CREATION DU JUDO AU JAPON I - DESCRIPTION DU PHENOMENE Jigoro Kano (1860-1938) crée le Judo, il ouvre sa salle de Judo (dojo : lieu où l’on étudie la voie) appelé aussi KODOKAN en 1882. La légende dit que les principes du judo trouvent leur origine lors d’un hiver rigoureux, en remarquant que les branches des arbres réagissaient différemment sous le poids de la neige abondante. Alors que les plus grosses cassaient, les plus souples pliaient et se débarrassaient de l’« agresseur ». L’ancêtre du Judo au Japon est le Ju-Jitsu. A l’époque, cette pratique a mauvaise réputation. C’est pour cela que le judo sera créé. Le Ju-Jitsu étant basé sur le surdéveloppement physique, où la force prend le pas sur la technique, elle était considérée comme un facteur déterminant de victoire et de réussite du combat. Jigoro Kano, inventeur du Judo va démontrer que le physique provoque de la lenteur et de la raideur. Il ne va plus falloir lutter contre mais faire avec, principe « ju ».
II - CONTEXTE POLITIQUE - 1868-1912 : L’ère Meiji, c’est la naissance du Japon moderne. Une période d’ouverture et de transformation pour la société japonaise. Après 2 siècles d’isolement relativement imposé par un système féodal, le Japon découvre l’occident qui devient un modèle. La naissance du Japon moderne se fait très rapidement. En quelques décennies, il passe d’un état féodal à un état capitaliste. Le pays connaît une foudroyante modernisation qui entraîne son ouverture au reste du monde. Sous l’ère Meiji, l’empereur interdit désormais le port du sabre et supprime les clans. L’attrait des modes et des usages américains et européens entraîne le Japon dans une volonté de mimétisme et l’éloigne de ses traditions. Les problèmes qui se posent au Japon : 1) Perte d’identité par rapport à cette intrusion d’usages extérieurs séduisants : le but du pays encore une fois étant de s’ouvrir sur le plan de l’esprit et sur le plan international 2) Nécessité de combler un décalage militaire et industriel important Par conséquent, pour un chantier aussi ambitieux, on veut un système d’éducation de qualité capable de former les bâtisseurs et les défenseurs de la patrie. En d’autres termes, les nouveaux objectifs nationaux du Japon de l’ère Meiji s’illustre à travers le slogan : UN PAYS RICHE, UNE ARMEE FORTE. Relation avec le développement du Judo Le judo est présenté par le fondateur comme une éducation physique et morale avant tout. Il répond donc parfaitement à la volonté politique d’engagement national vers la voie du développement. Il s’inclut dans le souci de santé physique et morale.
III - CONTEXTE MILITAIRE Il existe au Japon une tradition des arts martiaux, les « techniques de guerrier » (Bu-Jutsu) dont la figure emblématique est le SAMOURAI (1192 – 1603). Cependant, dans une période de paix retrouvée, les Bu-jutsu (techniques de guerrier) n’ont plus qu’une importance relative. En effet tout le mode regarde dans la même direction : l’ouverture du pays. Page 1 sur 8 Lehman F., Université Rouen, 2016
Parmi ces pratiques, une moins guerrière se développe fin du XXème siècle : Ju-Justsu ou Ju -Jitsu = Ensemble des formes d’affrontement à mains nues + Utilisation de petites armes + techniques de contrôles + attacher son ennemi.
