CATALOGUE
exposition larmoyante de broderies sur mouchoir par ta douce, tilde & Jeuhmeuh
« Dites-le avec des pleurs » est une exposition collective
créée par Ta douce, Tilde et Jeuhmeuh durant l’année 2021, et présentée au PointCulture Namur du 6 au 29 janvier 2022. Les 62 créations réalisées pour cette exposition et présentées dans ce catalogue ont été brodées à la main sur des mouchoirs en tissu. Ces mouchoirs ont, en grande partie, été chinés. Visuel de couverture : Ta douce Éléments graphiques : Ta douce et Jeuhmeuh Graphisme : Ta douce et Tilde © Ta douce, Tilde et Jeuhmeuh
Eh oui, ditesle avec des pleurs ! Criez-le avec des larmes ! Que vos sanglots inondent ce monde trop cruel, que vos nez qui reniflent bruyamment déchirent ce silence si lourd, si pesant ! Car oui, nous sommes toutes et tous d’accord sur une chose, on en a gros sur la patate. Alors, redonnons aux pleurs leurs lettres de noblesse, faisons reculer ensemble les frontières de la gêne, ne nous retenons plus de chialer quand les larmes qui se pointent aux coins de nos yeux voudraient déclamer tous les poèmes que notre parole maladroite ne saurait exprimer avec justesse. Alain Souchon chantait « Pourquoi ces rivières, soudain sur les joues qui coulent ? », ce à quoi ABBA répliquait, en mode tracasse, m’feye, ça va d’aller : « I’m a shoulder you can cry on ». Et puis bon, les larmes de rire, dans tout ça, on en fait quoi ? Et les larmes de joie, hein ? Au placard ? Circulez, y’a rien à voir, le canal lacrymo-nasal ne devrait être dérangé qu’en cas de cœur lourd ? La vérité se devait d’être rétablie, et pour cela, quoi de mieux que des mouchoirs, du fil et des aiguilles ?
les artistes Après une rupture amoureuse douloureuse en 2015, Ta douce a préféré rire que pleurer. Par ses jeux de mots piquants et illustrations naïves, elle caricature les émotions que la vie nous inflige. En commençant par broder des couteaux dans le dos, elle s’est découvert une patience (presque) sans limite. Cette technique qui l’ensorcelle et qui rendrait très fière sa grand-mère est devenue son arme préférée pour supporter le monde dans lequel nous n’avons pas tout à fait choisi de vivre. @tadouce_12 • www.tadouce.com
Tilde
est tombée en broderie en 2019 et ne cesse, depuis lors, d’explorer cette technique. Comme beaucoup d’autres, elle ne parvient pas à se cantonner au tissu : elle brode aussi sur papier vierge, sérigraphie, feuille séchée, tout en rêvant à des supports plus insolites. Chaque projet brodé est une occasion de partager son goût pour les histoires, les images, les textures, et vient puiser dans ses préoccupations écologiques et féministes.
@carinesimaopires • tilde-creations.be
En mettant de côté la sérigraphie pour la linogravure, Jeuhmeuh a découvert un nouveau monde où se mêlent la douleur et les crampes, mais aussi le plaisir de prendre le temps et la joie de travailler la matière. C’est en cherchant à personnaliser une culotte pour son amoureuse qu’il s’est penché pour la première fois sur un tambour à broder, se découvrant ainsi une nouvelle passion pour cette technique, véritable éloge de la lenteur aboutissant à des créations uniques. Son univers mêle allègrement fils à paillettes, dinosaures et références à la culture populaire saupoudrées d’absurde. @jeuhmeuh • chocsetennui.tumblr.com
La playlist ABBA Chiquitita Alcazar Crying at the discotheque Amyl and the Sniffers No more tears Richard Anthony J’irai pleurer sous la pluie Amel BENT Ma Philosophie Amel BENT Ne retiens pas tes larmes Pierre Billon La bamba triste Brigitte Le goût du sel de tes larmes Bronski beat Smalltown boy Cali Le grand jour Nick Cave & the bad seeds The weeping song Chanson traditionnelle Ne pleure pas Jeannette Jeanne Cherhal Rondes larmes Christophe Aline Petula Clark La nuit n’en finit plus Culture Club Do you really want to hurt me ? Dalida Des millions de larmes Eddy de Pretto Val de larmes Eddy de Pretto ft Yseult Pause Lhasa de Sela De cara a la pared Julien Doré ft Simone & Jean-Marc Waf fado Loucura
