LE FIGARO
mardi 24 avril 2012
CEVIPOF
PrĂŠsidentielle 2012 SECOND TOUR
TACTIQUES
PARTICIPATION
PAGES 12 & 13
PAGES 14 & 15
PAGE 16
Les perdants du premier tour et le poids de leur capital ĂŠlectoral sur le rĂŠsultat final
Les motivations des ĂŠlecteurs et les ressorts de leur mobilisation du 22 avril
THIERRY ZOCCOLAN/AFP
PHILIPPE WOJAZER/REUTERS
Forces et faiblesses de Nicolas Sarkozy et de François Hollande avant le rendez-vous du 6 mai
PASCAL PERRINEAU
Directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF)
A
LORS que nombre d’enquêtes prÊÊlectorales et un sentiment dominant semblaient tÊmoigner d’une chute d’intÊrêt des Français vis-à -vis de l’Êlection prÊsidentielle, le taux de participation lÊgèrement supÊrieur à 80 % des Êlecteurs inscrits a montrÊ que le rendezvous prÊsidentiel restait aux yeux d’une immense majoritÊ d’Êlecteurs le moment essentiel de la vie politique française. Certes, nous sommes en deçà des hauts niveaux de mobilisation enregistrÊs en 1965 (84,7 %), en 1974 (84,2 %) ou encore en 2007 (83,8 %), mais nos concitoyens semblent sortis de la profonde  fatigue civique  qui semblait les avoir saisis depuis quatre ans. Ce retour vers les urnes marque la volontÊ des Êlecteurs de dire leur mot à l’heure oÚ la crise Êconomique, sociale et financière les interpelle au quotidien. Le peuple de gauche (88 % sont allÊs voter) et le peuple de droite (90 % se sont dÊplacÊs dans l’isoloir) se sont rendus massivement aux urnes et seuls les Êlecteurs du centre (78 % seulement ont votÊ) et du  ni gauche ni droite  (63 %) ont ÊtÊ plus timides et peuvent constituer un Êventuel rÊservoir de votes dans la perspective du second tour.
Le vote utile à gauche comme à droite a permis aux deux candidats de rassembler 55,7 % des suffrages au premier tour. D’une courte tête, François Hollande, avec 28,6 % des suffrages, s’est imposÊ en première position, le prÊsident sortant rassemblant 27,1 %. La sÊlection des deux candidats en lice pour le second tour a ÊtÊ nette puisqu’ils rassemblent à eux deux 55,7 % des suffrages et que la troisième candidate est relÊguÊe à neuf points derrière le second. Ainsi, le rÊflexe du  vote utile  à gauche et à droite n’a pas ÊtÊ nÊgligeable et a ÊvitÊ le spectre d’un  22 avril 2002  à l’envers. La première place occupÊe par le candidat socialiste marque une dynamique sensible par rapport au niveau atteint par SÊgolène Royal en 2007 (25,8 %) et le rapproche du niveau que François Mitterrand (25,8 %) et son associÊ radical de gauche, Michel CrÊpeau (2,2 %), atteignaient à eux deux lors du premier tour de la prÊsidentielle de 1981, soit 28 % des suffrages exprimÊs. Avec 27,1 %, Nicolas Sarkozy a connu une Êrosion d’environ 4 points depuis 2007
mais se situe largement au-dessus des niveaux de Jacques Chirac en 2002 (19,9 %) ou en 1995 (20,8 %). Au fond, les deux candidats qui vont s’affronter au second tour sont relativement proches sur la ligne de dÊpart puisqu’un point et demi les sÊpare. La performance Êlectorale de Marine Le Pen qui a rÊussi, avec 18,1 % des suffrages, à se propulser dans une troisième place incontestÊe, montre que cette Êlection prÊsidentielle de 2012 est bien une Êlection de crise. L’ampleur de la crise Êconomique que traverse le pays depuis 2008 a ramenÊ au premier plan cette force politique qui est le porte-voix de nombre des difficultÊs et des inquiÊtudes vÊhiculÊes par ceux qui se vivent comme Êtant les  perdants de la mondialisation . Ce malaise a ÊtÊ beaucoup mieux captÊ par Marine Le Pen que par Jean-Luc MÊlenchon. En milieu ouvrier, la candidate du Front national rassemble 30 % des votes alors que Jean-Luc MÊlenchon n’en attire que 12 %. Chez ceux qui ne disposent que d’un niveau de revenu du foyer infÊrieur à 1 200 euros par mois, Marine Le Pen atteint 21 % des suffrages contre seulement 13 % pour le candidat du Font de gauche. Ainsi, si au niveau des candidats des  partis de gouvernement , le candidat socialiste surclasse lÊgèrement le candidat de l’UMP, il n’en est pas de même du côtÊ des candidats de la protestation oÚ la candidate de la  droite de la droite  (18,1 %) l’emporte nettement sur le candidat de la  gauche de la gauche  (11,1 %). Cet ÊlÊment du rapport de forces contribue à rÊÊquilibrer l’impression d’un premier tour gagnÊ par la gauche.
Les cinq candidats de gauche rassemblent au total 43,8 % des suffrages, ce qui est nettement mieux que le niveau des gauches en 2007 (36,2 %) mais nettement moins que le niveau de la gauche et de l’Êcologie en 1981 (50,7 %), en 1988 (49 %) et même en 1974 (47,3 %). Si elle veut l’emporter le 6 mai prochain, la gauche va être obligÊe de trouver plus de 6 % d’Êlecteurs qui auront fait au premier L’avantage tour un choix de que les droites droite ou du centre. Les droites ont sur (Sarkozy, Le Pen, les gauches Duponten termes Aignan), au soir du premier tour, de strict reprÊsentent un rapport des capital de 47 % forces à l’issue des voix. du premier Restent pour le candidat de droitour est plus te appelÊ à rasdifficile sembler ces Êlecà transformer teurs deux dÊfis : celui d’agrÊger en essai au môle des Êlecvictorieux teurs sarkozysPASCAL PERRINEAU tes, une très large majoritÊ des Êlecteurs lepÊnistes et celui d’attirer une majoritÊ sensible d’Êlecteurs du centre dont le candidat n’a pu compter comme il le dÊsirait au premier tour mais qui sont aujourd’hui au cœur du dÊbat de l’entre-deux-tours. Avec 9,1 % des suffrages, François Bayrou est en profonde Êrosion par rapport à son niveau de 2007
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PAGES COORDONNÉES AU FIGARO PAR JOSSELINE ABONNEAU (ÉTUDES POLITIQUES), AVEC LE SERVICE INFOGRAPHIE
(18,6 %) et se retrouve rabattu sur le noyau dur de l’Êlectorat de tradition dĂŠmocrate-chrĂŠtienne. Il a dĂŠcouvert, une fois de plus, la difficultĂŠ Ă sortir du système bipolaire de la Ve RĂŠpublique et Ă vouloir vivre sa vie politique de manière autonome et sans système d’alliance. Les ĂŠlecteurs du François Bayrou de 2007 sont tout Ă fait symptomatiques de cette difficultĂŠ et de ce dĂŠchirement puisque 37 % seulement sont restĂŠs fidèles au candidat du MoDem en 2012, 39 % sont partis vers la gauche et 24 % vers la droite. Reste Ă savoir quel sera le tropisme des ĂŠlecteurs restĂŠs fidèles Ă François Bayrou. Cet ĂŠlectorat plutĂ´t bourgeois, de haut niveau de diplĂ´me, très prĂŠoccupĂŠ par la crise ĂŠconomique et financière et la question des dĂŠficits publics, se sent proche du centre et son centre de gravitĂŠ, dĂŠlestĂŠ des ĂŠlecteurs socialistes dÊçus qui l’avaient ralliĂŠ en masse en 2007, est plus Ă droite qu’à gauche. Mais les rapports qu’il a avec la personnalitĂŠ de Nicolas Sarkozy ne sont pas simples. La diversitĂŠ des droites et du centre est aujourd’hui plus profonde que la diversitĂŠ des gauches qui se sont ralliĂŠes dans leur immense majoritĂŠ dès le soir du premier tour au candidat socialiste. C’est pour cela que l’avantage que les droites ont sur les gauches, en termes de strict rapport des forces Ă l’issue du premier tour, est plus difficile Ă transformer en essai victorieux. La campagne de l’entre-deux-tours est lĂ pour montrer si l’alchimie de la fusion des droites et du centre est capable de surmonter ou non les atavismes centrifuges de ces courants de pensĂŠe. â–
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PrĂŠsidentielle
Les travailleurs indĂŠpendants et les seniors constituent toujours son socle ĂŠlectoral.
