Cinémathèque suisse no 286 - Mars/Avril 2016

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mars –avril

Olmi, Greenaway, Out 1, Rabin, Salamandre, Babel …


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Le cinéma suisse romand sur Ciné+

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Avant-première : Rabin, the Last Day d'Amos Gitai

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Out 1 de Jacques Rivette

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Rétrospective Peter Greenaway

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Rétrospective Ermanno Olmi

Aussi à l'affiche Intégrale David Cronenberg (suite) Festival Voix du muet chez Barnabé Babel de Boris Lehman Pâkomuzé : familles au ciné ! Vingt ans des LACS Colloque avec l'UNIL : « Des ciné-clubs aux cinémathèques » R. W. Fassbinder : entre cinéma et théâtre

Les rendez-vous réguliers Carte blanche à Rui Nogueria 81 L'architecture à l'écran 83 De La 1ère à la Cinémathèque : Travelling 87 Pour une histoire permanente du cinéma : 1968 (suite) 90 Trésors des archives 93 Une histoire du cinéma en mots et en images 95 Portraits Plans-Fixes 97 Le Journal

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Deux grandes rétrospectives à la Cinémathèque suisse pour l’entre-saison. L’une consacrée à l’un des héritiers du néoréalisme italien, Ermanno Olmi, dont nous présentons en première le tout dernier film, Torneranno i prati. Et l’autre dédiée au Britannique Peter Greenaway qui recevra le prix Maître du Réel au festival Visions du Réel à Nyon. La salle du Capitole a l’honneur d’accueillir tour à tour le réalisateur Amos Gitai pour son dernier film, l’impressionnant Rabin, the Last Day ; ou encore Jean-Luc Bideau pour la version restaurée de La Salamandre d’Alain Tanner, projeté à l'occasion d'un cycle consacré au cinéma suisse romand sur les chaînes de Ciné+ en mars. Le Cinématographe offre deux expériences d’œuvres-fleuve : la projection des treize heures de Out 1, chef-d’œuvre récemment restauré du regretté Jacques Rivette ; et les plus de trente heures du projet Babel du cinéaste belge Boris Lehman, en sa présence. Enfin, nous rendons hommage à Rainer W. Fassbinder avec le Théâtre de Vidy et fêtons le 20e anniversaire des Amis de la Cinémathèque suisse.



La fête au cinéma suisse (romand) Cela peut sembler anodin et pourtant c’est une première qui a son importance – et que la Cinémathèque suisse souhaitait célébrer comme il se doit le mercredi 2 mars à 20h au Capitole, en présence de l’acteur Jean-Luc Bideau : deux chaînes françaises du groupe Canal+, Ciné+ Club et Ciné+ Classic, programment à partir du 5 mars une remarquable sélection de longs métrages suisses romands d’hier et d’aujourd’hui, en commençant par le film muet La Vocation d’André Carel de Jean Choux, avec Michel Simon. Les deux chaînes font évidemment la part belle au nouveau cinéma romand des Tanner, Soutter et Goretta, sans oublier, par exemple, L’Inconnu de Shandigor de Jean-Louis Roy ou Les Petites Fugues d’Yves Yersin. Et aussi, bien sûr, aux nouveaux auteurs d’ici comme Lionel Baier, Ursula Meier ou Jean-Stéphane Bron. Mais, elles n’oublient pas non plus des cinéastes comme Jean-François Amiguet ou les documentaristes Jacqueline Veuve et Richard Dindo, l’incontournable cinéaste alémanique (mais francophone dans l’âme). En somme, cette riche programmation est une excellente surprise pour notre cinéma qui, coupé de l’Europe et du programme Media depuis la votation de février 2014, se sent un peu – voire beaucoup – isolé… Mais cette importante opération révèle également un certain nombre de problèmes, et non des moindres. La programmation a été rendue possible grâce au fait que plusieurs des titres souhaités par la chaîne avaient été récemment restaurés par la Cinémathèque suisse, ou numérisés par les auteurs eux-mêmes, souvent avec notre participation. Mais d’autres titres que Ciné+ pensait pouvoir présenter n’existaient pas dans un format numérique de qualité suffisante pour les standards d’aujourd’hui. En effet, il n’existe pas à l’heure actuelle de vrai programme de numérisation de notre cinéma, comme cela est le cas en France ou en Allemagne. Et ainsi, une grande partie de notre patrimoine n’existe pour l’instant que sur le bon vieux support analogique, ce qui le rend difficilement visible, notamment en salles. En outre, pour la petite histoire, il se trouve que les négatifs de plusieurs films suisses importants sont encore bloqués dans des laboratoires étrangers… Et qu’il faudrait parfois être doté d’une armée d’avocats pour arriver à les en sortir. Voilà pourquoi les négociations de la chaîne avec les ayants droit se sont aussi avérées difficiles, pour ne pas dire kafkaïennes. En effet, souvent, les films suisses romands ont été coproduits avec des compagnies étrangères qui possèdent encore certains droits, ou les ont revendus à des sociétés tierces, qui les ont également revendus… Au point que certains films ne peuvent pas être montrés tant que la situation juridique ne se débloque pas. Bref, cette belle occasion télévisuelle nous montre que nous devons parcourir encore un certain chemin pour mettre en valeur notre cinéma. Pas seulement les nouveaux films des cinéastes d’aujourd’hui, mais aussi les œuvres plus anciennes qui ont exploré notre identité durant le XXe siècle. A suivre, donc. Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse

Image : Michel Cassagne et Jean-Luc Bideau dans Les Arpenteurs de Michel Soutter (1972).

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Rétrospective Ermanno Olmi 7 Allégorie du réel 8 Avant-première : Torneranno i prati 10 Les autres films de la rétrospective

Héritier tardif du néoréalisme italien et auteur d’une œuvre humaniste à la fois empreinte de réflexion sociale et traversée de fulgurances poétiques, Ermanno Olmi est à l’honneur à la Cinémathèque suisse. Une rétrospective de ses films est au programme, ainsi que l’avantpremière de sa nouvelle réalisation, Torneranno i prati, projetée au Capitole le 12 avril.

Image : Loredana Detto et Alessandro Panseri dans Il posto d'Ermanno Olmi (1961).

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Allégorie du réel

Torneranno i prati p. 9

L'albero degli zoccoli p. 12

Le cinéma d’Ermanno Olmi tire sa substance de vies humaines, réelles et spirituelles, absorbées par une société en plein progrès, soit l’Italie du boom économique et social des années 1960 (Il posto, I fidanzati, Un certo giorno) et les crises qu’elle traverse au début des années 1970 (La circostanza). La première rencontre d’Olmi avec le cinéma se fait, presque par hasard, dans le cadre du documentaire industriel : de 1953 à 1961, il réalise environ trente-cinq documentaires qui présentent la condition des travailleurs en entreprise. Dans ces premiers films, il développe des modèles interprétatifs de la réalité qu’on retrouvera plus tard dans ses œuvres de fiction, notamment l’attention envers les sentiments d’hommes simples, d’origine semblable à la sienne (son père était cheminot, sa mère ouvrière) et le choix d’acteurs non professionnels. Plus encore qu’un « maestro », Olmi est un maître-artisan, tour à tour réalisateur, documentariste, scénariste, monteur, directeur de la photographie, producteur, auteur et scénographe : un artisan-artiste doué d’une profonde clarté narrative, surtout lorsqu’il s’agit de décrire le quotidien et ses intimes solitudes. Sans jamais oublier les origines rurales de sa famille, fidèle aux valeurs fondamentales liées aux racines, à la mémoire et aux traditions, Olmi construit son œuvre au fil des décennies. Il interroge l’histoire et l’éthique (E venne un uomo, Il mestiere delle armi, Cantando dietro i paraventi, Torneranno i prati); il demande à son public d’interpréter des allégories, des apologues et des fables (Durante l’estate, Camminacammina, Lunga vita alla signora !, La legenda del santo bevitore, Il segreto del bosco vecchio, Centochiodi, Il villaggio di cartone) ; il indique la nécessité de revitaliser le lien qui unit les hommes et la Terre, notamment dans L’albero degli zoccoli, Palme d’or en 1978, qui marqua un tournant dans sa filmographie, et dans des documentaires comme Milano, Lungo il fiume, Terra Madre ou Rupi del vino. Pardo d’honneur à Locarno en 2004, Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière à la Mostra de Venise en 2008, souvent primé en Italie et en France, le maître-artisan Olmi possède un double talent dont peu de réalisateurs sont dotés : la capacité d’invention qui mêle mémoire, pragmatisme, éthique, sagesse et ironie, et la capacité de dialoguer longuement avec les spectateurs en toute occasion. La cohérence de sa démarche esthétique, jamais didactique ni déclamatoire, l’amène à filmer non pas en regardant vers le haut, vers ce Dieu auquel il croit, mais en observant, à l’horizontale, l’ampleur de la vie. Dans sa jeunesse, il ne put terminer ses études ; aujourd’hui, il ne cesse d’étudier et d’apprendre sur lui-même, sur le temps et sur les choses, avec une stupeur experte et un enthousiasme profond. Au fond, son nom même (olmo=orme) évoque des arbres de haute futaie, des arbres à la frondaison abondante. Et comme la nature ne saurait se tromper… Maurizio di Rienzo, critique de cinéma