Mylène Farmer Libertine Liane Foly Une larme de bonheur Claude François Le téléphone pleure France Gall Si, maman si Gloria Gaynor I will survive Johnny Hallyday Je te promets Johnny Hallyday Le pénitencier Hoshi Larmes de croco Imagine Dragons Birds Irmãos 5 Uma lágrima caiu Janis Joplin Cry baby Ben E. King Stand by me Kyo Dernière danse Emily Loizeau Vole le chagrin des oiseaux LP Recovery Clara Luciani Pleure Clara, pleure Madonna Don’t cry for me Argentina Bob Marley No woman no cry Nadau Los de qui cau
Niagara Pendant que les champs brûlent Niagara Quand la ville dort Pierre Perret Mon p’tit loup Pomme Anxiété Queen Bohemian rhapsody Sheila Plus de chansons tristes William Sheller Nicolas Silly Boy Blue Teenager Simon & Garfunkel Bridge over troubled water Nina Simone Blackbird Soprano Clown Alain souchon Ultra moderne solitude ART SULLIVAN Une larme d’amour Anne Sylvestre Au bord des larmes Anne Sylvestre Un mur pour pleurer The Cure Boys don’t cry The Sonder Bombs Crying is cool Paul Verlaine Il pleure dans mon cœur Amy Winehouse Back to black
dites-le avec des pleurs - mix officiel sur Spotify : https://open.spotify.com/playlist/6NbSxFt0MrOIhdDrdl4iNw?si=7157417abef0411a
Les créations
Jeuhmeuh
Do you really want to hurt me ? (Culture Club), 36 x 36 cm
8
Les oignons ont la particularité de capter le soufre contenu dans le sol et de le stocker à l’intérieur des cellules, sous la forme d’une molécule appelée « 1-propényl-L-cysteine sulfoxyde ». Or, lorsque l’on épluche un oignon, le couteau déchire les cellules : ces molécules entrent alors en contact avec des enzymes de l’oignon appelées « alliinases ». Une réaction chimique se déclenche ensuite, aboutissant à la synthèse d’acide sulfénique, lui-même transformé (par l’action d’une enzyme) en oxyde de propanethial, un gaz irritant et volatil. C’est ce gaz qui se dégage de l’oignon et atteint les yeux. Au contact du liquide lacrymal, il se transforme en acide sulfurique. Et l’effet de l’acide sulfurique ne se fait pas attendre : rougissement des yeux et pleurs.
ta douce
Pendant que les champs brûlent (Niagara), 27 x 27 cm
tilde
Recovery (LP), 29,5 x 29 cm
TILDE
Au bord des larmes (Anne Sylvestre), 20 x 20,7 cm
9
ta douce
Crying at the discothèque (Alcazar), 26,5 x 26,5 cm
TILDE
Une larme de bonheur (Liane Foly), 28,3 x 29,7 cm
Dans l’un de mes bric-à-brac préférés, on peut trouver plusieurs exemplaires de ce mouchoir promotionnel à la gloire du café. Comme on verse une larme d’aguardente dans le café, dans certains villages portugais, j’ai brodé ici une larme de bonheur versée par Liane Foly.
10
Jeuhmeuh
Ma philosophie (Amel Bent), 40 x 40 cm
Dans Le Voyage vers la Lune de Méliès, premier film de science-fiction sorti en 1902, le professeur Barbenfouillis et son club d’astronomes propulsent un obus spatial en plein dans l’œil droit de la Lune. À leur retour sur Terre, ils sont accueillis en héros après avoir capturé un Sélénite (du peuple autochtone de la Lune) qui n’avait rien demandé à part le droit de cultiver des champignons géants dans sa grotte. C’est un peu triste, mais visiblement pas assez pour émouvoir Amel Bent qui chantera « Ma philosophie » un siècle et deux ans plus tard.
TILDE
Rondes larmes (Jeanne Cherhal), 30 x 31 cm « Dites-le avec des pleurs » m’a fait fouiner : les stands de brocante, les magasins de seconde main, les tiroirs familiaux... Tomber sur ce mouchoir, dans ma maison d’enfance, c’était retrouver un bon copain, et me retrouver dans ses couleurs, ses motifs... Que faire, justement, de ces motifs ? J’ai aimé la réponse que la chanson « Rondes larmes », de Jeanne Cherhal, apportait à cette question.
