SÉMINAIRE THÉMATIQUE: HISTOIRE ET PRATIQUES DES TRANSFORMATIONS DU BÂTI.
ENQUÊTE SUR LA PERCÉE HAUSSMANNIENNE, L’EXEMPLE DE LA RUE GAY-LUSSAC. MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-la-Villette
1868
Le ciel est à tout le monde
Le ciel est à tout le monde
Dessin personnel du 10, rue Gay-Lussac.
Charlotte MISPLON 20130241 Professeurs : Laurence BASSIERES, Anne BONDON, Amandine DIENER, Marie GAIMARD
1
2
3
SOMMAIRE Introduction
P. 7
I- La rue Gay-Lussac à l’échelle de la ville.
P. 15
A/
Le quartier du Val de Grâce : géographie, topologie et histoire. - Une histoire millénaire entre sites antiques, institutions religieuses et centres universitaires. - XVIIème - XIXème siècles : un quartier en pleine mutations.
P.15
B/
Avant Haussmann. - 1853 : le projet d’embellissement de la capitale par la commission du comte Siméon. - Paris en 1850, état des lieux du quartier.
P.25
L’invention de la rue haussmannienne ; une coopération inédite entre secteurs publics et privés. - Le préfet et Napoléon III, - Compte de Régie, administration chargée de la gestion des comptes de la ville. - Les Promoteurs - Les Architectes - Les Habitants
P.28
C/
P.30
D/ La rue Gay-Lussac : une composante du système de voirie haussmannien. - Période de construction et réglementations. - L’intégration de la rue à l’échelle de la ville. - Une artère essentielle dans le quartier du Val-deGrâce. E/
Un montage complexe, celui de la rue Gay-Lussac. - Financement. - Corrélation entre les différents acteurs.
F/
La phase opérationnelle. - Service municipal des travaux à effectuer. - Son budget disponible. - Une pratique indispensable pour la modernisation de Paris : l’expropriation.
II- La rue Gay-Lussac à l’échelle de la rue. G/
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Les séquences de la rue. - Morphologie, géométrie et spécificités de la voie. - La question des angles. -
P. 41
P. 43
P. 50 P. 50
- Le rez-de-chaussée, un espace essentiel à l’activité commerciale. H/
Les façades d’immeubles. - Soixante-dix-huit numéros, cinquante-six façades.
P.72
III- La rue Gay-Lussac à l’échelle de l’architecture.
P. 80
I/
L’écriture architecturale de la façade haussmannienne. - La question de la mitoyenneté. - Le traitement de façade sur parcelle large. - Le traitement de façade sur parcelle fine. - La trame symétrique et la nécessité d’harmonie de la rue. - La façade asymétrique ; ses caractéristiques et ses raisons .
P.80
J/
Des ornements de pierre, de bois et de métal. - Portes cochères. - Modénatures. - Grilles, garde-corps.
P.108
K/ Les projets contemporains au Second Empire de la rue Gay Lussac. - Leur intégration et relation à la rue du XIXème siècle
P.113
Conclusion.
P.116
Remerciements. Mots clés.
P. 118
Bibliographie. Base de données. Sources. Annexes.
P. 119 P. 122 P. 123 P. 126
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6
INTRODUCTION Paris ne serait pas Paris sans ses rues et façades haussmanniennes : environ 60% de la ville actuelle a été bâti au second Empire1. Cette très courte période (1853-1870) peut pourtant être considérée comme la plus intense et la plus riche pour l’histoire de l’urbanisme de la capitale française. Ce mémoire porte sur la création des percées haussmanniennes et l’analyse de leurs façades, à travers la monographie d’une voie ; celle de la rue Gay-Lussac. En étudiant une percée haussmannienne spécifique mais archétypale, nous cherchons à mieux comprendre l’histoire de l’urbanisme et de l’architecture parisienne au XIXème siècle. Percée en 1866, la rue Gay-Lussac se situe rive gauche dans le quartier du Val de Grâce, entre le boulevard Saint-Michel et la place Pierre Lampué. Mesurant 625 mètres de long sur 20 mètres de large, la rue Gay-Lussac est ici considérée comme un archétype de la voie haussmannienne qui devait définitivement faire entrer la ville de Paris dans la modernité. Paris, alors en pleine expansion démographique et à l’ère de la Révolution Industrielle, est alors en proie à la surpopulation et à l’insalubrité. L’épidémie de choléra de 1849 provenant d’Angleterre par le port de Dunkerque, qui a décimé 19184 d’hommes et contaminé près de 3.5% de la population parisienne (soit plus de 35000 personnes)2, est un épisode particulièrement douloureux reflétant la situation sanitaire exécrable de Paris. Les habitations misérables, la mauvaise qualité de l’eau, le manque de lumière, d’air et de verdure constituent le quotidien de nombreux Parisiens3.
Carte de l’épidémie de choléra, concentration de malades au sud-est.
A son arrivée au pouvoir en 1852, Napoléon III (1808-1873) désigne GeorgesEugène Haussmann (1809-1891) en tant que préfet de la Seine l’année suivante. Paris s’apprête alors à subir une des plus importantes transformations de son histoire, comme l’explique Bernard Rouleau, dans son livre, Le tracé des rues de Paris 4 :
1
« Ce qui caractérise le nouvel état d’esprit, c’est une prise de conscience plus nette et plus efficace de l’organisation de la voirie
Conférence « Paris Haussmann, modèle de ville » Commissaire de l’exposition Umberto Napolitano et Franck Boutté du mercredi 8 mars 2017 au Pavillon de l’Arsenal. [annexe 9] 2 LE MEE René, Le choléra et la question des logements insalubres à Paris (1832-1849), Population et Histoire n°1-2, 1998. www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1998_ num_53_1_6861
3
DE MONCAN Patrice et MAHOUT Christian, Le Paris du baron Haussmann, Paris sous le second empire, Chartres, SEESAM-RCI, 1991.
4
1988.
ROULEAU Bernard, Le tracé des rues de Paris, Paris, Presses du CNRS, 7
parisienne qui se concrétise à cette époque par la généralisation progressive des trottoirs, la création systématique des égouts, des lignes de transports en commun, l’amélioration radicale de l’éclairage. (…) Désormais, l’ère des initiatives individuelles fait place peu à peu à celles des plans d’ensemble. » Paris fait pour la première fois l’objet d’une politique d’aménagement concertée. Haussmann met en place un système de voiries interdépendantes les unes par rapport aux autres. Ce système se divise en trois réseaux ; principal, secondaire et tertiaire. Pensé dans son ensemble, le projet haussmannien inclut la question des flux (eau, égouts), l’articulation entre les voies ferroviaires et routières, ordonne une nouvelle architecture, donne une place aux espaces verts, afin de garantir des conditions d’hygiène et de sécurité les meilleurs possibles. Cette vision globale aura pour conséquence une grande cohérence urbaine et architecturale, du percement de la voie jusqu’aux ornements des façades des immeubles en passant par le mobilier urbain. Ce projet d’embellissement de la ville de Paris est soutenu par l’Empereur comme en atteste cet extrait du rapport de la commission des embellissements de Paris, signé Saint Siméon 5 : « Dans le projet d’embellissement de la ville de Paris, l’empereur désire arrêter les règles suivantes : […] - Que, dans les rues nouvelles, la hauteur des maisons n’excède jamais la largeur de la rue. […] - Que, dans les tracés des grandes rues, les architectes fassent autant d’angles qu’il est nécessaire, afin de ne point abattre, soit les monuments, soit les belles maisons, tout en conservant les mêmes largeurs aux rues, et qu’ainsi l’on ne soit pas esclave d’un tracé exclusivement en ligne droite ; […] - Que les travaux soient entrepris sur la rive gauche en même temps que sur la rive droite. […] La limite de Paris sera certainement portée un jour jusqu’à l’enceinte des fortifications. Il faut donc poser pour cette partie future de la capitale des règles précises d’alignements, travail d’autant plus nécessaire que ces localités sont administrées par dix-neuf municipalités différentes qui ne peuvent apporter dans tout ce qui concerne cette branche du service l’harmonie désirable pour concourir à un ensemble utile […] » Lorsque j’ai choisi mon sujet d’étude, le Paris haussmannien, il était évident que la complexité de l’exercice n’était pas le manque d’informations. Haussmann est l’un des acteurs les plus renseignés et les plus documentés sur le développement de la capitale au XIXème siècle. Les ouvrages, documentaires, expositions et conférences à ce propos sont innombrables. On a beaucoup écrit sur le Paris haussmannien, mais aussi sur les mutations géographiques, géologiques, économiques, politiques, sociologiques de Paris au XIXème siècle. Les principaux acteurs de cette histoire, comme Napoléon III ou le baron Haussmann ont fait l’objet de nombreux travaux. Il fallait donc trouver dans ce cadre thématique déjà très étudié, un angle de recherche nouveau. Souhaitant me consacrer à l’analyse d’une percée haussmannienne, j’avais en premier lieu décidé de travailler sur l’avenue de l’Opéra. Mais cette icône parisienne de l’urbanisation haussmannienne 5 APRILE Sylvie, 1815-1870 la Révolution inachevée, Saint-Just-la-Pendue, 8
Belin, 2010, page 104.
était déjà très bien documentée et nous n’avions pas l’impression de pouvoir apporter quelque chose de nouveau. L’ouvrage Autour de l’Opéra, naissance de la ville moderne6, sous la direction de François Loyer est à ce titre une étude majeure sur l’Opéra Garnier mais également sur les caractéristiques de la voie. Les méthodes employées (comme par exemple la morphogénèse, l’historique de percement, l’analyse de ses équipements ou encore l’étude d’îlots types) y sont exemplaires et m’ont beaucoup aidée pour construire ce mémoire. Cet ouvrage explique très bien la dynamique du quartier lancée par la création de l’Opéra Garnier. Les principales avenues ayant déjà fait l’objet de nombreuses études, il était plus judicieux de travailler sur une voie « secondaire » qui regroupe les caractéristiques de la percée haussmannienne. La liste des percées créées sous le Second Empire a donc été établie. En allant directement les visiter et en me renseignant sur les différentes rues, mon choix s’est arrêté sur la rue Gay-Lussac. La motivation de cette décision était son échelle de voie. La largeur de la rue est de 20 mètres, ce qui correspond à une rue type haussmannien selon le règlement de 18847. Les avenues trop larges ou les petites percées ne représentent pas l’ensemble des voies. Malgré son exemplarité, il y a peu d’informations sur la création de la rue Gay-Lussac. Contournant la montagne Sainte-Geneviève, cette voie est indispensable dans le système de connexions des rues par triangulation et de la régulation de la circulation dans le quartier. Cette percée participe encore de nos jours au dégagement des grandes avenues de Paris afin de relier les anneaux concentriques entre eux. Durant la période de recherche de ce mémoire, l’exposition Paris Haussmann8, qui s’est tenue au pavillon de l’Arsenal fut essentielle. Elle nous a notamment permis de distinguer la hiérarchie et la morphologie des voies haussmanniennes qui au final forment une sorte de maillage. Les commissaires de l’exposition, Benoit Jallon et Umberto Napolitano ont classé ces voies en trois types selon une logique essentiellement dimensionnelle. La rue étudiée dans ce mémoire fait partie du réseau secondaire des percées haussmanniennes. Le terme « percée » est généralement défini comme une ouverture pratiquée volontairement dans un édifice, ou dans un espace urbain afin d’y créer un passage ou de dégager un point de vue.9 Toutefois, nous pouvons apporter un complément. En urbanisme et architecture, la percée peut aussi être considérée comme un outil permettant de dégager un espace et une vue sur un paysage ou un monument. L’usager reconnait une ville par deux moyens ; son organisation (plan des rues de façon organique, hippodamien etc.) et l’aspect des rues à travers les façades. 6
DE ANDIA Beatrice, BOURILLON Florence, BRESLER Henri (et al.) Autour de l’Opéra, naissance de la ville moderne, par la délégation à l’action artistique de la ville de Paris, sous la direction de François LOYER, 1995.
7
MORAND-DEVILLER Jacqueline, Droit de l’urbanisme, Section I : l’histoire du droit de l’urbanisme, Paris, ESTEM, 1996. 19.10.19, http://www.bibliotheque.auf.org.
8
LAN, Paris Haussmann, Paris, janvier à mai 2017, Ed. du Pavillon de l’Arsenal, 2017, Page17.
9
phie/percée.
Trésor de la Langue Française Informatisé, 19.10.2017, www.cnrtl.fr/lexicogra9
Stan Neumann, dans son film Paris, le roman d’une ville10, d’après les travaux de François Loyer en 1991 dit : « L’espace de la ville, les rues, les places, les avenues c’est l’espace public qui appartient à tout le monde. La matière de la ville, les bâtiments, les immeubles, c’est le domaine privé qui n’appartient qu’à ses propriétaires. Mais en même temps la façade de l’immeuble appartient à la rue. C’est elle qui lui donne son visage. L’immeuble et la rue forment un couple inséparable. C’est son histoire qui fait la ville.» En plus de nous intéresser à la création de la voie afin de comprendre ses mécanismes et son rôle dans la ville, nous souhaitons inventorier et étudier les façades de la rue Gay-Lussac, car ce sont elles qui, à notre sens, définissent la rue. L’objection serait d’analyser la création de la rue Gay-Lussac mais également ses composantes, à travers la face visible, c’est-à-dire la façade, et cela à différentes échelles. Paris ne serait pas Paris sans ces façades si particulières. Le réseau et les façades forment la ville visible. De prime abord, les rues haussmanniennes paraissent très homogènes, la composition de leurs façades apparaît presque toutes semblable. Une vraie codification régule ces façades, presque immanquablement composée d’une porte cochère, d’un rez-de-chaussée de grande hauteur destiné à l’activité commerciale avec entresol pour le stockage, d’un premier étage dit noble souligné par un balcon filant et tout en haut des combles aménagés en appartements et chambres de service. A travers l’analyse des façades de la rue Gay-Lussac, nous pouvons nous poser plusieurs questions à différentes échelles : Quelles sont les caractéristiques et les mécanismes de la création de la percée haussmannienne ? Les façades haussmanniennes sontelles toutes codifiées et similaires ? Existe-il des particularités propres à la rue Gay-Lussac ?
Dessin personnel, façade 6, rue Gay-Lussac.
Comment se forme cette unité représentative de la percée haussmannienne ? Comment se crée la diversité urbaine au sein d’un système si codifié ? Comment se crée la richesse architecturale au sein de d’une architecture si homogène ?
Le corpus documentaire se divise en deux ensembles. Il repose d’une part sur les archives de la rue (autant sur la création de la voie que sur l’architecture des bâtiments) et d’autre part sur un travail sur le terrain qui s’est décliné sur le mode d’observations, de relevés, de comparaisons in situ. Les archives de la création de la voie sont disponibles aux archives de Paris. Nous avons pu y consulter le dossier de la création de la rue Gay-Lussac, ainsi 10 NEUMANN Stan, Paris, le roman d’une ville, d’après les travaux de François 10
LOYER, Paris Ile-de-France, Les films d’ici 1991
que quelques permis de construire à partir de 1880. Les permis de construire n’étant pas obligatoires lors de la création de la rue avant 1880, il est impossible d’avoir des informations sur les soixante-dix-huit immeubles de la rue. Nous avons pu également accéder au casier sanitaire (c’est-à-dire les relevés sanitaires des immeubles à la fin du XIXème siècle) et au sommier foncier qui fait état des propriétaires de l’époque. C’est pourquoi une autre approche d’analyses des bâtiments fut nécessaire, avec un travail sur le terrain. Dès le départ, notre intention était de comprendre la percée haussmannienne en analysant aussi bien l’urbanisme que les façades. La mise en place de la démarche de recherche a été assez longue. Avant de commencer les investigations dans les archives et dans la rue, il nous a semblé nécessaire d’avoir une vision globale sur l’architecture et la ville au Second Empire. Nous avons lu à cet effet plusieurs ouvrages sur l’urbanisation haussmannienne, sur Paris au XIXème et sur le Second Empire. Si les écrits sur le développement de la capitale à cette période sont abondants, les ouvrages traitant particulièrement de la rive gauche sont rares et il n’y a eu, à notre connaissance aucune analyse spécifique sur la rue Gay-Lussac. Le nom de la rue est simplement évoqué faisant partie des percées de désengorgement du centre de Paris et des principaux boulevards. Il existe un ouvrage sur les découvertes gallo-romaines 11de la rue Gay-Lussac ainsi que des rapports de fouilles sur un ancien couvent datant de la période médiévale12. Après avoir sélectionné la rue Gay-Lussac, la méthode d’analyse choisie s’est inspirée de plusieurs méthodes entrevues au cours de nos lectures. Le principal livre de référence pour cette recherche est Paris XIXème, l’immeuble et la rue, de François Loyer13. Il y contextualise Paris au XIXème siècle et y explique les origines du dysfonctionnement de la ville - son développement à partir de ses vestiges médiévaux de ses anciens tracés, mais également son enchevêtrement de bâtiments, et l’absence de planification urbaine. Dans une deuxième partie, l’auteur explique la prise de conscience de la nécessité d’un nouveau Paris sous la Monarchie de Juillet qui se poursuivra sous le Second Empire. Dans une troisième partie, Loyer analyse les conséquences du Paris post Haussmannien. Paru en 1987, cet ouvrage reste une référence et il est toujours d’actualité. Il s’agit d’une base de travail fondamentale pour l’enquête de la rue Gay-Lussac. François Loyer multiplie dans son étude les approches. Il conjugue les recherches en archives (plans, cartes…) et les observations sur le terrain et met en contexte le développement de la ville, aux prises avec l’histoire politique, technique et la géographie. Les sous-parties sont claires et précises comme par exemple l’innovation technique des éléments architecturaux de la façade par la céramique décorative. L’un des apports les plus précieux dans cet ouvrage consiste en un travail à plusieurs échelles. L’auteur travaille aussi bien sur la ville que sur le quartier où même sur des rues spécifiques afin d’illustrer au plus près ses propos. L’auteur parvient à questionner la typologie de l’immeuble haussmannien non pas à travers son uniformité mais à travers ses spécificités et dans toute sa diversité. 11
Commission du Vieux Paris, urbanisme et Archéologie, les découvertes gallo-romaines de la rue Gay-Lussac (Ve arrondissement) ¸Torcy, ATR, 1985.
12
Site de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, 64 rue Gay-Lussac – 3 rue des Ursulines. 03.04.2017, http://www.inrap.fr/.
13
LOYER François Paris XIXème, l’immeuble et la rue, Paris, Hazan, 1994.
11
Alors que le choix de sujet se dessinait petit à petit, l’exposition Paris Haussmann au Pavillon de l’Arsenal 14 ouvrit fin janvier 2017. La conférence des commissaires d’exposition Umberto Napolitano et Franck Boutté qui s’est tenue le 8 mars 2017 [annexe 9] nous a permis de mieux saisir leur méthode d’approche. Les commissaires d’exposition ont développé une démarche qui est propre : ils ont fait le choix de ne pas s’intéresser au contexte historique, politique et social de l’époque mais se sont limités au strict relevé in situ des façades. Par ailleurs, ils n’ont pas travaillé sur une rue en particulier mais sur des typologies architecturales spécifiques d’immeubles de différentes époques (aussi bien un immeuble faubourien, haussmannien, qu’une barre de grand ensemble). La méthode de travail de l’exposition Paris Haussmann du pavillon de l’Arsenal15 est intéressante. L’étude morphologique et formelle consiste à redessiner les façades afin de pouvoir les analyser méthodiquement. Cela permettrait de pouvoir les comparer et d’établir des invariants (de dimensions par exemple) en plus de comparer la richesse des ornements et de la composition (dans les détails à petites échelles). Les auteurs ont défini quatre outils majeurs pour leur recherche : - Le dessin : le fait de redessiner les façades, plans, axonométrie permet de se libérer du contexte et d’avoir l’état à la création du bâtiment et est toujours actuel. De plus avec les mêmes codes de dessin, les documents sont « au même plan » sans aucune hiérarchie. - La classification : avec les dessins, la classification par échelle est très importante (voir ci-dessous). La classification permet de faire émerger un vocabulaire, des règles, et mettre en relation les différents éléments. - La comparaison : avec cette classification rigoureuse, la comparaison est le meilleur moyen de faire apparaître des spécificités ou des invariants. - La mesure : il est intéressant de faire cette comparaison grâce à la classification à différentes échelles. Prendre les mêmes méthodes pour différents éléments permet de mettre en relation des données et de mesurer leur qualité.
14 15 12
Fiche donnée lors de l’exposition Paris Haussmann au pavillon de l’Arsenal.
Fiche donnée lors de l’exposition Haussmann au pavillon de l’Arsenal.
Paris
Exposition Paris Haussmann, Paris, janvier à mai 2017.
Conférence « Paris Haussmann, modèle de ville » Commissaire de l’exposition Umberto Napolitano et Franck Boutté, Op.Cit. page 5
Après nous avoir exposé leur méthode et outils de travail, les commissaires d’exposition nous ont expliqué leur classification de l’urbanisme haussmannien en trois réseaux, primaire, secondaire (la rue Gay-Lussac fait partie de ce réseau) et le réseau tertiaire selon leur morphologie. La classification se fait par taille et selon le nombre de façades. Le rapport à la rue est toujours le même ainsi que des invariants : le socle, la structure, l’épaisseur, la façade et la hauteur. Selon eux, l’identité urbaine se compose à partir de « microorganismes architecturaux»16, c’est-à-dire de détails (ornement, éléments de garde-corps en fonte, modénatures…). Dans ce mémoire, la méthode employée s’inspire de leur travail mais nous avons souhaité la compléter par une étude du contexte historique, en s’efforçant de maintenir une démarche purement scientifique. Dans l’ouvrage petites leçons d’urbanisme ordinaire Patchworks parisiens de Michaël Darin17, (architecte, historien et professeur d’histoire à l’ENSA Strasbourg), l’auteur se focalise sur les spécificités de la capitale à travers des promenades dans Paris. Son analyse photographique par rapport au voisinage est très intéressante car elle permet de comprendre le contexte de l’immeuble et d’apporter des réponses de composition de façade, en fonction de ses façades voisines. L’auteur classe selon l’échelle et le rapport à la rue les immeubles entre eux (la silhouette, la composition, la couleur, les formes…). Il ne s’intéresse pas à une période de construction en particulier mais plus à la caractéristique stylistique de la ville de Paris par catégorie, ce qui crée selon ses mots un « Patchwork urbain», c’est-à-dire une multitude d’architectures variées mais regroupées de façon thématique. Dans le cadre de ce mémoire, la rue Gay-Lussac est majoritairement construite sur une période courte avec quelques projets postérieurs au Second Empire. Les méthodes employées par ces auteurs précédemment cités se complètent : dans le mode de représentation, classification typologique, et ce à différentes échelles. Pour notre mémoire, nous avons voulu combiner ces modes d’exploration. Il s’agit ici d’illustrer et de comprendre la dynamique de la création de nouvelles voies sous le second Empire à trois échelles, celle du quartier, de la rue et celle de l’immeuble (qui sont évidemment en corrélation). La monographie de la rue Gay-Lussac est faite à partir de plusieurs moyens. De façon générale, les ouvrages et expositions sur le Second Empire et le développement urbain parisien du XIXème siècle permettent de contextualiser la rue Gay-Lussac. Ces informations, applicables à l’ensemble de Paris sont dans un premier temps, illustrées et expliquées à travers des documents propres à la rue Gay-Lussac. Ces derniers proviennent principalement des archives avec des documents administratifs tels que le dossier de la création de la voie, des permis de construire, du casier sanitaire... Des photographies datant du XIXème permettent également d’analyser les composantes de la rue Gay-Lussac, lors de sa création. Toutefois, l’analyse de cette rue archétypale serait insuffisante si la recherche ne se faisait qu’avec des documents d’archives. L’abondance d’informations sur l’urbanisme haussmannien ne comble pas le manque cruel de documents liés à la rue Gay-Lussac. Il est donc nécessaire d’effectuer une analyse architecturale des façades par des relevés personnels à l’échelle de la rue et des façades 16
Idem, Conférence « Paris Haussmann, modèle de ville »
17
DARIN Michaël, Petites leçons d’urbanisme ordinaire Patchworks parisiens, Pizzi, Parigramme, 2012.
13
(inexistants dans les archives), des croquis à main levée de détails d’ornements, la combinaison entre éléments architecturaux au sein de la façade. Nous nous aidons également d’un relevé photographique de la rue Gay-Lussac de toutes les façades, détails ornementaux, éléments distinctifs ou systématiques… Dans un premier temps, nous verrons le mécanisme de création de la percée haussmannienne à l’échelle de la ville, puis dans un deuxième temps, nous présenterons la rue Gay-Lussac à l’échelle de la rue et de ses bâtiments. Enfin, nous nous attarderons sur l’analyse des façades à l’échelle de la composition et des détails.
14
LA RUE GAY-LUSSAC A L’ECHELLE DE LA VILLE A/ Le quartier du Val-de-Grâce: géographie, topologie, histoire.
Avant de se concentrer sur la création de la percée de la rue Gay-Lussac, il semble important de la contextualiser par une présentation géographique, topologique et historique de son environnement. La rue Gay-Lussac est une rue parisienne qui se situe rive gauche, dans le 5ème arrondissement. Cet arrondissement est divisé en quatre quartiers non administratifs mais populaires: le quartier de la Sorbonne, le quartier Saint Victor, le quartier du Jardin des plantes et le quartier du Val de Grâce ; ce dernier est le quartier où se trouve la voie. PL
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Plan du quartier actuel.
La rue Gay-Lussac fait 625 mètres de long sur 20 mètres de large. Elle contourne la montagne Sainte Geneviève. Les 78 numéros vont de l’ordre croissant depuis le jardin du Luxembourg vers l’hôpital du Val de Grâce. Elle dessert la rue RoyerCollard, la rue le Goff, l’impasse Royer-Collard, la rue Saint Jacques, la rue de l’Abbé de L’Epée, la rue des Ursulines. Elle se termine au croisement de la rue d’Ulm et de la rue des Feuillantines.
15
Une histoire millénaire entre sites religieuses et centres universitaires.
antiques,
institutions
Le quartier du Val de Grâce s’étend sur 70.4 hectares depuis la rue Mouffetard au boulevard Saint Michel et du boulevard du Port-Royal à la rue de l’Estrapade. Le Vème arrondissement peut-être considéré comme le berceau de Paris, et des ruines sont encore visibles; les arènes de Lutèce, rue Monge, en sont un exemple. C’était un lieu commercial qui a suscité une grande attractivité et par conséquent, de la richesse. Ancienne carte postale des Arènes de Lutèce, Inconnu.
La géographie du quartier du val de Grâce est un élément également notable. En effet, la montagne Sainte-Geneviève (la sainte patronne de Paris) est une colline naturelle entre la Seine et l’ancienne rivière secondaire, la Bièvre. Le fait d’établir la Cité en hauteur était un atout stratégique. Les abords de la montagne Sainte-Geneviève ont accueilli de nombreux couvents et congrégations religieuses dès le règne de Clovis. Puis au fil de l’Histoire, cette dynamique s’est poursuivie. Les Capétiens ont accordé des terres aux fondations religieuses qui a contribué à l’enrichissement économique et culturel. Proche du quartier de la Cité, la rive gauche devient petit à petit un quartier universitaire. En 1621, Anne d’Autriche acheta un large domaine et ouvrent des couvents (les Ursulines, les Visitandines, les Feuillantines, les Carmélites). Elle fit aussi construire le couvent des Bénédictines qui prit le nom de Val de Grâce. Le quartier doit son nom à la chapelle de l’ancienne Abbaye royale, située rue Saint Jacques1. Aujourd’hui encore nous avons une très forte concentration avec le quartier latin des écoles renommées (dont l’École Nationale Supérieure, les Mines), des hôpitaux (celui du Val de Grâce, Hôpital Institut Curie…). Photo personnelle du Val-de-Grâce
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1 BARRON Sophie, Le Vème arrondissement, itinéraires d’histoire et d’architecture, Action artistique de la ville de Paris, Paris, 2000.
Sur le plan de Roussel datant de 1730, nous pouvons constater ci-dessous le nombre important d’édifices religieux et de monuments. (en noir) Le quartier n’est pas encore urbanisé dans sa totalité mais dans la zone qui nous intéresse, nous pouvons noter le couvent des Filles de la Visitation, celui des Ursulines, des Feuillantines, des Bénédictines et des Carmélites avec le débouché sur l’important Val de Grâce2. Voyons plus en profondeur, l’évolution de ce tissu urbain. Le Vème arrondissement est le berceau de Paris et concentre un important foyer historique à travers les siècles. Afin de comprendre le tissu urbain existant, il est nécessaire d’établir une morphogenèse.
Plan de la ville et des faubourgs de Paris divisé en ses vingt quartiers/ par le Sr Robert de Vaugondy (1723-1786), BNF, C&P, CPL GE DD-2286 (816 B).
XVII-XIXème siècles: un quartier en pleine mutation. Les cartes géographiques sont un excellent outil de comparaison d’un même lieu mais à des époques différentes. L’analyse des relations entre les siècles permet de comprendre la formation du tissu urbain, ses enjeux, son développement. La morphogénèse du faubourg Saint Jacques, puis dans un second temps du quartier du Val-de-Grâce nous permet d’analyser la nomination des quartiers, les relations entre les rues, les parties les plus anciennes et leurs conséquences. La rue Gay-Lussac percée au Second Empire n’aurait pas eu le même emplacement sans cette évolution; c’est pourquoi la morphogénèse est utile.
2 Plan de Roussel, 1730. 21.10.17, http://perso.numericable.fr/parisbal/plans/1730_ Roussel.jpg
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Le quartier a été et est toujours riche en histoire. L’intérêt pour les fouilles archéologiques se développe largement durant le Second Empire. Lors de la conférence des « Destructions haussmanniennes pour l’archéologie »3 , Sylvie Robin nous a mentionné le nom de Théodore Vacquer (1812-1899) qui a révolutionné l’archéologie parisienne par des relevés scientifiques. Théodore Vacquer devient conducteur des travaux de la ville afin de mener des fouilles lors des destructions et avant les reconstructions. L’archéologie est en vogue pendant le Second Empire et les découvertes Gallo-romaines dans la zone vont profiter à la ville de Paris. Elles permettront d’enrichir les connaissances historiques des Parisiens à travers des expositions au musée Carnavalet dès 1880. Théodore Vacquer a entrepris de nombreuses fouilles dans le quartier de la montagne Sainte Geneviève et est responsable, entre autre, de la découverte des arènes de Lutèce en 1869 lors de la percée de la rue Monge, non loin de la future rue Gay-Lussac. Il ne laisse aucun ouvrage ni étude mais fait don de ses découvertes à la ville de Paris à sa mort. Ce n’est qu’en 1912 que l’historien Félix Georges de Pachtère s’intéresse aux travaux de Théodore Vacquer dans Paris à l’époque gallo-romaine4 . A l’heure actuelle, le quartier n’a pas encore livré toute la richesse de son patrimoine gallo-romain. La commission du vieux Paris met au jour des vestiges des différentes strates historiques du quartier, même après la création de la rue Gay-Lussac. Pour citer un exemple, nous pouvons nous renseigner auprès de l’INRAP créé en 2001. L’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives a publié un article le 23 septembre 2009 sur une découverte au 63 rue Gay Lussac et 3 rue des Ursulines. Suite à une étude faite en 2001 sur les restes gallo-romains, l’INRAP s’est rendu compte qu’il se situait dans le périmètre du couvent des Feuillantines fondée en 1622. [Voir ci-dessous]. Il s’agit en l’occurrence d’un tronçon de mur de clôture, de fondations d’un bâtiment annexe de l’abbaye et d’une fosse (vestige alimentaire et vaisselle) .
Article 64 rue Gay-Lussac – 3 rue des ursulines, INRAP, 23septembre 2009, http://www.inrap.fr/64-rue-gay-lussac-3rue-des-ursulines-4268#, 10.11.2017.
Les parties concernent la zone de la rue Gay-Lussac. Elles dépassent les limites chronologiques des parties suivantes, qui s’intéressent à la seconde moitié du XIXème siècle. Toutefois, il semble essentiel de contextualiser la future rue GayLussac dans un quartier chargé d’histoire qui a beaucoup évolué au fil du temps. La compréhension passe pas l’analyse historique de la zone.
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3 Conférence Destructions haussmanniennes pour l’archéologie, Sylvie ROBIN (Conservatrice des collections archéologiques au musée Carnavalet- Histoire de Paris), Pavillon de l’Arsenal, 19.04.2017. 4 DE PACHTERE, Félix George, Paris à l’époque gallo-romaine/ Etude faite à l’aide des papiers et des plans de th. Vacquer, Paris, Imprimerie Nationale, Gallica, 1912.
Afin d’établir une morphogénèse pertinente du périmètre qui nous intéresse, il est utile de faire un choix de cartes qui permettent de comprendre le façonnement du tissu urbain et pourquoi la rue Gay-Lussac a été percée . Sur l’ensemble des plans, seuls les bâtiments phares sont détaillés avec leur volumétrie et pochés en noir. Les îlots urbanisés sont pochés en gris sans distinction entre les bâtiments (comme des immeubles de rapport, les maisons…). Dans notre quartier, les deux principaux édifices majeurs et reconnaissables entre les différentes cartes du XVIIème au XXIème siècles sont le palais du Luxembourg et son jardin, et l’hôpital du Val de Grâce (depuis le XVIIème siècle). Le quartier est peu urbanisé avant le XVIème siècle. Il y a seulement des points importants comme le Palais du Luxembourg. Quelques hôtels particuliers et quelques couvents parsèment le paysage. A partir du XVIIème siècle, nous observons une forte urbanisation de la zone. Le Val de Grâce est créé à partir de 1624 à la demande d’Anne d’Autriche. Le périmètre du couvent des Chartreux (fondé en 1257) est considérablement réduit afin d’agrandir les jardins du Palais du Luxembourg. De nombreux couvents et établissements religieux voient le jour, principalement le long de la rue Saint Jacques, chemin de pèlerinage vers la route de Saint Jacques de Compostelle. Cela est également dû à l’attractivité de la ville et à la concentration dans cette zone. Du nord au sud, nous avons différentes congrégations religieuses : les Visitandines, les Feuillants, Saint Jacques du Haut Pas, le séminaire des Oratoires, les Ursulines, les Bénédictines, les Feuillantines, les Carmélites, le Val de Grâce, Port-Royal, les Capucins, l’institution de l’Oratoire. Les marais et terres agricoles disparaissent petit à petit afin de laisser place aux jardins potagers et maraîchers des établissements religieux. A l’est, le faubourg Saint-Marcel est fortement urbanisé. Cela influence également la densité du faubourg Saint Jacques. Au-delà de l’observatoire, nous nous retrouvons dans la campagne et les terres agricoles. Le faubourg Saint-Michel reste en grande partie agricole ou attaché au couvent des Chartreux.
Plan de la ville et des faubourgs de Paris divisé en ses vingt quartiers/ par le Sr Robert de Vaugondy (1723-1786), BNF, C&P, CPL GE DD-2286 (816 B). Palais du Luxembourg et son jardin Couvent des Chartreux Futur tracé de la rue Gay-Lussac
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Sur le plan de Roussel5, en 1730 , nous pouvons remarquer des rues encore existantes qui ont été plus ou moins remaniées. La rue qui longe le Palais d’Orléans (ou le Luxembourg) et le clos des Chartreux se nommait la rue d’Enfer. La rue Saint Jacques n’a pas changé. Entre ces deux voies principales, des rues secondaires afin de desservir des habitations mais de nombreuse communautés religieuses sont lisibles sur le plan. En l’occurrence, il y en a quatre. Les deux rues parallèles et perpendiculaires entre les deux rues principales sont la rue Saint Thomas et la rue Saint Dominique. Nous pouvons supposer que ces deux rues sont les prémisses d’une partie de la rue Malebranche actuelle et celle de la rue Royer-Collard. Ces deux rues étaient coupées par une troisième ; le chemin de Sainte-Catherine, qui débouchait sur un cul-de-sac afin d’accéder au couvent des Feuillantines. Cela serait l’actuelle impasse Royer-Collard. Plus au sud, toujours entre les deux axes principaux se trouvait la rue du Cimetière Saint Jacques, proche de Saint Jacques du Haut Pas. Dans le tissu actuel du XXIème siècle, il s’agit de la rue de l’Abbé de l’Epée. L’église Saint-Jacques du Haut Pas est toujours présente à l’angle de la rue et celle de la rue Saint Jacques.
Plan de la ville et des faubourgs de Paris divisé en ses vingt quartiers/ par le Sr Robert de Vaugondy (1723-1786), BNF, C&P, CPL GE DD-2286 (816 B). Rue Saint-Jacques Rue Saint Thomas et Saint Dominique Zone des anciens tracées toujours existants Chemin de Sainte Catherine
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Plan de Roussel, 1730. 21.10.17, Op.Cit page 15.
