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Monuments et Sites de l’Eure

Les poteries de Châtel-la-Lune et aussi…

Beaumont-le-Roger, Berville-sur-Mer, Conteville, Saint-Philbert-sur-Risle, Saint-Pierre-de-Salerne TRImestriel

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N° 143 - JUIN 2012

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LA NUIT DES RETABLES Samedi 7 juillet 2012 de 20h30 à 23h30

Églises de Bernienville, Graveron-Sémerville et Le Tremblay-Omonville Organisée par les amis des monuments et sites de l’Eure

Visites commentées, libres et gratuites


Monuments et Sites de l’Eure ÉDITORIAL Eure des identités ou de l’uniformité ? par Pierre Roussel

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e doute parfois de l’utilité de cet édito trimestriel avec l’impression de « rabâcher » les mêmes choses. « Les paroles s’envolent, les écrits restent » dit-on, mais ils restent trop souvent lettre morte, hélas ! L’heureuse initiative de France Poulain, notre architecte des Bâtiments de France, qui nous fait travailler le troisième jeudi de chaque mois sur les « marqueurs identitaires » devrait redonner confiance à tous les membres de l’AMSE . Nous ne sommes pas seuls à porter un regard critique sur des images affligeantes de plus en plus nombreuses : lotissements sans caractère, éoliennes barrant l’horizon, façades rouges ou jaunes étrangères à l’architecture locale, placards publicitaires agressifs à l’entrée de nos agglomérations, autant d’images qui heurtent le regard et dénaturent notre cadre de vie. Bien sûr il faut vivre avec son temps, et notre paysage doit aussi s’installer dans le mais certainement pas à n’importe quel prix. Les 30 ou 35 personnes qui se retrouvent chaque mois avec France Poulain se rendent compte que l’information est indispensable, et la formation plus encore. Elles apprennent que des « marqueurs identitaires » existent bien, qu’il faut les connaître, les appréhender, et surtout qu’il est possible de concilier aujourd’hui et demain plutôt que de les opposer. iiie millénaire,

Se contenter de critiquer est stérile, il faut aussi proposer, et notre association peut utilement contribuer à remplir cette mission. Je soumets à votre libre réflexion quelques interrogations dont la plus urgente doit rester dans nos préoccupations : « Quelle Eure laisserons-nous à nos enfants ? ». - Avec quels outils organiser nos territoires pour que chacun trouve sa place dans un cadre harmonieux, respectueux des paysages ? - Comment concilier l’urbanisation et la préservation des terres agricoles ? - Comment éviter le mitage de nos campagnes ? - Comment réaliser la future ligne grande vitesse Paris-Normandie, en limitant ses nuisances et sa consommation de terres agricoles ? Internet peut utilement nous aider à approfondir la réflexion autour de cette actualité. Je vous invite cependant à privilégier la consultation de l’« Atlas des Paysages de HauteNormandie », véritable outil de connaissance qui nous ouvre les portes de l’espoir : gardons les identités, refusons l’uniformité.

Couv. 1 : Beaumont le Roger, vestiges du prieuré (Cl. G. Roussel) Couv. 2 : Le retable de Graveron-Sémerville (Cl. P. Roussel) Couv. 3 : L’ombellino restauré de Saint-Pierrede-Salerne (Cl. P. Roussel) Couv. 4 : Pichet Châtella-Lune, 1881. Terre vernissée. (Musée national de la céramique de Sèvres MNC10299-4)

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Monuments et Sites de l’Eure Sommaire • Assemblée Générale 2011 Beaumont-le-Roger, 18 mars 2012 (V. Michelland).................................... 3 • Canton de Beaumesnil Les poteries et les potiers de Chatel-la-Lune (F. et P. Douais).................... 25 • Actualités Céramiques de Haute-Normandie - Le château de Verneuil-sur-Avre........ 31 • Coup de Chapeau à… … Saint-Pierre-de-Salerne (V. Michelland)................................................ 32 … Berville-sur-Mer et Conteville (C. Salmon)............................................ 35 • Patrimoine funéraire Les cimetières aussi sont un lieu de patrimoine ! (P. Roussel)................... 38 • Canton de Montfort-sur-Risle Saint-Philbert-sur-Risle. De la collégiale Saint-Philbert au prieuré SaintPierre (N. Wasylyszyn)............................................................................. 42

Revue publiée par l’association Amis des Monuments et Sites de l’Eure « Veiller dans le département de l’Eure à la préservation et à l’enrichissement de toutes les beautés naturelles et artistiques (monuments, objets d’art, sites) et tout ce qui constitue le patrimoine historique, culturel et naturel qu’elle entend faire mieux connaître, apprécier et protéger ». Coordonnées : BP 85 – 27800 Brionne – Tél. 02 32 43 73 29 – Fax 02 32 43 73 28 E.Mail : info@amse.asso.fr – Site : www.amse.asso.fr Bureau : Président : Pierre Roussel Vice-présidents : Stéphane Levert – Bernard Lizot Trésorier : Eric Le Villain Secrétaire : Denis Lepla Membres : Gérard Briavoine, Alain Joubert, Renée Roussel, Philippe Touflet

Revue : Abonnement annuel 30e € (20e pour les adhérents) Directeur gérant de la publication : Pierre Roussel Préparation du bulletin : Renée Roussel Comité de lecture : Edwige Jayet, Stéphane Levert, Bernard Lizot, Alain Loos, Ulysse Louis Photocomposition : SCW Laser, 21, Chemin de Saint-Calais – 27190 Conches-enOuche – Tél. 02 32 30 59 60 – Fax 09 70 61 33 26 Impression : FOI Système Graphic – Zone Industrielle, 14140 Livarot. Dépôt légal : juin 2012 ISSN : 1253-9570 CPPAP : 0608 G 88396 Adhésion seule Standard : 16e – Couple : 24e – Junior : 8e

La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, au terme des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part que « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause, est illicite » (Alinéa 1 – Art. 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Les opinions exprimées dans les différents articles n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

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assemblée générale par Virginie Michelland, clichés de Thierry Polissard

Dimanche 18 mars 2012

Le dimanche 18 mars avait lieu à Beaumont-le-Roger le grand rendez-vous annuel des Amis des Monuments et Sites de l’Eure. Nous étions près de 150 adhérents à nous retrouver à partir de 9 heures, pour l’assemblée générale, dans la salle Robert-Fort, gracieusement prêtée par Serge Desson, maire de la petite ville au riche patrimoine, dont défilaient à l’écran de jolies photographies. Après la formalité de l’émargement, nombreux étaient ceux qui s’arrêtaient devant les ouvrages publiés par l’AMSE ou par des auteurs membres de l’association, et qui tous, d’une manière ou d’une autre, permettent de mieux connaître le patrimoine de l’Eure. Le traditionnel café plaçait la journée sous le signe de la convivialité.

Accueil par Serge Desson Les assises s’ouvrent vers 9 h 30, sous la présidence de Pierre Roussel. Celui-ci cède aussitôt la parole à Serge Desson, chaleureusement remercié de mettre à disposition de l’assemblée la vaste et confortable salle bien équipée où nous allons passer la matinée. Le maire de Beaumont-le-Roger fait tout d’abord part de son plaisir d’accueillir les assises de l’AMSE, partenaire incontournable des manifestations culturelles et patrimoniales organisées au sein de la commune et du canton. Il y a quelques années, les adhérents étaient déjà rassemblés en assemblée générale dans cette même ville. Serge Desson ajoute que le prêt de la salle Robert-Fort a pour contrepartie la visite du patrimoine remarquable de Beaumont, ainsi communiqué aux participants. Un service en vaut bien un autre, et celui-ci est une « contrainte » plus que supportable… Rapports moral et financier Après ce préambule, Pierre Roussel reprend la parole pour communiquer le rapport moral de l’association (Page 10). C’est au tour d’Eric Le Villain, le trésorier, de présenter les comptes de l’exercice 2011 qui dégagent un excédent de 5 066,28 € (Pages 47 et 48). M. Chauvin, le commissaire aux comptes, certifie la sincérité

Serge Desson, maire de Beaumont-le-Roger pendant son allocution de bienvenue

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Un public nombreux et attentif au déroulement de cette assemblée

Page suivante, à droite, de haut en bas, le président du Conseil général Jean-Louis Destans, Jean-Paul Rousselin, président de l’Intercom du pays beaumontais, Jackie Desrues, conseiller général du canton, Jean-Pierre Nicolas, député de la circonscription, et Patrick Douais, délégué AMSE pour le canton de Beaumont

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de ces derniers, avant de préciser que sa mission prendra fin avec les comptes de l’année 2012 qui seront présentés à l’AG du printemps 2013. C’est probablement en tant qu’expertcomptable qu’il poursuivra sa collaboration avec l’AMSE, aucun des critères qui rendent indispensable la présence d’un commissaire aux comptes n’étant rempli par l’association. Les rapports moral et financier sont ensuite adoptés à l’unanimité. Rapport des activités 2011 S’ouvre ensuite un chapitre attendu de l’assemblée générale  : le rapport d’activités (Page 12). Il rappelle de bons souvenirs à la plupart des personnes présentes et permet à ceux qui n’ont pas participé à tel ou tel événement de voyager par procuration à travers le département de l’Eure. Denis Lepla, secrétaire de l’association, s’acquitte bien de la tâche qui lui incombe de retracer, mois par mois, le programme des activités 2011. Son exposé s’appuie sur une présentation audiovisuelle où chaque sortie est illustrée par plusieurs diapositives qui restituent l’ambiance conviviale et la qualité des excursions. Renouvellement du tiers du conseil d’administration Quatorze candidats à un poste d’administrateurs, dont de nombreux sortants, se présentent brièvement. Il y a douze postes à pourvoir, mais deux postes sont vacants dans le tiers élu en 2010 par suite du décès de deux administrateurs. Gérard Briavoine et Pierre Roussel ont accepté de « combler ces vides ». Il est ainsi

possible de simplifier cette formalité du vote. Les administrateurs élus sont donc Mmes Odile Duhamel et Léna Laroche, et M. Gérald Billet, Gérard Briavoine, Daniel Charpentier, André Dezellus, Patrick Douais, Claude Duvallet, Alain Lamy, Philippe Leturcq, François Levé, Pierre Roussel, Claude Salmon et Philippe Touflet. Interventions diverses Jean-Louis Destans C’est ensuite au tour de Jean-Louis Destans, président du Conseil général de l’Eure, de prendre la parole pour mettre en valeur la richesse du patrimoine bâti, mobilier, naturel et immatériel du département, qui figure parmi les huit premiers de France en matière d’objets d’art. Pour les élus confrontés à cette richesse, la restauration et la conservation du patrimoine est une responsabilité collective souvent difficile à assumer. Les actuelles restrictions budgétaires n’arrangent rien. La mise en place par la Conservation départementale du patrimoine d’un Système d’Information Géographique (SIG) qui permet de localiser précisément tous les éléments patrimoniaux dignes d’intérêt apporte une aide précieuse. Mais les élus seraient démunis s’ils n’étaient pas régulièrement sollicités par l’AMSE et ses membres passionnés et experts en matière de patrimoine. L’association est tout simplement irremplaçable pour préserver le précieux héritage et rappeler les responsables politiques et administratifs locaux à leurs devoirs. Jean-Louis Destans se dit enfin sensible au fait que les membres de l’AMSE sont des


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bénévoles. Le bénévolat est une valeur qui se fait de plus en plus rare. Jean-Claude Rousselin Président de l’Intercom du Pays Beaumontais, Jean-Claude Rousselin est le premier des élus locaux à prendre la parole pour montrer que l’association joue un rôle non négligeable dans la vitalité du tourisme autour de Beaumont-le-Roger. Si ce secteur d’activités est loin d’être le seul représenté à Beaumont, il contribue beaucoup au développement économique du Pays Beaumontais, et est assurément favorisé par la mise en valeur du patrimoine local par les Amis des Monuments et Sites de l’Eure. Maire de Rouge-Perriers, Jean-Claude Rousselin rappelle l’aide apportée par l’AMSE pour restaurer l’église de sa commune de 235 habitants. Patrimoine collectif local, l’édifice a été inauguré le 1er novembre 2002 par une messe célébrée par Mgr David, alors évêque d’Evreux. Les travaux de restauration, menés à bien dans le respect de l’authenticité, ont permis de mettre en valeur des panneaux peints du xvie siècle. Le magnifique retable majeur du xviiie siècle a également été classé. Jackie Desrues Après Jean-Claude Rousselin, c’est au tour de Jackie Desrues, conseiller général du canton de Beaumont-le-Roger, de s’exprimer. Il montre, lui aussi, que les Amis des Monuments et Sites de l’Eure jouent un rôle de premier plan dans l’orientation de la politique patrimoniale des collectivités. A l’heure du projet de construction de la nouvelle ligne SNCF Paris-Normandie, les élus comptent sur des associations comme l’AMSE pour sauvegarder leur patrimoine, sans créer de rupture entre l’ancienneté et la modernité. Jean-Pierre Nicolas Les propos tenus enfin par Jean-Pierre Nicolas, adhérent de l’AMSE et député de l’Eure, vont dans le sens de l’intervention de JeanClaude Rousselin. L’élu considère qu’en agissant en faveur de la conservation du patrimoine, l’AMSE contribue au sauvetage de notre héritage, que les responsables politiques ont le devoir de préserver. Le deuxième volet de l’action de l’AMSE, la communication sur le patrimoine, est aussi appréciable, car ce dernier participe de l’attractivité touristique d’un département privé de mer et de montagne. Il y a donc nécessité à ce qu’il soit mis en valeur.