Image : Marco Esposito dans Lunga vita alla signora! d'Ermanno Olmi (1987).

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Avant-première : Torneranno i prati d'Ermanno Olmi Cent années d’histoire se sont écoulées et s’éloignent de plus en plus dans le passé, tandis que le fleuve du temps avance sous les ponts du progrès et fait inexorablement pâlir toute mémoire. Cependant, il y a des moments où une date sur le calendrier, un titre de journal, ou une photo, éveillent des souvenirs assoupis. Des évocations qui vont se répondre les unes aux autres, en rappeler d’autres et faire ainsi irruption dans notre présent en reprenant une position-clé et en regagnant la valeur qu’elles avaient partiellement perdue. Mon père avait 19 ans lorsqu’il fut appelé sous les drapeaux. A cet âge-là, l’exaltation de l’héroïsme enflamme les esprits et les cœurs. Il choisit le corps d’élite des « bersaglieri », bataillons d’assaut qui se trouvèrent mêlés aux carnages des batailles du Carso et du Piave. Des événements qui ont marqué sa jeunesse, ainsi que le reste de sa vie. J’étais un gamin lorsqu’il nous racontait, à mon frère aîné et à moi, la douleur de la guerre, les instants terribles où ils attendaient l’ordre de mener l’assaut, tout en sachant que la mort était là, tapie, qu’elle les attendait sur le bord de la tranchée. Il évoquait souvent ses camarades et plus d’une fois je l’ai vu pleurer. Il n’y a plus aujourd’hui de survivants de la Première Guerre mondiale et personne d’autre ne pourra plus témoigner de vive voix de la souffrance et de l’horreur. Restent les écrits : ceux des hommes de lettres et des plus humbles où la vérité est là, où elle se livre sans détours et sans effets rhétoriques. J’ai ainsi voulu que mon film s’inspire de faits réels. Il retrace le cours d’une nuit, dans les tranchées des Préalpes vicentines, à travers les souvenirs et les récits de jeunes soldats ayant chacun leur propre vision de la guerre et de la vie. Ce film, je le dédie à mon père. Ermanno Olmi Achat des billets : www.cinematheque.ch/prati

Image : Claudio Santamaria dans Torneranno i prati d'Ermanno Olmi (2014).

