L’œuvre processus, de Yann Pocreau

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YA N N P O C R E A U

Avec les textes de / With texts by YA N N P O C R E A U — TA M A R T E M B E C K MARIE-CHARLOT TE FRANCO






2013–2021 Récits d'une observation YA N N P O C R E A U


En 2013, je remportais ce concours si singulier. Un appel pour une œuvre d’intégration des arts à l’architecture pour le nouveau Centre hospitalier de l’Université de Montréal, qui ne serait ni un tableau au mur, ni une sculpture pour l’hôpital, ni un ensemble intégré à l’archi­ tecture, mais plutôt une œuvre qui me permettrait de partager mon point de vue sur la construction de cet immense hôpital, et ce, jusqu’à la fin du chantier. Nous y sommes. 2021. Cette « œuvre processus », qui couvre huit années de la construction du nouveau CHUM, la démolition de l’Hôpital Saint-Luc, la fermeture de l’Hôtel-Dieu, l’indépendance de l’Hôpital Notre-Dame, qui couvre ma présence au sein des équipes de travail qui ont pensé, dessiné et construit le CHUM, prend la forme de ce livre. Il y a dans celui-ci, j’espère, un peu du docteur Fleury, de Jeanne Mance, de Persillier-Lachapelle, de moi, et surtout de vous tous et toutes. Il couvre mon point de vue, certes, mais aussi des milliers d’histoires, inscrites à même les murs de ces trois hôpitaux et dans ceux du nouveau CHUM. J’en ai imprimé 772, le nombre de chambres qu’offre le CHUM, pour autant de patient·e·s qui y dorment, que l’on soigne et accompagne. Si ce livre vous plaît, prenez-le, il est pour vous, gratuit. Que vous soyez usager·ère du CHUM, membre du personnel, si vous avez participé à sa conception ou à sa construction, je l’ai pensé avec un réel sentiment que l’art, sous toutes ses formes, peut nous permettre un autre type de regard sur des moments comme ceux que l’on traverse entre les murs d’un hôpital, que l’art peut soigner, soulager, faire rêver, pleurer. Il fait partie, j’en suis de plus en plus persuadé, de « la grande solution » de la sérénité, de l’empathie et de leur heureuse combinaison. C’est entre autres pour ça que j’ai décidé de ne pas purement documenter, mais d’offrir un terrain plus ouvert, celui de la lumière, de l’abstraction et des rencontres d’images qui autrement ne se seraient pas mêlées les unes aux autres.

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œUVRE PROCESSUS

Ce livre est à explorer plus qu’à lire du début à la fin. Il y a des images, de très nombreuses images, glanées sur le chantier, au fil des visites avec les équipes de Construction Santé Montréal, de CannonDesign, de NEUF architect(e)s et de Pomerleau. Il y a des photographies, des pensées, mes réflexions, celles de deux auteures que j’ai eu l’honneur d’inviter, quelques mots de Garde Auriette Breton, des recettes sorties des oubliettes de l’Hôtel-Dieu, des objets, un projet d’exposition, mon regard sur le CHUM, sur la vie, sur la mort aussi, sur l’architecture et sur cet incroyable chantier que j’ai vu se déployer au fil des ans et se lover tout naturellement dans le centre-ville de Montréal. J’ai donc eu cette chance unique d’assister à la construction de ce nouveau CHUM, pièce par pièce, couloir par couloir. Ses escaliers, ses coffrages, l’humidité de son béton frais dans l’air, le bruit saccadé des ascenseurs de chantier et les musiques de toutes ces machines, je les ai vus et entendus, sentis même. J’ai, en retrait, assisté à la mise en place du plus grand casse-tête à être assemblé. J’ai été membre de quelques équipes de travail, ai eu accès à un bureau au sein de celui des architectes du projet, ai eu des accès illimités aux chantiers, ai parcouru la région pour suivre la restauration des sections patrimoniales par des artisan·e·s hors-normes, ai dû me former en santé et sécurité, ai changé d’appareil photo, ai vaincu ma peur des hauteurs, me suis fait des ami·e·s, ai commencé à me sentir chez moi dans les méandres toujours changeants de ce gigantesque terrain de jeu. Je m’y suis perdu si souvent. J’ai cherché à apprendre à repérer certains points de vue, à vouloir y retourner quelques jours plus tard pour réaliser qu’un couloir avait été construit là, exactement là où je devais aller avec empressement prendre une photo ou cueillir une idée.

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Je me suis imposé un rythme de travail discipliné au bureau où étaient réuni·e·s architectes, ingénieur·e·s et mille corps de métiers que je ne soupçonnais pas être derrière la coordination d’un tel projet. J’ai souvent voulu écrire directement sur le chantier, je n’ai jamais réussi. Le son des cliquetis des touches d’ordinateurs, d’un index sur la souris qui permet au curseur de défiler dans les images et les plans faisait étrangement pour moi plus de sens pour l’écriture. J’ai donc écrit beaucoup, en écoutant, en regardant, en suivant les actualités de la conception et de la construction de ce CHUM. Plutôt que de faire un récit, j’ai sélectionné quelques extraits, certaines idées, des bouts, des fragments, des pierres. Moins de pierres certes que les milliers qui ont été récupérées pour faire renaître le clocher de l’église SaintSauveur et la maison Garth, mais je crois que j’en aurais eu autant. Dans les images qui traversent ce livre, il y en a de mes premières visites, de la reconstruction et la mise en place du clocher, il y en a de l’Hôpital Saint-Luc, la veille de sa démolition, puis en plein abattement. Il y a cet édifice lumineux et fier, posé sur Montréal, qui se développe, rapidement, couronné de son spectacle de grues. Il y a ces drapés de plastiques, ces aplats de couleurs sur les murs en finition, ces planches qui s’entremêlent et se confondent, ces formes et dessins que je me suis plu à immortaliser. Je vous invite à errer dans ces images, à avoir accès aux beautés simples des poutres, des angles et de ces couleurs qui portent ce nouvel hôpital. Il m’a fasciné ce chantier. J’ai cru bon de donner accès à ce que cachent les parois, à la manière dont on les construit, à quoi ressemblent les milliers de veines électriques colorées qui se faufilent en gigantesques tresses quand de murs il n’y a pas ou quand de murs il n’y a plus. Il y a des vues d’exposition, certains objets et archives que j’ai méticuleusement choisis, il y a la suite du chantier, un hôpital. Il y a en fait tous mes points de vue directs et obliques, ceux photographiés de l’extérieur et ceux vécus de l’intérieur.

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œUVRE PROCESSUS

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Je ne suis ni travailleur du CHUM ni patient, mais je connais l’hôpital, le visite. J’y ai accompagné des ami·e·s, la famille, y ai visité des mères épuisées de bonheur pour faire connaissance avec leurs naissant·e·s. Alors que je commençais ce projet, dans ma vie aussi, il y a eu le CHUM. Le diagnostic de démence fronto-temporale de ma mère est tombé. J’ai navigué pour elle de l’Hôtel-Dieu à Saint-Luc, en passant par Notre-Dame où elle a été quelques fois hospitalisée. Puis ma belle amie Annie, forte et droite face à ses traitements contre son cancer. Devant ce projet devenu mon quotidien, il m’est apparu évident de me servir de ce rapport privilégié avec le CHUM pour réfléchir, comme artiste, au milieu hospitalier et aux notions de patrimoines qu’il convoque. En faire une œuvre processus avait pour moi un réel sens du partage, j’ai vraiment eu envie que ce livre serve, comme le fait la lumière sur un matin, la musique sur la mélancolie. Les fondements profonds de l’art contemporain sont ceux du changement, de la multiplicité de points de vue. En somme, comme le monde devrait le faire, ils se redéfinissent à travers chaque proposition, mais surtout chaque fois qu’ils sont vus, compris ou non. J’ai cherché sur ce chantier où me briser, où me renouveler. Alors j’y suis allé, l’ai vu et revu, ai cherché à le comprendre. Ce livre en est la concrétisation.

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2013–2021 Tales of an Observation YA N N P O C R E A U

In 2013, I won a very singular competition. A call for a public artwork, under the Politique d’intégration des arts à l’architecture (art and architecture integration policy) from the ministère de la Culture et des Communications, for the new Centre hospitalier de l’Université de Montréal (the University of Montreal Health Centre), known as the CHUM. This would neither be a painting on the wall, nor a sculpture for the hospital, nor an architecturally integrated ensemble, but a project that would allow me to share my thoughts on the construction of this immense hospital, until it was complete. And here we are. 2021. This eight-year “process piece” is materialized in the form of this book, which follows the construction of the new CHUM, the demolition of Hôpital Saint-Luc, the closing of Hôtel-Dieu, and the independence of Hôpital Notre-Dame. It covers my presence among the work teams who conceived, designed and built the CHUM. The book contains, I hope, a little bit of Dr. Fleury and Jeanne Mance, of Persillier-Lachapelle, of me, and especially, of you. It includes my perspective, of course, but also the thousands of stories that are imbued in the walls of these three hospitals and the new CHUM. There are 772 copies, one for each room in the CHUM, for the patients who sleep there, who are treated and cared for. If you like this book, take it, it’s yours. Whether you’re a user of the CHUM or a staff member, whether you took part in its design or construction, I viewed this project with the sense that art, in any

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form, can help us through what we experience here, help us see things differently. That art can care for, soothe, and make us dream and cry. I’m increasingly convinced that art is part of the “great remedy” of serenity and empathy, and their hopeful combination. Which is why I decided not to document it, in the strictest sense, ​ but to show something broader, such as light, abstraction and a combination of images that would never have come together otherwise. This book should be explored rather than read from beginning to end. It is filled with images of the worksite that were shot while I accompanied the crews of Construction Santé Montréal, Cannon­ Design, NEUF architect(e)s and the Pomerleau team. There are photographs, thoughts, some of my reflections and those of the writers I invited, a few words from Nurse Auriette Breton, forgotten recipes from Hôtel-Dieu, objects, an exhibition, my take on the CHUM, on life and on death, on architecture and on the incredible building I saw emerge and quite naturally nestle itself in the city’s core. I thus had the unique opportunity to witness the CHUM’s construc­ tion, room by room, corridor by corridor. Its stairways, its formwork, the dampness of concrete in the air, the staccato sound of the construction elevators and the music of all those machines. I have seen and heard these; I have felt them, even. From the sidelines, I witnessed the rise of the biggest jigsaw puzzle ever assembled. I was part of a few work teams, I had my own space within the architects’ offices and unlimited access to the construction sites, I travelled around the region to watch the restoration of heritage pieces by remarkable artisans, I took health and safety training,

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PROCESS PIECE

changed cameras, overcame my fear of heights, made friends, and began to feel at home in the ever-shifting twists and turns of this gigantic playground. I got lost so many times. I tried to learn how to locate certain view points, only to return a few days later to find that a hallway had been built there, exactly where I had hurried back to take a photo or jot down an idea. On site, I followed a strict work schedule, along with the architects, engineers and a thousand different tradespeople I never thought I’d find behind this type of project. I often tried to write there, but never succeeded. Strangely enough, writing made more sense to me in the clicking sound of computer keyboards, an index finger on the mouse, a cursor scrolling through images and floor plans. So I wrote a lot, while listening, watching and following the daily evolution of the CHUM’s design and construction. Rather than composing a narrative, I chose a few excerpts, ideas, bits and pieces, fragments, stones. Of course, not as many stones as the thousands that were salvaged to rebuild the Saint-Sauveur steeple and the maison Garth, but I think I could have gathered just as many. Among the images that fill this book are some from my earliest visits, of the reconstruction and installation of the steeple, of Hôpital Saint-Luc on the eve of its demolition and in the pro­ cess of being torn down. There is the luminous, proud, rapidly growing hospital with its crown of graceful cranes. There are the plastic drop sheets; the nearly finished, brightly coloured walls; the huddled piles of mixed up boards; the forms and drawings that I loved to immortalize. I invite you to sift through these images, to find the simple beauty in the beams, angles and colours of this new hospital. This site fascinated me. It

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seemed important to reveal what lies behind the hospital’s walls, how they were built. To show the thousands of colourful electrical veins that snake through them like giant braids, and what they look like before the walls go up or when the walls come down. There are exhibition views, a few carefully chosen objects and archives, and what the construction site produced: a finished hospital, and my direct and indirect perspective of it, as seen from the outside and experienced from within. I’m neither a worker nor a patient of the CHUM, but I know that hospital. I still go there. I have accompanied friends and family, I have visited exhausted but happy moms and their newborns. When I first started this project, the CHUM was already part of my life. My mother had just been diagnosed with frontotemp­ oral dementia. Together, we navigated between Hôtel-Dieu, Saint-Luc and Notre-Dame, where she was hospitalized a few times. And then there was my good friend Annie, who faced her cancer treatment with strength and steadiness. Once this project became part of my daily life, I felt I should use my own relationship to the CHUM to reflect, as an artist, on the hospital environment and the ideas of heritage it invokes. Transforming it into a process piece made it a communal experience. I really wanted this book to serve, as what light does to the morning, what music does to melancholy. Contemporary art is founded on the idea of change, on the multiplicity of perspectives. In short, these perspectives are redefined with each new work, but also—and especially—each time the work is seen, whether one understands it or not. This worksite allowed me to find ways to dismantle and rebuild myself. So I returned to it, again and again, to try to understand it. This book is that fulfillment.

