2013 Excursion à Strasbourg
ASSOCIATION CIDERAL 25/02/2013
Strasbourg Une Capitale européenne Notre périple a débuté de bon matin à 7h, place Saint Symphorien en ce lundi 25 février 2013. Les éléments météorologiques s'étant ligués contre notre projet, nous sommes partis à cinq, laissant derrière nous des étudiants bloqués par la neige. Fabrice Thuriot, Bangaly Kaba, Jean Ngema, Perrine Hourlier et Charlotte Coudert-Belarabi : nous avons démarré notre journée strasbourgeoise après presque quatre heures de route. La découverte du Centre européen de la jeunesse a récompensé nos efforts. Situé dans le quartier européen, celui dont l'acronyme est CEJ est bordé d'une rivière et se trouve légèrement isolé du reste de la ville. L'accueil très chaleureux de Muriel Julien nous a tout de suite rendu très sympathique ce lieu unique au monde, qui est aussi l'œuvre d'architectes élèves de le Corbusier. Mme Julien nous a menés dans une salle de conférence où elle nous a transmis avec passion sa connaissance sur le Conseil de l'Europe et de ses politiques de jeunesse. Un peu d'histoire... Strasbourg est la ville où siège le Conseil de l'Europe, la plus vieille institution européenne encore usitée. En effet, il a été fondé en 1949, bien avant les institutions qui deviendront plus tard l'Union Européenne. Il a été créé sur un idéal, celui d'une Europe allant de l'Atlantique à l'Oural. A présent constitué de 47 membres, le Conseil de l'Europe couvre l'ensemble du territoire européen, à l'exception de la Biélorussie où la peine de mort est encore légale. Suite à la chute du mur de Berlin, une déferlante d'adhésions comprenant également celle de la Russie ont fait du Conseil de l'Europe une institution renouvelée. Une institution unique au monde ! Le Conseil de l'Europe s'est récemment recentré sur trois piliers : les droits de l'homme la démocratie l’État de droit Le Conseil de l'Europe a pensé et élaboré un texte désormais fondateur de l'institution : la convention européenne des droits de l'homme. Chaque membre doit l'avoir signé, ce qui permet à chaque européen de se prévaloir de ses droits auprès de la Cour européenne des Droits de l'Homme, s'ils sont bafoués et qu'il a épuisé tous les recours nationaux. Les décisions de la Cour peuvent amener les législations nationales à changer : c'est le cas de la garde à vue en France, par exemple. Un fonctionnement constructif et solidaire Le Conseil de l'Europe ne va à l'encontre des États mais instaure une dynamique autre : les Etats travaillent ensemble pour avancer. Le budget du Conseil est modeste, il représente à peu près 25 € par habitant et par an. Le budget n'a pas augmenté depuis plusieurs années et permet toujours d'employer environ 2000 agents. Ses ressources sont diverses : la participation des membres calculée au prorata de leur richesse et de leur démographie, les contributions volontaires généralement liées à un objectif ciblé et les programmes conjoints avec l'UE comme la journée européenne du patrimoine. Le Conseil édite des normes et doit ensuite s'assurer qu'elles sont respectées. La Commission de la prévention de la torture ou CPT pour les habitués visite chaque année une série d’États membres pour se rendre dans les lieux de privation de liberté : prison, asile, police,
centre administratif... Leur rapport comprenant état des lieux et recommandations est envoyé aux États qui ont un droit de réponse. Le rapport est ensuite modifié puis rendu public. Ces rapports permettent de comparer les politiques dans le temps et dans l'espace. Il existe également d'autres commissions comme la CEPEJ pour l'efficacité de la justice ou la LECRI contre le racisme et l'intolérance. S'il existe une ligne rouge à ne pas franchir pour le Conseil de l'Europe, il s'agit de la peine de mort. Le centre européen de la jeunesse : un organisme original Une deuxième CEJ a été créé récemment à Budapest. Ce sont des centres résidentiels et éducatifs qui constituent des instruments pour la politique de jeunesse du Conseil de l'Europe. Les CEJ accueillent les jeunes et sont les soutiens logistiques et pédagogiques. Le fonds européen pour la jeunesse est un établissement parallèle qui distribue les subventions auprès des organisations travaillant avec et pour la jeunesse en Europe. Le FEJ et le CEJ sont les bras armés de la politique du Conseil