dÊfendre son bilan, après avoir mÊcontentÊ non seulement à gauche et au centre mais aussi dans son propre camp. Au soir du premier tour, Nicolas Professeur à Sciences Po Sarkozy n’arrive qu’en seconde position Grenoble avec 27,2 % des suffrages contre 28,6 % à François Hollande. Le prÊsident sortant est donc devancÊ de 1,4 point par le LORS DE LA PRÉCÉDENTE Êlection prÊprincipal candidat de la gauche et il rÊsidentielle, Nicolas Sarkozy Êtait perçu gresse de 4 points par rapport à 2007. comme un candidat nouveau. Il avait Il n’a pas rÊussi à vÊritablement reconstruit son image de prÊsidentiable au mobiliser tout son Êlectorat d’alors. Seministère de l’IntÊrieur, puis en prenant lon le sondage TNS Sofres avec Sciences le contrôle de l’UMP et en se dÊmarpo Bordeaux, Grenoble et Paris pour TF1 quant fortement du prÊsident Jacques et MÊtro, 72 % de ses Êlecteurs de 2007 Chirac et du Premier ministre Dominiauraient à nouveau votÊ pour lui, 15 % que de Villepin. PrÊsident sortant, il a dÝ d’entre eux lui prÊfÊrant Marine Le Pen. Seine21,9 Nicolas Sarkozy avait adoptÊ une St-Denis Nord Pas-de-Calais stratÊgie pour rejouer le siphonnage 19,5 24,7 PParis aariris du FN. Gagnante en 2007, celle-ci a HautsSomme cette fois ÊchouÊ : il ne rÊcupère de-Seine 35 32,2 23,9 26,6 26 Seineque 7 % de l’Êlectorat de Jean-Marie Aisne Ardennes Val-deMaritime Le Pen. Le haut niveau du Front natio24,2 24,4 Marne 25 Oise 26,6 nal s’explique par un contexte de vote Moselle Meuse Val-d’Oise sanction à l’Êgard du prÊsident sorManche Calvados Eure 25,9 26,6 Marne 26,3 26 tant dont 58 % des Êlecteurs dÊsap28,8 27,3 27,8 24,2 Bas-Rhin as hi 29,9 34,3 Seine-etprouvent le bilan. Les rÊsultats par MeurtheMarne elin ines Yvelines 33,6 Orne 29,6 Finistère dÊpartements montrent bien que les et-Moselle Côtes-d’Armor 25,5 27,3 29,4 Essonne 24,5 Aube terres de fortes pertes sarkozystes Ille-etHaute23,9 Vosges Eure-et-Loir Vilaine Mayenne Marne 30,3 sont celles oÚ Marine le Pen rÊalise 25,3 Haut- ses meilleures progressions. Le prÊsiLoiret 30,7 Sarthe 28 26 Morbihan 31,9 Yonne Rhin dent Nicolas Sarkozy perd par exem26,4 29,3 28,2 Haute-Saône Loir-et-Cher 27,6 LoireMaineple 6,7 points dans les Bouches-du25,2 Côte-d’Or Atlantique et-Loire Indre- 28,4 Rhône, dÊpartement oÚ la candidate Territoire 28,6 26,1 29,9 et-Loire Doubs Cher Nièvre 28,2 de Belfort du Front National progresse de 28,5 25 13,6 points. 22,5 Jura 23,9
PIERRE BRÉCHON
Nicolas Sarkozy 2012
Indre
VendÊe Deux32,9 Sèvres Vienne
25
CharenteMaritime
1 TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 27,18 % ER
28,1
24,2
24,5
Charente
21,6
24,6
25,1
Gers
PyrĂŠnĂŠesAtlantiques
24,1
HauteGaronne
Hautes- 22,8 23,7 PyrÊnÊes Ariège 20,4 18,7
Guadeloupe
23,4
28,6
Lot
21,4
Lot-etGaronne
25,3 Tarn-etGaronne
Landes
Cantal
22,9
Gironde
Martinique
26,3
Ain RhĂ´ne 30,4
25,1
21,4
Corrèze
Dordogne
26
Puy-de-DĂ´me Loire 30,8
19,8
Haute-Loire
24,4
25,5
23,8
25
RAPPEL 2007
Savoie
1ER TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 31,18 %
28,6
24,9 HĂŠrault
26,1
27,4
27,5
25,3
Bouchesdu-RhĂ´ne
Aude
21,6
Var
31
27,2
18
Mayotte
48,8
EN % DES SUFFRAGES EXPRIMÉS
De 27,2 Ă 31 HauteCorse rse
25,3
RĂŠunion
Nicolas Sarkozy
Plus de 31
34,8
PyrĂŠnĂŠes-Orientales
Guyane
L’image de Nicolas Sarkozy est moins bonne en 2012 qu’il y a cinq ans. S’il reste logiquement celui qui est crĂŠditĂŠ de la plus forte aptitude Ă la fonction prĂŠsidentielle, il est aujourd’hui beaucoup moins porteur d’une dynamique de changement et est davantage jugĂŠ comme ĂŠloignĂŠ des problèmes des gens. Nicolas Sarkozy garde des soutiens très forts parmi les travailleurs indĂŠpendants (36 % contre 39 % en 2007) et chez les personnes de 65 ans et plus : 43 % d’entre elles disent avoir votĂŠ pour lui, soit un score très voisin de celui de 2007. C’est au fond le seul ĂŠlectorat qui ne sanctionne pas le prĂŠsident sortant. Selon son habitude, cet ĂŠlectorat est nettement plus conformiste que les autres et continue Ă faire largement confiance Ă Nicolas Sarkozy pour diriger le pays. â–
Meilleur score Score le plus faible
AlpesAlpes-deMaritimes Haute-Provence Gard Vaucluse 25,5 37,2
27,8
Tarn
23,3
Isère
Haute-
34,1 Savoie
Hautes-Alpes Ardèche Drôme 26,1
Lozère Aveyron
Gagnante en 2007, la stratÊgie de siphonnage du vote FN n’a pas aussi bien fonctionnÊ au premier tour
SaĂ´ne-et-Loire 25,8
24
Haute- Creuse Vienne 22,2
23,1
24,8
Allier
Ce vote sanction est particulièrement fort en milieu populaire. Toujours d’après TNS Sofres, Nicolas Sarkozy ne recueille que 15 % du vote ouvrier et 21 % du vote employÊ. En 2007, il faisait de meilleurs scores en milieu populaire (21 % chez les ouvriers et 29 % chez les employÊs d’après Ipsos le jour du vote). Il perd donc 6 points chez les premiers et 8 chez les seconds. Alors que Marine Le Pen monte à un niveau record de 35 % chez les ouvriers et 23 % chez les employÊs, soit des gains de 12 et de 9 points.