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LE CHANTIER / LES DÉBUTS

THE WORKSITE / THE BEGINNINGS



























27.05.2016

Je crois qu’écrire canalise. J’ai envie d’aller au chantier, une forte envie. Il me rend fier cet hôpital. Je vais essayer dès la semaine prochaine d’écouter le chantier, l’écouter avec mon appareil photo.


I believe that writing channels things. I want to go to the worksite. I need to go. This hospital makes me proud. Starting next week, I will try to listen to the worksite, to listen to it with my camera.












04.02.2016

C’était beau en fait, loin du silence, dans la cohue du chantier, toute l’équipe a écrit une note pour « Dave » sur une colonne de béton. Maître du béton, m’a-t-on dit, un grand ingénieur en structure. Se recueillir en l’honneur de quelqu’un, c’est aussi réfléchir à soi et aux autres, aux autres pour soi et vice-versa, à l’intime corrélation entre la peur et le besoin de communauté. Reposez en paix Monsieur Rokas, on vous doit beaucoup dans ce projet si j’ai bien compris. It was quite beautiful actually, far from the silence, in the chaos of the worksite, the whole crew had written a note for “Dave” on a concrete pillar. A master of concrete, they told me, a great structural engineer. To gather in someone’s honour is also to reflect on oneself and others, on others for oneself and vice versa, on the close connection between fear and the need for community. Rest in peace Mr. Rokas. I understand that we owe you a lot for this project.





Que fait l’art à l’hôpital  ? TA M A R T E M B E C K


L’Œuvre processus de Yann Pocreau s’est déployée sous la forme d’une résidence d’artiste échelonnée sur les huit ans de la construction du nouveau Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) au centre-ville de la métropole, qui impliquait la démolition de l’ancien Hôpital Saint-Luc sur le même site. À l’origine du projet, il était convenu qu’une fois l’édifice terminé, l’artiste déposerait un exemplaire numéroté de son livre – le fruit de sa résidence de longue durée – dans les chambres des 772 premier·ère·s patient·e·s passant la nuit au CHUM nouvellement complété, avec la mention : « Si ce livre vous plaît, prenez-le, il est à vous1. » La pandémie de 2020 aura altéré le mode de distribution de cet ouvrage, qui offre un regard sur l’évolution de l’établissement hospitalier ainsi que de ses espaces.

1 Cette citation et les suivantes sont de Yann Pocreau, en entretien avec l’auteure, le 15 septembre 2017.

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œUVRE PROCESSUS

Rencontré pour un entretien vers la mi-parcours de sa résidence, le 15 septembre 2017, Pocreau me confia que la commande initiale du concours d’art public pour cette œuvre avait été de poser un commentaire sur la construction et la conception du super-hôpital2. Agissant à titre de témoin sensible et privilégié de ce processus – ayant accès à une vue de l’intérieur d’un chantier qui était loin d’être public –, il demeurait néanmoins externe aux démarches et aux structures organisationnelles de l’hôpital. Ainsi, même s’il avait le droit de visiter le chantier et d’en documenter les transformations par l’écriture et la photographie, Pocreau s’est fréquemment retrouvé sans domicile fixe, aux sens propre et figuré, dans ce complexe en construction, notamment avec la passation du projet entre les mains de firmes successives d’architectes et d’ingénieur·e·s. Si son expérience le portait à s’interroger, lors de notre entretien, sur sa place en tant qu’artiste à l’hôpital, elle nous permet aujourd’hui de nous questionner plus largement sur le rôle de l’art en milieu de soins : que fait l’art à l’hôpital ? Cette question se veut à double sens : quelle est la place de l’art contemporain dans un établissement de soins, mais aussi comment l’art transforme-t-il le milieu hospitalier ? Contrairement aux établissements où l’art et la culture sont traditionnellement offerts (pensons aux musées ou aux théâtres), l’hôpital est un microcosme par excellence, un milieu de vie et de travail qui rassemble une multitude d’usager·ère·s, de professionnel·le·s et de visiteur·euse·s issu·e·s de divers horizons qui, dans d’autres circonstances, ne se seraient vraisemblablement pas fréquenté·e·s. À l’hôpital, elles et ils se réunissent tou·te·s sous un même toit, se retrouvant régulièrement en situation d’intime proximité, avec pour volonté commune de garder la maladie à distance et de conserver la santé. Ainsi vu, l’hôpital est un espace à la fois public et privé, où le contact avec l’altérité est inévitable, et ce, à des moments de potentiellement grande vulnérabilité.

2 L’Œuvre processus a été réalisée sur la base d’un concours remporté par Yann Pocreau dans le cadre de la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites gouvernementaux et publics du ministère de la Culture et des communications du Québec.

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3 Voir Erving Goffman, « On the Characteristics of Total Institutions » dans Asylums: Essays on the Social Situation of Mental Patients and Other Inmates, New York : Anchor Books, 1961, p.1-124.

Auparavant, l’hôpital était perçu comme une « institution totale 3  » où les personnes malades se voyaient largement coupées du monde durant leur séjour. Ce n’est pas pour rien que les hôpitaux étaient souvent situés en retrait, séparés des activités régulières de la ville. De nos jours, la philosophie hospitalière aspire au contraire à la prise en charge globale de la personne et cherche, pour ce faire, à entretenir des liens fluides avec le monde extérieur. Les deux super-hôpitaux du CHUM et du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), érigés à Montréal dans la dernière décennie, témoignent de cette mouvance. En particulier, l’architecture vitrée du CHUM offre un rappel constant de l’environnement extérieur. Plutôt que de prôner une séparation, on favorise la continuité entre l’en-dedans et l’en-dehors de l’hôpital, et c’est notamment ce rôle que l’art peut aussi y jouer. En tant que signal et rappel de l’ailleurs au sein même de l’établissement de soins, l’art hospitalier devient un liant avec l’extérieur, tant physique qu’imaginé. Pour les diverses populations qui traversent l’hôpital, la rencontre avec l’art offre la possibilité d’un déplacement sans bouger, en ranimant les sens et en renouvelant les regards sur des objets ou des environnements en apparence familiers. Ce déplacement, aussi furtif soit-il, leur rappelle l’existence de l’être au-delà de la condition de patient·e ou même de travailleur·euse dans le milieu hospitalier. Le regard que pose Pocreau sur l’hôpital dans ses photographies vient presque exclusivement de son intérieur ou d’une intime proximité au chantier, qu’il s’agisse des salles de soins vétustes de l’Hôpital Saint-Luc avec leurs sols tachés illuminés au néon, ou des charpentes du super-hôpital en devenir avec ses ampoules industrielles et ses conduits métalliques, une bâtisse-corps écorchée en attente de sa greffe d’un mur-peau. Car le corps, bien qu’absent d’un bon nombre des images de l’artiste, y est régulièrement sollicité, que ce soit par les textures variées des matériaux de construction, par les maquettes architecturales prêtes à être tâtées, par le poids perceptible des pierres patrimoniales ou par les vestiges des plantes défraichies et abandonnées, tous captés par l’objectif de Pocreau. Dans l’Œuvre processus, qui rassemble ces photographies et bien d’autres, l’hôpital se fait corps et y subit sa chirurgie, grande cure de rajeunissement à l’issue de laquelle seules quelques reliques-cicatrices sont conservées, prêtes à être parcourues de vos doigts et de vos yeux à l’invitation de l’artiste.

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OEUVRE PROCESSUS

Si ce projet se distingue largement d’autres approches de l’art contemporain en milieu hospitalier – Pocreau détient fort probablement le record mondial de la plus longue résidence d’un artiste à l’hôpital –, il rejoint toutefois les principales fonctions de l’art en un tel milieu. Paradoxalement, même si son œuvre traite exclusivement du CHUM, de son histoire et de son devenir, en nous ramenant à nos sens, elle nous rappelle aussi notre identité hors de l’hôpital, l’idée n’étant pas d’oublier celui-ci ni nos raisons de le fréquenter, mais plutôt de (re)prendre conscience du fait que, même lorsque nous y sommes confin.é.e.s, nous existons en dehors des rapports définis par le cadre de cette institution. Tant qu’une telle liberté peut être ranimée, l’emprise de l’hôpital n’est pas totale ; l’art sert justement à nous le rappeler. L’Œuvre processus témoigne aussi des manières dont l’art hospitalier peut agir comme un liant sur les plans spatial, temporel, relationnel et même existentiel pour celles et ceux pour qui l’hôpital devient, à tout le moins temporairement, un milieu de vie. Le liant spatiotemporel est sans doute le plus immédiat à saisir dans la prémisse même de ce projet artistique qui, durant les huit années de son déroulement, aura servi à faire le pont entre l’ancien et le nouveau CHUM. L’artiste, ayant vécu en quelque sorte à temps partiel dans ce milieu durant sa résidence, nous livre les observations qu’il a glanées durant son accompagnement personnel de la grande transformation de l’hôpital. Cette communication, qu’il nous transmet de l’intérieur vers l’extérieur du chantier, du passé de l’Hôpital Saint-Luc vers le présent de la construction du nouveau CHUM, se matérialise à travers ce livre, mais elle s’est aussi concrétisée par l’exposition Patrimoines réalisée en 2016 à la Galerie de l’UQAM. En plus d’avoir découpé et reconstruit une véritable chambre de l’Hôpital Saint-Luc dans l’espace de la galerie, Pocreau y a présenté des souvenirs, des objets, des recettes, des images et des témoignages récoltés au cours de sa résidence. Ces patrimoines matériels et immatériels, réanimés à l’occasion d’une exposition, ont été relayés à des publics qui, tôt ou tard, auront à se familiariser avec un environnement médical, si cela ne fait pas déjà partie de leur expérience de vie. Dans le cas des patient·e·s ou du personnel hospitalier, la visite de l’exposition aura permis de voir ce milieu, a priori strictement fonctionnel, sous un autre jour. Autant dans une direction que dans l’autre, l’incursion de l’hôpital dans la galerie d’art ou de l’art contemporain dans le centre hospitalier offre l’occasion de ré-enchanter les regards que nous posons sur un milieu qui ne fait que rarement l’objet d’investigations esthétiques.