Européen. Le centre européen de la jeunesse accueille des formations destinées aux cadres. Les centres n'ayant pas la capacité de recevoir énormément de personnes, Muriel Julien et ses collègues travaillent avec les jeunes leaders. Les formations rassemblent les représentants de différents pays et d'organisations différentes, ce qui leur permet de partager leurs expériences et de multiplier leur réseau. Les organes statutaires comprennent un comité de direction pour lequel chaque état membre envoie un représentant et un comité consultatif pour la jeunesse avec des représentants des jeunes (une partie est désignée par le forum européen de la jeunesse et une autre partie par le service jeunesse). Cette manière de diriger une institution est unique au monde : elle associe les destinataires de l'institution à la décision. Cette originalité permet d'être au plus proche des concernés ainsi que de l'actualité, par exemple lors de la réflexion sur Internet et les droits de l'Homme. Le Centre sert aussi d'expert pour le domaine des politiques de jeunesse. A la demande des États membres, il effectue une analyse de leur politique et inclue dans le rapport des recommandations envers l’État concerné. Les axes majeurs de travail du CEJ, et à travers lui, du Conseil de l'Europe sont : l'accès à l'information pour tous les jeunes la participation des jeunes au niveau local et régional afin de redonner le goût de la politique => L'objectif poursuivi à travers ce travail est d'obtenir plus de démocratie. Le CEJ est également un important éditeur. En effet, il publie de nombreux rapports, compterendu de projets tel que la bibliothèque vivante mais également des manuels dont le plus célèbre est le Compass : c'est un manuel d'éducation aux droits de l'homme. Il a eu un tel succès que de nombreux pays l'ont fait traduire. Mme Julien a eu la générosité de nous l'offrir, ainsi que la version Compass pour juniors.
Mettre des mots et des images sur ce qu'est l'Europe Comprendre une structure inter-gouvernementale dans son jeu politique et diplomatique Avoir une meilleure lisibilité des actions du Conseil de l'Europe Porter un regard réaliste et constructif sur les droits de l'Homme
Notre rencontre avec Mme Julien s'est terminée après beaucoup de questions et de multiples débats sur les thèmes des droits de l'Homme, un vaste sujet toujours d'actualité. Emportés par notre enthousiasme, nous avons dû interrompre notre échange qui s'était prolongé bien au-delà de ce que nous avions convenu. Ravis et riches de nouvelles idées, nous avons ensuite déjeuné au CEJ lui-même, au centre de la capitale européenne.
A la découverte d'une structure inédite Notre deuxième rencontre nous a menés au cœur de la ville de Strasbourg, dans une ancienne ferme inscrite aux Monuments historiques. Elle héberge de nombreuses structures à vocation sociale telle que la Mission Locale et surtout un ensemble de trois coopératives dont l'une d'entre elle nous a ouvert ses portes. Jo Beyler nous a accueillis dans la coopérative dont il est le gérant, Artenréel. A la fois codirecteur et co-fondateur, il nous a offert son regard généreux et d'expert afin de découvrir cette institution unique en France.
Artenréel, une coopérative d'artistes. La coopérative n'est pas un rassemblement d'artistes mais elle offre un cadre juridique, fiscal et social à des porteurs de projet artistique et culturel. En effet, pour mener un projet, il est nécessaire d'avoir un cadre juridique et Artenréel en propose un. L'intérêt de ce système est bien sûr la dynamique de groupe inhérente à la structure et le fait qu'Artenréel propose un service d'accompagnement pour soutenir les porteurs du projet. Artenréel évite de faire créer des structures ou de multiplier les associations et offre une aide pendant toute la durée du projet. M. Beyler nous a tout de suite précisé un élément essentiel : les artistes travaillent à leur domicile ou chez leur commanditaire, nous étions donc dans un lieu d'accueil et administratif, siège de la coopérative. Ainsi, chaque personne qui entre dans la coopérative crée son propre emploi et obtient le statut d'entrepreneur salarié. Il peut devenir dans un second temps associé, c'est à dire participer aux décisions importantes de la vie de la coopérative, comme voter pour désigner le gérant, voter le budget, etc.