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Ermanno Olmi Né à Bergame en 1931, Ermanno Olmi reçoit une éducation catholique qui va profondément marquer son cinéma. Technicien au sein de la compagnie Volta Edison à Milan, le futur cinéaste fait ses armes en tournant une quarantaine de courts métrages, pour la plupart institutionnels. Cette expérience nourrira chacun de ses films, le portant avec la même aisance vers le documentaire ou la fiction, le cinéma ou la télévision, les courts ou longs formats. Héritier tardif du néoréalisme italien, portraitiste des gens ordinaires, observateur attentif des comportements au travail et des détails du quotidien, Ermanno Olmi a construit une œuvre à la fois poétique, sociale et politique, portée par de remarquables acteurs non professionnels, et invariablement dédiée aux quêtes initiatiques de l’homme. avril

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Torneranno i prati (Les pâturages repousseront) Italie · 2014 · 76' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Claudio Santamaria, Camillo Grassi, Niccolò Senni 12/14 DC

Une nuit de 1917, après des affrontements sanglants, des soldats pris au piège des montagnes du haut plateau d’Asiago attendent la mort… Commémorant le centenaire de la Première Guerre mondiale et inspiré par le roman La paura de Federico de Roberto, Torneranno i prati a reçu huit nominations aux David di Donatello, les prestigieux prix du cinéma italien, dont celles de Meilleur film et Meilleur réalisateur. « Les ennemis ne sont pas ceux de la tranchée d'en face. Ce sont ceux qui vous ont envoyés là. Des milliers et des milliers de jeunes ont été sacrifiés pour l'arrogance des puissants, d'une élite soidisant dominante. Un sacrifice aussi inutile qu'inhumain dont la nature effacera bien vite toute trace. Là où tant de gens sont tombés en vain, les pâturages repousseront » (Ermanno Olmi).

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Les autres films de la rétrospective Réalisé en 1959, Il tempo si è fermato révèle un regard singulier sur le monde du travail, entre documentaire et fable sociale. Après Il posto, Un certo giorno ou encore L'albero degli zoccoli, film-fleuve sur la paysannerie bergamasque couronné de la Palme d’or en 1978, Ermanno Olmi se tourne vers un cinéma plus lyrique, conjuguant sa démarche documentariste à une dimension tantôt fantastique (La leggenda del santo bevitore, Il segreto del bosco vecchio), spirituelle (La Circostanza, Camminacammina, Centochiodi, Il villaggio di cartone) ou historique (I recuperanti, Il mestiere delle armi). mars

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Il tempo si è fermato (Le temps s'est arrêté) Italie · 1959 · 90' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Natale Rossi, Roberto Seveso, Paolo Guadrubbi 10/14 35mm

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Il posto (L'Emploi) Italie · 1961 · 92' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Alessandro Panseri, Loredana Detto, Tullio Kezich 10/12 35mm

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I fidanzati (Les Fiancés) Italie · 1963 · 77' · v.o. s-t fr. le 4 mars et v.o. s-t angl. le 19 mars De Ermanno Olmi Avec Carlo Cabrini, Anna Canzi 12/14 35mm