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L’Œuvre processus établit également une autre liaison, plus discrète, entre l’individu et le sens de l’appartenance à une communauté. Si, d’un point de vue existentiel, chacun·e se retrouve seul·e devant sa finitude et sa vulnérabilité, d’un point de vue pragmatique, l’hôpital est un lieu où toute notre interdépendance humaine est révélée. Nous ne nous fions pas uniquement aux traitements médicaux ou aux développements technologiques pour conserver notre santé mentale et physique ; nous dépendons fondamentalement d’autrui. Mis à part les soignant·e·s et les proches aidant·e·s qui accompagnent les patient·e·s, se déroulent aussi à l’hôpital des rencontres fortuites avec les préposé·e·s à l’entretien, avec le personnel de cafétéria ou avec les voisin·e·s dans une salle d’attente. L’Œuvre processus s’inscrit dans ces rencontres à première vue anodines, mais qui peuvent devenir marquantes lors d’un séjour hospitalier, par les souvenirs qu’elle réveillera chez celles et ceux qui y reconnaîtront leur Saint-Luc, par exemple, ou par le sentiment d’inclusion dans ce grand projet de société qu’est la construction d’un super-hôpital public qu’elle suscitera. Car Pocreau l’a bien remarqué durant sa résidence : « On a tous une histoire à l’hôpital », a-t-il conclu de ses échanges avec divers divers·e·s acteur·trice·s du milieu. C’est ainsi que dans son projet, « le patrimoine individuel devient le patrimoine collectif ». Il va sans dire que l’art à l’hôpital répond à des besoins de santé qui vont au-delà de la mécanique des corps, touchant aux questions du sens et de l’identité qui se voient perturbés lorsque notre quotidien est altéré par la maladie. Mais pour celles et ceux qui vivent en situation de handicap ou avec des maladies chroniques, le milieu hospitalier relève de l’expérience régulière plutôt qu’exceptionnelle ; alors, pourquoi ne pas y porter une attention à la beauté et aux sens, de la même manière qu’on le ferait pour tout autre espace citoyen public ? Vu sous cet angle, se poser la question de ce que fait l’art dans un milieu hospitalier revient à se questionner sur la place de l’art dans la société en général. Selon Pocreau, ce sont « d’autres sens qui sont mis à l’appel » grâce à la présence de l’art à l’hôpital. « Ça rend le contexte nettement plus agréable, plus beau, et ça permet de développer un certain sentiment d’appartenance au lieu. À mon avis, dit-il, [les œuvres] allègent la réalité parfois plus difficile de l’hôpital parce que l’expérience esthétique est bonifiée. » L’art contemporain a non seulement sa place à l’hôpital, mais aussi la capacité de le transformer, précisément parce qu’il nourrit l’ailleurs entre ses murs. C’est en contribuant à tisser les liens entre l’être-patient et l’être-dans-sa-globalité que l’Œuvre processus participe, à sa manière, au soin accordé à chaque individu qui traverse l’établissement hospitalier.

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What is Art Doing in and to Hospitals? TA M A R T E M B E C K

Yann Pocreau’s Process Piece unfolded in the form of an artist residency spread over the eight-year construction period of the new Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) in downtown Montreal, which involved the demolition of the old Hôpital Saint-Luc on the same site. It was originally agreed that once the building was completed, Pocreau would place a numbered copy of his book, the fruit of his long-term residency, in the rooms of the first 772 overnight patients in the new CHUM, with the following note: “If you like this book, take it, it’s yours.”1 The 2020 pandemic, however, altered the distribution mode for this work, which offers the artist’s perspective on the evolution of the hospital and its spaces.


1 This quotation and the following ones are by Yann Pocreau from an interview with the author on September 15, 2017.

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PROCESS PIECE

When I interviewed Pocreau mid-way through his residency, on September 15, 2017, he told me that the initial commission for this public art competition had been to comment on the construction and design of the super-hospital. 2 Acting as a sensitive, firsthand witness of this process with an insider’s perspective of its mostly hidden worksite, Pocreau nevertheless remained uninvolved in the hospital’s procedures and organizational structures. Thus, even though he had the right to visit the worksite and to document its transformations in writings and photographs, Pocreau frequently found himself both literally and figuratively lost within this complex under construction, particularly as the project was handed off to successive architectural and engineering firms. While this experience led him to reflect on his role as an artist in the hospital during our interview, today it allows us to consider more broadly the role of art in health-care environments: what is art doing in hospitals and what is art doing to hospitals? By this I mean: what is the role of contemporary art within a health-care establishment, and how does art transform the hospital environment? Unlike traditional artistic and cultural establishments, such as museums and theatres, a hospital is a microcosm of the highest order, a living and working environment that brings together a multitude of users, professionals and visitors from different walks of life who, under different circumstances, wouldn’t necessarily spend time together. In a hospital, they are all brought together under the same roof, often finding themselves in situations of intimate proximity, with the shared desire to keep illness at bay and remain healthy. From this perspective, a hospital is both a public and private space where contact with “otherness” is inevitable, and this, at times when we are potentially at our most vulnerable. Formerly, hospitals were seen as “total institutions,”3 where sick people were largely cut off from the world during their stay. This explains why hospitals were often located away from a city’s regular activities. Today, in contrast, hospital philosophy aspires to whole-person care, and therefore strives to maintain fluid connections with the outside world. The two super-hospitals built in Montreal over the past decade, the CHUM and the McGill University Health Centre (MUHC), are examples of this shift. For instance, the CHUM’s glass architecture offers a constant reminder of the outside environment. Rather than aiming to separate, hospitals now

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2 Process Piece was created out of a public art competition won by Yann Pocreau under the Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites gouvernementaux et publics (art and architecture integration policy) the ministère de la Culture et des Communications du Québec.

3 See Erving Goffman, “On the Characteristics of Total Institutions,” Asylums: Essays on the Social Situation of Mental Patients and Other Inmates (New York: Anchor Books, 1961), 1-124.


encourage continuity between the institution’s inside and outside, and it is this role in particular that art can also play. As a sign and a reminder of an “elsewhere” within the health-care space, hospital art offers a connection with an outside that is both physical and imagined. For the various populations passing through the hospital, encountering art offers the possibility of going elsewhere without moving by reviving the senses and by providing renewed perspectives on seemingly familiar objects and surroundings. This displacement, as brief as it may be, reminds individuals of their existence beyond their condition as a hospital patient, or even as a hospital worker. Pocreau’s view of the hospital in his photographs comes almost exclusively from within its interior or from close proximity to the construction site: from Hôpital Saint-Luc’s dilapidated rooms with their stained, neon-lit floors, to the skeleton of the rising super-hospital, with its industrial lighting and metal ducts, a flayed building-body waiting for its graft of a wall-skin. Although the body is absent from many of Pocreau’s images, it is nonetheless regularly called up in them, whether by the varied textures of the construction materials, by the architectural models that are ready to be handled, by the palpable weight of the heritage stones, or by the remains of wilting and abandoned plants, all captured by Pocreau’s lens. In Process Piece, which brings together these photographs and many others, the hospital becomes a body and undergoes its own surgery, a great rejuvenation treatment at the end of which only a few relic-scars remain, ready for your fingers and eyes to run across them at the artist’s invitation. While this project differs from other approaches to contemporary art in hospitals—Pocreau probably holds the world record for the longest artist residency in a hospital—it nevertheless remains consistent with art’s main functions in this type of environment. Paradoxically, even though his project deals exclusively with the CHUM’s history and evolution, by bringing us back to our senses, it also allows us to remember who we are when we are not in a hospital. The idea is not to forget about the hospital, nor about the reasons why we are there, but to remember that even when we are confined to it, we exist outside of the relationships defined by the institution’s framework. As long as this freedom can be revived, the hospital’s hold is not complete. Art serves, precisely, to remind us of this.

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PROCESS PIECE

Process Piece also illustrates the ways in which hospital art can act as a spatial, temporal, relational and even existential binder for those for whom the hospital becomes a living space, at least temporarily. The spatio-temporal binding aspect can be most easily understood in the very premise of this art project which, over the course of its eight-year development, also served as a bridge between the old and the new CHUM. Pocreau, who in a sense lived there part-time during his residency, shares what he observed as he accompanied the hospital on its great transformation. This message, which he sends from within the construction site to the outside, and from Hôpital Saint-Luc’s past to the present of the new CHUM’s construction, is materialized by means of this book, but also took form in the exhibition Patrimoines presented at Galerie de l’UQAM in 2016. In addition to having cut out and fully reconstructed one of Hôpital SaintLuc’s rooms in the gallery space, Pocreau presented stories, objects, recipes, images and interviews gathered over the course of his residency. Patrimoines brought tangible and intangible heritage to life, and shared it with an audience who, if not already acquainted with a medical environment, would be sooner or later. For hospital patients and staff, visiting the exhibition allowed them to view an environment that is generally perceived as being strictly functional in another light. In either direction, whether it is the hospital’s incursion into the art gallery or contemporary art’s incursion into the health-care space, each offers an opportunity to re-enchant how we view an environment that is rarely the subject of aesthetic investigation. Process Piece also establishes another, more discreet connection between the individual and the sense of belonging to a community. If, from an existential point of view, each of us stands alone in our finiteness and vulnerability, the hospital is a place where all our human interdependence is revealed. We do not only rely on medical treatments or technological developments to preserve our mental and physical health; we fundamentally depend on others. Apart from the nurses and

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caregivers who accompany patients in the hospital, there are also fortuitous encounters with maintenance workers, cafeteria staff or neighbours in a waiting room. Process Piece inserts itself in these seemingly trivial encounters, which can in fact become quite meaningful during a hospital stay, through the memories it evokes for those who see in it their Saint-Luc, for instance, or through the feeling of inclusion that a great social project like the construction of a public super-hospital creates. As Pocreau remarked during his residency, “we all have a hospital story.” He drew this conclusion from his encounters with various stakeholders in the field. Thus, Process Piece, “individual heritage becomes collective heritage.” It goes without saying that art in hospitals responds to health needs that go well beyond the body’s mechanics, and touches on questions of meaning and identity that are disrupted when our daily lives are altered by illness. But for people living with disabilities or chronic illnesses, the hospital environment belongs to regular, rather than exceptional experience, so why not pay attention to beauty and the senses, much like we would for any other public space? Seen from this perspective, asking what art does in and to a hospital environment boils down to considering the role of art in society as a whole. According to Pocreau, the presence of art in hospitals “calls upon other senses. It makes an environment much more enjoyable, more attractive, and allows us to feel like we belong there. I feel that [art] eases the sometimes difficult reality of a hospital, because it enhances our aesthetic experience.” Not only does contemporary art have its place in a hospital, it also has the ability to transform it, precisely because it creates an “elsewhere” within its walls. By helping to forge connections between the patient-being and the whole person, Process Piece participates, in its own way, in the care that is given to each individual who enters the hospital.

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œUVRE PROCESSUS

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11.06.2014

Comment ne pas penser à ces centaines d’oiseaux qui se heurtent ainsi à la transparence de la matière ? Il est beau le verre, mais traître à la fois. Il laisse voir cette intimité qu’on voudrait préserver, laisse entrer cette lumière à laquelle je crois tant. Elle a ce pouvoir convaincant de porter les forces métaphysiques de la nature tout en étant une révélatrice quotidienne. Elle révèle tout simplement. How not to think of the hundreds of birds that crash into this transparent material? Glass is beautiful, but it’s also treacherous. It reveals what we would prefer to keep private, it allows this beloved light to enter. It has the convincing power to bear the metaphysical forces of nature while being a daily revelator. Quite simply, it reveals.




03.07.2013

Nous avons discuté du bonheur relatif aux grands espaces. Réservé en général au paysage horizontal, je crois pourtant qu’il peut être vécu sur la hauteur. We talked about the joy of wide open spaces. Generally reserved for horizontal landscapes, I believe, however, that it can be experienced vertically.