11
Tilde
Le goût du sel de tes larmes (Brigitte), ~ 28 x 28 cm
ta douce
Je te promets (Johnny Hallyday), 21 x 21 cm
Tilde
Une larme d’amour (Art Sullivan), ~ 30 x 30 cm
12
TA DOUCE
Aline (Christophe), 28 x 28 cm
13
Jeuhmeuh
Le téléphone pleure (Claude François), 36 x 36 cm
14
Dans son tube sorti en 1974, Cloclo campe un dérangeant personnage qui, six ans après une rupture, continue de harceler par téléphone son ex-compagne et va jusqu’à la suivre en cachette alors qu’elle part en vacances à l’Hôtel Beau Rivage de Sainte Maxime. Il était donc préférable d’associer les paroles du refrain avec la réplique culte (sortie 8 ans plus tard) d’E.T., extraterrestre abandonné sur Terre et se liant d’amitié avec un garçon solitaire et sa petite sœur.
TA DOUCE
Stand by me (Ben E. King), 28 x 28 cm
TA DOUCE
Dernière danse (Kyo), 28 x 28 cm
TILDE
Larmes de croco (Hoshi), 34 x 34 cm Selon une légende, les crocodiles du Nil gémissaient pour attirer leurs victimes. L’expression « larmes de crocodile » viendrait de là. 15
ta douce
Smalltown boy (Bronski beat), 26,5 x 26,5 cm
jeuhmeuh
Le pénitencier (Johnny Hallyday), 36 x 36 cm
Tilde
Cry baby (Janis Joplin), 31,5 x 31,5 cm
16
jeuhmeuh
Libertine (Mylène Farmer), 30 x 30 cm
TILDE
Ultra moderne solitude (Alain Souchon), 24,5 x 27 cm
ta douce
Si, maman si (France Gall), 28 x 28 cm
17
TA DOUCE
Quand la ville dort (Niagara), 27 x 27 cm
ta douce
Back to black (Amy Winehouse), 28 x 28 cm
Tilde
Blackbird (Nina Simone), 28,8 x 30,3 cm
18
TILDE
De cara a la pared (Lhasa de Sela), 29,3 x 29,7 cm
Le tragique par excellence : des échos liquides et dramatiques de cette chanson, à la mort prématurée de l’artiste.
TILDE
Anxiété (Pomme), 42 x 42 cm Rendre présent ce qui est parfois dissimulé, par gêne ou par pudeur. « Celle qu’on ne voit pas, celle qu’on n’entend pas », chantée par l’artiste française Pomme, se retrouve dans cette grille, cachée mais bien présente. Elle raconte, à qui veut bien tendre l’œil et l’oreille, une histoire d’anxiété, d’émotions et de relations nouées.
19
Tilde
Des millions de larmes (Dalida), 28 x 28 cm
ta douce
La nuit n’en finit plus (Petula Clark), 27 x 27 cm
Tilde
Pleure Clara, pleure (Clara Luciani), ~ 27 x 27 cm
20
génia & ta douce
Et j’irai pleurer sous la pluie (Richard Anthony), 28 x 28 cm Brodé en collaboration avec ma maman ♥ (Génia), mon humoriste préférée et brodeuse débutante. Venue en visite à Bruxelles l’été dernier, elle s’est prêtée au jeu sans même dessiner les lettres à l’avance. Wild.
ta douce
Bohemian rhapsody (Queen), 26 x 26 cm
21
Jeuhmeuh
La bamba triste (Pierre Billon), 28 x 28 cm Mais, il y a faute là !!! Et l’arbitre ne dit rien ? Alors qu’il n’y a ni le mot « pleurs », ni « larmes » dans cette chanson ?? Remboursez !!! Quoi que... C’est vrai que Pierre Billon a quand même un look irrésistible dans le clip de cette chanson culte et néammoins relativement incompréhensible. Allez, va pour cette fois, la beauté du jeu avant le respect des règles ! 22
jeuhmeuh
Don’t cry for me Argentina (Madonna), 36 x 36 cm
ta douce
No woman no cry (Bob Marley), 28 x 28 cm
Tilde
Chiquitita (ABBA), 26,8 x 27,2 cm 23
TA DOUCE
28 x 28 cm
Boys don’t cry (The Cure)
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TILDE
19,8 x 21 cm
Jeuhmeuh 40 x 40 cm
Le 24 mai 2000, l’épisode final de la troisième saison de Dawson’s Creek, intitulé « True Love », a été diffusé aux États-Unis. La partenaire de longue date de Dawson, Joey (Katie Holmes), lui avoue être avec leur ami commun, Pacey. À la fin de leur conversation, il éclate en sanglots et lui demande de s’en aller. 21 ans plus tôt, Robert Smith tentait de cacher les larmes inondant ses yeux, parce que « les garçons ne pleurent pas ».