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Le jeune Roberto gagne un peu d’argent en aidant le vieux gardien d’un barrage hydraulique alpin. Des repas aux rondes, en passant par les parties de cartes, la routine s’installe tandis que les deux hommes se lient d’une formidable amitié… Mutation romanesque de ce qui devait être, au départ, un documentaire sur la construction d’un barrage pour la Volta Edison, ce premier long métrage évoque le cinéma de Robert Flaherty. « Avec Le Temps s’est arrêté, on est dans le cinéma de l’épure et la plupart des thèmes chers à Olmi y sont déjà. Que ce soit le rapport à l’espace, la fascination de la montagne et la symbolique qu’elle représente, on y sent le poids du silence, oxygène vital de l’homme, et l’intensité des rencontres humaines. Un cinéma descriptif empreint de pudeur » (Anne Kieffer, Jeune Cinéma, 1988). A quinze ans, Domenico et Antonietta sont engagés dans une grande compagnie milanaise. Chacun de leur côté, ils découvrent le quotidien monotone d’employés de bureau. Suite au décès d’un collègue, Domenico accède à un grade supérieur, mais l’ennui persiste… En filigrane de cette chronique sur la naissance du sentiment amoureux, Ermanno Olmi questionne la déshumanisation progressive d’une société en plein boom économique. « Il posto c’est aussi la révélation d’un cinéaste sensible et pudique : Olmi ne cherche jamais à 'bluffer' le spectateur, mais il s’identifie constamment à son héros. Il réagit à la manière d’un adolescent rapidement grandi, qui découvre subitement le monde, et la vision qu’il nous propose est d’une étonnante fraîcheur » (François Rochat, Gazette de Lausanne, 1966). Version originale avec sous-titres anglais le 19 mars Soudeur à Milan, Giovanni se rend en Sicile afin de gagner davantage d’argent. Il laisse derrière lui Liliana, sa fiancée, ainsi que leur relation routinière. Mais, contre toute attente, la distance qui les sépare ravive une étincelle… « C’est banal, direz-vous ? C’est tout simplement admirable. Allez-y. Vous y verrez des choses toutes simples, toutes menues, une accumulation de détails quotidiens, de petits incidents, vous y verrez un homme faire son métier de soudeur, avoir ses petits problèmes, et toutes ses pensées secrètes vous seront livrées, sans monologue intérieur, sans roueries, sans astuces. Seulement avec du génie. Le génie patient, méticuleux d’Ermanno Olmi, qui, en accumulant un tas de petites choses, fait un monument du cinéma » (Michel Duran, Le Canard Enchaîné, 1964).


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Un certo giorno (Un certain jour) Italie · 1969 · 95' · v.o. s-t angl. De Ermanno Olmi Avec Brunetto Del Vita, Lidia Fuortes, Vitaliano Damioli 12/14 35mm

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I recuperanti (L'Or dans la montagne) Italie · 1969 · 95' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Antonio Lunardi, Andreino Carli, Alessandra Micheletto 12/14 35mm

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Durante l'estate Italie · 1971 · 105' · v.o. s-t angl. De Ermanno Olmi Avec Renato Paracchi, Rosanna Callegari, Mario Barilla 12/14 35mm

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La circostanza Italie · 1974 · 95' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Ada Savelli, Gaetano Porro, Raffaella Bianchi 12/16 35mm

Version originale avec sous-titres anglais A la mort de son supérieur, Bruno, la cinquantaine, devient le nouveau directeur de son agence de publicité. Ses affaires vont bon train jusqu’à ce qu’il percute un ouvrier sur une petite route enneigée… Ermanno Olmi filme avec tendresse la déroute d’un carriériste qui prend subitement conscience de la vacuité de son existence et de la valeur des petites choses de la vie. « Bien peu de choses, en vérité. Et pourtant, ce film est singulièrement attachant. A quoi cela tient-il ? Au style dépouillé (mais très élaboré) d’Olmi ? A cette limpidité d’écriture ? A ces paysages de pluie, de brouillard et de neige qui font écho à la tristesse des protagonistes ? A ces dialogues réduits à quelques banalités, à ces silences dans lesquels les mots se noient ? A tout cela, sans doute » (Jean de Baroncelli, Le Monde, 1976). A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Gianni rentre chez lui et se retrouve aussitôt au chômage. Il rencontre alors le vieux Du, qui gagne modestement sa vie en ramassant dans la montagne les déchets hérités des combats passés… Comme Il tempo si è fermato, I recuperanti retrace, à mi-chemin entre le documentaire et la fiction, la quête initiatique de deux hommes opposés à tous points de vue, qui risquent leur vie pour une cause commune. « Olmi traque, caméra au poing, les éclats du vieux Du, montre la réalité du bois, la rigueur de l’hiver, le grain de la terre. Le désamorçage d’une bombe devient une opération aussi passionnante que la fabrication d’une paire de sabots : dans le monde d’Olmi, rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se répond » (François Forestier, L’Express, 1981).