En 1739, le plan de Turgot6 en axonométrie nous montre bien le rapport entre espace bâti et espaces maraichers. La rue Saint Jacques et la rue d’Enfer sont fortement urbanisées avec des cœurs d’îlot en culture. La limite entre ville et campagne se situe toujours au niveau de l’Observatoire et de l’oratoire de Jésus (dit l’institution). Au-delà, se trouve des terrains agricoles et une multitude de moulins représentés (exemple : moulins à Tour des Maturins ruiné, le moulin des Charbonniers).
Plan de Turgot, Michel Etienne Turgot, 1734-1739, BNF, C&P, GESH18PF37DIV3P56.
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Plan de Turgot, Michel Etienne Turgot, 1734-1739, BNF, C&P, GESH18PF37DIV3P56. 21
Le plan Verniquet de 17907 indique seulement les édifices religieux et les édifices de pouvoirs et ignore le tissu urbain de logements. Toutefois, ce plan est intéressant dans la mesure où dès 1784, ce quartier se retrouve dans l’enceinte de Paris avec la Barrière des Fermiers Généraux. Nous pouvons observer également que Paris s’étend au sud et à l’est du quartier étudié. Cela est sûrement dû à la topographie, mais également à cause de l’affluent de la Seine ; la Bièvre. Il est impossible de voir l’étalement urbain sur cette carte mais une concentration d’édifices remarquables (manufactures, établissements religieux, hôpitaux, hôtels particuliers…) apparaissent dans l’enceinte dans Fermiers Généraux et même au-delà.
Plan de la ville de Paris avec sa nouvelle enceinte levé géométriquement sur la Méridienne de l’Observatoire par le C. Verniquet, 1790, http://paris-atlas-historique.fr/10.html, 12.11.2017.
Le tracé de l’ancienne rivère de la Bièvre à Paris a sûrement été un facteur attractif pour les parisiens. Il se développe à l’est du quartier Saint-Jacques. Nous pouvons voir sur la carte IGN de Géoportail le repère de l’hôpital du Val-de-Grâce, situé au sud de la rue Gay-Lussac.
L’événement de la Révolution française en 1789 est une étape importante pour le quartier. Les biens sont nationalisés et une prise de conscience d’embellissement de la ville voit le jour. Il n’y a pas de financement de la part de la ville ni du Roi mais des projets émanent des architectes et des financiers. 7 Plan de la ville de Paris avec sa nouvelle enceinte levé géométriquement sur la Méridienne de l’Observatoire par le C. Verniquet, 1790, http://paris-atlas-historique.fr/10.html, 12.11.2017. 22
Nous pouvons prendre en cas d’étude le plan des projets d’embellissement de Charles de Wally (1772-1798) en 17928. Les parties en rouge seraient des interventions pour embellir Paris. Nous pouvons remarquer que la zone étudiée est concernée. En effet, la démolition du Clos des Chartreux est envisagée afin d’agrandir et d’embellir le palais du Luxembourg, la création de nouvelle voie vers Sainte Geneviève (l’actuel Panthéon). En légende sur la carte, nous pouvons lire, à propos du Luxembourg : « L’ancien Palais du Luxembourg n’ayant aucune commodité dans sa distribution, ni une étendue suffisante pour l’habitation de MONSIEUR, l’on propose d’y suppléer par un nouveau Palais la partie supérieure du grand parterre qui le précédait noblement et formerait sa cour d’Honneur. L’ancien Palais pourrait servir d’habitation aux Grands Officiers de la Maison. On réunirait par ce moyen plusieurs avantages, celui de conserver un ancien Palais construit dans un très bon genre, de donner à l’Habitation de MONSIEUR toute la dignité dont elle est susceptible. On supprimerait les Chartreux qui ne font qu’obstruer tout le quartier, ce qui donnerait la facilité de prolonger le nouveau jardin jusqu’au boulevard en face de l’Observatoire, en sorte que ce Monument puisse servir de point de vie au Palais. Ce nouvel établissement procurera à ce quartier reconnu un des plus fains de Paris, la facilité de vendre avantageusement tous les terrains reflants de l’ancien jardin du Luxembourg pour suppléer aux dépenses9. » Cette notice reflète la volonté d’embellissement du quartier par un agrandissement du jardin du Luxembourg et la fermeture de certains établissements religieux. Nous remarquons sur ce plan la masse bâtie en habitations (et plus seulement en jardin potager). Les voies n’ont pas changé par rapport aux cartes précédentes mais l’importance des édifices religieux qui sont restés est considérablement réduite. Il reste néanmoins les Filles de la Visitation, les Ursulines, Saint Jacques du Haut Pas, les Feuillantines, les Carmélites, et le Val de Grâce, puis les Capucins et Port Royal.
Plan général du projet d’embellissement de la ville de Paris, 1785, BNF, C&P, GE C-4384 (RES)
8 Plan général du projet d’embellissement de la ville de Paris par Charles de Wally, 1785, BNF, C&P, GE C-4384 (RES). 9 Plan général du projet d’embellissement de la ville de Paris, Loc.Cit,.
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En 1821, le plan lavé topographiquement de la ville de Paris, établi par Nicolas Maire10 exprime la désuétude des édifices religieux pour davantage de logements. En effet, la légende indique que la couleur noire est les « édifices publics », la teinte rose représente les « massifs de maisons », en vert les « jardins remarquables» et en rose/vert les « cultures et champs ». Saint Jacques du Haut-Pas et le Val de Grâce n’ont pas changé. Toutefois, en face, se situe désormais un institut pour sourds et muets (aujourd’hui l’Institut National des Jeunes Sourds INJS) et la maison des filles de la Visitation devient la maison du Refuge. Les autres établissements ont disparu. Ce plan fait partie d’une série de plans réalisés par Nicolas le Maire, la même année en 1821. Il y a également les égouts de Paris, les chantiers à bois de Paris, le plan des inondations de Paris, Tracé des conduits d’Eaux qui alimentent les fontaines de Paris etc.
Plan lavé topographiquement de la ville de Paris par Maire, Geog, 1821, www.davidrumsay.com.
C’est à travers différentes analyses de cartes que nous parvenons à comprendre l’évolution du quartier et son tissu urbain. Jusqu’à présent, nous avons vu les modifications entreprises jusqu’au XVIIIème siècle. L’intervention du baron Haussmann va considérablement modifier le quartier. Mais avant, il est essentiel de faire un dernier point sur la situation dans les années 1850 afin de comprendre le tissu urbain juste avant le commencement des travaux.
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10 Plan lavé topographiquement de la ville de Paris par Maire, Geog, 1821, www. davidrumsay.com.
B/ Avant Haussmann. Le plan des travaux pour la commission des embellissements de Paris 1853185411 est un plan qui indique les grandes artères existantes et les grandes artères à ouvrir. Il est établi par le comte Henri Siméon12. Une réelle prise de conscience à propos de l’urgence de la rénovation urbaine émerge. Il faut assainir la ville et renouveler les habitations, désenclaver le centre, le relier aux portes de la ville et relier les gares entre elles par de grandes artères. Ce plan est une restitution (la plus fiable) d’après une lettre de l’Empereur sur le programme des embellissements.
Plan des propositions de la Commission du comte Siméon, surcharge à l’aquarelle du plan itinéraire de Paris publié par Andriveau-Goujon en 1853, Bibliothèque administrative de la ville de Paris, 1853. Bibliothèque de l’Hôtel de ville, MS 1783- sur autorisation.
En jaune sont représentés les boulevards existants, et en bleu les grandes artères qu’il serait nécessaires d’ouvrir. Nous avons sur ce plan les prémisses de la rue Gay-Lussac. Le tracé bleu n’emprunte pas le même cheminement. Il était censé partir depuis la place de l’Odéon, couper la rue Soufflot, rejoindre la rue de l’Estrapade (actuelle place de l’estrapade et rue Lhomond) et poursuivre son chemin rue Mouffetard (actuelle Avenue des Gobelins) et se terminer sur la place d’Italie. La percée aurait été coupée par quatre grands axes dont deux 11 Plan des propositions de la Commission du comte Siméon, surcharge à l’aquarelle du plan itinéraire de Paris publié par Andriveau-Goujon en 1853, Bibliothèque administrative de la ville de Paris, 1853. Bibliothèque de l’Hôtel de ville, MS 1783- sur autorisation. 12 Plan des propositions de la Commission du comte Siméon, Loc.cit,
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existants ; la rue de l’Est (actuel boulevard Saint Michel) et la rue Saint Jacques. Cette commission, créée par Napoléon III le 2 août 1853 a laissé peu de traces puisqu’elle s’est dissoute cinq mois plus tard après le désapprouvement d’Haussmann écrivant dans ses Mémoires : « La Commission me semble être beaucoup trop nombreuse pour faire un bon travail. » « Je n’entendis plus parler de la commission des grands travaux de Paris. Elle mourut d’inanition et son existence éphémère ne laissa ni trace, ni regrets, sauf le désappointement que certains de ses membres durent éprouver de la fin de son mandat. Le grand public Parisien avait ignoré jusque-là sa venue au monde : il n’eut pas à s’émouvoir de son enterrement silencieux.13 » Ce plan n’était pas une base de travail mais a pu inspirer les travaux réalisés par la suite. Nous pouvons citer en exemple l’avenue Georges V, la rue du QuatreSeptembre, l’avenue de la République et Philippe Auguste qui sont des percées réalisées sur les emplacements exacts du plan14. Concernant la zone du faubourg Saint Jacques dans les années 1850 , les principaux changements se situent petit à petit au niveau de la fermeture des établissements religieux. En effet, il ne reste que les Visitandines (rebaptisées les Dames de Saint-Michel), et l’Eglise Saint Jacques du Haut Pas. Le Val de Grâce est réhabilité en Hôpital militaire. Auprès de cet établissement se situent l’Hôpital du Midi, une maternité, l’Hôpital Cochin, et l’Hospice des enfants trouvés. Au-delà de l’enceinte de Thiers (établie entre 1841 et 1844) dans sa continuité (actuelle avenue Denfert-Rochereau) se situe l’Hospice La Rochefoucauld. Des écoles sont également créées comme l’Ecole des Mines, ou encore l’Ecole Normale Supérieure. Plus au nord du quartier latin, se condensent une multitude d’universités, collèges et lycées. Cette mutation des équipements est l’évolution logique des services hospitaliers et éducatifs qu’offraient les congrégations religieuses. Le cimetière du Sud (actuel cimetière du Montparnasse) voit le jour. Nous remarquons que la densité immobilière s’accroît en dépit des espaces potagers / maraichers. Au-delà de l’enceinte de Thiers, de nouvelles polarités se forment telles que Plaisance, Montrouge, Gentilly.
HUARD Michel, Carte Paris en 1850, paris-atlas-historique.fr, 2012.
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HAUSSMANN, Georges Eugène, Mémoires, grands travaux de Paris 1853-1870, Condé-sur-Noireau, Guy Durier,1979. PINON Pierre, Atlas du Paris Haussmannien, Paris, Parigramme, 2002.
Le préfet antérieur au baron Haussmann est Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau sous le gouvernement de Louis-Philippe. Il a essayé de lancer une campagne de modernisation des voies et de la circulation avant Napoléon III. C’est le cas de la rue de Rivoli commencée dès 1848 (date de déclaration d’utilité publique) par exemple. Cependant, ses interventions sont restées très timides par le gouvernement avec des ressources trop limitées. La percée de la rue Gay-Lussac n’était pas programmée dès le commencement des travaux avec le plan de 1853. Certaines voies, comme la rue Gay-Lussac, n’apparaissaient pas dans les plans d’ensembles. La création de la voie a été rendue possible d’après la volonté du baron Haussmann. Dans ses Mémoires15, il dit : « Quant aux voies contournant la montagne Sainte-Geneviève, elles sont dues à ma connaissance personnelle du quartier. L’Empereur les substitua dans son plan à des combinaisons moins simples et moins efficaces. » Haussmann connaissait mieux le quartier que l’Empereur. Il comprenait le dénivelé et la concentration de circulation dans la rue Saint Jacques, délaissant les voies annexes, mal agencées. Il faut remettre en contexte la circulation de ce quartier. A cette époque, la rive gauche est assez peu reliée directement à la rive droite. En effet, seule la rue Saint-Jacques, historiquement importante reconnu pour être la voie du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle, traverse la ville par un axe Nord/Sud. Toutefois le quartier est relié à l’île de la Cité par quatre ponts, ce qui est assez dense. La distance à traverser de la Seine est moins importante puisqu’elle se fait en deux fois). Cependant, nous pouvons remarquer sur le plan de 182116 que le quartier Saint Jacques est dépourvu d’avenues et de voies claires. De nombreuses petites rues sinueuses quadrillent l’espace urbain parsemé d’édifices religieux. Le jardin du Luxembourg est toujours aussi remarquable. A l’emplacement du futur tracé de la rue Gay-Lussac, nous pouvons voir la rue Saint-Jacques, la rue d’Ulm pour l’axe Nord/ Sud et trois rues perpendiculaires qui les franchissent, la rue Saint-Thomas, la rue Saint-Dominique, et la rue des Ursulines. Un cul-de-sac, celle des Feuillantines permettait d’aller en cœur d’îlot. A l’époque, la zone étudiée était divisée en deux quartiers ; celui de la Sorbonne et celui de l’Observatoire. Plan lavé topographiquement de la ville de Paris par Maire,1821. Rue Saint-Jacques Futur tracé de la rue Gay-Lussac
A présent, nous pouvons nous intéresser à l’histoire de la création de la percée Gay-Lussac à travers ses acteurs, son contexte par rapport au Second Empire et sa mise en place. 15 16
HAUSSMANN, Georges Eugène, Op.cit. page 24. Plan lavé topographiquement de la ville de Paris, par Maire, Geog Op.Cit. page 22.
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C / L’invention de la rue haussmannienne; une coopération inédite entre secteurs publics et privés La création d’une percée est une opération complexe qui mobilise des compétences très diverses. Chaque acteur a son rôle à jouer, du point de vue administratif lors de la mise en place de la création de la voie, de son financement, de sa gestion, de sa création physique de la voie et ou bien encore de son utilisation. L’ensemble forme une sorte d’orchestre où chaque musicien est, dans ce cas, acteur et permet une harmonie. Il y a de nombreux acteurs nécessaires afin de créer une percée. Il existe sous le Second Empire un système très hiérarchisé qui s’organise au fil des années. Le commanditaire principal est l’Empereur Charles-Louis-Napoléon Bonaparte (Napoléon III) qui demande la gestion et l’organisation du bon déroulement des travaux à Georges Eugène Haussmann, alors préfet de la Seine. Le préfet aura également son avis sur la question des percées puisqu’en l’occurrence, la rue Gay-Lussac est son idée. L’aménagement de Paris nécessite des spécialistes issus de diverses domaines. Le responsable des égouts de Paris est Eugène Belgrand, celui des promenades et jardins, Adolphe Alphand. On doit aussi citer les architectes comme Victor Baltard, Gabriel Davioud, Charles Garnier, mais aussi des banquiers et investisseurs privés tels que les frères Péreire et la famille Rothschild. Haussmann réorganise tout le service administratif avec des méthodes d’actions spécifiques à chaque service. Pierre Pinon nous explique dans son ouvrage Atlas du Paris Haussmannien 17les démarches d’une création de voie. Les travaux sont encadrés par l’Etat mais peuvent être financés de différentes manières, notamment par des investisseurs privés demandant des emprunts. L’Etat ne peut, à lui seul mener de front tous les chantiers et leurs financements. Contrairement au préfet précédent, Rambuteau, Haussmann n’hésite pas à emprunter. Petit à petit le système de financement se met en place pour pouvoir fournir les moyens suffisants afin de financer les percées suivantes. C’est la mission du ministre de l’Intérieur de 1852 à 1854, Victor de Persigny, qui travaille avec d’autres acteurs afin de créer des montages financiers. Il sera apprécié puis critiqué dans la fin des années 1860. En effet, les emprunts de la ville deviennent colossaux et cette politique d’emprunts sera dénoncée et participera entre autres à la chute de l’Empire. Il y a de nombreuses critiques et pamphlets à l’encontre du Préfet. Nous pouvons citer Les comptes fantastiques d’Haussmann18, de Jules Ferry en 1868. L’acteur public de l’Etat est visible à travers le propre investissement de ses fonds (visible avant le Second Empire avec la rue Rambuteau par exemple), mais encore par emprunt de la part de l’Etat ou encore une mixité des financements avec une partie privée et des subventions de la part de l’Etat ; le compte de Régie. Il est nécessaire de mélanger, varier les modes de financement afin de trouver une sorte d’équilibre si l’un des modèles de financement échoue. Toutefois, l’Etat ne suffit pas pour gérer tous ces travaux. C’est pourquoi il intègre des investisseurs privés. Ce sont, d’après le Duc de Persigny des « dépenses productives19 » , des investissements onéreux mais qui, à plus ou moins long terme, seront bénéfiques pour les investisseurs privés. C’est une spéculation de la ville aussi bien pour l’Etat que les acteurs privés. L’Etat « s’enrichit » ou du moins peut réinvestir dans de nouveaux travaux avec les intérêts des emprunts des particuliers (à raison
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17 PINON Pierre, Atlas du Paris Haussmannien, Op.cit page 24. 18 FERRY Jules, les comptes fantastiques d’Haussmann, 1ère Ed. 1867, Condé-surNoireau, Guy Durier, 1979. 19 VALENCE Georges, Haussmann le Grand, Paris, Flammarion, 2009.
d’environ 5% par an) et les investisseurs privés investissent dans des parcelles de la rue afin d’y construire des logements. Pour la création de la rue Gay-Lussac, il s’agit d’un acteur privé, Alexandre Legrand qui a emprunté à la ville de Paris. Legrand et sa société sont acteurs de plusieurs percées. Nous pouvons citer en exemple un tronçon du boulevard Haussmann en 1857, et la rue Claude Bernard en 1895, qui est le prolongement de la rue Gay-Lussac. La compagnie Legrand est une société civile constituée le 5 mars 1863. Legrand en est l’administrateur et le mandataire général et s’accompagne, en tant que membre de la société de Louis Gabriel Boucart (fabriquant de cuirs), Eugène Jean Boucart (mécanicien), Victor Alphonse Boucart (opticien), Jean Hippolyte Macé (marchand épicier) et tuteur naturel et légal de ses quatre enfants : Jean Hippolyte Macé, Jenny Léonite Macé, Gabriel Léon Macé, Gabriel Eugène Macé ; Jean Charles Signol (propriétaire), Adélaide Arsène Arnoux (Veuve), Louis Charles Guerbois, Marie Cécile Lepecq (propriétaire)20. Legrand est le représentant auprès de l’administration ; dans les archives de la création de la voie Gay-Lussac, seul son nom figure dans le Traité principal et seule sa signature est apposée. [Annexe 3] Tous les traités et documents sont signés chez un notaire. Le notaire principal de la création de la voie est Jules Emile Delapalme21. Un second notaire, Ducloux apparait également. Il semblerait être à la même étude que Delapalme. La soumission de Legrand auprès de la ville, tous les actes d’expropriation, les actes de propriétaires, le suivi en justice de Legrand [que nous évoquerons par la suite brièvement], et les transferts d’argents du compte de Régie vers Legrand sont signés à l’Etude. Les habitants ont également un rôle à jouer. Ils interviennent à deux niveaux. Les habitants de l’ancien tissu qui est projeté en nouvelles voies sont perdants. Ils vont être expropriés pour la plupart, aussi bien les propriétaires que les locataires en échange d’un dédommagement pécuniaire. Dans la majorité des cas, la plus-value des terrains donnant sur une nouvelle augmente considérablement augmentée. La qualité de vie augmente, les loyers aussi due aux conséquences spéculatives immobilières.
Satire Le journal pour Rire (4 mars 1854, numéro 127), La rue de Rivoli prolongée, Gravure de Chagot, Musée de Carnavalet, PMVP/ Cliché Ladet).
20 Acte complémentaire n°4 du Traité entre la ville de Paris et Legrand, Quittance par la congrégation de Saint Michel à la ville de Paris, Archives de Paris, VO11 1342.[Annexe 6]. 21 « Article 15 : le lieu où se passe les exécutions : soit rue de Grammont n°25 pour le préfet de la Seine, soit à l’étude de Cucloux pour les mandats avec Legrand. » Article datant du 8 aout 1863, 3ème acte complémentaire du traité entre la ville de Paris et Legrand, VO11 1342.
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Lorsque leur parcelle concernée est seulement « amputée », les propriétaires doivent respecter les conditions d’aménagement de la voie22. [voir I.E]. Un tableau a été dressé à la suite d’un contentieux entre Legrand et la ville de Paris qui décrit la situation des immeubles expropriés, le nom des propriétaires et des locataires, le montant des indemnités allouées et des intérêts, la date des paiements par la caisse des Dépôts. En ce qui concerne la rue Gay-Lussac, dix-huit propriétaires ont été expropriés pour une somme totale de 206 477.75 francs ou 232 209. 05 francs avec les intérêts. Nous avons pu remarquer qu’un seul propriétaire a posé quelques problèmes de coopération avec une poursuite judiciaire23. [Annexe 4] Une fois le processus d’expropriations achevé, la création de la voie peut commencer et les constructions peuvent débuter. Il est important de souligner le rôle de ces intervenants autant au niveau de la rue, comme pour la création des égouts en infrastructure, que la création de la voierie en aménagements (trottoirs, mobiliers urbains…) qu’en superstructure : les architectes, maîtres d’œuvre et maître d’ouvrage. Nous pouvons remarquer que les architectes sont très présents au sein de la construction de la rue Gay-Lussac. Nous en citons deux exemples : les frères Bercioux24 ou encore Charles Ziegler25, qui avec leurs deux agences, ont réalisé au moins quinze immeubles parmi les 78 numéros et les 64 immeubles présents dans la rue gay-Lussac.
D/ La rue Gay-Lussac; une composante du système de voirie haussmannien. Période de construction et réglementations La rue Gay-Lussac fait partie d’un large système de création de voies et de métamorphoses de la ville de Paris durant le Second Empire qui s’étend de 1852 à 1870. Cependant avant d’expliquer les qualificatifs de ces changements, il est utile de présenter les principales réglementations qui s’appliquent à ces changements. Contrairement aux idées reçues, les lois et décrets mis en place sous le Second Empire ne sont pas nombreux mais proviennent du Premier Empire (1804-1814) et de la monarchie de Juillet (1830-1848). Deux lois majeures sont à mettre en avant. La première est la loi du 16 septembre 1807 « relative au dessèchement des marais » où le plan d’embellissement et d’alignement devient obligatoire. Des lois évoquant l’alignement avaient déjà été établies mais sans caractère autoritaire, davantage pour la commodité de circulation. La loi du 16 septembre 1807 et son article 52 cite :
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22 Satire Le journal pour Rire (4 mars 1854, numéro 127), La rue de Rivoli prolongée, Gravure de Chagot, Musée de Carnavalet, PMVP/ Cliché Ladet). 23 En effet, dans une lettre de monsieur Legrand au Sénateur, préfet du département de la Seine du 22 octobre 1867 qui demande un versement de la part du compte de Régie, il évoque monsieur Château. Legrand explique que les expropriations sont terminées à l’exception d’un, qui résiste. Il est prêt à avancer la somme demandée afin de ne pas bloquer le processus. [annexe 2] 24 Les numéros 44, 58, 62, 70, 72, 76 et 78, rue Gay-Lussac sont signés par les Frères Bercioux 25 Les numéros 3, 37,47, 48, 50, 52, 56 et 60, rue Gay-Lussac sont signés par C. Ziegler.
« Lorsqu’un propriétaire fait volontairement démolir sa maison, lorsqu’il est forcé de la démolir pour cause de vétusté, il n’a droit à l’indemnité que pour la valeur du terrain délaissé, si l’alignement qui lui est donné par les autorités compétentes le force à reculer sa construction26. » Pour les futurs percements, les propriétaires devront respecter le plan voté par le Préfet, et le conseil d’Etat. Les habitations existantes devront s’aligner lors des prochains travaux d’embellissement des édifices. Ce sont les riverains qui financent leurs travaux et ne reçoivent aucun dédommagement pour leur éventuel recul sur leur parcelle. En effet, la ville s’engage à la création et l’entretien des voies. Ces dernières, alors embellies, augmenteront la plus-value des bâtiments. Cette plus-value reviendra aux propriétaires. Les terrains ayant pris de la valeur, les taxes foncières augmentent au profil de la ville, qui pourra alors poursuivre les travaux ailleurs. Toutefois, la procédure est longue. Le plan d’alignement est établi mais n’est applicable qu’au bon désir des propriétaires. Il faut attendre qu’un bâtiment tombe en ruine pour pouvoir l’aligner à la rue. La loi du 8 mars 1810 va permettre les expropriations pour cause d’utilité publique. Elle fixe les conditions d’indemnités des expropriés. Mais cette dernière est critiquée par son trop grand pouvoir d’exécution de la municipalité. Elle est remplacée par la loi du 7 juillet 1833. Cette loi propose aux propriétaires en amont de l’expropriation des offres pour leur terrain. Dans le cas où le particulier refuse, c’est alors qu’une démarche d’expropriation se met en place. Le dossier passe en justice qui vérifie la légalité de la demande et fixe alors le montant des indemnités. Cette loi est plus précise et permet des expropriations plus rapides27. La loi du 3 mai 184128 réduit les délais de procédure. Elle concerne en particulier les expropriations pour la création des chemins de fer et gares. Le décret du 26 mars 1852, alors que le Second Empire ne sera proclamé que le 2 décembre 1852, encore sous la Seconde République, apporte plusieurs précisions. Différents éléments rentrent en jeu. L’article II lève le sujet de la salubrité ; « l’argument de la salubrité, sans être fallacieux, répond aussi aux objectifs d’accès à la plus-value et de modernisation architecturale29 » . L’article stipule également que « Le propriétaire qui ne veut pas acquérir l’avancée est exproprié pour l’ensemble de sa parcelle ». Cela est révélateur du caractère autoritaire de cette loi. Il ne s’agit plus d’attendre l’alignement (comme avec la loi de 1807), mais de le provoquer. L’article III concerne le nivellement de la rue ; « tout constructeur de maisons, avant de se mettre à l’œuvre, devra demander l’alignement et le nivellement de la voie publique au-devant de son terrain et s’y conformer30 ». L’article VI demande de se raccorder aux égouts si ceux-ci sont présents dans la rue31 . L’article VIII demande au premier propriétaire des 26 Article 50 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchent des marais, www. legifrance.gouv.fr, 10.11.2017. 27 BONDON Anne, La transformation de Bourges, Colmar et Laval entre 1789 et 1848 , thèse sous la direction de Pierre PINON, 2009, http://octaviana.fr/ document/145514145#?c=0&m=0&s=0&cv=0, 01.12.2017 28 GIBELIN J-A, Expropriation pour l’exécution de la loi du 3 mai 1841, Draguignan, H. Bernard, Gallica, 1843. 29 PINON Pierre, Atlas du Paris haussmannien, Op.Cit. page 24. 30 Article III du décret du 26 mars 1852 relatif aux rues de Paris, www.legifrance.gouv.fr, 10.11.2017. 31 « Toute construction nouvelle dans une rue pourvue d’égouts devra être disposée de manière à y conduire ses eaux pluviales et ménagères. La même disposition sera prise pour toute maison ancienne en cas de grosses réparations, et, en tout cas, avant dix ans. » Article VI du décret du 26 mars 1852 relatif aux rues de Paris, www.legifrance.gouv.fr, 10.11.2017.
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nouveaux immeubles de financer à ses frais les travaux devant leur parcelle32. Enfin l’article IX de ce décret stipule que les articles précédents sont demandés par arrêté préfectoral33 . Nous pouvons donc conclure qu’à partir de 1852, le contrôle administratif devient obligatoire (alignement et nivelage de la voie publique devant son terrain). Nous verrons par la suite que ces règles sont appliquées et expliquées plus en détail dans le règlement de la création de la voie Gay-Lussac, disponible aux archives de Paris. Le règlement de 1859 régularise la hauteur des bâtiments. Il stipule que pour les voies de plus de vingt mètres, la hauteur de corniche est reportée à 2.5 mètres plus haut (par conséquent, nous passons de 17.5 mètres à 20 mètres), afin d’accentuer la monumentalité des immeubles et de densifier également les immeubles de rapport34. Les combles doivent s’inscrire dans une diagonale de 45 degrés. Ce paramètre sera modifié après la chute du Second Empire, avec le décret du 1884 par Jean-Charles Alphand, qui permet de construire un double niveau dans les combles.
Schéma de gabarit selon la largeur des voies, d’après Paris XIXème, l’immeuble et la rue
Il ne s’agit que de recommandations hygiéniques, esthétiques et formelles. Toutefois les architectes-voyers se sont petit à petit contraints à ces consignes. Le parcellaire se découpe de façon plus régulière et les façades ne sont plus autonomes, elles doivent respecter une cohérence entre elles. Néanmoins, c’est durant le Second Empire que Paris s’est métamorphosée. Il y a eu des commencements de percées sous le mandat de Rambuteau comme la rue de Rivoli par exemple. Les principales raisons de ces percées sont l’embellissement de la ville pour l’intérêt général. Paris est saturée, sa circulation est mal organisée, sans aucune cohérence. Certains quartiers sont enclavés sur eux-mêmes. C’est le cas pour le quartier Saint Jacques qui hormis la rue Saint-Jacques avait un tracé peu commode et saturé. Il est évident qu’il faut relier les quartiers entre eux. Il n’y a pas de voies larges et rapides qui connecte les quartiers. La rive gauche, rive plus ancienne a longtemps été délaissée. Les premières constructions haussmanniennes ont d’ailleurs eu lieu sur la rive droite à l’ouest, quartier encore peu urbanisé et attractif de la bourgeoisie. La deuxième raison est l’accroissement de la population. 32 « Les propriétaires riverains des voies publiques empierrées supporteront les frais de premier établissement des travaux d’après les règles qui existent à l’égard des propriétaires riverains des rues pavées » Article VIII du décret du 26 mars 1852 relatif aux rues de Paris, www. legifrance.gouv.fr, 10.11.2017. 33 « Tout ou partie des dispositions du présent décret pourront être rendues applicables, par arrêté préfectoral, à celles des villes qui en feraient la demande. », Article IX du décret du 26 mars 1852 relatif aux rues de Paris, www.legifrance.gouv.fr, 10.11.2017. 34 LOYER François, Paris XIXème, l’immeuble et la rue, Op.cit page 9
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Avec le développement des voies de chemin de fer et l’attractivité de la capitale, Paris se densifie sans s’organiser35. Les objectifs concernent également la vision de la ville. C’est un enjeu politique de rayonnement de Paris et par conséquent, de la France. Napoléon III s’est inspiré de la ville de Londres lors de son exil avant d’accéder au pouvoir et souhaite le transcrire à Paris. Il souhaite également désengorger Paris afin de pouvoir contrôler plus facilement le déplacement de la population en cas d’émeute. Avec des larges voies de circulation, les forces de l’ordre peuvent facilement intervenir. L’image de Paris passe aussi par sa salubrité. De nombreux bâtiments sont inadaptés et obsolètes, cela induit des maladies (tuberculose, choléra en masse)36 . Percer de nouvelles voies induit le fait qu’il faut reconstruire sur l’ancien tissu et donc assainir les logements. Il faut assainir Paris, l’agrandir ; réguler les flux et supporter l’annexion des communes voisines en 1860.
Plan des arrondissements de Paris, avant et après 1860, Atelier Lacombe, Archives de Paris
Le dernier point concerne la question esthétique, il faut embellir Paris, et cela passe par l’architecture des habitations, des monuments parisiens, de ses poumons verts, de son mobilier urbain, de sa cohérence et de sa cohésion à l’échelle de la ville entière. Nous avons vu les principales motivations de ces travaux, à présent, observons la cohésion de ces aménagements par rapport à la ville entière. 35 « La nécessité de transformer Paris, en vue d’un accroissement considérable de la population, résultat certain, conséquence forcée du rayonnement des grandes lignes de chemin de fer qu’on s’occupait fébrilement d’étendre, jusqu’au fond de nos provinces les plus éloignées, et par les jonctions avec les réseaux étrangers, jusqu’au bout de l’Europe. Afin de rendre accessible et habitables les vastes espaces demeurés improductifs sur les points extrêmes de la ville, on devait d’abord la percer de part en part, en éventrant les quartiers du centre », HAUSSMANN, Georges Eugène, Mémoires, grands travaux de Paris 1853-1870, Condé-sur-Noireau, Guy Durier,1979. 36 MAUDIT Xavier et ERGASSE Corinne, Flamboyant Second Empire, et la France entra dans la modernité, chapitre 7 : santé et social, Malakoff, Armand Colin, 2016. 33
L’intégration de la rue à l’échelle de la ville. Durant l’exposition Paris Haussmann37, au pavillon de l’arsenal, une analyse des voies a été réalisée en fonction de leur morphologie. Elle distingue trois réseaux après l’étude des données de l’Opendata 2016 ; le primaire (largeur de 70 mètres (ils font référence à l’avenue de la grande Armée), à 21 mètres), secondaire (largeur comprise en 20 et 8 mètres) et tertiaire (entre 7 mètres et 0.8 mètre). En ce qui concerne le quartier latin, nous avons la rue Saint Jacques, le boulevard Saint-Germain et la rue des Ecoles. Toutefois, nous pouvons remarquer que sur la carte au niveau de la montagne Sainte Geneviève, il n’y a pas de grandes voies, elles contournent avec, en plus des trois citées ci-dessus, le boulevard de Port-Royal, le boulevard Saint Marcel, le boulevard de l’Hôpital et le quai Saint Bernard longeant la Seine. Autrement, dans l’ensemble de la ville, le tracé primaires est relativement présent et bien relié avec cependant une concentration dans le nord-ouest parisien, avec la place de l’Étoile.
Plan du tracé primaire, Paris Haussmann, Paris, janvier à mai 2017, Ed. du Pavillon de l’Arsenal, 2017, page 70
En ce qui concerne le tracé secondaire, il y a 3359 voies, soit 839 kilomètres dans Paris. Elles sont les plus nombreuses. Ses emplacements sont assez réguliers et relient les voies principales. Nous pouvons observer que les espaces « blancs» sur la carte sont des jardins tels que celui des Tuileries, du champ de Mars, du jardin des Plantes ou encore du jardin du Luxembourg. Le réseau tertiaire a de nombreuses voies (1288 voies) mais le linéaire cumulé ne dépasse pas 119km.
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37 Conférence « Paris Haussmann, modèle de ville » Commissaire de l’exposition Umberto NAPOLITANO et Franck BOUTTE, Op.Cit. page 5. [annexe 9 ]
Plan du tracé secondaire, Paris Haussmann, Paris, janvier à mai 2017, Ed. du Pavillon de l’Arsenal, 2017, page 76
Plan du tracé tertiaire, Paris Haussmann, Paris, janvier à mai 2017, Ed. du Pavillon de l’Arsenal, 2017, page 80
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La rue Gay-Lussac est par conséquent une rue archétypale du tracé des rues de Paris puisqu’elle fait partie du réseau secondaire (largeur de 20m), celui qui présente le plus grand nombre de voies. Cette analyse typo-morphologique concerne toutes les voies parisiennes, même antérieures au Second Empire. Toutefois près de 60% entre les voies et les bâtiments de la ville datent du Second Empire. Avec ces voies s’accompagne tout le réseau souterrain (emplacement métro, égouts). C’est l’œuvre d’Eugène Bergrand qui supervise le service des eaux. Le système d’arrivée d’eau potable dans Paris s’est considérablement amélioré sous le Second Empire par des aqueducs, fontaines (exemple : les fontaines Wallace), réservoirs et cheminement jusqu’aux immeubles. La gestion des eaux usées et des eaux pluviales entre également en jeu. Les égouts de Paris sont pensés en même temps que les nouvelles voies. Le réseau parisien souterrain est aussi riche que le réseau viaire. En surface, en plus des voies, le nombre de places s’est considérablement accru. La place Edmond Rostand (en amont de la rue Gay-Lussac) est créée. Les monuments sont magnifiés. En effet ils sont désenclavés et généralement, ils participent au point de vue de chaque voie principale. C’est le cas avec par exemple le Panthéon et la rue Soufflot. La rue Gay-Lussac ne débouche pas sur un monument architectural mais sur le jardin du Luxembourg.
La rue Soufflot et le Panthéon d’’après Charles Marville, 1858-1878. www.parismuseescollection.fr
Photographie actuelle de la place Edmond Rostand avec la rue Soufflot et la rue Gay-Lussac.
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Entre le commencement de la rue Gay-Lussac et le jardin du Luxembourg se trouve une place, la place Edmond Rostand. Il s’agit d’un lieu de rencontre entre la rue de Médicis, le boulevard Saint-Michel, la rue Soufflot, et la rue Gay-Lussac. Dans le traité de création de la voie, il est question d’un «carrefour fermé par la jonction du boulevard de Sébastopol prolongé et de la rue Soufflot». La place est réaménagée avec le prolongement du boulevard Saint Michel en 1859 (déclaration d’utilité publique). Le nom de la place fut donné en 1924, précédemment, ce n’était qu’un élargissement de la rue Médicis. Son aspect visuel est le même au XIXème siècle.