29.01.2016

Ce corps hospitalisé dans toutes ses formes. On l’imagine à l’horizontale souvent, il est pourtant multiple. Le mien est souvent assis, au chevet, à l’écoute, devant un bureau de médecin, près d’un lit ou simplement en attente, avec d’autres, devant un vieil écran et quelques magazines de l’an dernier. Perdu dans ces définitions que je trouve sur le Web, je me questionne à mon tour, après bien des philosophes, sur les nuances entre corporalité et corporéité. Je ne suis pourtant pas philosophe, je pense comme tout le monde, et je n’ai que très peu d’outils ou de références en la matière. Corporalité qui, par opposition au spirituel, a du corps ; corporéité qui est, elle, dans le monde. Une, donc, est littérale et matérielle, elle est le CHUM, l’édifice, le corps habitable ; l’autre est plus phénoménologique, basée sur ce vécu dont je parlais. Il s’agit à mon sens de cette expérience individuelle du corps dans le corps même de la conception de cet édifice.


The hospitalized body in all its forms. One often imagines it horizontal, and yet it is multiple. Mine is often seated, at the bedside, listening, in front of a doctor’s office, near a bed, or simply waiting, with others, in front of an old screen and a few year-old magazines. Lost in the definitions I find online, I wonder in turn, like many philosophers, about the nuances between corporality and corporeity. But I’m not a philosopher; I think like everyone else, and I have very few tools or references on the subject. Corporality, which contrary to the spiritual, has a body; corporeity, which is being in the world. One, therefore, is literal and material, it is the CHUM, the building, the habitable body; the other is more phenomenological, based on the lived experience I was speaking of. To my mind, it’s this question of the individual experience of the body that is in the very body of this building’s concept.













04.08.2015

Je n’arrive pas à lire l’échéancier du chantier. Même ce type de document me semble une réelle mission. Je cherche ma pierre de Rosette. Les plans aux murs changent, mes plans changent peu. Je m’interroge de plus en plus sur la question de la lumière, de l’ampoule. Je réalise aussi que je me perds, me déstructure, devant les codes et fractions qui m’entourent. I can’t figure out how to read the worksite’s sche­ dule. Even this kind of document seems like a real mission. I need to find my own Rosetta Stone. The plans on the walls change, my plans hardly change at all. I wonder more and more about the idea of light, the light bulb. I also realize that I’m getting lost, deconstructing myself, in the codes and fractions that surround me.










18.08.2015

Je suis à l’atelier. Je surplombe le CHUM, de loin, mais devant, droit devant, comme depuis tous les points de vue qui s’offrent à moi dans Montréal. On en parle chaque jour, quelque part dans les journaux. Je le vois au bout de mes doigts, sur mon téléphone, près du pavillon de mes oreilles, je l’entends. I’m at the studio. I overlook the CHUM, from a distance, but straight ahead, as from every vantage point I have in Montreal. Every day, the hospital is mentioned somewhere in the newspapers. I see it at my fingertips, on my phone, near the auricles of my ears, I hear it.





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SAINT-LUC / LA FIN

SAINT-LUC / THE END



Le patrimoine hospitalier, une poétique du quotidien à révéler MARIE - CHARLOT TE FRANCO

Le patrimoine est partout autour de nous. Il répond à un besoin très fort de nous rallier aussi bien à des moments importants de l’histoire collective qu’à des épisodes gravés dans notre propre mémoire. Qui n’a pas déjà entendu ou dit « Ça fait partie de notre patrimoine » ? Cette phrase décrit très bien cet attachement qu’un individu ou un groupe peut avoir envers un lieu, un bâtiment, une pratique artistique ou culturelle, qu’ils soient partagés par tou·te·s ou qu’ils n’existent que dans un univers plus restreint comme le cercle familial. Si le patrimoine participe au développement de l’identité individuelle et collective, il permet également l’union et la commémoration sous un même symbole. Qu’en est-il alors de l’univers médical ? Se peut-il qu’il y ait du patrimoine à l’hôpital ? Comment le CHUM et ses trois hôpitaux fondateurs − l’Hôpital Saint-Luc, l’Hôtel-Dieu de Montréal et l’Hôpital Notre-Dame − ont-ils participé et continuent-ils de contribuer à la construction d’une mémoire qui soit à la fois collective et individuelle ?

1 Voir Yves Bergeron, « Drapeau de Carillon », [En ligne], Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, 2009 [www.ameriquefrancaise.org/fr/ article-212/Drapeau_de_Carillon.html]. 2 Laurier Turgeon, « Introduction. Du matériel à l’immatériel. Nouveaux défis, nouveaux enjeux », Ethnologie française, vol.40, no 3, 2010, p. 391.


U N P AT R I M O I N E , D E S P AT R I M O I N E S Le patrimoine renvoie à certains événements historiques qui font la mémoire et la fierté d’un groupe ou d’une population. Il se matérialise de plusieurs manières : par la préservation de monuments et la création d’aires protégées, l’érection de statues et de plaques commémoratives, l’organisation de rituels et de fêtes spécifiques, la conservation d’objets matériels par les musées et les bibliothèques, etc. Ce patrimoine est généralement protégé tant que le groupe tient à transmettre un message aux futures générations. Pensons à l’ouvrage Flore laurentienne du frère Marie-Victorin, à la citadelle de Québec ou encore au drapeau de Carillon qui, présenté lors du défilé du 24 juin 1848 par la Société Saint-Jean-Baptiste, influencera par la suite le drapeau du Québec1. Chacun de ces éléments témoigne de l’histoire québécoise et a participé à la construction identitaire de la population en tant que nation unique. Le patrimoine, c’est finalement ce qui relie à la fois les anciennes et les prochaines générations par des épisodes et des artéfacts fondateurs, porteurs d’une mémoire partagée. Il participe à la création et à la diffusion d’un sentiment d’appartenance et de fierté à la fois collective et individuelle. Vivant et en constante réactualisation, il doit aussi être transmis et validé par une majorité, au risque d’être oublié ou même renié. De ce patrimoine matériel et naturel à commémorer, il en existe aussi un autre, qui se vit et se ravive constamment. Le patrimoine immatériel peut se définir comme étant « les expressions, les témoignages, les récits, les traditions, les pratiques et les savoir-faire, souvent transmis oralement à travers les générations2 ». Immanent, il nous permet d’exprimer l’insondable qui nous maintient en vie, mais qu’aucune plaque commémorative, aucune bâtisse, aucun espace protégé ne pourraient imiter. Il émerge en nous, dans et par le corps et le cœur, en convoquant tous nos sens. S’il existe un classement des sites du patrimoine mondial, l’UNESCO dresse également depuis 2003 une liste des éléments du patrimoine immatériel que l’humanité devrait préserver. Actualisée chaque année, elle démontre la richesse et la créativité humaines à l’échelle planétaire. Des savoir-faire du meunier liés à l’exploitation des moulins à vent et à eau aux Pays-Bas en passant par la diète méditerranéenne ou l’art du tapis traditionnel en feutre du Kirghizistan, les arts ancestraux témoignent aussi de la fragilité de la transmission et de l’importance de protéger ces parcelles du monde.

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œUVRE PROCESSUS

Q U E L P AT R I M O I N E À L’ H Ô P I TA L  ? L’hôpital est un lieu incontournable dans la vie d’une communauté. Il rythme l’existence humaine et constitue un repère architectural dans la ville. Chacun·e y vivra certains des grands rites de passage de la vie. Se questionner sur la présence d’un patrimoine hospitalier renvoie directement à l’histoire du Québec. N’est-ce pas Jeanne Mance, cofondatrice de Montréal, qui créa le premier hôpital de la ville en 1645 ? La province garde ainsi l’empreinte de la tradition des soins prodigués dès la colonisation que de nombreux indices architecturaux, mobiliers et immatériels révèlent en couches successives. Unique, le patrimoine hospitalier est aussi bien porteur des traces du passé que de celles du présent, et leur conservation est très fragile. L’évolution des technologies médicales couplée à l’urgence du quotidien en contexte de soins et le statut même de l’hôpital comme lieu de mouvement perpétuel sont certains des obstacles qui limitent la préservation du patrimoine hospitalier montréalais et québécois. À cela, le CHUM ne fait pas exception. L’Hôpital Saint-Luc, l’Hôtel-Dieu et l’Hôpital NotreDame se partagent le territoire urbain et révèlent tous une certaine histoire de la ville et de ses habitant·e·s. D’abord, leur architecture était marquée par les multiples évolutions techniques et technologiques et répondait à plusieurs impératifs sanitaires, géographiques et politiques spécifiques que le temps nous a fait oublier. D’autre part, ces hôpitaux sont les témoins visibles des époques révolues que l’on retrouve au détour d’un banc qui paraît ancien, de la police de caractère de certains panneaux devenue désuète, de la marque d’un crucifix décroché du mur. L’humanité évolue, mais certains indices sont des marqueurs visibles des époques qui s’enchevêtrent, dont l’hôpital conserve certains trésors souvent cachés. L’histoire orale joue également un rôle de premier ordre dans cette écriture et cette transmission patrimoniales. De ces récits naissent des mémoires d’employé·e·s et d’usager·ère·s qui se transmettent dans les familles. Ce patrimoine, du quotidien ou de l’inédit, participe à la construction des histoires, des identités et des valeurs québécoises, et mérite d’être préservé. Dans les hôpitaux, il s’active par les sens qui entrent en action dès qu’on en franchit la porte : le toucher d’une banquette, la vue d’une fenêtre, le son des pas sur le prélart, l’odeur de la vie naissante et le goût des repas servis. Impalpable, cette mémoire n’en est pourtant pas moins vivante et ravivée à de multiples occasions, au détour d’un corridor ou d’une réunion familiale. Il en faut parfois peu pour que les histoires et les mémoires émergent et s’activent.

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F A I R E V I V R E L E P AT R I M O I N E D U C H U M De 2013 à 2016 a eu lieu un vaste chantier de recherche sur les patrimoines matériels et immatériels des trois hôpitaux du CHUM, mené par les étudiant·e·s de la maîtrise conjointe en muséologie (Université du Québec à Montréal et Université de Montréal) dans le cadre du séminaire Collections et conservation. Environ mille objets à valeur patrimoniale et historique ont été répertoriés sur les trois sites. Quelques employé·e·s se sont même avéré·e·s de véritables gardien·ne·s du patrimoine puisqu’écoutant leur intuition, elles et ils collectaient depuis plusieurs années des artéfacts voués à la destruction ou au rebut. À leur manière, et sans le savoir vraiment, ces personnes ont ainsi participé à la sauvegarde d’une partie du patrimoine du CHUM. Pensons notamment à la boîte d’ampoules de bromure d’éthyle retrouvée au Service des archives de l’Hôpital Notre-Dame3 . Le liquide était utilisé comme anesthésique et remède pour les convulsions, les crises nerveuses, l’hystérie et l’épilepsie. Ou pensons encore à l’aiguière baptismale qui se trouvait dans la salle de recueillement de l’Hôpital Saint-Luc, pourtant seul établissement laïque entre les trois. Dans un second temps, il est également apparu aux cohortes étudiantes l’importance de la mémoire orale et l’émergence d’un patrimoine immatériel insoupçonné. Saint-Luc, Hôtel-Dieu et Notre-Dame. Trois hôpitaux, trois âmes, et pourtant les histoires, les objets, les lieux s’entremêlent jusqu’à ce que les mémoires individuelles tissent une histoire collective. En partageant un souvenir ou en confiant un objet gardé précieusement aux étudiant·e·s en muséologie, les employé.e.s ont été des témoins du patrimoine en devenir du CHUM. Sélectionner, évoquer, trouver, sentir et se laisser imprégner sont autant de gestes nécessaires pour découvrir la richesse du patrimoine hospitalier dans ce qu’il a de plus hétéroclite et de surprenant. 3

Boîte d'ampoules, page 187.

