Une élection marquée par la crise

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CEVIPOF LE FIGARO

mardi 24 avril 2012

Présidentielle 2012 SECOND TOUR

TACTIQUES

PARTICIPATION

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Les perdants du premier tour et le poids de leur capital électoral sur le résultat final

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Directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF)

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LORS que nombre d’enquêtes préélectorales et un sentiment dominant semblaient témoigner d’une chute d’intérêt des Français vis-à-vis de l’élection présidentielle, le taux de participation légèrement supérieur à 80 % des électeurs inscrits a montré que le rendezvous présidentiel restait aux yeux d’une immense majorité d’électeurs le moment essentiel de la vie politique française. Certes, nous sommes en deçà des hauts niveaux de mobilisation enregistrés en 1965 (84,7 %), en 1974 (84,2 %) ou encore en 2007 (83,8 %), mais nos concitoyens semblent sortis de la profonde « fatigue civique » qui semblait les avoir saisis depuis quatre ans. Ce retour vers les urnes marque la volonté des électeurs de dire leur mot à l’heure où la crise économique, sociale et financière les interpelle au quotidien. Le peuple de gauche (88 % sont allés voter) et le peuple de droite (90 % se sont déplacés dans l’isoloir) se sont rendus massivement aux urnes et seuls les électeurs du centre (78 % seulement ont voté) et du « ni gauche ni droite » (63 %) ont été plus timides et peuvent constituer un éventuel réservoir de votes dans la perspective du second tour.

Le vote utile à gauche comme à droite a permis aux deux candidats de rassembler 55,7 % des suffrages au premier tour. D’une courte tête, François Hollande, avec 28,6 % des suffrages, s’est imposé en première position, le président sortant rassemblant 27,1 %. La sélection des deux candidats en lice pour le second tour a été nette puisqu’ils rassemblent à eux deux 55,7 % des suffrages et que la troisième candidate est reléguée à neuf points derrière le second. Ainsi, le réflexe du « vote utile » à gauche et à droite n’a pas été négligeable et a évité le spectre d’un « 22 avril 2002 » à l’envers. La première place occupée par le candidat socialiste marque une dynamique sensible par rapport au niveau atteint par Ségolène Royal en 2007 (25,8 %) et le rapproche du niveau que François Mitterrand (25,8 %) et son associé radical de gauche, Michel Crépeau (2,2 %), atteignaient à eux deux lors du premier tour de la présidentielle de 1981, soit 28 % des suffrages exprimés. Avec 27,1 %, Nicolas Sarkozy a connu une érosion d’environ 4 points depuis 2007

mais se situe largement au-dessus des niveaux de Jacques Chirac en 2002 (19,9 %) ou en 1995 (20,8 %). Au fond, les deux candidats qui vont s’affronter au second tour sont relativement proches sur la ligne de départ puisqu’un point et demi les sépare. La performance électorale de Marine Le Pen qui a réussi, avec 18,1 % des suffrages, à se propulser dans une troisième place incontestée, montre que cette élection présidentielle de 2012 est bien une élection de crise. L’ampleur de la crise économique que traverse le pays depuis 2008 a ramené au premier plan cette force politique qui est le porte-voix de nombre des difficultés et des inquiétudes véhiculées par ceux qui se vivent comme étant les « perdants de la mondialisation ». Ce malaise a été beaucoup mieux capté par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon. En milieu ouvrier, la candidate du Front national rassemble 30 % des votes alors que Jean-Luc Mélenchon n’en attire que 12 %. Chez ceux qui ne disposent que d’un niveau de revenu du foyer inférieur à 1 200 euros par mois, Marine Le Pen atteint 21 % des suffrages contre seulement 13 % pour le candidat du Font de gauche. Ainsi, si au niveau des candidats des « partis de gouvernement », le candidat socialiste surclasse légèrement le candidat de l’UMP, il n’en est pas de même du côté des candidats de la protestation où la candidate de la « droite de la droite » (18,1 %) l’emporte nettement sur le candidat de la « gauche de la gauche » (11,1 %). Cet élément du rapport de forces contribue à rééquilibrer l’impression d’un premier tour gagné par la gauche.

Les cinq candidats de gauche rassemblent au total 43,8 % des suffrages, ce qui est nettement mieux que le niveau des gauches en 2007 (36,2 %) mais nettement moins que le niveau de la gauche et de l’écologie en 1981 (50,7 %), en 1988 (49 %) et même en 1974 (47,3 %). Si elle veut l’emporter le 6 mai prochain, la gauche va être obligée de trouver plus de 6 % d’électeurs qui auront fait au premier L’avantage tour un choix de que les droites droite ou du centre. Les droites ont sur (Sarkozy, Le Pen, les gauches Duponten termes Aignan), au soir du premier tour, de strict représentent un rapport des capital de 47 % forces à l’issue des voix. du premier Restent pour le candidat de droitour est plus te appelé à rasdifficile sembler ces élecà transformer teurs deux défis : celui d’agréger en essai au môle des élecvictorieux teurs sarkozysPASCAL PERRINEAU tes, une très large majorité des électeurs lepénistes et celui d’attirer une majorité sensible d’électeurs du centre dont le candidat n’a pu compter comme il le désirait au premier tour mais qui sont aujourd’hui au cœur du débat de l’entre-deux-tours. Avec 9,1 % des suffrages, François Bayrou est en profonde érosion par rapport à son niveau de 2007

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PAGES COORDONNÉES AU FIGARO PAR JOSSELINE ABONNEAU (ÉTUDES POLITIQUES), AVEC LE SERVICE INFOGRAPHIE

(18,6 %) et se retrouve rabattu sur le noyau dur de l’électorat de tradition démocrate-chrétienne. Il a découvert, une fois de plus, la difficulté à sortir du système bipolaire de la Ve République et à vouloir vivre sa vie politique de manière autonome et sans système d’alliance. Les électeurs du François Bayrou de 2007 sont tout à fait symptomatiques de cette difficulté et de ce déchirement puisque 37 % seulement sont restés fidèles au candidat du MoDem en 2012, 39 % sont partis vers la gauche et 24 % vers la droite. Reste à savoir quel sera le tropisme des électeurs restés fidèles à François Bayrou. Cet électorat plutôt bourgeois, de haut niveau de diplôme, très préoccupé par la crise économique et financière et la question des déficits publics, se sent proche du centre et son centre de gravité, délesté des électeurs socialistes déçus qui l’avaient rallié en masse en 2007, est plus à droite qu’à gauche. Mais les rapports qu’il a avec la personnalité de Nicolas Sarkozy ne sont pas simples. La diversité des droites et du centre est aujourd’hui plus profonde que la diversité des gauches qui se sont ralliées dans leur immense majorité dès le soir du premier tour au candidat socialiste. C’est pour cela que l’avantage que les droites ont sur les gauches, en termes de strict rapport des forces à l’issue du premier tour, est plus difficile à transformer en essai victorieux. La campagne de l’entre-deux-tours est là pour montrer si l’alchimie de la fusion des droites et du centre est capable de surmonter ou non les atavismes centrifuges de ces courants de pensée. ■

THIERRY ZOCCOLAN/AFP

Les motivations des électeurs et les ressorts de leur mobilisation du 22 avril

A

PHILIPPE WOJAZER/REUTERS

Forces et faiblesses de Nicolas Sarkozy et de François Hollande avant le rendez-vous du 6 mai


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