La relation avec les espaces verts est également très importante. Adolphe Alphand et Gabriel Davioud étaient responsables des Promenades et Plantations. Hormis les squares, jardins, parcs et bois, les voies accueillent parfois des arbres. Ce n’est pas le cas de la rue Gay-Lussac comme environ la moitié des voies. Généralement, ce sont les boulevards et avenues qui sont arborés car ils sont plus larges et peuvent accueillir des arbres. Toutefois, proche de la rue GayLussac, le jardin du Luxembourg a été remanié et un square le termine au sud avec une fontaine (celle de l’Observatoire) afin d’augmenter la qualité de vie du quartier. Ce poumon vert est un atout pour le quartier. La rue Gay-Lussac débute sur ce jardin. La rue n’est pas arborée mais il s’agit surtout d’une voie de passage pour relier le jardin du Luxembourg et le sud-est de Paris. Nous pouvons dire que la rue Gay-Lussac n’est pas un lieu de promenade comme certaines avenues (celles à l’ouest de Paris). Lorsque nous nous trouvons dans ce quartier, nous allons déambuler dans le jardin du Luxembourg. C’est une raison qui explique que la rue Gay-Lussac et ses rues voisines sont principalement minérales.
Bois, parcs et jardin publics Boulevards, rues plantées Avenues plantées Rues non plantées
Implantation de la végétation parisienne, carte selon l’ouvrage Atlas du Paris haussmannien
En vert, nous avons les espaces verts, les deux zones hors Paris sont les bois de Boulogne et le bois de Vincennes crées pendant le Second Empire. C’est également le cas pour le parc des Buttes Chaumont, le jardin du Trocadéro, et le parc Montsouris. Le jardin du Luxembourg et des champs Elysées sont remaniés durant cette période. Le tracé vert correspond aux grandes avenues créées plantées (principalement à l’ouest parisien), celles en vert plus foncé sont les boulevards et rues plantés. En revanche, les voies légendées en brun sont des rues non plantées. C’est le cas de la rue Gay-Lussac. Nous pouvons remarquer que les rues non plantées se situent au centre de Paris (un tissu existant déjà dense).
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Une artère essentielle dans le quartier du Val-de-Grâce. Nous pouvons séparer les chantiers de construction en trois périodes selon les dates des décrets d’utilité publique (DUP) : 1848-1857, 1858-1863, 1864-1870. Sur la rive gauche, les premières interventions concernent la partie est du boulevard Saint-Germain, à partir du boulevard Saint-Michel (DUP 11.08.1855), et la rue des Ecoles (DUP 11.08.1855). En effet, la rue Saint-Germain dessert le sud de Paris. Le boulevard Saint Michel sert à relier la rue d’Enfer. Sa construction débute sur la rive de la Seine (depuis l’actuel pont Saint Michel qui existait déjà) jusqu’au niveau du Panthéon. Ce tracé existait déjà mais la voie était étroite et biscornue. Le boulevard continue avec la rue d’Enfer longeant le jardin du Luxembourg. La rue Soufflot qui joint le panthéon à ce croisement n’existe pas encore. Le quartier, dû à sa topographie est un enchevêtrement de petites rues étroites où la seule rue à peu près continue est le quai Saint Bernard et l’actuelle rue Jussieu (près des anciennes Halles aux vins, aujourd’hui l’université Pierre et Marie Curie). Deux voies sont ainsi créées afin de fluidifier le trafic de ce quartier ; le boulevard Saint Germain pour relier le quai Saint Bernard et la rue des Ecoles pour accéder à la rue Saint Victor (aujourd’hui rue Jussieu). Durant la deuxième période, la rue Gay-Lussac et Claude Bernard (DUP 30.07.1859), le prolongement du boulevard Saint-Michel (DUP 11.08.1855), la rue Arago (DUP 30.07.1859), la rue Monge (DUP 30.07.1859) sont formées. En effet, la rue d’Enfer est devenue obsolète par rapport au premier tronçon de la ville, le boulevard Saint Michel est prolongé jusqu’à la rue du Mont Parnasse (aujourd’hui Boulevard du Montparnasse). Ce prolongement permet d’assainir le réseau sud-ouest. En effet, la rue du Mont Parnasse conduit jusqu’aux Invalides où le tracé des voies est cohérent et clair (champ de Mars à proximité). Au niveau du premier tronçon du boulevard Saint Michel, évoqué ci-dessus, prend place la rue Gay-Lussac. Elle continue avec la rue Claude Bernard et contourne la montagne Sainte-Geneviève se situant au nord-est du percement. La rue Claude Bernard est un réaménagement et prolongation de la rue des Feuillantines. Cette dernière se croise avec la rue Saint-Jacques. La rue Claude Bernard rejoint la rue Monge au croisement de la rue Mouffetard. La rue Monge a été percée à cette époque. Elle croise le boulevard Saint Germain et la rue des Ecoles et descend au sud. Elle rejoint la rue Claude Bernard et la rue Mouffetard qui aboutissent au boulevard des Gobelins, l’ancienne limite de Paris avant l’annexion des communes en 1870. Le boulevard Arago, dans cette même logique rejoint la route de Fontainebleau déjà existante (aujourd’hui l’avenue des Gobelins). Une percée périphérique (les actuelles rues d’Alesia et rue de Tolbiac) (DUP 23.05.1863) est également créé pour contourner le centre de la capitale. Les dernières réalisations dans la zone étudiée sont la partie ouest du boulevard Saint-Germain (DUP 28.07.1866), le boulevard Raspail (DUP 28.07.1866), la rue de Rennes (DUP 28.07.1866), le boulevard de Port-Royal, l’avenue des Gobelins (DUP 30.07.1859) et le boulevard Saint-Marcel (DUP 22.11.1866). Le second tronçon du boulevard Saint-Germain, en amont voit le jour afin de continuer l’axe de la place Louis XV (actuelle place de la Concorde), du pont Louis XIV (actuel pont de la Concorde) jusqu’au premier tronçon. Elle emprunte le tracé déjà existant de la rue Saint Dominique et de la rue des Boucheries. Cette nouvelle
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voie permet au quai d’Orsay, à la rue de l’Université et à la rue de la Seine, les trois grandes voies visibles sur le plan, d’être désengorgées. Le boulevard Raspail débute boulevard Saint-Germain et aboutit au croisement du boulevard Arago. Il se retranche avec la rue de Rennes qui dessert le boulevard SaintMichel et triangule le quartier. De même pour le tronçon de l’actuel boulevard du Montparnasse. Ce tracé existait déjà en partie mais a été réaménagé afin de relier le boulevard Saint Michel et le boulevard Arago, construits lors de la deuxième phase des percements évoquée ci-dessus. Au sud, la route de Fontainebleau est réaménagée ainsi que la place d’Italie donnant sur le boulevard des Gobelins (partant à l’ouest) et sur la route d’Ivry (à l’Est). Nous pouvons évoquer une dernière percée significative dans le quartier, celui du boulevard Saint Marcel. Ce dernier facilite la relation entre le boulevard Arago (construit en seconde période) et le boulevard des deux moulins (actuel boulevard de l’Hôpital) proche de l’hôpital de la Salpetrière. Le réaménagement du jardin du Luxembourg est également prévu dans le prolongement de la place de l’observatoire. Dans son ouvrage Le tracé des rues de Paris38, Bernard Rouleau s’exprime en écrivant « Désormais, l’ère des initiatives individuelles fait place peu à peu à celles des plans d’ensemble. » . Avec l’analyse du quartier, nous comprenons que le réseau avant intervention ne fonctionnait pas ; il fallait relier les points stratégiques au niveau du quartier, de la rive gauche et de la ville. La chronologie des percées est révélatrice de la fabrication de ce nouveau tissu. Certaines voies reprennent parfois le tracé de voies existantes mais sont élargies, embellies et assainies ; d’autres percent le tissu urbain, c’est le cas de la rue Gay-Lussac. L’ensemble des voies créées forme un véritable réseau connecté entre les voies déjà existantes, comme par exemple la rue Saint-Jacques, le boulevard du Montparnasse ; et les voies créées au fil du Second Empire. 1848 - 1857 1858 - 1863 1864 - 1870
Carte des principales percées selon les dates d’utilité publique, d’après Atlas du Paris haussmannien
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ROULEAU Bernard, Le tracé des rues de Paris , Op.cit. page 5.
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Une grande partie de percées entamées ne s’est achevée que durant la IIIème République, c’est-à-dire après 1870. Cette concentration est visible rive gauche et de façon plus générale à l’est de Paris. Cela semble logique étant donné que les premiers grands travaux ont commencé à l’ouest parisien afin d’urbaniser et enrichir cette zone. Il était plus simple financièrement et pratiquement de créer de nouvelles voies et lotissements sur des zones non-urbanisées. Toutefois, il est intéressant de comparer les deux cartes de l’ouvrage de Pierre Pinon, Atlas du Paris haussmannien, qui dévoile une carte des principales percées selon les dates des décrets d’utilité publique et la page 180 qui établit une carte des percées de la IIème République et du Second Empire, suivant la date approximative de leur achèvement. La première carte ne représente que les rues concernant le Second Empire (18481870) et est divisée en trois périodes alors que la seconde carte a des bornes chronologiques plus larges. En effet, des travaux avaient déjà été entrepris avant le Second Empire avec Rambuteau comme préfet de la Seine puis n’ayant pas achevé les travaux dans l’année 1870, il était logique de représenter les voies achevées après la chute du Second Empire. Cette carte divise les percées selon quatre périodes. Il est évident de retrouver une corrélation entre les premières voies décrétées d’utilité publique et celles achevées en premier. Néanmoins quelques percées décidées dès le début ne se sont achevées qu’après le Second Empire. Nous pouvons citer l’avenue Parmentier décrétée d’utilité publique le 10 décembre 1855 et inaugurée en 1876, soit après plus d’une vingtaine d’années.
1848 - 1853 1854 - 1863 1864 - 1870 Après 1870
Carte des principales percées selon leur date d’achèvement des travaux, d’après Atlas du Paris haussmannien
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La majorité des immeubles construits dans cette période sont édifiés dans les années 1867-1868-1869 mais quelques immeubles s’étendent jusqu’en 1889 (pour le 11, rue Gay-Lussac) et 1890 (le 25, rue Gay-Lussac) avant de changer de siècle pour le XXème et affirmer le post-haussmannisme et le mouvement moderne. Toutefois, la rue est ouverte à la circulation en 1866. Il a fallu donc sept ans et quelques mois afin de permettre à la rue Gay-Lussac de prendre vie. Cela est assez similaire à la durée de création des autres percées de cette envergure. Le plus long reste les démarches administratives.
E/ Un montage complexe; celui de la rue Gay-Lussac. Avant de voir le cas de l’exemple de la rue Gay-Lussac, il est important de comprendre le fonctionnement de financement de ces travaux. Le cout total de ces nouveau réseaux et équipements s’élève à 1 385 millions de francs. La politique de financement était principalement l’emprunt. Haussmann parlait de « dépenses productives39 » . Il était nécessaire d’emprunter pour enrichir la collectivité, pour financer les travaux, générer de l’emploi, développer le commerce et l’industrie, alors en plein essor en Europe au XIXème siècle. En 1855, un premier emprunt de 600 millions de francs, en 1860, 120 millions de francs, puis un troisième de 256 millions, et le dernier en 1869, de 400 millions de francs. Paris était alors une des capitales les plus endettées au monde ; 1960 francs-or par habitant, contre par exemple 224 francs-or pour Londres, ou 183 francs-or pour Berlin40. Les financeurs étaient principalement les banques telles que les banques Rothschild ou le Crédit Mobilier tenue par les frères Pereire (fondée en 1852 et disparue en 1867). Le Crédit Foncier était un regroupement de petites banques fondées sur des activités foncières et immobilières. Le préfet de Seine et l’Empereur jugèrent que la dette de la ville allait être remboursée sur une longue période, sur plusieurs générations. Les travaux d’embellissement de la ville allaient profiter aux Parisiens au long terme, les affaires allaient augmenter (propriétaires, commerces, attractivités), par conséquent les revenus aussi, il était normal que les futures générations participent à l’effort. Néanmoins, le Second Empire a mis en place des méthodes particulières afin de financer la transformation de la capitale. Premièrement, le baron Haussmann a pu agir sans contrôle spécifique ; c’est une chose que Ferry reprochera dans son pamphlet41 Dans une seconde mesure, les expropriations réalisées grâce à la loi de 1833 permettent de réaliser une plus-value. En effet, les indemnisations auprès des particuliers expropriés sont moindres par rapport à la plus-value des mêmes terrains donnant sur une nouvelle percée. Une parcelle donnant sur une nouvelle voie équipée, éclairée, vaste, saine voit son prix flamber ; c’est une plus-value foncière pour l’ensemble du réseau haussmannien. La ville a pu revendre les fragments de parcelles non utilisées pour la voierie ainsi que les matériaux récupérés lors des destructions de l’ancien tissu.
39 P. DE MONCAN (dir) Et al., Villes haussmanniennes bordeaux Lille Lyon Marseille, Rennes, Les éditions du mécène, 2003 40 MARCHAND Bernard, « Le financement des travaux d’Haussmann :un exemple pour les pays émergents ? »,2011, https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00583457/document, 01.12.2017. 41 FERRY Jules, Les comptes fantastiques d’Haussmann, Op.Cit. page 26.
41
Toutefois, les équipements et la création de la voierie sont financés par les caisses publiques mais la plus-value va aux propriétaires privés qui profitent de l’amélioration du quartier. (Au dépit des locataires qui ont vu leur loyer flamber). Le financement des travaux publics par des fonds privés existait avant les grands travaux d’Haussmann. Jacques Sépharin Lanquetin, président de la commission municipale de Paris en 1848, puis président du Conseil municipal de Paris de 1850 à 1852 s’exprime en disant : « Les percements étant généralement avantageux aux propriétés qui restent en bordure […] l’intérêt des riverains serait assez considérable pour les amener à en demander l’exécution à leurs frais, ou du moins à y concourir par des subventions » . Une fois que la future voie était déclarée d’utilité publique, il fallait mettre en place les expropriations, les travaux. Les entrées d’argent ne suffisaient pas à combler les dépenses, d’où la politique d’emprunt. Néanmoins, la ville ne pouvait pas travailler directement avec les banques car les emprunts devaient être validés par le Conseil Législatif et le Conseil d’Etat, ce qui rendait la procédure plus difficile et longue. Haussmann créa en novembre 1858 la Caisse des travaux. Son directeur était nommé par Haussmann. La Caisse des travaux faisait appel à des entrepreneurs pour gérer les différentes tâches nécessaires à la création d’une voie. Après avoir accepté la soumission et l’engagement auprès de la municipalité, ils prenaient le risque d’expropriation et des démolitions dans un délai précis et revendaient à leur profil les terrains libres (et matériaux). La soumission se faisait par un traité de concession. Ils se risquaient aux expropriations et devaient rendre à la ville les terrains expropriés pour la création de la voierie. En revanche, les parcelles libres pouvaient être revendues par le concessionnaire à des promoteurs immobiliers afin de construire des immeubles de rapport sous des conditions strictes (voir la partie suivante et le cas de la rue Gay-Lussac). Il y avait deux genres de concessionnaires. Les « petits concessionnaires » agissaient sur une seule voie. C’est le cas par exemple avec Heullant père et fils avec la rue des Ecoles. Les entrepreneurs plus importants pouvaient alors participer à la création de plusieurs voies. En ce qui concerne la rue Gay-Lussac, que nous approfondirons par la suite, il s’agit d’Alexandre Legrand. Il a agi seul pour la rue Gay-Lussac et s’est associé à Hunebelle pour le boulevard Arago dans un second temps. Le système fonctionnait en triangle. La ville missionnait l’entrepreneur. L’entrepreneur apportait aux banques la certitude de recevoir sous six versements des annuités de la part de la ville. En échange, les banques avançaient la trésorerie des entrepreneurs. Ce système fonctionnait de façon rapide et était très efficace. Par conséquent, c’était la ville le garant qui donnait des subventions et ces dernières allaient aux banques. Avec un taux de 5%, elles avançaient le financement pécunier des travaux. La ville et les banques n’étaient pas en relation directe.
La ville
Concession
Soumission
L’entrepreneur 42
Trésorerie Annuités de la ville ( en 6 fois)
La banque
A la fin des années 1870, la caisse des travaux est surendettée et participe, entre autre à la chute du Second Empire. L’importance des capitaux privés dans le secteur public inquiète le public. De plus, ce système n’était pas légal sans l’accord du Conseil Législatif et le Conseil d’Etat.
Nous avons vu les acteurs nécessaires à la création d’une voie ainsi que les principales démarches à faire. Mais qu’en est-il de la rue Gay-Lussac ? Avec les archives disponibles de la ville de Paris, nous pouvons retracer point par point l’historique de la création de la rue, ses acteurs et son budget.
F/ La phase opérationnelle. Dans les archives de Paris, le dossier de création de la voie Gay-Lussac est disponible42. [Annexe 1] Le 8 août 1863 est établi un traité entre la ville de Paris et Legrand, concessionnaire de la rue, devant le notaire J.E Delapalme. Il s’agit d’un texte fondateur de la rue Gay-Lussac (et il semble qu’il n’a pas sa place en annexe.) Voici des extraits qui évoque les expropriations : Le 8 aout 1863, Traité entre la Ville de Paris et M. Legrand : M. J.E Delapalme, notaire à Paris, Pardeveans Mr Jules Emile Delapalme et Mr Ducloux, notaires à Paris soussignés ; A comparu : Monsieur le Baron Georges Eugène Haussmann, Sénateur, Préfet du département de la Seine, Grand-Croix de l’Ordre Impérial de la Légion d’Honneur demeurant à Paris à l’hôtel de ville. Agissant en sa dite qualité de Préfet de la Seine, au nom de la ville de Paris, en vertu des décrets et autorisations ci-après énoncées : Lequel a exposé ce qui suit : Un décret de sa Majesté l’Empereur, rendu le 30 juillet 1859 a déclaré d’utilité publique l’expropriation des immeubles nécessaires à la formation de diverses voies dans le 5ème arrondissement de Paris (ancien 12ème) et entre autre, l’ouverture d’une rue de 20 mètres de largeur partant du carrefour fermé par la jonction du boulevard de Sébastopol prolongé et de la rue Soufflot et devant aboutir au point de rencontre des rues Mouffetard et du Fer à Moulin. Le tracé et le parcours de cette rue entre le carrefour Soufflot et la rue des Feuillantines et la portion à retrancher des immeubles à acquérir pour leur mise à l’alignement sur les voies adjacentes occupant une superficie totale de 11 383 mètres 20 centimètres environ. 42
Archives de Paris, VO11 1342, 30.10.2017.
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[…] Une délibération du Conseil Municipal de la Ville de Paris en date du 6 mars 1862 approuvée par arrêté Préfectoral du 14 du même mois a autorisé M. le Sénateur Préfet du Département de la Seine à traiter avec M. Nicolas Alexandre Legrand qui interviendra aux présentes, pour l’acquisition aux conditions énumérées dans sa soumission, des terrains nécessaires à l’ouverture de la voie nouvelle sus désignée, pour la section comprise entre le carrefour Soufflot (boulevard Sébastopol), et la rue des Feuillantines moyennant à forfait, le prix de quatre millions de francs payables savoir : 2 millions le 10 février 1864, et les deux derniers millions, l’un le 10 février 1865,et l’autre le 10 février 1866 avec intérêts à 5% à partir du jour de livraison effective des terrains nécessaires à la voie régalée au niveau de l’ancien sol. Cette opération comprend comme conséquence l’acquisition des portions à retrancher pour la mise à l’alignement sur les voies adjacentes des immeubles qui proviendront des dits terrains. La soumission de M. Legrand, en date du 10 février 1863 acceptée par le conseil municipal contient, entre autre conditionne les suivantes qu’il importe de consigner ici : M. Legrand s’engage à transmettre ou faire transmettre à la ville de Paris la propriété des terrains nécessaires à l’ouverture de la rue comprise entre le Boulevard Sébastopol et la rue des Feuillantines, tels que ces terrains sont teintés en jaune au plan joint à sa soumission : leur surface totale est de 11 383 mètres, 20 centimètres. Le prix du forfait est fixé à la somme de quatre millions payables aux termes sus indiqués. Dans la surface de 11 383 mètres, 20 centimètres entrent les portions retranchées des immeubles n° 12, ,19, 20, 40 ,41 du plan, dont la ville est propriétaire. Sur le chiffre de 4 millions, montant du forfait, il sera retenu, sur le premier paiement (du 10 février 1864) la somme de 661 140 francs formant le prix total de ces acquisitions et, moyennant cette retermel, M. Legrand sera rendu propriétaire des portions restantes de ces cinq immeubles. La première transmission de propriété dans laquelle sera comptée la quantité de mètres de terrain livrés, à la voie à créer, par les cinq propriétés que la ville possède, devra comprendre 4000m au moins chacune des autres, ne pourra être inférieure à 2000 mètres, si ce n’est pour parfaire. Le prix de ces transmissions successives sera calculé d’après le montant du forfait proportionnellement à la surface des terrains. La livraison de la voie publique de 11 383 mètres vingt centimètres de terrains nécessaires à la voie à créer, devra être effectuée avant le 10 février 1865.
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A titre de garantie d’exécution du forfait, une somme de 400 000 francs sur la première transmission de propriété sera appliquée sur l’annuité de 1866 a frappé de retenue ; cette somme ne deviendra libre que le jour où la ville de Paris sera devenue propriétaire de la totalité des 11 383 mètres 20 centimètres de terrains nécessaires pour la voie à créer. Une somme de 150 000 francs a été versée par M. Legrand le 5 mars dernier à la Caisse des Travaux de Paris, comme garantie de
l’exécution de sa soumission qui doit lui être restituée avec intérêt à 3/2 p % le jour où la retenue de 400 00 francs aura eu lieu, ainsi qu’il vient d’être énoncé.» Ce document est essentiel pour la construction de la nouvelle voie. Elle pose les termes et les conditions de la création. Ce traité est validé et signé par le baron Haussmann, représentant l’Empereur et la ville de Paris. Il annonce le 30 juillet 1859 la déclaration d’utilité publique et annonce ainsi les expropriations. La suite du traité situe la future rue Gay-Lussac et l’emprise de la rue avec une superficie de 11 383.20 mètres carrés à exproprier. Le 6 mars 1862, puis validé une semaine plus tard, M. Legrand (Société Legrand) est autorisé à se charger des expropriations. Il devra se soumettre au Conseil Municipal. Le budget pour ces expropriations est noté avec les différents versements au long de l’opération. Legrand se soumet le 10 février 1863. Il s’engage donc à transmettre les terrains à la ville (les 11 383.20 mètres carrés nécessaires à la voirie). Ce document annonce que la ville est déjà propriétaire de cinq immeubles à cet emplacement. Il faut donc exproprier les locataires et propriétaires des immeubles que la ville requière pour pouvoir percer la rue. Il annonce également que Legrand souhaite acheter des terrains pour son patrimoine personnel. Le traité annonce des échéances, notamment le dernier délai d’acquisition de la totalité de terrains nécessaires pour la voie, avant le 10 février 1865. Deux cautions sont demandées auprès de Legrand, la première en retenue, 400 000 francs seront «bloqués» et versés à la passation de l’ensemble des terrains. Le prêt de la Régie pour la rue Gay-Lussac est de 4 millions de Francs. Afin d’illustrer la somme conséquente que cela représente, nous pouvons évoquer l’ouvrage de Jules Simon, L’ouvrière43 de 1861 qui décrit que l’ouvrière gagne un salaire hebdomadaire de 2 francs, et à 59 centimes par jour pour sa nourriture. La somme des quatre millions de francs va être versée en trois fois. Deux millions le 10 février 1864, un million le 10 février 1865 et le dernier million de francs le 10 février 1866 avec intérêt à 5% à partir du jour de l’acquisition des terrains mis à niveau sur la voie. La ville est propriétaire de cinq numéros et décide de retirer 661 140 francs au premier versement (Si M. Legrand transmet cette somme, il sera propriétaire de ces terrains). De plus, il souhaite acquérir un terrain « à l’angle du boulevard Sébastopol et de la nouvelle voie 44» à raison de 325 francs par mètre. Le terrain fait 810 mètres. Les 263 250 francs lui seront retenus sur le troisième versement prévu le 10 février 1866. Ces versements sont nécessaires afin de permettre l’expropriation des locataires et propriétaires. Comme nous l’avons déjà mentionné dans les acteurs de la voie pour évoquer les habitants, un tableau a été établi des dix-huit propriétaires à indemniser. [Annexe 4] La somme totale s’élève à 206 477.75 francs ou 232 209. 05 francs avec les intérêts. Monsieur Château était un propriétaire posant quelques soucis à Legrand qui a dû négocier avec ses propres fonds. Ce traité ci-dessus prévient Legrand des délais à respecter. Dans un premier temps, c’était à lui de verser, en gage de garantie une somme de 150 000 francs à la caisse des Travaux de Paris, qui lui sera rendue après la passation des 11 383.20 mètres de propriété à la ville de Paris. C’est une caution de garantie d’exécution Ses délais passent également par la surface expropriée et rendue à la ville. En effet pour ne citer qu’un exemple, M. Legrand doit parvenir à plus de 4000m dans la première transmission. Lors du jugement rendu de la « Première 43 SIMON Jules, L’ouvrière, Paris, Hachette, BFN Gallica, 1861. 44 Traité entre la ville de Paris et M.Legrand, Archives de Paris, VO 11 1343. 30.10.2017. [annexe 1].
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Chambre du Tribunal civil de première instance du département de la Seine le 14 juillet 1863 a été adjugé le consentement de terrains nécessaires » à la future percée. Il y a parmi eux, les cinq propriétés de la ville et cinq autres immeubles. Le total forme 4 736.20 mètres sur les 4000 mètres demandées. [Annexe 1] Dans le traité entre la ville de Paris et M. Legrand, il est stipulé que la livraison de la voie publique devra être effectuée avant le 10 février 1865.
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En ce qui concerne la réglementation de la création de la voie, comme nous l’avons vu de façon plus générale dans les précédentes parties, il y a une série d’articles pour la rue Gay-Lussac. ils sont généralement les mêmes pour l’ensemble des voies créées mais doivent être adaptées à chaque percée. Pour le cas de la rue, il y a un acte complémentaire du traité entre la ville de Paris et M. Legrand. [annexe 3] Du cinquième article au huitième, il s’agit d’une série d’articles visant à sécuriser la ville de Paris par rapport aux expropriations. Elle tient à confirmer qu’il s’agit de la mission de M. Legrand et qu’elle sera responsable de l’aménagement de la voierie selon certaines conditions. L’article 5 exige que les expropriations se fassent dans les délais les plus courts et avec la rédaction d’un procès-verbal. La ville demande également de réaliser les destructions et les mises à niveau par rapport à la voie en amont de la passation des terrains (elle n’engage pas l’argent de la ville). Les terrains qui arriveront en possession de la ville devront être libres de propriétaires, locataires, servitudes etc., et même pour les immeubles appartenant déjà à la ville (le cas des cinq immeubles évoqués en amont). Avec l’article 8, la ville s’engage à financer contributions et autres charges une fois que les terrains seront acquis. Les travaux de nivellement et de raccordement pour la voie, mais aussi des égouts, du pavage, de la pose et du revêtement des trottoirs, seront aux frais de la ville et ceux, dans un délai de six mois à partir de la réception des terrains. Toutefois, les terrains où il reste des bâtiments en bordure de la nouvelle voie doivent se résoudre à plusieurs demandes, aux frais des propriétaires. Les façades doivent obligatoirement être en pierre de taille, moellons ou brique et doivent se concorder avec les façades voisines afin de former un « ensemble complet ». Si ce n’est pas le cas, alors les extrémités des façades devront être nettement séparées. Les façades donnant sur la rue devront être plus élevées que les façades côté cour, pour ne pas pouvoir les voir depuis la rue. Les façades sur rues ne doivent pas excéder vingt mètres. Les propriétaires devront aménager les descentes des eaux ménagères et pluviales. Elles peuvent être mutualisées entre deux immeubles contigus. Les propriétaires devront rembourser la moitié des frais de création de la chaussée se situant en bordure de leurs terrains, à raison de douze francs par mètre ainsi que la dalle en bitume des trottoirs. Les ponts et chaussées de la ville de Paris à travers la direction de la voie publique et des promenades ont par conséquent dresser des dossiers relatifs à chaque portion de rue. Dans chaque dossier est indiqué la division et le numéro de section, puis le nom du propriétaire, le matériau demandé ; en l’occurrence pour cette voie, il s’agit du bitume, la longueur de l’emprise du trottoir et sa largeur. Il faut rajouter en plus le raccordement du pavage. Il y a ensuite une série d’articles qui explique que la moitié des frais est prise en compte par la ville de Paris. L’entretien du trottoir sera entièrement aux frais de la ville. Il est annexé un plan graphique de la rue avec les numéros, le nom du propriétaire, la zone du trottoir concernée ainsi que ses dimensions. Dans le dossier d’annexe, [Annexe 5], il s’agit du numéro 44, qui appartient à M. Bercioux (également l’architecte de cet immeuble) qui a une longueur de façade de 8.89 mètre sur 4 mètres de large et doit régler la somme de 215.29 francs. Le dossier a été réalisé en 1869,
il s’agit de la fiche n°32. L’arrêté de l’autorisation date du 17 mars 1870 mais l’achèvement des travaux date du 22 décembre 1869. Dans l’ensemble de la rue, les travaux de trottoirs s’étendent de 1867 à 1874. L’article 10 demande à M. Legrand de contraindre tous les acquéreurs à construire sur leur parcelle avec des délais selon l’emplacement. Les parcelles dans les angles devront être construites dans les deux ans après la mise en état de viabilité de la voie et les autres terrains, dans les trois ans. L’article 11 demande à M. Legrand la prise en charge des honoraires de tous les actes relatifs aux expropriations et procès-verbaux, de prise de possession etc. Ces articles fondent en grande partie l’esthétique de la voie et expliquent son organisation. Ils imposent des conditions aux habitants, à M. Legrand ainsi qu’à la ville de Paris. Lors de la lecture du dossier, nous pouvons nous rendre compte qu’il y a eu un contentieux d’ordre économique entre la ville de Paris et Legrand. En effet, il y a eu une affaire de justice entre les deux parties. Il y a eu un retard dans la passation de terrains entre Legrand et la ville de Paris à cause du propriétaire, M. Château. Ce dernier a retardé l’avancement des expropriations. Legrand propose à Château une indemnité hypothétique pour sa propriété de 70 000 francs mais ce dernier refuse et l’affaire se retrouve devant les tribunaux. Legrand obtient gain de cause mais cette affaire a retardé l’avancement général. Les intérêts entre le versement de la caisse des travaux et la réception de la parcelle s’élève à 5%. Hors M. Legrand n’est pas d’accord avec la date d’arrêt du comptage des intérêts. Faute d’avoir trouver un arrangement, l’affaire a été suivie jusqu’au tribunal et M. Legrand a perdu le 24 avril 1865 par la décision du Jury. Il fait appel et sera convoqué une nouvelle fois le 3 septembre 1868. La dernière trace de cette affaire est le versement par M. Legrand de 68 925 francs ainsi que 3 266.58 francs d’intérêts à la caisse des travaux, le 19 janvier 1874. Chronologie : Pour conclure sur les dates importantes de la création de la rue Gay-Lussac, nous pouvons dire que le 30 juillet 1859, le percement est reconnu d’utilité publique, c’est le commencement des démarches administratives. Trois ans plus tard, le 6 mars 1862, le Conseil Municipal autorise Legrand comme acteur privé à la gestion des expropriations. Le traité de création de la voie est signé par la main du préfet Haussmann le 8 août 1863, et Legrand se soumet à la ville de Paris le 10 février 1863. Les conditions de soumission sont respectées, mise à part une demande d’avance de versement de la caisse de travaux en 1864. En 1866, les expropriations achevées et les travaux de voirie terminés, la rue est ouverte à la circulation. Il a fallu entre 1859 et 1865, six années de démarches administratives afin de préparer les travaux (sachant qu’à chaque expropriation, la surface d’emprise nécessaire de la rue était libérée). La réalisation de la voirie s’est déroulée durant l’année 1865 et a permis son inauguration en février 1965. La construction des immeubles s’est faite sur le plus long terme. L’enquête de la création de la rue Gay-Lussac rend vivante et pertinente la partie théorique et plus généralement les travaux réalisés sous Haussmann. En dates clés sous forme de liste, nous avons: 47
30 juillet 1859: Déclaration d’utilité publique du percement de la future rue Gay-Lussac 6 mars 1862 : délibération du conseil municipal de Paris qui autorise le sénateur préfet de la Seine à traiter avec Alexandre Nicolas Legrand 10 février 1863 : Soumission de Legrand auprès du conseil municipal. 28 octobre 1864 : lettre de Legrand demandant une mise en régie. 30 novembre 1864 : Arrêté de mise en régie. 21 décembre 1864 : paiement par Legrand à la caisse des travaux en gage de garantie : - 68 925 francs - 3266.58 (intérêt) = 72 191.58 francs Fin 1864 : impossibilité de Legrand à continuer ses opérations, la ville fait des avances de fonds. 10 février 1865 : le reste du million prévu moins l’avance (fin 1864)est versée à Legrand. Le versement suivant est prévu pour 10 février 1866. Janvier 1866 : la voie est livrée à la circulation. 22 octobre 1867 : Lettre de Legrand au Préfet pour réclamer le règlement du Compte 15 Novembre 1867 : Compte de régie remise par les bureaux à Legrand : dernière transaction de la ville de Paris (fin des intérêts). L’importance de cette partie, qui est plus générale du contexte de Paris sous le Second Empire est essentielle pour comprendre le déroulement de la création de la voie Gay-Lussac. Contrairement à l’exposition de LAN Paris Haussmann45, au pavillon de l’arsenal, avant de commencer l’étude de la composition de la rue Gay-Lussac, le contexte a été placé. Il faut débuter par l’analyse du tissu urbain avant la période Haussmannienne afin de comprendre l’évolution et les raisons qui ont poussées au développement des idées de percées. En ce qui concerne le quartier Saint-Jacques, son évolution découle d’une histoire riche au fil des siècles et explique la concentration d’établissements religieux et étudiants encore présents de nos jours, même après les travaux d’Haussmann. Le tissu urbain de 1850 est représentatif de l’époque ; une ville désorganisée et dense. Le contexte permet également de comprendre les acteurs et enjeux du Second Empire. La rue Gay-Lussac est un cas spécifique certes, mais qui toutefois représente globalement l’ensemble des voies créées sous le Second Empire (voie secondaire). Il semblait utile, même si cela peut parfois s’éloigner du sujet principal, d’évoquer les autres enjeux de la ville tels que les espaces verts, les monuments, les places etc. L’intervention du second Empire s’est faite de façon globale. A présent nous pouvons nous demander si, à une échelle plus proche, l’exécution systématique, hiérarchisée et organisée de façon assez autoritaire est toujours valable. Un journaliste et écrivain de l’époque, Alfred Delvau (1825-1867) compare dans son ouvrage Histoire anecdotique des barrières de Paris 46 , les anciens quartiers aux nouvelles voies créées : « Il faisait peut-être meilleur, ou tout du moins plus agréable à vivre au milieu de ces rues biscornues, de ces quartiers fantastiques, de ces maisons extravagantes, où tout avait une signification, une originalité,
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45 Conférence « Paris Haussmann, modèle de ville » Commissaire de l’exposition Umberto NAPOLITANO et Franck BOUTTE, Op.cit. page 5. [annexe 9] 46 DAVEAU Alfred, Histoire anecdotique des barrières de Paris, Paris, E.Dentu, Gallica, 1865.
un accent, depuis la borne jusqu’au pignon ; il faisait peut-être meilleur à vivre là que dans ces maisons froides, incolores, régulières comme des casernes et tristes comme des prisons, au milieu de ces rues alignées comme des fantassins, tirées au cordeau, tracées stratégiquement, et, à cause de cela, lamentables dans leur régularité. On a tué la Fantaisie. Il y a des gens qui s’en applaudissent comme d’un progrès : ce n’est pas moi. ». Cette violente critique est-elle justifiée ? A première vue et d’après ce que l’on vient de voir sur la réglementation des rues haussmanniennes, la critique peut être considérée. A présent changeons d’échelle afin d’analyser en profondeur et non de manière superficielle une percée typiquement haussmannienne ; la voie Gay-Lussac à l’échelle de la rue.