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œUVRE PROCESSUS

Le manque d’espace, l’évolution effrénée des technologies, la rotation humaine perpétuelle empêchent l’œil et la main de conserver les bribes matérielles des hôpitaux. Le souvenir est esprit. Il exalte dans la parole, dans l’échange avec l’autre, dans la répétition quotidienne et dans la convocation des cinq sens. Le patrimoine à l’hôpital est alors, par essence, plutôt immatériel. À la fois évanescent et omniscient, il est très démocratique, quiconque pouvant s’arroger une parcelle de mémoire et d’histoire. Ce temps d’arrêt et ce retour aux souvenirs permettent au CHUM de devenir une sorte de poème personnel. À l’Hôtel-Dieu, le chant et l’orgue des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph résonnaient dans certains bureaux dont les murs étaient adjacents à la chapelle de la congrégation. La vue des chambres sur leur jardin et sur le mont Royal participait aussi au rétablissement du corps et de l’esprit des personnes hospitalisées. L’infirmière-chef Auriette Breton, doyenne des employé·e·s de Saint-Luc, se rappelle l’usage des seringues en verre et l’auscultation du pouls avec d’anciens instruments. L’oreille écoutait le cœur qui se parait de mille attributs. Les pavillons de Notre-Dame ont leur propre cartographie pour celles et ceux qui arpentent nuit et jour les corridors de cet hôpital devenu un coin de chez soi. La lumière changeante matérialise le séjour, où chaque heure se reflète sur les murs des chambres. L’odeur, tantôt vieillotte à l’Hôtel-Dieu, tantôt évoquant le propre et le lisse des planchers fraîchement lavés, est unique. À elle seule, elle est tout un patrimoine qui ravive, apaise et même rassure. L’hôpital est également un sanctuaire particulier pour l’ouïe, où se fracassent les pas pressés des employé·e·s, le chuintement des chariots métalliques et le tic-tac des horloges qui passent le temps. L’atmosphère des hôpitaux s’incarne dans chacun de nos souvenirs et cette mémoire nous est transmise. Au cœur de la cité, le CHUM est au centre de la vie de tant de Montréalais·e·s.

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De ces bribes immatérielles les visiteur·euse·s pouvaient retrouver certaines traces dans l’exposition Patrimoines de Yann Pocreau, présentée à la Galerie de l’UQAM en 2016. Nos images personnelles résonnaient avec l’expérience de l’artiste. Les sens étaient réveillés çà et là : l’ambiance et le mur découpé de La chambre où, d’un coup, un mélange de sentiments nous immergeait ; les 772 ampoules 4 de La lumière / le temps qui clignotaient comme autant de vies et d’actions en cours ; les dossiers médicaux qui rythmaient les séjours ; les fiches de recettes de cuisine dont une rapide lecture nous plongeait dans le goût inédit d’un « gâteau fantôme » ou encore d’un « pouding au suif et sauce au rhum5 ». En disséminant quelques indices, aussi ténus fussent-ils, Pocreau est parvenu à faire jaillir les multiples facettes de l’immatérialité humaine et sensorielle du CHUM. Il en émanait une certaine tension entre les éléments oubliés rendus visibles − et ravivant une mémoire du corps et du cœur pour certain·e·s −, la renaissance et la reconnaissance de ces mêmes bribes mentales par la démarche artistique. Ces mémoires éparses trouvaient une sorte de chemin vers une communion des sens et des valeurs qui participent à la construction de l’histoire montréalaise. Par une évocation plurielle de l’hôpital, ce sont les identités multiples qui se chevauchaient et se répondaient. Les histoires sont précieuses et leur superposition permet la création d’une mémoire réactualisée et toujours en devenir.

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Les 772 ampoules, dont une majorité provenait de Saint-Luc avant la démolition, évoquaient les 772 nouvelles chambres du CHUM.

5 La guérison passait par le plaisir de manger. Le gras, le sucre et même l’alcool étaient des ingrédients très utilisés pour nourrir les patient·e·s. Des taches de chocolat et de graisse parsèment encore les fiches plastifiées, mêlant alors la matérialité du document à l’immatérialité de la mémoire du repas, de sa fabrication jusqu’au dernier coup de fourchette (fiches de recettes du Service diététique de l’Hôtel-Dieu de Montréal, pages 205 à 220).

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Hospital Heritage: Revealing the Poetics of Daily Life MARIE - CHARLOT TE FRANCO

Heritage is all around us. It responds to our very powerful need to rally both during important moments in our collective history and at events that become engraved in our own memory. Who has not heard or said, “This is part of our heritage”? This phrase well describes the attachment an individual or group can have to a place, a building or an artistic or cultural practice, whether these are commonly shared or exist only within a narrower sphere, like a family circle. While heritage contributes to the development of individual and collective identity, it also allows for unity and commemoration under a common symbol. But what about the medical realm? Does heritage exist within a hospital? How have the CHUM and its three founding hospitals—Hôpital Saint-Luc, Hôtel-Dieu de Montréal and Hôpital Notre-Dame—contributed to building a memory that is both collective and individual, and how do they continue to do so?


O N E H E R I TA G E , M A N Y H E R I TA G E S Heritage refers to certain historical events that constitute the memory and pride of a group or population. It can take shape in several ways: through the preservation of monuments and the creation of protected areas, by erecting statues and commemorative plaques, through the organization of specific rituals and celebrations, through the preservation of material objects by museums and libraries, etc. In general, this heritage is protected as long as a group wishes to convey a message to future generations. One might think of the book Flore laurentienne by Brother Marie-Victorin, the Citadelle in Quebec City, or the Flag of Carillon which, displayed by the Société Saint-Jean-Baptiste during the parade of June 24, 1848, later influenced the design of the Quebec flag.1 Each of these elements attests to Quebec’s history and contributes to the construction of its people’s identity as a unique nation. Ultimately, heritage is what connects former and future generations through foundational episodes and artefacts that are carriers of a collective memory. It contributes to creating and spreading a sense of belonging and of collective and individual pride. Heritage is a living and constantly evolving thing that must also be conveyed and validated by a majority, or else be forgotten or even denied. Beyond commemorating a material or natural heritage, another kind of heritage exists; one that is continuously lived and revived. Intangible heritage can be defined as “the expressions, accounts, narratives, traditions, practices and skills that are often transmitted orally from generation to generation.”2 It is inherent, and allows us to express the intangible things that keep us alive, but that no commemorative plaque, no building, no protected space can imitate. It emerges within us, in and through the body and the heart, calling on all of our senses. While the classification of world heritage sites exists, UNESCO also has a list of intangible cultural heritage that humanity should preserve. Updated yearly, it shows the wealth and creativity of humankind on a global scale. From the operation of wind and watermills in the Netherlands, to the Mediterranean diet and the art of the traditional felt carpet in Kirghizstan, these ancestral arts also show how fragile the transmission of knowledge can be, and how important it is to protect these corners of the world. 1 See Yves Bergeron, “Drapeau de Carillon,” [Online], Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française,(2009)[www.ameriquefrancaise.org/fr/article-212/ Drapeau_de_Carillon.html]. 2 Laurier Turgeon, “Introduction. Du matériel à l’immatériel : Nouveaux défis, nouveaux enjeux,” Ethnologie française, 40, no. 3 (2010): 391.

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PROCESS PIECE

W H AT I S T H E H O S P I TA L’ S H E R I TA G E ? A hospital is an essential place in the life of a community. It punctuates human existence and is an architectural landmark in the city. Every one of us will experience some of life’s great rites of passage there. Considering a hospital’s heritage leads directly to the history of Quebec: Jeanne Mance, the co-founder of Montreal, established the city’s first hospital in 1645. Thus, the tradition of care in the province can be traced back to colonization, as successive layers of architecture, furniture and immaterial clues have revealed. Hospital heritage is unique, and bears traces of both the past and the present, and preserving them is a delicate matter. The evolution of medical technology, along with the day-to-day urgency of care and the very nature of the hospital environment as a place of constant movement, are some of the obstacles that limit the preservation of hospital heritage in Montreal and Quebec. The CHUM is no exception. Hôpital Saint-Luc, Hôtel-Dieu de Montréal and Hôpital Notre-Dame divide the urban territory, and each reveals a particular history of the city and its residents. First, their architecture shows numerous technical and technological transformations in response to specific but long-forgotten public health, geographical and political imperatives. At the same time, these hospitals are concrete examples of bygone eras, discovered in a well-worn bench, in the typeface of now-obsolete signage, in the mark left by a crucifix that once hung on the wall. Humanity evolves, but some clues are markers of overlapping eras, and hospitals contain many of these often-hidden treasures. Oral history also plays an important role in the recording and transmission of heritage. From these stories come the memories of hospital employees and users that are passed on through families. This heritage, whether quotidian or unique, helps shape the stories, identities and values of Quebec and deserves to be protected. In hospitals, it is activated through the senses, which are triggered as soon we walk through the door: the feel of a bench, the view from a window, the sound of steps on the linoleum, the smell of nascent life and the taste of a meal. This memory is impalpable, but nevertheless alive and revived on multiple occasions, like at the bend of a corridor or during a family reunion. Sometimes little is needed for these stories and memories to emerge and come to life.

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PROCESS PIECE

B R I N G I N G T H E C H U M ’ S H E R I TA G E T O L I F E From 2013 to 2016, a vast research project was conducted on the tangible and intangible heritages of the three CHUM hospitals, led by students in the joint Master’s program in Museum Studies (Université du Québec à Montréal and Université de Montréal), as part of the seminar Collections et Conservation. Approximately one thousand objects of heritage and historical value were inventoried at the three sites. Some employees even proved to be true heritage guardians by having instinctively saved artefacts over the years that were otherwise destined for destruction. In their own way, and without truly knowing it, these individuals helped salvage part of the CHUM’s heritage. This is particularly the case with a box of ethyl bromide vials found in the archival department of Hôpital Notre-Dame.3 Ethyl bromide was used as an anaesthetic and a remedy for convulsions, nervous illness, hysteria and epilepsy. Also, a baptismal ewer was found in the prayer room at Hôpital Saint-Luc, despite it being the only secular institution of the three. Furthermore, the students also recognized the importance of oral memory and the emergence of an unforeseen, intangible heritage. Saint-Luc, Hôtel-Dieu, Notre-Dame: three hospitals, three souls, and yet the stories, objects and places became intertwined until individual memories wove a collective history. By sharing their recollections or by entrusting a preciously preserved object to the museum studies students, the employees witnessed the CHUM’s heritage come into being. Selecting, evoking, finding, feeling and absorbing are essential to discovering the richness of a hospital’s heritage, even in the most eclectic and unexpected things. A lack of space, fast-paced technological change and constant staff turnover can inhibit the preservation of a hospital’s tangible fragments. Memory is in the mind. It exalts in words, in speaking with others, in daily repetition and in the summoning of our senses. A hospital’s heritage is, therefore, rather intangible. Both evanescent and omniscient, it is also highly democratic; anyone can claim a memory and a piece of history. This moment of pause and reminiscence allows the CHUM to become a kind of personal poem. At Hôtel-Dieu, the singing and organ playing of the Religieuses Hospitalières de SaintJoseph (the hospital nuns of Saint-Joseph) echoed through the offices that bordered the parish chapel. The view from the hospital rooms onto their garden and Mount Royal also helped to heal both body and soul. Head Nurse Auriette Breton, the most senior of Saint-Luc’s employees, remembers using glass syringes and auscultating the pulse with old

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instruments. The ears detected the heart’s many traits. For those who walk its halls day and night, Notre-Dame has its own cartography; it becomes home. The changing light gives tangible form to their stay, where each hour is reflected on the room’s walls. The smell of HôtelDieu is unique: sometimes musty, sometimes clean like the smooth and freshly washed floors. This scent is an entire heritage all its own; it revives, calms and even reassures. A hospital is also a special place for listening, where the hurried steps of employees, the squeaking of metal carts and the ticking of clocks jangle together. Its atmosphere is embodied in each of our memories, and this memory is conveyed to us. In the heart of the city, the CHUM is at the centre of so many Montrealers’ lives. Some of these intangible fragments could be found in Yann Pocreau’s exhibition Patrimoines at Galerie de l’UQAM, in 2016. In it, we found our own images echoed the artist’s experience. All around us, our senses were aroused: the ambience and cut out wall sections in La chambre overwhelmed us with a sudden mix of emotions; the 772 blinking light bulbs4 in La lumière / le temps, like the many lives and ongoing activities of the hospital; the medical files that recorded each stay; the recipe cards that evoked the unique taste of “phantom cake” or “suet pudding with rum sauce.”5 Through these few, subtle clues, Pocreau brought to mind many facets of the CHUM’s human and sensory immateriality. A kind of tension emerged between these now visible, but once forgotten, elements—rekindling physical and emotional memories for some—and their resurgence and recognition through artistic means. These scattered memories found a new kind of path towards a communion of senses and values that have shaped the history of Montreal. Multiple identities overlap and speak to each other through a plurality of evocations. These stories are precious, and their layering allows new and constantly evolving memories to come into being.