25
TILDE
Pause (Eddy de Pretto ft Yseult), 30 x 29,5 cm En 2021, Eddy de Pretto a divulgué au moins trois chansons où il est question de larmes. J’en ai conclu qu’il VOULAIT participer à « Dites-le avec des pleurs ». Je vous prie de ne pas me détromper.
TILDE
Waf (Julien Doré ft Simone et Jean-Marc), 30 x 29,7 cm
26
pleurer au moyen âge Les émotions et les affects aussi ont une histoire : leur place et leur valeur sociales évoluent au fil du temps. Au Moyen Âge par exemple, les larmes ne sont pas un signe de faiblesse qu’il faudrait cacher ou ravaler – du moins parmi le seul groupe dont on connaisse vraiment les pratiques, les élites. Dans une perspective chrétienne, les larmes sont d’abord celles de Jésus, qui témoignent de son humanité et de son amour. Elles sont ensuite celles des chrétiens qui imitent le Christ, et notamment les moines qui sont, selon saint Jérôme, « ceux qui pleurent » leurs péchés et ceux de l’humanité. Les larmes sont aussi un moyen de se rapprocher de Dieu. Elles ont donc un rôle purificateur, dans une spiritualité qui, avant le XIIe siècle, passe beaucoup par le corps. Les rois aussi pleurent : de rage, de joie, de tristesse, selon les événements de leur règne. Ils expriment ainsi la sincérité de leur amour pour leur peuple. Les larmes font donc partie de la communication politique : lorsque les bourgeois de Calais se rendent à Edouard III, tout le monde pleure. C’est un spectacle politique, une performance de l’émotion, qui permet à chacun de jouer son rôle dans un rituel bien codifié. Il y a d’ailleurs une classification des larmes et même des modèles de comportement. Il faut en effet encadrer les émotions, car on se méfie de leur manifestation excessive. Cela se voit notamment dans le deuil : on pleure, mais aussi on se tire les cheveux, on se cache le visage, on se lamente publiquement. Les larmes sont alors le signe d’une émotion réelle, comme celle ressentie par Charlemagne découvrant le corps de son neveu Roland (Chanson de Roland). Mais elles sont aussi l’indice d’une unité et d’une solidarité du groupe qui partage l’émotion, et constitue une « communauté émotionnelle » (Barbara Rosenwein) par les larmes.
Morwenna coquelin Docteure en Histoire médiévale
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TILDE
Val de larmes, 26 x 26 cm J’ai grandi dans le Val-de-Marne. Petite, j’ai cru au Père Noël et au fait qu’on avait toutes et tous les mêmes chances. Je n’y crois plus. (Mais je continue de croire qu’Eddy de Pretto voulait figurer dans cette expo.)
TILDE
Uma lágrima caiu, 29 x 29 cm
28
« Je sais que demain, quand je me réveillerai, en pensant à toi, je pleurerai. » Cette chanson, qui fait partie du bien nommé album Saudades de Portugal, raconte la tristesse du migrant séparé de son amour resté « au pays ». J’ai ici utilisé un carré de tissu au pourtour crocheté à la main par une membre de ma famille, au Portugal. Je fais par ailleurs un clin d’œil au lenço dos namorados (mouchoir des amoureux), broderies portugaises naguère réalisées pour déclarer sa flamme. Ces travaux se caractérisent notamment par des dessins très naïfs : j’y ai donc ajouté la naïveté même, un animal pleurant des larmes rouges et tiré de l’un de mes dessins d’enfant.
Jeuhmeuh
Los de qui cau (Nadau), 36 x 36 cm « La nuit tombe sur Labouheyre, c’est à Bordeaux que je m’en vais. J’essaie d’essuyer la vitre, mais ce n’est pas sur la vitre qu’il pleut. Au revoir donc, tous ceux de la maison, soyez forts, je n’en suis plus. Je voulais dire, en quelques phrases, ce que vous ne dites jamais. » Il y a dix ans, je quittais Tarbes pour Bruxelles en me disant que je trouverais facilement un appart une fois arrivé là-bas. Le coffre de ma 306 était plein à craquer, et j’ai probablement traversé Bordeaux avec du Minor Threat dans l’autoradio, à défaut de Nadau.