L’association est à l’évidence un partenaire incontournable des dirigeants locaux. Ses conseils sont très écoutés, comme le sont ceux apportés aux propriétaires privés. Enfin, Jean-Pierre Nicolas souligne le sens des responsabilités de Pierre Roussel. Il salue notamment l’équilibre des finances de l’association. Zoom sur quelques cas précis Après toutes ces interventions mettant en valeur les résultats positifs des différentes actions menées par l’AMSE en faveur de la sauvegarde du patrimoine de l’Eure, Patrick Douais, délégué du canton de Beaumont-leRoger, attire l’attention sur le cas de l’église Sainte-Opportune, qui a fait l’objet d’un article dans notre dernier bulletin de 2011 et de plusieurs autres dans la presse locale et régionale. L’édifice entre dans la catégorie des monuments dont l’agonie est provoquée par la négligence ou l’incapacité financière à les restaurer des communes qui en sont les dépositaires. Ce contre-exemple n’est pas un cas isolé, mais il ne doit pas faire oublier les efforts consentis par un grand nombre de communes, et qui aboutissent souvent à des résultats exceptionnels. Faisant écho à ces regrets exprimés quant au sort de l’église Sainte-Opportune, Pierre Roussel mentionne rapidement quelques sujets d’inquiétude, notamment le développement des éoliennes, l’expansion des lotissements et zones pavillonnaires à l’entrée des communes, et la mise en place de la nouvelle ligne Paris-Normandie, dont il a déjà été question. C’est au tour d’Anne de La Moissonnière d’intervenir à propos de l’église de Cauverville-en-Roumois. On ne peut parler ici d’abandon, puisque cet édifice vient de faire l’objet d’importants travaux. Mais ces derniers ont été réalisés sans que la commune prenne le moindre conseil, et les choix opérés ont privé cette église de plusieurs des éléments qui lui donnaient une âme (voir Monuments et Sites de l’Eure n° 142, p. 27). A la fin de cette intervention, Stéphane Levert, notre vice-président, prend rapidement la parole pour alerter sur le danger, pour les églises, de perdre leur âme. Par souci d’économie, des restaurations sont parfois confiées à des chantiers de jeunes ou à des élèves en formation dans le bâtiment, et qui n’ont pas encore à l’esprit les impératifs de conservation

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du patrimoine. Sans le vouloir ils risquent d’aggraver la situation. Heureusement plusieurs églises comme celle des Bottereaux, inaugurée la veille, ou celle de Fouqueville, rouverte à partir du 5 mai, connaissent une renaissance. Plus que jamais, l’AMSE doit être présente sur le terrain, mettre en relation les maires désireux d’agir et les artisans compétents, ou bien leur conseiller de contacter des organismes officiels comme la Conservation départementale du Patrimoine (CDP). Pierre Roussel renchérit sur cet impératif. L’intervenant suivant est Philippe Mathière, maire adjoint à Beaumont-le-Roger. Il a la particularité de posséder dans sa propriété, proche du château féodal, les restes enfouis de la chapelle Saint-Léonard. Ces vestiges ont fait il y a quelques années l’objet d’une opération archéologique, révélant, parmi d’autres éléments, de nombreux fragments de céramique qui ont été restaurés et dont les photos tournant en boucle ont permis à tous ceux qui étaient arrivés un peu en avance de patienter d’une façon aussi instructive qu’agréable. C’est donc toute cette « aventure » qu’il nous présente en détail, confirmant par là même l’intérêt patrimonial et historique de Beaumont-le-Roger. Valérie Péché Responsable de la CDP et Conservateur des Antiquités et Objets d’arts (CAOA), Valérie Péché est la première à présenter en quelques mots son service, qui dépend du Conseil général. Chargé de la gestion scientifique et culturelle, de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine bâti et mobilier de l’Eure, l’organisme réalise un inventaire, accessible depuis le site Internet du Conseil général. Il gère les problèmes sanitaires des bâtiments, assure le suivi des différents chantiers mis en place, et joue un rôle de conseil auprès des propriétaires et des collectivités soucieux de protéger le patrimoine dont ils sont dépositaires. L’AMSE apporte à la CDP une aide importante dans ce domaine. Elle fait effectivement preuve en toutes circonstances d’une grande pédagogie, et conseille fréquemment aux maires ou aux propriétaires de s’adresser à la CDP. Toutefois, son rôle de relais entre les particuliers ou les collectivités, et les services de l’Etat chargés de la conservation du patrimoine, doit se limiter à une mise en relation des deux parties : afin d’éviter les erreurs, la

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CDP se charge ensuite elle-même de conseiller à ses interlocuteurs tel ou tel artisan pour les travaux envisagés. Valérie Péché donne d’ailleurs toutes les informations pratiques relatives à son service, et invite l’auditoire à signaler tout problème sanitaire rencontré. Le Conseil général a mis en place, au sein de la CDP, un instrument précieux de géolocalisation, le SIG (Système d’information géographique), expérimenté pendant plusieurs mois par Guillaume Roussel, chargé de mission à la CDP où il préparait un mémoire pour obtenir son diplôme d’ingénieur. Le logiciel est capable de situer sur une carte et de classifier chaque point d’intérêt patrimonial d’un secteur. Grâce à sa fonction de simulation, il permet de visualiser l’impact d’un projet routier ou urbain sur le patrimoine. France Poulain C’est ensuite au tour de France Poulain, directrice du Service territorial de l’architecture et du patrimoine (STAP), de faire comprendre à l’auditoire le rôle d’architecte des Bâtiments de France (ABF) qui est le sien. Son service a tout d’abord pour fonction de délivrer les autorisations d’urbanisme. Il examine environ 500 dossiers par an. L’attribution d’un permis de construire dépend de nombreux critères, et notamment du fameux périmètre des 500 mètres aux abords des Monuments Historiques inscrits ou classés. Dans cette zone, les propriétaires ne peuvent, en théorie, agir à leur guise, pour ne pas dénaturer les édifices qui les environnent. L’ABF gère donc la vie d’aujourd’hui dans une architecture d’hier. France Poulain continue à promouvoir les documents d’urbanisme, qui sont souvent le dernier rempart face à l’étalement urbain. Elle aussi joue, en amont, un rôle de conseil auprès des particuliers et des maires. Ses fiches comportant des informations pratiques sur de nombreux sujets comme la construction d’un bâtiment à pans de bois peuvent être consultées sur Internet. Le STAP a aussi pour mission d’assurer la sécurité, l’entretien et l’accessibilité du public au patrimoine géré par l’Etat. Le Château-Gaillard fait partie des dossiers traités par France Poulain. Il est dans un tel état de dégradation qu’il a fallu le fermer au public. Enfin, le STAP a en charge plusieurs travaux financés par l’Etat ou les collectivités comme la « dévégétalisation »


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du prieuré de Beaumont, dont il faut ôter pierre après pierre, puis bien sûr reconstruire, une bonne partie des maçonneries, pour déraciner le lierre, parfois profondément ancré dans ces murs multiséculaires. Pour mener à bien ces différentes missions, France Poulain, en poste depuis un an seulement en Normandie, apprécie de pouvoir contacter une association telle que l’AMSE qui fédère les énergies. Elle organise un jeudi par mois les Ateliers du patrimoine, qui réunissent, depuis le mois de janvier, outre l’AMSE, l’association des Vieilles Maisons Françaises ou de la Demeure Historique, autour de deux actions. La première consiste à protéger les cimetières, écrins de bien des églises normandes où l’on risque, par manque de place, de sacrifier des tombes intéressantes. La deuxième problématique de ces Ateliers du Patrimoine de l’Eure est l’entretien des édifices. France Poulain a réalisé, à l’intention de ses interlocuteurs, un questionnaire en 50 points, pour déterminer l’état de détérioration des édifices pour lesquels on lui demande d’intervenir. Cette fiche s’intéresse à « l’entretien en bon père de famille des monuments ». Les Ateliers du Patrimoine sont un moment convivial et apprécié de rencontre, de partage et d’enrichissement mutuel. Ils consistent en une mise en commun d’idées et de connaissances sur le patrimoine local. Trop souvent, les initiatives des particuliers ou des collectivités, caractérisées par une volonté de bien faire, se heurtent à une prise en compte insuffisante de la spécificité des monuments. D’où l’étude des principaux marqueurs identitaires du patrimoine (pans de bois, grison) dans des secteurs ou pays que l’équipe est en train de déterminer. Michel Rousset Directeur du Conseil en architecture, urbanisme et environnement de l’Eure (CAUE), Michel Rousset est le dernier à présenter son service, qui collabore régulièrement avec l’AMSE. Au cours de sa brève intervention, il témoigne du plaisir que lui procure son partenariat avec notre association et ses militants du patrimoine passionnés. Plusieurs Amis des Monuments et Sites de l’Eure, œuvrant également au sein des Ateliers du Patrimoine, ont participé en mars aux nombreuses rencontres organisées par le CAUE dans le cadre du mois de l’architecture contemporaine, de Louviers à Pont-de-l’Arche en passant par Bernay.

Cet investissement est révélateur d’une grande ouverture d’esprit des membres de l’association, dans tous les domaines. L’AMSE sait combiner sur le terrain urbanisme et patrimoine, les bâtiments anciens protégés par l’association s’inscrivant généralement dans un cadre urbain qui les met en valeur, et inversement. Les deux organismes tentent par exemple de gérer conjointement le problème de l’étalement urbain et de l’élargissement des zones pavillonnaires, notamment en milieu rural. Il s’agit pour les partenaires d’aboutir à une meilleure gestion des paysages, puisqu’un paysage est aussi un patrimoine, où l’élément urbain occupe une place incontournable. En étudiant et valorisant le patrimoine, l’AMSE contribue au renouvellement des lieux et des habitants dans la conscience de leur histoire locale, pour que les impératifs actuels ne soient pas en rupture avec l’héritage du passé. Le cadre de vie ne peut vraiment pas se construire en dehors de toute considération patrimoniale. Les projets pour 2012 L’AMSE doit donc poursuivre sa démarche d’intérêt général au service du patrimoine. En 2012, elle espère continuer ses activités habituelles (sorties réservées aux adhérents, opérations de communication du patrimoine à tous les publics, travaux d’étude et d’inventaire…). Les prochains bulletins seront publiés en format A4, afin de proposer des photographies plus grandes, dont certaines seront publiées en couleur. Une rubrique « Coup de chapeau », mettant en valeur les bonnes actions des uns et des autres au service du patrimoine, trouvera également sa place. Une nouvelle chargée de mission Depuis le 1er mars, et pour douze mois, l’AMSE a engagé une volontaire du Service civique, l’auteur de ces lignes, présentée à l’assemblée par sa tutrice, Renée Roussel. Accaparés au quotidien par de très lourdes tâches administratives et par d’innombrables dossiers, Pierre et Renée Roussel cherchaient depuis quelque temps à trouver du renfort pour développer certains aspects de l’association. Adhérente depuis juin 2011, ayant déjà participé avec enthousiasme à un certain nombre d’événements, notamment Confluence, l’intéressée pouvait être utile à l’association. Parmi les projets que Pierre et Renée Roussel, et leur nouvelle chargée de mission espèrent

Ci-dessus, de haut en bas, Valérie Péché, de la Conservation départementale du Patrimoine, France Poulain, architecte des Bâtiments de France, et Michel Rousset, directeur du CAUE

Page précédente, toujours de haut en bas, Anne de La Moissonnière, Stéphane Levert, Philippe Mathière, maire adjoint de Beaumont, et trois vues des poteries trouvées sur le site de la chapelle Saint-Léonard (Cl. Ph. Mathière)

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personnes ou groupes ayant contribué à sauvegarder, étudier et valoriser le patrimoine de l’Eure. La médaille leur est remise solennellement par des membres de l’association dont ils sont proches, avec un discours exposant les raisons de cette reconnaissance. Sont ainsi récompensés : - Robert et Roselyne de Roumilly, pour la création et l’entretien quotidien du parc du château de Miserey (Page 17). - Arnaud Wapler, propriétaire de l’abbaye de Fatouville-Grestain, pour la restauration et la mise en valeur de cette dernière (Page 19). - Albert Méreau, maire des Bottereaux, pour les importants travaux réalisés sur l’église de sa commune et sa contribution à l’art contemporain par la mise en place sur toutes les baies de magnifiques vitraux (Page 21). - L’association Archéo 27 pour son apport à la connaissance du patrimoine archéologique du département (Page 23). Renée Roussel présente Virginie Michelland, chargée de misson de l’AMSE dans le cadre d’un engagement volontaire au service civique

mener à bien : la diffusion élargie du bulletin ; l’enrichissement du site Internet avec divers comptes rendus témoignant de la vitalité de l’association, mais aussi des bonnes idées et initiatives réussies des dépositaires du patrimoine collectif ; la réalisation d’un ouvrage sur les richesses du canton d’Etrépagny, en prolongement de la journée Confluence de septembre 2012 ; la sensibilisation des plus jeunes au patrimoine qui les entoure, comme l’a souhaité Gérard Briavoine lors de la réunion de bureau intitulée « Les jeunes et l’AMSE ». Pierre et Renée Roussel ont pris dès le début en main la phase de formation et d’initiation de la nouvelle chargée de mission, à la fois sur le terrain, comme à Etrépagny, et au siège de l’AMSE à Brionne. Les diverses manifestations organisées par le CAUE dans le cadre des Journées de l’Architecture contemporaine ont déjà occasionné de nombreuses rencontres avec les acteurs de la conservation du patrimoine. Deux projets envers les scolaires sont en bonne voie de réalisation. L’aisance à l’écrit de l’auteur de ces lignes, qui exerce par ailleurs des activités journalistiques, est enfin d’ores et déjà mise à profit. Tout porte à croire que cette collaboration portera bientôt ses fruits et permettra de sensibiliser un public toujours plus vaste au patrimoine. L’avenir nous le dira… Les médailles de l’AMSE Pour clore l’assemblée générale, la reconnaissance de l’AMSE s’exprime envers quatre

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La suite de la journée A l’issue de cette quatrième remise de médaille, Renée Roussel reçoit à son tour, des mains de Stéphane Levert, un bouquet de fleurs bien mérité pour son immense travail. Elle annonce que la séance est levée, et qu’après avoir fait provision, pendant plus de 2 h 30, d’une nourriture spirituelle très enrichissante, il est plus que temps d’aller se restaurer à l’Hôtellerie du Lion d’Or, une auberge ancienne où les convives, arrivés un quart d’heure plus tard en voiture ou à pied, sont fort bien reçus. Le repas remplit parfaitement les attentes. Il est suivi d’une visite de l’église Saint-Nicolas, dont les vitraux et la statuaire sont décrits, avec une grande précision, par Stéphane Levert. La promenade digestive et culturelle dans les rues de Beaumont-le-Roger se poursuit bien sûr jusqu’aux ruines du prieuré, passées à leur tour rapidement au crible de l’histoire et de l’architecture. La vue sur l’ancien jardin de Louis Aston Knight, peintre de Beaumont, devenu jardin public, est l’occasion d’évoquer cette personnalité beaumontaise, dont la vie et l’œuvre étaient brièvement relatées sur le menu individualisé remis aux convives à leur arrivée dans la salle Robert-Fort. Enfin, ceux qui en ont l’envie et le courage peuvent se rendre en voiture jusqu’au manoir du Hom, superbe bâtisse entourée d’eau, visible de la route, avant de se quitter sur cette vision apaisante d’un très beau patrimoine en bon état.