49
II-
LA RUE GAY-LUSSAC A L’ÉCHELLE DE LA RUE. Il est temps, à présent de se concentrer sur la Rue Gay-Lussac. Nous avons étudié l’historique et la morphologie du quartier, voyons ce qu’il en est pour une échelle plus rapprochée ; au niveau de la voie. Nous verrons dans un premier temps la rue par séquences, tronçons, sa morphologie. Puis dans un second temps, nous présenterons les soixante-dix-huit numéros de la voie et des permis de construire existants relatifs à ces numéros.
G/ Les séquences de la rue Morphologie, géométrie et spécificités de la voie La morphologie d’une rue nous permet de comprendre son fonctionnement, ses connexions avec le reste du tissu urbain. La morphogénèse de la rue nous explique l’évolution de la morphologie. Voyons à présent ses caractéristiques et en La rue Gay-Lussac fait 625 mètres de long sur 20 mètres de large. Elle contourne la montagne Sainte Geneviève. Les 78 numéros vont de l’ordre croissant depuis le jardin du Luxembourg vers l’hôpital du Val de Grâce. Elle débute sur la place Edmond Rostant, puis dessert la rue Royer-Collard, la rue le Goff, l’impasse RoyerCollard, la rue Saint Jacques, la rue de l’Abbé de L’Epée, la rue des Ursulines. Elle se termine au croisement de la rue d’Ulm et de la rue des Feuillantines pour s’ouvrir sur la rue Claude Bernard. Elle est orientée Nord-Ouest / Sud-Est. PL
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Carte de de la rue Gay-Lussac et ses rues voisines.
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La morphologie du sol est également très importante. En effet, la rue GayLussac a pris cet emplacement pour diverses raisons, notamment à cause du relief parisien. Elle contourne la montagne Sainte Geneviève située au nord de la percée. Le point culminant se situe au niveau du Panthéon, d’où l’emplacement de cette ancienne église, lieu symbolique afin de prier Sainte Geneviève, patronne de la ville de Paris. Le point le plus haut est à 71 mètres d’altitude alors que celui de la Seine se situe à environ 35 mètres au dessus de la mer. En ce qui concerne la rue Gay-Lussac, proche de ce relief, il est évident d’avoir un dénivelé au sein de la rue. En amont de la voie, vers le jardin du Luxembourg, nous avons 61 mètres d’altitude pour descendre au plus bas, à l’extrémité de la rue, au croisement avec la rue Claude Bernard et celle des Feuillantines à 58 mètres. Le point le plus haut se situe au croisement de la rue le Goff, la rue Royer-Collard, et l’impasse Royer-Collard avec 68 mètres d’altitude. Au sein de la rue, nous avons donc environ dix mètres de dénivelé.
61m 71m
68m
62m 62m
58m
Carte du dénivelé de la montagne Sainte Geneviève et l’altitude à chaque croisement de rue de la rue Gay-Lussac, fr-fr.topographic-map, 04.01.2018.
Le dénivelé au sein de la rue n’est pas très important. Entre le point le plus haut et le plus bas de la rue, il y 556 mètres et 10 mètres de dénivelé, soit 1.7 mètre tous les 100 mètres. L’architecture au sein d’un immeuble n’en est pas beaucoup impactée. Toutefois, cela diffère avec les croisements de rue. Prenons en exemple l’immeuble à l’angle de la rue Gay-Lussac et la rue Royer-Collard; le 13, rue Gay-Lussac. La voirie a du s’adapter avec le dénivelé. En effet, la rue monte alors que le bâtiment reste au même niveau, il y a donc un double trottoir (un plat et l’autre en montée).
Différence de niveaux entre le trottoir et la parcelle du 13, rue Gay-Lussac.
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En ce qui concerne la morphologie interne urbaine de la rue en elle-même, audelà de ses croisements avec les autres rues, nous pouvons observer quelques particularités. La majeure partie de la rue s’est construite dans la logique d’un ensemble cohérent. Les immeubles ont le même gabarit, et sont continus. Dans l’ouvrage Système de l’architecture urbaine : le quartier des Halles à Paris1 , il est question, pour expliquer l’enchaînement et la mitoyenneté des façades de «ruban de la rue ». Cette expression est assez révélatrice de la forme des façades. Elles sont alignées, de même hauteur et forme un ensemble homogène. Néanmoins, pour la rue Gay Lussac, ce ruban se coupe à plusieurs reprises et il est important de le souligner. La rupture par le non-alignement des bâtiments se fait dans la même zone, entre le numéro 39 et le numéro 44, et du même côté, le côté impair. Il s’agit de trois ensembles de bâtiments. Le premier, la congrégation de l’adoration réparatrice (au n° 39), le deuxième, le conservatoire national des arts et métiers, institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (au n° 41) et le dernier, l’Ecole Normale Supérieure, département biologie (au n° 42 – 44) où l’entrée principale se trouve de l’autre côté, rue d’Ulm. La congrégation de l’adoration réparatrice s’est installée en 1848 dans l’ancien bâtiment des Dames de Saint Michel. Lors de la création de la voie, ce bâtiment n’a pas subi de destruction complète mais une partie a été amputée. C’est pour cela qu’il n’est pas aligné au reste de la rue.
Archives VO 11 43 du 39 rue, Gay-Lussac
Les deux suivants sont postérieurs à la construction de la rue. Les règles d’urbanisme et les tendances architecturales ont changé. Pour le conservatoire national des arts et métiers, le bâtiment en lui-même est aligné sur la rue et forme l’angle (angle tronqué et deux travées de fenêtres) avec la rue Louis Thuillier. Toutefois, il n’a pas utilisé toute sa parcelle et nous pouvons voir une cour latérale à l’institut qui sert également de stationnement privé. La cour minérale arborée de quelques arbres permet également de desservir des bâtiments en fond de parcelle. Photos des bâtiments non alignés
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1 BOUDON et al., Système de l’architecture urbaine : le quartier des Halles à Paris, Paris, Ed. du Centre national de la recherche scientifique, 1977.
En ce qui concerne l’École Nationale Supérieure, la façade rue Gay-Lussac est l’arrière du bâtiment. Un large îlot triangulaire formé par la rue GayLussac, la rue Louis Thuillier et la rue d’Ulm est occupé par le bâtiment (et un ensemble d’immeubles haussmannien en pointe). L’école ne s’aligne qu’avec une partie de la rue d’Ulm et délaisse les alignements de façade pour les deux autres côtés. Nous pouvons donc repérer dix « rubans » coupés soit avec des intersections de rues, soit par des bâtiments antérieurs ou postérieurs à la construction de la voie. Ces façades forment des perspectives.
Le non-alignement du 43, rue Gay-Lussac.
Revêtement de sols Ses trottoirs font quatre mètres de large et la voie est à double sens. Le revêtement originel de la voie était en macadam et les trottoirs étaient en bitume. Il s’agit d’une compression de petits cailloux, pierres et silex par un cylindre compresseur. Il a été inventé par l’anglais M. Mac-Adam sous le régime de Louis Philippe. Le macadam était employé pour les avenues très passantes car cette matière était plus confortable pour les chevaux, moins dur et plus silencieux que les pavés de pierre. Napoléon III préférait cette matière contre le baron Haussmann qui avait proposé du bitume et des pavés de bois. Les pavés de bois sont silencieux et évitent la boue et la poussière mais c’est un revêtement très glissant par temps de pluie et peu résistant à l’humidité Le macadam a vite été sujet à de violentes critiques et satire [Annexe] car mélangé à l’eau, celui-ci devenait de la boue. D’après la photo de Charles Marville, [Annexe] la voie de la circulation était en pavés mais nous pouvons conclure qu’elle a été modifiée par la suite en macadam.
Carte postale, Rue Gay-Lussac, Gare du Luxembourg -Editeur ND n° 1089, http://www.cparama.com/forum/paris-ruegay-lussac-t8612.html, 02.12.2017.
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Les matériaux Après avoir parlé des matériaux de revêtement des sols, un autre aspect des matériaux forme la texture de la rue ; celui des façades. Sans aborder la forme et ornements (que nous aborderons en troisième partie), il est important de souligner les principaux matériaux des façades haussmanniennes. Le matériau essentiel est la pierre de taille et le moellon de calcaire. Ce dernier est utilisé pour sa facilité de mise en œuvre. La pierre de taille peut servir autant en pierre de construction à usage portant qu’en ornement afin de sublimer la façade. Sa proximité géographique facilite son utilisation. En effet, la pierre calcaire est extraite soit du sous-sol parisien et de ses faubourgs proches (l’exemple jusqu’en 1860 du sous-sol des buttes Chaumont appartenant à Belleville puis à Paris à partir de la même année, transformé en parc et ballades par Adolphe Alphand inauguré en avril 1867). La pierre calcaire peut également venir de la Vallée de l’Oise. Les murs mitoyens et refends sont obligatoirement en pierre afin d’éviter la propagation des feux domestiques car la structure interne peut être en bois (plus léger et plus économique). Les façades en revanche doivent représenter l’aspect de la pierre pour une esthétique générale. Pour les façades moins nobles, l’utilisation du plâtre est assez courante. Le staff et stuc est en plein développement pour les intérieurs mais également pour les extérieurs. Nous le verrons dans la troisième partie. Avec la Révolution Industrielle, les éléments en fonte structurels et ornementaux deviennent industrialisés et génériques. Cette industrialisation apporte aussi une variété plus large de modèle. Les éléments de la façade tels que les grilles, volets, garde-corps…sont désormais en fonte. Ils sont regroupés en catalogue, ce qui permet la diffusion et la variété dans les modèles. Ce sujet sera développé durant la troisième partie. Le décret du 26 mars 18562 nous informe sur énormément de choses. En l’occurrence, il s’agit de l’article 4 et 5 : « L’article 4, obligeant tout constructeur de maisons à adresser à l’administration un plan et des coupes côtés des constructions qu’il projette, et à se soumettre aux prescriptions qui lui seront faites dans l’intérêt de la sûreté publique et de la salubrité » « L’article 5, prescrivant, sous peine d’une amende de 100 francs au plus, le grattage, la peinture et le badigeonnage des façades, au moins une fois tous les dix ans, sur l’injonction faire au propriétaire par l’autorité municipale ». Les permis de construire ne sont pas obligatoires à cette époque. Mais les constructions sont surveillées, avant même d’être construites. Elles sont également observées après leurs constructions afin de garder un ensemble salubre et en bon état. Il s’agit de constructions privées mais sous le contrôle public.
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2 DEJAMME Jean, Application aux villes du décret du 26 mars 1852 sur les rues de Paris, Berger-Levrault, Paris, 1887, Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l’homme, 8-Z LE SENNE-13122, GALLICA, 19.11.2017.
Les couleurs Dans son ouvrage, Paris, la couleur de la ville3 , Annick Desmier-Maulion dresse un relevé parisien par le dessin des matières et des couleurs de bâtiments particuliers parisiens (pierre calcaire claire, briques rouges qui dessinent des motifs). Ses trente relevés au pastel ne concernent pas seulement le Paris d’Haussmann mais différentes époques. Elle les dessine en tant qu’ensemble coloré, les façades et leurs relations de bâtiments mitoyens. Dans ses dessins, les deux endroits les plus colorées sont les rez-de-chaussées (portes et devanture de boutiques) et les toitures (rouges, bleues, grises..) En ce qui concerne la rue Gay-Lussac, hormis les bâtiments non représentatifs entre les numéros 39 et 44, la couleur prédominante est la couleur de la pierre calcaire. C’est une sorte de beige plus ou moins clair, bleuté, rosé. Les couleurs peuvent être ternes à cause de la pollution . La pierre de taille ou le plâtre (fait à partir de poudre de pierre calcaire) était obligatoire. La variation de couleurs se fait dans le détail. En effet, les garde-corps sont principalement de couleur noire avec quelques exceptions comme par exemple bleu marine au numéro 8, gris anthracite au numéro 62 (ce sont les couleurs actuelles). La variété de couleurs se fait davantage au rez-de-chaussée. En effet les devantures de boutiques sont hautes en couleurs, que ce soit par les panneaux de bois colorés que les devantures plus modernes (vitrine et couleurs affichées). Les portes d’entrée sont également très colorées. Nous pouvons citer en exemple les couleurs bois brute (au n°3, 24, 28 etc. elles sont majoritairement dans cette couleur), bleue (n°1), bordeaux (n°5), vert bouteille (n°19), bicolore bois et vert (n° 16), grise (n° 50), violette (n°47), turquoise (n°62). Il est évident que les couleurs de la rue actuelle sont différentes de celle du Second Empire. L’entretien nécessite de refaire la peinture et parfois changer la coloration. Il me semble peu probable de trouver une porte et une devanture turquoise au XIXème siècle. Malheureusement, sur les permis de construire, les dessins sont à l’encre noire et ne permettent pas de connaître les couleurs originelles.
Photographies personnelles des portes d’entrée de la rue Gay-Lussac.
3 2002
DESMIER-MAULION Annick, Paris, la couleur de la ville¸ Besançon, Edition de la villette,
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Les photographies d’époque sont en noir et blanc et ne permettent pas de répondre à cette interrogation. Néanmoins, sur une photographie retrouvée, une tentative de coloration permet de distinguer les garde-corps et la marquise en vert pâle. Les photographies ne permettent pas d’apprécier les couleurs, contrairement à la peinture. La rue Gay-Lussac est un archétype de la percée haussmannienne. A défaut d’avoir des informations sur la couleurs dans le domaine des archives (archives papiers et photographies), nous pouvons trouver des indices dans la peinture.
Carte postale, Gare du Luxembourg ,Inconnu, http://www.cparama. com/forum/paris-rue-gay-lussac-t8612.html, 02.12.2017.
Dans les œuvres des impressionnistes, la vision de la ville est colorée. La fascination pour la capitale en changement sous le Second Empire apparait sur les toiles. Durant la conférence «Paris embellie, agrandie, assainie, nouveaux regards artistiques sur la Ville ?»4 Maïté METZ, conservatrice des peintures et vitraux au musée Carnavalet-Histoire de Paris, nous explique l’influence des transformations de la capitale envers la peinture et le mouvement des impressionnistes. La nouvelle identité de la ville influence sur le format de la peinture, son point de vue, ses angles, et ses sujets. L’invention de la photographie, la capture d’un moment, modifie également le style de représentation, c’est la magnificence du « banal », de la vie quotidienne et de son architecture. Dans les œuvres de Caillebotte, des points de vue inhabituels viennent illustrer le nouveau Paris. Prenons par exemple, L’homme au balcon5, l’homme se situe au premier plan dans un étage supérieur d’un immeuble. La part du garde-corps occupe pratiquement la moitié de la toile. Un store rouge et blanc vient encadrer le haut du tableau. L’homme observe la percée dont nous ne voyons pas son extrémité. La couleur principale est le beige. Néanmoins, dans cette oeuvre la place du vert est importante. Il illustre la nouveauté des promenades urbaines propres au Second Empire. Nous pouvons également noter l’importance du rouge pour les briques des cheminés et le bleu pour les toitures en zinc. Ces couleurs sont dues au fait que les peintres prennent de la hauteur et permettent ainsi de voir le haut des immeubles.
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Tableau, L’homme au bacon, boulevard Haussmann, de Gustave Caillebotte, collection particulière, ~1880.
4 Conférence «Paris embellie, agrandie, assainie, nouveaux regards artistiques sur la Ville»? Maïté METZ (Conservatrice des peintures et vitraux au musée Carnavalet-Histoire de Paris), Pavillon de l’Arsenal, 26.04.2017 5 CAILLEBOTTE Gustave, Peinture, L’homme au bacon, boulevard Haussmann, Collection particulière, ~1880.
Une autre couleur marque également la rue haussmannienne dans les peintures des impressionnistes, c’est le jaune. En effet, grâce au mobilier urbain mis en place, Paris peut vivre la nuit et développer un engouement pour les représentations de nuit. C’est le cas, par exemple avec l’œuvre de Camille Pissarro, Boulevard Montmartre, effet de nuit6 , qui fait partie d’une série de tableaux saisonniers. Tableau, Boulevard Montmartre, effet de nuit de Camille Pissarro, National Galery de Londres, 1897.
Alors que nous pourrions penser que les façades n’offrent pas de couleurs par une uniformisation du matériau, la pierre calcaire, nous pouvons nous rendre compte que ces façades nourrissent l’esthétique des impressionnistes. La représentation de la capitale du XIXème siècle à travers ses façades haussmanniennes et son mobilier urbain, est colorée. Les artistes sont inspirés par la vie quotidienne parisienne7, leurs modes de vie, et leurs habitations. Mobilier urbain et végétation La beauté de la rue haussmannienne passe aussi par son équipement urbain. Le mobilier urbain s’est largement répandu pendant le Second Empire avec le service de promenades et jardins ; dirigé par Adolphe Alphand, et le service général des travaux d’architecture, par Gabriel Davioud. Les parisiens sont invités à la promenade, à la détente et cela s’accompagne d’un confort amené par du mobilier urbain. Dans le cas de la rue Gay-Lussac, il y a peu de végétation. Nous retrouvons de la verdure au numéro 39, un grand jardin arboré de la congrégation de l’Adoration Réparatrice et au niveau du numéro 66, arrière de l’Ecole Normale Supérieure (département biologie). La seule rue arborée à proximité est la rue de l’Abbé de l’Epée mais nous pouvons remarquer qu’ils ont été rajoutés dans un second temps en prenant sur l’emprise de la voie (avec la ligne de stationnement).
Photographies personnelles de la rue Gay-Lussac dépourvue d’arbres, et la rue abbée de l’épée
Cela peut s’expliquer par la largeur de la voie, 20 mètres auquel n’a pas été intégré l’espace pour des arbres. La proximité avec le jardin du Luxembourg explique le peu de végétation dans la rue Gay-Lussac et les rues voisines (mise à part le boulevard Saint-Michel), lieux de passage, pour se rendre au jardin. 6 PISSARRO Camile, Boulevard Montmartre, Peinture Effet de nuit, National Galery de Londres, 1897. 7 GOLDBERG Itzhak, « La vision de la ville par les impressionnistes et par Caillebotte », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, n°24, 2013, mis en ligne le 20 juin 2013, https://bcrfj.revues.org/7059#quotation, 26.11.2017.
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Sur le cliché, des candélabres sont disposés de façon régulière. L’éclairage au gaz est une innovation majeure pour la sécurité des habitants. Le baron Haussmann fusionnera six entreprises en une seule : la Compagnie parisienne d’Éclairage et de Chauffage par le Gaz. La consommation de gaz triplera à Paris entre 1855 et 1869. Nous pouvons citer l’exemple qu’utilise l’ouvrage Le Paris d’Haussmann8 , Paris, en 1850 n’avait aucun abonné au gaz, puis 43 000 en 1860, 87 000 à la chute du Second Empire en 1870 et 100 000 abonnés en 1873. Chaque réverbère est actionné soir et matin par un « allumeur ». Leur esthétique peut varier en fonction des emplacements (places, rues, jardins…). D’après les photographies de Charles Marville, il y avait une centaine de modèles différents présents dans la capitale.
Photographie de Charles Marville, La rue Gay-Lussac, 1853-1870.
La colonne Morris, également présente à côté de la gare du Luxembourg est typique du Second Empire. Imaginée également par Gabriel Davioud. Son nom provient de l’imprimeur Gabriel Morris. Elle est la nouvelle génération de la colonne mauresque (colonne qui accueille des affiches et urinoirs). La colonne Morris devient un élément phare du paysage parisien avec sa structure cylindrique, un bec à gaz pour illuminer les affiches et son toit en petit dôme afin de protéger les affiches des intempéries.
Dessins extraits de Paris Haussmann, LAN, Edition du pavillon de l’Arsenal, 2017, page 107.
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8 MONCAN Patrice de, HEURTEUX Claude, Le Paris d’Haussmann, page 265, Op.Cit. page 5.
Outre la fonction utilitaire de ce mobilier urbain, il participe à l’embellissement de la ville et l’homogénéisation des espaces publics. Cela participe à la sécurité (l’éclairage), l’hygiène (les fontaines d’eau potable), le confort (« chalets d’aisance, vespasiennes), les loisirs (kiosques) du piéton9. La rue Gay-lussac a peu de mobilier urbain par rapport aux autres voies. Nous pouvons observer une horloge, des réverbères, une colonne Morris... Cela s’explique par l’utilisation de la voie. Le confort urbain est limité puisqu’il s’agit d’un lieu de passage avec des commerces. On y passe pour traverser ou y faire des achats. Néanmoins, la rue n’en reste pas moins vivante par les nombreux commerces et cafés, débordants sur la voie publique. Au-delà du mobilier urbain présent dans la rue Gay-Lussac, nous pouvons ajouter une multitude d’éléments tels que les kiosques de journaux ou fleurs, les vespasiennes, les fontaines Wallace, les bancs, porte-règlements, grille d’arbres, corbeilles… Ils servent à enjoliver le paysage urbain qui encadre la vue, mais également à assurer une délimitation plus marquée entre les piétons et les véhicules. Ils sont pratiquement tous d’une couleur uniforme : vert foncé ; ce qui apporte, encore une fois une unité à la ville. Ordures sur la voie publique Les ordures ménagères (immondices à l’époque) étaient déposées directement sur la voie publique « à partir de 6h du matin l’été et 7h l’hiver » d’après l’ordonnance de police du 1 er septembre 185310. Les détritus étaient ramassés par les « chiffonniers » afin de garder des rues propres et agréables. Le coût de cet entretien est aux frais de la ville de Paris. Rien ne précise pour la rue GayLussac mais il semble logique d’y retrouver ce procédé. Transports
D’après les archives photographiques, la rue accueillait quatre moyens de déplacements possibles. Le premier est le déplacement piéton. Avec des trottoirs larges de quatre mètres, il était aisé de se promener le long des nombreux commerces et cafés, restaurants disponibles au rez-dechaussée.
Carte postale, Gare du Luxembourg ,Inconnu, http://www. cparama.com/forum/paris-rue-gay-lussac-t8612.html, 02.12.2017.
Nous pouvons apercevoir la gare du Luxembourg, en rez-de-chaussée du 2, rue Gay-Lussac, sur les trois façades à l’angle du boulevard Saint-Michel. La compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans a décidé dans les années 1880 de prolonger la ligne de Sceaux, de la gare de Denfert-Rochereau à un point plus central. Le prolongement est déclaré d’utilité publique le 14 décembre 188911. La ligne est souterraine mais l’accès depuis l’enceinte du jardin du Luxembourg n’est pas autorisé12. La compagnie achète en 1892 le rez-de-chaussée et les caves de l’immeuble. 9 MÉON-VINGTRINIER Béatrice, Le mobilier urbain, un symbole de Paris, février 2006, http://www.histoire-image.org/etudes/mobilier-urbain-symbole-paris, 19.11.2017. 10 MONCAN Patrice de, HEURTEUX Claude, Le Paris d’Haussmann, Op.cit. page 5. 11 Bulletin des lois de la République française, imprimerie nationale des lois, Paris, 1889, BNF MAEDI008, GALLICA 19.11.2017. 12 La science illustrée : journal hebdomadaire publié sous la direction de Louis Figuier, Exposition internationale (1900, Paris), 28.05.1892, Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l’homme, 4-R-767, GALLICA, 19.11.2017.
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Il s’agissait d’un magasin «Au Panthéon» de textile13. Les salles d’attente et les bureaux sont au rez-de-chaussée et l’accès aux quais se fait par les caves. Pour cette occasion, une pendule est accrochée et une marquise est installée pour protéger les piétons à la sortie de la gare. La marquise est un auvent fait de panneaux de verre et de ferronnerie. Nous pouvons voir qu’elle accueille des candélabres, ce qui permet une utilisation nocturne, comme le reste de la rue. La voie est accessible aux voitures. Durant le Second Empire, le moyen de prédilection des transports était la diligence tirée par des chevaux. La rue était à double sens. Elle était assez large pour accueillir une double circulation et relier le centre de Paris à la partie sud-est (par la rue Claude Bernard et l’avenue des Gobelins). La voiture était privée ou publique. En effet, un réseau de transport voit le jour durant le Second Empire. Des omnibus tirés par des chevaux sont visibles sur la photo. Les usagers étaient placés soit dans l’habitable de la cabine, soit sur la toiture, derrière le cochet. Dans le cas de la photographie rue Gay-Lussac, il y avait deux chevaux. Nous pouvons également voir à droite de l’image une charrette sans attelage stationnant sur le côté de la voie, à priori pour décharger une marchandise. Le dernier élément de locomotion se situe sur la partie centrale de la voie. En effet, nous pouvons observer des rails et de grands véhicules sombres en arrière-plan. Il s’agit sûrement de Tramways. Il s’agit d’une voiture hippomobile sur des rails. Les tramways sont mis en service dans la capitale à partir de 1875 sur le modèle britannique.
Carte postale, 875 - Rue Gay-Lussac, prise rue Sainte Jacques, http://www.cparama.com/forum/paris-rue-gay-lussac-t8612.html, 02.12.2017.
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13 En effet, sur la photographie de Charles MARVILLE de la rue Gay-Lussac, la rue (encore pavée), nous pouvons apercevoir l’ancienne boutique. Cela nous permet de dater plus ou moins précisément la chronologie des photographies, qui sont pour la plupart inconnues de l’auteur et de la date concernant la nouvelle gare du Luxembourg.
La rue Gay-Lussac est importante dans les liaisons de transports en commun du XIXème siècle. Elle fait partie d’un réseau d’omnibus et de tramways. Un nœud important est visible au niveau du début de la rue Gay-Lussac avec la ligne d’omnibus AF allant de la place Pereire (aujourd’hui place du Maréchal Juin dans le XVIIème arrondissement) jusqu’au Panthéon en passant par la Madeleine, la Concorde, Saint Sulpice et la rue Médicis. Il y a également la ligne de Tramways T faisant un axe Nord/Sud depuis la porte d’Orléans au sud, en passant par la gare de Sceaux (aujourd’hui place Denfert-Rochereau), le boulevard Saint Michel, la place de l’Hôtel de Ville, Arts et Métiers et a son terminus à la gare de l’Est. Deux autres lignes passent directement dans la rue Gay-Lussac. La ligne J est une ligne d’omnibus allant de la gare de Seaux (aujourd’hui place DenfertRochereau) jusqu’à rue Ramey dans le XVIIIème arrondissement. Elle passe sur le tronçon sud de la rue Saint Jacques, puis emprunte la rue Gay-Lussac, le boulevard Saint Michel, puis fait un circuit dans le IXème arrondissement avant de terminer sa course vers Montmartre. La dernière ligne du réseau passant par la rue Gay-Lussac est la ligne allant de porte de Choisy, remontant l’avenue des Gobelins, emprunte la rue Claude Bernard, la rue Gay-Lussac (dans sa totalité), le boulevard Saint-Michel et termine son itinéraire à Châtelet. Ce n’est pas indiqué s’il s’agit d’une ligne de bus ou tramway mais nous savons par d’autres cartes qu’il s’agit d’un tramway. Ces nombreuses lignes de transports en commun expriment l’importance du réseau et d’interrelations entre les quartiers. La rue Gay-Lussac est un axe important reliant la rive droite (avec le passage pratiquement systématique sur le boulevard Saint-Michel) et le sud, sud-est de la capitale.
Plan commode de Paris avec les Lignes d’omnibus et tramways, gravé par L.C. Gigon, 18??, BNF GED-986, 04.01.2018.
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Sur cet extrait de plan datant de 1882, nous pouvons remarquer que le tracé de la ligne de tramways est en pointillé. Cette légende signifie que la ligne ou portions de ligne ancienne sera supprimée. Les lignes en bleu plein sont celles conservées et les lignes rouges sont des nouveaux ou prolongements d’itinéraires. Nous remarquons qu’avec de nouveau tracé, le réseau sera plus performant avec des points de connections sans superpositions importantes (comme l’ancienne ligne 4 en pointillées passant par la rue GayLussac et chevauchant le boulevard Saint Michel avec la ligne 10, conservée. Tramways de la ville de Paris. Nouveau réseau projeté, Imp. de Monrocq, 1882, BNF GEC-30, 04.01.2018.
Les transports en commun sont tenus à l’époque par le CGO ; Société Générale des Omnibus. Elle a le monopole parisien. En 1856, la CGO possède 25 lignes à travers la capitale et 6 7000 chevaux1. Le cliché présent, a été réalisé après les années 1870 puisqu’il semble que les tramways soient plus conséquents en taille. Ce modèle est une génération postérieure au tramway hippomobile. Il s’agirait d’un tramway à air comprimé comme en voici un exemple plus précis sur ce cliché datant de 1910.
Modèle de tramway hippomobile, Histoire générale des transports, http://www.amtuir.org/, 02.12.17.
Modèle de tramway place du Chatelet, vers 1910, Histoire générale des transports, http:// www.amtuir.org/, 02.12.17.
Paris, Exposition Universelle 1900, situation chemis de fer et métropolitain, JARRIER Franklin, 2009, http://cartometro. free.fr, 02.12.17.
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1 http://www.amtuir.org, histoire des transports en commun parisiens, Maj décembre 2014, 19.11.2017.
La carte ci-dessus est postérieure au Second Empire car elle exprime l’état des chemins de fer et métropolitain de 1900, date phare où Paris accueille l’exposition Universelle. Pour l’occasion les lignes en rouge reliant l’ouest et l’est parisien sont crées. Toutefois, deux choses nous intéressent dans cette carte dans les lignes de métropolitains noires, déjà existantes. Il s’agit de la petite ceinture ferroviaire qui entoure Paris et dessert les banlieues. Au sud de la capitale, nous pouvons voir une ligne partant de la gare Médicis vers le Sud. La gare Médicis est l’actuelle gare du Luxembourg que nous avons précédemment évoquée à l’angle de la rue Gay-Lussac. Cette ligne desservait la gare Médicis, Port Royal, Denfert Rochereau, Sceaux Ceinture puis partait en banlieue parisienne. Il s’agit de l’ancêtre de la ligne RER B . Nous pouvons donc affirmer que la rue GayLussac, au XIXème est au coeur d’un réseau efficace de transports en commun mêlant omnibus, tramways et chemin de fer métropolitain. Aujourd’hui, la délimitation de ces espaces a varié. Il n’y a plus de tramways au centre de la voie. La rue reste encore en double sens mais une rangée de chaque côté de stationnement de véhicules occupe la largeur de la voie. La colonne Morris est toujours présente mais a été déplacé. Deux lignes de bus (le bus 21 et 27) marquent quelques arrêts dans la rue. La gare souterraine est toujours présente mais son accès ne se fait plus par le 2, rue Gay-Lussac mais par une bouche souterraine boulevard Saint-Michel. Une horloge est toujours présente mais a changé de support et de forme. Il en va de même avec les lampadaires, ils ne sont plus disposés sur le trottoir mais fixés sur les façades. La rue Gay-Lussac, par sa morphologie a réussi à s’adapter à son époque et ses usages. L’aspect de la rue reste pratiquement le même du point de vue de son architecture, mais a radicalement changé par son aspect dans les revêtements de sol, de ses usages et mobiliers urbains. La question des angles Les angles sont très importants dans la morphologie d’une rue. Généralement, cela marque une sorte de point fort dans la rue qui rompt avec la linéarité des façades sur rue14. Il y a trois types de traitement dans les façades ; les façades avec d’autres façades mitoyennes, les façades avec des pierres d’attente et les petites façades d’angles. Les façades continues sont le modèle parfaitement haussmannien. Les façades doivent être alignées, homogène dans leur gabarit et dans leurs lignes. Il existe un cas, dans la rue Gay-Lussac où l’immeuble attend encore sa façade voisine. Il s’agit de l’immeuble situé au numéro 37, rue Gay-Lussac. Le pignon est très visible puisqu’il prend place à la limite de la parcelle de la Congrégation de l’Adoration réparatrice et donne sur un jardin. Nous pouvons voir les pierres d’attente. Nous avons le sentiment d’inachevé, l’angle est alors subi par le vide de la parcelle voisine. D’autre part, les angles formés par le croisement des rues perpendiculaires à la rue Gay-Lussac sont traités par l’architecture. Dans le traité entre la ville et Legrand15, l’article 10 demande que les parcelles aux angles soient construites en premier. Il y a un délai de deux ans maximum après l’ouverture de la voie contre trois ans pour les parcelles n’ayant qu’une face sur rue. La voie est ouverte en janvier 1866. Néanmoins, nous pouvons remarquer que ce délai, très court n’a pas été respecté lorsque l’on regarde les années de construction des immeubles 14 MIGNOT Claude, Grammaire des immeubles parisiens, six siècles de façades du MoyenAge à nos jours, Parigramme, Paris, 2004. 15 Archives de Paris, VO11 1342, 30.10.2017. [annexe 3]
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situés en angles disponibles. Les numéros 52, 56, et 59, construits par le même architecte, Ziegler, datent de 1869 (trois ans après), alors que le numéro 64 date de 1877, le numéro 11 date de 1889, le 66 de 1894, le 38 de 1895… Les RUE constructions dépassent largement le délai de deux ans. Nous pouvons Smême OUF FLO faire remarquer que certains immeubles en dehors des angles ont été construits T avant les immeubles d’angle. C’est le cas par exemple du numéro 3, construit en 1867, par Ziegler, ou encore le numéro 40, construit la même année par l’architecte Berbant. Il y a différentes façons de traiter un angle. Voyons à présent les différents cas de la rue Gay-Lussac. Le premier nœud de circulation se fait au niveau de quatre croisements de rues; 9 la rue Gay-Lussac (la principale), la rue Royer Collard (traversante), la rue le Goff (se terminant 6 9 à l’embouchure avec la rue Gay-Lussac) et 11 l’impasse Royer Collard. Ces rues ne se croisent pas de façon perpendiculaire, ce qui signifie que 13 8 certains angles seront aigus et d’autres obtus. Ce n’est pas la même façon de traiter la typologie. Commençons par les angles aigus. Il s’agit de la pointe d’îlot triangulaire qui marque deux voies ; Première séquence d’angle de la rue Gayil peut être plus ou moins marqué. Lussac avec les numéros. ALE
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Croquis de l’entresol et R+1 de la façade d’angle du 6, rue Gay-Lussac.
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Pour le numéro 6, nous pouvons remarquer que l’angle est tronqué et permet une travée de fenêtre. Le rez-de-chaussée est clos (sûrement fait dans une période postérieure à sa construction). Les lignes horizontales de l’immeuble se suivent sur les trois façades au niveau de l’entresol et du R+5 ainsi qu’à l’attique. Le traitement réservé aux façades plus importantes est le même que sur l’angle. Toutefois, afin de marquer davantage l’angle, nous pouvons remarquer les refends (sortes de « joints» pour marquer les lits de la pierre) présents sur la totalité de l’entresol mais en ce qui concerne les deuxième et troisième étages, les refends sont visibles sur la travée périphérique de façade principale et sur l’angle. En revanche, ils n’y sont pas sur la façade donnant sur la rue Royer-Collard. Il s’agit d’un moyen efficace pour marquer l’angle. De plus, nous pouvons observer qu’au niveau du premier étage, il y a un balcon. Ce balcon, supporté par deux corbeaux richement ornés est spécifique à cet angle. La clef d’arcade, au centre du linteau de la fenêtre de l’entresol est également plus travaillée que les autres. La grille du garde-corps est de même nature que celle utilisée en attique.
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Il y a deux modules dans ce garde-corps ; l’un (A) pour signifier l’angle et un second (B) de remplissage (moins travaillé). Toutefois, au niveau du balcon, nous pouvons remarquer que le motif fait A-B-A-B-A (et B-B pour le côté du balcon). Ce balcon est plus visible du point de vue du piéton et a nécessité davantage de soins que le balcon de l’attique. Pour le numéro 13, nous retrouvons les mêmes stratégies, mais accentuées. Le balcon se répète à chaque niveau. Les clefs d’arcade sont ornées et deux doubles-corbeaux soutiennent la saillie. Notons que les corbeaux de l’entresol ne sont que dégrossis et absolument pas sculptés.