Corsedu-Sud 31,8
43,6
De 23 Ă 27,2 Moins de 23
21,9
Infographie LE FIGARO Source : Ministère de l’IntÊrieur
GIANCARLO GORASSINI/ABACAPRESS.COM
La lutte contre l’immigration clandestine singularise fortement les Êlecteurs de Marine Le Pen. JÉRÔME FOURQUET
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À droite et au centre, l’enjeu prioritaire, et de loin, a ÊtÊ la rÊduction de la dette publique (76 % de citations dans l’Êlectorat de Nicolas Sarkozy et 69 % dans celui de François Bayrou
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A
JÉRÔME FOURQUET
Directeur du dÊpartement opinion et stratÊgies d’entreprise de l’Ifop
LES RÉSULTATS des sondages rÊalisÊs le jour du vote permettent de mieux cerner le climat dans lequel s’est dÊroulÊ ce premier tour de l’Êlection prÊsidentielle. Les ÊvÊnements de Toulouse et Montauban n’ont pas modifiÊ la hiÊrarchie des prÊoccupations des Français qui Êtait dominÊe depuis de longs mois par les thÊmatiques Êconomiques et sociales. Ces questions constituent en effet les enjeux qui ont le plus comptÊ pour les Français au moment de voter. Si la lutte contre le chômage (38 % de citations) et la hausse des salaires et du pouvoir d’achat (35 %) ont, comme en 2007, occupÊ une place centrale dans les prÊoccupations des Français, le thème de la rÊduction de la dette publique (42 %), assez faiblement citÊ à l’Êpoque, se situe aujourd’hui au cœur des prÊoccupations, crise de l’euro oblige. On retrouve ensuite à un niveau
moindre mais nÊanmoins non nÊgligeable la lutte contre l’immigration clandestine (28 %), l’Êducation (25 %), la lutte contre la dÊlinquance (20 %) et la lutte contre la prÊcaritÊ (18 %). En bas de tableau des motivations de vote, la protection de l’environnement n’a constituÊ un enjeu prioritaire que pour 6 % des Êlecteurs. Ce reflux de la prÊoccupation environnementale en pÊriode de crise Êconomique n’est pas pour rien dans les difficultÊs rencontrÊes par la campagne d’Eva Joly. Cette hiÊrarchie des prÊoccupations varie très fortement selon les Êlectorats. La question de l’emploi apparaÎt ainsi comme la principale motivation des Êlecteurs de François Hollande (48 % de citations) suivie par l’Êducation et le pouvoir d’achat (43 % pour ces deux sujets). Avec 67 % de citations, ce thème du pouvoir d’achat a constituÊ la prioritÊ des Êlecteurs de Jean-Luc MÊlenchon (dont l’une des principales propositions Êtait l’augmentation du smic à 1 700 euros par mois) devant la lutte contre le chômage (47 %). À droite et au centre, l’enjeu prioritaire, et de loin, a ÊtÊ la rÊduction
de la dette publique (76 % de citations dans l’Êlectorat de Nicolas Sarkozy et 69 % dans celui de François Bayrou, contre seulement 31 % dans celui du candidat socialiste). Ces deux ĂŠlectorats apparaissent donc proches sur ce thème central pour eux, ils divergent en revanche concernant leur seconde prioritĂŠ : le chĂ´mage (41 % de citations) pour les soutiens de François Bayrou contre la lutte contre l’immigration clandestine (45 %) dans l’Êlectorat sarkozyste, qui ne place la question du chĂ´mage qu’en troisième position (34 %). Les ĂŠlecteurs de Marine Le Pen, quant Ă eux, se distinguent de tous les autres ĂŠlectorats par une très forte sensibilitĂŠ Ă la question de la lutte contre l’immigration clandestine, qui est citĂŠe par 77 % d’entre eux (soit un ĂŠcart de près de 50 points par rapport la moyenne des Français) et Ă la lutte contre la dĂŠlinquance (54 % de citations, soit 34 points de plus que la moyenne). Signe du poids important des catĂŠgories populaires dans cet ĂŠlectorat frontiste, le sujet du pouvoir d’achat se place en troisième position des prioritĂŠs des sympathisants frontistes (31 % de citations). â–
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PrĂŠsidentielle
13
Le candidat socialiste maintient les positions de SÊgolène Royal dans les classes moyennes.
Directeur du dÊpartement opinion et stratÊgies d’entreprise de l’Ifop
AVEC 28,1 % DES VOIX, François Hollande amÊliore de 2,5 points le score obtenu par SÊgolène Royal (25,9 %) en 2007. Cette progression est assez significative et cela d’autant plus qu’elle est enregistrÊe, d’une part, alors que le candidat socialiste affronte cette annÊe un Nicolas Sarkozy bÊnÊficiant du statut de prÊsident sortant et que, d’autre part, le niveau atteint par SÊgolène Royal avait dÊjà ÊtÊ supÊrieur aux rÊsultats de Lionel Jospin en 2002 (16,2 %) et en 1995 (23,2 %). Si l’on compare catÊgorie par catÊgorie le score de François Hollande avec celui de son ex-compagne, on constate somme toute assez peu de diffÊrences. Tout se passe comme si en cinq ans, la structure du vote socialiste n’avait guère ÊvoluÊ, bien que le style des deux campagnes et des deux candidats ait ÊtÊ assez diffÊrent. François Hollande a obtenu 27 % des voix dans l’Êlectorat masculin (SÊgolène Royal en recueillait 25 %) et 30 % parmi les femmes, soit une progression de 4 points. Rappelons à cette occasion qu’il s’agit d’une progression relative puisque le nombre total d’Êlecteurs s’Êtant rendus aux urnes dimanche est infÊrieur à celui de 2007. En termes de tranches d’âge, les va-
riations sont assez faibles au milieu de la pyramide des âges : 25 % (– 1 point) auprès des 35-49 ans, 28 % parmi les 25-34 ans (+ 2 points) et 29 % (+ 2 points) chez les 50-64 ans. Les mouvements sont plus marquÊs aux deux extrÊmitÊs. Avec 28 % des voix auprès des 18-24 ans, François Hollande est en recul de 3 points par rapport à SÊgolène Royal sur ce segment. Cependant, il amÊliore très sensiblement la perfor-
Le style personnel de François Hollande lui a sans doute permis de progresser auprès des 65 ans et plus et parmi les retraitÊs
rÊalisÊes au cours de la campagne ont montrÊ que les seniors (souvent grandsparents) Êtaient sensibles à la thÊmatique de l’avenir des jeunes et à leur bonne insertion dans la sociÊtÊ. Le style personnel de François Hollande plus  classique  que celui de la prÊsidente de la rÊgion Poitou-Charentes lui a sans doute Êgalement permis de progresser dans cet Êlectorat. On retrouve logiquement ce mouvement parmi la catÊgorie des retraitÊs : 32 %, soit une hausse de 9 points. L’Êvolution des suffrages en faveur de François Hollande est beaucoup plus contrastÊe dans les milieux populaires : 28 % (+ 3 points) dans le milieu employÊ
