment, cette action

servis, dans des parties de l’Afrique, ou

de prendre, de saisir pour se nourrir. On

bien les fameuses tapas espagnoles, sortes

a vu de manière historique au début de ce

de joyeuses miniatures à déguster tous

mémoire que l’évolution de la société nous

ensemble.

a poussé à utiliser des couverts, altérant et facilitant à la fois notre rapport direct avec l’aliment. Dans le projet, l’installation culinaire doit être pensée pour être le plus souvent touchée directement, laissant de côté l’aspect académique «assiette, couverts, verre» qui nous «robotise». Il convient de réfléchir alors à la modélisation spécifique de ces «objets culinaires» dans une nouvelle approche gestuelle. Chaque civilisation détient déjà une sorte de tradition, de gestuelle à travers le repas.

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Nous pourrions faire référence aux grandes Traditions de la fraise de Plougastel et de la crèpe dentelle revisités à l’image de la Bretagne. La gestuelle implique par exemple la cueillette de la fraise, comme un retour à son état d’origine.

«un été à brest» pauline garnier


4

restaurant nomade

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De la cuisine au design les enjeux cahier des charges 113


de la cuisine au design

Dans le domaine de la restauration haut

gner est de voir un peu plus loin en appor-

de gamme, on assiste à une évolution de

tant une vraie valeur ajoutée.

la tradition gastronomique. Le travail du

Selon Marianne Moore ou Marc Brétillot,

chef avec un designer peut dépasser large-

il est important de ne pas compromettre

ment le contenu de l’assiette, en créant de

les plaisir de bouche dans le design culi-

nouveaux environnements de dégustation.

naire, et donc de rencontrer des indivi-

Même s’il remet en question la tradition

dus connaisseurs et du métier. J’aimerais

de la «grande cuisine française» et les ges-

construire le projet sur un échange, celui

tuelles de dégustation, le design culinaire

des savoir-faire du chef et celui de la créa-

aurait le mérite de s’imposer naturelle-

tion du designer.

ment, chose qui n’est pas toujours sim-

Il n’est pas tout de vouloir créer du «food

ple. J’en ai d’ailleurs vécu l’expérience lors

land art», encore faut-il savoir mettre les

d’un stage de design culinaire chez Sève

créations en avant et attirer les gens dans

en pâtisserie. Le chef cuisinier, même s’il

ce nouveau concept ; on ne les invite pas

reste ouvert, a reçu un enseignement assez

à contempler comme au musée, mais

rigide et cadré qu’il est parfois difficile de

aussi à déguster et à vivre une expérience

mêler avec une personnalité de créateur,

enrichissante.

libre et expérimentale. Le système de penser et de travailler du chef peut être créatif, mais celui du desi-

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Comment le chef et le designer ont-ils un rôle à jouer dans ce projet ? Qu’est-ce que je pourrais apporter à un chef dans son restaurant ? Et de la même manière, que pourrait-il m’apporter dans l’acte créatif?

« Les designers ont un rôle intéressant à jouer avec les chefs et les artisans, pour ne pas compromettre la texture et l’arôme, pour élargir le champ de la communication par la nourriture, pour équilibrer les aspects scientifiques, sensoriels et émotionnels des aliments »

Je pense situer mon projet dans l’événementiel, car il comporte à la fois la notion de célébration, en conservant les principes du restaurant.

Marianne Moore, chercheur au Design Laboratory, Royal College of Arts, London

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«Le terme de design culinaire est récent et reste attaché à la notion d’auteur. Or, le design dans l’alimentation n’est pas nouveau. La nouveauté réside dans la problématique des différents rapports à la nourriture que posent certains designers ou chercheurs. Ces derniers peuvent mettre en commun leurs études avec les artisans de bouche. Le design culinaire consiste avant tout en des rencontres d’individus». Marc BRETILLOT

Images à droite, de haut en basx “Après deux minutes passées dans un micro-ondes à 1000 watts, l’emballage moulant la glace devient délicieusement fondant…»

Stéphane Bureaux & frédéric coursol Le mille feuilles vertical. Finit le mille feuilles impossible à couper, et tout en beauté!

Marc Brétillot

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117


les enjeux

Il existe déjà des formes de restaurants

saveurs étonnantes, de l’esthétique maî-

basées sur l’originalité du concept du lieu.

trisée et de la minutie.