TILDE
Fado Loucura, 39,5 x 40,5 cm « Pleurez, pleurez, poètes de mon pays... » Le fado, genre musical portugais notamment connu pour ses envolées mélodramatiques, devait figurer dans cette exposition ! Le voilà donc, un rien fantomatique, délibérément éloigné de ce que l’on pourrait attendre.
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jeuhmeuh
Crying is cool (The Sonder Bombs), 36 x 36 cm
Tilde
Teenager (Silly boy blue), 30 x 28 cm
Tilde
Bridge over troubled water (Simon & Garfunkel), ~ 23,7 x 23,7 cm
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ta douce
Ne retiens pas tes larmes (Amel Bent), 28 x 28 cm
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ta douce
I will survive (Gloria Gaynor), 28 x 28 cm
Jeuhmeuh
Plus de chansons tristes (Sheila), 36 x 36 cm
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TILDE
The weeping song (Nick Cave & the bad seeds), 27 x 27 cm
jeuhmeuh
No more tears (Amyl and the Sniffers), 36 x 36 cm
Pour mon dernier mouchoir brodé, j’ai longtemps failli me baser sur une chanson de Nana Mouskouri. Jusqu’à ce que j’écoute l’album Comfort to me du groupe australien Amyl and the sniffers, bourré de tubes, dont la pépite « No more tears » qui est le coup de boost idéal pour affronter la dernière ligne droite des préparatifs d’une expo !
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Des millions de larmes... « Des millions de larmes » est une mini-série de broderies créées à quatre mains : un·e volontaire me confiait un mouchoir, une histoire ou un extrait de chanson, et son écriture. Puis, je brodais. Grâce à elles (le féminin l’emporte ici largement sur le masculin), j’ai pu aller là où je ne l’aurais pas imaginé.
tilde
M & Tilde
34
Clown (Soprano), 28 x 28,7 cm
mostrimostrini & Tilde
Vole le chagrin des oiseaux (Emily Loizeau), 23,5 x 22,9 cm
rachel & Tilde
Mon p’tit loup (Pierret Perret), 24,5 x 25 cm
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Marion & Tilde
Le grand jour (Cali), 23 x 24 cm
Barbara & Tilde
Birds (Imagine dragons), ~ 40 x 42 cm
Mallorie & Tilde
Ne pleure pas Jeannette (chanson traditionnelle), ~ 23 x 23 cm
36
A & Tilde
Nicolas (William Sheller), 23,7 x 21,5 cm
Nicole & tilde
Il pleure dans mon cœur (Paul Verlaine), 30 x 30 cm
Émilie & Tilde
Un mur pour pleurer (Anne Sylvestre), 27 x 27 cm
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voilàrme … Voilà. Sans doute une voie d’issue est-elle d’arrêter de lutter… contre soi. Accepter ses larmes, les laisser traduire et drainer ce qui est lourd. Leur langage liquide est si fluide et nécessaire : pourquoi endiguerions-nous ce qui nous lave, nous purge, nous clarifie ? Quelle meilleure légitimité pourrions-nous leur trouver, à nos larmes, que celle d’être puissantes à transporter toute la tristesse visitée en nous, à la faire rouler sur la peau de nos joues, de notre cou et à la déposer ensuite dans nos mains, nos manches, nos mouchoirs, chaque fois plus loin de notre cœur qui en conséquence s’allège ? En craindrions-nous la force, le dérangement momentané de notre apparence, de notre cohérence, de nos échafaudages ? Redouterions-nous d’être emporté·es, loin de nos berges, plongé·es dans des remous sombres et profonds ? Oui, elles secouent notre corps : balloté·es par les mouvements, charrié·es depuis le fond, incapables d’articuler les mots, nous nous retrouvons naufragé·es de leurs grandes eaux, assommé·es de fatigue, ne pouvant plus penser. Ne sachant plus, enfin ! Ignorant·es de l’avenir comme il se doit. Rendu·es à tous les possibles. Nos yeux gonflés découvrent une plage, une île, et à mieux y regarder, nous découvrons étonné·es que nous avons rejoint une parcelle fraîchement semée. Un esprit à nouveau fécond. Et notre corps, fidèle. Il est là, patient, nous aidant à retrouver notre souffle, notre