38,7 SeineHautsSt-Denis de-Seine Paris 30,2
mais 21 % (– 3 points) dans celui des ouvriers. Ce mouvement de baisse apparaĂŽt plus nettement encore chez les artisans, commerçants et chefs d’entreprise : 9 % (– 9 points), population sans doute ĂŠchaudĂŠe par les annonces en matière de fiscalitĂŠ. Enfin, avec 31 %, François Hollande amĂŠliore de 4 points le score parmi les cadres supĂŠrieurs. Il maintient les positions auprès des classes moyennes oĂš les salariĂŠs du public (enseignants, professions hospitalières) qui pèsent lourd dans la balance d’un scrutin. â–
Pas-de-Calais
Val-deMarne
28
Somme
SeineMaritime
28,4
Aisne Ardennes
mance de la candidate de 2007 auprès 27,1 28,9 29,4 Oise 24,9 des 65 ans et plus, avec 30 % des suffraMeuse Moselle Manche Calvados Val-d’Oise ges, soit une hausse de 7 points dans une Eure 23,4 Marne 24,5 27 32,4 29,4 catÊgorie oÚ Nicolas 24,7 27,9 19,6 24,1 Seine-et27,3 Sarkozy avait très forMeurtheBasMarne Yvelines Orne 24,3 tement creusÊ l’Êcart en et-Moselle Rhin Finistère Côtes-d’Armor 30,4 25,7 Essonne 27,7 2007. Ces Êvolutions 33 Aube Ille-etHauteVosges 33,7 Eure-et-Loir peuvent apparaÎtre de Vilaine Mayenne Sarthe Marne 22,8 24,7 18,9 Loiret prime abord comme 23,8 31,8 25,9 28,1 Morbihan HautYonne 25,5 paradoxales quand la 28,3 Haute-Saône Rhin Loir-et-Cher 24 question de la jeunesse a ÊtÊ prÊsentÊe LoireMaine26,4 Indre25 Côte-d’Or Atlantique et-Loire par le candidat socialiste comme une Territoire 27,8 31,8 27,1 et-Loire Doubs des clÊs de voÝte de son programme et Cher Nièvre 28,1 de Belfort 26,3 de son discours. Toutefois, les enquêtes 26,8 32,6 Jura
33,4
SÊgolène Royal 2007 RAPPEL ER
1 TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 25,87 % 17,1
CharenteMaritime
28,5
Gironde
EN % DES SUFFRAGES EXPRIMÉS
31,8 Landes
32,8 Plus de 33 De 28,6 Ă 33 De 26 Ă 28,6
PyrĂŠnĂŠesAtlantiques
SaĂ´ne-et-Loire 24,6
29,9
Allier
32
29,7
Infographie LE FIGARO
30,8
32,1 Lot
34,5
Lot-etGaronne
Aveyron
26,9 Tarn-et-
Gers
31,9
27,6 HauteGaronne
Hautes- 32,8 29,9 PyrÊnÊes Ariège 33,2 34,4
Hautes-Alpes Ardèche Drôme 24,5
26
25,2
29,4
Garonne
25,1
Gard Vaucluse
24,1
Tarn
30,7
HĂŠrault
26,7 Aude
Professeur des universitĂŠs Ă Sciences Po Paris. Directeur gĂŠnĂŠral de la Fondapol *
EN TERMES D’IMAGE, Nicolas Sarkozy souffre d’un lourd handicap depuis le dÊbut de son entrÊe en campagne. PrÊsident d’un pays confrontÊ à une crise Êconomique et financière majeure, il ne peut Êchapper à une impopularitÊ que renforcent les contentieux liÊs à des choix politiques et à un style de comportement. L’Êtude comparÊe des images de Nicolas Sarkozy et de François Hollande peut être faite à partir du panel Ipsos mis en place par le Cevipof, Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation pour l’innovation politique. De cette masse d’informations, on peut tirer un enseignement très paradoxal : les Êlecteurs estiment que Nicolas Sarkozy est le meilleur candidat pour conduire la France, mais que François Hollande est le meilleur candidat pour amÊliorer la vie des Français. S’il s’agit de conduire la France, les enseignements de la dernière vague d’enquête menÊe à la veille du premier
Alpes-deHaute-Provence
22,3
24,4
24,5
Var
Bouchesdu-RhĂ´ne
19,7
30,4
19,2 AlpesMaritimes
Haute-Corse
26
PyrĂŠnĂŠes-Orientales
26 Guadeloupe
Martinique
Guyane
RĂŠunion
Mayotte
57
52
42,6
53,3
36,5
Si l’on suit cette dichotomie, on voit que le rÊsultat du premier tour a favorisÊ les enjeux domestiques et personnels, au dÊtriment de la dimension nationale et historique. Les Êlecteurs ont dissociÊ la place de la France dans le monde et la question de leur niveau de vie ; ils ont sÊparÊ l’intÊrieur de l’extÊrieur, l’histoire globale et leur histoire personnelle ; on pensera qu’ils ont tort, que l’un et l’autre sont liÊs, mais la campagne du premier tour, qui aurait pu montrer pourquoi le sort des Français dÊpend du sort de la France, c’est-à -dire de l’Êtat du monde, s’est au contraire concentrÊe sur les thèmes domestiques, tournant le dos non seulement au monde mais aussi à l’Europe, quand elle n’Êtait pas dÊnoncÊe. Nicolas Sarkozy aurait ÊtÊ avantagÊ par une campagne menÊe sur le thème de la France dans le monde quand les enjeux domestiques favorisent son principal concurrent. ■* NÊe en 2004, la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) a pour objectif de contribuer au pluralisme de la pensÊe et au renouvellement du dÊbat public. Elle s’inscrit dans une perspective libÊrale, progressiste et europÊenne.
Corse-du-Sud
22,3
LIONEL PRÉAU/RESERVOIRPHOTO
Les enjeux domestiques ont favorisÊ François Hollande au dÊtriment de la dimension nationale incarnÊe par Nicolas Sarkozy. tour sont sans appel : 58 % des Français interrogÊs pensent que Nicolas Sarkozy est capable de  faire face à la crise Êconomique , contre 38 % qui dÊsignent François Hollande ; de même en matière de  lutte contre l’immigration clandestine , oÚ Nicolas Sarkozy (68 %) est jugÊ plus capable que François Hollande (29 %) ; le prÊsident sortant est jugÊ plus capable de  faire face à une crise diplomatique internationale  (63 %), plus capable de  lutter contre l’insÊcuritÊ  (61 %), plus capable de  prendre des dÊcisions difficiles  (60 %) ou encore de  faire face à la crise Êconomique  (53 %). Cependant, la crÊdibilitÊ s’inverse lorsqu’il s’agit de  rÊduire le chômage , François Hollande Êtant alors jugÊ plus capable d’y parvenir (58 %) que Nicolas Sarkozy (39 %) ; de même pour ce qui concerne la mise en place d’une  politique fiscale juste et efficace , le candidat du PS (60 %) devance largement le prÊsident sortant (37 %) ; la capacitÊ à  augmenter le pouvoir d’achat  est plus favorable au socialiste (62 %), comme  l’amÊlioration du fonctionnement du système de santÊ  (64 %) ou  la rÊduction des inÊgalitÊs sociales  (70 %).
1ER TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 28,63 %
26,4
Lozère
DOMINIQUE REYNIÉ
François Hollande 2012
Ain Haute-Savoie 20,5 Rhône 22,8 Loire 26,9 Puy-de-Dôme 35,9 26,5 Savoie 33,1 32,8 Isère Corrèze 23,6 27,9 Cantal Haute-Loire 43 Dordogne