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1 – Beaumont-le-Roger, église Saint-Nicolas. Vitrail du xvi e siècle ornant la baie 16. Détail du Credo apostolique : saint Thomas 2 – Le repas, un moment convivial toujours apprécié 3 – Un site privilégié de Beaumont : le manoir du Hom (Cl. G. Lepoint) 4 – Beaumont, église Saint-Nicolas. Saint Roch, bois peint, polychrome et doré. Œuvre de la première moitié du xviie siècle, pouvant sous réserve être attribuée à Michel Lourdel 5 – Toujours impressionnantes, les ruines du prieuré (xiiie siècle-) – (Cl. G. Lepoint)

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rapport moral par Pierre Roussel, président

Mesdames, messieurs, chers amis, Je vous remercie pour être venus aussi nombreux aujourd’hui. Notre AG est importante, elle est aussi l’image de la réunion annuelle d’une grande famille qui se retrouve ; j’en prends pour témoin l’annulation de dernière minute de quelques membre pour raisons majeures et qui sont désolés de cette absence, redisant combien ils apprécient ce moment. Sachez que nous avons fait le plein aujourd’hui avec 148 inscrits au repas et quelques 144 personnes qui ont pris la peine de nous envoyer leur pouvoir. Le programme d’aujourd’hui est très chargé, aussi j’ai essayé de faire court et d’aller à l’essentiel pour que tous les interlocuteurs qui nous font l’honneur d’être avec nous puissent prendre la parole, et aussi pour laisser la place à l’image. Avant d’entrer dans les détails, je voudrais vous remercier tous pour votre travail et votre participation. Ne m’en veuillez pas si je ne puis vous citer nominativement, car vous êtes de plus en plus nombreux à vous investir et venir remplir nos rangs, et je m’en voudrais d’omettre des noms. Je remercie aussi tous ceux qui aident l’AMSE par leur adhésion et leur mécénat. Merci aux délégués et correspondants qui sur leur terrain accomplissent un travail de fond tout à fait indispensable. Après ses ennuis de santé, votre serviteur a repris progressivement un rythme à peu près normal de sorties et d’activités, avec l’appui essentiel de sa secrétaire particulière. Merci Renée. Nous avons poursuivi cette année toutes les activités qui sont les différentes facettes de la mission que nous nous sommes donnée : mieux faire connaître le patrimoine pour aider à le préserver et le mettre en valeur. Citons parmi ces actions les sorties pour nos adhérents, toujours très appréciées ; les journées de visites ouvertes à tous ont connu cette année un vif succès, en particulier Confluence qui a été la deuxième meilleure année au niveau fréquentation en vingt-trois ans, et ce malgré un temps épou-

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vantable ; il est vrai que nous avions reçu un sérieux « coup de main » de la communauté de communes rurales du canton de Brionne. Mais il y a aussi le travail de fond : travail administratif, inventaires, étude des textiles, rédaction d’articles pour le bulletin, participation à des forums d’association, à de nombreuses commissions qui sont grandes consommatrices de kilomètres et de temps… La tâche est palpitante, mais ô combien délicate. Nous essayons de privilégier le travail préventif de sensibilisation, en mettant les propriétaires en relation avec différentes structures et spécialistes. Parfois hélas nous arrivons trop tard, et il n’est pas toujours facile de faire œuvre de diplomatie lorsque l’irréparable est arrivé, nous en verrons des exemples tout à l’heure. Il nous reste alors à faire notre travail d’information afin que les exemples négatifs ne fassent pas école. Dans ce rapport moral, comme tous les ans je dois vous faire part de grandes inquiétudes : des monuments, des bâtisses souffrent. Des sites et des églises sont en danger, des châteaux et manoirs sont à l’abandon, certains à vendre ne trouvent pas d’acquéreur, d’autres sont à l’agonie. Se pourrait-il que la grande richesse de notre patrimoine et sa densité nous le rendent transparent et qu’il ne reçoive pas toute l’attention qu’il mérite ? Nous sommes aussi très inquiets, pour les années à venir, des menaces que la future « Ligne Nouvelle ParisNormandie » va faire planer sur notre patrimoine. Même si elle répond à des nécessités légitimes, notre rôle de vigie sera plus que jamais nécessaire. Une fois encore, je vais vous faire part de mes « états d’âme ». Nous sommes quelquefois sollicités pour arbitrer des conflits, et nous nous trouvons relativement démunis : nous n’avons aucun pouvoir officiel, et ni les moyens, ni le temps, ni l’envie de nous lancer dans des aventures judiciaires. Aussi nous préférons privilégier le consensus, au risque d’être considérés comme manquant de courage.


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Cette année encore, je souhaite rendre hommage à tous les dépositaires du patrimoine, à tous les propriétaires qui font des efforts silencieux pour entretenir ce qui fait le charme de notre environnement et maintiennent à bout de bras ce patrimoine. Sur le même registre j’ajouterai que les maires et les élus sont aussi dépositaires du bien collectif, et qu’il est légitime de rendre hommage à tous ceux qui sont soucieux de maintenir cet héritage commun dans leur intégrité et authenticité, car finalement si les fonds sont publics, la prise de décision leur revient. Nous avons au cours de cette année continué à tisser des liens étroits avec différents partenaires  : la Fondation du Patrimoine et sa déléguée pour l’Eure, Yvette Petit-Decroix, mais aussi les structures institutionnelles, qu’elles soient nationales, départementales ou locales. Citons le Service territorial de l’architecture et du Patrimoine dont la responsable, France Poulain, notre nouvelle architecte des Bâtiments de France, nous fait le plaisir de sa présence ; la Conservation départementale du Patrimoine dont Valérie Péché, également ici présente, assure la direction ; toutes deux nous présenteront leur service tout à l’heure. Nous sommes également sensibilisés par l’action du CAUE avec lequel nous suivons les journées d’informations sur l’urbanisme et l’aménage-

ment rural, sujet très important pour l’avenir de notre environnement. Signalons aussi nos bonnes relations avec la Direction régionale des Affaires culturelles, le Service régional de l’Inventaire et du Patrimoine et enfin avec les ; nous leur avons Archives départementales  servi d’intermédiaire dans l’acquisition d’un plan terrier du xviiie siècle de la commune de Muzy. Il arrive aussi de plus en plus souvent que des maires ou des particuliers nous contactent pour les conseils en vue de la restauration de leur patrimoine. Cette tendance va de pair avec l’arrivée de nouvelles communes dans les rangs de celles qui nous soutiennent financièrement.

Le président Pierre Roussel pendant son rapport moral

Un grand réconfort pour nous dans cette période difficile où maintes associations voient leur effectif diminuer, et où bon nombre de nos « anciens » nous quittent, atteints par les méfaits de l’âge ou la fin de vie : Renée Roussel a eu le temps, cette année, d’examiner avec soin les adhésions. A fin 2011, nous sommes, vous êtes donc 783 à jour de votre cotisation, et pas une semaine ne se passe sans qu’une nouvelle adhésion nous arrive. Je terminerai sur ces observations plus optimistes, laissant maintenant la place à un élément essentiel de la vie de l’association : l’aspect financier. Je vous remercie pour votre attention

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rapport d’activités présentation par Denis Lepla, compte-rendu de Virginie Michelland, clichés de Guillaume Roussel

Tout en projetant de nombreuses photographies, Denis Lepla, secrétaire de l’association, rappelle les principales activités de l’année (Ill. 10). Certaines sont accessibles à tous publics, d’autres réservées aux adhérents. Le montage inclut également les forums d’associations (Ill. 1), les dates des réunions des conseils d’administration et de publication du bulletin trimestriel (n° 138 en mars, n° 139 en juin, n° 140 en septembre et n° 141 en décembre).

Ill.1 - Les forums d’associations (ici Evreux) permettent de faire connaître l’AMSE au public. Des panneaux ont été réalisés en 2011 pour enrichir les stands

Le président Pierre Roussel pendant son rapport moral.

Ill. 2 - 15 mai : visite de Gisors sous la conduite de François Levé

Ill.3 - 5 juin : Philippe Hachet nous emmène dans les cantons de Gaillon

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Avril 2011 10 avril. C’est l’assemblée générale à Etrépagny, suivie de la visite du château de M. et Mme Estève à Heudicourt. Les participants découvrent aussi dans cette même commune la superbe église, dont la voûte est entièrement peinte et dont la charpente sculptée est ornée de rageurs et de blochets expressifs. C’est ensuite la découverte de l’église de Doudeauvilleen-Vexin, sous la conduite de Caroline Hennel d’Espeuilles qui œuvre pour la préservation de cet édifice à la superbe charpente sculptée. Les Amis des Monuments et Sites de l’Eure s’arrêtent pour finir à Nojeon-en-Vexin pour se recueillir un instant sur la tombe d’Agnès Vermersch, ancienne présidente regrettée de l’association, avant de visiter l’église qui lui était si chère (Voir Bulletin 139 - Juin 2011). Mai 2011 15 mai. Fidèle à la promesse faite en 2009 lors de la session cantonale dans le canton de Gisors, François Levé, le délégué du canton, nous a organisé une visite de la ville. C’est l’occasion pour les participants de découvrir ou redécouvrir le château le matin (Ill. 2), sous la conduite de trois excellents guides mis gracieusement à notre disposition par la commune. L’après-midi, ce sont nos guides « maison », François Levé et Ulysse Louis, qui nous commentent la très riche église Saint-Gervais-Saint-Protais. La journée se termine par la visite inédite de la maladrerie, un patrimoine assez rare. Nous y retrouvons l’un de nos guides du matin pour quelques commentaires sur la décoration intérieure du bâtiment, réalisée il y a quelques années par le célèbre artiste monténégrin Miodrag Djuric,


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dit « Dado ». Ses peintures très particulières, visiblement habitées par la torture et la mort, laissent beaucoup d’entre nous perplexes, à la limite du malaise. Mais elles font aussi partie désormais de l’histoire de ce lieu. Juin 2011 5 juin : Circuit autour de Gaillon (Ill. 3), organisé par le délégué des deux cantons, Philippe Hachet, avec l’aide de Stéphane Levert. Encore de nombreuses découvertes et de belles surprises : églises d’Autheuil-Authouillet, de Bernières-sur-Seine, de Fontaine-Heudebourg, de Saint-Pierre-de-Bailleul et de Vieux-Villez, domaines d’Aubevoye, de Cailly-sur-Eure, de La Croix-Saint-Leufroy et de Sainte-Barbe-sur-Gaillon font le régal des quelques 110 personnes présentes. 19 juin : Dans le cadre de la Journée du Patrimoine de Pays, deux équipes accueillent les visiteurs dans les églises de Sébécourt (Ill. 4) et du Fidelaire (canton de Conches) pour leur montrer tout ce que l’on peut y admirer. Parallèlement, les archéologues du Groupe archéologique du Pays de Caux proposent de découvrir la fortification de terre de Sébécourt, l’église de Champignolles ou les traces laissées par le Moyen-Age dans la jolie commune de La Ferrière-sur-Risle. Plusieurs dizaines de visiteurs profitent de ces opportunités et ne cachent pas leur satisfaction. 26 juin : En cette journée la plus chaude de l’année, les talents sont réunis dans la convivialité pour « Pré-Confluence ». Un circuit fatigant mais passionnant dans les cantons de Brionne et Saint-Georges-du-Vièvre, pour tous les bénévoles qui présenteront au public, début septembre les trésors cachés des communes rurales de ce canton.

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Cl. Thierry Polissard

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Juillet 2011 3 juillet : Monique Larras, Bernayenne passionnée, adhérente de l’AMSE et vice-présidente de l’association des Amis de Bernay, proposait une visite guidée de cette ville (Ill. 5) récemment labellisée « d’Art et d’Histoire ». Les participants ont pu apprécier la beauté et l’intérêt du patrimoine bernayen, replacé dans le cadre d’anecdotes de la petite ou de la grande histoire, et découvrir de nombreuses cours intérieures et maisons à colombages. Septembre 2011 : « Confluence, patrimoine 4 septembre  méconnu », entre Risle et Vièvre (Ill. 8). Berthouville, Brétigny, Epreville-en-Lieuvin, Livetsur-Authou, Neuville-sur-Authou, Noards, Notre-Dame-d’Epine, Saint-Cyr-de-Salerne, Saint-Pierre-de-Salerne et Saint-Victor-d’Epine : avec quinze jours d’avance, il s’agit, sur un secteur restreint, d’une véritable « Journée du patrimoine ». Un public très nombreux affronte courageusement la pluie battante, pour se laisser guider d’un site à l’autre par quelques 70 bénévoles répartis sur une quinzaine de sites : manoirs et châteaux, églises, moulin, site naturel, mais aussi lecture archéologique des murs et présentation de textiles liturgiques anciens… Le soleil revient finalement pour le verre de l’amitié, vers 19 heures. 24 septembre : C’est la traditionnelle sortie nature, organisée dans la forêt de Montfortsur-Risle. Après le matin une conférence d’Alain Le Belléguy, retraité de l’ONF spécialiste du secteur, les participants ont pu suivre l’après-midi un circuit de découverte des arbres remarquables en forêt de Montfort (chênes, érables, hêtres…), mesurant ainsi à quel point le patrimoine naturel est une richesses à préserver (Ill. 11 et 6). Octobre 2011 : Circuit autour du fer forgé. 2 octobre  Jérôme Fornari, ferronnier d’art, dévoile avec truculence et passion les secrets de son métier ainsi que l’histoire et les techniques de l’artisanat du fer (Ill. 12). Après un repas tiré du panier, les participants découvrent, par cette chaude journée, de beaux exemples d’ouvrages en fer forgé : croix de cimetière et coq d’église à Saint-Pierre-de-Cernières, grilles de plusieurs châteaux à La Haye-Saint-Sylvestre (Ill. 7). Le circuit s’achève aux Bottereaux, où les travaux de restauration de l’église Saint-Jean-Baptiste


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se terminent. Outre les grilles de différentes époques protégeant les vitraux contemporains récemment mis en place, sont présentées de superbes miséricordes en bois, ornées de thèmes bibliques.

cipé à l’effort financier, sont présents lors de la remise du chèque. Cette manifestation termine en beauté, autour d’un verre de l’amitié offert par la municipalité de Gisay-la-Coudre, les activités de l’année 2011, hormis le bulletin 141 paru fin décembre.

8 octobre : Pierre Roussel, notre président, se voit remettre, devant une assistance nombreuse et émue, la distinction nationale de « Chevalier des Arts et des Lettres », dans la salle des Congrès de l’abbaye du Bec-Hellouin, fleuron du patrimoine de l’Eure. La médaille lui est remise par Pierre de Bizemont, lui-même Chevalier des Arts et des Lettres. Les institutionnels du patrimoine, présents lors de la cérémonie, retracent tous le parcours exceptionnel de ce passionné, qui a succédé à la très regrettée Agnès Vermersch, dont le souvenir est évoqué à de nombreuses reprises. 15 octobre : Stéphane Levert, notre vice-président, organise la session cantonale à Nonancourt. Après une présentation de toutes les richesses du canton, étudiées commune par commune à partir d’une projection, plusieurs monuments remarquables de Nonancourt et des environs (églises, prieuré devenu propriété privée, château) sont visités par 120 personnes enchantées. La journée s’achève en beauté au château de Louye, avec sa tour d’inspiration orientale et sa spectaculaire « salle aux cerfs », ornée d’un grand nombre de trophées. Malheureusement nous avons peu de temps après reçu une triste nouvelle : Mme Lepic, la propriétaire de ce château, qui nous avait si gentiment accueillis, venait de décéder. L’évocation de cette visite permet de saluer sa mémoire (Ill. 9a et b).