Photo du 9 rue Gay-Lussac
Photo du 13 rue Gay-Lussac
Passons à présent sur la façade en face, le numéro 9, rue Gay-Lussac. L’angle est également aigu. Le principal problème de ces angles, c’est qu’ils donnent sur des pièces à triples orientations (généralement le salon, pièce noble) mais sont difficiles à meubler. Dans le cas de cet exemple, l’architecte a utilisé un stratagème. Il était recommandé de faire des façades symétriques, mais les fenêtres seraient alors trop proches les unes avec les autres au niveau de l’angle. Cette géométrie particulière a influencé l’architecte en maçonnant au maximum près de l’angle afin de donner plus de surface entre la fenêtre de l’angle et celle de la façade principale. Afin d’éviter de déranger au maximum la composition de la façade principale, il Croquis 9 rue Gay-Lussac et son a utilisé une moulure colossale (qui s’étend sur deux ornement monumental. niveaux) qui ornemente la façade. Sur cet immeuble, le balcon au R+1 n’est pas filant mais divisé en deux balcons ; un sur la rue Gay-Lussac, un à l’angle. La façade donnant sur la rue le Goff n’en possède pas au R+1. Le balcon à l’angle marque l’angle. Il s’entend de chaque côté (sachant qu’il n’y a pas de fenêtre) afin de le rendre plus important. Il utilise six corbeaux richement ornés alors que la structure n’en demande pas autant, toujours dans le but de marquer son importance. Il y a également des ornements floraux sous le balcon de l’attique. Ils ne sont présents qu’aux angles. L’angle mis en valeur permet à la boutique du rez-de-chaussée d’avoir son accès dans l’angle (à la différence de la façade précédente du 6 rue Gay-Lussac). En ce qui concerne le numéro 8, il s’agit de la même problématique. Toutefois, l’architecte a voulu davantage affirmer l’angle. Chaque étage possède son balcon, ce qui n’était pas conventionnel au Second Empire où les troisième et
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quatrième étages n’avaient que des garde-corps aux fenêtres. Les corbeaux sont également plus nombreux sur l’angle. Le commerce en rez-de-chaussée a choisi de placer sa devanture principale dans l’angle afin de gagner en visibilité. Toujours dans cette première séquence de la voie, il est nécessaire de se pencher sur la seconde géométrie de l’angle ; l’angle obtus (plus de 90°). Alors que les angles aigus sont traités comme des morceaux tronqués de façades à mettre en valeur, les immeubles aux façades à angle obtus traitent leurs tronçons comme de véritables façades entières. Prenons l’exemple du numéro 11. La géométrie que proposent les croisements entre la rue Royer-Collard et la rue le Goff est assez particulière. La façade accueille cinq travées de fenêtres. Toutefois, il s’agit d’un cas spécial ; en effet nous avons deux immeubles dans cet angle. Ils ont été tous les deux construits en 1889 par le même architecte, Pasquier. Ils sont très similaires ; même porte cochère (une donnant sur la rue le Goff et l’autre sur la rue Gay-Lussac), mêmes matériaux, mêmes ornements, même motif de grille. Ce qui permet de les différencier est assez discret depuis la rue. La volumétrie est différente. L’immeuble au 9, rue le Goff a un double niveau dans ses combles et est plus haut (il a sûrement été rajouté plus tard). De plus, nous pouvons voir à la séparation des deux immeubles sur l’angle, les gouttières. Elles séparent les deux immeubles par la descente des eaux pluviales. La disposition des commerces permet de donner un indice. La fenêtre en rez-de-chaussée appartient au numéro 11 et ne peut être utilisée par l’autre immeuble. Le dernier élément se situe dans la composition même de la façade. L’emprise du numéro 11 oblige les 4 travées de fenêtres à être assez proches tandis que la dernière du numéro 9, rue le Goff est moins resserrée. Cela forme néanmoins un angle cohérent et pratiquement symétrique dans la composition globale de la façade d’angle, assez large pour avoir sa propre indépendance. A l’inverse des façades d’angles plus fines qui dépendent des deux autres pans de la façade).
11 rue Gay-Lussac et 9 rue le Goff
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50 rue Gay-Lussac au croisement de la rue de l’Abbé de l’Epée.
Il y a un second cas où l’angle est partagé par deux immeubles ; au 50 rue GayLussac, avec le croisement de la rue de l’Abbé de l’Epée. Le croisement est large, ce qui permet d’avoir une bonne visibilité du 1er, rue de l’Abbé de l’Epée. La limite des deux immeubles est assez étrange ; elle se fait pratiquement à l’angle. La composition interne doit en pâtir. Une travée a été condamnée et la façade se retourne sur la rue Gay-Lussac sur environ un mètre. Le balcon de l’étage noble se retourne également. Sa façade n’est donc pas symétrique et subit la géométrie de la parcelle. L’angle n’est absolument pas mis en valeur. Les façades aux angles offrent une vue frontale aux passants et habitants mais induit le plus souvent à la condamnation d’une travée de fenêtres afin de pouvoir meubler les intérieurs. C’est le cas par exemple au numéro 6, 13 (les deux donnent sur les rues secondaires), et le 52 sur la rue Gay-Lussac. Le second croisement important se
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situe à la rencontre de la rue GayLussac et la rue Saint Jacques. Alors que pour les autres croisements, nous pouvons affirmer que la rue principale est la rue Gay-Lussac, dans ce cas, elles n’ont pas de hiérarchie. De plus, elles ne se croisent pas de façon perpendiculaire et forment soit des parcelles aux angles très aigus ou très 36 obtus. Dans les deux cas, les angles marquent une signalisation forte entre les deux rues. Le type de façades à l’angle aigu comme au 38 donne vision des deux faces, elles doivent être traitées de la même façon. La façade avec l’angle obtus au numéro 36 n’a pas d’arête très marquée. La continuité est respectée et participe même à l’axe de symétrie. Seulement une travée et la porte cochère sur deux niveaux sont ajustées à droite du bâtiment. Dans les deux cas, les deux façades au croisement de la rue Saint Jacques se fondent dans le décor. Soit elle est tronquée mais est une façade similaire aux autres, soit l’angle n’est pas très important et la façade n’a pas de contrainte avec l’arête. Etant donné l’importance des deux voies et leurs morphologies, le croisement est important. Le numéro 27 semble légèrement isolé. C’est une grande parcelle qui occupe huit fenêtres en façade par niveau des deux côtés des rues. L’immeuble forme un élément fort de l’angle des deux rues. Il y a une travée sur la façade tronquée. Pour marquer ce morceau de façade, l’architecte a utilisé le même stratagème du balcon d’angle au R+1. Les corbeaux sont conséquents dans le dimensionnement. Toutefois, il a ajouté des éléments ornementaux conséquents. Nous retrouvons des basreliefs de colonnes monumentaux (sur deux niveaux), deux par arête. La fenêtre de l’étage noble possède un fronton triangulaire. Il est de même pour la fenêtre périphérique des deux autres façades qui forment ainsi un angle marqué.
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LUS Croquis de la façade d’angle du 27, rue Gay-Lussac.
Il est utile de mentionner que les angles sont importants dans une rue mais qu’ils peuvent marquer une sorte de hiérarchie de façades au sein du même bâtiment. Généralement, les rues secondaires ont une façade moins ornée. La façade de l’angle s’accorde toujours avec la façade principale (la rue Gay-Lussac, sauf le cas de la rue Saint-Jacques expliqué en amont) laissant le reste en second plan. C’est sur la façade secondaire que les travées peuvent être condamnées, que les ornements peuvent être moins nombreux et riches… Il est logique de privilégier la beauté de la façade donnant sur rue (contrairement aux façades sur cours, alors dépourvues de soins esthétiques) et de se focaliser sur les axes principaux.
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Pour conclure, la question de l’angle est un point essentiel à la morphologie urbaine. Nous avons vu que son traitement varie en fonction de sa visibilité, de son importance (hiérarchie) et de sa géométrie. Le rez-de-chaussée, un espace essentiel à l’activité commerciale. Lorsqu’un usager se promène ou traverse une rue, il remarque davantage ce qui se trouve au niveau de ses yeux. L’architecture des bâtiments et leur morphologie sont, certes, remarquables mais le rez-de-chaussée appartient plus au domaine du public qu’au domaine privé. Au long des rez-de-chaussée, il y a trois sortes de situations : les vides (rupture du ruban de la ville évoquée précédemment), les commerces et les portes d’entrée des habitations et intérieur d’îlot (relatif au privé). Nous avons déjà repéré les espaces creux. Ils sont fermés par une grille mais donne une visibilité sur un jardin ; c’est le cas de la congrégation de l’Adoration Réparatrice. Au niveau de l’Ecole Normale Supérieure, le bâtiment en recul de la rue et les espaces non définis entre les deux n’aident pas à la compréhension du rez-de-chaussée. Les commerces sont très importants. Ils participent à la vie de la rue, à son attractivité et son passage. Durant l’exposition Paris, Haussmann16, Il y avait un comparatif entre la ville de Paris et d’autres villes mondiales importantes. L’exposition comparait des données comme la densité du bâti, du maillage entre les rues, accessibilité piétonne … Ce qui nous intéresse dans ce cas présent, c’est la densité des services. Paris est la capitale la plus dense en service, avec une moyenne de 175% contre 59% à Barcelone et 71% à New-York, à titre d’exemples. La répartition des services est très accessible et homogène. En ce qui concerne la rue Gay-Lussac, la plupart des rez-de-chaussée sont commerciaux. Nous pouvons observer la multitude de services sur la carte17 provenant d’OpenStreetMap . Lorsque l’on circule dans la rue, l’offre est encore plus nombreuse que le stipule la carte. Voici un exemple des commerces et services proposés pour les vingt premiers numéros.
Il est évident que ce ne sont pas les boutiques et services originels à la création 68
16 17
Paris, Haussmann, Exposition au pavillion de l’Arsenal, Op.cit page 7. A l’aide du site d’OpenStreetMap
Nous pouvons avoir des informations sur les habitants de la rue Gay-Lussac au XIXème siècle. En effet, cela est possible grâce à l’annuaire-almanach du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de administration1. En cherchant dans l’annuaire-almanach de 1879, nous avons pu trouver quelques exemples de métiers des habitants de la rue Gay-Lussac. Nous n’avons pas la certitude que leur commerce se situait au rez-de-chaussée commercial de leur immeuble mais ces informations sont intéressantes pour établir le profil-type de l’habitant de cette rue.
Les métiers sont plus généralement des métiers dans le secteur tertiaire qui correspond de nos jours à la catégorie socioprofessionnelle des cadres supérieurs. Nous y trouvons des banquiers, avocats, graveurs dans des ministères, secrétaire au parquet, sociétaire, sénateur... Il y a, en grande partie, des métiers dits intellectuels tels que des professeurs, compositeur, architecte... Toutefois, nous pouvons voir des métiers reliés à l’artisanat comme des commerçants de parfums, vêtements, boulangers, hôteliers, restaurateur, serrurier... Il n’ y a cependant aucune trace d’ouvriers vivant dans la rue Gay-Lussac. Le cadre de vie et le niveau de richesse des habitants de la rue Gay-Lussac sont assez révélateurs de la population de ce quartier. Il s’agit du centre de Paris où une population aisée et bourgeoise s’est installée dès le XIXème siècle. 18 Annuaire-almanach du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers : Firmin Didot et Bottin réunis, 1881, BNF Département Littérature et Art, V-11432, 04.01.2018.
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de la voie. Toutefois, les locaux n’ont pas changé. L’architecture a été pensée pour y accueillir un commerce de proximité. Sur l’ensemble de la rue, nous avons relevé cinquante-six rez-de-chaussée accueillants une activité sur les soixante-quatre bâtiments (il y a 78 numéros mais le côté impair s’arrête au 51). Si nous calculons en pourcentage, 87.5% des immeubles de la rue Gay-Lussac possèdent un rez-de-chaussée commercial. Les numéros 21, 24, 26, 46, 66 et 68 ont un appartement au niveau de la rue. A d’autres numéros, il s’agit d’instituts, d’écoles (cela reste de l’ordre du service mais non commercial). C’est le cas du numéro 31 par exemple, où se situe l’Université Paris-Sorbonne, l’institut d’études hispaniques. Le numéro 26 n’a pas suffisamment de largeur sur rue afin d’accueillir autre chose que sa porte d’entrée.
Exemples de rez-de-chaussée habités
Façade du 44, rue Gay-Lussac.
Le cas de l’immeuble situé au 44, rue Gay-Lussac est notable. L’immeuble a été construit par les frères Bercioux. Le bâtiment possède quatre travées de fenêtres. Des grilles de caves sont visibles au rez-de-chaussée. Néanmoins, il est clair que ce dernier a été modifié. Actuellement, il accueille un centre Epsillon (centre d’éducation de cours particuliers). La porte d’entrée, richement ornée d’un linteau avec des bas-reliefs floraux et d’un mascaron (figure humaine) au centre. Toutefois, nous pouvons remarquer que le reste a été modifié afin d’accueillir un service. La couleur n’est pas exactement la même, la composition et l’alignement des fenêtres ne sont pas respectés, une seconde porte a été créée. Nous pouvons voir la reprise des charges avec un poteau en fonte derrière la vitre de la fenêtre. Même la couleur des menuiseries n’est pas en adéquation avec le reste.
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Les seconds éléments qui viennent habiter le paysage urbain public sont le seuil et les portes d’entrée des immeubles. Mise à part les bâtiments non alignés à la rue, tous les autres ont un accès depuis les trottoirs rue Gay-Lussac. Ces portes sont très variées. Nous avons pu le voir dans la partie qui traite des couleurs dans la rue. De plus, elles sont variées pour trois données supplémentaires ; leur disposition, leur forme et leurs ornements. Selon la parcelle, la porte d’entrée peut se placer de différentes façons. Quand la parcelle est très large, dans un souci de distribution interne, l’entrée se fait par le milieu de façade. Il en va de même avec les parcelles très fines qui ne peuvent pas faire autrement que placer
leur porte cochère au centre. Avec chaque bâtiment, la morphologie de la rue créée des regroupements de portes ou au contraire, isole une porte entre deux boutiques. Dans le cas des numéros, 24, 26 ,28, les portes sont très proches et forment un ensemble remarquable.
24, 26, 28, rue Gay-Lussac.
A présent, il est nécessaire d’établir un inventaire des façades de la totalité de la rue Gay-Lussac. Il est important de faire un état des lieux sur les 78 numéros car chaque bâtiment a des caractéristiques similaires et différentes par rapport à son voisin. Dans la dernière partie, nous avons analysé les détails de la façade haussmannienne. Il est évident que des groupes d’analyse seront formés suivants des données spécifiques sans utiliser la totalité des soixante-quatre bâtiments. Un choix raisonné sera alors expliqué puis analysé en troisième partie. Néanmoins, nous traitons dans cette partie l’échelle de la rue, il est donc nécessaire de dresser la liste de chaque immeuble avec une photos, son adresse, son année de construction et l’architecte (parfois même le sculpteur), le nombre de travées de fenêtres et parfois des ornements décoratifs. Lorsque qu’il manque des données, c’est qu’il n’y avait pas d’informations disponibles au niveau de la rue, des archives de Paris, du Dictionnaire par noms d’architectes des constructions élevées à Paris au XIXe et XXe siècles d’Anne Dugast et Isabelle Parizet, ou encore l’inventaire de Joëlle Bertaut des dépouillements des permis de construire du Bulletin municipal officiel de la ville de Paris entre 1882 et 1895, par architecte et par rue.
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H/ Les façades d’immeubles (par ordre pair, puis impair).
Adresse : 1 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 7 Particularités: X
Adresse : 3 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: S. Siegler 1867 Nombre de travées: 7 Particularités:X
Adresse : 5 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 6 Particularités:X
Adresse : 7 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: A. Jacob Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 9 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 4 Particularités: Angle
Adresse : 11 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C. Pasquier 1889 Nombre de travées: 5 Particularités: X
Adresse : 13 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: Particularités: X
Adresse : 15 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Saulnier 1911 Nombre de travées: 7 Particularités: après le Second Empire
Adresse : 17 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 5 Particularités: X
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Adresse : 19 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 6 Particularités: X
Adresse : 21 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C. Duprez 1884 Nombre de travées: 12 Particularités: X
Adresse : 23 rue, Gay-Lussac INEXISTANT
Adresse : 25 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: J.Vasseur 1890-1896 Nombre de travées: 7 Particularités: X
Adresse : 27 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: A.Lebrun 1886-1900 Nombre de travées: 8 Particularités: Angle
Adresse : 29 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 7 Particularités: X
Adresse : 31 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 1 Particularités: Insitut hispanique, Panthéon Sorbone
Adresse : 33 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 6 Particularités: X
Adresse : 35 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 6 Particularités: X 73
Adresse : 37 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C.Ziegler 1868 Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 39 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 4 Particularités: Congrégation de l’Adoration Réparatrice
Adresse : 41 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 5 Particularités: Institut national d’Etude du Travail et de l’orientation professionnelle
Adresse : 43 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: ? Particularités: ENS
Adresse : 45 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: E. Gaviner 1882 Nombre de travées: 5+2 petites Particularités: X
Adresse : 47 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C.Ziegler 1869 Nombre de travées: 2 Particularités: X
Adresse : 49 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: A.Cusin 1875 Nombre de travées: 4 Particularités: X 74
Adresse : 51 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Nombre de travées: 7 Particularités: X
Adresse : 50 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C. Ziegler 1868 Nombre de travées: 7 Particularités: X
Adresse : 52 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C.Ziegler 1869 Nombre de travées: 5+1 Particularités: X
Adresse : 54 rue, Gay-Lussac Adresse : 56 rue, Gay-Lussac INEXISTANT Architecte/ Année: C.Ziegler 1869 Nombre de travées: 5+1 Particularités: X
Adresse : 58 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Bercioux 1872-1877 Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 60 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C.Ziegler 1870-1877 Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 62 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Bercioux 1868-1870 Nombre de travées: 3 Particularités: X
Adresse : 64 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Dechard 1877-1895 Nombre de travées: 3 Particularités: X
Adresse : 66 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: G.Oslet 1894-1898 Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 68 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Strauss 1879 Nombre de travées: 4 Particularités: X 75
Adresse : 70 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Bercioux 1877 Nombre de travées: 4 Particularités: Symétrie avec le 72
Adresse : 72 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Bercioux 1877 Nombre de travées: 4 Particularités: Symétrie avec le 70
Adresse : 76 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Bercioux 1875 Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 78 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Bercioux 1874 Nombre de travées:7+1 Particularités: X
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Adresse : 74 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 4 Particularités: Lycée Lucas de Nehou
Adresse : 2 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: Particularités:X
Adresse : 4 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 6 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Nombre de travées: 5 Particularités: angle
Adresse : 8 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 8 Particularités: Angle
Adresse : 10 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: 1868 Nombre de travées: 5 Particularités: X
Adresse : 12 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 5 Particularités: X
Adresse : 14 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C. Pasquier Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 16 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C. Ceschino 1868-1889 Nombre de travées: 5 Particularités: X
Adresse : 18 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: E. Flavien 1879-1897 Nombre de travées: 6 Particularités: X 77
Adresse : 20 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 5 Particularités: Contemporain
Adresse : 22 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: E.Vieillot 1891 Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 24 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 26 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: G.Seitz + Godin 1868 Nombre de travées: 1 Particularités: X
Adresse : 28 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Brebant 1868 Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 30 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: J.Strauss 1883 Nombre de travées: 6 Particularités: X
Adresse : 32 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 34 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: E.Gelee 1876 Nombre de travées: 2 Particularités: X
Adresse : 36 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: E. Lagbave 1869 Nombre de travées: 5+4 Particularités: Angle
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Adresse : 38 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: P.Lorain et E.Vasseur 1895-1900 Nombre de travées: 7+1 Particularités: X
Adresse : 44 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Bercioux et Ragon (sculpteurs) Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 40 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Berbant 1867 Nombre de travées: 8 Particularités: X
Adresse : 46 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: ? Nombre de travées: 3 Particularités: X
Adresse : 42 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: Nombre de travées: 4 Particularités: X
Adresse : 48 rue, Gay-Lussac Architecte/ Année: C. Ziegler 1869 Nombre de travées: 4+2 Particularités: X
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III-
LA RUE GAY-LUSSAC A L’ÉCHELLE DE L’ARCHITECTURE I/ L’écriture architecturale de la façade haussmannienne. Après avoir fait l’inventaire des immeubles de la rue Gay-Lussac, leurs architectes connus, et leurs dates de construction, nous pouvons nous concentrer sur des façades représentatives de l’époque et de la rue. Il est évident que traiter l’ensemble des numéros ne serait pas pertinent à la vue de sa quantité. Nous allons donc analyser les façades selon des thématiques spécifiques et les illustrer à travers des exemples particuliers. Les modes de représentation sont multiples ; photographies in situ, archives des élévations de façades disponibles aux archives de Paris, dessins descriptifs par relevés (et zoom sur certains éléments dessinés), dessins des façades à la main. Nous allons, encore une fois procéder par variations d’échelles, par la relation entre les façades mitoyennes, puis par parcelle et enfin par éléments architecturaux. Nous terminerons par analyser des projets contemporains au Second Empire situés dans la rue Gay-Lussac et regarderons le traitement de façade, en lien ou pas avec l’architecture spécifique des immeubles haussmanniens. La question de la mitoyenneté. La particularité des façades haussmanniennes est leur relation entre elles. Nous l’avons vu précédemment, « le ruban » que forme la mitoyenneté était voulu et demandé pour la création d’un nouvel immeuble. Les immeubles d’angle devaient être construits en premier afin de disposer d’une continuité, dans les hauteurs, et les lignes horizontales. L’ensemble devait-être homogène. Toutefois, cette rigidité était-elle trop ferme ? Voyons cette disposition avec un tronçon de la rue ; les 2, 4 et 6 rue Gay-Lussac, situés entre le boulevard Saint-Michel et la rue Royer-Collard, au commencement de la rue proche du jardin du Luxembourg. Nous avons vu, en amont le règlement des hauteurs de voierie. Paris est dense. Pour les voies, moins larges que vingt mètres, la proportion largeur/ hauteur et de 2/3. Toutefois pour les voies de vingt mètres et plus, c’est une proportion carrée. Par conséquent, la hauteur des bâtiments de la rue Gay-Lussac est de vingt mètres. Cette règle m’a été utile lors du relevé des façades. Elle a pu me donner le gabarit. Nous n’avons pas les dates et les architectes des ces trois immeubles, néanmoins, ils datent du Second Empire. Ils constituent le commencement de la rue et sont visibles sur les photographies de l’époque. Ils respectent les règlements établis à l’ouverture de la voie et représentent parfaitement les caractéristiques des immeubles haussmanniens.
Compositon des travées et lignes horizontales des 2, 4, et 6, rue Gay-Lussac. Echelle 1.5000
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ÉlÊments architecturaux du 2, rue Gay-Lussac. Echelle 1.500
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Façade 2, rue Gay-Lussac, 1.1000e
Façade du 2, rue Gay-Lussac, relevé et dessin informatique personnels.
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L’immeuble situé au 2, rue Gay-Lussac forme l’angle avec le boulevard SaintMichel. La largeur de l’emprise de la façade sur la rue est de 25,15 mètres. Comme nous l’avons évoqué précédemment, il accueillait la gare souterraine du Luxembourg. Avec le temps le rez-de-chaussée est devenu commercial et la façade percée par des ouvertures impromptues, comme nous pouvons le voir sur le dessin. Deux fenêtres ont même été coupées pour une entrée de service/ livraison. Nous remarquons que l’accès à ce bâtiment se situe sur le boulevard Saint-Michel car il n’y a pas de porte d’entrée sur cette façade. Néanmoins, mise à part ces modifications, la façade reste typique du Second Empire. Nous retrouvons le balcon filant au-dessus de l’entresol et au niveau de l’attique. Les hauteurs d’étage varient. Il y a un entresol bas de plafond pour le stockage des commerces, deux étages nobles avec de plus grandes fenêtres au R+2 et R+3, deux niveaux intermédiaires au R+4 et R+5, l’attique et les combles assez bas de plafond pour les appartements de service et les chambres de bonnes. Cette lecture depuis la façade traduit une hiérarchie sociale présente dans l’immeuble de rapport au Second Empire. Les étages nobles, pour la bourgeoisie aisée n’avait pas à monter beaucoup d’escaliers (l’ascenseur va révolutionner cette pensée) pour arriver dans son logement. Il était bien visible depuis la rue (société de représentation perpétuelle). Les étages supérieurs étaient destinés à une population moins aisée, qui était parfois au service des étages nobles. Généralement les modénatures se situaient au niveau des étages nobles, c’était un symbole de richesse que nous évoquerons plus tard. Cette façade possède huit travées de fenêtres. Elles ne sont pas régulières avec une fenêtre isolée. Nous avons traité la question de l’angle. Il s’agit d’un exemple typique de pièce en angle avec trois orientations différentes (dans ce cas présent, l’angle possède deux fenêtres par niveau). La pièce est plus facile à meubler en étant isolée. Nous avons ensuite une travée d’ouvertures légèrement isolée, puis une série de trois fenêtres très rapprochées et enfin une seconde série de trois travées à espacement régulier. En ce qui concerne l’ornement à travers les modénatures, il y en a beaucoup sur la façade. Le garde-corps des fenêtres fonctionne comme un cadre aux formes géométriques droites avec quelques détails en courbes. Ce cadre accueille un ensemble courbe, symétrique, complexe. Il s’agit du même décor agrandi pour les garde-corps des balcons, plus grands (A). Ils se mélangent avec un autre modèle, plus étroit divisé en deux parties similaires, avec une forme complexe en courbes (B). Le modèle fait de gauche à droite A-A-B-AB-A-A-A-B-A-B-B-A-B. De façon général, le modèle A se retrouve pratiquement toujours devant une fenêtre. Les consoles sont également importantes au niveau des modénatures de la façade. Les deux modèles différents soutenant le balcon du R+1 ne sont pas uniformément placés et forment ainsi une lecture particulière. L’objectif principal est de marquer l’angle. Nous pouvons également ajouter les frontons des fenêtres près de l’angle. Il y a une figure zoomorphe assez conséquente et un second fronton triangulaire plus simple sur la fenêtre à l’étage supérieur.
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Le numéro 4 rue Gay-Lussac a une emprise au niveau de sa façade de 13 mètres sur la rue. Il possède quatre fenêtres par niveaux à intervalle régulier. Le balcon « filant » du R+2 ne continue par sur tout l’étage mais seulement deux fenêtres centrales. Il n’y a pas de grille de séparation sur le balcon, il s’agit donc d’un seul appartement sur le niveau donnant sur la façade. La hauteur rez-de-chaussée est similaire à son voisin de droite. Toutefois malgré la hauteur globale similaire, l’attique est légèrement différent du 2, rue Gay-Lussac. L’ornement est assez simple dans sa composition. Il est dans l’ensemble dans le registre floral. Nous avons des consoles pour le balcon central travaillées avec une guirlande végétale et des fleurs sur l’avant de la partie haute du corbeau. Leur taille est assez impressionnante et représente pratiquement un tiers de la fenêtre de l’entresol. Les corbeaux du balcon de l’attique sont plus simples mais sont remarquables par leur nombre, on en compte quinze. Le linteau des fenêtres du R+1 est marqué. La guirlande de fleurs se retrouve au niveau des linteaux de l’étage noble au R+2. Le linteau du R+3 est plus sobre et finement travaillé, toujours dans l’esprit végétal. En ce qui concerne les autres linteaux des étages supérieurs, ils ne sont pas ornés mais la clef d’arcade est marquée et encore une fois, ses proportions sont plus grandes par rapport au reste de la fenêtre. Il y a cinq types de gardecorps en fonte différents. Le premier est pour les fenêtres sans balcon. Il s’agit d’un petit garde-corps avec une barre, un médaillon central orné puis un jeu d’arabesques symétriques de chaque côté. Le garde-corps du balcon central est le plus travaillé de la façade. Il y a deux modules différents disposés de façon A-B-A. Le motif A est très floral. Deux guirlandes végétales, une fleur au centre et une multitude de branches (type laurier) viennent agrémenter le dessin du garde-corps. La partie haute forme des arabesques avec des feuilles, elle n’est pas filante sur l’ensemble du balcon mais ordonne l’ensemble. Le module B est dans le même esprit, avec quatre fleurs aux angles, des arabesques, et deux grillages rappelant les treillis des plantes grimpantes. Le module du balcon filant de l’attique est plus simple et répétitif. Le module, assez fin se répète, il insère pour la première fois dans la façade des éléments géométriques en partie inférieure. La partie supérieure rappelle le balcon du R+2. Le dernier gardecorps est celui des fenêtres des combles. Il s’agit de grilles à barreaux verticaux simples, sans ornement particulier. Il n’a aucune fonction décorative mais assure sa fonction de sécurité.
Façade du 4, rue Gay-Lussac, relevé et dessin informatique personnels.
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Pour la dernière façade, le 6, rue Gay-Lussac, il s’agit actuellement d’un hôtel. Nous avons 5 travées, dont 4 régulières et la dernière, isolée pour préparer l’angle. L’emprise de la façade est 15.75 mètres. Le rez-de-chaussée est plus haut que son voisin, il n’a pas de balcon filant au R+1 mais le balcon filant à l’attique est en parfaite continuité avec l’immeuble d’à côté. Il n’y a pas de balcon filant mais on distingue par un autre procédé la différence entre le socle et le corps du bâtiment. Une ligne en encorbellement dépasse de la surface lisse de la façade et dessine l’horizontalité séparative entre les deux. C’est également le cas avec la façade voisine, qui incorpore dans son encorbellement le balcon. Néanmoins, les deux lignes ne se suivent pas. Le balcon de l’attique est travaillé de façon plus fine. Il dessine également un bandeau par un jeu de petits créneaux successifs. Le principal ornement de cette façade se situe sur les linteaux des fenêtres du R+3. Il s’agit de mascarons avec des têtes humaines. Le central a une figure de femme de face, les deux voisines sont en miroir (regardent du côté opposé) et les deux aux extrémités se regardent. Nous avons donc un dessin du type ° . Les visages se situent dans un médaillon bordé de guirlandes de fleurs et feuilles de palmes. Il y a quatre sortes de garde-corps. Il y a des petits garde-corps pour les fenêtres de l’entresol différents de celles des fenêtres supérieures. Il est symétrique et forme trois pointes dessinées par des motifs géométriques. L’ensemble est adouci par un enlacement de feuilles. En ce qui concerne le deuxième garde-corps, situé sur quinze fenêtres (cinq fenêtres sur trois niveaux), il protège des chutes en occupant environ un quart de la surface vitrée. Des formes géométriques carrées encadre cinq cercles en fonte, un central deux intermédiaires et deux petits. Au centre se situent deux branches de laurier croisées surmontées de fleurs. Tout comme l’immeuble voisin, le garde-corps du balcon filant de l’attique est un module fin répété sur la largeur de la façade mêlant motifs géométriques droits et courbes. Le gardecorps des combles n’a pas d’ornement. Il y a un élément important sur la façade ; la présence de deux bas-reliefs sur la gauche. Ces pilastres sont colossaux, c’est-à-dire qu’elles se développent sur plusieurs niveaux. En l’occurrence, nous avons un premier pilastre sur deux niveaux où le chapiteau se termine au niveau du R+3. L’astragale et la corbeille du chapiteau sont inclus dans le bandeau (où se situent les mascarons) et l’abaque qui termine le chapiteau sert de base au pilastre supérieur. Ce dernier, maquant le quatrième étage, a des cannelures et des petites feuilles d’acanthes. Les deux premiers immeubles n’avaient pas d’accès depuis la rue Gay-Lussac mais depuis le boulevard Saint-Michel. Pour ce bâtiment, une porte est présente sur la rue. Son linteau est richement décoré par une guirlande de fleurs. Il y a également une marquise. Il n’est pas certain qu’elle date du Second Empire. Toutefois, c’était un élément courant à l’époque. Elle est donc intégrée à son architecture.
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Façade du 6, rue Gay-Lussac, relevÊ et dessin informatique personnels.
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ÉlÊments architecturaux du 4, rue Gay-Lussac. Echelle 1.500
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ÉlÊments architecturaux du 6, rue Gay-Lussac. Echelle 1.500
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Nous avons décrit la composition des façades et leurs ornements. A présent, nous pouvons faire un comparatif global en repérant les points similaires et variables au sein de façades mitoyennes. Les points invariables sont dans la composition globale de chaque façade ; le rez-de-chaussée commercial et son entresol, le nombre d’étage et la hauteur globale. Nous pouvons voir la distinction entre le socle, le corps et l’attique du bâtiment. Le balcon filant haut est présent sur les trois immeubles. Au niveau du traitement de la façade, ce sont les mêmes matériaux (pierre et fonte) et techniques de mise en valeur de la façade. L’entresol a un traitement de façade avec des refends, cela permet visuellement de transmettre la solidité du bâti. Le numéro 2 a même des pierres taillées en vermiculures (stries sinueuses dans la pierre). Les refends sont également présents de chaque côté de l’îlot. Ils servent à marquer davantage l’angle. Le soin des modénatures est clairement visible aux angles. Nous pouvons remarquer également la similarité des lignes horizontales. Des bandeaux, encorbellements se suivent et forment ainsi une uniformité dans l’ensemble des trois façades. Toutefois, nous pouvons observer des différences. La composition des façades est différente. Les immeubles aux angles ne sont pas réguliers afin de marquer la monumentalité des angles alors que celui du milieu est parfaitement réglé. De plus, au niveau du 6, rue Gay-Lussac, nous pouvons clairement voir qu’il s’agit d’un ensemble de quatre fenêtres et une isolée. La façade a été gérée en deux temps, la rue et l’angle. Tandis qu’au numéro 2, elle a été traitée de façon différente. Les fenêtres ne sont pas espacées de façon régulière. Cela est sans doute dû à l’agencement intérieur, plus délicat par la taille de la parcelle. La variété des garde-corps et modénatures est surprenante. L’ensemble est homogène mais avec des variétés de langage au sein de la composition et des modénatures. Nous pouvons penser que la différence de composition et réparation des fenêtres est due à la taille de la parcelle. Toutefois, il s’agit également du choix de l’architecte. Voyons à présent les pièces intérieures de chaque niveau donnant sur la façade du 4, rue Gay-Lussac, façade parfaitement réglée. Dans le carton des archives de Paris relatif au 4, rue Gay-Lussac1, [Annexe 7] nous pouvons voir la répartition des pièces selon les étages. Nous pouvons dire que l’accès sur fait au niveau du boulevard Saint-Michel. Au niveau de la façade rue Gay-Lussac, le rez-de-chaussée a sa boutique. Au premier étage, nous avons un séjour, un salon (les deux fenêtres centrales) et une chambre. Au deuxième étage, nous avons un séjour puis une double pièce séjour-salon avec trois fenêtres. Du troisième au cinquième étage, il y a une chambre et un grand salon (trois fenêtres). Au sixième étage, une fenêtre donne sur une chambre. Ainsi, nous pouvons conclure sur le fait que la répartition des pièces intérieures n’est pas le seul facteur de la composition des façades. Il peut certes, l’influencer mais dans cet exemple il y a quatre possibilités différentes et pourtant, la façade reste régulière sur tous ses niveaux.
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Archives de Paris, 1990 W 0067, 5.12.2018.
Le traitement de la façade sur parcelle large. Il semble important de comparer deux traitements de façades, proches entre elles afin de voir le traitement d’une parcelle large. Les deux façades choisies ne sont pas les plus larges de la rue mais font partie des parcelles les plus importantes au niveau de l’emprise de façade sur la rue ; il s’agit du 52 et 56 rue Gay-Lussac, il n’y a pas de 54. Voyons les ressemblances et les différences de traitements de chaque façade. Dans un premier temps, la morphologie des deux immeubles est similaire. Ce sont deux bâtiments d’angle avec trois ouvertures rue des Ursulines, une fenêtre sur l’angle et cinq donnant sur la rue Gay-Lussac. Ils ont, tous les deux étaient construits la même année, en 1869 et par le même architecte Charles Ziegler. Ils ont le même nombre d’étages, la même hauteur et leurs emprises font, en partant de la rue des Ursulines pour le 52 : 15.19m, 3.02m (pour l’angle) et 10.06m. Le numéro 56, dans le même ordre utilise 15m, 3.09m et 8 mètres de longueur de trottoirs. Au niveau de la modénature et composition, nous retrouvons des caractéristiques similaires. On distingue correctement les trois parties de l’immeuble, à savoir la base (rez-de-chaussée et entresol), le corps (les trois niveaux supérieurs) et l’attique (le dernier étage et les combles aménagés). Les refends au niveau de l’entresol sont présents. Les lignes horizontales donnent un aspect similaire et une compréhension semblable. Les modénatures animent la façades (consoles ornées, fronton, bas-reliefs…). Toutefois, même si l’aspect général et les lignes de compositions sont analogues, il y a de nombreuses différences. Le rez-de-chaussée n’est pas traité de la même façon. Au niveau du 52, nous pouvons supposer que ce n’est pas celui d’origine par la forme des ouvertures et du ravalement de couleur blanche. La porte n’est pas très marquée. A l’inverse, au numéro 56. Le rez-de-chaussée est commercial, un café occupe l’angle. La porte cochère est remarquable par ses dimensions et son ornement au niveau du fronton. Elle est en bois vernis avec des éléments de renfort couleur doré. Chaque battant de la porte est ajouré afin d’y laisser passer la lumière dans le hall. Un commerce occupe la seconde partie du rez-de-chaussée donnant sur la rue Gay-Lussac. Dans les étages supérieurs, nous pouvons remarquer une différence majeure. Les espacements entre les fenêtres sont de chaque côté, réguliers. Mais la façade au 56 est une façade symétrique. C’est avec l’aide des bas-reliefs monumentaux de chaque côté de la fenêtre centrale. Un débord sur la frise au R+4 et un changement de linteau au R+2 (figure humaine et non végétale) participent à la symétrie. Ce n’est pas le cas du 52, où les cinq travées sont semblables. Une travée est bouchée afin de pouvoir meubler l’angle. Le balcon filant du R+2 ne véhicule pas le même rendu. Le modèle du 56 est plus raffiné et se développe, à l’exception des fenêtres aux extrémités, sur l’ensemble de l’étage. Au numéro 52, le balcon n’inclut pas trois fenêtres sur la façade principale. Il participe à la mise en valeur de l’angle. En effet, sur cet immeuble, l’angle est beaucoup plus travaillé. Les pilastres colossaux accentuent l’angle, ainsi que les autres modénatures. Les encadrements entre les deux fenêtres et les arêtes de l’angle permettent d’isoler l’angle et de le mettre en avant. A l’inverse, l’angle de la façade du 56 est une sorte de continuité avec les deux autres façades, seul le nombre de corbeau au R+2 est plus important à l’angle. La composition est différente avec un des ornements remarquables : les frontons. Sur les deux façades, il y en a sur l’ensemble d’un étage, soit au R+3 et de forme arrondie et très marquée, soit au R+2 et de forme triangulaire avec un linteau sculpté de formes végétales et humaines. Il en va de même pour la frise en encorbellement au R+2 ou R+4 selon la façade. Cet inversement entre le fronton et la frise ne donnent pas le même effet, l’œil ne s’attarde pas au même endroit. Nous pouvons penser que ces particularités sont en lien avec les façades mitoyennes de chaque immeuble. Pour le 52, rue Gay-Lussac, l’immeuble voisin a été dessiné par le même architecte mais en 1868 (soit l’année précédente) ; les balcons sont filants et la ligne horizontale est marquée au niveau du R+4. En ce qui concerne le numéro 56, rue Gay-Lussac, l’immeuble mitoyen a été construit par les Frères Bercioux mais en 1872, soit bien après. L’architecte avait donc la possibilité de changer les codes de la façade du 50 et 52, rue Gay-Lussac et de
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créer une nouvelle composition et ornements de façade. Pour conclure cette comparaison, nous pouvons dire qu’il s’agit du même architecte et de la même année de construction mais les intentions des façades sont différentes. Le cadre réglé de la façade haussmannienne est très présent mais les nuances se font de manière subtile. L’architecte décide de marquer l’angle de l’immeuble contre une continuité plus diluée sur l’autre, les modénatures, en fonction du budget sont plus ou moins raffinées et ne donnent pas le même effet selon leur emplacement. Ces différences sont fines, on ne les remarque pas dès le premier regard mais elles permettent d’avoir pour chacune des façades, son identité et ses caractéristiques.