Moins de 26 Source : Ministère de l’IntÊrieur
28,7
Haute- Creuse Vienne 34
Charente
Meilleur score Score le plus faible
26
Indre
VendÊe Deux24,8 Sèvres Vienne
48,5
Nord
29,4
34,8 32,9
ÂŤ
Les Êlecteurs ont dissociÊ la place de la France dans le monde et la question de leur niveau de vie ; ils ont sÊparÊ l’intÊrieur de l’extÊrieur, l’histoire globale et leur histoire personnelle
DOMINIQUE REYNIÉ
Âť
A
JÉRÔME FOURQUET
14 le figaro l cevipof
mardi 24 avril 2012 LE FIGARO
PrĂŠsidentielle
Le candidat du Front de BRUNO CAUTRĂˆS Chercheur CNRS au Cevipof, enseignant Ă Sciences Po
SeineSt-Denis
Pas-de-Calais Nord
18,9
Manche Calvados
16,6
16,2
Eure
22,8
Paris 13,6 Hautsde-Seine 8,5 6,2
21,9
Somme SeineMaritime
23,8
Aisne
Oise 25,1 Val-d’Oise
26,3
11,9
Ardennes
24,5
Moselle
15,6 Seine-et12,4
Marne
25,8
Val-de-Marne
24,7
21,2 Meuse 21,2 MeurtheBasFinistère et-Moselle Rhin 15,2 19,7 12 Côtes-d’Armor 20,7 Aube Ille-etHaute13,6 Vosges Essonne Mayenne Eure-et-Loir Vilaine Marne 25,1 24,2 23,4 Loiret 25,3 12,4 14,8 Sarthe Morbihan HautYonne 20,6 19,2 15,6 Rhin Haute-Saône Loir-et-Cher 23,7 LoireMaine25,1 IndreCôte-d’Or 20,9 Atlantique et-Loire 18,8 Doubs 12,2 13,9 et-Loire Cher Nièvre 16 Territoire 19,2 19,7 19,6 de Belfort Jura Indre VendÊe Deux23,7 Saône-et-Loire 20,4 19,6 15,2 Sèvres Vienne Allier 20 13,6 16,4 18,3 Ain Haute-Savoie Haute- Creuse 16,6 CharenteRhône 20,7 Maritime Charente Vienne 16,3 Puy-de-Dôme Loire 15,1 16,4 17,5 21,6 Savoie 15,6 17,7 Isère Corrèze 18,9 19 13,3 Cantal Haute-Loire Dordogne 15,1 20,4 17 Hautes-Alpes EN % Gironde Ardèche Drôme Lot 17,7 Lozère DES SUFFRAGES 21 15,6 Lot-et20 13,5 Alpes-deAveyron 17,3 EXPRIMÉS Garonne Haute-Provence 14,1 21,4 Tarn-etGard Vaucluse 20,7 23,5 Landes Garonne 27 25,5 Alpes22,1 Tarn 14,1 Gers Plus de 23 Maritimes 18,9 HÊrault 15,9 HauteVar 23,4 PyrÊnÊes22,3 24,8 Garonne De 17,9 à 23 BouchesAtlantiques Aude Hautes- 15,3 du-Rhône 12,1 PyrÊnÊes 23,2 Ariège De 13 à 17,9 Haute-Corse 14,9 16,8 23,2 24,2 PyrÊnÊes-Orientales Orne 20
Yvelines
22,4
Marne
Moins de 13
Guadeloupe Infographie LE FIGARO Source : Ministère de l’IntÊrieur
5,2
Marine Le Pen 2012
1ER TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 17,9 % RAPPEL
Guyane
10,5
RĂŠunion
10,3
Mayotte
2,8
25,7
19,2% 14,4%
17,9%
A
1
Directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof)
MARINE LE PEN a crÊÊ la surprise de ce premier tour de l’Êlection prÊsidentielle en rassemblant 18,1 % des suffrages exprimÊs, soit 7,7 % de plus que son père en 2007 et 1,2 % de plus que le  score historique  que celui-ci avait atteint en 2002 (16,9 %). Ce niveau ÊlevÊ ne lui permet cependant pas d’accÊder au second tour, puisque 9 % la sÊparent de Nicolas Sarkozy. NÊanmoins, depuis 2007, c’est le courant politique du Front national qui a connu la dynamique la plus forte. Cette dynamique est sensible dans l’ensemble du territoire, mais elle est particulièrement accentuÊe dans des dÊpartements de la France orientale oÚ, en 2007, Nicolas Sarkozy avait rÊussi à entamer fortement l’Êlectorat frontiste. Aujourd’hui, Marine Le Pen a repris pied fortement dans des dÊpartements tels que le Pas-de-Calais (25,5 %), l’Aisne (26,1 %), les
* Ainsi que P. Juquin, communiste rĂŠnovateur
15% 10,4%
8,9%
11,1%
8,6% 3,4%
1988 1995 2002* 2007 2012
Ce retour en force dÊpasse les bastions traditionnels du FN pour s’Êtendre dans les dÊpartements du centre et de l’ouest de la France. Ardennes (24,5 %), l’Oise (25,1 %), l’Aube (25,1 %), la Haute-Marne (25,3 %), la Moselle (24,7 %), la Meuse (25,8 %), les Vosges (24,2 %), la Haute-Saône (25,1 %), tout un ensemble de dÊpartements qui rejoignent des bastions plus traditionnels comme le Gard (25,5 %), les PyrÊnÊes-Orientales (24,2 %), le Var (24,8 %) ou encore les AlpesMaritimes (23,5 %). À la protestation frontiste qui secoue les terres de la bordure mÊditerranÊenne depuis bientôt trente ans, s’ajoute maintenant tout un ensemble de dÊpartements oÚ la souffrance des laissÊs-pour-compte de la sociÊtÊ industrielle se mêle au malaise rural et aux inquiÊtudes pÊriurbaines pour amener Marine Le Pen à de très hauts niveaux. Mais ce malaise s’Êtend et touche maintenant des dÊpartements du centre et de l’ouest de la France : 22,7 % dans l’Eure, 20 % dans l’Orne, 20,6 % dans le Loiret, 20,9 % dans le Loiret-Cher, 19,7 % dans le Cher ou encore 19,2 % dans la Sarthe. Aucun dÊpartement n’Êchappe aujourd’hui à une influence significative de Marine Le Pen.
RÉSULTATS DU CANDIDAT DU PARTI COMMUNISTE AU 1ER TOUR
* Ainsi que B. MĂŠgret, MNR
PASCAL PERRINEAU
RAPPEL
RÉSULTATS DU CANDIDAT DU FRONT NATIONAL AU 1ER TOUR
Corse-du-Sud
Martinique
4,8
CHARLES PLATIAU/REUTERS
25,5
AVEC 11,1 % des voix, Jean-Luc MÊlenchon ne rÊussit pas son pari de dÊtrôner Marine Le Pen. Par rapport à 2007, le score de Jean-Luc MÊlenchon est plus ÊlevÊ que le total des votes communistes (1,9 %) et d’extrême gauche (7,2 %) d’alors ; mais il est moins ÊlevÊ que cette même addition des voix en 2002 ou en 1995 : le candidat du PC et ceux de l’extrême gauche totalisant 14 et 14,1 % des suffrages exprimÊs. Pourtant, la dynamique crÊÊe pendant la campagne restera comme l’un des marqueurs de la prÊsidentielle 2012. Celle-ci a tenu tout autant au rÊveil d’une culture de contestation radicale de la sociÊtÊ capitaliste et du capitalisme financier sur fond de crise Êconomique internationale qu’à l’Êquation personnelle du candidat. Jean-Luc MÊlenchon a gagnÊ la bataille de la visibilitÊ. Et cela constitue sa première rÊussite. Parallèlement, sa popularitÊ s’est polarisÊe et renforcÊe au cours la campagne. Perçu comme un homme politique ayant des convictions, les Êlecteurs ne le voyaient pas comme ayant la  stature prÊsidentielle . Son programme Êtait ressenti comme souhaitable, mais comme non rÊalisable. La seconde rÊussite de Jean-Luc MÊlenchon a ÊtÊ de s’imposer comme le
Ce  retour en force  du Front national, qui vient prolonger et amplifier les succès locaux qu’il avait glanÊs aux rÊgionales de 2010 et aux cantonales de 2011, s’est fait grâce à une rÊcupÊration de ces bastions traditionnels qu’Êtaient le monde du commerce et de l’artisanat et les couches populaires.