Ill.11 - 24 septembre : les arbres remarquables

Ill.12 - 2 octobre : le travail du fer forgé

Novembre 2011 5 novembre : C’est l’épilogue du « Coup de cœur Agnès Vermersch » 2011 (Ill. 13). Un grand jour pour les défenseurs de l’église SaintOuen-de-Mancelles, située sur la commune rurale de Gisay-la-Coudre. Écrin fragile de trésors que le temps n’a pas épargnés, l’édifice doit être restauré. L’AMSE, grâce à la générosité de ses adhérents, remet à la Fondation du Patrimoine un chèque, arrondi à 8 000 euros sur décision du conseil d’administration, pour la restauration de l’église. M. Jean-Pierre Bordeau, maire de Gisay, des membres de son conseil municipal, plusieurs maires des communes voisines et des habitants de la commune sont présents. Cinquante donateurs environ, parmi les cent trente amoureux du patrimoine à avoir parti-

Ill. 13 - 5 novembre : l’épilogue du « coup de cœur Agnès Vermersch » 2011

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Dimanche 2 septembre 2012

CONFLUENCE Patrimoine méconnu

En Vexin normand, autour d’Etrépagny Sites ouverts de 10 heures à 18 heures - Visites guidées, libres et gratuites 16


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les médaillés de l’amse Remise de médaille à M. et Mme Robert de Roumilly par Alain Madonna

J’ai été très flatté quand notre président m’a demandé de vous remettre la médaille de la reconnaissance des Amis des Monuments et Sites de l’Eure. Je ne connaissais pas la décision de notre conseil d’administration d’ainsi vous distinguer et j’en ai été très heureux, connaissant vos engagements et vos réalisations. Et puis je me suis documenté pour préparer mon propos d’aujourd’hui. Cela m’a permis de découvrir des aspects de vos personnalités, plutôt flatteurs, dont vous ne parlez jamais. Robert, Miserey fait partie de l’histoire récente de votre famille. Ayant tout perdu lors de la destruction de Brest durant la dernière guerre, vos parents se sont réfugiés à Evreux et Miserey est devenu votre résidence à la campagne. Reconvertie en exploitation agricole, la propriété avait quelque peu perdu de sa superbe : le grand salon servait de grange à foin, les animaux n’étaient pas loin et le parc n’était plus qu’un souvenir. Éveillé très tôt par votre famille à l’histoire et aux belles choses qu’elle nous a léguées, vous avez participé très jeune à la restauration du château, et vous avez appris « sur le tas » que l’on pouvait réaliser de gros travaux dans le respect de la construction et des matériaux d’origine. Une formation dans le domaine du dessin et de la peinture vous a permis d’élargir vos compétences et d’aller un peu plus loin dans vos réalisations. Et puis vous rencontrez Roselyne. Vous vous mariez à Mussegros. Les chevaux entrent alors dans votre vie : Roselyne, grande cavalière de compétition, vous fait voir du pays ou plutôt… des terrains de concours. Votre fille Guillemette prend ses biberons à l’ombre des vans ; elle est élevée à coups de crème glacée et de sodas au pied des podiums où sa mère engrange des médailles. Mais les vieilles pierres et le patrimoine vous rattrapent et l’AMSE aussi, déjà. Mme de Villeneuve, d’Ecos, vous demande – et vous n’avez pas trente ans – de devenir délégué cantonal de l’AMSE. Pendant de nombreuses années, vous avez travaillé aux côtés de l’abbé

Cl. Th. Polissard

Ma chère Roselyne, Mon cher Robert,

Saussaye à la sauvegarde des bâtiments, petits ou grands, dont la pérennité était compromise ou dont le caractère méritait d’être préservé. N’avez-vous pas été un précurseur en participant au sauvetage d’humbles lavoirs quand ce n’était pas encore dans l’air du temps ? Les années passant, vous vous êtes installés définitivement à Miserey. Et, pour vous, les années « jardin » vont commencer : défricher, planter, tailler, multiplier… C’est désormais votre quotidien. Avec Xavier Lalloz de SaintJust, Alix d’Harcourt de Gonfreville-l’Orcher, M. Ciais, du Jardin des plantes de Rouen, les « Roumilly », comme on dit dans le milieu, figurent parmi les fondateurs de l’ARPJHN1. Parallèlement, le parc de Miserey devient l’écrin que beaucoup connaissent. Vous prenez, par nécessité, quelques distances vis-à-vis de l’AMSE, même si vous restez très proche d’Agnès Vermersch. Le travail ne manque pas à Miserey, et votre présence quasi continue est requise. En effet, la Roseraie2 d’une part, le Purgatoire2, l’Enfer2 et le Paradis2 d’autre part, attirent le monde en rangs serrés.

De gauche à droite, Alain Madonna, M. et Mme de Roumilly

1.- Association Régionale des Parcs et Jardins de HauteNormandie 2.- Noms des différents jardins de Miserey

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Cl. G. Roussel

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Cl. G. Roussel

« L’arbre aux chauves-souris »

Vos efforts seront récompensés par le label « Jardin remarquable ». Une bien belle consécration qui vous incitera davantage encore à partager votre œuvre avec le plus grand nombre : partager avec le public en organisant des manifestations, des concerts et des animations ; partager vos expériences avec les autres propriétaires engagés dans une aventure de même nature ; partager aussi avec les professionnels du végétal ou les métiers de l’horticulture. Cette année encore, vous recevrez dans votre jardin des élèves qui viendront vérifier sur le terrain ce que Roselyne leur aura exposé lors de conférences. La reconnaissance des Amis des Monuments et Sites de l’Eure représente bien peu de choses dans ce contexte. L’association aurait voulu vous féliciter et vous remercier pour ce que vous avez fait depuis si longtemps pour votre château et votre jardin. Malheureusement je dois évoquer un drame qui vous a frappé durant l’hiver 20102011 : Miserey a brûlé ! On en a peu parlé ; cela ne se voit pas beaucoup quand on traverse le village. Mais le château, le mobilier et la bibliothèque ont énormément souffert soit de l’incendie, soit des infiltrations de l’eau des lances. Et vous-mêmes êtes toujours très marqués par cette épreuve. Épaulés par vos enfants, vous vous retrouvez aujourd’hui face à un énorme challenge. C’est pourquoi cette médaille, au-delà des félicitations et des remerciements, voudra aussi vous porter tous nos vœux et nos encouragements pour l’avenir de Miserey.

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Cl. de Roumilly

Cl. G. Roussel

Des pivoines géantes

A gauche et ci-dessus, les épines de « L’enfer »


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Remise de médaille à M. Arnaud Wapler par Claude Salmon Jusqu’au dernier moment, nous nous faisions une joie d’accueillir M. Arnaud Wapler, arrivé jeudi à Fatouville- Grestain. Avec regret, son fils Nicolas l’a reconduit à Paris vendredi en raison d’une extrême fatigue survenue depuis son arrivée. C’est donc à lui que je vais m’adresser.

Cher Nicolas Sur le territoire de la commune de Fatouville-Grestain, entre Honfleur et Conteville, l’ancienne abbaye de Grestain est reconnaissable par ses murailles encore debout et derrière lesquelles subsistent quelques vestiges de l’abbaye Notre-Dame, fondée en 1050 par Herluin de Conteville. Sur l’emplacement d’une chapelle de création plus ancienne et dédiée à la Vierge, Herluin édifia le monastère chargé de prier pour le salut de son âme et de recevoir sa dépouille mortelle ainsi que celle de ses descendants. Cent soixante-dix ans plus tard, au temps de saint Louis, les religieux y étaient au nombre de 32, un nombre qui n’a cessé de diminuer jusqu’en 1775, date du départ des derniers moines et de la destruction des bâtiments conventuels. Enfin les biens de l’abbaye furent vendus à un négociant d’Honfleur. Après neuf cent dix années, en 1960, l’ancienne abbaye n‘est plus qu’une simple propriété de 4 hectares de prairies, avec plusieurs bâtiments dont une maison inhabitable… Et pourtant votre père est séduit par la sérénité du site et la beauté de l’estuaire de la Seine ; il en devient propriétaire ! M. Arnauld Wapler est né en 1912 à Versailles. Quel parcours au cours de ces cent années : il termine ses études par le concours des Affaires Etrangères. Diplomate, il occupe une quantité de postes importants aux EtatsUnis, en Turquie, en Italie, au Royaume Uni, en Pologne, puis de nouveau en Turquie. C’est lorsque M. Wapler est ambassadeur à Varsovie, en Pologne, qu’avec son épouse Julie, née d’Albis, et malgré les difficultés liées à l’éloignement, il achète la propriété de Grestain et que tous deux s’engagent dans une rénovation remarquable, sauvant ainsi l’ancienne abbaye de la décadence et de l’oubli.

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pour les jardiniers aidés par toute la famille qui s’est mise à sarcler, bêcher, nettoyer, enlever les vieux arbres, et paysager le jardin de la ferme abandonné depuis une trentaine d’années afin qu’il devienne un agréable lieu d’accueil. L’ancienne abbaye était alors en mesure de recevoir ses premiers visiteurs, mais ce sont surtout les Journées du Patrimoine qui ont donné un véritable élan à l’offre nouvelle de la découverte des richesses du patrimoine normand.

Nicolas Wapler lors de son discours de remerciement à Claude Salmon

Accompagné par l’architecte des monuments historiques William Poulain de Trouville, son premier objectif a été de regagner autour de la maison le niveau extérieur du sol tel qu’il était aux xie siècle et xiie siècle et de retrouver le volume de la salle des hôtes avec ses voûtes et ses piliers en abaissant de 1,50 m le sol en terre battue. C’est son épouse, sculpteur, qui a réalisé avec de la glaise une maquette de la maison et a modelé le terrain pour servir de modèle au projet et réaliser ce vaste chantier au financement très lourd. Les quatre hectares de prairies étaient envahis de ronces, chardons et orties qu’il a fallu dégager pour atteindre le mur d’enceinte. Cela a nécessité plusieurs années de travail

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Les efforts de M. Arnauld Wapler ne se sont pas pour autant arrêtés là. Dans le domaine, l’ancienne chapelle devenue, après le départ des moines et au gré des propriétaires successifs, grange ou bergerie a retrouvé, grâce aux travaux engagés, un volume intérieur permettant de recevoir le public, d’y organiser des conférences ou des expositions et de célébrer des cérémonies religieuses. Pour cela avec ses deux fils, Nicolas et Jean-Sébastien, il a créé l’association des Amis de l’Ancienne Abbaye qui, après cette rénovation, a le projet d’exécuter, en lien avec la Conservation régionale des monuments historiques, un certain nombre de travaux de réparation sur le portail nord et le contrefort nord de la chapelle, ainsi que la réalisation d’un diagnostic des murs d’enclos de l’abbaye. Nicolas, le souci de votre père de conserver l’intégrité des vestiges de l’abbaye reste intact et se manifeste par ses intentions de poursuivre les mêmes efforts pour rendre ce lieu important, touristique et culturel, de plus en plus attrayant. Pour tous les services rendus durant sa vie professionnelle, votre père est titulaire de très nombreuses décorations, il a reçu beaucoup de médailles. Il lui manquait cependant cette dernière médaille de la reconnaissance des Amis et Monuments et Sites de l’Eure que je suis très heureux de vous charger de lui remettre aujourd’hui en honorant son centenaire.


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Remise de médaille à M. Albert Méreau par Stéphane Levert Aujourd’hui, à Beaumont-le-Roger, c’est avec un extrême plaisir que je te remets, Albert, la médaille des Amis des Monuments et Sites de l’Eure. Nous nous connaissons depuis plus de vingt-cinq ans et, ta modestie dut-elle en prendre un coup, tu es un sacré personnage. Des maires, j’en ai rencontrés mais, comme toi, il n’y en a pas d’autre. J’aime te surnommer « le Seigneur des Bottereaux », toi l’héritier de ces hobereaux qui ont forgé l’âme du Pays d’Ouche : les Garancières, les Sacquenville, les Mailloc, les Corday… Albert, tu es né le 30 juin 1928 dans la maison que tu habites aujourd’hui, sur la commune de Vaux-surRisle. En 1959, tu rentres au conseil municipal des Bottereaux, et deviens en 1965 maire de cette commune avec laquelle ont fusionné Les Frétils et Vaux-sur-Risle. Te voilà rendu à ton neuvième mandat dont huit en tant que maire ! C’est dire combien, avec tes célèbres moustaches et ta casquette, tu as pu marquer cette commune : une véritable histoire d’amour entre ton village et toi ! En 1964 tu épouses, aux Bottereaux, MarieClaire ; épouse que tu n’es pas allé chercher loin, puisque selon tes aveux « il n’y avait que la haie à sauter pour la retrouver ». Trois enfants naîtront de cette union ; ils vous ont à leur tour donné plusieurs petits-enfants. Il te faudra bien quitter Les Bottereaux, grâce ou plutôt à cause du service militaire. Après tes classes à Orléans, tu atterris à Fontainebleau où tu t’occuperas des chevaux pour les concours internationaux. Professionnellement, tu te définis comme un paysan : élevage et culture et tu es très attaché à la terre de tes ancêtres, présents aux Bottereaux depuis le début du xviie siècle. Nombreux sont ceux qui reposent autour de l’église paroissiale, cette église Saint-Jean-Baptiste où, tel un compagnon du tour de France, tu as réalisé ton « chef d’œuvre » : la restauration de ce vieil édifice datant du milieu du xie siècle. Je me souviens qu’en 1985 déjà, venant d’Evreux sur ma Mobylette et me réclamant déjà de l’AMSE, je te harcelais à propos des travaux dont l’antique bâtisse avait besoin. Je crois avoir marqué un point en te demandant où se trouvaient les ruines de l’église de Vaux-

sur-Risle : seul un fou pouvait demander un tel renseignement ! Une amitié de presque trente ans allait naître car en bon Normand qui se respecte, Albert, une fois que tu as accordé ta confiance, c’est pour la vie.