Dinner in the sky en est un exemple, où

Les cuisines du restaurant permettent

dans des conditions assez extrêmes, à savoir

d’être un lieu de travail et d’expérimen-

suspendus sur une grue à des centaines

tations où le chef et le designer décident

de mètres du sol, des chefs travaillent en

ensemble d’un lieu naturel précis à exploi-

dehors de leurs fourneaux pour une soi-

ter le temps d’un micro-événement.

rée. En se surpassant, ils proposent des

Comme un échange de bons procédés, la

performances où l’événement est conçu

clientèle fidèle du restaurant serait pré-

comme une aventure hors du commun, à

sente, mais aussi des personnes avides d’ex-

travers le repas. C’est sûr, ce n’est pas tous

périences qui n’iraient pas au restaurant en

les jours qu’on peut manger avec Georges

temps «normal». Le concept est un moyen

Blanc ou Thierry Marx, suspendu dans le

aussi pour le chef d’élargir son restaurant

ciel parisien !

dans une dimension immatérielle ; il gagne à une clientèle plus large et à une recon-

Le concept de foot land art se base sur la relation entre un chef, son restaurant et moi ou un autre designer adhérant au propos. Mon expérience dans la restauration m’amène à retenir pour l’instant essentiellement la cuisine de type gastronomique, celle de l’oeuvre culinaire, de

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naissance particulière.


Expérience d’un dîner dans le ciel. L’événement dure environ une semaine dans des grandes villes Européennes. Un grand chef est présent chaque soir pour présenter sa cuisine, vue du ciel.

Dinner in the sky

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une hypothèse d'avenir

Penser restauration nomade c’est penser à décloisonner l’espace d’un restaurant, pour l’amener à une dimension immatérielle : dimension conceptuelle plus que spatiale. Le designer a alors deux types de personnes à convaincre pour élaborer un tel projet : le chef cuisinier et les participants à l’événement. Je me demande parfois si l’idée d’un food land art n’est pas une utopie personnelle. Et en même temps, je me dis : qui refuserait un repas en pleine nature avec ses amis, sa famille, où se retrouver et manger dehors est l’occasion de la surprise, de la découverte, du partage et de sensations nouvelles.

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Afin de recueillir un avis fondamental d’un chef, j’ai souhaité présenter l’état du projet actuel à Monsieur Eléouet, avec qui j’ai pu travailler pendant deux ans. C’est dans ce restaurant que j’ai fait mes premiers services et aussi mes premières expérimentations culinaires. C’est autour de questionnements principaux que la discussion s’est déroulée.

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°°°°° Que pensez-vous du concept de food land art en tant que personne, puis en tant que chef cuisinier ? °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° C’est un concept très intéressant à développer ! Cela me rappelle le travail d’un grand chef chinois où sa philosophie est le retour à l’aliment pur. Par exemple, chaque cuisson de riz se différencie et est adaptée au champs de riz ou à la parcelle dont il provient. Je ne me souviens plus de son nom, mais il reste le ténor des chefs chinois. C’est une expérience de restauration à vivre un jour, dans la pureté et l’excellence, à l’image de votre concept. En tant que chef, je suis persuadé que votre projet peut marcher sur une démarche exceptionnelle et événementielle. Il me semble qu’un travail comme celui-ci à l’année serait impossible à gérer pour un chef.

°°°° A-t-il sa place dans la restauration ? °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° Oui ! Car il s’agit de vivre une expérience exceptionnelle dans un art éphémère… Seuls les élus et les créateurs pourront dans le futur relater l’événement. Si la grande restauration attire autant, c’est que les gens sont à la recherche de moments marquants. Vous allez encore plus loin dans sa définition.

°°°° Quels types de cibles, de personnes pensez-vous que ce projet concerne ? °°°°°°°° C’est une forme d’art que vous proposez. Je pense que le concept s’inscrit pour un type de client qui a tout vu ou presque : les grands hôtels, les meilleurs restaurants… Ils vont rechercher l’unique le temps d’un repas, car ils sont les seuls à vivre l’événement. Cela peut s’apparenter à de la mégalomanie, il faut faire attention à ce terrain dangereux! Rappelez vous de Marc Veyrat, toutefois un génie de la cuisine… Si vous choisissez ce type de clientèle «haut de gamme», vous avec un temps de recherche important, qui vous permet d’expérimenter, et qui monte à des prix exorbitants mais dont la clientèle assume.