Relation avec le développement du Judo Jigoro Kano étudie tout d’abord le Ju-Jitsu ou « art de la souplesse ». A partir de cette activité, il crée le Judo comme une éducation morale, intellectuelle et physique et répond à la fois : 1) A la nécessité de former un peuple fort capable de relever le défi économique et militaire 2) Au souci de cohésion nationale en perpétuant une tradition à un moment où la mode occidentale jette un trouble dans l’identité culturelle du Japon. ►J. Kano a débarrassé le Ju-Jitsu de toutes techniques dangereuses afin de rendre la pratique martiale acceptable dans le contexte moderne et apaisé du Japon. J. Kano prépare là SON Judo qui a bien pour ancêtre le Ju-Jitsu. On perçoit bien la parfaite imbrication du Judo dans le tissu militaire et politique de l’époque. Issu des techniques des guerriers samouraïs Japonais, J. Kano crée en 1882 une nouvelle méthode de Ju-Jitsu, LE JUDO. IV - HISTOIRE DE KANO – SA PERSONNALITE Naissance le 28 octobre 1860. Education et discipline strictes. Il fait des études brillantes notamment en langues étrangères. Jeune, J. Kano était petit et chétif, tant est si bien que ses camarades se moquaient de lui en permanence. Il était victime de brimades et ne put pratiquer dans sa jeunesse le Ju-Jitsu, du fait de son âge trop jeune et de sa trop petite taille. Il pratique la gymnastique, le base-ball et ce n’est qu’à l’âge de 17 ans qu’il peut se lancer dans la pratique. Il devint plus fort et résistant mais demeurait petit et léger. Alors, il s’est mis à étudier ses camarades, leurs techniques, leurs déplacements afin que chacun puisse gagner quel que soit son gabarit. Il crée alors en 1882, à 22 ans le KODOKAN (« Institut pour l’étude de la voie ») qui est une adaptation du Ju-Jitsu au monde moderne. Sa méthode du Judo Kodokan : un entraînement de l’esprit et du corps Ce qui motive Kano au travers sa propre définition du Judo est : 1) Le renforcement du corps 2) Une préoccupation éducative 3) Forger des caractères aptes à aider la patrie : patriotisme 3 objectifs de Kano vus au travers sa pratique du Judo : 1) Préserver l’identité des méthodes classiques du combat (culture des arts martiaux) 2) Eviter les dangers du combat 3) Définir les règles d’un affrontement éducatif Pour cela : 1) Perfectionner les façons de tomber (non traumatisantes) = Les ukémis 2) Obligation de saisir (réduction de la distance d’affrontement = le kumikata 3) Une démarche éducative concrétisée par des procédés d’apprentissages (éléments de bases + compléments) car son désir est avant tout d’intégrer SON Judo à l’école au travers une Education Physique ET Morale !
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Sa réflexion théorique donne lieu à l’élaboration d’un système spécifique de classification des techniques = Gokio No Waza (5 X 8 techniques = Hiérarchisation des techniques de projection à des fins d’apprentissage). Jigoro Kano souhaite créer via son Judo une méthode d’Education Physique et Morale. Il affirme par là sa volonté de former un être sain, fort, accomplit et sociable.
Le Judo se différencie du Ju-Jitsu par les points suivants : -Le Judo est conçu comme une méthode d’éducation physique et morale, alors que le Ju-Jitsu est l’art et la manière de terrasser son adversaire. -Le Judo est un sport qui permet la compétition. Kano fixe en effet des règles de compétition. Le Ju-Jitsu n’a pas de règles et son but est uniquement de tuer. -Le Judo se pratique en judogi. -Le système des grades où seules les ceintures blanches et noires existent au Japon. ►Développement du Judo : A l’époque, la concurrence marchait sur des défis où les combattants des différentes écoles s’affrontaient. L’école qui gagnait récupérait les élèves de l’école qui perdait. Le Judo Kodokan de J. Kano s’est ainsi très largement développé. En effet, de 1882 à 1889 le Kodokan passe de 12 à 167 tapis. Fin des années 1880, le Judo intègre les programmes scolaires et les programmes d’entraînement des forces de police au Japon. De 1885 à 1938, Kano passera du 7ème rang impérial au 2ème rang et deviendra conseiller auprès du ministre de l’éducation. Dès l’origine, Kano fit de sa nouvelle méthode un véritable moyen d’éducation physique et morale. Tout cela contribuera au rayonnement et à la diffusion d’une pratique émergente et prometteuse au Japon, pratique qui ne va pas tarder à trouver échos en Occident. Aujourd’hui, le Judo est pratiqué dans toutes les écoles, lycées et universités du Japon.
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DU JU-JITSU AU JUDO EN FRANCE : NAISSANCE ET DEVELOPPEMENT I - DESCRIPTION DU PHENOMENE Le Judo apparaît tout d’abord majoritairement sous la forme du Ju-Jitsu. Il va donc être opéré un gros travail d’aseptisation des dangers. Celui-ci a été mené en France au travers d’une réglementation plus stricte que celle « des techniques de guerrier » nipponnes. Ce qui fait connaître du grand public le Judo est la très grosse médiatisation des combats martiaux et un en particulier qui fera date en 1905 = Le Duel Ernest Reignier VS Georges Dubois, un combat qui durera 27’’ se terminant par juji gatame. Ernest Régnier enseigne un mélange de lutte et de Ju-Jitsu tandis que Georges Dubois est un maître d’arme et de boxe, il est également professeur d’escrime. Au lendemain de cette victoire, toute l’aristocratie Parisienne veut apprendre cette méthode moderne du Ju-Jitsu qui deviendra plus tard l’ancêtre du Judo. Ce combat consacrera de façon triomphale l’arrivée du Ju-Jitsu en France. Sinon seules quelques publications et démonstrations publiques font connaître le Judo en France au début du XXème siècle.