52, rue Gay-Lussac
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56, rue Gay-Lussac
Le 30, rue Gay-Lussac est un autre exemple qui permet de comprendre l’agencement d’une façade et sa composition sur une parcelle large. L’immeuble de rapport a été construit en 1883 par l’architecte STRAUSS. La façade a une emprise de 14.50 mètres. Ce n’est pas la plus grande façade de la rue mais elle comporte toutefois six travées de fenêtres. La façade comporte les principaux éléments d’une façade haussmannienne, elle a un rez-de-chaussée commercial, un entresol, deux étages nobles richement ornés, deux étages plus classiques et des combles aménagés. Néanmoins, cette façade est particulière dans la composition verticale. En effet, alors que la plupart des façades sont ordonnées de façon symétrique et ouvertes à intervalle régulier, celle du 30 rue Gay-Lussac ne l’est pas. Si nous analysons de gauche à droite, il y a une travée de fenêtres avec de larges pans pleins très ornés de chaque côté, puis deux fenêtres accolées, pratiquement au centre de la façade et tout à droite, une série de trois fenêtres très fines. C’est ce qu’on appelle une façade à la vénitienne, les trois ouvertures resserrées donnent sur une seule grande pièce à vivre. La particularité de cet immeuble est également la proportion de l’entresol, pratiquement égale au rezde-chaussée. Les fenêtres de l’entresol ont des garde-corps, il donne l’impression d’être habités et non d’être au service des boutiques, fonction prévue à l’origine. La variété et la finesse des modénatures sur cette façade fait sa richesse. C’est la façade la plus décorative de la rue. La porte d’entrée, à double battants est ornée sur sa partie supérieure, et son encadrement est remarquable. Son linteau et mascaron (emplacement réservé au numéro de rue), en pierre (car les joints sont visibles) possèdent des motifs végétaux très raffinés. Les grilles des gardecorps de l’entresol peuvent être mutualisées pour plusieurs fenêtres. De chaque côté des ouvertures naissent des modénatures en forme de pilastres soutenant des corbeaux très ornés. Les linteaux des fenêtres sont aussi stylisés. Afin de marquer le milieu, deux pilastres sont présents sur quatre niveaux mais sont traités de façon différentes selon l’étage. Les neufs corbeaux et les six linteaux supportent le balcon filant. Le motif de la grille est répétitif mais délicat avec une partie supérieure afin d’ajouter suffisamment de hauteur pour sécuriser le balcon. Au niveau du deuxième et troisième étages, les ornements se multiplient. Nous pouvons remarquer des linteaux ornés de motifs courbés, des guirlandes de fleurs, des pilastres colossaux avec chapiteaux corinthiens, des figures animales, frises ornementales, frontons triangulaires et consoles raffinées…Le quatrième niveau, séparé des deux étages inférieurs par une frise en encorbellement est également orné par des bas-reliefs, des linteaux décoratifs, des tableaux en léger relief et de nombreuses petites consoles. Ces dernières supportent de petites terrasses créées par un retrait de façade, qui laissent place au R+5 et aux combles, beaucoup plus simple dans leur parure. L’ensemble de la façade est de prime abord homogène, par sa composition, sa couleur se révèle insolite par rapport aux autres façades de la rue, par la quantité de ces ornements. Son registre, plutôt du langage classique est l’apogée du « Grand Style », le style éclectique, si révélateur du Second Empire. Les ornements sont parfaitement assumés et réfléchis. Le bâtiment date de 1883, soit treize ans après la chute du Second Empire, mais le style demeure. Toutefois, nous pouvons dire que ce bâtiment est à la limite entre l’haussmannien et le post-haussmannien par la protubérance de ses ornements.
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Façade du 30, rue Gay-Lussac, relevÊ et dessin informatique personnels.
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ÉlÊments architecturaux du 30, rue Gay-Lussac. Echelle 1.500
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Trois proportions diffĂŠrentes pour le 30, rue Gay-Lussac. Echelle 1.500
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Le 10, rue Gay-Lussac comme les deux façades précédentes est très représentatif de la façade haussmannienne. Nous ne savons pas le nom de l’architecte mais connaissons son année de construction, inscrit dans la pierre, en 1868, dans la seconde moitié du Second Empire où les codes de cette architecture sont bien en place. La parcelle est longue d’environ quatorze mètres, comporte cinq travées de fenêtres et par conséquent de ce nombre impair, fonctionne en symétrie. Les deux fenêtres aux extrémités sont regroupées et isolent la travée centrale. Cette composition est accentuée par l’ornement de cette façade. Nous allons repérer ces éléments par une lecture de bas en haut ; en commençant par le rez-dechaussée pour finir avec les combles. Le rez-de-chaussée est commercial avec de larges vitrines, la structure est reprise par deux poteaux en fonte. Sur des permis de construire disponibles aux archives, nous avons pu remarquer que les reprises en fonte pour ouvrir les façades étaient présentes dès l’origine de la construction2. Il s’agit de la même boutique (le ciel est à tout le monde) de chaque côté de la porte d’entrée. Elle occupe, mise à part d’espace du hall et de la circulation verticale, l’ensemble du rez-de-chaussée. La porte est un élément important. Elle se situe au milieu et est très travaillée. La double-porte couleur bois vernis a un décor raffiné. Le montant de chaque porte est en trois parties. La partie basse (traverse) est renforcée. Au-dessus, plusieurs panneaux formant un rectangle tronqué occupent la partie inférieure de la porte, il y a deux poignées, la traverse intermédiaire permet de séparer la partie haute et basse. C’est en partie supérieure que le travail de menuiserie est le plus important. En effet, deux ouvertures en ovale permettent de laisser passer la lumière et sont visibles à partir des années 18303. Elles sont surmontées de fontes moulées par sécurité. L’encadrement du vitrage présente deux figures humaines parsemées de motifs végétaux délicats. L’encadrement de la porte est également imposant. Le double encadrement de la porte est couronné d’un fronton circulaire sectionné en deux afin d’y loger un cartel orné qui peut accueillir le numéro de l’immeuble. Ce n’est pas le cas ici mais il marque le centre par la richesse de sa composition (courbes, fleurs, guirlandes…). C’est également la même chose avec le centre du linteau sous le cartel, orné de feuilles de palmes et des consoles qui supportent le fronton, avec des feuilles d’acanthes. L’entresol n’a pas de bossage mais il reste toutefois marqué. Sans compter les lignes horizontales purement décoratives, la séparation est claire au niveau des consoles qui soutiennent le balcon filant. Il y a dix-huit consoles, de deux différents types (différence entre les corbeaux « structurels » et les « consoles/linteaux » des fenêtres inférieures). Afin de dévoiler davantage la symétrie, le linteau de la fenêtre centrale de l’entresol est différent, il s’agit d’un mascaron avec une tête d’homme de face, accompagné de motifs végétaux et deux petites cornes d’abondance. Les grilles stylisées des garde-corps en fonte sont aussi symétriques. Les garde-corps du balcon filant sont les mêmes avec deux ajouts : une frise du motif « []-[-O]-[] » en partie inférieure et des vagues courbes en partie supérieure. Ces ajouts permettent d’augmenter la hauteur de ce dernier sans dénaturer l’ensemble de la composition. Les gardes corps des fenêtres des R+3 et R+4 ont les mêmes motifs mais des proportions différentes. Le corps du bâtiment, c’est-à-dire les R+3, 4 et 5 est très orné. Les quatre pilastres colossaux en bas-relief encadrent les quatre fenêtres, contredisent l’horizontalité de la façade, et donne un caractère monumental à cette dernière. Les frontons du R+1 reprennent le même effet que celui de la porte d’entrée ; frontons circulaires sectionnés afin d’y placer un décor central, le tout supporté par deux consoles très ornées et linteau de fenêtre travaillé. Les linteaux de l’étage supérieur, sont, encore une fois différents. Ils sont moins en relief mais possèdent un cartel tenu par des guirlandes de fleurs. L’épaisseur du linteau entre deux fenêtres est orné de frises (classiques, et reprenant le motif « []-[-O]-[] ») , qui assoient l’encorbellement du R+4. En effet, le corps est séparé
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2 Exemple de la façade au numéro 64, rue Gay-Lussac, Archives de Paris, VO11 C1343, 22.10.17. 3 MIGNOT Claude, Grammaire des immeubles parisiens, six siècles de façades du MoyenAge à nos jours, Op.cit. page 61.
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Le ciel est à tout le monde
Façade du 10, rue Gay-Lussac, relevé et dessin informatique personnels.
Le ciel est à tout le monde
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en deux par un encorbellement au R+4 et encore distinct au centre pour marquer la symétrie. Le quatrième étage a des encadrements de fenêtres plus simples, un listel faisant le tour de l’ouverture. Toutefois, quatre éléments viennent habiller la façade. Disposés de façon symétrique, deux modénatures, deux vases et deux cornes d’abondance importantes viennent assoir les quatre pilastres colossaux des étages inférieurs. Encore une fois, les vingt-huit consoles supportant le balcon filant du R+5 séparent les éléments et donnent du caractère à la façade. Le dernier niveau et les combles sont assez simples ; encadrements et frontons neutres. Deux particularités sont à noter. La première est le motif du garde-corps, la partie supérieure reprend le motif des vagues courbées et la variété dans le motif de la partie inférieure, quelques modules plus travaillés viennent orner une grille à barreaux simples. La seconde particularité est la présence de volets non pliables au dernier niveau. En effet, alors que le reste des fenêtres possède des volets discrets se rangeant dans leur tableau, ces derniers sont en un seul pan, comme pour habiller la façade. L’ensemble, parfaitement homogène dans sa composition symétrique et son vocabulaire ornemental permet la monumentalité de la façade. Plusieurs modénatures sont reprises à différents endroits mais adaptées selon leur emplacement. Le vocabulaire est dans le registre classique, avec ses pilastres, colonnes, frontons, cornes d’abondance, frises… Toutefois il est éclectique dans son utilisation. Le message transmis dans cette façade est la richesse et l’abondance par le détail des modénatures et sa variété. L’ensemble de la façade, de sa composition à son décor participe à la monumentalisation de la rue, qui fonctionne en « monument continu » grâce aux relations avec les façades mitoyennes et leur richesse ornementale.
Éléments architecturaux du 10, rue Gay-Lussac. Echelle 1.500
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Le traitement de la façade sur parcelle fine. L’immeuble situé au 34, rue Gay-Lussac a l’emprise de la façade la plus faible de la rue, avec 4.11m. Il a été édifié en 1876 par l’architecte E. Gelée. Il a été construit bien après l’immeuble voisin, le numéro 36, construit en 1869 par E. LAGBAVE. Le bâtiment n’a pas été construit dans la période du Second Empire mais sa façade reprend tous les codes de l’architecture haussmannienne. Toutefois, malgré ses caractéristiques, ses contraintes techniques liées au quatre mètres de large régulent clairement la façade. La porte d’entrée est placée sur un côté permettant à une petite boutique/échoppe de s’y implanter, le rez-de-chaussée est par conséquent commercial. Sa porte en bois vernis, aujourd’hui bleu répond à l’immeuble voisin du 32 où son accès se situe juste à côté. Ses proportions sont légèrement écrasées par rapport au 32 où la porte est plus large mais moins haute. L’entresol est d’hauteur équivalente au rez-dechaussée. Il n’y a pas de balcon mais le garde-corps file sur toute la longueur. Les deux baies occupent l’espace de la façade. Nous avons un balcon filant au niveau du R+1 avec un motif de gardecorps plus raffiné mélangeant motifs en courbes, géométriques et végétaux. Le balcon est soutenu par trois corbeaux ornés de façon sobre, comme l’ensemble de la façade. Les linteaux de fenêtres sont également ornés par des feuilles de palmes stylisées. La composition des fenêtres, modénatures sont reprises à l’entresol, R+1 et R+2. En ce qui concerne les niveaux R+3, R+4 les linteaux ornés ont disparu, faute de grande hauteur sous plafond. Il y a un garde-corps filant à chaque niveau, peu importe si un balcon accessible s’y trouve derrière. Trois motifs de grille en fonte sont présents et de bas en haut font A-B-A-A-B-C (le motif C est la grille en barreaux la plus simple possible).
32, rue Gay-Lussac
Cette disposition est justifiée par la présence de balcons au deuxième et cinquième étage et non pas seulement de frises en encorbellement pour les autres niveaux. Il est assez amusant de comparer la façade du 36, qui occupe 25 mètres de
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façade et celle du 34, 4.11 mètres. La porte cochère du 36 occupe le même
espace que le rez-de-chaussée, l’entresol et une partie du R+1. Les hauteurs complètes des bâtiments sont égales mais la disposition des niveaux varie. La façade du 34 donnent l’impression que les cinq premiers niveaux sont égaux. Les deux immeubles rejoignent leur composition horizontale au niveau de l’attique. Au numéro 34, les combles sont en retrait afin d’y laisser un balcon, cela peut modifier la vision du piéton. De façon générale, les codes de la façade haussmannienne sont respectés pour le cas du 34, rue Gay-Lussac. L’emprise des modénatures et ornements est faible car les éléments techniques (ouvertures, porte et fenêtres) ont la priorité. Néanmoins, malgré le peu d’espace prévu pour ces derniers, ils sont timides mais présents et permettent à la façade d’être unifiée. D’autres stratégies ornementales sont exposées, comme les garde-corps filants à chaque niveau par exemple, ou encore les frises en encorbellements. La composition est adaptée ainsi que son ornement.
Différence entre le 30, 32 et 34 rue Gay-Lussac au niveau des rez-de-chaussée.
La façade située au 44, rue Gay-Lussac n’a pas de date de construction indiquée. Toutefois deux autres indications sont présentes ; celle de l’architecte et du sculpteur. L’architecte est l’agence Bercioux, architecte majeur de cette rue car il est l’auteur d’au moins six immeubles dans cette rue. Les frères Bercioux ont beaucoup construit dans le Vème arrondissement ; rue Gay-Lussac, rue Claude Bernard, rue Monge, rue Berthollet, rue Daubenton, rue de Mirbel et dans le XIème arrondissement, principalement dans la rue Saint Ambroise et rue Lacharrière4. Sur la façade figure également le nom du sculpteur, Ragon. Il n’est pas courant de connaitre le nom du sculpteur sur la façade. En l’occurrence, il s’agit d’un sculpteur assez reconnu dans son domaine. C’est le seul mentionné sur la façade dans la rue Gay-Lussac et la pratique n’est pas courante, on grave généralement l’année de fin de construction et le nom de l’architecte. Les recherches sur cette personne n’ont pas donné beaucoup d’informations. Généralement les corps de métiers dans la construction durant le Second Empire (et encore de nos jours) sont inconnus du grand public. Toutefois, le nom de Ragon Sculpteur apparait dans l’ouvrage Hommes et métiers du bâtiment, 1860-1940, l’exemple des Hauts-de4
http://osm.ascolteo.fr/xref/FR/nom_Ba_Bi.html#architecte_Bercioux_Freres
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Seine de Catherine Jubelin-Boulmer5. Il est mentionné sur quelques bâtiments. Nous pouvons supposer qu’il était présent sur la scène de la construction durant le Second Empire. En ce qui concerne la façade du 44, rue Gay-Lussac, elle est représentative de l’ornement haussmannien. Comme les autres façades étudiées, elle reprend les codes de l’architecture du XIXème siècle. Toutefois, nous pouvons remarquer un balcon filant à chaque niveau (sauf le rez-dechaussée et l’entresol). Les consoles sont largement affirmées à intervalles réguliers entre les ouvertures pour les quatre premiers niveaux et le cinquième possède des petits consoles très proches qui forment une sorte de frise en relief. L’horizontalité est très présente dans cette façade. Le travail du sculpteur s’est exécuté principalement dans les consoles et dans les linteaux. Celui de la porte et ceux des fenêtres du premier étage sont extrêmement délicats ; des guirlandes de fleurs et figures humaines. Alors que pour certaines façades, il est difficile de distinguer les matériaux entre pierre calcaire et stuc pour les modénatures, dans le cas présent nous pouvons voir les joints entre deux blocs de pierre au sein d’un même ornement. Le principal argument était l’enjeu économique. Le propriétaire a pu faire appel à un architecte et à un sculpteur, c’est un signe de richesse. Les modénatures sont uniques et ne sont pas choisi dans un catalogue, comme nous allons l’évoquer par la suite. Malheureusement, les documents liés à ce bâtiment sont introuvables, seul la marque de son nom sur la façade rappelle la mémoire et le talent des concepteurs de cette façade.
44, rue Gay-Lussac.
Viollet-le-Duc, en 1863 publie ses Entretien sur l’Architecture6. Dans son quinzième entretien, il écrit : « Qu’importe qu’un ornement soit taillé en pleine pierre s’il ressemble à s’y méprendre à un placage en cartonpâte. Et quel mérite y a-t-il à employer des matériaux admirables pour simuler une décoration que le premier cafetier venu peut faire clouer en plâtre sur sa façade ? Le vrai luxe est celui qui, sous une apparence de simplicité,
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5 JUBELIN-BOULMER Catherine, Hommes et métiers du bâtiment, 1860-1940, l’exemple des Hauts-de-Seine, Tours, Edition du Patrimoine, 2001. 6 VIOLLET LE DUC Eugène, Entretiens sur l’architecture, Paris, Mardaga, première édition 1863, 15ème entretien, 1977.
montre des élégances qu’on ne saurait imiter à l’aide de moyens grossiers. » Cette citation donne le point de vue de Viollet-le-Duc sur la question de l’ornement. Il est assez critique sur la vérité de la construction et sur la structure. C’est un acteur important dans la théorisation de l’architecture et des réhabilitations durant le Second Empire (comme la Cathédrale Notre Dame de Paris ou encore le château de Pierrefonds). Cette citation est assez générale mais s’applique parfaitement au cas de l’exemple du 44, rue Gay-Lussac. Le propriétaire a privilégié la pierre au plâtre pour des raisons esthétiques, et de vérité constructive. C’est pourquoi le nom du sculpteur apparait sur la façade, nous pouvons penser qu’il s’agit là d’une sorte de preuve de la qualité des modénatures. Il se démarque ainsi des autres façades. La représentation de son pouvoir, statut, et richesse est très présente durant le Second Empire, en voici un exemple. La trame symétrique et la nécessite d’harmonie de la rue. La symétrie est de mise dans la composition des façades haussmanniennes. Dans la majeure partie des nouvelles constructions, les pièces nobles (salon, salle à manger, chambre) sont en façade principale et nécessitent de grandes ouvertures tandis que les pièces secondaires, de services ont leurs aérations dans les cours intérieures. Voyons à présent, à travers deux typologies et échelles différentes le traitement de façades symétriques. La symétrie peut venir de plusieurs façons dans le but d’harmoniser la rue. Dans une plus grande échelle, la symétrie peut venir de deux façades complètes. C’est le cas avec l’exemple des 70 et 72 rue, Gay-Lussac. Les frères Bercioux sont les architectes de ces deux immeubles construits et achevés en 1877. Les deux immeubles, sur le plan masse partagent une cour commune coupée par un mur séparatif. Leurs parcelles et emprises sur la rue sont relativement similaires avec 9.30 mètres de long pour le numéro 70 et 9.50 mètres pour le numéro 72. Les deux parcelles voisines ayant les mêmes contraintes ont permis aux architectes de construire deux fois le même bâtiment, de façon symétrique. Les façades, fonctionnant en miroir n’ont de différents que des éléments postérieurs à la construction, à savoir le commerce en rez-de-chaussée (mais l’emplacement et l’espace est le même en symétrie), les fenêtres (couleur bois ou blanc) et la teinte de la pierre. La teinte est sûrement due à une différence d’entretien de ravalement et nettoyage de chaque façade car les frères Bercioux ont très certainement utilisés les mêmes matériaux pour les deux immeubles. Malgré ses différences évoquées, tout le reste est symétrique. Au sein même du bâtiment, la composition des ouvertures n’est pas symétrique. Il y a quatre travées de fenêtres et les deux centrales sont regroupées et plus étroites. Nous pouvons penser qu’il s’agit d’une grande pièce doublement éclairée dans l’appartement. Les balcons filants au R+2 et R+5 sont présents, viennent s’ajouter deux balcons individuels au R+3 qui permettent aux bas-reliefs en pilastres colossaux de prendre visuellement appui. Les frontons triangulaires des ouvertures liés à ces balcons marquent également en relief la façade. Les portes d’entrée sont de même couleur, même morphologie et mêmes ornements pour les deux façades placées aux opposés. Les éléments ornementaux sont également les mêmes. En plus d’être symétriques aux deux façades, ils sont également placés de façon symétrique au sein de sa façade. Les corbeaux, bas-reliefs, linteaux, fleurs en stuc, refends, garde-corps en fonte sont donc doublement symétriques. Il y a deux points de vue à adopter pour cette pratique. La première est la praticité de cette méthode. En effet, construire deux fois le même bâtiment, la même année est un gain de temps et d’argent. Les architectes n’ont dessiné qu’une façade, ont pu se déplacer une fois pour deux constructions, acheter les mêmes matériaux et éléments architecturaux. La même façade « recopiée » de façon symétrique permet à l’œil de penser qu’il s’agit d’un seul bâtiment et ainsi d’accentuer la
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monumentalité du bâtiment, alors très large. Les lignes se suivent, l’horizontalité parfaite est assurée. Nous avons une uniformité absolue, très homogène, ce qui était le désir du nouveau Paris du XIXème siècle. Toutefois, nous pouvons adopter le second point de vue. En effet, le fait de reproduire deux fois le même effet provoque, certes, l’uniformité mais également la monotonie. Le paysage parait alors plus terne et le manque d’imagination envers l’architecte peut être critiqué.
Immeubles symétriques des 70 et 72, rue Gay-Lussac.
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Comme nous avons pu le voir dans les parties précédentes, la volonté d’harmonisation de la rue depuis la façade est de mise. Nous avons constaté que la symétrie pouvait se dévoiler entre deux bâtiments, à l’échelle architecturale, mais également à une échelle plus rapprochée ; la composition au sein même d’une façade. C’est le cas de nombreuses façades de la rue Gay-Lussac. La composition prime sur l’agencement intérieur. Les pièces de services (petites
fenêtres) ne donnent pas sur la façade principale. Les travées placées de façon régulière et symétrique permettent aux éléments décoratifs de s’intégrer, eux aussi, de façon symétrique. L’ensemble est hiérarchisé, ordonné, et reprend les codes de l’architecture classique. Toutefois, ce langage classique, alors réservé aux bâtiments monumentaux s’adapte à la façade de bâtiments résidentiels et commerciaux. C’est donc un style éclectique qui se met en place à Paris durant le Second Empire. Voyons à présent les exceptions avec l’exemple d’une façade irrégulière, non adéquate avec l’ensemble de la rue. La façade asymétrique ; ses caractéristiques et ses raisons. L’exemple de la façade du 78 rue Gay-Lussac reflète bien la façade irrégulière. Son emprise est de 16.50 mètres. Il y a huit travées de fenêtres mais trois modèles différents disposés de façon irrégulière. L’immeuble a été construit en 1874 par les frères Bercioux. Cet immeuble forme l’extrémité de la rue GayLussac, et de la rue des Feuillantines, là où la rue Claude Bernard débute. Il y a trois typologies au niveau des ouvertures ; la première, classique (A), est une grande fenêtre, la seconde, fonctionne en double (B), leurs proportions sont réduites et fonctionnent par deux, et la dernière (C) est une petite fenêtre de pièce de service. De gauche à droite, l’ordre des fenêtres, à intervalles irréguliers, forme AA- B- B- C- B- B- A. La composition n’est donc ni régulière dans ses ouvertures, ni dans son agencement. Les fenêtres des combles ne suivent pas les travées des étages inférieurs. Il y a plusieurs raisons à cette excentricité. Il est évident que cette composition est accidentelle et n’est pas voulue par l’architecte. Toutefois, comme nous l’avons vu précédemment, le traitement de l’angle est particulier. Les pièces en angle sont compliquées à meubler et à aménager. Généralement, un espace en pierre à l’extrémité décale l’ensemble des travées, c’est le cas dans cet exemple. La typologie B exprime, le plus souvent une grande pièce, telles qu’une salle à manger ou salon. Lorsque nous regardons la surface de la parcelle, il est fort possible d’avoir au moins quatre appartements par niveaux (deux donnant sur la rue Gay-Lussac, et deux sur la rue des Feuillantines), c’est pourquoi nous avons quatre typologies B. La petite fenêtre (typologie C) se retrouve pratiquement au centre de la façade. Cette fenêtre et son emplacement sont curieux. L’explication se fait par la morphologie du bâtiment. La parcelle est triangulaire, deux corps de bâtiments forment un V et une cour commune donne sur le côté le plus large. Au croisement de ses deux corps de bâtiments, l’espace est très restreint et n’ouvre pas sur la cour. Seules les pièces de service peuvent s’y loger (limite des deux appartements) et à la vue de l’angle aigu, l’ouverture et l’aération doivent obligatoirement se faire sur la façade principale.
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Cette parcelle est triangulaire mais le côté le plus large de la façade mitoyenne est un angle droit. Ce n’est pas le cas avec par Rexemple la façade de l’immeuble UE SOU FFL Oaigus. du 21 rue Gay-Lussac. Ses extrémités sont à angles La géométrie d’une T telle parcelle oblige l’architecte à placer ses espaces de services aux angles car il n’y a pas suffisamment de place pour accueillir une grande pièce. Il est impossible de créer une cour dans les pointes, c’est pourquoi les petites fenêtres alors en façade arrière habituellement se retrouvent sur la façade principale. RUE
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Outre la composition de la façade, il semble important d’évoquer, séparément les éléments ornementaux propres à chaque façade. Ils semblent tous se ressembler mais sont toutefois très variés. Nous les avons déjà évoqués dans les parties précédentes car ils sont intrinsèques à la façade, sans eux, le style du Paris haussmannien ne serait pas le même. Voyons, à travers quelques exemples, les différentes modénatures de la rue Gay-Lussac. Nous évoquerons, même s’il ne s’agit pas du sujet principal, leur production. Jusqu’à présent, nous avons principalement analyser les façades par leurs morphologies. Nous traiterons ce sujet par un nouvel axe d’approche, les matériaux à travers la pierre, le bois et le métal. RUE LOU
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Les ornements occupent une part fondamentale. Il existe même des architectesornemanistes et sculpteur-ornemanistes. C’est un métier à part entière, chargé de la décoration et ornements des immeubles de rapport. Il existe même un ouvrage recensant les maîtres ornemanistes en Europe en 1880 afin deRUEpuiser CL AU DE l’inspiration. L’introduction de cet ouvrage débute par : BE RN RU
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« Le goût de l’ornement est dans la nature humaine ; c’est un instinct, on pourrait presque dire un besoin, qui se manifeste chez l’homme avant même qu’il connaisse les premiers bienfaits de la civilisation. […] L’architecture, le premier des arts du dessin, se prêta naturellement aux développements de l’ornementation7 » La pierre est présente en matériaux de construction. Elle est principalement structurelle. Les matériaux employés définissent la qualité du bâtiment, sa richesse et par conséquent son statut social. Le règlement exige une hauteur égale, des matériaux non inflammables sont demandés en façade pour éviter la propagation d’un incendie. Il ne précise pas de matériaux spécifiques mais un rendu homogène. Ainsi, les matériaux varient en fonction du budget et du rang social. Les pierres de taille ou grand appareil sont les plus onéreuses. Au 56, rue Gay-Lussac, nous pouvons deviner une façade en grand appareil. Les joints entre deux blocs sont visibles et la richesse des modénatures (fronton, mascarons, frise, consoles, fleurs) en pierre marquent le rang social de son bâtisseur. Il a été construit par Ziegler en 1869. Les pierres de taille sont utilisées soit pour la construction entière, soit pour les parties vives, c’est-à-dire les angles et encadrements. Les moellons de pierre meulière, associés au nouveau matériau qu’est le ciment hydraulique (remplaçant la chaux) sont principalement utilisés pour les murs mitoyens, et n’ont pas une fonction ornementale. La brique est présente également. Il s’agit d’un matériau moins noble et généralement de remplissage. Nous pouvons en voir au numéro 26 et 64 de la rue Gay-Lussac où les encadrements sont en pierre et le remplissage en briques apparentes. La pierre peut également être utilisée pour les ornements. Des sculpteurs façonnent et taillent des motifs floraux, végétaux, géométriques, humains…
64, rue Gay-Lussac, façades du permis de construire (VO11 C 1343) et photographie
26, rue Gay-Lussac.
7 GUILMARD Désiré, Les maîtres ornemanistes : dessinateurs, peintres, architectes, sculpteurs et graveurs : Ecole française, italienne, allemande et des Pays-Bas : Ouvrage refermant le répertoire général des maîtres ornemanistes avec l’indication précise des pièces d’ornement qui se trouvent dans les cabinets publics et particuliers de France, de Belgique etc., Paris, E. Plon, 1880. Gallica, 28.12.17.
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Nous pouvons également voir en matériau dérivé de la pierre calcaire, l’émergence en masse sur les façades, le stuc et le staff. Le stuc est à base de chaux (dérivé du calcaire). Il sert en majeur partie de colle, liant entre deux éléments (pierre de structure et ornements). Le staff est un matériau à base de plâtre armé de fibres, il est utile pour les ornements, et beaucoup plus économique que la pierre. Certains matériaux peuvent être enduits, badigeonnés afin d’avoir la bonne colorimétrie. En ce qui concerne la rue Gay-Lussac, la majorité des bâtiments sont en pierre de taille. Le quartier est central et assez riche, l’emploi de tels matériaux reflète les statuts sociaux des habitants de l’époque. Toutefois, l’utilisation du stuc dans les parties ornementales a du mal à se distinguer de l’utilisation de la pierre calcaire. Nous pouvons nous tromper au niveau de l’apparence de ces derniers. L’ensemble est monumental, peu importent les moyens utilisés. Le bois est présent également sur la façade. Il est remarquable par les menuiseries des fenêtres mais sa présence est particulièrement visible au rezde-chaussée. Les commerces avaient des panneaux en bois vernis ou peints. Les ateliers de menuiserie ont été les premiers à transformer leur production. Entre deux commandes sur-mesure, le domaine de la menuiserie s’est petit à petit standardisé afin d’éviter la faillite. L’élément en bois typique de la façade est la porte d’entrée. Les assemblages sont les mêmes mais les outils diffèrent et permettent en plus d’une économie de temps et d’argent, une diversité grandissante des éléments. Les portes d’entrée sont toutes en bois, colorées ou vernies, simples ou sculptées. Elles sont toutes différentes. Il est possible de trouver des ouvertures afin de laisser passer la lumière, avec une grille en fonte. Il est aussi possible d’avoir une porte cochère, c’est-à-dire une double porte dont la hauteur arrive au niveau de l’entresol, afin d’y laisser passer les véhicules. Il y a des chasse-roues aux angles afin d’éviter que les roues n’abîment la façade. Les encadrements sont aussi importants que les portes en elles-mêmes. Ils peuvent être très simples ; un encadrement basique mineur, ou participer complètement à la composition de la façade. L’entrée d’un bâtiment est un élément essentiel et beaucoup de soin y est apporté. Il faut que nous puissions le remarquer dès le premier coup d’œil. Sur les parcelles larges, la porte est monumentale avec des grandes proportions, ornées, avec un encadrement parfois aussi large que l’ouverture elle-même. Sur les parcelles fines, la porte est plus discrète mais le soin apporté à cet élément reste inchangé.
Rafinement des portes cochères de la rue Gay-Lussac.
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Un des matériaux les plus représentatifs de la façade haussmannienne, en plus de la pierre calcaire est la fonte. Elle est utilisée au niveau des grilles, garde-corps de fenêtres et balcons. Beaucoup plus économique que le fer forgé, chaque grille en fonte de bâtiments est différente (à l’exception des bâtiments construits en « miroir ») et au sein même de ces façades, il peut y avoir jusqu’à huit types de motifs de grilles. Selon les étages, elle est plus ou moins raffinée, le jeu des motifs et typologies est plus ou moins varié. Les étages nobles ont des dessins de grilles très travaillées. Nous pouvons expliquer cette effervescence grâce aux modes de construction. Avec l’évolution des techniques propres à la première Révolution Industrielle, la production d’éléments en fonte s’amplifie, se diversifie et surtout se rationalise. Les moules où la fonte est coulée sont de plus en plus perfectionnés et variés. Une grille peut également être constituée de nombreuses petites pièces moulées puis assemblées avec des vis. Cette technique noie complétement la différence entre une pièce semi-artisanale et une pièce en fer forgé. Seule la régularité de l’ouvrage permet de distinguer ce qui a été produit à l’aide de moule ou à l’aide de la main. Nous assistons à une standardisation des ornements et par conséquent une rapidité d’exécution. Les ornements ne sont plus réservés aux riches monuments mais peuvent se développés sur les façades des immeubles de rapports.
111 Photographies de différents garde-corps de la rue Gay-Lussac.
Les premiers catalogue de fonte par exemple sont visibles dès les années 1820. Il ne s’agit plus d’artisanat mais d’une industrie. Ces catalogues proposent des ornements tarifés avec de plus en plus de nouveaux modèles. Ces ouvrages permettent la diffusion rapide et par conséquent son évolution. Le style éclectique est nourri par la rapidité de diffusion et l’évolution des moyens techniques. L’inspiration peut donc se nourrir aussi bien d’un motif classique, que médiéval, byzantin ou grec…cette production plus économique est accessible aux différentes classes sociales. Elle n’est plus réservée aux plus riches qui pouvaient s’offrir les services artisanaux du forgeron.
Planche du catalogue André. Paris, Institut national d’histoire de l’art, bibliothèque, collection Jacques Doucet, ZITT Jean-Paul, Les débuts de la fonte ornementale en France, de l’Empire à la monarchie de Juillet, 2012, 05.01.2018.
L’uniformisation du Paris du XIXème siècle où la rue Gay-Lussac illustre ce phénomène est possible avec la variété des matériaux, des techniques et des mises en œuvre. Elles sont différentes mais parviennent au même résultat ; à la monumentalisation de la rue, à travers la composition architecturale adaptée à chaque parcelle, à la variété des ornements que le Second Empire a disposé au profit de l’homogénéisation des façades, et à la variété des matériaux employés.
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Toutefois, dans la rue Gay-Lussac, nous avons pu observer les bâtiments postérieurs à la création de la rue. Ses bâtiments post haussmanniens s’intègrentils, ou pas dans le tissu rigide du Second Empire ? Nous apporterons des éléments de réponses positifs et négatifs à travers cette dernière recherche.