3

Box of vials, page 187.

4

The 772 light bulbs, most of which came from Saint-Luc before its demolition, symbolised the 772 new rooms in the CHUM.

5 Healing took place through the pleasure of eating. Fat, sugar and even alcohol were frequently used ingredients. Chocolate and grease still stain the laminated cards, blending the tangibility of the document with the intangible memory of the meal, from its preparation to the last mouthful (recipe cards from the dietary services department of Hôtel-Dieu, from page 205 to 220).

131.







10.11.2016

Bien qu’ici, les odeurs, les sons et les discussions sont tout autres que ceux d’un hôpital en activité, entendre un mot à caractère médical me donne des frissons ces jours-ci. Lundi le 31 octobre, ma mère a chuté et s’est cassé le cou. Entre la peur et la culpabilité, entre l’acharnement et l’amour, je l’ai veillée. Quatre jours pleins à l’urgence du CHUM, quatre jours et nuits à observer, ma main sur celle de ma mère, le grand cirque de l’urgence, ses courses et ses attentes, son personnel dévoué. J’ai eu peur, très peur, pour une toute première fois, de faire face à la mort. Pas n’importe quelle mort, celle de ma mère. Elle n’est pas partie, cette semaine-là, à l’hôpital, mais je sais que derrière le mur de sa démence, elle a eu peur de la mort. Sa main frêle agrippée à la mienne, au fond de ses yeux, je l’ai vue et ressentie, cette peur. Elle s’est cassé le cou, la C1, l’atlas. Cette première vertèbre porte ce nom, « atlas », comme le titan qui porte le poids de la voûte céleste dans la mythologie grecque, Atlas devenu montagne après avoir vu la tête de Méduse. Atlas comme cette montagne du Maroc, l’endroit préféré de ma mère, où elle est née, a grandi. C’est presque ironique. Ma mère s’est fracturé son Maroc natal. Although the smells, sounds and discussions here are entirely different from those of a functioning hospital, hearing a medical term gives me the shivers these days. On Monday, October 31, my mother fell and broke her neck. With a mixture of fear and guilt, determination and love, I watched over her. Four full days in emergency at the CHUM, four days and nights to observe, with my hand on hers, the great circus of the emergency ward, the running and waiting, the devoted staff. I was afraid, very afraid, for the very first time, of confronting death. Not just any death. My mother’s. She didn’t leave us, that week in the hospital, but I know that behind the wall of her dementia she was afraid to die. As her frail hand gripped mine, I saw and felt this fear deep in her eyes. She broke her neck, C1, the atlas. The first vertebrae is called the “atlas,” like the titan in Greek mythology who carries the weight of the celestial heavens. Atlas, who became a mountain after seeing the head of Medusa. Atlas, the mountain in Morocco, my mother’s favourite place, where she was born and raised. It’s almost ironic. My mother fractured her native Morocco.











15.01.2015

Une première idée était d’amener la lumière naturelle au couloir qui mène à la morgue. Un dernier rayon de lumière. An initial idea was to bring natural light into the corridor leading to the morgue. A last ray of light.










20.01.2017

Je réalisais toutefois, à travers ton absence, que ce projet de cité-hôpital n’aurait pas le même sens pour tou·te·s. À l’urgence, cette semaine, c’est le temps qui avait raison du reste. I nevertheless realized, through your absence, that this city-hospital project wouldn’t mean the same for everyone. In emergency this week, time won out over everything else.











03


Patrimoines Exposition présentée à la Galerie de l’UQAM du 30 août au 8 octobre 2016 Exhibition presented at Galerie de l’UQAM from August 30 to October 8, 2016

+ En tournée dans les maisons de la culture de Montréal 2016-2018 On tour in the maisons de la culture of Montreal 2016-2018


P . Y . 2 0 1 6

POCREAU.YANN.

PATRIMOINES Il m’a semblé nécessaire d’aborder la question de la disparition de l’Hôpital Saint-Luc sous la forme d’une exposition, de pouvoir mettre en lumière les récits qui le composaient, et ce, autrement. J’ai voulu interpeler notre rapport au bâti hospitalier et particulièrement à notre attachement, même paradoxal, à ces lieux qui ont marqué de souvenirs notre existence, notre rapport à la santé, à la mort, à la naissance, au travail ou à ces ami·e·s et parent·e·s que le cœur nous impose d’accompagner un jour ou l’autre, sinon d’un jour à l’autre. La question de la disparition matérielle de Saint-Luc me faisait réaliser à quel point les objets qu’il abritait, les murs, les briques, les pierres, mais aussi ses odeurs, ses souvenirs, ses bruits étaient si «  affectés  » qu’il me semblait logique de penser que c’était exactement dans cette mécanique que le patrimoine collectif prenait naissance. Un amalgame d’affects individuels disloqués qui, remis ensemble, donnait lieu à notre sens «  commun  ». À la suite d’une résidence d’été à la Galerie de l’UQAM en 2016, Patrimoines a pris forme, puis est partie en tournée dans différentes maisons de la culture à Montréal. J’ai eu accès à un public fantastique, varié. Celui de l’art, certes, mais aussi des proches aidant·e·s, des patient·e·s, des médecins, des infirmier·ère·s, des architectes. Constituée d’éléments recueillis à l’Hôpital Saint-Luc, de mobilier, de briques, de quelques artéfacts, de photographies, de vidéos et de sons, cette exposition est née de longues discussions, de rencontres et de nombreuses collaborations. Ainsi, par exemple, j’ai laissé le soin à Marie-Charlotte Franco, alors doctorante en muséologie, de présenter, avec son équipe, une réflexion plus historique sur le patrimoine matériel et immatériel de nos hôpitaux ; l’artiste et cinéaste Anna Lupien signait

avec moi un portrait vidéo de la particulièrement inspirante Auriette Breton, infirmière-chef d’unité de soins du neuvième Ouest, doyenne des


employé·e·s de Saint-Luc. J’ai décidé dès le départ de découper, à même Saint-Luc, une chambre, de la reconstruire bloc par bloc, de lui ajouter les lits, ses fenêtres, la lumière, d’en faire briller le plancher. David Gilbert et Ariane Ouellet-Pelletier de NEUF architect(e)s avaient avec moi fait le relevé d’une chambre de Saint-Luc. Au centimètre près, la chambre 3318 fut reconstruite à la Galerie de l’UQAM. Je me suis lancé aussi dans la conception d’une autre œuvre, collectant les ampoules de l’hôpital à l’aide des équipes de menuiserie et de gestion du bâtiment. J’en ai récupéré 772, 772 chambres du nouveau CHUM, 772 patient·e·s qui dorment, 772 globes déposés au sol, respirant aléatoirement de lueur. Il y avait donc de la vie dans cette exposition, dans les murs et les états de lumière, chez Garde Breton qui veillait les lieux, dans les voix et les sons enregistrés que l’on pouvait y entendre. Cette exposition qui arriva avant le remplacement de l’hôpital, avant l’inauguration de notre nouveau CHUM, a alimenté, je l’espère, notre réflexion collective sur la valeur symbolique de l’environnement hospitalier et des rapports humains qu’il convoque.


P . Y . 2 0 1 6

I felt the need to address the disappearance of Hôpital Saint-Luc in the form of an exhibition, to shed light on the stories behind it, but in a different way. I wanted to question our relationship to hospitals, in particular, our attachment, however paradoxical, to these places that have marked our lives, our relationship to health, death, birth, work, or to the friends and parents we will feel impelled to stand by, one day or another, if not one day to another. Saint-Luc’s physical disappearance made me realize the extent to which the objects it contained—its walls, bricks and stones, but also its smells, memories and sounds—were so “affected” that it seemed logical to me that it is precisely within this mechanism that collective heritage originates. An amalgam of dislocated individual affects which, once united, give rise to our “common” understanding. Patrimoines was presented at Galerie de l’UQAM after a residency there in the summer of 2016, then toured to various maisons de la culture in Montreal. The experience led me to meet a fantastic and diverse group of people. People from the art community, of course, but also caregivers, patients, doctors, nurses and architects.


The exhibition was composed of elements from Hôpital Saint-Luc, such as furniture, bricks, a few artefacts, photographs, videos and audio recordings, and grew out of long discussions, meetings and numerous collaborations. For example, Marie-Charlotte Franco, a doctoral student in museum studies at the time, and her team, presented a historical account of the hospital’s tangible and intangible heritage. The artist and filmmaker Anna Lupien and I collaborated on a video portrait of Auriette Breton, the particularly inspiring head nurse of the ninth West ward, and the most senior member of Saint-Luc’s nursing staff. From the outset, I decided to literally cut a room out of the hospital and rebuild it, piece by piece, complete with beds, windows, light and a gleaming floor. To achieve this, I worked with David Gilbert and Ariane Ouellet-Pelletier of NEUF architect(e)s to make an architectural drawing of room 3318 at Saint-Luc, and reconstructed it at Galerie de l’UQAM, right down to the nearest centimetre. I also began working on another piece, collecting hospital light bulbs with the help of carpentry and building management crews. I salvaged 772 bulbs for the 772 rooms in the new CHUM, 772 sleeping patients, 772 orbs on the ground, randomly pulsing with light. There was life in this exhibition, in its walls and in the quality of its light, in Nurse Breton watching over the room, and in the recorded voices and sounds that echoed there. Patrimoines was presented before Saint-Luc was replaced, before our new CHUM was inaugurated. Hopefully, it helped to fuel a collective reflection on the symbolic value of the hospital environment and the human relationships it convokes.


























Extraits d'entrevue avec Auriette Breton, infirmière-chef du Service d'hépatologie de l'Hôpital Saint-Luc P R O P O S R E C U E I L L I S PA R A N N A L U P I E N E T YA N N P O C R E A U LE 30 JUIN 2016

Je suis Auriette Breton. Je me suis inscrite à l’école des infirmières de l’Hôpital Saint-Luc en août 1962 et j’ai gradué en septembre 1965. Je me suis occupée des étudiantes infirmières pendant trois ans. Puis en 1970, j’ai eu un poste d’assistante-infirmière-chef au quatrième Ouest, qui était à l’époque l’urologie et la neurochirurgie. […] Ensuite on m’a demandé si j’accepterais d’être infirmière au sixième Sud parce qu’il y avait l’ouverture d’une unité d’hépatologie. À l’époque, on ne nous appelait pas les infirmières-chefs, on nous appelait les hospitalières. Mais aujourd’hui, ce n’est plus ça. […] Alors, j’ai accepté. C’est là que la grande aventure a commencé. Ce fut l’ouverture d’une unité d’hépatologie : les maladies du foie. C’était la seule unité au Québec où on retrouvait des maladies du foie. […] Les gens qui travaillaient en hépatologie, je dois vous dire, c’était des médecins hors de l’ordinaire parce que c’était une spécialité qui était très dure. Parce qu’à l’époque, les patient·e·s qui se pointaient à l’urgence, c’était des cas de cirrhoses alcooliques, y avait beaucoup de débardeurs du port de Montréal, y avait des patient·e·s qui arrivaient en délirium, il y avait des cas d’hépatite aigüe… Il y avait un peu de tout et à un moment donné, on recevait une clientèle des autres hôpitaux, qui ne savaient pas quoi faire avec ces patient·e·s-là. Ici, il y avait le Service d’hépatologie du docteur André Viallet où on s’occupait des maladies du foie. […] J’ai ouvert l’unité en 1973 et aujourd’hui, en 2016, j’en apprends encore.