Les dÊpartements oÚ la souffrance des laissÊspour-compte de la sociÊtÊ industrielle se mêle au malaise rural et aux inquiÊtudes pÊriurbaines Dans l’Êtude rÊalisÊe par Ipsos du 19 au 21 avril, auprès d’un Êchantillon de 3 152 personnes inscrites sur les listes Êlectorales, on constate que Marine Le Pen attire 28 % des votes des artisans, commerçants et chefs d’entreprise, 30 % de ceux des ouvriers et 24 % de ceux des employÊs. Elle arrive en tête en milieu ouvrier devant François Hollande
(27 %) et Nicolas Sarkozy (18 %). Elle atteint des niveaux tout Ă fait significatifs chez les jeunes ĂŠlecteurs (21 % chez les 18-24 ans, 22 % chez les 2534 ans) et retrouve ainsi un dynamisme dĂŠmographique et sociologique que le Front national avait perdu. Seules les professions libĂŠrales et les cadres (10 %), et les citoyens dotĂŠs d’un haut niveau d’Êtudes (11 %) rĂŠsistent Ă la tentation lepĂŠniste. D’un point de vue politique, la dynamique qui l’a nourrie est plurielle : 16 % de l’Êlectorat sarkozyste de 2007 s’est tournĂŠ vers Marine Le Pen, mais c’est le cas ĂŠgalement de 11 % de l’Êlectorat de Bayrou et de 6 % de l’Êlectorat de Royal. De par sa masse, cet ĂŠlectorat lepĂŠniste va ĂŞtre au cĹ“ur de la campagne du second tour. Au soir du premier tour, 60 % disent leur intention de voter en faveur de Nicolas Sarkozy le 6 mai prochain, 22 % se rĂŠfugient dans l’abstention et 18 % choisissent François Hollande. Le tropisme de ces ĂŠlecteurs est Ă droite, mais Nicolas Sarkozy aura besoin de le renforcer s’il veut ĂŠlaborer les conditions d’une victoire ĂŠlectorale lors du second tour. â–
1,93%
1988* 1995 2002* 2007 2012
l
LE FIGARO
mardi 24 avril 2012
15
le figaro cevipof
PrĂŠsidentielle
gauche s’affirme à gauche en force incontournable. second candidat de gauche, dans un fort contexte de vote utile pour François Hollande. Le choix fait par le PC de ne pas avoir de candidat estampillÊ PC s’est rÊvÊlÊ payant. En 2002, le candidat communiste n’avait obtenu que 3,4 % et 1,2 en 2007. Lors de ce 1er tour de 2012, les autres candidats de l’extrême gauche ont ÊtÊ laminÊs par la capa-
de son candidat, Philippe Poutou, qui est apparu perdu au milieu d’un jeu qui n’Êtait pas le sien de son propre aveu, et ĂŠchec de la stratĂŠgie isolationniste visĂ -vis du Front de gauche. Les espoirs fondĂŠs par les crĂŠateurs du NPA de capitaliser sur le vote ÂŤ non Âť du 29 mai 2005 (rĂŠfĂŠrendum sur la Constitution europĂŠenne) ont ĂŠtĂŠ ruinĂŠs par la campagne de 2012. Il faut dire que la rupture de Jean-Luc MĂŠlenchon avec le PS s’Êtait justement opĂŠrĂŠe après le 29 mai 2005. Pour LO, l’Êchec est tout aussi important. La rhĂŠtorique anticapitaliste mĂŠlenchoniste et la campagne tonitruante ont sĂŠduit des composantes sociologiquement et idĂŠologiquement diversifiĂŠes de l’extrĂŞme gauche. Un vote symptĂ´me supplĂŠmentaire sur les craintes d’une ĂŠconomie libĂŠrale ouverte et globalisĂŠe. Une ĂŠpine dans le pied d’un ĂŠventuel vainqueur socialiste le 6 mai ? â–
Jean-Luc MĂŠlenchon 2012
9,9 11,5
10,6
10,3
9,1
8,9
11,7 8,5
EN % DES SUFFRAGES EXPRIMÉS
De 11,1 Ă 13
Moins de 9 Infographie LE FIGARO Source : Ministère de l’IntÊrieur
12
11,2
14 10,6
11,7 11,2 12,1 13,4 15,2
10,6
13
9
14,4
11,9
8,9
16,9
9,6
9,5
13,6
13,7
9,7
10,1
11,3
11,3
12,5
De 9 Ă 11,1
7,9
12,3 12,2
10,7
12,4
12,1
13,3
11,1 13,4
11,5
5,9
RÉSULTATS DU CANDIDAT DU CENTRE AU 1ER TOUR 18,6% 16,5%
8,5
9,1
13,2 10
12,8
10,6 10,9
6,8%
12,4 13,8
12,1
9,1%
EN % DES SUFFRAGES EXPRIMÉS
11
De 9,1 Ă 11
10,4 15,7
De 7 Ă 9,1
RĂŠunion
Mayotte
7,9
6,7
2,6
9,7
1988 2002 2007 2012
10 10,6
4,7
11,2
10,3 9,8
8,3
6,7 5,9
11
12,6 9,2
7,6 8,8
10,2
9,2 8,9 6,9
6,9
11,4 8,9
9,6
9,1
11,2
9,3
9,3
8
8,8
8,7
6,9
8,1
9,4
9,4
7,5
11,9
8,7
8,4
10
9,3
9,2
9,5
8,3
7,9
8,8
8,8
9
7,5
8,5
9,8
9,6
8,9
Plus de 11
9,3
10,3
9,7
Moins de 7
Guyane
9,1
12,8
11,3
6,1 9,3 8,9
10,7
6,7
8,4
10,6
9,1
RAPPEL
14 15,2
11,3
1ER TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 9,13 %
9,2
9,6
Guadeloupe Martinique 5,4
François Bayrou 2012
7,6 8,4 11,2 8,6 9,3 9,2
10,1
11,2
12,6
14,1
13,3
7,4
7,5
7,3
7,8
11,4
11
12,4
11,2
6,4
7,2
12,1
13,8
14,4
17 14
9,5
8,9
8,5
9,5
11
11,7
9,3
11
9,9
10,9
10,2
10,4
Plus de 13
10,8
9,4
10,4 11,1
10,2
10,1 12 12,3
9
8,3
10,4
12,6
11
13,2
12,2 10,2
11,5
6,7 6,4
11,3 9,9 9,9 7,4
6,7
6,7
6 6,3 6,2
6,8
4,2
Infographie LE FIGARO
4,6 5,5
Source : Ministère de l’IntÊrieur
De grandes incertitudes planent sur la pÊrennitÊ de l’Êlectorat centriste.
SYLVIE STRUDEL Professeur des UniversitÊs François Rabelais (Tours)
NICOLAS MARQUES/KR IMAGES PRESSE
1ER TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 11,11 %
FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
citÊ de Jean-Luc MÊlenchon de fÊdÊrer plusieurs composantes de la gauche de la gauche et de rÊcupÊrer les Êlecteurs de l’extrême gauche orphelins d’Olivier Besancenot et d’Arlette Laguiller. Le vote MÊlenchon parmi ces Êlecteurs signe un double Êchec du NPA : Êchec
POUR sa troisième candidature, François Bayrou va jusqu’au bout de sa stratÊgie de  l’hypercentre  : affirmation rÊsolue de l’originalitÊ du centre, ostentation d’une aventure personnelle au prix de la marginalisation des forces partisanes, revendication d’une autonomie critique tant vis-à -vis de la droite que de la gauche. Comme en 2002 et en 2007, il a fait de l’Êlection prÊsidentielle une affaire très personnelle. Contrairement à 2002 et surtout 2007, son score est  en dessous des attentes . En 2007, il avait recueilli 6 820 119 voix (soit 18,57 % des suffrages exprimÊs ou 15,34 % des inscrits), ce qui Êtait beaucoup plus qu’en 2002 : 1 949 170 voix (6,84 % des suffrages exprimÊs - 4,73 % des inscrits, voix auxquelles il convient d’ajouter les scores de la droite non gaulliste atomisÊe : 1 113 484 voix, soit 3,9 % pour Alain Madelin, et 339 112 voix, soit 1,2 % pour Christine Boutin).