Une gouvernance démocratique Artenréel est plus exactement une SCOP : une société coopérative de production, maintenant appelée une société coopérative et participative. Elle est donc une entreprise à vocation commerciale dans laquelle les associés sont des salariés. Mais tous les salariés ne sont pas nécessairement des associés. Un associé est un salarié ayant acquis des parts sociales de la société, ces parts lui donnent des droits comme le pouvoir de décision et des devoirs. Le pouvoir de décision dans une coopérative est démocratique. Un associé = un vote. Le capital n'est pas pris en compte dans la valeur du vote, chacun a la même valeur. Ce système propose donc une gouvernance démocratique. Il peut y avoir des associés extérieurs mais les associés salariés doivent demeurer majoritaire. Le réserves ou fonds propres sont la propriété des associés dans une société classique alors que les réserves ne peuvent être partagées dans une SCOP, ce qui est similaire au fonctionnement de l'association. L'argent appartient au projet et non aux personnes.
Artenréel, une coopérative d’activités et d'emplois. Elle appartient au réseau national « coopérer pour entreprendre ». L'objectif des coopératives d'activités et d'emplois est d'accueillir les porteurs de projet, leur proposer un cadre pour leurs activités et être une école de la coopération en essayant de les amener à devenir associé. Créée en 2004, Artenréel a l'originalité de se positionner sur le champ culturel. Elle représente une centaine d'artistes et comprend 14 sociétaires. Il existe une rotation annuelle entre les artistes, environ 30 personnes par an quittent la coopérative et autant y entre. Après leur départ, beaucoup crée leur propre entreprise, après cette expérience qui leur a permis d'acquérir de nouvelles compétences. Artenréel est mutualisé en coopérative avec deux autres coopératives, qui sont dans les mêmes locaux. L'intérêt de ce regroupement est de mutualiser la logistique et une partie des frais : le personnel transversal, les locaux. Ils voudraient faire de cette « super-coopérative » une SIC, société d'intérêt collectif, une structure juridique permettant qu'une collectivité territoriale en possède des parts sociales. Jo Beyler s'est ensuite emparé d'un feutre pour nous présenter au tableau de manière synthétique la procédure d'entrée dans la coopérative.
Processus d'entrée dans la coopérative
Les entrepreneurs deviennent salariés dès la première situation de travail. Le processus au sein de la coopérative jusqu'à la bonne mise en place du projet dure en moyenne trois ans. Le salaire des entrepreneurs salariés est versé par la coopérative qui reçoit le paiement des prestations des entrepreneurs. Le salaire est lissé, c'est à dire que tous les trois mois, l'équipe de la coopérative détermine avec le porteur de projet son revenu. L'entrepreneur peut percevoir des aides publiques. En effet, il ne gagne pas sa vie pendant la période d'accompagnement et, malgré un CDI, ne gagne pas nécessairement les revenus nécessaires pour vivre. Chaque entrepreneur verse 10% de ses revenus à la coopérative et des financements publics sont versés à la coopérative pour la période d'accompagnement. Les revenus des entrepreneurs représentent 40% du budget total soit environ 120 000 €. La communauté d'agglomération de Strasbourg vers 35 000 € par l'intermédiaire de son service économie sociale et solidaire, la région Alsace verse 30-40 000 € par son secteur économique, l’État verse par la DRAC 5000 € et par la DIRECCTE 20 000 € et l'Union Européenne donne des subventions avec son dispositif du FSE. Pour la survie du modèle, il faut fidéliser les entrepreneurs car le coût principal se situe dans les 3 premières années de la présence de l'entrepreneur. S'ils partent tous passés cette période de conception et mise en œuvre de leur projet, s'ils partent tous au moment où ils commencent à gagner leur vie, la coopérative ne pourrait pas tenir économiquement. Il est donc absolument indispensable de les intéresser à la vie coopérative, notamment avec la possibilité d'accéder au statut d'associé. La coopérative présente plusieurs avantages majeurs : la simplification du statut des artistes et de leur salaire prolongement de l'accompagnement au-delà de la période de préparation du projet, elle est présente sur l'ensemble de la mise en œuvre du projet engagement de la responsabilité, Artenréel est garante des projets. Les destins du porteur de projet et de la coopérative sont liés, la coopérative s'intéresse donc davantage à la viabilité du projet et sa rentabilité.