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°°°° Comment concevez-vous la relation entre un chef cuisiner et un designer ? °°°°°°°° Les deux doivent forcément travailler ensemble. La force d’une relation, c’est la possible symbiose, l’alchimie et les mêmes envies dans deux terrains pourtant différents (mais pas tant que ça !). Je dirais que c’est le designer qui est à même d’analyser les besoins particuliers de la clientèle du restaurant ; il a la notion de l’espace, du geste qui forme la convivialité. La reblochonade en est un exemple. Le reblochon est cuit avec un piano (fourneau) en miniature, posé sur une table, afin que la clientèle puisse suivre et maitriser la cuisson et vivre le moment de partage pleinement. Le design remontre a loin dans nos cuisines! C’est juste que nous en parlons plus directement aujourd’hui sous le nom de «design culinaire».

°°°° Quels seraient les éléments essentiels à prendre en compte dans le bon déroulement d’un tel événement ? °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° Soit votre concept se base sur des événements et des aventures exceptionnelles où c’est le créateur qui apporte ses idées au chef. Soit, le concept se déroule sur du long terme, comme si vous ouvriez votre «restaurant nomade», et dans ce cas là, c’est le chef qui je pense doit de maîtriser les idées, les supports… En matière de transformation des aliments, les chocolatiers sont les meilleurs. Le chocolat est à la base une plante, puis un liquide qui se cuit, durcit et se mange ; c’est une forme de cycle éternel.

°°°° Pour l’hygiène par exemple, quelles sont les règles strictes ? Il y a-t-il des textes précis expliquant les droits et les interdits ? °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°° Le créateur doit rester un créateur, il ne doit penser qu’à cela. Certes, il doit prendre en compte certaines règles d’hygiène mais qui vont de soi. Le restaurateur est toujours suivi de financiers et d’équipes qui contrôlent et assurent le respect des règles d’hygiène par exemple. On revient à une base bien précise en restauration avec la séparation des pouvoirs et de l’entreprise. Les grands chefs ne sont plus propriétaires de leur établissement, car trop difficile. Prenez exemple sur Marx à Paris, il est chef de l’hôtel le Mandarin, mais le propriétaire est une société chinoise.

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Il me semble que cet échange m’ait permis de situer et cibler le projet. et de voir que ça n’est pas totalement utopique. Le cahier des charges devient plus précis et s’étend aujourd’hui sur un concept d’événements «uniques», en relation avec des chefs cuisiniers. Les grands chefs travaillent souvent pour une clientèle présente en petit comité, c’est à dire rarement plus de 20 couverts. Il est nécessaire de conserver une étape importante dans la recherche et l’élaboration des plats, en relation avec le lieu naturel dans lequel le repas sera servi. Le nombre de participants se situerait entre 2 et 20, afin que l’événement soit de la plus grande qualité possible.

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Pour quel type de clientèle souhaiterais-je

conséquent, entre le chef et le designer,

travailler ?

entre cuisine et scénographie.

La haute gastronomie inclue toutes sortes

La richesse esthétique, culturelle et gusta-

de clientèles. Du client aisé et habitué, au

tive se trouve sous nos yeux. C’est mainte-

client plus modeste qui s’offre ce plaisir

nant au designer et au chef de faire en sorte

une fois dans l’année ou dans sa vie, cha-

que l’expérience soit à la fois accessible et

cun fréquente les grands restaurants pour

novatrice.

vivre une expérience qui dépasse souvent l’éveil des papilles. Cet univers n’est donc pas réservé comme on le croit souvent, à une certaine élite, mais aussi à toutes les personnes avides de ce genre d’expérience, quelque peu transgressive. Il est certain qu’organiser un tel événement demandera un temps de recherche

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Conclusion

En m’intéressant au départ au vaste

agréable et parfois festif et aussi la nature

domaine du «manger ensemble», j’ai été

esthétique et culturelle.

amené à me concentrer essentiellement sur

De ces thèmes liés s’est dégagé une pro-

le festin. Au fil des semaines, le projet a

blématique commune conduisant à un

évolué vers un thème plus personnel et plus

nouveau concept de restauration, celui

en rapport avec le travail que je menais

que j’appellerais le food land art.

conjointement sur la nature. Celle-ci me touche esthétiquement, sans que je l’aie liée

Ce projet est passionnant mais il est encore

jusqu’alors à une problématique.