K/ Les projets postérieurs au Seconnd Empire de la rue Gay-Lussac. Au niveau du 15, rue Gay-Lussac, nous pouvons voir un immeuble en pierre de taille mais il diffère clairement des façades haussmanniennes traditionnelles. Ce bâtiment a vu le jour en 1911 avec l’architecte SAULNIER, qui est également le propriétaire. Il s’établit sur une large parcelle avec sept travées. Les permis de construire étant devenus obligatoires, nous avons pu retrouver aux archives de Paris l’élévation de la façade. Nous pouvons donc remarquer que sa composition est symétrique avec un corps central de trois travées, puis deux de chaque côté. Le rez-de-chaussée est commercial et l’immeuble possède un entresol. Il y a un balcon filant au R+1 et R+5 (plus particulier). Les lignes directrices de la façade haussmannienne sont respectées dans l’ensemble. Cependant, il y a de nombreuses différences. Premièrement par sa hauteur, il y a six niveaux et les combles habitables. La toiture également est insolite avec plusieurs niveaux et pentes. Ce jeu de toiture sert à accentuer la partie centrale de la façade. L’élément le plus visible de la façade est son jeu d’épaisseur. Alors que les façades haussmanniennes sont relativement planes avec des balcons en saillie, dans le cas présent, la façade ondule. Deux bowwindows en courbe amènent les fenêtres (par trois) au premier plan. Ainsi les trois travées de fenêtres (par trois) se retrouvent au second plan. Nous avons ainsi une ondulation de la façade, avec pratiquement aucun angle droit. Les balcons en encorbellement sont tronqués afin d’éviter les angles, de même pour les consoles. En plus d’avoir une ondulation horizontale de la façade, nous avons une variation de plan de façon verticale. Au niveau du rez-de-chaussée et de l’entresol, la surface est plane, plus le balcon est en encorbellement. Cela permet au corps (du R+2 au R+5) d’avoir les ondulations horizontales. Toutefois, nous pouvons voir apparaitre dès le R+4 la naissance de consoles ornées qui supportent un balcon plus profond. Ce balcon du R+5 est couvert et est soutenu par des colonnes. Nous assistons au R+6 à un retrait de la façade, qui permet d’ouvrir plusieurs petites terrasses. Elles ne filent pas sur le long de la façade car les deux bowwindows les sectionnent. Enfin les combles sont habitables, nous pouvons voir un double niveau dans les combles sur la partie centrale. L’architecture haussmannienne a considérablement influencé les constructions parisiennes. En ce qui concerne cette construction de 1911, au début du XXème siècle, l’émancipation est en cours avec le développement des techniques et des matériaux. La façade garde les caractéristiques d’une architecture haussmannienne dans sa composition mais son ornementation varie avec l’introduction de la courbe, des bowwindows par exemples.
Façade du 15, rue Gay-Lussac, Archives de Paris, VO 11 1343, 18.06.17.
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Façade moderne du 20, rue Gay-Lussac.
Le 20, rue Gay-Lussac est également un immeuble postérieur au Second Empire. Cet immeuble a été construit en 1932 par les architectes Marcel Le Bas et Albert Rivière. La façade est radicalement différente des façades du XIXème. La part de vitrage est supérieure à la part maçonnée. Il s’agit une construction en béton armé avec le système poteaux/poutres afin que la façade ne soit pas porteuse, contrairement aux immeubles haussmanniens. Cela révolutionne le traitement de la façade. Les seuls ornements se situent dans le motif des garde-corps. Elle rompt avec ses façades voisines. Néanmoins, nous pouvons trouver une sorte d’harmonie qui ne dénature pas le paysage urbain. Malgré sa hauteur supérieure au gabarit traditionnel de vingt mètres, la composition de la façade a des ressemblances avec
celles qui l’entourent. Nous pouvons distinguer les trois parties de la façade ; le socle, le corps et l’attique. Dans ce cas, le rez-de-chaussée et l’entresol ne forment qu’une seule grande hauteur mais respecte l’ensemble. Le corps de l’immeuble est composé de quatre niveaux mais les hauteurs de chaque étage permettent d’arriver au balcon filant des R+5 des immeubles de rapport mitoyens. Le cinquième niveau diffère par une partie basse maçonnée blanche alors qu’aux étages inférieurs, la verticalité prédominait. Cette rupture seulement visuelle permet d’assurer l’horizontalité entre les façades voisines. Le sixième étage se décale de la façade afin d’y introduire un balcon. Il permet également de réduire visuellement le gabarit de la façade depuis le trottoir. Il n’y a pas de combles, c’est une toiture terrasse. La majeure partie des projets construits de la rue Gay-Lussac à partir du XXème siècle ont le souci de s’intégrer au contexte urbain. Ils s’alignent à la rue, respectent les proportions, la composition symétrique et les lignes horizontales. Ils sont modernes par leur langage architectural mais ne dénotent pas l’ensemble de cette percée haussmannienne. Toutefois, tous les projets ne se soucient pas de l’intégration urbaine. Nous avons déjà évoqué la façade du bâtiment de l’extension de l’Ecole Normale Supérieure au 43, rue Gay-Lussac. Sur le permis de construire l’objet de la pétition est la « construction de 2bât de 6 et 7 étages, avec partie rez-de-chaussée (laboratoires, salles de cours, internat) et logements de fonction, parking en sous-sol. Extension de l’Ecole Normale Supérieure ». Le projet est validé en 1968. Dans le permis de construire, il n’y a pas de plan de destruction ni de l’état antérieur. Toutefois, sur les photos aériennes (1950-1965), et sur un permis de modification datant de mai 1896, la compagnie générale des omnibus avait son dépôt à cet emplacement, le long de la rue Gay-Lussac, de la rue Louis Thuillier et la rue d’Ulm, la pointe du triangle construit est d’origine. C’était le dépôt du Panthéon. Il s’agit donc d’une seule parcelle revendue pour la construction de ce nouveau projet. Aujourd’hui, le bâtiment s’aligne sur la rue d’Ulm mais ne respecte absolument pas le contexte urbain de la rue Gay-Lussac. Le bâtiment ne s’aligne pas et recule par rapport à la rue, sa hauteur est bien plus grande (voir coupe AB). Malheureusement, le permis de construire a été accepté avec les lois d’urbanisme des années 1970 et l’Architecte des Bâtiments de France l’a également validé. 114
Plan du 43, rue GayLussac de 1896, Archives de Paris, 1178 W 815-816, 03.12.17.
Façade et Coupe du 43, rue Gay-Lussac de 19a66, Archives de Paris, 1178 W 815-816, 03.12.17.
La percée haussmannienne est vraiment caractéristique dans son architecture. Il est évident que les architectes contemporains soient inspirés, influencés, contraints d’intégrer leur projet dans une rue si spécifique au Second Empire. Les évolutions des lois d’urbanisme et le changement des usages et des mœurs ont permis à quelques projets d’entacher l’uniformité de la rue Gay-Lussac. Alors que certains arrivent à allier la modernité et le respect, d’autres dénaturent le tissu urbain autant dans son plan masse que dans sa perception. 115
CONCLUSION A travers la monographie d’une percée haussmannienne, nous avons pu comprendre ses mécanismes et caractéristiques. La recherche théorique était accessible par un grand nombre d’ouvrages sur le Second Empire, la ville de Paris du XIXème siècle et l’urbanisme haussmannien. Ces recherches, comparées avec une étude pratique dans les archives et directement au cœur de la rue Gay-Lussac était un travail intéressant et vivant. L’abondance d’informations théoriques n’était pas suffisante pour le cas étudié de la rue Gay-Lussac. Il y avait peu d’informations sur son quartier et son évolution, l’intention de percement, sa mise en place administrative et pratique et sur son architecture. Avec ce mémoire, nous avons pu comprendre la logique de la percée haussmannienne à trois échelles, celle de la ville, de la rue et de l’architecture à travers la voie archétypale de la rue Gay-Lussac. L’analyse de son emplacement et son évolution historique à travers une morphogénèse du quartier nous a permis de comprendre sa morphologie, ses enjeux, ses connections. La remise en contexte de l’état géographique, sociologie, politique mais également sa réglementation urbanistique et ses acteurs du Second Empire ont posé les bases de la compréhension du système haussmannien. La volonté d’embellissement de Napoléon III pour sa capitale est passée par un assainissement, un réseau viaire plus efficace, et une végétalisation de Paris, à travers de nouveaux bois et jardins et au réaménagement d’espaces verts existants (tel que le jardin du Luxembourg). La mise en place de ces grands travaux fût assez rapide car son organisation était bien réglée. La partie administrative du percement de la rue Gay-Lussac, son montage financier, son traité qui valide et annonce les conditions et pour finir, sa phase opérationnelle est une illustration de l’époque. Nous avons ensuite changé d’échelle afin de nous intéresser de plus près à la rue Gay-Lussac. Par le biais de l’analyse de la rue par séquences, nous nous sommes penchés sur sa géométrie liée à la topographie de la rue. La rue Gay-Lussac, située proche de la montagne Sainte Geneviève développe des stratégies (jeu de pente, double trottoir) pour niveler le terrain, non pas dans sa longueur mais avec les rues voisines. Ces dernières participent à la morphologie de la voie, avec ses points de connections, de traverses, la gestion des angles. Les rez-de-chaussée sont un aspect majeur dans la représentation de la voie à l’échelle de la rue. Les immeubles sont mitoyens et forment ainsi une continuité systématique depuis la rue. A travers des recherches en archives, il a été démontré qu’une population bourgeoise aisée a investi la rue dès sa construction, mais le rez-de-chaussée possédait déjà des commerces de proximité. Le réseau de transport en commun ainsi que les connexions avec les nouvelles voies environnantes ont pu confirmer que la rue Gay-Lussac était et est au cœur d’une interconnexion à l’échelle de la ville. Elle constitue une axe de désengorgement de la rue Saint Jacques qui relie (avec le boulevard Saint Michel et la rue Claude Bernard) une desserte pour le sud-est parisien. L’homogénéisation architecturale à l’aide d’un règlement imposé par la ville de Paris dans ses lignes principales nous aide à avoir une vision globale et unifiée de la rue. Les mots d’ordre sont monumentalité et unité. Cette harmonie globale rend la capitale particulièrement lisible et reconnaissable. L’inventaire
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des soixante-dix-huit numéros de la rue Gay-Lussac avec leurs informations disponibles respectives a été établi. Enfin dans un dernier temps, nous nous sommes davantage rapprochés, à l’échelle architecturale afin d’étudier les façades. A travers des axes spécifiques tels que des parcelles fines, larges, symétriques, asymétriques, nous avons pu découvrir des facteurs invariables de la composition de la façade ; la travée comme écriture architecturale forte, des lignes horizontales considérables et une homogénéité entre les étages imposante et monumentale. L’exotisme et la diversité laissés à l’imagination des architectes et architectes-sculpteurs se retrouvent à petite échelle, celui des ornements. La variété de langage et de styles participe à la diversité urbaine. Cela est également du à l’emploi des matériaux, et leur mise en œuvre à travers le développement des techniques propres à la Révolution Industrielle et au mode de diffusion à travers une architecture de catalogues. Les façades haussmanniennes dépassent leur rôle simplement structurel et nourrissent esthétiquement la ville à travers un panel innombrable d’éléments ornementaux. C’est ici que se développe la richesse architecturale. De plus, le projet esthétique d’Haussmann s’impose à toutes les échelles, dans une logique fractale, allant des détails ornementaux des modénatures en façade en passant par le mobilier urbain. La percée haussmannienne et l’immeuble de rapport à travers sa composition de façade et son ornement sont des archétypes de Paris. Ils constituent une référence, une unité et une identité de la capitale. L’homogénéité des façades haussmanniennes forme une unité mais cette unité ne forme pas la monotonie. Cette étude est un travail riche en découvertes, aussi bien en connaissances pratiques que méthodologiques. Dans notre cursus d’étude, c’est la première fois qu’un sujet d’étude est approfondi sur trois semestres et où le rendu est un dossier et soutenance de cette envergure. Cela nous apprend la rigueur dans nos démarches, la synthétisation des informations trouvées et le recroisement entre connaissances pratiques et observées. La curiosité est quasiment sans limite et cela a été une difficulté de rester concentrée sur les problématiques sans s’égarer parmi la masse d’informations. Cela est sûrement lié au thème choisi car il est très documenté. Nous avons dû faire face à certaines situations et les résoudre (notamment avec les archives mal rangées et archivistes débordés…) Néanmoins, ce fût un travail passionnant d’investigations entre ouvrages et archives, expositions, conférences. La mise en place de l’étude s’est faite en corrélant plusieurs méthodes d’analyses étudiées, à différentes échelles, en mêlant recherches théoriques et observations et par une analyse entre le passé et le présent. La rue Gay-Lussac est aujourd’hui encore au cœur de problématiques actuelles. Nous avons démontré que les modénatures et l’ornementation des façades haussmanniennes faisait partie intégrante de l’identité et du patrimoine de la ville. Toutefois les modes de vie actuels ne sont plus les mêmes qu’au XIXème siècle. D’autres enjeux ont vu le jour, tels que les problématiques thermiques. La réglementation thermique actuelle sur la rénovation des bâtiments à caractères patrimoniaux n’arrive pas à trancher entre la priorité patrimoniale ou environnementale. La performance thermique des immeubles haussmanniens a des enjeux écologiques, sociaux (confort des habitants), et économiques (facture énergétique en baisse et coût de rénovation). Parmi des méthodes, il existe deux solutions afin d’accroître les performances énergétiques, l’isolation par l’intérieur
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(réduisant la surface habitable, et moins performante) et l’isolation par l’extérieur, plus adéquate aux performances thermiques. Toutefois, cela peut totalement dénaturer la façade. La question de la réécriture architecturale se pose ainsi que la sincérité du patrimoine. Peut-on techniquement et éthiquement lisser les modénatures, isoler et faire des postiches sur cette isolation ? Est-ce dénaturer l’architecture haussmannienne si le rendu est similaire ? Les avis divergent et pourrait faire l’objet d’une étude approfondie sur les acteurs décideurs, les avis de chacun, et des exemples de rénovations thermiques. Ce questionnement soulève la pérennité du patrimoine haussmannien de ses façades, et par conséquent de la rue et de l’identité de la ville.
REMERCIEMENTS: Je souhaiterais remercier l’équipe des professeurs du séminaire «Histoire et pratiques des transformations du cadre bâti» pour leur suivi tout au long de ce travail avec les entretiens individuels ainsi que leurs interventions et les invitations de personnes reconnues pour des conférences en groupe. En plus le l’équipe actuelle composée de M. Gaimard, A. Bondon, A. Diener et L. Bassieres, j’aimerai remercier les deux professeurs présentes lors des deux premiers semestres; K.Bowie et V. Nègre. Enfin, je voudrais remercier ma famille et mes amis, qui ont eu la patience de me relire et de m’écouter sur ce sujet.
MOTS CLÉS:
Paris Rue Gay-Lussac Second Empire Haussmann Façades Modénature Typologies Patrimoine
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BASE DE DONNÉES : - Archives de Paris - Bibliothèque Nationale de France, base Gallica - Archives Nationale - PLU de Paris - Google.maps - Géoportail - Paris-atlas-historique.fr, - Topographie de Paris - Base ArchiRès, ENSA PLV - Base Sudoc - Base Archiwebture, Cité de l’architecture et du Patrimoine - Pavillon de l’Arsenal
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SOURCES: Photos et dessins personnels de la rue Gay-Lussac. Relevés in situ de la rue Gay-Lussac. Archives de Paris: VO11 1342 Dossier de voirie (1) et/ou permis de construire 1820-1925 Gay-Lussac (rue) VO11 1342 - 1343 Dossier de voirie (1) et/ou permis de construire 1820 1925 Gay-Lussac (rue) DQ18 447 Sommier foncier (2e série) 1859-1880 Adresse : Gay-Lussac, rue (5e) DQ18 454 Sommier foncier (2e série) 1859-1880 DQ18 455 Sommier foncier (2e série) 1859-1880 DQ18 458 Sommier foncier (2e série) 1859-1880 DQ18 464 Sommier foncier (2e série) 1859-1880 DQ18 464 Sommier foncier (2e série) 1859-1880 3589W 1024 Casier sanitaire 1877-2007 3589W 1327 Casier sanitaire 1877-2007 3589W 1800 Casier sanitaire 1877-2007 3589W 2037 Casier sanitaire 1877-2007 3589W 2159 Casier sanitaire 1877-2007 3589W 2271 Casier sanitaire 1877-2007 Paris. Direction chargée du logement 3589W 953 Casier sanitaire 1877-2007 Paris. Direction chargée du logement DQ18 1273 Sommier foncier (3e série) 1880-1945 Seine. Direction de l'enregistrement, du timbre et des domaines Adresse : Gay-Lussac, rue (5e) Numéro(s) : 1 à 51, 2 à 78 1069W 57 Permis de construire : 1963 Paris. Direction chargée de la construction 1 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1069W 57 Permis de construire : 1963 Paris. Direction chargée de la construction 9 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1069W 57 Permis de construire : 1963 Paris. Direction chargée de la construction 13 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1069W 57 Permis de construire : 1963 Paris. Direction chargée de la construction 16 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1069W 57 Permis de construire : 1963 Paris. Direction chargée de la construction 22 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1069W 57 Permis de construire : 1963 Paris. Direction chargée de la
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construction 34 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1069W 57 Permis de construire : 1963 Paris. Direction chargée de la construction 51 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1069W 57 Permis de construire : 1963 Paris. Direction chargée de la construction 76 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1178W 815 - 816 Permis de construire : 1966 Paris. Direction chargée de la construction 43 rue Gay-Lussac 5e arrondissement 1178W 3100 Permis de construire : 1975 Paris. Direction chargée de la construction 39 rue Gay-Lussac 5e arrondissement 1178W 4690 Permis de construire : 1977 Paris. Direction chargée de la construction 39 rue Gay-Lussac 5e arrondissement 1178W 4897 Permis de construire : 1978 Paris. Direction chargée de la construction 1534W 566 Permis de construire : 1982 Paris. Direction chargée de la construction 7 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1534W 578 Permis de construire : 1983 Paris. Direction chargée de la construction 9 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement 1534W 647 Permis de construire : 1983 Paris. Direction chargée de la construction 42 rue Gay-Lussac, 5e arrondissement Cartes de Paris:
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- Plan de la ville et des faubourgs de Paris divisé en ses vingt quartiers/ par le Sr Robert de Vaugondy (1723-1786), BNF, C&P, CPL GE DD-2286 (816 B). - Plan de Roussel, 1730. - Plan de Turgot, Michel Etienne Turgot, 1734-1739, BNF, C&P, GESH18PF37DIV3P56. - Plan de la ville de Paris avec sa nouvelle enceinte levé géométriquement sur la Méridienne de l’Observatoire par le C. Verniquet, 1790. - Plan général du projet d’embellissement de la ville de Paris, 1785, BNF, C&P, GE C-4384 (RES). - Plan lavé topographiquement de la ville de Paris par Maire, Geog, 1821. - Plan des propositions de la Commission du comte Siméon, surcharge à l’aquarelle du plan itinéraire de Paris publié par Andriveau-Goujon en 1853, Bibliothèque administrative de la ville de Paris, 1853. - Carte Paris en 1850, par Michel Huart, 2012. - Plan des arrondissements de Paris, avant et après 1860, Atelier Lacombe, Archives de Paris. - Plans du tracé primaire, secondaire, et tertiaire, Paris Haussmann, Paris, janvier à mai 2017, Ed. du Pavillon de l’Arsenal, 2017. - Carte du dénivelé de Paris. - Plan commode de Paris avec les Lignes d’omnibus et tramways, gravé par L.C. Gigon, 18??, BNF GED-986.
- Tramways de la ville de Paris. Nouveau réseau projeté, Imp. de Monrocq, 1882, BNF GEC-30. - Paris, Exposition Universelle 1900, situation chemins de fer et métropolitain, Jarrier Franklin, 2009.
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ANNEXES
SOMMAIRE
Annexe 1: Première page du traité entre la ville de Paris et M. Legrand, archives de Paris, VO 11 1342. page 41, 43, 44. Annexe 2: Lettre de M. Legrand au Préfet du département de la Seine, le 22 octobre 1867, Archive de Paris, VO 11 1343. page 28. Annexe 3: 8 aout 1863 Série d’articles pour la construction de la rue : VO11 1342, 8 aout 1863, 3ème acte complémentaire du traité entre la ville de Paris et M. Legrand. page 44, 61. Annexe 4 : Tableau de la situation des expropriés concernant la création de la voie Gay-Lussac, archives de Paris, VO11 1342. page 28, 43. Annexe 5 : Documents relatant du dossier pour la création du trottoir en bordure du numéro 44, rue Gay-Lussac, archives de Paris , VO11 13 42. page 44. Annexe 6 : Acte complémentaire n°4 du Traité entre la ville de Paris et M. Legrand, Quittance par la congrégation de Saint Michel à la ville de Paris, Archives de Paris, VO11 1342. page 27. Annexe 7 : Plans d’appartements du 4, rue Gay-Lussac par niveau. Archives de Paris, 1990W 0017,12.10.2017. page 87. Annexe 8: Façade du 8, rue Gay-Lussac, relevé et dessin personnels. Annexe 9 : Retranscription de la Conférence « Paris Haussmann, modèle de ville» Commissaire de l’exposition Umberto Napolitano et Franck Boutté du mercredi 8 mars 2017 à 19h au Pavillon de l’Arsenal. page 5, 10, 32, 46, 116.
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Annexe 1 page 41, 43, 44 : Première page du traitÊ entre la ville de Paris et M. Legrand, archives de Paris, VO 11 1342.
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Annexe 2, page 28: Lettre de M. Legrand au Préfet du département de la Seine, le 22 octobre 1867, Archive de Paris, VO 11 1343. « A Monsieur le Sénateur, Préfet du Département de la Seine, Monsieur le Préfet, J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien faire régler le compte de l’entreprise un percement de la rue Gay-Lussac que vous avez bien voulu, sur ma demande faire terminer par l’administration. Cette affaire est complétement finie sauf une contestation avec un Sieur Château pour une indemnité hypothétique de 70 000 francs mais comme cette contestation menace de l’éterniser qu’il importe de régler le compte je m’engage sur la somme qui doit me revenir à laisser dans les caisses de la Ville une somme de 70 000 frs ou si par impossible la somme qui me reviendra était inférieure à ce chiffre à en verser de suite le complément afin de garantir la ville contre tout recours. Etant bien entendu que cette somme me reviendra si je parvienne à gagner le procès Château. Recevez etc. Signé Legrand »,
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Annexe 3, page 44, 61 : 8 aout 1863 Série d’articles pour la construction de la rue : VO11 1342, 8 aout 1863, 3ème acte complémentaire du traité entre la ville de Paris et M. Legrand 25fevirer 1865 par la Congrégation de Saint-Michel à la ville de Paris. Article 1 -4 concernent le moyen de financement entre la ville de Paris et M. Legrand Article 5 : « la mise en possession matérielle des dits terrains devra être effectué en faveur de la ville de Paris de la part de chacun des propriétaires dépossédés sous le plus bref délai ; elle sera constatée pour chaque propriété par un procèsverbal des agents de l’Administration municipale. » Article 6 : « les terrains dont il s’agit sur lesquels existant des constructions seront, s’ils ne le sont déjà, régalés au niveau de l’ancien sol des propriétés par les soins des propriétaires dépossédés et dans frais pour la ville de Paris, avant la mise en possession dont il vient d’être parlé. » Article 7 : « les terrains seront livrés à la ville libre de toutes locations, servitudes et autre charges généralement quelconques, même les terrains provenant des 5 immeubles acquis par la ville avant le traité de M. Legrand. Article 8 : « La ville supportera toutes contributions et autres charges grevant lesdits terrains à compter du jour où elle en aura été mise en possession réelle. » Article 9 : « Les travaux de nivellement et de raccordement nécessaires pour l’établissement de la voie dont il s’agit seront faits par la ville de Paris et les frais en resteront définitivement à sa charge. A l’égard des travaux de construction des égouts, de pavage, ou de macudannisage des chaussées et des poses des bordures de trottoirs, la Ville les fera exécuter dans les six mois à partir du jour où les terrains nécessaires à chaque section de la rue à ouvrir comprise entre deux voies anciennes auront été régalés au niveau de l’ancien sol des propriétés. Mais les terrains en bordure, notamment aux restant appartenir au cédant, seront grevés des obligations suivantes sans préjudice des règles ordinaires de voierie : - Les façades des maisons sur la voie publique ne pourront être construites qu’en pierres de taille, en moellons ou en briques. - Les constructeurs auront toute liberté d’adopter le genre d’architecture qu’ils jugeront à propos mais s’ils ne s’entendent pas afin d’avoir dans chaque ilot de maison, les mêmes hauteurs d’étages de manière à continuer les lignes principales des façades, ces lignes devront être fermement arrêtées et terminées de manière à former de chaque maison ou chaque partie d’ilot distincte un ensemble complet. - Dans tous les cas où les façades des maisons contiguës présenteraient des dissemblances, le nu du mur mitoyen demeurera libre de toute saillie et de tout profit de moulure afin de séparer nettement les genres divers d’architecture adaptés - La hauteur sur les cours des façades de corps de bâtiment sur la voie publique ne pourra pas excéder celle des façades sur ladite voie publique. - Les propriétaires devront construire pour la conduite des eaux pluviales et ménagères dans l’égout principal, des galeries transversales n’ayant pas moins de deux mètres trente centimètres de hauteur sous clef et un mètre trente centimètres de largeur à la naissance de la voute ; ces galeries pourront être établies pour deux maisons contigues au droit du mur mitoyen et il sera pratiqué dans tout la hauteur de celui-ci une cheminée de ventilation partant de la voute de la galerie, s’ouvrant au-dessus des combles et dont la section sera de quatre centimètres carrée au moins, l’entretien de ces galeries sera à la charge des propriétaires. […]
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- Chaque propriétaire riverain remboursera à la Ville les frais des premiers établissements de la moitié de la chaussée du droit de sa façade à raison de douze francs par mètre carré, plus le prix de la bordure de trottoir et lorsque sa construction sera achevée, il fera dalle en bitume l’aire des trottoirs sans pouvoir réclamer de fait aucune prime de la ville. - Les propriétaires seront tenus de prendre pour l’usage de leur construction un abormenent aux eaux de la Ville. […] » Article 10 : « M. Legrand prend l’engagement de construire ou d’imposer à ses acquéreurs l’obligation de construire Sur le lot de huit cent dix mètres à l’angle du boulevard Sébastopol, dans l’armée de la prise de possession Sur tous les terrains qu’ils resteront lui appartenir pour les lots d’angle dans les deux ans, et pour le surplus, dans les 3 ans qui suivront la mise en état de viabilité de la voie. » Article 11 : « De convention exprefse, les frais, droits et honoraires des présentes, ainsi que ceux d’une expédition pour la ville de Paris, et d’une grosse pour chacun des propriétaire dépossédés se trouvant créanciers de la Ville, et pour M. Legrand seront supportés par ce dernier, il en sera de même à l’égard des actes d’établissement de propriété et de dépôt des procès-verbaux de prise de possession et généralement de tous actes qui seront la suite de la présente opération. Article 12 : « Déclaration d’Etat Civil, M. Legrand déclare 1emt qu’il s’est marié avec Mad. Rebeca Walh demeurant avec lui. Qu’il n’a jamais rempli de fonctions emportant hypothèque légale. Louis Gabriel Boucart, Eugène Jean Boucart, Victor Alphonse Boucart, M. Macé M. Signol Mad. Veuve Guerbois
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Annexe 4, page 28, 43: Tableau de la situation des expropriĂŠs concernant la crĂŠation de la voie Gay-Lussac, archives de Paris, VO11 1342
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Annexe 5, page 44 : Documents relatant du dossier pour la crĂŠation du trottoir en bordure du numĂŠro 44, rue Gay-Lussac, archives de Paris , VO11 13 42.
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Annexe 6, page 27: Acte complémentaire n°4 du Traité entre la ville de Paris et M. Legrand, Quittance par la congrégation de Saint Michel à la ville de Paris, Archives de Paris, VO11 1342. Société civile constitué le 5 mars 1863 devant notaires (M. Ducloux et M. Delapalme). M Legrand administrateur et mandataire général de : 1/ - Louis Gabriel Boucart (fabriquant de cuirs) - Eugène Jean Boucart (mécanicien) - Victor Alphonse Boucart (opticien) - Jean Hippolyte Macé (marchand épicier) et tuteur naturel et légal de ses quatre enfants Jean Hippolyte Macé, Jenny Léonite Macé, Gabriel Léon Macé Gabriel Eugène Macé - Jean Charles Signol (propriétaire) 2/ Adélaide Arsène Arnoux - Louis Charles Guerbois 3/ - Marie Cécile Lepecq (propriétaire)
Annexe 7, page 87 : Plans d’appartements du 4, rue Gay-Lussac par niveau. Archives de Paris, 1990W 0017,12.10.2017.
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Plan du rez-de-chaussée
Plan du 1ème étage
Plan du 2ème étage
Plan du 6ème étage
Annexe 8: Façade du 8, rue Gay-Lussac, relevé et dessin personnels.
PATISSERIE . BOULANGERIE CORDONNERIE . SERRURERIE
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Annexe 9, page 5, 10, 32, 46, 116 : Retranscription de la Conférence « Paris Haussmann, modèle de ville » Commissaire de l’exposition Umberto Napolitano et Franck Boutté du mercredi 8 mars 2017 à 19h au Pavillon de l’Arsenal Après les remerciements auprès du pavillon de l’arsenal, qui a rendu possible l’étude et l’exposition.
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Umberto Napolitano: Merci d’être venu, c’est encore la différence entre l’Italie et la France, cette salle serait vide si une équipe de football italienne jouait ce soir. Je vais profiter avant de commencer la conférence sur Haussmann ce soir pour remercier énormément le pavillon de l’Arsenal. Je le remercie non simplement parce qu’il nous donne la possibilité de nous réunir ici et de partager avec vous parce qu’il a rendu possible à la fois cette étude et cette exposition mais toute cette recherche a été faite à six mains, c’est-à-dire notre agence, celle de Franck et le pavillon. Et le pavillon a eu un regard extrêmement … on a cette expression à l’agence où un territoire de l’obsession, c’est-à-dire on se considère tellement perfectionniste qu’on en arrive à se haïr nous-même… en connaissant les méthodes de travail du pavillon, on a trouvé pire que nous, du coup on en était presque ravis. Du coup je tiens à remercier Alexandre Labasse, le directeur général, Marianne Carega, Julien Pansu, Kim Lë, Claire Graeffly, Sophie Jacquin, Jean Sebastion Lebreton, Caroline Leroy et Antonella Cassellato. Donc cette recherche puise ses racines dans la pratique, c’est-à-dire que ce sont plutôt des interrogations lors de notre chemin de praticiens qui nous ont amenées au fur et à mesure à regarder Paris, regarder sous Haussmann, regarder Paris sous le XIXème siècle. Quand je dis que ça vient de la pratique, ça vient tout d’abord de deux questions fondamentales. Tout d’abord c’est la ville et la deuxième c’est la forme. Cet homme que vous voyez là ce n’est pas Haussmann, c’est plutôt Aldo Rossi. Je vais partager avec vous une sorte de crédo qui est à la base de tout notre travail et donc de cette étude. Ce crédo porte sur le fait qu’Aldo Rossi a travaillé sur un livre qui s’appelle l’architecture de la ville et qui a totalement changé la période moderne et le regard sur la ville même. Il le fait à travers un ouvrage qu’il a écrit entre 27 et 30 ans donc très jeune, un ouvrage plein de naïveté mais pleins d’intuitions qui sont extrêmement utiles aujourd’hui. Alors je lis avec vous juste 5 lignes qui sont extraites de la préface de ce livre qui s’appelle L’individualité des faits urbains « Dorénavant, dans l’architecture de la ville, on peut désigner deux choses différentes. Premièrement, la ville est assimilée à un grand artefact qui mêle l’ingénierie et l’architecture plus ou moins grandes et complexes, et qui croient au fil du temps. Deuxièmement, nous pouvons nous relier à certains aspects plus limités mais toutefois plu souples appelés faits urbains, qui comme la ville ellemême sont caractérisés à leur propre histoire et donc par leur propre forme. Dans les deux cas, nous nous rendons compte que l’architecture ne représente qu’un aspect d’une vérité plus complexe d’une structure et en même temps en étant les uniques données modifiables de cette réalité et constitue le point de vue le plus concret pour affronter les problèmes. » Il dit quelques chose d’extrêmement simple : une ville est un artefact, une construction faite par des hommes donc elle a une règle formelle qui est mesurable et scientifiquement appréhendable. Une ville est une grande œuvre d’art et donc un projet d’architecture, ce n’est pas autre chose qu’une pièce qui doit s’ajouter à cette œuvre faite par l’homme. Donc quand on la regarde comme ça la ville, en tant qu’architecte, on a besoin de comprendre sa forme, l’expression de ce manufact. Et la deuxième instance il dit ; certes c’est vrai mais il y a une deuxième couche de données qui fait la ville,
qu’il appelle les faits urbains. Ce ne sont pas autre chose que des considérations économiques, sociales, culturelles, qui se rajoutent à celles qui ont leur propre histoire, leur propre forme et qui permettent le passage entre ce stade de la ville, où la ville est totalement maitrisée et maitrisable à celle qui devient l’identité propre à la ville. Alors en tant qu’architecte, il faut vraiment se questionner sur comment j’arrive à comprendre la forme de la ville et comment j’arrive à prendre un pari plutôt sur les faits urbains donc sur la deuxième lecture de la ville qui me permettrait à la fois de comprendre son identité et à la fois de palier à la structure de son évolution informelle. On voit bien que la forme revient tout le temps sur la table. En architecture, c’est hyper dangereux parce que forme va avec formalisme, a 7000 définitions, je m’en tiendrai à deux. La première c’est encore Aldo Rossi qui dit « la forme perdure et paisible à la construction dans un monde où sa fonction se modifie constamment et à l’intérieur de la forme, la matière se modifie. » Dans la trilogie des architectes, qui est la forme, la fonction et la matière, la fonction est censée évoluer, la matière aussi, les choses vieillissent et changent, la ville nous montre tous les jours qu’elle peut utiliser des bâtiments pour loger d’autres fonctions donc ce qui reste et ce qui permet cette évolution, c’est la forme. Et Paul Klee en avait eu une intuition extraordinaire dans une des plus belles définitions qui est issue de théorie de l’Art Moderne « nulle part, jamais la forme n’est un résultat acquis, un parachèvement, une conclusion. Il faut l’envisager comme une genèse, comme un mouvement. Son être est le devenir et la forme comme apparence n’est qu’une maligne apparition, un dangereux fantôme. Donc la forme n’est pas la manière dont les choses apparaissent, mais plutôt on peut accumuler forme et formation. Ce potentiel que l’on peut donner aux choses pour accomplir un mouvement. Alors tout est là. En architecture, c’est comment je charge l’architecture d’un potentiel à travers la forme d’un potentiel tel qu’il puisse durer. La question de la durabilité est liée à la question de la forme. Quand je vous dis que toute cette recherche vient de la pratique, c’est que cette interrogation sur comment faire durer les choses à travers un espace qui se veut un territoire où la forme accomplie un mouvement, on l’a exploré dans plusieurs projets et en particulier dans deux de ces projets qui nous ont emmenés ensuite à Haussmann [exemple de Bègles et de Saussure] […] Il faut créer du mouvement par la forme, il faut faire évoluer cette forme. La question c’est comment choisir la forme. Et ça, ça se relit à ce qu’on a fait méthodiquement dans cette exposition ; choisir une forme veut dire tout d’abord savoir la lire. Matisse rejetait les détails pour faciliter sa lecture et donc l’ensemble. [Photographe japonais] on a essayé de faire ça avec Paris, d’enlever toute l’histoire, sa matière pour ensuite aller l’analyser pour arriver à cette forme d’abstraction qui nous aurait permis quelque part de lire la forme de la ville et de prendre des leçons que cette ville pouvait nous donner. Pourquoi nous avons choisi Paris ? Tout d’abord parce que Paris est porteuse d’énormément de valeurs, de concepts qui aujourd’hui se révèlent super intéressants dans la pratique actuelle. Paris est la ville la plus dense d’Europe et où cette densité n’est pas ressentie comme quelque chose de négatif. Paris est l’une des villes les plus denses du monde et qui arrive à se renouveler par elle-même, on a vu que l’immeuble de rapport est extrêmement résiliant. Paris est une ville avec une identité très forte, et fabriquer de l’identité c’est une des problématiques majeures de l’architecture contemporaine. Paris est une ville qui a été pensée et réalisée sous un projet urbain dans une période donnée. Et là, on arrive à Haussmann. On n’a pas pris dans le corpus de l’exposition que la période qui concerne Haussmann (1853-1870). On s’est élargi en sachant que les choses qu’il avait mis en place se sont réalisées jusqu’à la première guerre. Donc sur une période de 60 ans, quand on regarde une carte avec tout ce qui a été réalisé,
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on s’aperçoit que c’est quasiment 60 % de la ville, à la fois dans les bâtiments, à la fois dans les rues. Si Paris est une ville qui est née d’un projet urbain clair, si on arrive à comprendre ce projet qui est porteur d’un ensemble de valeurs objectivement qui nous intéresse aujourd’hui. Peut-être on saurait le réutiliser dans notre futur proche.