II - CONTEXTE ECONOMIQUE : INDUSTRIALISATION Période de forte industrialisation : les hommes quittent les villages pour aller travailler à la ville. On parle alors d’un exode rural important. Les valeurs qui sont véhiculées dans le travail à l’usine (moderne) et celle qui le sont dans le travail de la terre (ancestral) ne sont pas tout à fait identiques. ►De façon très très progressive, on peut supposer que les nouvelles conditions de travail des individus vont transformer leurs valeurs et leurs usages, au travers de nouvelles conditions de travail, et ainsi changer leurs façons de penser, leur mentalité.
III - CONTEXTE CULTUREL : LE JAPONISME Le Japon s’ouvre à l’occident. La culture japonaise inspire la littérature, la peinture, l’architecture occidentale. Le « Japonisme » qualifie un nouveau courant artistique qui s’inspire de l’art japonais ►Tout ce qui vient du Japon fascine (Image avec la Corée du nord aujourd’hui.) On comprend dès lors parfaitement que dans cette ambiance, le Ju-Jitsu et le Judo intéressent les pays occidentaux et en particulier l’Angleterre et la France au début du XXème.
IV - CONTEXTE MILITAIRE. V - DE 1930 A 1950 : L’ESSOR DU JUDO en France 1) J. Kano…. 26 septembre 1933, discours de J. Kano à l’école nationale des Arts et Métiers. Il présente là les 3 principes piliers de SON Judo dit « voie de la souplesse » : 1) Ju : Principe de non résistance ou l’art de céder = Souplesse (d’esprit) 2) Seryoku zen yo : Principe d’efficience (minimum d’énergie pour une efficacité maximale) Page 4 sur 8 Lehman F., Université Rouen, 2016
3) Jita kyoeï : Entraide et prospérité mutuelle De 1889 à 1938, date de la mort de J. Kano, ce n’est pas moins de 7 voyages en France accompli par le fondateur du judo. 2) Et les autres….. Un homme participe à cette conférence : Moshe Feldenkrais, enseignant chercheur passionné d’art martiaux et tout particulièrement de Judo se propose auprès de Jigoro Kano de produire des publications, il écrira 2 livres. Les 2 hommes se reverront plusieurs fois. Il est après Kano le 2nd protagoniste de la diffusion du Judo en France. 1936 : Déclaration officielle du Ju-Jitsu club de France fondé par M. Feldenkrais. Conscient de ses lacunes en termes de pratique, Feldenkrais fera venir celui par qui l’engouement pour le Judo Français va passer, M. Kawaishi. En 1935, arrive en France Maitre Kawaishi. Il quitte Londres où il enseigne le Judo pour venir à Paris, recommandé par Moshe Feldenkrais. Kawaishi sera à l’origine des changements de nom des clubs en 1948. En effet nous passerons des « clubs de Ju-Jitsu » aux « clubs de Judo ». Malgré son autoritarisme nippon, Kawaishi parviendra à imposer sa méthode personnelle suivant une classification des techniques jugée plus conforme à l’esprit occidental et faire éclore le Judo Français. Il est le maitre de la première ceinture noire française de Judo en 1939 (Maurice Cottereau). Kawaishi est à l’origine des ceintures de couleurs, afin que chacun des élèves puissent apprécier leur progrès en Judo par un grade différent suivant son niveau technique. Ce système typiquement occidental est le fruit du travail conjoint entre lui et Feldenkrais. Par sa vision moderniste, il a su transformer le Judo en une pratique accessible aux occidentaux (Classification des techniques + ceintures de couleurs). Puis Maitre Awazu arrive en 1950 pour assister le professeur Kawaishi, il est expert du Ne Waza (travail au sol) et est à l’origine du code moral du Judo (développé en cours avec les vacataires). Certain disent de lui qu’il est l’âme du Judo français. ►En France, le Judo apparaît et se développe dans les années 30 mais surtout après la 2nde guerre mondiale grâce aux actions de M. Feldenkrais, Maitres Kawaishi et Awazu. On observe depuis une rapide institutionnalisation du Judo ainsi qu’une augmentation du nombre de licenciés. VI - L’INSTITUTIONNALISATION DU JUDO DE 1940 A NOS JOURS -1942 : Une section Judo Ju-Jitsu intègre la fédération française de lutte. -1946 : Création de la Fédération Française de Judo et de Ju-Jitsu. Les Premiers championnats de France ayant eu lieu 3 ans auparavant en 1943. -1948 : Création de la Fédération Européenne de Judo. Les premiers championnats d’Europe se tiennent à Paris en 1951. -1956 : Création de la Fédération Française de Judo et Disciplines Associées (F.F.J.D.A) -1961 : 2ème championnat du monde de Judo (1956 à Moscou) et 1ère fois que c’est un judoka non japonais qui gagne (Anton Geesink (Pays-Bas)) -1967 : Publication de la « progression francaise ». L’ensemble des techniques est classé par grades, auxquels doivent également correspondre un temps de pratique. Tous les pays adoptent ce principe à l’exception….du Japon. Page 5 sur 8 Lehman F., Université Rouen, 2016
-1972 : Le Judo masculin devient sport olympique lors des J.O de Munich (sport de démonstration aux J.O de 64 à Tokyo). -1973 : Apparition des avantages et des pénalités pour plus de lisibilités -1980 : Premiers champions olympiques Français = Thierry Rey et Angelo Parisi (Moscou) -1990 : Publication de la méthode Française (Position de Tori par rapport à Uke = recontextualisation) -1992 : Le Judo féminin devient sport olympique à Barcelone (1988 sport de démonstration à Moscou) ►Le succès rencontré auprès du grand public se fonde sur les vertus éducatives de l’activité. Par ailleurs, nous avons pu constater l’étroitesse des liens au plan de la technique et des conceptions qui unissent le Ju-Jitsu et le Judo à cette époque. La séparation n’est devenue définitive qu’à l’instauration d’un règlement sportif, c'est-à-dire au milieu des années 1940.