à un stade expérimental et appelle à être poursuivi. Il semble que décloisonner

Ce mémoire aura été l’occasion d’aller

l’espace du repas, ses usages et attentes

plus loin dans l’analyse de lieux, vers une

dans une perspective plus large, permet

réflexion liée à la relation hommes / nature

de marquer un moment et de le vivre plus

à travers la convivialité du repas.

intensément ; c’est d’ailleurs le principe

Aujourd’hui, la nature me semble parti-

de la fête.

culièrement propre à réaliser des objectifs

Ici, la fête c’est célébrer le paysage par le

inhérents à la pratique du design.

repas et célébrer le repas par le paysage dans une dimension à la fois mystique,

J’ai pu grâce à ce projet, rassembler deux

solennelle et radicale, à l’image d’une com-

dessins personnels : aborder le design

munion paysagère.

culinaire à travers le manger ensemble,

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Cette réflexion n’est pas fermée, elle ouvre des perspectives dans la relation entre le cuisinier et le designer. Si le projet d’un événement organisé avec un restaurateur peut aboutir, il faudra alors analyser l’âme du restaurant et le savoir-faire culinaire du chef, pour révéler des mises en place culinaires évocatrices.

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english text Eating together is like a party, a celebration, because it symbolizes the pleasure of family and friends reunions. People eat pleasant things in a particular atmosphere, in a showy way, like on a theatre stage. But these meetings are sometimes compulsory and thus restrictive. I would like to transfer this moment outdoor, to allow people to meet, to celebrate differently, in a healthier and more serene manner. It’s more than just a picnic ! I took my inspiration from landscapes and their cultures, philosophies, typologies of materials (vegetal and mineral) to create meals as a food land art, that would be perceptible, palpable and sensitive. It is about celebrating Nature thanks to the meal and celebrating the meal thanks to Nature, in a mystical, solemn and radical dimension, like an environmental communion. Food Land Art is a new concept, as a nomadic restaurant, that I would like to develop in collaboration with chefs from great gastronomic restaurants.

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Merci aux déesses du DSAA, à mes professeurs, à mes parents, à mes amis issus des arts appliqués et autres domaines, À XAVIER ÉLÉOUET ET À JANINE,

En guise de remerciement, j’aimerais vous convier à un food land art très prochainement, dans les contrées lyonnaises, finistériennes ou équatoriales pour les plus chanceuses !

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merci !


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bibliographie «La naissance de la tragédie» Nietzsche «La part maudite» Bataille «Le ventre des philosophes» Michel Onfray

«On se fait la bise?» Marc Mc Crum «Les bonnes manières» B. Hargitay Gran «Sociologies de l’alimentation» Jean-pierre poulin «Penser l’alimentation» jean-pierre poulin «L’imaginaire de la table» Jean-Jacques Boutaud «Histoire de la cuisine et de la gastronomie française» patrick rambourg «Le mangeur du XXI siècle» colloque de Dijon « La fête comme jouissance esthétique» Anne-Marie Green «Casseroles, amour et crise» JC Kauffman

«Fraîch’ attitude» Gaelerie «Create : eating, design and future food» Gestalten «Design culinaire» Stéphane Bureaux et Cécile Cau « Comestible Edible» Diane Leclair Bisson «Festins orphiques» Mimi Oka & Doug Fitch

«Le Land Art… et après. L’émergence d’oeuvres géoplastiques» Franck Doriac «Clés pour le paysage» P.Donadieu et M. Périgors «Le pique-nique, ou éloge d’un bonheur ordinaire» Francine Brthe Deloizy

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«bord à bord» école nationale du paysage «Bijoux nomades, la paysage aux sources de l’inspiration» Aude Durou


«le festin de babette» gabriel axel «le grand restaurant» jacques besnard « le grand meaulnes» jean-danie verhaeghe

«rivers and tides» T. Riedelsheimer & a.Goldworthy «au gré du temps» dominique loreau

recip food eatdesign griottes, palette culinaire etapes landarts

133


Imprimé en avril 2012 Dans le cadre du DSAA créateur & concepteur textile La Martinière Diderot, Lyon papiers

Rives Dot 350 et 120 G Olin Smooth 120 G Olin recycled 100 G Cocoon Preprint 120 G Typographie

Garamond Code Din

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