Apca 13-02-2013 resume apports mo et residus

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Quels leviers et quels outils pour piloter la fertilité organique des sols ? Gestion des résidus de cultures et apports organiques Annie Duparque* et Christophe Barbot** * Agro-Transfert Ressources et Territoires ; ** Chambre d’Agriculture du Bas-Rhin

Le rôle des matières organiques du sol (MOS) vis-à-vis des principales fonctions du sol est central. La complexité des transformations des matières organiques associées à ces fonctions, les pas de temps - long pour le stockage de MOS stables, et donc du carbone qu’elles contiennent, et plus court pour la fourniture d’azote aux cultures - en font un facteur de fertilité du sol délicat à piloter. Ce constat tient également au fait qu’un sol peut être très variable au sein d’une même exploitation agricole, voire d’une même parcelle. Pour apprécier, diagnostiquer et gérer l’état organique d’un sol agricole, pour décider de pratiques d’apports de produits organiques ou de la gestion des résidus de cultures (possibilités d’exportation de pailles, …) et pour adapter ces pratiques aux « besoins » des sols et des cultures à ces différentes échelles de temps, en tenant compte des contraintes de production, les agriculteurs doivent pouvoir s’appuyer sur des méthodes et des outils accessibles, suffisamment faciles à mettre en œuvre, mais aussi référencés dans le contexte de l’exploitation (sol, climat, systèmes de culture). Le premier outil de gestion des matières organiques des sols agricole est le bilan humique. Hénin et Dupuis (1945) en ont proposé une formalisation qui a été très largement utilisée en France pendant plus de cinquante ans. Améliorée en 1990 par une équipe de l’INRA de Laon (Andriulo et al, 1990 ; Saffih et Mary, 2008), la méthode a donné lieu à la création du modèle AMG (du nom de ses auteurs : Andriulo Mary Guérif). Aussi simple que le modèle Hénin&Dupuis, mais prenant en compte un double compartiment de MOS, AMG simule les effets des pratiques culturales sur l’évolution à long terme (15, 30, 50 ans, …) de la teneur et du stock de Carbone organique de sols cultivés dans la plupart des situations sol x climat, en grande culture en France. L’outil informatisé SIMEOS-AMG (http://agtrt.nnx.com/simeos/) intègre le modèle et permet de réaliser ces simulations, de comparer sur leurs effets prévisionnels, les pratiques actuelles et des pratiques alternatives envisageables, et ainsi d’orienter la gestion des apports de matière organique (MO), des résidus de culture ou du type de travail du sol. Les deux indicateurs privilégiés par l’approche quantitative que constitue le calcul d’un bilan humique portent l’un et l’autre sur la quantité totale de matière organique (ou de carbone organique) présente dans la couche de terre prélevée et mesurée par une analyse classique. Ils permettent de suivre l’évolution « lente » de l’état organique, et on y rattache des caractéristiques de fonctionnement du sol qui s’établissent sur une période de plusieurs années. La teneur en MO de la couche arable renvoie aux propriétés et aptitudes physiques du sol, en particulier à sa résistance à la battance et à l’érosion ou encore à sa « travaillabilité ». Le stock de MO du sol (ou le stock de C organique) fait référence à des notions de quantité d’azote organique minéralisable, d’importance de la C.E.C., de capacité de rétention en eau, mais aussi à des préoccupations de séquestration de carbone par le sol et par suite de capacité d’atténuation de bilan de GES. En revanche, cette approche ne permet pas de repérer et de prendre en compte les flux de carbone organique que génère l’activité biologique du sol, et qui influencent le fonctionnement et le comportement du sol sur des pas de temps plus courts (variations interannuelles ou infra annuelles). D’autres approches développent des indicateurs complémentaires, qui pourraient aider à tenir compte de ces effets, s’intéressant aux compartiments les plus « labiles » ou « actifs » des matières organiques du sol. Il faut bien prendre en compte en effet le rôle des « matières organiques transitoires générées par les corps microbiens » alimentés en particulier par des engrais verts jeunes : sur le court terme - c'est-à-dire sur la campagne suivante – elles assurent la cohésion des agrégats et alimentent l’activité biologique, ce qui est particulièrement important dans les sols à faible cohésion structurale (sols limoneux dégradés et sols sableux). Il s’en suit une meilleure minéralisation des MO labiles et humification des MO plus complexes (Monnier, 1963 ; Calvet et al, 2011). Les conditions de sol, physiques et chimiques, qu’exige l’activité des organismes vivants, interviennent sur l’évolution des MO apportées au sol ; le fonctionnement biologique du sol doit pouvoir s’intensifier : les agriculteurs sont demandeurs d’informations et d’outils de diagnostic sur cette activité biologique des sols cultivés.