Stéphane Levert relate les faits qui ont conduit à décorer Albert Méreau

Il aura fallu attendre ton huitième mandat de maire pour que soit lancé le chantier mais, comme tu me l’as confié, tu mettais « des sous de côté » pour l’église. Tes grands-parents et parents s’y sont mariés, tu y as été baptisé, tu y as fait ta communion, tu y as été enfant de chœur de l’abbé Daniel : c’est dire combien tu y tiens ! Rappelez-vous Confluence 2009 : exceptionnellement, nous vous invitions à visiter une église en chantier pour vous faire découvrir les magnifiques stalles provenant de l’abbaye Saint-Victor de Paris. Souvenons-nous aussi de la sortie sur le thème de la ferronnerie, en octobre dernier où, après avoir observé les grilles en fer forgé de différentes époques (du xive siècle au xviie siècle, dont une fleurdelisée) qui protègent les baies, tu nous offrais un verre de cidre particulièrement bienvenu. Aujourd’hui, l’édifice ressuscité miroite de couleurs : l’église des Bottereaux a tourné la

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page du noir et blanc. Tu as osé la création de superbes vitraux contemporains que tous hier, lors de l’inauguration des travaux, nous avons admirés. Cette restauration est une véritable réussite et un exemple pour d’autres monuments, alors que plus que jamais notre patrimoine est en danger.

Cl. Th. Pollissard

Albert, bravo ! Ce n’est pas rien pour une petite commune, 52 000 euros de travaux. Il t’en a fallu, de la persévérance, pour convaincre ton conseil municipal. Il y en a eu, des nuits blanches, quand cela ne « tournait pas rond », car le chantier était particulièrement complexe : une église xviiie siècle du Président Le Roux dans un édifice roman de Guillaume Fitz Ozbern.

Cl. P. Roussel

Cl. G. Roussel

Cl. Th. Pollissard

Aujourd’hui, M. Méreau, cher Albert, tu peux être fier de ton œuvre, et l’AMSE est heureuse de te compter parmi ses amis.

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Remise de médaille à l’association Archéo 27, représentée par son président par Renée Roussel

Vous me pardonnerez tous de commencer en parlant des Roussel. Mais il n’est pas possible d’évoquer la naissance de l’association Archéo 27 sans citer ses fondateurs, Pierre et moi. C’était en janvier 1974. Depuis quelques mois, nous dégagions, à la demande du Conseil général de l’Eure, sur une suggestion du doyen Michel de Bouärd, les thermes gallo-romains du Vieil-Evreux, avant que le site ne reprenne

Cl. Archéo 27

Mesdames et messieurs, Cher président, cher Jean-Luc

En haut, à Sainte-Colombe-la-Commanderie, le plan de la chapelle de la commanderie des Templiers apparaît dans le blé sur le point d’être moissonné

Ci-dessous une carte de synthèse de toutes les traces repérées sur une commune

Cl. Archéo 27

A droite un fanum, avec en médaillon le type de schéma d’interprétation qui en est fait

Document Archéo 27

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De gauche à droite les prospecteurs aériens Jean-Noël et Véronique Le Borgne, le président d’Archéo 27 Jean-Luc Montaggioni et Renée Roussel

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le nom de Gisacum. Nous voulions prendre une assurance, ouvrir un compte en banque. A chaque fois la réponse était la même : il faut que vous soyez une structure officielle, avec des statuts. De ce besoin est née l’association. Pendant des années, jusqu’en 1986, elle a surtout pratiqué les activités de terrain : le VieilEvreux déjà cité, Gisay-la-Coudre, Les Andelys, Hondouville pour les principales opérations. C’était l’époque où presque toute l’archéologie était faite par des amateurs, et Archéo 27 a très vite reçu le soutien du département, soutien qui ne s’est jamais démenti depuis. En 1977 s’est présenté un jeune homme : Philippe Béchelen. Il avait commencé à faire de la prospection aérienne et cherchait des financements. Nous avions des financements, et les résultats qu’il nous a présentés nous ont semblé venir compléter tout à fait le travail que nous faisions au sol. Ainsi a débuté la prospection aérienne à Archéo 27, qui est devenue la principale activité de l’association maintenant que la fouille est pratiquée essentiellement par des professionnels salariés. Après la disparition de Philippe Béchelen en 1983, deux équipes ont repris le flambeau, se partageant l’est et l’ouest du département. Depuis environ huit ans maintenant, une seule équipe couvre le département, partant de Bernay. Elle est constituée de Véronique et JeanNoël Le Borgne, à qui je vais demander de bien vouloir nous rejoindre, et de Gilles Dumondelle, avec bien sûr la complicité de leurs deux pilotes Jack et Rémy, et l’aide de François Vilpoux pour les vérifications au sol dans le nord du départe-

ment. Il faut savoir que le vol, comme la partie émergée de l’iceberg, ne représente qu’une infime partie du travail. Nombreuses sont les heures passées avant le vol à préparer l’itinéraire, après le vol à localiser les photos et les référencer. Il faut ensuite vérifier sur le cadastre napoléonien, que le papa de Véronique a mis plusieurs années à photographier systématiquement, si les tracés aperçus n’étaient pas encore visibles au xixe siècle. Pour les éléments qui peuvent être des traces archéologiques, il faut ensuite se rendre sur le terrain à la recherche de tout élément (tesson, objet métallique ) permettant de proposer une datation. Il faut aussi passer des heures et des heures à rédiger les dossiers qui seront transmis au service régional de l’Archéologie. Là s’arrêtent les autres prospecteurs aériens dans les autres régions. Mais l’équipe d’Archéo 27 a choisi d’aller beaucoup plus loin : elle a mis en place l’exigence de dessiner toutes les traces repérées en « redressant » les déformations dues au fait que les prises de vues sont obliques, et de resituer ces dessins, à l’échelle, sur des fonds de carte type carte d’Etat-Major. De plus, chaque année, un ou deux cantons sont explorés systématiquement. Le canton de Beaumont qui nous accueille aujourd’hui a été traité en 2008. Environ 3 000 sites ont de la sorte été repérés. Toutes ces cartes sont transmises au service régional d’Archéologie, et servent à l’occasion de programmation de travaux. Par ailleurs, l’association s’est toujours fait un devoir de restituer à la collectivité qui la finance les informations qu’elle engrange  ; elle communique sur ce sujet chaque fois que possible, réalise parfois des expositions et participe régulièrement à des colloques d’archéologie. Elle est d’ailleurs fréquemment sollicitée par les étudiants et chercheurs auxquelles elle transmet volontiers ses informations. De plus, depuis plusieurs années, elle sert de support logistique à des étudiants devant réaliser un travail de fouille sur le département de l’Eure dans le cadre de leur formation. Vous voyez, mesdames et messieurs, l’apport d’Archéo 27 à la connaissance du département de l’Eure est considérable, et méritait bien d’être récompensé. Aussi j’ai l’immense fierté de remettre à l’association Archéo 27, représentée par Jean-Luc Montaggioni, son président, la médaille de reconnaissance des Amis des Monuments et Sites de l’Eure, en les encourageant à poursuivre longtemps encore leur remarquable travail.


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Les poteries et les potiers de Châtel-la-Lune Par Françoise et Patrick Douais

En une trentaine d’années, nous avons collecté et créé une véritable « tessonnière » avec les débris de poteries récoltés dans la terre de notre jardin, situé à La Hermeraye, un hameau du Noyer-en-Ouche. Ces morceaux plus ou moins identifiables, mais où nous reconnaissons des anses, des becs verseurs, des fonds ou des morceaux de passoire, sont colorés en jaune, vert ou marron. Intrigués par ce témoignage du passé, nous avons effectué des recherches sur l’histoire locale de notre village et de ses potiers. Notre guide fut : Les notes sur la poterie du Châtel-la-Lune d’Henry Quevilly, ouvrage publié par le chanoine Porée.

Le hameau de Châtel-la-Lune (Ill. 1) est une ancienne paroisse rattachée à celle du Noyeren-Ouche en 1792. Territoire historiquement très riche, ce hameau très peuplé est bordé par la forêt de Beaumont-le-Roger et la Risle. Il comprenait, depuis le xiie siècle, un château fort surplombant la rivière et détruit au xviie siècle ainsi qu’un prieuré de l’ordre de Grandmont dissous en 1784. Les activités y sont alors nombreuses : extraction du minerai de fer et travail des forges, fabrication de sabots, de poteries et de tuiles… L’atelier potier du Pays d’Ouche Châtel-la-Lune fait partie avec Infreville, Malicorne, Armentières, Verneuil, Manerbe et Pré-d’Auge, des plus anciens centres normands produisant des poteries vernissées. Depuis le début du xviie siècle, les potiers de Châtel-la-Lune produisent des épis de faîtage ou étocs destinés à l’étanchéité et à l’ornementation des toitures des belles demeures ainsi que de la vaisselle domestique. Ces poteries sont réputées solides et elles connaissent une grande renommée jusqu’à la fin du xixe siècle. Elles sont commercialisées sur Le Noyer et ses environs, mais aussi sur les marchés de Bernay, Broglie, L’Aigle et Brionne. La production de vaisselle s’arrête au début du xxe siècle, concurrencée par la faïence industrielle plus résistante et surtout sans plomb ni étain toxiques. Quant aux étocs, la mode passa et les épis de zinc détrônèrent l’épi de faïence. Les poteries vernissées du Châtel-la-Lune sont également appelées poteries plombifères ou « plommures ». La terre utilisée est une

Ill.1 : plan de l’ancienne paroisse du Châtel-laLune (Cl. P. Douais)

argile blanche et grasse pour les pièces de prestige et une argile ferrugineuse pour les pièces plus communes, extraites en partie au triage de La Gouberge, dans la forêt de Beaumont. Les potiers s’installent à proximité de ce filon d’argile et le bois de la forêt fournit l’énergie indispensable à la cuisson dans des fours. Aujourd’hui, certains grands trous en forêt sont les cicatrices visibles de cette activité. Il reste aussi près du Long-Bois des poches de terres affleurantes non exploitées. Les potiers payaient au propriétaire de la forêt un droit d’extraction de l’argile, comme en témoignent les quittances suivantes de septembre 1773 :… je, receveur de SA Monseigneur le Souverain Duc de Bouillon pour son domaine de Beaumont le Roger, soussigné, reconnois avoir reçu de Guillaume Marais, demeurant au Chastel la lune la somme de quatre livres, pour la terre dont il a fait des potteries (sic) ou bien encore, le treize frimaire an onzième :… je, soussigné, Nicolas Louër, reconois

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ll. 2 : exemples de décors (Cl. P. Douais)

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Ill. 3 : épi simple ou étoc Beaumesnil (Cl. P. Douais)

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Ill. 4 : épi de faîtage – Le Noyer-en-Ouche (Cl. P. Douais) Ill. 5 : épi de faîtage signé « Lefebvre » (Cl. P. Douais) Ill. 6 : épi de faîtage avec inscription « Au Chatelle La Lune » (Cl. P. Douais) Ill. 7 : oiseau sur son nid Le Noyer-en-Ouche (Cl. P. Douais) Ill. 8 : Le Noyer-En-Ouche (Cl. P. Douais)

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Ill. 9 : épi de Saint Aubin-le-Guichard (Cl. P. Douais) Ill. 10 : épi de faîtage à Ambenay (Cl. P. Douais) Ill. 11 : épi du clocher de l’église du Fidelaire (Cl. P. Douais)

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Ill. 12 : bouquetière à feuilles Châtel-la-Lune, 1835 – Musée national de la céramique de Sèvres MNC 10299-1 (Cl. P. Douais) Ill. 13 : bouquetière à feuilles Châtel-la-Lune, 1835 – Musée national de la céramique de Sèvres MNC 10299-2 (Cl. P. Douais) Ill. 14 : pot couvert Châtel-la-Lune 1881 Musée national de la céramique de Sèvres MNC 10299-5 (Cl. P. Douais)

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Ill. 15 : pot de fleurs Châtel-la-Lune 1881 Collection privée Claude Lemaître (Cl. C. Lemaître)

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avoir reçu des citoyens Philippe MARAIS, Pierre QUERNEL et Philippe VALLEE, tous potié demeurant en la commune du Noyer, section du Châtel La Lune la somme de 24 francs (re-sic). Après son extraction, la terre subissait plusieurs étapes pour la rendre façonnable. Elle était trempée, bêchée, battue et broyée. Les poteries, fabriquées en argile poreuse et séchées au soleil, étaient imperméabilisées au moyen d’une glaçure transparente. L’émail utilisé était composé de matériaux vitreux (silice ou sable) avec adjonction d’un fondant aux oxydes métalliques dont le plus traditionnel est l’oxyde de plomb ou litharge. Cette glaçure, qui se vitrifie à la cuisson, peut être colorée par des oxydes métalliques. Le brun est obtenu par l’oxyde de manganèse, le vert par l’oxyde de cuivre et le jaune ocre par l’oxyde de fer. Les effets de moucheté et de jaspé sont obtenus à l’aide de gros grains d’oxyde de manganèse ou d’oxyde de cuivre jetés sur le vernis de plomb. Les différences de chaleur donnent toute une gamme de teintes. Un moine de Grandmont, initié à cette technique du travail de la terre, est une des origines possibles de l’installation de la production des poteries sur ce secteur du Noyer-en-Ouche. Instruits sous l’Ancien Régime par les moines, les potiers de Châtel-la-Lune savent écrire. Ils soulignent, ponctuent, dessinent, inscrivent une date, leur nom ou le nom du hameau de production. Ces écrits sur la terre témoignent peut-être d’une forme de publicité du site ou de la fierté de savoir écrire. Ces artisansartistes pratiquent également le pastillage  : comme Palissy, ils posent en relief sur les poteries des guirlandes, mascarons, animaux, fruits et petites feuilles. Une trentaine de noms de famille de potiers est signalée de 1595 à 1890 d’après les Notes de folklore de Lamiray et les registres d’état civil. Mais en l’absence d’écrits plus anciens, il est impossible de dater plus précisément le début de la production potière au Châtel-la-Lune. Les potiers travaillent en famille, de père en fils, souvent sur plusieurs générations par transmission de leur savoir-faire. Le maître potier trouve dans la population du village les tâcherons qu’il emploie pour la préparation de la terre. Ces journaliers partagent leur temps entre le travail des champs et celui de la poterie : coupe du bois, exploitation des filons de terre et différentes tâches de l’atelier. Les noms associés aux

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métiers sont précisés dans les registres : Charles Levieux, maître potier ; Jean-Baptiste Legrand, journalier potier ; Jean-Jacques Thorel, compagnon potier ; Pierre Quernel, marchand potier ; Toussaint Leroux, laboureur et potier. Émile Isidore Lefebvre, dernier artisan potier connu du Noyer-en Ouche, est décédé en 1890 à l’âge de 75 ans. Il a appris son métier auprès de Rémy Boismard, au Long-Bois. Il a cessé son activité potière en 1883, nous laissant des pièces remarquables conservées dans différents musées. Certains de ses épis de faîtage sont toujours en place. De nombreux tessons aux couleurs éclatantes sont encore trouvés, mêlés à la terre de plusieurs jardins du Noyer-en-Ouche, mais sans qu’on puisse déterminer l’emplacement exact des ateliers et des fours. Pour Henry Quevilly, Jehan habitait dans les masures au pied de l’ancienne forteresse du Châtel-la-Lune. Des tessons ont effectivement été retrouvés récemment sur ce secteur par l’actuel propriétaire. Les épis en terre vernissée donnaient fière allure aux manoirs du Pays d’Ouche et ceux qui sont encore visibles démontrent la qualité artistique de cette production. Les moins ouvragés de ces poinçons d’argile étaient uniquement recouverts d’un vernis de plomb et très simples à leur origine (Ill. 3). Au Châtel-la-Lune, il subsiste encore deux épis sphériques fortement érodés. Ils conservent des traces de vernis vert et portent une croix jaune (Ill. 4). A Beaumesnil, une demeure du xviie siècle conserve deux épis rustiques portant l’inscription Au Chatelle La Lune et signés Lefebvre (Ill. 5 et 6). Lors de la transformation en presbytère de ce logis, une croix a très probablement remplacé un troisième épi qui pourrait être celui tout à fait similaire déposé dans les réserves du Musée de Normandie à Caen. Ces épis à glaçure marron sont cylindriques avec trois niveaux de quatre anses simples et plates. A côté de ces épis de forme simple, nous trouvons aussi des épis plus ouvragés où le couronnement prend la forme d’un personnage ou d’un animal, comme sur l’ancien presbytère du Noyer-EnOuche. Un épi simple en émail vert côtoie une représentation d’un oiseau sur son nid. (Ill. 7) Un épi conique à trois anses en émail vert avec à son sommet un pélican couronnait la toiture d’un pressoir à Beaumont-le-Roger. Il fait partie depuis 1924 des collections du Mu-


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sée des Beaux-Arts de Bernay. Cette poterie, datée du milieu du xviiie siècle, a fait l’objet au début du xxe siècle d’un dessin à la plume du chanoine Porée et en 1985 d’une étude graphique par le Centre parisien de recherches sur les Monuments historiques. La couronne légèrement détachée est ornée de mascarons. A son sommet se trouve un pélican donnant à manger à ses petits. Le pélican s’ouvrant le flanc pour donner son sang à sa nichée est un symbole eucharistique.