J’ai encore en tête des chirurgiens qui disaient : « Un jour on va greffer des foies. On ne verra pas des patients dans l’coma comme ça. » Et en 1986, c’est là que les premières greffes du foie ont débuté. Écoutez, pour les patient·e·s, c’était quasiment un miracle d’avoir un foie. Nous, les infirmières qui avions ces patient·e·s-là, on était bien contentes quand ça réussissait bien. Parce que nos patient·e·s, on les évaluait. C’était la même infirmière qui les prenait en charge jusqu’au départ. Ça fait qu’il y avait une très belle continuité des soins.

PORTRAIT D’AURIETTE BRETON - 2016 Image fixe tirée du film Film HD, couleur, son 14 min 50 s, en boucle

Still image from the film HD Film, color, sound 14 min 50 s, on loop

Avec la collaboration de With the collaboration of Anna Lupien

197.


Chambre des naissances, Hôpital Saint-Luc, années 1970

Birthing House, Hôpital Saint-Luc, 1970’s

Quand à Saint-Luc, en 1908, ils ont commencé à recevoir des patient·e·s à l’urgence, ils en recevaient déjà beaucoup. C’est de là que vient la culture de Saint-Luc. À l’époque, ils appelaient ça la « période noire », où il y avait des marins qui se présentaient à l’urgence. Ils acceptaient tout le monde. C’est pour ça que je vous dis que c’était un hôpital avec une grande qualité humaine. C’était un quartier pauvre, où il y avait beaucoup d’itinérance : il y avait de la mafia, il y avait de la bataille. On ramassait tout le monde finalement. Et ça, c’était comme une culture. Je ne devrais pas dire ça, mais c’était ça pareil. Moi, quand on me demandait « Tu fais ton cours d’infirmière à quel endroit ? », et quand je disais « À l’Hôpital Saint-Luc », « Ah ! À l’hôpital des chiens ! ». Bon. Ça fait que moi, ça m’intriguait, puis j’avais demandé un jour pourquoi on appelait ça « l’hôpital des chiens ». Et bien c’était à cause de ça. C’est parce qu’on recevait tout le monde. On ne fermait pas la porte à personne. C’était un lieu où l’accueil était grand, où régnait vraiment un esprit d’humanité.

198.


Ce qui me tient à cœur… Ma priorité c’est de donner les meilleurs soins possible aux patient·e·s et former les meilleures infirmières pour les prendre en charge. […] Ce qui me fait continuer, c’est l’équipe d’hépatologie. J’ai été avec cette équipe-là depuis 1973. J’ai toujours le même personnel. Les gens qui quittent, c’est parce qu ils prennent leur retraite ou qu’ils quittent le pays. […] Je pense que c’est une des équipes, à l’Hôpital Saint-Luc, qui était très remarquée. […] Tu sais, toute l’équipe, on se réunissait et c’était le party. C’était là, la récompense pour les infirmières, les préposé·e·s, tout le monde qui œuvrait au sein de l’équipe. Ça faisait en bout de ligne du personnel satisfait. Les gens se sentaient reconnus. Et ça ne s’oublie pas. Puis quitter et laisser une équipe comme ça, c’est pas facile. Parce que moi, c’est comme ma deuxième demeure. Je devais quitter, là, en mars, mais on m’a demandé de prolonger. Alors tant et aussi longtemps que je serai à la hauteur et que j’aurai la santé pour continuer… Moi, le mot « retraite », c’est pas un mot que j’aime. Ça ne m’intéresse pas de dire : « Je prends ma retraite. » Non. Aussi c’est que ça nous tient éveillé·e·s.

199.


Excerpts from an Interview with Auriette Breton, Head Nurse of the Hepatology Department, Hôpital Saint-Luc INTERVIEWED BY A N N A L U P I E N A N D YA N N P O C R E A U J U N E 3 0, 2 0 1 6

My name is Auriette Breton. I enrolled in the nursing school at Hôpital Saint-Luc in August 1962 and graduated in September 1965. For three years, I was in charge of the student nurses. Then in 1970, I got a job as an assistant head nurse in the fourth floor West division, which at the time was urology and neurosurgery… Then I was asked if I would agree to be a nurse in the sixth floor South division, because there was an opening in the hepatology unit. At the time, we weren’t called head nurses, we were called “hospitalières.” But that’s no longer the case… So I agreed. That’s when this great adventure began. It was the opening of the hepatology unit: liver diseases. This was the only unit in Quebec that treated liver diseases.


Auriette Breton dans sa chambre d’étudiante

Auriette Breton in her student room

Hôpital Saint-Luc, 1964 Photo — Fernande Maillé

201.


The people who worked in hepatology, I have to tell you, they were extra-ordinary doctors, because it was a very difficult specialization. At the time, patients who went to emergency went there for alcoholic cirrhosis. There were a lot of dockers in the port of Montreal, patients would arrive in a state of delirium, there were cases of acute hepatitis…There was a bit of everything and sometimes we received patients from other hospitals that didn’t know what to do with them. At Saint-Luc we had the hepatology department, with Dr. André Viallet, where we treated liver diseases. […] I opened the unit in 1973, and today in 2016, I’m still learning. […] I can still remember surgeons who said: “One day we’ll be transplanting livers. We won’t see comatose patients like that.” And in 1986, the first liver transplantations began. Listen, for patients, receiving a liver was almost a miracle. For nurses who had patients there, we were so happy when it was successful. Because we evaluated our patients; the same nurse was in charge of a patient until they left. That way, there was very good continuity of care. […] When they began accepting emergency patients at Saint-Luc in 1908, they were already receiving a lot. At the time, they called it the “dark period,” when sailors showed up at emergency. They took everyone. That’s why I’m saying it was a great humanitarian hospital. It was a poor neighbourhood with a lot of vagrancy; there was the mafia, there were fights. We really took in everyone. And it was like a culture. I shouldn’t say that, but that’s what

202.


it was like. So when people asked me “where did you do your nursing courses?” and I said “at Hôpital Saint-Luc,” they’d say “Ah! The dog hospital!” Well, I was curious, so one day I asked why they called it the “dog hospital,” and it was because of that. It’s because we took in everyone. We never closed the door on anyone. It was a very welcoming place, with a real humanitarian spirit. […] What’s important to me... My priority is to give patients the best possible care and to train the best nurses to look after them. […] What keeps me going is the hepatology team. I’ve been with them since 1973. I still have the same staff. If anyone leaves, it’s because they’ve retired or they’ve left the country. […] I think it was one of the teams at Hôpital Saint-Luc that attracted a lot of attention. […] You know, when our team got together, we partied. That was the reward for nurses, attendants, and everyone who worked on the team. In the end, it made for a happier staff. They felt that their work was recognized. And people don’t forget that. Quitting and leaving a team like that isn’t easy. It’s like my second home. I was supposed to retire this past March but they asked me to stay on. So as long as I’m up for it and healthy enough to continue... I don’t like the word “retirement.” I’m not interested in saying “I’m retiring.” No. Besides, work keeps us sharp.

203.




















04

SAINT-LUC / LA DISPARITION

SAINT-LUC / THE DISAPPEARANCE

































05

LE CHANTIER / LA FIN

THE WORKSITE / THE CONCLUSION





06.03.2018

Pomerleau reprend l’ensemble de la deuxième phase. Saint-Luc est en démolition, je le visite demain. Il sera complètement mis à terre pour les vacances de la construction. Il y a un peu plus d’un an de retard, mais reste que le CHUM, tel qu’il est, nous permet d’oublier ce retard.


Pomerleau has taken over work on all of phase two. Saint-Luc is being demolished, I’ll visit it tomorrow. It’ll be completely razed before the construction holiday. Things are running a little over a year late, but the CHUM, as it stands, helps us forget this delay.




14.09.2015

Je vais aller au CHUM, voir le chantier, sentir le vent, regarder la douce réflexion de ce soleil qui part bientôt sur le verre qui emballe ses murs.

I’m going to the CHUM construction site, to feel the wind and watch the soft reflection of the soon-departing sun on its glass-wrapped walls.









10.03.2015

Il y a toujours ce tabou de la pure documentation dans ce projet. Je crois toutefois qu’elle est nécessaire. Non pas que je crois que mes idées ne suffiront pas, mais l’accès public à ce lieu fermé, mais pourtant public, se nourrit en fait de sa propre réalité. There is always the taboo of documentation in this project. I believe, however, that it’s necessary. Not that I think my ideas are insufficient, but access to this closed yet public space feeds on its own reality.



pages images - CHUM amphi



















Liste des images / List of Images 172-173.

VUE DE L’EXPOSITION / EXHIBITION VIEW Galerie de l’UQAM 2 0 1 6 Photo  —  PAUL LITHERLAND

174-175. LA CHAMBRE 2 0 1 6

[détails/details]

Matériaux divers / Various materials

Photo — PAUL LITHERLAND [gauche/left] Photo — YANN POCREAU [droite/right]

176-181. MÉMOIRES

[détails/details]

2 0 1 6

80 diapositives, bureau de médecin, dossier médical 80 slides, doctor’s desk, medical file

COLLECTION — VILLE DE MONTRÉAL

1 8 2 .

VUE D’EXPOSITION / EXHIBITION VIEW Galerie de l’UQAM 2 0 1 6 Photo — PAUL LITHERLAND

183-185.

CHUM / CONSTRUCTION 1, 2, 3 2 0 1 4 - 2 0 1 6 109 cm x 140 cm chacune/each Épreuves numériques  /  Digital proof COLLECTIONS — GALERIE DE L’UQAM (CHUM/Construction 1, 2, 3) + CHUM (CHUM/Construction 3)

1 8 7 .

AMPOULES 2 0 1 6 Épreuve numérique  /  Digital proof 64 cm x 101 cm COLLECTION — GALERIE DE L’UQAM

188-191.

AUSCULTATION DU CŒUR – SPÉCIMENS D’ANOMALIES COURANTES 1 9 6 6

Livret du disque 33 tours / Booklet for 33 rpm record Dr Yves Morin Institut de cardiologie de l’Université Laval, 1966


LA LUMIÈRE / LE TEMPS 192-193. 2 0 1 6

772 ampoules de l’Hôpital Saint-Luc, système électrique, boîtes de gradation 772 bulbs from Hôpital Saint-Luc, electrical system, dimmer boxes

PROGRAMMATION/PROGRAMMING — SAMUEL ST-AUBIN Photo — PAUL LITHERLAND COLLECTION — MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL

1 9 5 .

MÉMOIRES 2 0 1 6

[détails/details]

80 diapositives, bureau de médecin, dossier médical 80 slides, doctor’s desk, medical file

COLLECTION — VILLE DE MONTRÉAL

70-71.

ÉLÉVATION DE LA FAÇADE RUE SAINT-DENIS, 8 JUILLET 1931 FRONT ELEVATION ON SAINT-DENIS STREET, JULY 8, 1931

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (P823,S1,D54-841,PF10-2)

1 1 7 .

