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politique
0123 Jeudi 3 novembre 2011
La défiance envers les dirigeants politiques croît Selon le baromètre réalisé par le Cevipof, les Français jugent plus sévèrement que jamais gouvernants et élus Le jugement des Français sur leur démocratie a FONCTIONNEMENT DE LA DÉMOCRATIE EN FRANCE, en % Pas très bon à pas bon du tout 48
50
57
Décembre 2009
Assez bon à très bon 42
60
Décembre 2010
NSP 40
Octobre 2011
La crise économique creuse l’écart entre gouvernants et gouvernés. 60 % des Français disent que la démocratie ne fonctionne pas bien, c'est 12 points de plus qu’en décembre 2009.
a CONFIANCE DANS LES PARTIS POUR GOUVERNER, en % 52
N’a confiance ni dans la droite ni dans la gauche
27
Confiance dans la gauche
21
21
Confiance dans la droite
Décembre 2010
Octobre 2011
60
56
22
22
15 Décembre 2009
Dans ce climat de défiance politique, la gauche s’en sort un peu mieux que la droite. 27 % des Français lui font confiance pour gouverner le pays contre 21 % à la droite. Par rapport à décembre 2009, la gauche gagne 12 points, la droite en perd 1.
a OPINION SUR L’OUVERTURE DE LA FRANCE DANS LE MONDE, en % 44
Il faut se protéger davantage du monde...
40 35 32
33
31
30
24
... ou s’ouvrir davantage Octobre 2011 au monde
27 Décembre 2009
Ni l’un, ni l’autre
Décembre 2010
a APPROBATION DE DIFFÉRENTES MESURES POUR RÉDUIRE LA DETTE DE L’ÉTAT, en % Supprimer la baisse de la TVA dans la restauration Pour
Contre
39
Supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires 52
47
Diminuer certaines prestations sociales 42
57
Ne pas remplacer davantage de fonctionnaires partant à la retraite (actuellement un départ sur deux n’est pas remplacé) 40
59
Augmenter les impôts 26
çais jugent les hommes politiques « plutôt corrompus », soit 5 points de plus qu’en décembre 2010. L’intérêt pour la politique progresse L’enquête, réalisée en plei-
ne campagne pour la primaire socialiste, montre cependant un intérêt grandissant pour la politique : 60 % des personnes interrogées déclarent s’y intéresser, alors qu’elles n’étaient que 55 % en décembre 2009. La gauche a davantage le vent en poupe que la droite, puisque 27 % des Français déclarent lui faire confiance pour gouverner le pays, alors qu’ils ne sont que 21 % à accorder leur crédit
Un sondage réalisé auprès de 1 559 personnes Le baromètre de la confiance politique a été lancé par le Centre de recherches politiques de Sciences Po en partenariat avec l’Institut Pierre-Mendès-France et le Conseil économique, social et environnemental après l’élection présidentielle de 2007. Deux vagues d’enquête ont déjà été menées, en décembre 2009 et décembre 2010. La troisième vague a été réalisée par OpinionWay du 27 septembre au 13 octobre 2011 auprès d’un échantillon de 1 559 personnes représentatif de la population française (méthode des quotas).
à la droite. L’aggravation de la crise légitime l’intervention de l’Etat : 58 % des Français réclament une régulation forte de l’économie (6 points de plus par rapport à décembre 2009), et près de la moitié d’entre eux (49 %) appellent à une réforme en profondeur du système capitaliste (+9 points). « C’est une spécificité française. Nulle part en Europe n’existe une telle demande », précise Pascal Perrineau. Cette rebipolarisation, plutôt favorable à la gauche, mérite cependant d’être nuancée, car 52 % des sondés affirment « n’avoir confiance ni dans la droite ni dans lagauche, pour gouverner le pays ». Asixmois del’électionprésidentielle, c’est une proportion très importante. Elle pourrait favoriser l’abstention ou le vote protestataire, si bien qu’il est impossible de dire aujourd’hui si la compétition présidentielle prendra la forme d’un duel Sarkozy-Hollande ou d’une compétition à trois SarkozyHollande-Le Pen. La demande de protection augmente Transcendant le clivage
gauche-droite, l’opposition entre « France ouverte » et « France fermée » se creuse. Les Français ne sont plus que 24 % à estimer que le pays doit davantage s’ouvrir au monde (– 9 points par rapport à décembre 2009), alors qu’ils sont 44 % à penser que le pays doit se
protéger davantage (+ 14 points). La revendication d’un « juste échange», à lafois par FrançoisHollande et par Nicolas Sarkozy, montre que cette demande de protectionest prise très ausérieux,y compris par les candidats rétifs au protectionnisme. « Dans les mois qui viennent, trois types de réponses politiques peuvent être apportés, précise M. Perrineau : la protection institutionnelle d’un président candidat au courant des affaires du monde, la protection de type sociale-démocrate proposée par François Hollande, la protection de repli économique et culturel proposée par Marine Le Pen. » La résolution de la crise, pas à n’importe quel prix Confrontés à
la crise de la dette, les Français ne sont pas prêts à tout pour réduire les déficits : 73 % d’entre eux sont hostiles aux hausses d’impôts. C’est un avertissement sérieux pour le candidat Hollande, qui a fait de la réforme fiscale l’acte fondateur de son projet. M. Sarkozy a davantage de marges de manœuvre, si l’on peut dire. Les Français approuveraient en effet, dans leur majorité,la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ou celle de la TVA réduite dans la restauration. Deux « marqueurs » de son quinquennat. p Françoise Fressoz et Thomas Wieder
«Un scénario de type 2002 ne peut être exclu» Entretien Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches de Sciences Po (Cevipof), explique que le regain d’intérêt pour la politique peut prendre un tour positif ou négatif
La chute de la croissance s’accompagne d’une demande de protection de plus en plus forte. 44 % des Français estiment que la France doit davantage se protéger du monde. C’est 14 points de plus qu’en décembre 2009. Dans les milieux populaires, cette demande de protection est nettement majoritaire.