Plusieurs indicateurs « MO labiles » sont proposés en routine par des laboratoires français (Fractionnement granulométrique des MO par Célesta-Lab et par Labo SAS, méthode BRDA par Y. Hérody), par des équipes anglophones (mesure du POXC, Active Carbone SRC auprès de l’USDA-NRCS, Cornell University NY, DPI Victoria Australie, ... ) et des référentiels agricoles sont en cours d’établissement; mais toutes ces initiatives sont en général isolées les unes des autres…. La généralisation de ces démarches de diagnostic des sols, en particulier biologique, demeure difficile actuellement pour suivre l’effet des pratiques agricoles telles que les apports organiques ou les modifications du travail du sol. Ainsi, des questions restent posées pour arriver à un conseil pertinent : des référentiels en construction existent, mais il manque encore de la concertation et de la formation des conseillers. Nombre d’agronomes restent dans l’embarras pour l’interprétation de ces nouvelles analyses : il est difficile de comparer deux situations si elles ne sont pas observées dans des conditions très proches. Comment alimenter l’aide à la décision et le référentiel de chaque région, s’il n’existe pas de programme agronomique de longue durée partagé inter-régions, du point de vue de l’activité biologique des sols. Un référencement de mesures d’analyses biologiques des sols dans le cadre des petites régions pédoclimatiques bien caractérisées devrait être bâti, balayant les systèmes de cultures et pratiques des agriculteurs. Et comment fédérer les attentes pour un observatoire sérieux centralisant les données qui permettent de raisonner sur des données réelles et incarnées dans le réel agricole ? Un sol tassé (conditions difficiles de récolte des fourrages ou d’épandage) ou hydromorphe, sont des situations qui limitent voire bloquent l’activité biologique favorable à une bonne évolution des MOS (anaérobiose, lent ressuyage périodes pluvieuses/portance/drainage); en absence d’oxygène avec de l’azote minéral, des risques d’émissions de N2O (GES à fort effet réchauffant) existent : il est urgent de développer l’intérêt pour l’observation du sol, de son état physique et de son activité biologique (MO évoluées, vers de terre,…) : on peut utiliser des méthodes simples (profil cultural rapide, test à la bêche Görbing, méthodes du projet SolAB, ) pour détecter des amas de MO non décomposées, des zones de réduction , un labour trop profond ou couché… Dans de nombreux cas, les agriculteurs se préoccupent de l’état organique de leurs sols car les teneurs en MO observées sont faibles et qu’ils manquent de ressources organiques accessibles pour y remédier. Dans d’autres situations,(cas des fermes en excédent structurel d’effluents), il y a parfois des apports massifs et trop fréquents de fumier ou lisier dans des conditions d’épandage mal gérées, qui engendrent de forts risques de tassements. Il peut donc être contre productif de chercher à apporter de grandes quantités d’organique, surtout en peu de temps sur une même parcelle; L’optimisation devrait mener à une gestion concertée des MO d’Elevage à l’échelle de territoires agricoles et favoriser les échanges pailles-fumier entre éleveurs et céréaliers (plutôt fumier composté que lisier), pour plus d’humus et moins de transport d’eau. Pour lisser les effets des matières organiques apportées et limiter les pertes par lixiviation, l’agriculteur doit privilégier une bonne logistique avec des apports réguliers bien raisonnés en quantités modérées : il pourra ainsi soutenir l’activité de décomposition, d’humification et de minéralisation de ses sols cultivés. Un sol sain et fertile est géré de façon durable pour son évolution, notamment pour la formation du complexe argiles-humus, stabilisé par les chaulages le cas échéant et un bilan humique équilibré. Le carbone stocké doit être utile à l'agriculture. References: Andriulo A., B. Mary et J. Guérif. 1999. Agronomie. 19. 365-377 Calvet, R. , C. Chenu et S. Houot. 2011. Les matières organiques des sols. Ed. La France Agricole 350 p. Cornell University, 2009 Cornell soil health assessment training manual., New York State Agricultural Experiment Station, Geneva, New York. Department of Primary Industries, Victoria, AU ; 2010. Quick Reference Guide: Potassium Permanganate Test for Active Carbon. Hénin S. et M. Dupuis. 1945. Annales Agronomiques. 19-29 Monnier, G., 1965. Thèse de docteur ingénieur, 1ère partie, Annales agronomiques, 16(4), 327-400 Saffih-Hdadi K. et B. Mary, 2008. Soil Biology and Biochemistry, 40. 594-607 Stiles Cynthia, et al. 2011. Pacific Islands Area, USDA-NRCS, Honolulu, HI, National Soil Survey Center, USDA-NRCS, Lincoln, NE, Assessing the Accuracy of Permanganate Reactive Carbon Fraction Analysis In High Carbon Content Soils. Weil, R. R., K. R. Islam, et al. 2003. “Estimating active carbon for soil quality assessment: A simplified method for laboratory and field use.” American Journal of Alternative Agriculture 18: 3-17. College of Agriculture & Natural Resources, University of Maryland


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