HÔPITAL SAINT-LUC À SES DÉBUTS, [191-] HÔPITAL SAINT-LUC IN ITS EARLY DAYS, [191-]

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (P833,S3,D462)

124-125.

CARTES POSTALES / POSTCARDS

H.N-D./Weiss Import Co., Montréal / Weiss Import Co., Montreal Imprimée en Allemagne  / Printed in Germany H.H-D./Crédits inconnus / Unknown credits

140-141.

PHOTO DU GROUPE D’INFIRMIÈRES

Groupe d’infirmières devant le 1058 rue Saint-Denis, Hôpital Saint-Luc, 1934 Archives du CHUM

PHOTO OF A GROUP OF NURSES

Group of nurses in front of 1058 Saint-Denis Street, Hôpital Saint-Luc, 1934 CHUM Archives

205-220.

FICHES DE RECETTES

Service de diététique de l’Hôtel-Dieu de Montréal Recueillies par les étudiant·e·s de la maîtrise en muséologie (2014)

R E C I P E C A R D S

Dietetic services, Hôtel-Dieu de Montréal Collected by the students of the Master’s program in Museum Studies (2014)

À l’exception des œuvres et des images ci-dessus, toutes les photographies de cet ouvrage font partie de l’Œuvre processus et ont été prises par Yann Pocreau entre 2013 et 2021 / With the exception of the works and images above, all photographs in this book are part of Process Piece and were taken by Yann Pocreau between 2013 and 2021. 291.




Notes biographiques

YANN POCREAU Yann Pocreau est né à Québec en 1980. Il vit et travaille à Tiohtià:ke –  Mooniyang – Montréal. Dans ses recherches récentes, il s’intéresse à la lumière comme sujet vivant et à son effet sur la trame narrative des images. Il a participé à plusieurs expositions canadiennes et internationales, dont la 50e édition des Rencontres d’Arles. Ses œuvres sont présentes entre autres dans les collections de la Banque Nationale du Canada, d’Hydro-Québec, de Desjardins, de Deloitte, des villes de Montréal, Laval et Longueuil, du CHUM, du CUSM, de la Galerie de l'UQAM, du Musée d’art contemporain de Montréal, du Musée des beaux-arts de Montréal et du Musée d’art de Joliette.

MARIE-CHARLOTTE FRANCO Marie-Charlotte Franco détient un doctorat en muséologie, médiation et patrimoine de l’UQAM. Elle est chargée de cours en muséologie dans deux universités québécoises. Elle a activement participé à répertorier les patrimoines du CHUM en co-encadrant deux cohortes d’étudiant·e·s de la maîtrise en muséologie (2014 et 2016). Invitée par Yann Pocreau, elle a coordonné la mise en exposition des recherches en muséologie sous la forme d’un laboratoire d’étude inséré dans l’exposition Patrimoines, présentée à la Galerie de l’UQAM en 2016. Des bribes de récits aux découvertes insolites, cette proposition muséologique explorait la poétique du patrimoine hospitalier qu’elle a ravivée pour ce présent ouvrage.

TAMAR TEMBECK Tamar Tembeck s’intéresse aux cultures visuelles de la maladie et de la médecine, aux pratiques d’art contemporain à l’hôpital, ainsi qu’aux études de la performance et des médias. Titulaire d’un doctorat en histoire de l’art de l’Université McGill, elle est formée professionnellement en théâtre corporel et en danse. Son intérêt pour le corps – son vécu, ses représentations et les constructions de ses significations culturelles – joint ainsi la théorie à la pratique. Directrice artistique du centre d’artistes OBORO, Tamar est également professeure associée à la Chaire de recherche UQAM pour le développement de pratiques innovantes en art, culture et mieux-être.

294.


Biographical Notes

YANN POCREAU Yann Pocreau was born in Quebec City in 1980. He lives and works in Tiohtià:ke – Mooniyang – Montreal. In his recent artistic investigations, he has explored light as a living subject and its effect on the narrative thread of images. His work has been exhibited in numerous Canadian and international exhibitions, including the 50th edition of the Rencontres d’Arles. His work can be found in the collections of institutions such as the National Bank of Canada, Hydro-Québec, Desjardins, Deloitte, the cities of Montreal, Laval and Longueuil, the CHUM, the MUHC, the Galerie de l'UQAM, the Musée d’art contemporain de Montréal, the Montreal Museum of Fine Arts and the Musée d’art de Joliette.

MARIE-CHARLOTTE FRANCO Marie-Charlotte Franco holds a PhD in Museum Studies, Cultural Mediation and Heritage from UQAM, and is a part-time lecturer in Museum Studies at two Quebec universities. She actively participated in inventorying the CHUM’s heritage objects by co-supervising two cohorts of Master’s students in Museum Studies (2014 and 2016). She was invited by Yann Pocreau to coordinate an exhibition of museological research in the form of a study laboratory that was part of the Patrimoines exhibition at Galerie de l’UQAM in 2016. From story fragments to unusual discoveries, this museological project explored the poetics of hospital heritage, which she has revived for this publication.

TAMAR TEMBECK Tamar Tembeck’s research interests include the visual cultures of illness and medicine, contemporary art practices in hospitals, as well as performance and media studies. She holds a Ph.D. in Art History from McGill University, and is professionally trained in physical theatre and dance. Her interest in the body – its experience, its representations and the constructions of its cultural meanings – thus links theory to practice. Tamar is the artistic director of the artist-run centre OBORO and an adjunct professor with the UQAM Research Chair for the Development of Innovative Practices in Art, Culture, and Well-Being.

295.


Remerciements

Un projet de cette envergure n’aurait pas vu le jour sans un gigantesque réseau de gens qui y ont cru. Elles et ils sont bien plus nombreux·ses que cette liste, j’en oublie sûrement.

Merci à toutes ces personnes qui ont, de près ou de loin, aidé à la réalisation de ce projet  : aux équipes de NEUF a rchitect(e)s, de CannonDesign, de Pomerleau, de Construction Santé Montréal, de Collectif Santé Montréal, du CHUM et de la Galerie de l’UQAM, à mes nombreux·ses collaborateur·trice·s, au ministère de la Culture et des Communications, au Conseil des arts du Canada et aux membres du comité de sélection de ce concours qui ont pensé et défendu l’idée d’une œuvre processus.

En particulier, merci à Azad Chichmanian, Jean-Louis Léger, Lilia Koleva, David Gilbert, Allen King, Ariane OuelletPelletier, Shaheen Namvary, Matt Daubach, Jeff Ma, Laurence Leroux-Lapierre, Andrew King, Daniel Durand, Anne-Sophie Allard, Jonathan Johannesen, Manuel de Orbaneja, Stéphane Mailhot, Patrick Lapierre, Paul Marguerisson, Isabelle Lavigne, Sylvie Robitaille, Anick Parisé, Irène Marcheterre, Claude Forgues, Maurice Desbiens, Marthe Larochelle, Andrée Langevin, Sylvain Morency, Isabelle Moreau, Auriette Breton, Marguerite-Anne Barry et le M. Kitschen, C & G Beaulieu, Louise Déry, Anne Philippon, Johanne Lévesque, Louis-Philippe Côté, ainsi qu’aux artistes Samuel St-Aubin et Anna Lupien, à Michel Niquette, Maryline Tremblay, Danièle Bastien, Mathieu St-Gelais, Simon Bastien, Pierre Deschênes, Yves Louis-Seize, Gilbert Poissant, France Gascon, Luc Fouquette et Pascale Beaudet.

Merci aussi à Marie Tourigny qui signe l’impeccable graphisme de ce livre-projet, à Charles Morin, à Marie-Charlotte Franco pour ses si nombreux et irremplaçables rôles dans l’histoire de cette œuvre processus, à Tamar Tembeck qui s’est prêtée au jeu de l’écriture, à toute l’équipe derrière la réalisation de cet ouvrage, à Audrey Genois pour ses conseils si précieux et à vous qui aimez les livres.

Un merci tout spécial à Julien Gagnon, à Emmanuelle Pocreau et à ma mère.


Acknowledgements

A project of this magnitude would not have been possible without a huge network of people who believed in it. There are many more of them than this list, I surely forget some of them.

Thank you to all the people who have, in one way or another, helped to make this project a reality: to the teams of NEUF architect(e)s, CannonDesign, Pomerleau, Construction Santé Montréal, Collectif Santé Montréal, CHUM and Galerie de l’UQAM, to my many collaborators at ministère de la Culture et des Communications, Canada Council for the Arts and the members of the selection committee of this contest who thought of and defended the idea of a process piece.

In particular, thanks to Azad Chichmanian, Jean-Louis Léger, Lilia Koleva, David Gilbert, Allen King, Ariane OuelletPelletier, Shaheen Namvary, Matt Daubach, Jeff Ma, Laurence Leroux-Lapierre, Andrew King, Daniel Durand, Anne-Sophie Allard, Jonathan Johannesen, Manuel de Orbaneja, Stéphane Mailhot, Patrick Lapierre, Paul Marguerisson, Isabelle Lavigne, Sylvie Robitaille, Anick Parisé, Irène Marcheterre, Claude Forgues, Maurice Desbiens, Marthe Larochelle, Andrée Langevin, Sylvain Morency, Isabelle Moreau, Auriette Breton, Marguerite-Anne Barry and the M.Kitschen, C & G Beaulieu, Louise Déry, Anne Philippon, Johanne Lévesque, Louis-Philippe Côté as well as to the artists Samuel St-Aubin and Anna Lupien, to Michel Niquette, Maryline Tremblay, Danièle Bastien, Mathieu St-Gelais, Simon Bastien, Pierre Deschênes, Yves LouisSeize, Gilbert Poissant, France Gascon, Luc Fouquette and Pascale Beaudet.

Thanks also to Marie Tourigny for her impeccable design of this book project, to Charles Morin, to Marie-Charlotte Franco for her innumerable and irreplaceable roles in the evolution of this process piece, to Tamar Tembeck who lent herself to the game of writing, to the whole team behind the realization of this work, to Audrey Genois for her invaluable advice and to all of you book lovers.

Special thanks to Julien Gagnon, Emmanuelle Pocreau and to my mother.

297.


yann pocreau

Coordination

Marie-Charlotte Franco Révision française French copy editing

Amélie Hamel Traduction anglaise English translation

Timothy Barnard Révision anglaise English copy editing

Jo-Anne Balcaen Correction d’épreuves Proofreading

Jo-Anne Balcaen Marie-Charlotte Franco Audrey Genois Amélie Hamel Yann Pocreau Conception graphique Graphic design

Marie Tourigny Traitement des images Image processing

Yann Pocreau Caroline Savaria de L’imprimerie centre d’artistes Photosynthèse Impression Printing

graphiscan

V E R S I O N PA P I E R IS B N 9 7 8-2- 981 94 4 5 - 0- 4 VERSION NUMÉRIQUE IS B N 97 8-2- 9 8 1 9 4 4 5 -2-8 D É P ÔT L É G A L B I B L I OT H È Q U E E T A R C H I V E S N AT I O N A L E S D U Q U É B E C , 20 2 1 B I B L I OT H È Q U E E T A R C H I V E S C A N A DA , 20 2 1 Tous droits réservés   All rights reserved Yann Pocreau

Cet ouvrage, tiré à 772 exemplaires, a été achevé d’imprimer en 2021 sur les presses indigo de l’imprimerie Graphiscan à Montréal (Québec), d’après les maquettes de Marie Tourigny sur papier Cougar lissé blanc 160 M / This book, published in an edition of 772 copies, was printed in 2021 on the indigo presses at Graphiscan in Montreal (Quebec), from layouts by Marie Tourigny on smooth white Cougar paper 160 M


Cette publication a été réalisée dans le cadre de la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement du ministère de la Culture et des Communications. / This book was produced as part of the Politique d'intégration des arts à l’architecture et à l’environnement of the ministère de la Culture et des Communications.

299.





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