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Franck Boutté : Donc le corpus, c’est à la fois ce qui a été réalisé sous Haussmann, on prend un peu de liberté historique. Pendant le système haussmannien, on démarre en 1840, on va jusqu’en 1914 avant la première Guerre mondiale parce que le système que va mettre en place Haussmann est d’une telle force qu’il perdure jusqu’à la première Guerre mondiale. Notre corpus c’est l’ensemble de ces travaux réalisés durant cette période. On a vu un certain nombre de bâtiments, c’est phénoménal, plus de 60 000 bâtiments, 2/3 de Paris et en nombre de voieries c’est là aussi colossal et d’ailleurs depuis cette époque, on ne fait plus grand-chose en termes de réseaux, de maillages puisque le système une fois mis en place est tellement efficient qu’on n’a plus besoin de l’améliorer. Ce corpus pour le travail d’analyses et de recherches qui a été mené, on a enlevé l’histoire. Evidemment nous sommes des praticiens de l’urbanisme de l’architecture, de l’ingénierie, nous ne sommes pas des historiens, des sociologues. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le modèle haussmannien à la fois ses forces, ses faiblesses et le côté un peu obscur. On enlève ça, on considère ce qui résulte aujourd’hui, et même dans ce corpus il est même entendu jusqu’à aujourd’hui et on l’observe en enlevant tout présupposés historiques. On va regarder ça comme un héritage, un acquis dont on essaie de comprendre comment ça fonctionne, quelles sont les règles de sa fabrication. On a vu aussi que l’ampleur des travaux réalisés, on est de l’ordre d’un projet planifié et on est encore questionné aujourd’hui sur qu’est-ce qu’un bâtiment durable, qu’est-ce qu’un projet urbain et une ville durable. En analysant la production haussmannienne, on peut analyser quelque chose de l’ordre de la planification d’un projet d’un modèle. On n’est pas dans l’idée de la ville faite par couches successives. Pour comprendre tout ça, d’abord on redessine à la fois des documents d’époque existants pour enlever les couches d’histoires. On dessine la ville héritée, la ville constatée, on cartographie, on classifie de manière presque obsessionnelle. Ce travail est un peu l’analogie du travail d’un archéologue, archéologique puisqu’on fait émerger des éléments de vocabulaire, des éléments dimensionnels et on met les choses en relation pour essayer de comprendre comment ça fonctionne. Donc DESSIN, CLASSIFICATION et ensuite on mesure puisqu’une fois qu’on a mis à jour les règles et les invariants, on se demande en quoi elles sont porteuses d’efficience, de qualité et en quoi on pourrait se nourrir de cette production pour le travail d’aujourd’hui et la production des villes contemporaines. C’est ça le propos, vraiment tirer des leçons de l’analyse de cet héritage pour pouvoir mieux penser la production de la ville contemporaine et la ville de demain. Donc dessiner, classer, mesurer, comparer pour faire émerger des qualités de cette forme spécifique. Alors pour faire ça, on a aussi développé des outils parce que c’est assez inédit dans l’analyse de la morphologie urbaine, typologique. On analyse de grands nombres, donc on s’est basé sur des bases de données existantes qui sont à l’échelle de la planète open street maps, on verra ce que ça donne quand on fait l’analyse des données par le tracé. Et puis pour comprendre les tissus parisiens, on s’est beaucoup attaché à analyser le SIG très détaillé et avec un développement d’outils, de strips, d’algorithmes qui vont permettre des analyses statistiques pour en tirer des règles, des constantes sur des formes urbaines et fragments analysés pour en tirer un certain nombre de conclusions, de valeurs
qui sont de l’ordre des fondations de ce qu’on a appelé le modèle possible haussmannien. Alors ce travail on l’a aussi fait en déclinant les échelles. Ce qui frappe à Paris, ce sont cette très grande cohérence qui nous interpelle aujourd’hui entre la grande échelle et la micro échelle ; entre l’espace public et le schéma du gardecorps, il y a une idée commune, une forme d’identité, une idée de ville qui se dégage pratiquement de tous ces éléments. On a fait ce travail de façon scalaire en s’intéressant d’abord aux tracés puis aux ilots, puis à l’immeuble puis aux micro éléments, micros urbanismes qui sont ces éléments de vocabulaire de la fabrication de ces immeubles (le langage). Alors sur les tracés d’abord, premier constat, c’est que Napoléon III, Haussmann et son équipe ne partent pas de rien. C’est la très grande richesse qui va émerger, c’est une production urbaine de l’ordre de l’hybride. Ils s’appuient sur des tracés existants, c’est-à-dire des tracés radioconcentriques issus des enceintes successives de Paris. Tout d’abord, ils complètent ce système radioconcentrique non continu. Puis sur l’enceinte de Thiers, il y a le boulevard des Maréchaux. Et ce système radioconcentrique efficace est doublé d’un système radial avec à l’intersection du système radioconcentrique et du système radial avec des points importants, singuliers qu’on connait tous aujourd’hui : les grandes places qui sont finalement les points de repère qui fabriquent l’imagibilité de Paris. Alors le travail de classification, ça c’est la cartographie de l’ensemble des tracés parisiens, pas dans la datation, on a tous les tracés. On opère une classification avec une distinction qui n’est pas celle utilisée par Haussmann à l’époque, lui avait basé ses catégories plutôt sur des modèles de financements. Nous on opère une classification sur une logique dimensionnelle. On analyse la largeur des voies et on fait émerger des réseaux primaires, secondaires et tertiaires basés donc sur la largeur des voies. Alors quand on extrait de cette cartographie les réseaux primaires compris dans une largeur entre 70m pour les plus larges et 21m. Là, ce qui frappe, puisqu’on est sur les avenues, les rues, les croisements les plus symboliques, de connectivité maximale, c’est la complétude et la très grande cohérence du réseau qui en résultent. Cette cartographie n’existait pas avant puisqu’on connait les atlas des percées haussmanniennes, mais on met rarement en rapport une avenue avec les avenues préexistantes pour voir la qualité du maillage, de ce réseau, de ces circulations rapides qui en résultent, donc sur des voies de 70 à 21 m, on a dénombré 54 voies et 591km. On peut voir les gabarits. Le réseau secondaire lui c’est le réseau de la rue générique. On voit la densité de ce réseau qui existe avec 3360 tracés de cette catégorie et 639 km. C’est ce qui va fabriquer l’ilot, qui est définit par la contingence de ces tracés. Ici on est entre 20m pour le plus large et 8m. Et puis enfin le réseau tertiaire qui pour une bonne partie déjà existant ou une création de dessertes intra ilots quand l’ilot est de grande taille pour pouvoir irriguer, fabriquer une porosité. On est entre 7m et 0.8m pour la venelle la plus étroite. On a continué ce travail de classification sur les espaces publics, primaires, secondaires et tertiaires. Donc ça c’est la cartographie de ces espaces publics, 54 de type primaire, 155 de type secondaire et 406 de type tertiaire. Les espaces publics primaires sont évidemment à mettre en relation avec le réseau primaire, ce sont les nœuds importants. On a toute l’armature urbaine avec la mise en relation des points symboliques pré existants, des monuments mis en valeur et de nouveaux monuments arrivés à l’époque. Il faut bien dire que la fabrique du tissu haussmannien se fait par l’identification de points que l’on met en relation. C’est une forme de fabrique de la ville par triangulation contrairement à des grilles type américaines ou même l’utilisation du modèle haussmannien par Cerdà à Barcelone. Là on est sur la mise en relation de points à la fois dans une idée de
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connexion et de mise en valeur, c’est pour ça qu’on se permet aussi de parler d’imagibilité et pour favoriser la circulation à la fois de l’air, de la lumière, des gens, des automobiles et des troupes dans la ville. Ce qui est assez frappant sur ces espaces publics primaires, ce sont leurs règles géométriques, dimensionnelles. On trouve des choses assez étonnantes comme le fait que la dimension du vide soit la même que la dimension du monument qu’elle accueille. On va beaucoup parler de résilience pour parler du tissu haussmannien, elle est valable aussi à l’échelle des tracés. Par exemple la place de l’Opéra a été réalisée avant même la construction du monument. Il y a une capacité dans les tracés à accueillir des aléas. Pour la place de la Madeleine, l’organisation en tripartie ; la dimension du vide est la même que la dimension du monument, 3 x 43 qui forme la place. Ensuite les espaces publics secondaires, à mettre en relation avec la rue qui sont définis par ces tracés secondaires et de l’ilot. Ce qui est assez notable c’est leur mode de fabrique. On fabrique du vide exactement de la même façon qu’on fabrique des ilots. Ils ont exactement les mêmes logiques définies par des voies, les mêmes dimensions ce qui est là aussi intéressant en termes d’évolutivité d’un tissu ou de densification d’une ville ou de résilience. C’est-à-dire qu’on peut combler par de nouveaux ilots ces espaces vides et vice versa. C’est une assez belle leçon de la fabrique des villes par évidements. Ensuite les espaces publics tertiaires, de moindre taille, qui sont souvent le résultat de formes hybrides, de la superposition des tracés entre les tracés pré existants et les nouveaux. On a des accidents qui pourraient être de l’ordre des délaissés, de corrections et qui en fait ont été complétement intégrés à l’espace public et apportent une très grande richesse en faisant varier la largeur des voies, des rues, des percées. Une fois qu’on avait mis à jour ce vocabulaire, cette classification entre le réseau viaire et les espaces publics, la question qui se posait c’était « et alors ? Quelles sont les qualités du maillage qui en résultent de ce mode de fabrication de ce tracé urbain ? ». On a comparé de Paris haussmannien à 14 autres villes. On a pris des valeurs dans des villes un peu caricaturales qui nous servent de valeur étalon. A gauche Brasilia, à droite Tolède car c’est la ville au maillage le plus dense, au tissu le plus ramifié avec une très grande concentration de rues et d’intersections. Brasilia est une valeur opposée avec le tissu le plus lâche. Ce qui va nous intéresser c’est de caractériser la densité et l’organisation de ce maillage avec le nombre d’intersections au km². Une intersection c’est aussi au-delà de son caractère dimensionnel, c’est une forme d’inattendu, de surprise en ville avec plusieurs possibilités, choix de direction, de diversité et donc de richesse. On s’intéresse également à la densité d’occupation des sols et des indicateurs autour de l’ATR (accessibilité et marchabilité). Du point de vue du nombre d’intersections au km², Tolède, imbattable avec plus de 500 intersections au km² et Brasilia très pauvre avec 80 intersections au km² et le tissu haussmannien plutôt dans une valeur d’équilibre haute avec 210 intersections au km². On voit la longueur des parcours entre deux intersections et sa richesse et la dimension des mailles qui en résultent et la part construite de la ville. En termes d’occupation du sol, de façon un peu étonnante, Paris est à une valeur extrêmement élevée avec 66% du sol parisien construit. On est presque à la même valeur de Tolède qui est pourtant vécue comme une ville quasi continue. On est assez loin des villes par exemple Chicago où on a 45%, à Amsterdam 46%. Donc une très forte proportion de sols construits. Si on le dit autrement, à Paris on a 34% de vide et ce qui est une découverte dans cette analyse, c’est que ce vide se révèle particulièrement efficace. Alors pour ça, il y a un petit indicateur où on mesure l’accessibilité de l’emprise bâtie. Et si on arrivait à mesurer l’efficience du vide en termes de linéaire de voierie qui est nécessaire de construire pour amener à
un indicateur de 100m² d’emprise bâtie pour avoir un indicateur de comparaison entre les maillages. Et là, le tissu parisien haussmannien est d’une efficacité redoutable. On a 3.7m de voie nécessaire pour accéder à 100m² d’emprise bâti. On est même meilleur que Tolède qui est à 5.7m de voies et on est loin de Moscou qui est à 15m de voie pour 100m² d’emprise bâtie. Ça c’est plutôt une surprise. C’est une question qui interroge la pratique contemporaine puisque tout le sujet quand on fabrique une ville, c’est l’adéquation entre la ville et le plein. Le vide c’est payé par la collectivité, le plein, ça peut être payé par le privé donc l’idée de l’efficacité est une notion qui est fondamentalement contemporaine et importante. Si ce vide se révèle aussi efficace c’est que quelque part de façon sous-jacente se dessinait l’idée d’une très bonne qualité en termes de desserte et d’accessibilité et c’est ce qu’on a mesuré ici. Donc le diagramme vous fait comprendre comment ça fonctionne et le développement des algorithmes. On s’intéresse plutôt à une question de pratique de la ville sur des courtes distances pour parler de la logique du piéton, dans la pratique piétonne de la ville et donc de courtes distances. On a pris comme référence 400m à parcourir à pied à raison de 5 minutes et vous savez tous quand on regarde un grand plan de ville, par exemple le Grand Paris avec le Grand Paris Express, on dit autour d’une station, on dessine un cercle et on se dit que tout ce cercle est accessible. Evidement c’est faux puisqu’encore faut-il qu’il y ait un maillage, un tracé. On simule le parcours d’un piéton qui à chaque fois rencontre une intersection et a le choix d’aller tout droit, d’aller à gauche etc etc et donc on simule tous les chemins possibles. En vert, on est à 0m, en rouge foncé on arrive à 400m et puis après on s’arrête, comme ça, ça permet de visualiser l’accessibilité pour le piéton depuis un point de tout ce qui se trouve à l’entour mais à moins de 400m réels et pas 400m théoriques attention. Bon, l’analyse peut être un peu fallacieuse puisqu’évidement si on met un point à une intersection ou si on le met entre deux intersections, on peut faire varier pas mal les résultats. Donc ici on raisonne en valeurs moyennes. On reproduit sur l’ensemble du maillage, le long d’une maille on trace un point tous les 20m et on retrace cette accessibilité. Ensuite, on retranscrit en couleurs sur les disques d’analyses, qui font 1km de diamètre et donc on retranscrit ces valeurs. Ce qui est en vert, ce sont des points très peu accessibles, ce qui est en rouge, ce sont des points qui donnent une très grande accessibilité et on donne les valeurs moyennes, les valeurs minima et maxima. Ce qui se révèle intéressant là, si on regarde les choses en termes d’accessibilité aux emprises bâties, Tolède se révèle assez imbattable, tout est rouge et on constate la très bonne accessibilité du tissu parisien haussmannien et en plus avec des valeurs qui sont très cohérentes. C’est-à-dire que quand on bouge le point d’un point à un autre, on a une très forte homogénéité quasiment dans tout le tissu on a cette possibilité d’accès très bluffant. Ça met en évidence également l’intérêt des avenues par rapport aux rues à New-York en termes d’accessibilité et puis un peu contre toute attente puisqu’on voit plutôt dans l’organisation urbaine comme Amsterdam, ce sont des cercles radioconcentriques et en fait en termes d’accessibilité qui jouent le plus ce sont des radians. Ensuite on rajoute à tout ça une couche de service. Donc on accède à des choses comme des services, des équipements, des commerces, mais aussi des infrastructures de transports. Et là Paris se révèle assez imbattable puisque le nombre de services accessibles est de 175, très loin des autres villes. Si on avait fait cette cartographie juste après Haussmann, on n’aurait pas eu ces résultats et c’est une des qualités qu’on a retrouvé dans l’immeuble de rapport, c’est que le rez-de-chaussée et le socle constituent un véritable rez-de-chaussée capacitaire qui même s’ils avaient été conçus pour du logement a une très grande capacité à encaisser des usages globaux donc des équipements, des services etc. donc
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finalement là c’est plutôt un potentiel qui a été mis en place à l’époque qui permet aujourd’hui cette très forte qualité de services de la ville. Quand on enlève le maillage, il reste les îlots. On s’est intéressé au nombre d’îlots, à leur taille et Paris se révèle plutôt assez homogène avec des îlots de taille assez faible. Donc tout ça c’est porteur de la qualité de marchabilité du tissu parisien. La marchabilité c’est la capacité d’un maillage à permettre la mobilité piétonne. Ce n’est pas parce qu’une ville est marchable qu’elle est marchée. Aujourd’hui qu’on on fabrique un nouveau modèle de ville, cette idée est extrêmement intéressante pour voir le potentiel de la ville piétonne. Paris se révèle être une ville des plus marchées en Europe avec un déplacement sur deux qui se fait à pied. Ce qui nous frappe ici, c’est qu’on savait qu’Haussmann et Napoléon III avaient fait ces avenues pour favoriser les circulations rapides (urbanisme de longues distances) et finalement, ce qui est relevé là, c’est plutôt un très bon équilibre entre les longues distances et en même temps une forme très locale de très grande qualité.
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Umberto Napolitano : ça va ? Du coup on est descendu en échelle. On a analysé les tracés, on est descendu aux ilots. Donc on est passé de la notion de connectivité, surtout à la notion de densité et c’est l’ilot qui fabrique la densité parisienne. L’ilot haussmannien a toujours posé problème jusqu’à aujourd’hui puisqu’au contraire des autres mailles qui sont assez régulières et bien présentables, il était très difficile de définir un ilot type. D’ailleurs jusqu’à là il était présenté de manière triangulaire alors qu’à Paris il y a plus d’ilots à quatre faces que trois. Donc pour comprendre si un ilot pouvait représenter une famille d’ilots, on les a tous analysés. On a commencé à classer les ilots (3385) d’abord par géométrie, par leur périmètre, leur surface et on les a catégorisés par familles donc des ilots de 3 à 6 faces et on a extrapolé des cas particuliers par l’histoire lié à la formation de cet ilot. En les classant, on a commencé à les comparer en termes d’abord d’occupation des sols. Quel que soit sa taille et sa forme, en vérité et c’est assez impressionnant, quel que soit le périmètre de l’ilot, il correspond une densité constante. C’était une véritable découverte. L’ilot parisien porte la densité, et en plus tous les ilots de Paris portent la même densité. Par l’angle de la densité, Paris suit une logique fractale. N’importe quel morceau de Paris est porteur des caractéristiques de l’ensemble. Et donc à partir de là, on est allé plus loin dans l’analyse et on a extrapolé le plus grand de chaque famille pour commencer à les redessiner, à regarder le parcellaire, le rapport entre la parcelle et la rue, regarder les pleins, les vides, et ensuite les immeubles qui composaient ces ilots. On a essayé de comprendre s’il y avait des caractéristiques communes. Dans ces différentes familles, il y a quelque chose qui se dégage et qui à la fois vient de l’histoire et de la géométrie même. Donc l’ilot parisien pour un urbaniste c’est quelque chose d’hypra flexible en termes de géométrie. On a vu dans les ilots 3 faces par exemple, on peut lui changer totalement la forme, la taille tout en gardant les mêmes caractéristiques. Il est flexible dans sa géométrie même. Un ilot peut être un seul bâtiment et peut être aussi l’addition de plusieurs unités. Ça vient de l’histoire, par des systèmes de clauses dans les ventes, on imposait des façades et des alignements de fenêtres et donc de planchers, ce qui fait qu’énormément d’ilots à Paris sont constitués de plusieurs immeubles dont les planchers sont alignés. Il peut être considéré comme un seul bâtiment ou comme l’addition de plusieurs. L’ilot est donc aussi flexible de ce point de vue. Ce rapport à la façade et à la rue est totalement maitrisé mais le rapport à la cour varie d’ilots en ilots. On peut également renouveler qu’un seul bâtiment dans l’ilot sans changer les caractéristiques. Une fois qu’on avait compris que les ilots portaient la même densité, on s’est
questionné pourquoi cette densité est acceptée. Qu’est-ce qui fait que quand on habite Paris, malgré qu’on ait la même densité que Shanghai, je ne soufre par de cette densité. Aujourd’hui il faut faire dense pour éviter d’occuper trop de territoire pour quelque part, excusez-moi de la facilité, sauvegarder la planète. Donc dans un moment d’urbanisation intense, regarder pourquoi la densité est acceptable est une question qui nous parait cohérente. On a comparé tout simplement les ilots haussmanniens à d’autres formes urbaines, d’autres moments parisiens, en prenant des types qui comprenaient la même surface ; un ilot de 30 000 m² de maisons en bande dans le XIXe avec 30 000m² d’HMB avec 30 000m² de tour dans le XIIIe, ainsi que les opérations contemporaines de Bercy, Masséna et les Batignolles. Alors une chose se dégage immédiatement, c’est que la densité d’Haussmann n’a jamais été atteinte depuis et malgré ça la densité dans les tours est toujours vu comme quelque chose de négatif. On ramène l’idée de densité à la compacité, elle revient tout le temps sur table : il faut faire compact parce que c’est devenu le dogme et la Bible des constructions contemporaines. Et quand on commence à regarder Haussmann, et c’était hyper intéressant pour nous c’est qu’on a mesuré la compacité à l’immeuble et celle de l’ilot. Alors quand on regarde la compacité à l’ilot sous Haussmann, elle n’est pas très loin de ce qu’on fabrique aujourd’hui. Cependant quand on la ramène à l’immeuble, étant donné que la ville contemporaine est faite d’additions d’immeubles, la compacité dans l’ilot est exactement la même que celle de l’immeuble. Quand on regarde ça sous Haussmann, on trouve un chiffre assez déstabilisant. Parce que l’immeuble haussmannien, contrairement à ce que j’ai pu dire au début, n’est pas un immeuble compact. Un immeuble qui est non compact, d’un point de vue architectural est complètement intéressant ; c’est un immeuble fin, où je suis très proche de la façade, où j’ai accès aux ressources naturelles évidentes. C’est un immeuble qui a beaucoup de potentiel de flexibilité car je peux rechanger le plan et aller chercher de la lumière et en plus j’arrive à avoir des cuisines avec des fenêtres, des cages d’escalier qui ont de la lumière, etc. Et donc étant donné que l’immeuble non compact, quand je le ramène à l’ilot, je reconstruis de la compacité. Alors si la compacité est celle qui porte la densité, il est sûr que l’acceptabilité de cette densité passe aujourd’hui par le fait que les immeubles ne soient pas compacts. Ils partagent par mitoyenneté deux murs, en réalité, leur enveloppe est très fine et expriment énormément de qualité dans l’utilisation de leur espace, ce qui fait que finalement cette densité super élevée est acceptée. Donc c’est une leçon pour aujourd’hui juste pour questionner la manière dont on arrive à cette compacité. A la fin, à l’échelle de l’ilot, on se retrouve avec la même de ce qu’on fabrique aujourd’hui. Sauf qu’aujourd’hui on fait des plans qui font entre 12 et 18m contre 7-12m pour les plans du second Empire. Cette faible épaisseur est très intéressante dans la pratique. Ça génère une enveloppe passive intéressante parce que tout l’immeuble a accès à la lumière à moins de 6m. Aujourd’hui, c’est une addition de pleins qui ont la même compacité. On est descendu encore d’échelle et une fois qu’on était à l’immeuble, on s’est questionné sur la connectivité ensuite la marchabilité, ensuite finalement la densité, l’acceptabilité de cette densité, et là arrivé à l’immeuble, c’est de là qu’on était parti, on est allé chercher la résilience, la flexibilité, le pourquoi cette forme a une intelligence intrinsèque qui permet d’évoluer et de suivre le changement de la ville. L’immeuble haussmannien est un immeuble de rapport mais il démarre bien avant Haussmann. Ce sont des immeubles à loyer, la première forme de logement collectif. C’est le moment où les familles investissaient pour louer les différentes parties de l’immeuble et à travers des crédits remboursés par les loyers. Haussmann a juste utilisé la figure de l’immeuble de rapport pour en faire son outil majeur de fabrique de ces 50 000 bâtiments. Alors ce qui est intéressant
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dans l’immeuble de rapport, il y a deux choses : je vous ai parlé de la forme et la fonction. Ce qui est clair, c’est que sous Haussmann la façade était quelque chose d’imposé à priori, donc il y avait un attachement à la rue qui dépassait l’investissement et la logique fonctionnelle qui allait derrière ces façades. L’immeuble de rapport a suivi une logique d’évolution du langage au niveau de la façade, et cette façade qui s’appliquait de façon différente selon les situations formelles et urbaines. Il y a ce siècle qui va de 1800 jusqu’à l’Art Nouveau, dans lequel juste le langage de l’immeuble de rapport a évolué. Beaucoup de ces caractéristiques sont restées identiques. Pourquoi dans certains cas, on voit aujourd’hui des immeubles qui logent des bureaux, des logements, des commerces, des écoles, ou encore qui arrivent à se regrouper en deux bâtiments pour réunir un hôtel, on a essayé de l’étudier de façon scientifique. On a extrapolé tous les immeubles et on a essayé de comprendre déjà indépendamment de la façade, s’il y avait des plans types. Il y a globalement sur Paris 7 plans types, l’immeuble en L, en U, carré, rectangulaire, en T, en peigne etc. Ces immeubles ont été redessinés et on a repassé en cherchant des points d’intersection dans toutes les figures. On a appelé ça les invariantes ; les choses qui sont restées constantes dans l’évolution des immeubles de rapport. Certains, je vous les ai déjà racontés, c’est la façade, la différence d’hauteur, le socle, la structure qui se révèle être assez simple, et surtout l’épaisseur. On a mesuré les plans de tous les immeubles traités, on se retrouve globalement entre 7 et 12m maximum. En modèle économique, et c’est super intéressant parce que dès le départ, Daly avait classifié les immeubles haussmanniens en partant de leurs décors. Les décors de la façade en donnent trois classes d’économies. Ce qui est frappant c’est que les mêmes caractéristiques intrinsèques à l’immeuble peuvent s’appliquer à différents modèles économiques. Dès le départ, l’immeuble de rapport se décline à travers l’ornement en fonction du budget et des moyens de la personne qui allait investir dans cet immeuble. Ces caractéristiques ont persisté dans le temps et a traversé tous les siècles.
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Franck Boutté : On va continuer notre petite investigation comparative pour essayer de faire ressortir les qualités de l’immeuble de rapport haussmannien, cette fois ci plutôt mise en perspective à la production contemporaine. On a vu que l’ilot était une abnégation forte et de nombreuses entités bâties. La densité se réfère au plein et l’acceptation au vide, la distance entre les pleins. Entre le plein et le vide, on a bien cette règle géométrique et cet équilibre entre le plus plein, le plus vide, le plus dense et le plus acceptable. De ça résulte l’immeuble. L’immeuble comme étant la matrice de fabrique de cet ilot. On va plutôt raconter les qualités de l’immeuble, au regard des enjeux et préoccupations contemporains qui sont des questions de performance énergétique et de confort climatique etc. pour se demander, finalement dans ces caractéristiques intrinsèques, qu’est ce qui peut être intéressant ? Pour comparer les choses comparables, on neutralise tout ça et on s’intéresse aux caractéristiques essentielles de la forme, de la morphologie et de son potentiel. La question d’abord de la mitoyenneté. Dans l’ilot, mitoyenneté très forte, de l’ordre d’un mur sur deux partagé avec un voisin. C’est extrêmement intéressant en termes d’isolation passive. Aujourd’hui, comme on fabrique la ville comme des objets isolées des uns des autres, on a à chaque fois, techniquement isolé 6 faces. Ici, la moitié est partagée avec son voisin. Elle permet également des migrations d’énergies entre les différentes entités bâties au sein de l’ilot. Cette forme d’agrégation elle a comme intérêt que, si un immeuble, un appartement est déficitaire en énergie, il va bénéficier des calories excédentaires de son voisin.
Ça forme une sorte d’autorégulation. Ce qui est très beau dans l’ilot haussmannien, c’est que la face sud d’un ilot va commencer à capter les apports solaires et les faire migrer à l’intérieur de l’ilot. En plus les mitoyens ne sont pas isolés puisque c’est par nature deux lieux chauffés, et on va faire migrer les énergies sur les faces nord de l’ilot ou dans les cours, là où on ne peut pas récupérer de soleil. Inversement pour la fraicheur. Ça fabrique à la fois une forme d’isolation, une forme d’autorégulation, une forme d’inertie et quelque part c’est la garantie d’une performance intrinsèque liée à la forme. Tout ce qu’on a construit après l’immeuble haussmannien, comme par exemple l’HBM, il a consommé plus. Evidemment après sont arrivées les règlementations thermiques, on est sur des niveaux de performance qui sont nettement plus bas. Mais on sait que juste par le potentiel de la forme, on maitrise la consommation d’énergie. L’histoire de la régulation, elle se révèle aussi dans une forme de résilience aux épisodes caniculaires, on gagne 5 °C de moins par les vides et le caractère traversant des logements. La finesse de l’immeuble apporte également de la lumière, Umberto l’a dit. Aujourd’hui les circulations ne sont pas éclairées naturellement, ce sont des minuteries automatiques qui s’éteignent toutes les 3 secondes donc c’est un peu difficile de se sociabiliser avec ses voisins. Toutes les entités bâties sont traversantes entre rue et cours principales et secondaires. On obtient des débits de ventilation naturelle 3 à 4 fois plus élevés que les mono orientés. La hauteur sous plafond est aussi une maitrise du confort d’été. L’air chaud va s’accumuler en partie supérieure laissant tranquille les occupants. Les fenêtres en hauteur permettent d’évacuer facilement les calories et permettre de compenser le déficit d’ensoleillement en fond de cours. Sur la matière, une très belle qualité. Tous les immeubles construits à cette époque sont excédentaires en matériaux. On dit qu’ils sont hyperstatiques c’est-à-dire que leur descente de charges est surdimensionnée. Elle permet d’encaisser plus que ce qui est strictement nécessaire. Ça en termes de flexibilité, de résilience, c’est exceptionnel puisque ça veut dire qu’on peut enlever des morceaux de murs, de plancher sans nuire au bâtiment. Quelque part on pourrait dire que par un excédent des vides, plus de hauteur sous plafond, plus de la forme de fenêtres et du vitrage ; cette générosité des vides et en même temps couplé à une générosité des pleins (matière et hyperstaticité) fabriquent presque de façon paradoxale à la fois la sobriété et la résilience des immeubles. Aujourd’hui, malheureusement ce serait du gaspillage. Umberto Napolitano : donc on est encore redescendu dans l’échelle et on va aller voir quelque chose qui est assez impressionnant à Paris. Paris est une des rares villes du monde où si je vous montre une photo où il n’y a pas de monument, de rues, vous savez que vous êtes à Paris. Cette caractéristique ou l’identité de la ville arrive jusqu’à la micro échelle à partir de la matière d’un toit, d’un garde-corps, d’un volet d’une fenêtre, est encore une fois une forme qui est perdue dans la pratique actuelle, c’est-à-dire raisonner l’identité urbaine à partir d’un micro urbanisme, d’une échelle qui serait, elle, que des composantes de différentes architectures. C’est le produit sous Haussmann d’un processus. D’abord la matière est unique, c’est une forme de localisme parce qu’on y était obligé à l’époque. On prenait la pierre dans les carrières mêmes de Paris puis dans l’Oise. Donc on avait une seule matière et une économie locale super intéressante. Et surtout, comme c’est issu après la révolution préindustrielle, on commençait à pré fabriquer. Et dans tous les immeubles, les gens choisissaient dans différents catalogues, les pièces qui venaient se greffer à la façade et la structure. L’idée n’est pas forcément de reproduire le même schéma aujourd’hui, mais plutôt de se
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questionner dans un moment fondamental où tout nous échappe un peu, sur le fait d’aller chercher de la matière de l’autre côté de la Terre, on a surement peutêtre trop de choix ou vice-versa, quand on n’arrive pas à se coordonner pour des choses très simples comme dessiner un garde-corps en rapport à l’immeuble voisin, ou des logiques communes qui passent par une forme de langage à plus petite échelle. A la fin du chemin, on a essayé de grouper les échelles, de comprendre de chacune des différentes échelles, quels modèles se dégageaient. Qu’est-ce qu’on peut apprendre aujourd’hui ?
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Franck Boutté : Bon, du coup un peu en guise de résumé, au niveau des tracés, la plus grande échelle qu’on a analysé, l’enseignement principal, c’est la valeur d’équilibre. On y allait avec des hypothèses, on savait que la connectivité du tissu parisien était assez élevée du fait de ces travaux de percés, d’avenues etc. mais en même temps, ce qu’on découvre, c’est ce très bel équilibre entre la connectivité et la marchabilité. En même temps, le tracé révèle une autre qualité et est porteur de cette densité, qui est à Paris. On n’utilise pas la hauteur est pourtant on a réussi à fabriquer la ville la plus dense d’Europe. La densité est portée par l’efficacité du maillage. Il y a une très grande résilience. On ne l’a pas dit tout à l’heure, mais ce qui est assez beau, c’est qu’au niveau du réseau primaire, le réseau du métropolitain arrive ensuite mais s’est calqué très exactement sur le réseau primaire. C’est un des volets relativement peu explorés dans l’exposition, sur la cohérence entre la ville du dessus et la ville du dessous. C’est impressionnant dans le système haussmannien, la cohérence entre les infrastructures et les superstructures. On a par exemple, le premier réseau d’assainissement de cet ampleur qui est réalisé sous l’époque haussmannienne et en même temps le réseau est surdimensionné lui aussi et ça a permis d’y passer de nouveaux services et de nouveaux réseaux. On peut rêver que le réseau du Grand Paris Express soit conçu de la même façon que peut-être dans 50 ans, on puisse y passer de nouveaux services auxquels on n’aurait pas pensé avant. On a une très belle qualité du tracé et du maillage en termes de résilience. En termes de sobriété, je l’ai dit tout à l’heure sur l’efficacité du vide. Peu de vide mais d’une efficacité redoutable en termes accessibilités et de desserte. Il commence à se dessiner un certain nombre de notions d’activités, de densité, de résilience, d’identité, la sobriété, et puis également, activités, attractivité, intensité qu’on va retrouver finalement à toutes les échelles. Au niveau des ilots, on a parlé d’une des densités les plus élevées au monde mais en même temps une densité relativement acceptable, la taille des ilots qui est propice à la marchabilité, la résilience avec cette capacité de mutabilité des ilots, un porteur d’identité avec ces façades génériques qui fait l’identité de l’espace public avec une désolidarisation presque de la façade et des programmes qui sont derrière. Et donc décliner à l’échelle de l’immeuble, et au niveau du langage qui finalement quand on croise les quatre échelles investiguées (tracé, ilots, immeuble, langage) se révèle un matériau, cette forme urbaine héritée aujourd’hui qui répond très bien à des enjeux contemporains. Comment faire connecté, marchable, dense mais acceptée, produire quelques choses qui ont une capacité d’évolution, en termes d’identité, sobriété, mixité, densité ? Et finalement on se rend compte que le tissu parisien haussmannien répond de façon assez complète et forme une sorte de système sur ces valeurs et enjeux contemporains. Et puis en autre conclusion, l’équilibre entre le vide et le plein, issus de règles qui questionnent à l’échelle des tracés. A l’échelle des ilots, cette distribution des vides et sa hiérarchisation qui rendent cette densité très élevée acceptable. Et au
niveau des immeubles, la générosité des vides et pleins qui rendent la sobriété et la résilience et en même temps des bâtiments très fins avec une distribution. Pour reprendre la notion de fractal, on pourrait faire un ilot d’une petite taille sans faire de vide, quand on commence à agrandir, rajouter une porosité, des vides et ainsi de suite. La ville se fabrique de la même façon. Tous les ilots sont différents, leur forme est différente mais pourtant leur formation est la même et les règles sont les mêmes. Il n’y a pas un seul tracé similaire dans le tissu haussmannien, ni même un ilot, et un immeuble, ce qui interroge pourtant puisque les immeubles ont été faits sur catalogue (on a parlé d’architecture de catalogue). C’est un peu comme un ADN finalement avec des règles qui se déclinent à toutes les échelles et avec un vocabulaire simple, on arrive à fabriquer des choses d’une diversité incroyable. Ca nous interroge énormément sur la fabrique de la ville contemporaine et sur cette histoire des pleins et des vides et quelques part, pour finir sur cette dernière image, on a, à droite en extrusion les bâtiments sur un tissu parisien haussmannien classique et puis à gauche, on s’est amusé à inverser, on a extrudé les vides et finalement tout ce qu’on raconte sur cette distribution savante des vides et des pleins révèle ici une image d’aménagement urbaine contemporaine. Il y a presque l’idée d’un projet sous-jacent des vides qui en fait fabrique cette force à ce tissu haussmannien et en fait cette qualité à toutes les échelles en termes de marchabilité, accessibilité et réversibilité. C’est presque un enseignement sur la force et la primauté du vide et de projet sousjacent des vides. Umberto Napolitano : Merci.
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Mémoire de fin d’études, master 2 ENSA Paris-la-Villette. MISPLON Charlotte 2017-2018.
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