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Plusieurs épis, également de couleur vert clair, encore visibles dans les années 1940 sur la toiture du manoir de Saint-Aubin-sur-Risle, ont malheureusement disparu (Ill. 19). Henri Quevilly décrit un de ces épis qui représente un cavalier dont la tête est couverte d’un casque volumineux et dont la main droite, détachée du corps, est soutenue par un tenon en terre cuite. Le cheval est petit et en dessous se trouvent quatre étages d’anses ornés de petits mascarons. Un dessin à la plume du chanoine Porée confirme et illustre ce descriptif (Ill. 20). Ill. 16 : épi de faîtage Châtella-Lune, 1750, terre vernissé vert Coll. Musée Municipal de Bernay (924.2.4) (Cl. P. Douais)

Par analogie d’aspect, des épis anciens, visibles ou conservés à proximité du Noyer-en-Ouche, sont probablement issus de la production du Châtel-la-Lune, comme au manoir de La Puthenaye (fragments déposés), sur le colombier du manoir du Val (épi déposé – Ill. 9), sur l’église du Fidelaire (épi en place – Ill. 11) ou sur une habitation près d’Ambenay (épi en place – Ill. 10) La production au Châtel-la-Lune d’ustensiles domestiques rustiques comme les faisselles, bassinoires, pots, vases, gourdes, cruches, encriers etc. est très populaire, variée et peu coûteuse. Mais les potiers produisent aussi des

Ill. 17 : croquis du Chanoine Porée (Cl. P. Douais) Ill. 18 : étude graphique du CRMH (Document Centre de Recherches Monuments Historiques) Ill. 19 : château de Saint Aubin-sur-Risle + détails (Cl. P. Douais) 20

Ill. 20 : croquis du Chanoine Porée (Cl. P. Douais)

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dans l’oubli. Aucun four, atelier ou toponyme ne rappelle l’activité céramiste de cette ancienne paroisse. Seuls des tessons colorés, disséminés dans la terre des jardins, témoignent de ce passé artisanal prestigieux. Grâce aux musées et aux archives, il est possible de mesurer la richesse de ce petit patrimoine rural.

21 Ill. 21 : Soupière Châtel-la-Lune, 1858, signée Isidore Lefebvre, La Hermeraye Musée national de la céramique de Sèvres MNC 10299-3 (Cl. P. Douais)

céramiques décoratives, raffinées et parfois artistiques. C’est le cas d’une petite soupière de 1858, signée Isidore Lefebvre, de couleur verte avec de larges jaspures jaunes (Ill. 21). Sur son corps on lit M.E. Dehail et de l’autre côté La Hermeraie, 14 mars 1858 fque I. Lefebvre. Sur le couvercle se trouvent l’inscription MED et une poire sur sa branche avec des feuilles. Notons également une paire de porte-bouquets datée de 1835 et réalisée par Rémy Boismard (Ill. 12 et 13). Un petit pichet brun (4e de couverture), un petit pot marron avec son couvercle (Ill. 14) et un pot de fleurs jaune (Ill. 15) portent la mention CHATEL-LA-LUNE 1881 et sont signés Lefebvre fcant. Le Musée des Traditions et Arts normands du château de Martainville (76) possède une soupière dont la photographie est publiée en 1970 dans la revue des Nouvelles de l’Eure (n° 39-40). Elle est décrite comme suit par Henry Quevilly : d’émail jaune verdâtre sur le corps de laquelle on voit d’un côté un rosier et de l’autre une branche de poirier. Sur le couvercle, on admire des oiseaux mangeant des grappes de raisin et un abricot au sommet avec la date de 1838 ; cette pièce est attribuée à Rémy Boismard (Ill. 22).

Ill. 22 Soupière Châtel-la-Lune, 1838. Coll. Musée des Traditions et Arts normands (99.113.1)

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Aujourd’hui, le château fort, l’église paroissiale de Châtel-la-Lune ainsi que le prieuré de Grammont ont totalement disparu. Le seul vestige du prestigieux passé de ce hameau est l’ancien presbytère. Le charme de son environnement est néanmoins resté intact. Le centre potier du Châtel-la-Lune est localement tombé

Le Musée des Traditions et Arts Normands propose, du 7 avril 2012 au 7 janvier 2013, une exposition retraçant l’histoire de la production de céramique en Haute-Normandie aux xviiie siècle et xixe siècles. De nombreuses pièces fabriquées au Châtel-la-Lune y sont exposées. En collaborant à cette manifestation de Martainville et en proposant de publier ces quelques lignes dans ce bulletin, nous sommes heureux d’avoir remis à l’honneur le magnifique travail des potiers de notre village. Nos remerciements à - Mélanie Dassonville, musée municipal de Bernay - Mylène Doré, musée régional de Martainville - Jean-Paul Gamelin, Noyer-en-Ouche - Christel Guillot, musée des Monuments Historiques de Paris - Claude Lemaitre, Lisieux - Marielle Pic, musée national de Sèvres - Christian Ravinel, Beaumesnil - Bernard Zighem-Garoche, Noyer-en-Ouche Sources - Béatrice Pannequin, Poteries vernissées, Ed. Bonneton - Henri Quevilly, Notes sur la poterie du Châtella-Lune, AD27 - Revue Nouvelles de l’Eure n° 39/40, hiver 1970, p. 48

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Actualités

Quelques chroniques officielles et la comptabilité le mentionnent occasionnellement. Plus les époques sont récentes, plus la documentation s’enrichit, allant des archives des Ponts-etChaussées à des procédures judiciaires. Nous savons ainsi qu’il fut démantelé par ordre de Louis XIII avant de voir ses terrains définitivement ? abandonnés à un couvent. Définitivement  Peut-être pas car la Révolution française en fit un Bien national qu’on vendit par lots. Enfin, les quelques descriptions laissées par les érudits des xixe – xxe siècles, qui ont connu les derniers vestiges, viennent compléter le tout. Astrid Lemoine est bien connue des Vernoliens. Docteur en histoire médiévale, travaillant depuis de nombreuses années sur Verneuil et sa région, elle nous fait découvrir le résultat de ses recherches sur le château de Verneuil. Sa quête historique la mène également sur l’étude des bâtiments médiévaux et de l’évolution urbaine au Moyen Âge. Les céramiques de Châtel-la-Lune sont à voir jusqu’au 7 janvier 2013 au Musée des traditions et arts normands, Château de Martainville RN 31 (dir. Beauvais) Martainville-Epreville Tél. : 02 35 23 44 70

Site Internet : www.chateaudemartainville.fr

- Format A5 sous couverture brillante pelliculée ; - 32 pages en quadrichromie - Nombreux plans et photos. - Prix de vente : 7D (+ 2,40G pour affranchissement jusqu’à deux exemplaires) - Paiement par chèque à l’ordre de  : Pierre Durand – 37, rue des moutons – 27130 Verneuil-sur-Avre.

Vient de paraître… Le château de Verneuil est encore de nos jours une grande inconnue de l’architecture médiévale. Il faut dire que très peu de vestiges subsistent et que la Tour Grise, due à Philippe-Auguste, ne peut à elle seule rendre compte de son importance ni de son implantation topographique générale. Par ailleurs, à la différence de nombreux autres châteaux, nous ne conservons pas de représentation iconographique, pas même une vue romantique, à laquelle nous référer. Pour autant, ce château n’est pas totalement méconnu des historiens. Nous savons par exemple qu’il ne possédait pas moins de trois grosses tours édifiées à diverses époques : le donjon normand, seul à l’origine, fut encadré successivement de la Tour Grise au nord et de la Tour Blanche au sud. À la fin du Moyen Âge, le château couvrait une très vaste superficie englobant également l’église Saint-Laurent.

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« coup de chapeau » a saint-pierre-de-salerne

Restauration exemplaire d’un ombellino de procession Texte de Virginie Michelland, clichés P. Roussel

Ce coup de chapeau ne s’adresse pas cette fois à une commune du canton de Brionne, mais à quelques personnes de Saint-Pierre-de-Salerne qui ont mis leurs efforts en commun pour sauver de la ruine définitive un rare ombellino de procession.

Il est sauvé ! L’AMSE adresse ici ses vives félicitations à Mme Marescal, maire de Saint-Pierrede-Salerne, pour la restauration de l’ombellino de son église. L’objet avait été découvert en 2006, par quelques membres de l’AMSE, lors d’une visite de l’édifice et de sa sacristie. Pour ne rien négliger dans leur prospection, même s’ils ne cherchaient pas encore à inventorier tous les tissus anciens, ils avaient mis au jour cet objet de culte, qui dormait depuis de nombreuses années en haut d’une armoire. Utilisé lors des processions, « en signe de révérence pour abriter le Saint-Sacrement1 », l’ombellino est un objet aujourd’hui très rare. Celui de l’église de Saint-Pierre-de-Salerne est même à ce jour le seul que nous connaissions dans le département. En soie écrue, il est orné de motifs floraux d’une grande finesse. Sa hampe en bois, qui peut se plier en deux pour un rangement plus facile, est aussi d’une qualité remarquable. En 2006, il était en assez bon état, malgré sa fragilité. Cinq ans plus tard, Pierre et Renée Roussel retournaient dans la sacristie pour inventorier les tissus anciens en vue de les exposer pour Confluence 2011 « Entre Vièvre et Lieuvin ». Au milieu de toutes les merveilles contenues dans la pièce, notamment les draps mortuaires somptueusement brodés et toujours utilisés, l’ombellino était bien sûr présent. Malheureusement, en dépit de bonnes conditions de conservation, l’objet portait maintenant la trace des outrages du temps. L’usure de 1. – Thesaurus, objets religieux du culte catholique, Caisse nationale des Monuments Historiques et des Sites, Editions du Patrimoine, Paris, 1999.

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la soie était visible à de multiples endroits, en particulier au niveau des pliures. C’est à peine si les chercheurs osaient le manipuler, tant ses craquements semblaient de mauvais augure. A chaque contact, les gémissements d’un malheureux blessé n’auraient pas fait plus mal au cœur de Pierre et Renée Roussel. Ils l’ont présenté aux visiteurs de Confluence, mais sans le déployer pour ne pas aggraver la situation, complétant l’observation directe par un grand nombre de photographies. L’exposition du précieux et fragile objet au cours de cette manifestation, l’intérêt manifeste qui lui a été porté ont décidé Mme Marescal à entreprendre la restauration nécessaire pour sauver l’ombellino d’une mort certaine. L’objet a été entièrement démonté. Un premier devis avait évalué à 1 500 euros le tissu nécessaire, une somme bien trop élevée pour la petite commune. De passage à Brionne, Isabelle Bédat, restauratrice de tissus anciens, a alors conseillé à Mme Marescal de s’adresser à une entreprise parisienne spécialisée dans les tissus d’ameublement, Vérasetas. Par l’intermédiaire d’un habitant de la commune, Bertrand L’Herminier, décorateur de cinéma, Mme le maire a pu obtenir pour 430 euros de la soie de qualité, ornée elle aussi de motifs floraux et d’une couleur assez proche de celle d’origine. Mme Marescal n’a pas hésité à financer personnellement la restauration de l’ombellino, avec l’aide de deux donateurs, dont Mme Dorbeaux, pour un montant de trente euros. Outre sa participation financière, cette dernière a passé le mois de février à confectionner l’ombrelle, non sans quelques nuits blanches, étant donnée


« coup de chapeau » a saint-pierre-de-salerne

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1 – L’ombellino lors de sa découverte en 2006… 2 – L e même en 2011 3 – L e galon et les effilés ont pu être replacés 4–V ue détaillée de la soie d’origine 5 – L e tissu de remplacement a été choisi avec soin pour rappeler, tant dans sa couleur que dans son dessin, le matériau d’origine. Notons également comme les motifs ont été placés avec soin au centre des « quartiers »

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« coup de chapeau » a saint-pierre-de-salerne

la difficulté de l’entreprise. La restauration est une réussite, et son auteur peut se féliciter d’avoir récupéré la doublure, en assez bon état, et les effilés (franges). Patinés par les ans, ceux-ci confèrent à l’ombrelle un cachet ancien. Les motifs floraux ont été habilement recentrés. La comparaison entre l’avant et l’après restauration est représentative de la qualité du travail réalisé. La nouvelle jeunesse de l’objet ressuscité fait tout simplement plaisir à voir. Un seul regret toutefois : il semble difficile de reconstituer son histoire, qui remonte probablement au xixe siècle. Peut-être faudraitil faire appel aux souvenirs des Anciens. En attendant, après avoir été exposé le premier mai, dans l’église, aux regards des habitants de Saint-Pierre-de-Salerne, l’ombellino a rejoint en lieu sûr les superbes draps mortuaires. Et Mme Marescal a poursuivi son œuvre de dépositaire du patrimoine religieux de sa commune en restaurant et en faisant électrifier les lustres en argent, qui ont retrouvé leur place dans la nef. Que tous les acteurs de cette belle opération soient remerciés pour avoir permis à ce rare témoignage d’un savoir-faire et d’une tradition oubliés de perdurer encore longtemps.

En haut : l ’état satisfaisant de la doublure en coton a permis de la conserver et de la replacer. Ci-dessus : l’état de détérioration de 2011 aura eu l’avantage de permettre d’observer la fixation de la doublure et le mécanisme d’ouverture et d’articulation de l’ensemble. A droite : d étail de la hampe, mettant en relief sa grande qualité, tant en ce qui concerne le bois utilisé que pour ce qui est de sa réalisation.

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« coup de chapeau » a berville-sur-mer et conteville

Quand sculpture et tableau oubliés renaissent

par Claude Salmon, délégué du canton

Deux communes du canton de Beuzeville viennent d’apporter leur contribution à la richesse patrimoniale de notre département en faisant œuvre de restauration. Qu’elles soient ici félicitées et remerciées pour leur action.

Berville-sur-Mer : restauration de la Vierge à l’Enfant Au cours d’une tournée dans quelques églises du canton de Beuzeville avec le président Pierre Roussel, nous avons fait halte à Berville-sur-mer. Mme Gisèle Vistavas, maire adjointe de la commune, nous attendait pour une visite de l’église Saint-Mélain dont la construction du chœur au xiiie siècle fut suivie de celle de la nef au début du xive siècle. Dés notre arrivée, nous avons remarqué la présence à même le sol d’une statue, une Vierge à l’enfant en pierre sculptée et polychrome, présentant de très nombreuses dégradations : buste cassé et tête de l’enfant mal rapportée, ajouts de plâtre visibles à l’intérieur du dos creux, couche polychrome écaillée.. Interrogée sur cette statue, Mme Vistavas nous apprend que c’est au cours d’une inspection des combles au dessus du chœur, rarement effectuée en raison de la hauteur et d’un accès difficile, que trois statues avaient été découvertes. L’une a été descendue, les deux autres, très abîmées, sont restées dans les combles. L’intérêt d’une restauration était évident et nous avons proposé différents contacts pour en faire aboutir le projet : Mme Vermersch, M. Brabant, Mme Valérie Péché se sont succédé, apportant au maire de la commune, Mme Eliane Benoit-Gonin, conseils et moyens de financement pour la restauration de cette statue de Vierge à l’enfant du xvie siècle dont le projet présenté au conseil municipal a été accepté. Après demande de devis à trois restaurateurs, c’est la proposition de Mme Marie-Pierre Fournier, restauratrice d’objets d’art à Darnetal (76), qui a été retenue. La statue a été nettoyée, la couche polychrome refixée, le buste

de la Vierge a été recollé et l’assemblage des deux morceaux consolidé par la pose de goujons. L’intérieur de la statue a été nettoyé et les lacunes gênantes à l’œil ont été retouchées et harmonisées. Après toutes ces opérations, la statue a été reposée dans la niche d’un des autels latéraux et présentée aux fidèles à l’occasion de la fête des marins le 15 août 2010. Le financement de cette restauration, dont le montant s’élève à 2 668 € HT, a été assuré par une subvention du conseil général (1 334 €), la Fondation du patrimoine (50 €), une souscription (135 €) et le budget communal (699 €). Conteville : restauration d’un tableau Le samedi 18 mars 2011, le Père Jean-Pierre Crémonesi, curé de la paroisse Estuaire Pays d’Auge, est venu à Conteville bénir le tableau Le don du Rosaire à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne qui, après restauration, avait été replacé au centre du retable du maître-autel de l’église Saint-Maclou. Le mystère entoure toujours l’histoire de ce tableau qu’aucun habitant de notre époque, pas même une presque centenaire, n’a jamais vu à la place qu’il aurait occupée jadis. C’est en 1989 que la toile fut découverte par le père Coignard, curé de Conteville, dans le grenier du presbytère (xviiie siècle) et déposée au conservatoire départemental du patrimoine à Evreux. Cette toile de 2,50 m sur 1,37 m représentant Le don du Rosaire à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne, reconnue du xviie siècle et pourtant tombée dans l’oubli, a fait l’objet en 2005 d’une première opération de sauvegarde

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« coup de chapeau » a berville-sur-mer et conteville

Berville-sur-Mer – Vierge à l’Enfant avant restauration (Cl. P. Roussel) et après (Cl. C. Salmon). La restauratrice, M Fournier, a retrouvé, sous les peintures du xixe siècle, des couleurs plus anciennes qu’elle a restituées. me

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financée par le conseil général avant d’être stockée dans les dépôts départementaux. Cette opération réalisée par l’atelier Jaillette, d’un coût de 4 550,02 € TTC, a permis le rentoilage sur le châssis d’origine et un rajout de toile en partie supérieure. Vingt ans après la découverte, en mai 2009, Valérie Péché, responsable de la Conservation départementale du patrimoine signale, au cours d’une visite à Conteville, que le service du conseil général, qui assure depuis 1974 la gestion et la conservation de 144 objets mobiliers de propriété publique, a décidé de procéder au retour progressif de toutes ces œuvres dans les communes concernées. Sans tarder, sur les conseils de Valérie Péché, la toile revient à Conteville et pour le conseil municipal il est évident qu’il faut terminer la restauration avant que le tableau ne retrouve sa place légitime dans le retable du maître-autel. En septembre 2009, la municipalité accepte la proposition du maire, Martine Lecerf, de faire restaurer la couche picturale par l’atelier Beaumont pour un montant de 3 600 € HT, subventionné à 50 % par le conseil général, et ajoute une autre proposition pour refaire les peintures du chœur, du maître autel et des deux autels

secondaires afin que la remise en place du tableau puisse être effectuée dans un chœur rénové. L’ensemble des travaux de restauration représente un coût de 20 000 € financé par une subvention du conseil général de 5 375 €, le solde, soit 14 625 €, restant à la charge de la commune. Que ce soit à Berville-sur-mer ou à Conteville, la réussite des opérations de sauvegarde du patrimoine repose sur la volonté des élus de la commune et les liens entretenus avec la responsable de la Conservation départementale du patrimoine, Valérie Péché. Que ces deux communes soient ici félicitées et remerciées pour leur action.


« coup de chapeau » a berville-sur-mer et conteville

Intérieur de l’église de Conteville : le Don du Rosaire à saint Dominique et sainte Catherine de Sienne, tableau du retable principal, a repris sa place après restauration (Cl. S. Grente)

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patrimoine funéraire

Les cimetières aussi

sont un lieu de patrimoine ! par Pierre Roussel

Lors d’une session mensuelle des « Ateliers du patrimoine » organisés par France Poulain, architecte des Bâtiments de France et responsable du STAP1 une discussion a eu lieu autour de la distribution d’une fiche de travail « Les églises et leurs cimetières ». Ce sujet est récurrent au sein de l’AMSE : depuis plusieurs années, il passe et rien ne se passe ! Voilà pourtant un centre d’intérêt patrimonial majeur, qui est l’objet de par sa fonction d’une transformation constante, et qui n’appelle pas d’observations alors que… Les équipes municipales font leur travail ; les cimetières sont de plus en plus soumis à la réglementation et aux enquêtes à des fins de relèvement. La place manque, le développement de la crémation entraîne la création de « jardins du souvenir » et l’installation de columbariums. Tout cela est normal et légitime, mais mon propos est d’attirer l’attention sur quelques points qui méritent réflexion.

Le cimetière1 Dans l’Eure, nous avons la chance de posséder encore cette organisation spatiale qui fait le charme de nos villages : l’église au centre, dans la grande majorité des cas entourée de son cimetière, avec son if multicentenaire et son mur de clôture, souvent datant du xvie siècle ou du xviie siècle, parfois couvert de son « chapeau de gendarme », constitué d’un échiquier de pierre et silex, ou encore en silex et harpage de brique. Sachons préserver cette image. Si la nécessité oblige à un cimetière excentré, il faut conserver autour de l’église son caractère de lieu de repos paysagé ; il est dommageable, comme on le voit parfois, d’installer un parking bitumé ou de faire un rondpoint. Une pelouse entretenue remplaçant les tombes cassées et oubliées est parfois un lieu de mémoire qui nous interpelle, sans connotation confessionnelle, à l’instar de l’église, racine du village. L’aménagement du cimetière doit donc être l’objet d’un plan et d’une vision concertée. l’église et le cimetière de cesseville

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1. Service Territorial de l’Architecture et du Patrimoine.


Patrimoine funéraire

Les tombes Il est affligeant de voir des tombes cassées, abandonnées, en complète déshérence ; elles n’appellent qu’un relèvement ; mais il est absolument indispensable d’être vigilant à la valeur patrimoniale de celles qui sont des œuvres d’art et méritent d’être conservées et entretenues, soit pour leur originalité, soit du fait de la personnalité qui y repose. Certains départements sont en avance sur ce sujet ; je citerai l’exemple du Calvados, sous la houlette de Mme Luchaire, déléguée de la SPPEF2 pour ce département, qui déploie une énergie remarquable. Décors en pierre sculptée et chapelles fermées Ils datent souvent des xviiie ou xixe siècles, et il convient d’être vigilant quant à leur état. Si une descendance existe, il serait bon d’aborder avec diplomatie le sujet de l’entretien et de la restauration, pourquoi pas avec des aides du type « Fondation du Patrimoine » Croix et encadrement en fer ou fonte Voilà un sujet majeur qu’il faut absolument prendre en considération. Ces tombes sont de plus en plus souvent pillées, le métal récupéré et revendu au poids. Ces décors, l’immense variété des thèmes abordés devraient, à mon humble avis, faire l’objet d’une étude, tâche il est vrai immense mais passionnante; qui relèverait du travail d’une équipe structurée.

Unis jusque dans la mort… Les tombes des « amoureux » à Theillement

Inscriptions Leur disparition à cause de la vétusté est regrettée par les chercheurs car ces inscriptions sont source de renseignements. Certaines municipalités déposent les pierres tombales tombées en déshérence contre un mur pour les laisser visibles. Cela est fort judicieux mais, à l’ère du numérique, un inventaire photographique serait un complément réalisable par des bénévoles. Jardin du souvenir et columbarium Il convient de réfléchir à leur emplacement. Certaines municipalités soucieuses ont créé 2. Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France

Tombe de prêtre

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patrimoine funéraire

1

2

3

4 5

1 – Tombe de l’abbé Heurteux (1793-1854) 2 – Statue de M. Sarlat, 1890, par Bonnet 3 – En Pays de Lyons, monument à la mémoire d’Alphonsine, une jeune défunte 4 – Tombe et gisant du Dr Guindey 5 – Belle croix en fonte 6 – L’aventurier s’est arrêté dans l’Eure pour son dernier voyage

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6


Patrimoine funéraire

de véritables espaces paysagers, alors que d’autres choisissent des lieux plus contestables, trop proches du mur de l’église qui s’en trouve défigurée. Lorsque l’édifice fait l’objet d’une mesure de protection, il est indispensable que le projet soit soumis à l’aval

de l’autorité de référence. Conclusion Le sujet est immense, mais abordable. Il n’est pas nécessaire d’avoir de compétences particulières si l’on est un bénévole intéressé. Aussi je lance un appel à toute bonne volonté prête à apporter sa contribution, aussi modeste soitelle, à la connaissance et la préservation de ce patrimoine si particulier.

Bibliographie La sculpture du xixe siècle dans l’Eure – de 1820 à 1914 – Serge Aubé et Nicole ZapataAubé – Musée de Bernay. 1987.

1

3a

2

1 et 2 - Cossue ou beaucoup plus modeste, deux tombes d’un même cimetière qui témoignent du fait que toute cette zone fut marquée par une importante activité métallurgique

4

3b

3a et 3b - Détails du monument à la mémoire d’Alphonsine 4 - Tombe d’un pompier

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Canton de MONTFORT-SUR-RISLE Canton de MONTFORT-SUR-RISLE

Saint-Philbert-sur-Risle De la Collégiale Saint-Philbert au Prieuré Saint-Pierre Par Nicolas Wasylyszyn

Le site du prieuré Saint-Pierre à Saint-Philbert-sur-Risle a été le théâtre d’opérations archéologiques entre 1988 et 1994. Ces fouilles ont d’abord été conduites par Mme Claude Gille de 1988 jusqu’à sa disparition en 1989. Les recherches reprirent dès 1990 sous la direction d’Isabelle Cartron avec les bénévoles de l’association Rencontres du Prieuré. A l’issue de ces travaux une abside romane probablement du xie siècle fut partiellement mise au jour à l’intérieur du chœur du xve siècle. Devant l’intérêt de ces premières recherches, il fut décidé en 1993 d’étendre la fouille à l’ensemble du chœur et particulièrement sur l’abside romane qui a été entièrement dégagée. Trois grandes phases d’occupations religieuses allant du xie siècle au xviiie siècle ont ainsi été mises en évidence. Par ailleurs, un sondage effectué au nord de l’église a permis la découverte d’un édifice pouvant être un bâtiment conventuel situé dans le prolongement du bras nord du transept. La première église de Saint-Philbert (XIe-XIIIe siècles). La première mention de l’église de SaintPhilbert connue dans les textes date de 1076, dans une charte souscrite par Hugues seigneur de Montfort1. Un autre texte de 1097 cité par le Chanoine Porée dans son ouvrage Histoire de l’Abbaye du Bec2 rapporte que l’église de Saint-Philbert était alors desservie par des clercs prébendés au nombre de huit. Avant la donation par les seigneurs de Montfort de l’église de Saint-Philbert à l’abbaye du Bec, à partir de 1097, cet édifice cultuel était donc desservi par ce que le texte nomme des clercs prébendés, c’est-à-dire en fait des chanoines séculiers. Cette information est un élément important pour l’histoire des origines du prieuré SaintPierre car elle sous-entend la préexistence d’une église collégiale Saint-Philbert. En revanche, le texte reste muet quant à la date d’installation de cette communauté. Ces fondations de communautés de religieux séculiers (par opposition aux moines ou chanoines réguliers – qui suivent une règle – ) 1- Bibliothèque Nationale ms lat.13905. 2- Chanoine André Porée, Histoire de l’Abbaye du Bec, tome I, Evreux, 1901.