Version originale avec sous-titres anglais A Milan, en pleine canicule, « il Professore », un illustrateur de cartes géographiques passionné d’héraldique, s’amuse à vendre des titres de noblesse aux personnes qu’il considère. Jeté derrière les barreaux pour fraude, il subit les foudres de ses nobles amis. Heureusement, il peut compter sur le soutien d’une jeune femme solitaire qu’il a décrété être une princesse… Ecrit à quatre mains avec le dramaturge et philosophe italien Fortunato Pasqualino, Durante l’estate a été incendié par la critique, qui considéra cet étrange conte de fées réalisé pour la télévision italienne comme un incident de parcours. Ermanno Olmi réussit pourtant à restituer avec beaucoup d’imagination les moindres détails du quotidien, la sensation d’une chaleur écrasante et la candeur contagieuse qui anime son personnage principal. Inconsidéré par ses proches, le père d’une famille bourgeoise milanaise est rétrogradé au sein de son entreprise en raison de son âge avancé. Son épouse, accaparée par son travail de notaire, n’arrive plus à communiquer avec sa fille. Le fils aîné a quitté la belle et grande demeure familiale pour s’installer dans une ferme avec sa femme et leur futur enfant, tandis que le cadet s’enferme dans sa passion pour les robots et l’électronique. Un jour, la mère accompagne un jeune homme à l’hôpital après un accident de moto et reporte sur lui l’affection que son entourage lui refuse… Produit par la télévision italienne, cette chronique familiale démultiplie les trajectoires, les expériences et les flashbacks pour mieux révéler les rapports de chaque personnage avec autrui. Une leçon de rythme et de montage.

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Le quotidien de métayers bergamasques entre l’automne 1897 et l’été 1898… Palme d’or à Cannes en 1978, ce film-fleuve est aujourd’hui considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma. « Ermanno Olmi retranscrit ici des récits de sa grand-mère et des souvenirs d'enfance, et fait passer dans cette chronique des travaux et des jours d'une L'albero communauté paysanne une sublime leçon de vie, en même degli zoccoli temps que de cinéma. Un an de tournage, en décors réels et (L'Arbre aux sabots) éclairages naturels, avec des paysans qui parlent leur dialecte, Italie · 1978 · 185' · v.o. s-t fr./all. six mois de montage, un budget dérisoire pour un récit de De Ermanno Olmi trois heures : ce film hors norme est l'œuvre d'un éternel nonAvec Luigi Ornaghi, Francesca Moriggi, conformiste du cinéma, attaché avant tout à l'authenticité de Omar Brignoli l'expression et à la profondeur de signification » 10/10 35mm (Christian Depuyper, Dictionnaire mondial des films).

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Camminacammina (A la poursuite de l'étoile) Italie · 1983 · 141' · v.o. s-t fr./all. De Ermanno Olmi Avec Alberto Fumagalli, Antonio Cucciarrè, Eligio Martellacci 10/10 35mm

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Milano [segment de 12 registi per 12 città] Italie · 1989 · 7' · sonore Court métrage de Ermanno Olmi 8/12 EC

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Projeté en avant-programme de Tickets (p. 14) A l’occasion de la Coupe du monde de football qui s’est déroulée en Italie en 1990, les cinéastes Michelangelo Antonioni, Bernardo et Giuseppe Bertolucci, Mauro Bolognini, Ermanno Olmi, Alberto Lattuada, Mario Monicelli, Carlo Lizzani, Mario Soldati, Lina Wertmüller, Franco Zeffirelli, Gillo Pontecorvo et Francesco Rosi ont été sollicités pour réaliser un documentaire collectif, intitulé 12 registi per 12 città et divisé en douze segments, chacun dédié à une ville italienne. Olmi a jeté son dévolu sur Milan et sillonné ses quartiers pour filmer une journée ordinaire – rythmée par les horaires de travail, le temps consacré aux loisirs, le hasard des rencontres et la vie nocturne –, et révéler à travers les gestes et les comportements de ses habitants l’identité et l’âme de cette ville où il a longuement vécu.