densité. Il n’a jamais cessé, pendant que le fleuve de larmes était en crue, de s’occuper du flux sanguin, de faire battre notre cœur, d’exister, vibratoire, poursuivant le mouvement, la marche subtile de notre vie. Nous rangeons les mouchoirs et reprenons le cours de notre existence. Nous faisons nos premiers pas, parfois hésitants, le cœur convalescent, avec nos pensées plus fertiles et notre corps allié, dans un réel retrouvé. Car c’est bien là – aussi – que la vie se passe. Avec tous ses flux. Avec tous ses mouvements et cycles. Alors oui, tu as raison, toi qui pleures, ne lutte pas contre ce qui pousse et arrose ton visage… Observe et sens. Tes larmes sont là et demain, tu seras plus loin. Le paysage aura changé, il y aura d’autres vallées, d’autres choses à vivre, à aimer follement, à savourer ou même à pleurer, et tout cela n’a pas besoin d’être légitimé, ni attendu, justifié ou repoussé. Et pouvoir danser dans ce terrain de jeu, accompagner les reliefs, c’est juste être bien vivant·e.
bénédicte delanghe Artiste plasticienne, pleureuse à ses heures
Des millions de mercis... Merci à mon doux Chacy pour son soutien et sa patience. Merci aussi à toustes les ami·es qui m’ont encouragée dans ce projet et qui ont essuyé mes larmes à un moment ou à un autre. Merci à toutes mes muses qui m’inspirent tant et sans qui je n’aurais jamais autant pleuré. Merci à Carine, Jérôme et Harmo, des personnes adorables, passionnées, qui savent me consoler. Merci de m’avoir invitée à vivre cette aventure à vos côtés et à l’équipe du PointCulture Namur d’avoir accueilli notre projet. Sans vous, nos mouchoirs seraient restés dans des tiroirs qui sentent la naphtaline.
ta douce Merci à Jérôme et Nina pour les mois d’échanges, de création et de karaoké visio. Merci à David d’avoir cru en nous à un moment pour le moins particulier. Merci à l’équipe du PointCulture Namur. Merci à Filomena, Carole, Julie et Béné, mes fées marraines en broderie. Merci à Géraldine, my silver girl, d’avoir accepté mon invitation à chanter et d’avoir tant donné. Merci à Anne pour son écoute et ses conseils. Merci à Mostrimostrini, pour le mouchoir et l’aide apportée pour l’installation « Des millions de larmes ». Merci aux adorables participant·es de « Des millions de larmes ». Merci à ma mère, pour les recherches et le don de mouchoirs de Mlle Martin, à mon père, pour les toiles, et à mes beaux-parents, pour la tranquillité d’esprit. Merci à Mélanie Olivier, pour la relecture de ce catalogue et TOUT le reste. Merci à Morwenna Coquelin et Bénédicte Delanghe pour les textes présents dans ce catalogue. Merci à mes ami·es : « La chaleur de votre amitié m’a bien souvent rendue au monde ». Merci à mes indispensables M-M-C, pour l’aventure quotidienne et tellement plus !
tilde Merci à Carine et Nina, la meilleure team de numéros 10, à David et Stéphane et toute l’équipe du PointCulture pour l’accueil, à ma directrice artistique Cosmic Momo pour les conseils, les idées et les blagues, à Simone pour le love, au grand Laurent Santi pour le ghettoblaster de Proust, aux malvacées pour les plantes de coton, au forgeage pour les aiguilles, au chlorure de sodium pour le goût des larmes, à Thomas Edison pour l’enregistrement et la restitution du son et des chansons tristes.
jeuhmeuh
« Et si on brodait ensemble ? Et si on le faisait sur des mouchoirs en tissu ? Et si, au lieu d’être mouillés par de vrais pleurs, ces mouchoirs accueillaient des larmes symboliques ? Et si on allait chercher ces sanglots dans des chansons du répertoire musical international ? » Avec des « Et si », nous avons créé Dites-le avec des pleurs. Ce catalogue réunit les 62 broderies réalisées pour cette exposition, des larmes précieusement collectées et des réflexions suscitées par ce projet.
Ta douce, Tilde & Jeuhmeuh