Ouverture et fin de cette rencontre A ces explications sur l'originalité et le dynamisme de groupe liés au système de coopérative, nous avons posé un certain nombre de questions sur leur fonctionnement et leur travail d'accompagnement de projet culturel. Ces questions rejoignent nos préoccupations et les réflexions naissant de notre formation. Notre intérêt est d'autant plus vif que la coopérative propose un système que nous connaissions mal, et qui est encore très rare dans le domaine de l'accompagnement culturel. Il existe peu de coopératives sur ce mode culturel, à l'exception de : Clara à Paris Chrysalide en Bretagne Énergie alternative en PACA Ayant répondu à toutes nos questions et débordé largement et généreusement sur le temps qu'il pouvait nous accorder, une conseillère aux porteurs de projet nous a ensuite fait visiter les lieux de travail de la coopérative, lieux plein à craquer de personnes toutes motivées par leur travail. Nous avons quitté Artenréel avec, pour certains, des étoiles dans les yeux. Cette rencontre fut très enrichissante et un complément essentiel à notre formation, à notre compréhension du milieu culturel et de ses possibilités.
Retour à Reims Notre journée s'est terminée à partir de 17h avec la visite du quartier de la « Petite France », un moment agréable de détente après une journée complète à avoir agité nos neurones. Ce quartier ancien de Strasbourg est un îlot au sein de cette capitale européenne, un îlot représentatif de l'art traditionnel alsacien. Traversé de canaux, il offre un paysage unique et plein de charme. Mais c'est surtout cette architecture alsacienne en colombage qui a retenu notre attention. Ballade, découverte, prise de photographies : nous avons terminé notre journée en jouant les touristes, complétant ainsi cette riche journée par la découverte du patrimoine de cette magnifique cité qu'est Strasbourg.
Nous avons quitté Strasbourg aux alentours de 18h, Charlotte a repris la route pour Reims. Si la route a été longue pour quelques endormis, d'autres ont pu discuter à bâtons rompus de nos rencontres et d'art en général. Arrivés au-delà de 21h, fatigués mais ravis, nous avons eu le bonheur de finir notre route après avoir roulé 750 km dans la journée, soit la distance totale de notre forfait de location et au kilomètre près ! Après les difficultés que nous avons eues avant le départ, nous terminons ainsi cette journée strasbourgeoise sur cette dernière note positive.
Témoignages Les Coopératives d’Activités et d’Emploi sont originales et innovantes à de nombreux égards. D’abord, elles s’inscrivent dans l’Economie Sociale et Solidaire, en promeuvent les valeurs et portent une conception différente de l’entreprise, rendant possible la démocratie dans le cadre professionnel et plaçant l’humain au cœur du projet d’entreprise. Par ailleurs, elles réinterrogent le rapport au travail et à l’emploi, favorisant l’initiative, la créativité et l’entrepreneuriat au sein d’une entreprise collective partagée. Elles cherchent à sécuriser les parcours par le salariat et par la mutualisation des compétences. La forme coopérative les inscrit dans un ancrage territorial fort, permettant d’imaginer un nouveau modèle de développement, local et durable, au service d’une démarche politique moderne. Enfin, la coopérative Artenréel offre une manière originale de traiter les problèmes de structuration du secteur culturel et amène un mode de gestion novateur, fondé sur le partage, la mutualisation et la solidarité. Art, culture et coopération poursuivent des intentions similaires et semblent pouvoir s’accorder : ils permettent à l’individu de s’émanciper. Rencontrer des étudiants en Droit Public des Collectivités Territoriales et des Entreprises Culturelles, est intéressant et permet de partager les visions et de confronter les points. Le mouvement coopérative et l’Economie Sociale se doivent de renforcer les liens avec les écoles et universités, pour sensibiliser les étudiants, futurs professionnels de demain, au fait qu’un autre monde est possible et que nouvelles politiques économiques, sociales et culturelles peuvent s’inventer. En ce sens, je remercie l’association CIDERAL d’être venue à notre rencontre. Salutations coopératives, Joël Beyler - Directeur Adjoint SCOP Artenréel
Centre européen pour la jeunesse Muriel JULIEN (Ms), Information Officer - EYCS Visits European Youth Centre Strasbourg, Council of Europe Youth Department eycs.visit@coe.int ++33(0)3 90 21 55 82
Artenréel Joël Beyler - Directeur Adjoint, SCOP Artenréel Coopérative d'Activités et d'Emploi des métiers artistiques et culturels 13 rue Martin Bucer, 67000 STRASBOURG Tél : 03.88.44.50.99, www.artenreel.com
Association CIDERAL Faculté de Droit et science politique - CRDT Université de Reims Champagne-Ardenne 57 bis, rue Pierre Taittinger, 51100 Reims 06 21 86 34 32 / association.cideral@gmail.com http://crdt.univ-reims.fr/cideral/ http://www.facebook.com/association.cideral / https://twitter.com/cideralurca