Unique candidat centriste en 2012, il ne renoue pas avec la dynamique d’attraction prÊcÊdente : 3 275 349 de voix, soit 9,1 % des suffrages exprimÊs et 7,1 % des inscrits. De 2007 à 2012, on retrouve deux caractÊristiques de cet Êlectorat qui perdurent et tÊmoignent de sa plasticitÊ et de sa fragilitÊ : indÊtermination et hÊsitation. Une semaine avant le scrutin, parmi les Êlecteurs dÊclarant une intention de vote pour François Bayrou, 46 % d’entre eux disaient pouvoir en-
Deux caractÊristiques perdurent: hÊsitation et indÊtermination core changer d’avis au profit de JeanLuc MÊlenchon (4 %), François Hollande (15 %), Nicolas Sarkozy (12 %), Marine Le Pen (4 %) ou d’autres choix (Ifop, baromètre vague 8) ; le jour du scrutin, un Êlecteur bayrouiste sur trois (32 %) a hÊsitÊ jusqu’au dernier moment (Ifop). En 2012, en revanche, François Bayrou capitalise ni les bÊnÊfices d’un vote antisystème, ni ceux d’un vote par dÊfaut liÊ à l’insatisfac-
tion de l’offre (rempart anti-Sarkozy/ dĂŠfiance anti-Royal). Il ne retrouve pas sa capacitĂŠ Ă capter un ĂŠlectorat ÂŤ hybride Âť, clĂŠ de son succès. L’Êlectorat de 2012 tend Ă se rĂŠtracter et Ă restaurer des caractĂŠristiques de la sociologie centriste : diplĂ´mĂŠ de l’enseignement supĂŠrieur, attirant les professions libĂŠrales et les cadres supĂŠrieurs, bien implantĂŠ chez les travailleurs indĂŠpendants et prĂŠsent chez les catholiques. Ă€ l’horizon du second tour, les ĂŠlecteurs bayrouistes se divisent en trois tiers : 33 % pour F. Hollande, 32 % pour N. Sarkozy et 35 % n’exprimant pas d’intention de vote (Ipsos). Ce partage illustre la fluiditĂŠ des choix au centre de l’Êchiquier politique et interroge la pĂŠrennitĂŠ de cet ĂŠlectorat. Quelle est la viabilitĂŠ du projet politique qui a contribuĂŠ Ă lui donner ses contours ? François Bayrou est-il prĂŞt, pour la 3e fois, Ă faire payer aux forces centristes le prix de rĂŠsultats asymĂŠtriques entre scrutin prĂŠsidentiel et scrutin lĂŠgislatif ou bien saura-t-il transformer son ĂŠchec en levier de recompositions, mais au profit de quel système d’alliances ? Le centrisme d’opposition peut-il retrouver une place dans la vie politique française ? â–
A
Le choix fait par le PC de ne pas avoir de candidat estampillÊ PC s’est rÊvÊlÊ payant
16 le figaro l cevipof
mardi 24 avril 2012 LE FIGARO
PrĂŠsidentielle
La participation n’a pas ÊtÊ affectÊe par la dÊfiance caractÊrisant le rapport des Français envers la classe politique. registrÊ un record d’abstentions pour une Êlection prÊsidentielle. Toutefois, cette participation ÊlevÊe n’atteint pas les niveaux du dÊbut de la Ve RÊpublique, 84,7 % en 1965 ou encore 84,2 % en 1974. Elle se cale sur la moyenne de la participation enregistrÊe aux premiers tours des Êlections prÊsidentielles qui se sont tenues jusqu’à prÊsent, soit 80,3 %. MalgrÊ les prÊvisions des dernières semaines de la campagne, et les incertitudes sur leur motivation à voter, le rendez-vous des Français avec le choix Êlectoral a bien eu lieu. Ceux-ci ont voulu dire leur mot dans une pÊriode de crise Êconomique et sociale majeure pour le pays.
ANNE MUXEL Directrice de recherches au Cevipof (CNRS/Sciences Po)
LA FORTE MOBILISATION des Français rompt le cycle marquÊ par des records d’abstentions à toutes les Êlections intermÊdiaires du quinquennat depuis 2008. L’Êlection prÊsidentielle reste bien le scrutin prÊfÊrÊ des Français. Huit Français sur dix (81,5 %) ont exprimÊ un vote, c’est certes un peu moins qu’en 2007 (- 2,2 points), mais nettement plus qu’au premier tour de 2002 qui n’avait mobilisÊ que 71,6 % des Êlecteurs et en-
Pas-de-Calais
Abstention 2012
SeineMaritime Calvados
16,9
Finistère Côtes-d’Armor
15,8
14,3
Morbihan
15,5
18,2
19,1
Manche
18,5
21,1
23
19
15,7
Maineet-Loire
15,5
Loir-et-Cher Indre- 17,1 et-Loire
17,3
Indre
VendÊe Deux14,7 Sèvres Vienne
16,1
CharenteMaritime
18,1
Haute-SaĂ´ne
19,2
Allier
20,2
Haut-Rhin
20,6
16,8
Côte-d’Or
17
Nièvre
Les ĂŠlecteurs des forces centristes ainsi que ceux qui ne se reconnaissent plus dans la bipartition entre la gauche et la droite se sont moins mobilisĂŠs. 23 % des ĂŠlecteurs qui avaient votĂŠ pour François Bayrou en 2007 (-4,5 points), 22 % des ĂŠlecteurs se situant au centre (-3,5 points) et surtout 37 % de ceux qui ne se classent ni Ă
Bas-Rhin
Doubs Jura
17,2
Territoire de Belfort
18,9
17,7
16,8
15,2
Lot
13,9
Lot-etGaronne
RAPPEL 2007
16,7 Tarn-et-
Landes
Garonne
16,2
15
Gers
14,2
HauteGaronne
Hautes- 16,5 PyrĂŠnĂŠes
16,8
Ariège
15,7
14,7
15,9
16,8
Gard Vaucluse
17,1
Tarn
14,7
Abstention la plus forte Abstention la plus faible
Hautes-Alpes Ardèche Drôme 17,1
14,8
HĂŠrault
19,6
17,8
Alpes-deHaute-Provence
18
Bouchesdu-RhĂ´ne
Aude
16,5
PyrĂŠnĂŠes-Orientales
18,2
17
Var
EN % DES INSCRITS
20,6
AlpesMaritimes
Plus de 20,5
19,4
De 18 Ă 20,5 Haute-Corse
25,6
Corse-du-Sud Guadeloupe
47,4
Martinique
47,6
Guyane
54,9
RĂŠunion
34,4
Mayotte
51,1
Abstention
1ER TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 16,23 %
15,5
Lozère Aveyron
gauche ni Ă droite (-18,5 points) sont restĂŠs en dehors de ce premier tour de scrutin (Sondage Jour du vote, Ipsos 1921 avril). Les rĂŠserves de voix pour le second tour sont sans doute Ă chercher au sein de ces segments de l’Êlectorat aux affiliations politiques plus brouillĂŠes. Pourtant largement diffusĂŠe dans les dernières annĂŠes, l’abstention critique, de nature politique, n’a pas affectĂŠ ce premier tour de scrutin. D’autres exutoires pour exprimer de la colère ou du mĂŠcontentement ont ĂŠtĂŠ trouvĂŠs. En revanche, l’abstention de nature sociologique est plus prĂŠsente. Le retrait de l’Êlection reste toujours plus marquĂŠ parmi les jeunes (26 % d’abstentions parmi les 18-24 ans et 25 % parmi les 25-34 ans). Les catĂŠgories populaires et les personnes connaissant des difficultĂŠs d’insertion socioĂŠconomique et professionnelle ont ĂŠgalement moins votĂŠ : on compte 28 % d’abstentionnistes parmi les ouvriers, 26 % parmi les chĂ´meurs, 33 % parmi les personnes gagnant moins de 1 200 euros par mois (Sondage Jour du vote, Ipsos 19-21 avril). La dĂŠfiance qui caractĂŠrise le rapport des Français envers la classe politique n’a donc pas affectĂŠ leur participation, mais elle s’est indĂŠniablement rappelĂŠe dans l’importance prise par les votes protestataires. L’issue du second tour qui s’avère serrĂŠ dĂŠpend de la façon dont ceux-ci vont se reporter sur les deux candidats restĂŠs en lice, mais aussi et surtout de leur remobilisation. â–
19,4
SaĂ´ne-et-Loire 16,4
Ain Haute-Savoie 18,9 Rhône 16,7 18,4 Loire Puy-de-Dôme Charente 15,5 17,5 Savoie 15,9 17,9 Isère Corrèze 16,9 17,4 14,6 Cantal Haute-Loire Dordogne
17,4
17,8
Cher
21,8
19,7
Yonne
19,6
Haute- Creuse Vienne 17,8
Gironde
PyrĂŠnĂŠesAtlantiques
Aube
19,3
20,1
Meurtheet-Moselle HauteVosges Marne 18
18,6
18,1
18
17,3
21
20,8 22,1
17,8
Moselle
18,1
Marne
Seine-etMarne
Yvelines
Val-deMarne
20,6
Meuse
Ille-etEssonne Vilaine Mayenne Sarthe Eure-et-Loir Loiret 15,4 15,6
LoireAtlantique
20,6 19,9 22,5
Aisne Ardennes
19,4
Oise 19 Val-d’Oise
Eure
16,9
Orne 16,7
Hauts26,5 de-Seine Paris
22,1
Somme
Les Êlecteurs de gauche comme de droite ont donc rÊpondu à l’appel des urnes. Les premiers espÊrant le changement et le rendant possible. Les seconds cherchant au contraire à l’empêcher et misant sur la reconduite, avec le prÊsident sortant, d’une politique jugÊe positive pour la France. On ne note pas d’abstention diffÊrentielle entre la gauche et la droite. Toutefois, ce premier tour de scrutin a aussi mobilisÊ des Êlecteurs porteurs d’un mÊcontentement et d’une contestation et optant pour des choix plus radicaux en votant soit pour le candidat du Front de gauche, soit, et ce sont les plus nombreux, pour la candidate du Front national.