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sont le fait de familles aristocratiques installées sur le lieu ou à proximité. Nous en connaissons quelques exemples en Normandie : La FertéSaint-Samson dans le Pays de Bray, Saint-Martin-de-Boscherville non loin de Rouen, Auffay dans le Pays de Caux et Beaumont-le-Roger dans la vallée de la Risle. Ces chapitres de chanoines ont été remplacés dès la fin du xie siècle ou le début du xiie siècle par des communautés monastiques : abbayes ou prieurés3. Ce fut le cas à Saint-Philbert où en 1097 Hugues III de Montfort fit don des prébendes canoniales à l’abbaye du Bec qui transforma, avant 1112, l’ancienne collégiale en prieuré4. On peut penser que l’abside mise au jour en 1993 fait partie de l’édifice mentionné dans l’acte de 1076. En effet, l’étude comparative de l’appareillage du mur découvert permet d’avancer une datation du xie siècle. Il s’agit d’une maçonnerie en silex bruts, enduite de mortier de chaux et raidie par trois contreforts plats dont un situé dans l’axe (Ill. 1). Cette abside ressemble à celles de 3.- Lucien Musset, « Recherches sur les communautés de clercs séculiers en Normandie au xie siècle », dans Bulletin de la société des Antiquaires de Normandie, Tome 55 (1959-1960), Caen, 1961. 4.- Chanoine André Porée, Histoire de l’abbaye du Bec, tome I, Evreux, 1901.


Canton de MONTFORT-SUR-RISLE

plusieurs édifices tels que la chapelle Saint-Lambert-de-Malassis à Fontaine-la-Soret (Canton de Beaumont-le-Roger), l’église paroissiale de Venables (Canton des Andelys) ou encore la collégiale Saint-Georges à Saint-Martin-de-Boscherville (76), datées elles aussi du xie siècle5. D’autre part, les niveaux de construction de cet édifice ont livré un denier normand contemporain de la fin du règne de Robert le Magnifique6, confirmant ainsi cette datation. Par ailleurs, lors de travaux de restauration réalisés sur les peintures murales de l’édifice, il s’est avéré que les maçonneries en silex du mur sud de la nef, similaires en tout point à celles de l’abside, appartenaient également à l’église primitive. Sur cette nef, des baies et une porte surmontées d’arcs en plein cintre ont été redécouvertes lors de ces travaux. Cette église du xie siècle possédait sans doute une double vocation : paroissiale et canoniale jusqu’en 1097 puis prieurale à partir du dé5.- Jacques Le Maho, Nicolas Wasylyszyn, Saint-Georges de Boscherville, 2 000 ans d’Histoire, Rouen, 1998. 6.- Vers 1035 ; identification Jens Christien Moesgaard, Cabinet Royal des Médailles du Danemark

but du xiie siècle, lors de son attribution aux moines du Bec-Hellouin, tout en conservant sa fonction pastorale. Reconstruction partielle de l’église au xiie siècle. La fouille a montré que le chœur roman a été reconstruit au début du xiiie siècle. Les fragments de poteries à pâte blanche, aux lèvres en bandeaux assez hauts, retrouvées dans les couches de destruction de l’édifice primitif, sont comparables à celles découvertes dans les niveaux de la fin du xiie siècle et du début du xiiie siècle de l’abbaye Saint-Georges à SaintMartin-de-Boscherville.

Ill. 1 – Abside du xie siècle découverte lors des fouilles réalisées en 1993.

La découverte de fondations et de deux gros piliers de retombées de voûtes du chœur a permis de mettre en évidence l’existence de cette seconde phase du chœur. Celui-ci se terminait par un chevet plat, de même plan que celui aujourd’hui en élévation. A l’extérieur, un sondage ouvert contre le mur nord du chœur actuel a mis au jour la base de l’élévation de ce mur, maçonné en pierres calcaires de taille chanfreinées liées au mortier.

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Canton de MONTFORT-SUR-RISLE

Édification d’un bâtiment conventuel. Lors de l’intervention archéologique de 1993-1994, un sondage de huit m² a été réalisé au nord de l’église. Il se situait à vingt mètres de l’édifice dans le prolongement du mur oriental du bras nord du transept. Ce sondage a été choisi en raison de sa position par rapport à l’église, des micro reliefs observés et de l’assèchement plus important de la végétation en période estivale sur ce terrain. La fouille a mis au jour un mur d’un mètre de large, maçonné en pierre de taille calcaire de moyen appareil, raidi par des contreforts (Ill. 3). Ces maçonneries ressemblent à celles de la tour clocher et des éléments encore existants du bras nord du transept. On peut donc penser que ce mur est contemporain des constructions du début du xiii e siècle. Néanmoins, il faut rester prudent car les niveaux de construction de cette structure n’ont pas été fouillés. En revanche, nous pouvons dire que cette maçonnerie appartient au mur oriental d’un bâtiment, probablement conventuel, qui prolongeait au nord le bras septentrional du transept. On retrouve souvent cette disposition d’un bâtiment perpendiculaire à l’église dans nombre de prieurés conventuels tels que Notre-Dame de Saulseuse à Tilly (Canton d’Ecos) ou encore Notre-Dame du Désert aux Baux-de-Breteuil (Canton de Breteuil-sur-Iton).

Ill. 2 – Chapiteaux du xiii e siècle de l’ancien bras nord du transept. Ill. 3 - Mur oriental d’un bâtiment conventuel qui se trouvait dans le prolongement du bras nord du transept de l’église.

Le bras nord du transept et la tour encore en élévation semblent être également du xiiie siècle, comme le montrent les chapiteaux à crochets qui supportent les voûtes de la croisée du transept (Ill. 2). Dans la nef, le mur sud du xie siècle a été conservé tandis que les murs nord et ouest ont été refaits au xviie siècle ou au xviiie siècle. Cet édifice garda une double fonction paroissiale et prieurale jusqu’au xve siècle. Il faut également remarquer que le niveau de sol a été remonté de près d’un mètre lors de cette reconstruction partielle de l’église au xiiie siècle. On peut se demander si cela n’a pas été réalisé pour éviter les inondations de l’édifice. Lors de la fouille, les niveaux d’occupations des xie siècle et xiie siècle ont été inondés à plusieurs reprises aux mois de décembre 1993 et janvier 1994.

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Les couches de démolition de ce bâtiment conventuel ont livré un abondant mobilier archéologique, notamment des jetons des xv e siècle – xvi e siècle et de la céramique du xvi e siècle ou légèrement postérieure, notamment des grès de Savignies (Beauvaisis). Cet édifice semble donc avoir été détruit vers la fin du xvi e siècle ou au début du xvii e siècle, peut-être suite aux troubles des guerres de religion. Il est fait notamment état d’un siège du prieuré de Saint-Philbert en 1562 par les Huguenots qui auraient tiré des coups de canon sur la façade nord de l’église. Or il est intéressant de remarquer que cette partie de l’église fut réédifiée au début du xvii e siècle. On peut donc émettre l’hypothèse que ce bâtiment conventuel fut fortement endommagé lors de cet épisode et qu’il fut détruit quelques années plus tard.


Canton de MONTFORT-SUR-RISLE

Séparation de l’église en deux édifices (xve siècle – xviiie siècle). Le xve siècle est un tournant important dans l’évolution de l’église de Saint-Philbert. C’est à cette époque que le second état du chœur est détruit. La couche de démolition fouillée à l’extérieur au nord de la chapelle a livré un lot intéressant de tessons de céramiques à glaçures vertes. Ce type de poterie est fréquent à la fin du Moyen-Age. C’est également au xve siècle que fut édifiée la chapelle de style gothique flamboyant encore en élévation ainsi que le mur séparant l’église paroissiale et l’édifice cultuel attribué aux moines à l’emplacement de l’ancien chœur (Ill. 5). Les fouilles ont permis de retrouver deux niveaux d’occupation successifs de ce bâtiment. Le plus ancien était constitué d’un sol de carreaux de terre cuite glaçurés. Ce carrelage comportait des décors d’oiseaux et de fleurs de lys, fréquents à la fin du Moyen-Age. Il s’agit du premier sol de la chapelle et date donc certainement du xve siècle. On peut penser que ce carrelage a été utilisé pendant une période assez longue, on a en effet relevé une usure importante des carreaux. Ce premier sol n’a dû être remplacé qu’entre la fin du xvie siècle et la première moitié du xviie siècle. Un mortier de pose d’un second pavage a été mis au jour au dessus du précédent. De la céramique moderne et notamment des grès de Savignies (Beauvaisis) de la fin du xvie siècle et du début du xviie siècle ont été retrouvés dans cette couche. Aucun carreau n’a été retrouvé en place. En revanche, des fragments de pavés glaçurés ont été découverts dans les remblais de nivellement étalés au xixe siècle à l’intérieur de la chapelle. Il s’agit d’un carrelage en terre cuite à glaçure verte ou jaune qui appartenait vraisemblablement au second sol de la chapelle prieurale. Quatre sépultures d’adultes ont percé le second sol de cette chapelle (Ill. 6). Les squelettes étaient disposés dans des cercueils de bois révélés par les traces des planches et les clous de coffrage. Le remblai des fosses a fourni des tessons de poteries à glaçure marron et des grès de Savignies de la fin du xvie siècle et du xviie siècle. On n’a pas d’élément sur l’identité des personnages enterrés. Cependant, la découverte dans une des sépultures de fragments d’habits avec des fils d’or permet d’avancer l’hypothèse de personnages importants et riches : prieurs ou bienfaiteurs.

Il y a tout lieu de penser que la chapelle prieurale a été occupée comme lieu de culte jusqu’à la suppression du prieuré en 1791. Elle fut ensuite reconvertie en bâtiment agricole au xixe siècle. NDLR : Nicolas Wasylyszyn est archéologue, membre associé du Centre de Recherches Archéologiques et Historiques Anciennes et Médiévales UMR 6273 (CNRS, Université de Caen Basse-Normandie).

Ill. 4 – En haut, la reconstitution de l’emprise au sol du bâtiment conventuel qui se trouvait dans le prolongement du bras nord du transept. Ill. 5 – En dessous, chapelle du xve siècle édifiée dans le prolongement de l’église à l’emplacement de l’ancien chœur de l’église.

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Canton de MONTFORT-SUR-RISLE

Ill. 6 – Intérieur de la chapelle. On remarque sur cette photographie les traces de carrelage en carreaux de terre cuite ainsi que les sépultures qui ont repercé ce sol.

Ill. 7 – Relevés de trois sépultures découvertes dans la chapelle prieurale. Ces inhumations datent du xvie siècle selon la chronologie relative et le mobilier découvert. Il s’agit de sépultures en cercueil de bois. Des clous ont été découverts et des traces de bois ont été observées (Relevé Michel Fouache).

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62 162,75 5 066,28 67 229,03

1 568,58 8 480,37

Total des charges exceptionnelles Résultat exceptionnel

Total des charges Excédent de l'exercice TOTAL GENERAL

551,13 1 017,45 0,00

Charges exceptionnelles s/ op gestion Dotation amortissements dérogatoires Engagements à réaliser

Charges exceptionnelles

Résultat financier

626,12

60 594,17 -4 040,21

Total des charges d'exploitation Résultat d'exploitation

Charges financières

2 418,32 2,97 4 140,21

1 584,42 0,00 0,00

68 371,53 2 410,01 70 781,54

5 811,61 -1 760,58

1 750,00 1 593,49 2 468,12

820,26

62 559,92 3 350,33

607,48 13 372,74 2 213,42 5 435,31 8 468,81 4 845,02 790,65 0,00

18 698,79 1 566,20

2 010

379,14 13 973,69 2 637,02 3 820,26 11 014,33 7 150,84 708,80 1 045,30

16 522,61 1 757,76

2 011

Autres achats et charges externes Frais de local Frais pour activités Frais distribution bulletins Petit matériel et consommables Frais de gestion Frais de déplacements Documentation Formation Hébergement Salaires et traitements Charges sociales Dotations d'exploitation sur amort. Autres charges Frais Livre Vasseur

Achats bulletins Achats livres

CHARGES Charges d'exploitation

67 229,03 67 229,03

TOTAL GENERAL

10 048,95

5 868,16 210,00 1 502,67 2 468,12

626,12

56 553,96

4 500,00 10 313,80 0,00

4 500,00 11 263,00 0,00

70 781,54

70 781,54

4 051,03

220,00 1 750,00 2 081,03

820,26

65 910,25

0,02 1 500,00 2 000,00

1 970,00 1 428,48 5 988,20 13 288,00 12 445,00

12 476,75

2 010

2 970,50 1 339,91 671,75 13 553,00 9 789,00

12 466,80

2 011

Total des produits

Total des produits exceptionnels

Dons Produits exceptionnels s/ op gestion Reprise amortissements dérogatoires Reprise engagements à réaliser

Produits exceptionnels

Produits financiers

Total des produits d'exploitation

Autres produits DRAC Fonds Parlementaire

Ventes brochure confluence Ventes diverses (brochures commune) Souscription ouvrage "Vasseur" Cotisations adhérents Participations adhérents aux activités Participations adhérents aux formations Subvention d'exploitation Conseil Général Communes Crédit Agricole Normandie Seine

Ventes de bulletins

PRODUITS Produits d'exploitation

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2011

Rapport financier Compte de résultat 2011

47


48

35 849,83 862,27 2 069,59 238,19 200,33 47 365,72 56 121,85

Valeurs mobilières de placement CANS Disponibilités CANS Disponibilités LBP Disponibilités caisse Charges constatées d'avance (3) Total actif circulant

TOTAL GENERAL

210,00

307,68

7 627,83

Actif Circulant Stocks

Adhérents Partenaires Subventions à recevoir

8 756,13 0,00 8 756,13

Brut

ACTIF Actif immobilisé Matériel de bureau et d'informatique Acquisitions documents historiques Total actif immobilisé

AMSE

307,68 0,00 210,00

7 627,83

2 426,98 0,00 2 426,98

Net

280,00 184,88 1 500,00

8 355,34

2 911,45 0,00 2 911,45

Net

2 010

6 329,15 49 792,70 57 828,90

35 849,83 41 544,73 862,27 0,00 2 069,59 2 488,92 238,19 251,89 200,33 311,69 0,00 47 365,72 54 917,45

6 329,15

6 329,15

2 011 Amortissem . Provisions

BILAN

42,65 5 089,89 250, 00

Dettes Emprunts et dettes rattachées Dettes fournisseurs et comptes rattachés Créditeurs divers

5 434, 54 49 792,70

Total des dettes TOTAL GENERAL

52,00

44 358,16

Total capitaux propres

Produits constatés d'avance

2 359,00 29 505,90 5 066,28 2 426,98 5 000,00

PASSIF Capitaux Propres Legs & donation avec contrepartie actif Dotation de l'association Résultat de l'exercice Provisions pour amort dérogatoires Fonds dédiés sur subv fonctionnement

2 011

57 828,90

15 583, 68

3 830,37 11 503,31 250, 00

42 245,22

2 359,00 27 095,89 2 410,01 2 912,20 7 468,12

2 010

Assemblée générale 2011

Bilan 2011

Éric Le Villain, trésorier

Christian Chauvin, commissaire aux comptes


e


Pour cette publication, l’AMSE reçoit l’appui financier du Conseil général de l’Eure

7,50 e


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