VII - LES CATEGORIES DE POIDS -1957 : 3 catégories aux championnats d’Europe (68/80/+80/Toutes catégories) -1965 : 5 catégories (63/70/80/93/+93/Toutes catégories) -1977 : 7 catégories (60/65/71/78/86/95/+95/Toutes catégories) -1997 : 7 catégories (60/66/73/81/90/100/+100 kg VIII - LE JUDO EN QUELQUES CHIFFRES -Pour la saison 2015/2016 : un peu plus de 600 000 licenciés -Pour cette même saison : environ 420 clubs pour la seule ligue de Normandie soit environ 23000 licenciés - En 2015, 4ème fédération en France (en nombre de licenciés) : 1er) Football – 2ème) Tennis – 3ème) Equitation – 4ème) Judo – 5ème) Basket ►Seulement devancé par le Japon quant aux résultats sportifs, le Judo français possède des structures et une organisation qu’aucun pays ne peut égaler.
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ANALYSE DIDACTIQUE DU JUDO I - DEFINITION Le Judo est un sport de combat de préhension où 2 adversaires sont en opposition directe luttant pour la victoire. Cet affrontement médié par un judogi (autrement appelé kimono à tort !) est régi par une codification déterminée et une surface donnée appelé un tatami. II - LOGIQUE INTERNE -Projeter le corps de l’adversaire largement sur le dos avec force, vitesse et contrôle (définissant le ippon). -Continuer au sol pour contrôler l’adversaire (katame waza) en l’immobilisant (osaoekomi waza) ou le contraindre à abandonner au moyen d’une technique d’étranglement (shime waza) ou d’une clé de bras (kansetsu waza)
III - RESSOURCES SOLLICITEES Affective : -Maîtriser l’appréhension de la chute -Agir en sécurité pour soi et pour l’adversaire / pour Uke et pour Tori -Accepter le contact corporel avec l’adversaire -Prendre des risques pour gagner et maîtriser ceux crées par l’adversaire = Principe Jita kyoeï Cognitive/Informationnelle : -Passer d’une information visuelle à un système tactilo kinesthésique (proprioception par les sens et kinesthésie par l’équilibre) -Adapter ses actions aux réactions de l’adversaire (balance avant – arrière / principe d’action réaction) = Principe JU Mécanique/Motrice : -Passer d’un équilibre vertical à un équilibre de couple en passant par des appuis solides -Garder son centre de gravité à l’intérieur du polygone de sustentation afin de ne pas perdre l’équilibre -Utiliser des leviers et des déplacements efficaces pour surprendre l’adversaire Energétique : -Gérer une violente sollicitation cardio pulmonaire (filière anaérobie alactique chez les jeunes en puissance et capacité) -Privilégier l’opportunité offerte par Uke ou créé par Tori à la force = Principe SERYOKU ZEN YO IV - PROBLEMES FONDAMENTAUX -Conserver son équilibre tout en déséquilibrant son adversaire -Rechercher l’efficacité dans un combat tout en préservant l’intégrité physique et affective de l’adversaire -Accepter le contact à autrui (d’où l’intérêt du judogi en scolaire) -Ne pas lutter contre mais faire avec (JU) -Tenir la cadence tout au long du combat Page 7 sur 8 Lehman F., Université Rouen, 2016
-Respecter et appliquer l’éthique du combat -Accepter de chuter ►Cette analyse doit contribuer en partie à mettre en évidence les valeurs éducatives et morales voulues par Jigoro Kano.
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