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A
six mois de l’élection présidentielle, l’avertissement est sérieux. La défiance politique n’a jamais été aussi forte, selon le baromètre de la confiance politique du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po. « Les deux premiers mots dans lesquels les Français se retrouvent le plus quand ils pensent à la politique sont “méfiance” (39 %) et “dégoût” (22 %), les deux derniers sont “respect” (1 %) et “enthousiasme” (1 %) », souligne Pascal Perrineau, directeur du Cevipof. Signe que la crise est grave, tous les élus en prennent pour leur grade. Hormis le maire, en qui 54 % des Français ont confiance, aucun responsable politique ne dépasse 50 %. Tous chutent par rapport à décembre 2009 : le maire perd 9 points, le député 10 points, le premier ministre 5 points, tout comme le président de la République. La raison de cette défiance est à rechercher du côté de la crise économique qui, en s’aggravant, met à l’épreuve l’efficacité de l’action politique. Plus de la moitié des Français (60 %) estiment que la démocratie ne fonctionne pas bien, et 83 % d’entre eux que les responsables politiques se préoccupent « peu ou pas du tout » de ce qu’ils pensent. La multiplication des « affaires » contribue aussi à miner la confiance : 69 % des Fran-
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73 % des Français sont hostiles aux hausses d’impôts pour réduire les déficits. Un avertissement pour le candidat Hollande, qui a fait de la réforme fiscale l’acte fondateur de son projet. Une majorité des sondés se prononce pour la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et la baisse de la TVA dans la restauration, deux marqueurs du quinquennat de Nicolas Sarkozy. SOURCE : CEVIPOF, BAROMÈTRE DE LA CONFIANCE POLITIQUE, OCTOBRE 2011
Comment expliquez-vous un tel niveau de défiance ?
Une telle perception de la politique n’est pas nouvelle, mais l’impression d’un monde politique donnant le sentiment d’être parfois dépassé par la crise économique, ainsi que la conjoncture qui charrie constamment son lot d’affaires et de rumeurs, ne contribuent pas à redorer l’image de la représentation politique. Quel a été l’impact de l’affaire DSK ?
Elle n’a pas bouleversé l’ordre des choses politiques. On l’a vu dans la capacité qu’a eue le Parti socialiste de faire oublier, par le processus de la primaire, le trouble qu’avait pu semer dans les esprits l’épisode du Sofitel de New York. Elle a cependant agi comme un poison lent auprès de quatre Français sur dix. Cinq mois après cet épisode, 39 % des personnes interrogées disent que cette affaire a changé plutôt en mal
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l’image qu’elles avaient des personnalités politiques en général : 44 % des jeunes de 18 à 24 ans, 42 % des électeurs du centre, 42 % des électeurs lepénistes, mais aussi 33% des électeurs de gauche partagent ce sentiment. La classe politique n’avait pas besoin de cela.
ment davantage une colère qu’une volonté de dégager et de mettre en œuvre des coalitions de gouvernement. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont, dans des espaces différents, une capacité à être cet exutoire d’une certaine forme de ressentiment politique.