De jeunes étudiants en hôtellerie sont triés sur le volet pour servir lors d’un somptueux banquet. Parmi eux, Libenzio découvre non sans surprise un univers impitoyable, régi par la Signora, une mystérieuse vieille femme vêtue de noir… Portant une attention toute particulière aux regards, aux gestes et au rituel du repas, Ermanno Olmi réussit à traduire avec de petits riens le gouffre Lunga vita qui sépare les serveurs des hôtes et en tire une métaphore alla signora ! désopilante du pouvoir. « La vieille dame scrute l’assemblée (Longue vie à la Signora) avec sa lorgnette, satisfaite de se voir vénérée. Le cinéaste Italie · 1987 · 105' · v.o. s-t fr./all. détaille les visages, furète à l’office, dans les chambres. La satire De Ermanno Olmi et l’humour sont constamment présents, mais aussi un insidieux Avec Marco Esposito, Simona Brandalise, suspense. L’atmosphère est lourde, crispée. On attend l’épilogue. Stefania Busarello Un tour de force » (Gilbert Salachas, Télérama). 12/12 35mm

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Il y a plusieurs milliers d’années, un prêtre observe une étoile dans la nuit et y voit le signe d’une naissance divine. Accompagné de son jeune disciple, il part à la recherche d’un nouveau-né qui pourrait bien être le Messie… Revisitant l’histoire des Rois Mages selon Saint Matthieu, Ermanno Olmi glorifie l’espérance et la foi des petites gens en dénonçant les manquements de l’Eglise et l’application aveugle des dogmes religieux. Une fresque biblique férocement anticléricale. « Je n’ai aucune déclaration à faire sur Camminacammina. Pour celui qui aime le cinéma, réussir à faire un bon film représente peut-être la plus grande des satisfactions. Mais quelquefois, il arrive d’éprouver une satisfaction encore plus grande quand on est convaincu d’avoir dit ce que l’on pense » (Ermanno Olmi).


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La leggenda del santo bevitore (La Légende du saint buveur) France, Italie · 1988 · 118' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Rutger Hauer, Anthony Quayle, Sandrine Dumas 12/14 35mm

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Il segreto del bosco vecchio Italie · 1993 · 135' · v.o. s-t fr./angl. De Ermanno Olmi Avec Paolo Villaggio, Giulio Brogi, Pietro Berton 10/12 35mm

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Il mestiere delle armi (Le Métier des armes) Bulgarie, Allemagne, FR, Italie · 2001 · 103' · v.o. s-t fr./all. De Ermanno Olmi Avec Christo Jivkov, Sergio Grammatico, Desislava Tenekedjieva 12/14 35mm

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Cantando dietro i paraventi (En chantant derrière les paravents) Italie · 2003 · 99' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Bud Spencer, Jun Ichikawa, Sally Ming Zeo Ni 10/14 35mm

Dans les années 1930, Andreas, un mineur devenu clochard à Paris, se fait aborder par un vieil homme élégant, qui lui confie deux cents francs en lui faisant promettre de les apporter le dimanche suivant à la statue de Sainte Thérèse de Lisieux, qui se trouve à l’église Sainte-Marie-des-Batignolles. Aux anges, Andreas s’achète une bouteille de vin et fait une série de rencontres qui vont donner un tout nouveau sens à sa vie… Lion d’or à Venise en 1988, La leggenda del santo bevitore n’a, pour une fois, pas été écrit par Ermanno Olmi, mais adapté d’une nouvelle de Joseph Roth. Ce très beau récit initiatique marque une rupture assez nette dans l’œuvre du cinéaste, où le néoréalisme laisse la place aux codes du genre fantastique. Rutger Hauer, quant à lui, brille dans son rôle d'écorché vif. Placé sous la tutelle de son oncle, le colonel Sebastian Procolo, le jeune Benvenuto hérite d’un vaste terrain dans la vallée de Fondo, où se trouve un sous-bois très ancien, habité par l’esprit des arbres. Après avoir passé avec l'un d'eux un pacte en échange d’un apprivoisement en bois de cheminée, