Cantonales Figaro

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mardi 1er février 2011 LE FIGARO

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étudesPOLITIQUES

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Cantonales : un test national avant la présidentielle de 2012 ? Deux France face à face : pouvoir local de gauche contre pouvoir national de droite. PASCAL PERRINEAU

DESSIN DOBRITZ

DIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHES POLITIQUES DE SCIENCES PO (CEVIPOF)

L

DERNIER SCRUTIN avant la mise en place des conseillers territoriaux qui siégeront à la fois au département et à la région en 2014, les élections cantonales des 20 et 27 mars remettent en jeu le mandat de la série des conseillers généraux élus en 2004. Condamnée par la réforme territoriale, cette ultime consultation avant la présidentielle se présente aujourd’hui comme une élection importante pour les partis politiques. Y compris par ceux qui jurent y voir, non sans raison, une simple élection locale. Celle-ci doit être lue, pour Jean Chiche, « au travers du prisme d’une notabilisation forte ». « La loi permettant d’être réélu indéfiniment », la prime à celui qui occupe la place a permis, à gauche comme à droite, la réélection de 83 % des sortants de la série renouvelée en 2008. Au fil des scrutins, deux France émergent : celle du pouvoir local dominée par la gauche, celle du pouvoir national maîtrisée par la droite. Dans les assemblées départementales, treize ans ont suffi à la gauche pour y inverser les rapports de forces : la droite détenait la majorité dans 78 % des départements, elle n’y est plus majoritaire que dans 42 %. Outre la mainmise de la gauche sur les collectivités territoriales, les mécontentements générés par la réforme territoriale lestent la majorité présidentielle. La droite aborde le scrutin tous feux éteints, jouant la carte du local. La gauche et le FN font campagne sur le thème de l’élection intermédiaire qui serait le test préfigurant les forces mobilisées pour la présidentielle. Avec, en ligne de mire, pour le PS, le basculement à gauche du Sénat, cette Assemblée élue par les grands électeurs des collectivités territoriales, en septembre prochain. ■ JOSSELINE ABONNEAU

a gauche contrôle la majorité des pouvoirs locaux : 68 % des soixante villes françaises de plus de 75 000 habitants, 58 % des cent départements, 88 % des vingt-six régions sont dans les mains d’une majorité de gauche. Le Parti socialiste se taille la part du lion : 58 % des villes, 51 % des départements et 77 % des régions. La France connaît un divorce entre des institutions nationales (présidence de la République, Assemblée nationale et Sénat) détenues par la droite et des institutions locales où la gauche est parfois quasi hégémonique. Ce clivage politique entre deux France recoupe en partie une opposition entre deux cultures. Celle d’une droite plus à l’aise avec les institutions de la Ve République notamment avec le mécanisme national et personnalisé de l’élection présidentielle. Celle d’une gauche plus réticente vis-à-vis de la logique fortement présidentielle de la Ve République et de la dimension personnelle de l’élection d’un homme par un peuple rassemblé. Les souvenirs de l’élection présidentielle des 10 et 11 décembre 1848 qui avaient débouché sur l’élection d’un prince président. L’attachement à la culture parlementaire sinon parlementariste qui s’en est suivi à gauche. Les réticences sinon les hostilités à l’esprit gaullien des institutions de 1958, revues et corrigées en 1962. Le vieux tropisme d’une partie de la gauche pour un socialisme municipal qui n’aurait pas les allures de la compromission attachée à l’exercice du pouvoir national par la gauche… Tout cela contribue à éclairer cette dissociation du pouvoir entre un pouvoir national de droite et un pouvoir local de gauche. Cependant, cette lecture a ses limites : François Mitterrand a présidé la République pendant quatorze ans, la gauche a contrôlé le gouvernement pendant cinq ans, de 1997 à 2002 et les élections locales des années 1970 ont été la première étape d’une conquête du pouvoir national par la gauche.

Les élections cantonales des 20 et 27 mars 2011 se tiennent dans un contexte où la gauche n’a cessé depuis plus de dix ans de pousser son avantage sur le terrain départemental : en 1998 onze départements passaient à gauche, en 2001 six connaissaient la même destinée (un revenant à droite), en 2004 onze nouveaux départements tombaient dans l’escarcelle de la gauche (un connaissant l’évolution inverse) et, en 2008, c’était au tour de huit départements d’enregistrer un même mouvement vers la gauche (un département seulement passant à droite).

36,1 % des électeurs s’étaient abstenus en mars 2004. Cette relative atonie de la participation peut être renforcée par la localisation des enjeux, le climat de forte défiance politique et les effets de brouillage liés à la réforme territoriale. Cette réforme conduit à élire ces conseillers généraux pour trois ans. Elle doit se conclure par la disparition des conseillers généraux et l’apparition, en 2014, de conseillers territoriaux siégeant à la fois au département et à la région. En dépit de son poids politique et financier, le département peut apparaître comme une collectivité territoriale n’ayant plus

«

Le taux de participation sera un indicateur de la nationalisation de l’enjeu

»

En treize ans, la carte politique des départements a été bouleversée. La droite détenait la majorité au début de l’année 1998, dans 78 % des départements. Au début de l’année 2011, ce n’est plus le cas que dans 42 % des départements. Après les défaites des élections municipales et cantonales de 2008, des élections régionales de 2010, l’échéance est envisagée avec circonspection par la droite, qui tente de mettre en avant la dimension essentiellement locale des élections cantonales. En revanche, la gauche et le Front national insistent sur la dimension de test national que pourraient recouvrir ces élections, un an avant l’affrontement présidentiel de 2012. Déjà, lors des dernières élections régionales de mars 2010, une majorité absolue d’électeurs déclarait que ces élections étaient avant tout locales. Un an plus tard, dans des élections encore plus localisées que les régionales, il serait étonnant que le corps électoral ait changé d’avis. Le taux de participation sera un indicateur de cette « nationalisation » de l’enjeu. En général, les élections cantonales mobilisent assez mal : depuis les débuts de la Ve République l’abstention a oscillé entre 29,8 % des électeurs inscrits (mars 1992) et 50,9 % (septembre 1998). Dans la série de 2 023 cantons renouvelée en mars prochain,

l’avenir avec elle, perspective peu mobilisatrice dans l’électorat.

C

ependant, le rapport de forces électoral est très équilibré entre gauche et droite lors du premier tour des élections cantonales de 2004 : 48,4 % en faveur de candidats de gauche, 49,6 % en faveur de candidats de droite. En revanche, au second tour, ce rapport de forces se détériore au profit de la gauche : 51,6 % pour les candidats de gauche, 47,4 % pour ceux de droite (et 37,1 % pour ceux de droite modérée qui pâtissent de mauvais reports des électeurs s’étant portés au premier tour sur le Front national). Cette dégradation de la situation au second tour a permis la victoire de la gauche dans des départements aussi divers que la Charente, la Creuse, le Doubs, la Drôme, l’Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, l’Oise, la Saône-et-Loire, la Seine-Maritime, la Seine-et-Marne ou encore les Hautes-Alpes. L’avancée de la gauche a été telle en 2004 et 2008 qu’il lui sera plus difficile, en 2012, de renouveler les poussées enregistrées alors. Cependant, la majorité est dans une position difficile, la réforme territoriale n’a pas toujours été appréciée sur le terrain et la popularité du pouvoir est pour l’instant en berne. Cette situation ouvre des zones de fragi-

lité dans plusieurs départements de droite : Aveyron, Côte-d’Or, HautesAlpes (repassées à droite en 2008) Jura, Loire, Pyrénées-Atlantiques, Rhône, Vienne. Dans la Sarthe, la Charente-Maritime et l’Eure-et-Loir, la droite semble en position de pouvoir résister à une éventuelle avancée de la gauche. La droite nourrit certains espoirs dans l’Allier, l’Ain, les Deux-Sèvres, en Seine-etMarne, dans le Val-d’Oise et dans le Vaucluse. L’affrontement électoral de mars prochain sera décisif pour prendre la mesure du désir des Français de confier encore davantage les clefs des pouvoirs locaux à la gauche. Il permettra également d’évaluer le risque d’un basculement du corps électoral sénatorial vers la gauche et d’une possibilité de changement, en septembre prochain, de la présidence du Sénat. Enfin, il servira à évaluer le rapport de forces entre les différents partis à un an de l’échéance présidentielle de 2012, sachant que les « élections intermédiaires » surreprésentent généralement les forces d’opposition. Elles entraînent une abstention parfois forte qui pourra se remobiliser lors des grandes échéances nationales, mais qu’il sera difficile d’interpréter les 20 et 27 mars prochain. (1) Interrogées début mars 2010 par la Sofres, 55 % des personnes de l’échantillon national représentatif de l’électorat déclaraient qu’elles allaient voter en fonction de problèmes locaux, 42 % en fonction de problèmes nationaux. ■

Résultats des élections cantonales de 2004 SÉRIE DE CANTONS RENOUVELÉS EN 2011

Inscrits, en million : 20,05

1er tour

16,62

2e tour

en millions de votants 1er tour

2e tour

12,8

12,3

11

10,4

7,2

5,6

Une élection qui avantage les sortants JEAN CHICHE CHERCHEUR CEVIPOF

L

es élections cantonales sont des élections locales dans lesquelles la notabilité joue un rôle majeur. Celle-ci se construit au long des années. Elle s’appuie sur un travail de terrain permanent et une reconnaissance sociale qui ne doit jamais faiblir. Elle se consolide dans le temps par des mandats politiques. En mars 2008, on a compté 8 520 candidats dans les 2 220 cantons qui devaient renouveler leurs conseillers généraux. 1 598 d’entre eux étaient sortants (18,8 %). La loi permet aux conseillers généraux d’être réélus indéfiniment. Beaucoup de conseillers sortants ne s’en privent pas et rendent dif-

ficile le renouvellement des élus locaux. Sur les 2 220 élus en 2008, 1 327 étaient sortants (59,8 %). Il y a donc plus d’une chance sur deux d’être élu quand on est déjà en place. 83 % des sortants ont été réélus.

Des taux très variables Ces proportions varient selon la nuance politique. À droite, l’UMP a le taux le plus élevé de sortants parmi ses élus (79,4 %). Le Nouveau Centre et le MoDem affichent respectivement un taux de réélection de 62 % et 65 %. Les divers droite qui sont souvent des candidats en rupture de parti mais aux ressources personnelles fortes, culminent avec 67,3 %. À gauche, la situation n’est pas pro-

A

Élus

Non sortants

Sortants

% de sortants

Extrême gauche

1

0

1

100

Parti communiste

117

31

86

73,5

Parti socialiste

655

274

381

58,2

Radicaux de gauche

48

12

36

75

Divers gauche

200

95

105

52,5

Verts

12

7

5

41,7

Autre écologiste

1

1

0

0

MoDem ex-UDF Nouveau Centre

48 40

17 15

31 25

64,6 62,5

Union mouvement pop.

514

106

408

79,4

Divers droite

354

114

240

67,3

Régionalistes

5

2

3

60

Autres divers Total

25 2 020

19 693

6 1 327

24 59,8

L’OUTRE-MER Guadeloupe

Martinique Guyane Réunion Mayotte St-Pierreet-Miquelon

27 61

22

35

53 Sarthe

Votants

Blancs et nuls

LES VOTES

62 80

02

60 Val-d’Oise 78

% DE SUFFRAGES EXPRIMÉS

93 Paris 92 94

59 08 51

55

57 54

48,4% 49,6% TOTAL GAUCHE

67

Suffrages exprimés

AUTRES 2%

Couleur politique des 102 conseils généraux* en 2010 g

91 28 Seine-et-Marne 10 88 52 68 45 56 89 70 41 Côte-d’Or 44 49 37 25 58 BASCULEMENT 18 DeuxJura 85 Sèvres POSSIBLE EN 2011 36 71 Allier Vienne À gauche Ain Charente74 23 À droite Rhône Maritime 87 63 Loire 16 73 38 PC (2) 19 43 15 Hautes24 PS (51 ) Alpes 07 26 33 46 48 PRG (2) 47 04 Aveyron 30 82 06 MPF (1) 40 Vaucluse 81 Pyrénées- 32 13 UMP (31) 34 83 31 Atlantiques 11 Divers droite (8) 65 2B 09 66 Divers gauche (3) 2A * St St-Pierre-et-Miquelon Pierre et Miquelon est un conseil territorial et Nouveau Centre N C et Alliance Alli centriste i (4) le conseil de Paris fait office de conseil général 29

Les élus de 2008 Nuance

14

Abstentions

1er tour :

76 50

0,5 0,6

Les résultats de mars devront être lus au travers de ce prisme d’une « notabilisation » forte. Les élections territoriales de 2014 peuvent peut-être modifier ces données qui semblent structurelles. ■

fondément différente. Le Parti communiste et les radicaux de gauche s’appuient sur un tissu d’élus locaux très enracinés : 75 % de leurs élus étaient sortants. Le Parti socialiste ne compte « que » 58 % de sortants. Les élus divers gauche, qui ne sont pas en nombre aussi important (200) que les divers droites, sont 52,5 % à être réélus. La gauche, en forte progression aux élections cantonales depuis plus de vingt ans, a renouvelé sur la durée la population des élus locaux. Toutefois, elle semble avoir atteint un palier et affiche une forte reproduction.

TOTAL DROITE

Dont : Dont : PC et ext. gauche : 10,8 % UMP-UDF : 25,7 % PS : 26,2 % Divers droite : 11,4 % Divers gauche : 7, 3 % Front national : 12,5 % Verts : 4, 1 %

AUTRES 1%

2e tour : % DE SUFFRAGES EXPRIMÉS

51,6% 47,4% TOTAL GAUCHE

Dont : PC et ext. gauche : 4,8 % PS : 38,6 % Divers gauche : 7,2 % Verts : 1 %

TOTAL DROITE

Dont : UMP-UDF : 31,9 % Divers droite : 10,6 % Front national : 4,9 %

Source : Cevipof d'après le ministère de l'Intérieur


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