Soixante pour cent des Français disent s’intéresser beaucoup ou assez à la politique. C’est 5 points de plus qu’en décembre2009. L’approche de la présidentielle et la « mise en bouche » de la primaire provoquent un sensible regain d’intérêt pour la chose publique et l’envie de dire son mot. Cet intérêt est même très élevé chez les hommes, les personnes âgées, les couches sociales supérieures et un peu plus à gauche qu’à droite. Reste à savoir si ce regain d’appétence sera le vecteur d’une volonté d’alternance ou s’il viendra nourrir une mauvaise humeur protestataire. En même temps qu’une immense majorité de Français dit son intention d’aller voter à l’élection présidentielle, une forte majorité (57 %) se déclare prête à participer à une manifestation pour défendre ses idées. Dans un contexte d’inquiétudes, d’hésitations, d’anticipations parfois assez sombres, chaque citoyen est partagé entre une politisation positive, où se diront des espoirs et des perspectives, et une politisation négative, où se diront des colères et des rejets.
En 2007, François Bayrou, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, avaient une capacité à exprimer une partie de la défiance politique et à la réintégrer au cœur du dispositif de pouvoir. Aujourd’hui, cela n’est plus le cas. Nicolas Sarkozy a
Et pourtant l’intérêt pour la politique se renforce…
Comment cette défiance peutelle se traduire dans les urnes ?
Si elle perdure, elle trouvera deux formes d’expression sur le terrain électoral. La première est celle du retrait abstentionniste. La prise de distance par rapport à l’univers politique se traduit par la grève des urnes. Ce type d’abstention protestataire n’a cessé de prospérer au cours des dernières années : les européennes de 2009, les régionales de 2010 et les cantonales de 2011 ont chacune battu, dans leur catégorie, un record d’abstentions. La deuxième forme d’expression est le vote protestataire pour des candidats qui expri-
Les autres candidats sont-ils plus fragiles qu’en 2007 ?
«Aucune présidentielle ne peutse gagner sans l’électoratpopulaire qui représente 43% des inscrits sur les listes» été institutionnalisé, Ségolène Royal démonétisée, et François Bayrou banalisé. Si, en 2012, aucun candidat au centre du système politique ne parvient à récupérer une partie de cette protestation et de cette défiance, l’élection présidentielle peut réserver des surprises et revenir vers un scénario du type 2002 où, ne l’oublions pas, un haut niveau d’abstentions était allé de pair avec un record d’influence de Jean-Marie Le Pen. Les Français font davantage confiance à la gauche pour gouverner le pays. Est-ce un atout décisif pour François Hollande ?
Depuis décembre 2009, la confiance en la gauche pour gouverner le pays a sensiblement progressé, de 15 % à 27 %. La gauche revient de loin ; 72 % des électeurs de gauche ont aujourd’hui confiance en elle pour gouverner. La confiance en la droite reste, en revanche, à peu près étale sur la période : 22% en décembre 2009, 21 % en octobre 2011, avec 62 % des électeurs de droite ayant confiance en elle. Cependant, ce retour de la confiance à gauche n’a pas éliminé un climat dominant de défian-
ce politique : 52 % des Français n’ont confiance ni dans la gauche ni dans la droite pour gouverner. Ils sont près de 60 % à penser cela dans la population féminine, chez les travailleurs indépendants et dans les milieux populaires.
La crise renforce la demande de protection. Dans quel électorat est-elle la plus forte ?
Cette demande de protection est nettement majoritaire dans les milieux populaires, sans diplôme ou peu diplômés et parmi les électeurs de la droite de la droite ou en dehors du clivage gauchedroite. Elle se traduit par une demande d’Etat régulateur et de réforme du système économique : 58 % des Français pensent que, pour faire face aux difficultés économiques, l’Etat doit contrôler et réglementer plus étroitement les entreprises, 49 % souhaitent que le système capitaliste soit réformé en profondeur. Ces demandes de contrôle croissant et de réforme économique vigoureuse atteignent de hauts niveaux, particulièrement à gauche et dans la gauche de la gauche, mais aussi au Front national. L’électorat populaire reste-t-il un enjeu majeur pour 2012 ?
Bien sûr. L’électorat issu des couches populaires (ouvriers et employés) représente 43 % de la population inscrite sur les listes électorales. Bien plus que les électeurs des couches moyennes salariées (21 % de professions intermédiaires) même élargies aux cadres supérieurs et professions libérales (17 % de l’électorat). Aucune présidentielle ne peut se gagner sans le « peuple ». Or, aujourd’hui, celui-ci hésite entre une défiance qui pourrait l’emmener sur les voies de l’abstention ou de la protestation lepéniste, un retour de confiance qui pourrait le ramener vers M.Hollande et, enfin, un sursaut de protection institutionnelle derrière M. Sarkozy. La concurrence pour la reconquête de l’électorat populaire touche l’ensemble des candidats et ne peut être ramenée à un face-à-face entre Mme Le Pen et M. Sarkozy. p Propos recueillis par F. F. et T. W.