Les ĂŠlecteurs des forces centristes ainsi que ceux qui ne se reconnaissent plus dans la bipartition entre la gauche et la droite se sont moins mobilisĂŠs
SeineSt-Denis
Nord
20,1
1ER TOUR DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE Moyenne 20,53 %
Dès l’automne, la primaire socialiste avait suscitÊ une mobilisation significative des Êlecteurs de gauche, et plus largement la curiositÊ d’un nombre important de Français. Cet intÊrêt pour la bataille Êlectorale qui s’engageait alors s’est maintenu tout au long d’une campagne pourtant longue et ne se fixant sur aucun thème organisateur ou fÊdÊrateur. De façon constante, plus des deux tiers des Français (71 % en janvier et encore 67 % en avril, Ifop) ont dÊclarÊ leur intÊrêt pour la campagne prÊsidentielle. À l’approche du scrutin, parmi les raisons d’aller voter, un Français sur deux mettait en avant l’importance de l’enjeu de l’Êlection prÊsidentielle pour la France. (Sondage Jour du vote, Ipsos 19-21 avril)
25,8
11
De 16 à 18 Moins de 16 Infographie LE FIGARO Source : Ministère de l’IntÊrieur
53,7
Les soutiens de Bayrou sont dans la position avantageuse de ÂŤ faiseurs de prĂŠsident de la RĂŠpublique Âť le 6 mai. PASCAL PERRINEAU
A
Directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof)
POUR CONSTRUIRE une victoire de second tour, il est utile de rÊunir plusieurs ingrÊdients. Le premier est de virer en tête au premier tour. Avec 28,6 % des suffrages, c’est le cas pour François Hollande qui, cependant, ne parvient pas à  dÊcoller  vÊritablement Nicolas Sarkozy (27,1 %). Le diffÊrentiel qui les sÊpare est un des plus tÊnus que l’on ait pu observer sous la Ve RÊpublique. Remporter la première place n’est pas à coup sÝr une assurance de victoire au second : ValÊry Giscard d’Estaing l’a dÊcouvert en 1981, Lionel Jospin en 1995. Mais la lÊgère avance de François Hollande est importante dans la mesure oÚ elle accentue l’impossibilitÊ de Nicolas Sarkozy, en tant que prÊsident sortant, à s’imposer au premier rang, ce que Giscard, Mitterrand et Chirac avaient rÊussi à faire en 1981, 1988 et 2002. Le deuxième ingrÊdient rÊside dans le niveau des  rÊserves Êlectorales  dont dispose chacun des deux candidats. Les cinq candidats de gauche ont attirÊ 43,8 % des Êlecteurs. Les reports
des Êlecteurs de Jean-Luc MÊlenchon, d’Eva Joly, de Philippe Poutou et de Nathalie Arthaud sur le candidat socialiste devraient être ÊlevÊs comme ils l’ont ÊtÊ, la plupart du temps, sous la Ve RÊpublique. La  gauche de la gauche  est très soluble dans l’alcool de la gauche : 86 % des Êlecteurs de MÊlenchon interrogÊs par Ipsos au soir du premier tour dÊclarent leur intention de voter en faveur de François Hollande. Mais bien sÝr, le rassemblement des Êlecteurs de gauche ne suffira pas à assurer une victoire car, avec moins de 44 % des suffrages, la gauche Êlargie à l’Êcologie est loin des niveaux atteints en 1981 (50,7 %) et 1988 (49 %), à l’aube des deux victoires de François Mitterrand. Les trois candidats des droites (Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan) rassemblent 47,1 % des suffrages, soit un total supÊrieur de plus de trois points à celui des gauches. Cependant, depuis de longues annÊes, le report des voix de l’Êlectorat lepÊniste sur le candidat de droite arrivÊ en tête au premier tour connaÎt des ratÊs : il oscille entre 51 % en 1995 et 69 % en 2007. À l’issue du premier tour, les intentions de vote des Êlecteurs de Marine Le Pen en faveur de Nicolas Sarkozy se montent à 60 %. Même si elles s’amÊliorent tout
au long de la campagne de l’entredeux-tours, elles ne rÊussissent pas à elles seules à faire passer la barre des 50 % à Nicolas Sarkozy. Reste donc la question dÊcisive de l’Êlectorat centriste qui, entre des gauches à 43,7 % et des droites à 47,1 %, retrouve un rôle clef dans la perspective du second tour. Avec 9,1 % des voix, François Bayrou enregistre un Êchec mais place ses soutiens dans la position avantageuse de  faiseurs de prÊsident de la RÊpublique .
Une campagne nouvelle s’ouvre et le rÊsultat du 6 mai n’est pas encore inscrit dans le marbre puisque 19 % des Êlecteurs n’ont pas encore fait un choix dÊfinitif En effet, selon les tropismes que ces Êlecteurs mettront en œuvre dans les deux semaines qui viennent, Hollande sera Êlu ou Sarkozy l’emportera. Pour l’instant, la situation est favorable au candidat socialiste puisque les Êlecteurs de François Bayrou, interrogÊs par Ip-
sos, sont très touchÊs par la tentation abstentionniste (35 %) et rÊpartissent Êgalement leurs prÊfÊrences entre François Hollande (33 %) et Nicolas Sarkozy (32 %). Si la campagne de l’entre-deuxtours ne parvient pas à  dÊplacer les lignes de partage  de l’Êlectorat centriste, le candidat socialiste l’emportera. C’est ce que mesuraient, au soir du premier tour, les sondages d’intentions de vote annonçant François Hollande à 54 % au second tour. Toutefois, une campagne nouvelle s’ouvre et le rÊsultat du 6 mai n’est pas encore inscrit dans le marbre puisque 19 % des Êlecteurs n’ont pas encore fait un choix dÊfinitif. Dans l’histoire des reports centristes sur le candidat de droite, les comportements ont beaucoup variÊ : 92 % des Êlecteurs de Bayrou ont choisi Jacques Chirac en 2002, ils n’Êtaient que 45 % à choisir le gÊnÊral de Gaulle en 1965 et encore moins (36 %) à faire de même pour Nicolas Sarkozy en 2007. Si les reports restent mÊdiocres pour Nicolas Sarkozy, la perspective d’une victoire de second tour pour le prÊsident sortant se referme. En revanche, si les reports s’amÊliorent et montent vers le haut de la fourchette, une victoire courte du type de celle que ValÊry Giscard d’Estaing avait emportÊe en 1974
redevient possible. Le candidat de droite avait alors franchi la barre des 50 % (50,8 %) en faisant la dĂŠcision par moins de 500 000 voix contre François Mitterrand qui avait rassemblĂŠ pourtant au premier tour plus de 47 % des voix. Le dernier ingrĂŠdient d’une victoire de second tour peut venir de la mobilisation des abstentionnistes du premier tour. Un ajout d’abstentionnistes du premier tour peut venir au secours du prĂŠsident sortant. En gĂŠnĂŠral, sous la Ve RĂŠpublique, la participation augmente d’une moyenne de 3 points d’un tour Ă l’autre. Souvent, la mobilisation est neutre et les deux candidats en profitent ĂŠgalement comme ce fut le cas, en 2007, pour SĂŠgolène Royal et Nicolas Sarkozy. Parfois, la mobilisation donne un coup de pouce Ă l’un des deux compĂŠtiteurs, et François Mitterrand en bĂŠnĂŠficia en 1981. Le profil des abstentionnistes du premier tour tel qu’il a ĂŠtĂŠ saisi par Ipsos montre que ces derniers sont particulièrement nombreux chez les ĂŠlecteurs proches du centre et chez ceux qui ne se sentent ÂŤ ni de gauche, ni de droite Âť. Il y a lĂ , peut-ĂŞtre, pour le prĂŠsident sortant une rĂŠserve qui ne sortira de sa rĂŠserve que pour de bonnes et fortes raisons avancĂŠes dans les douze jours qui viennent. â–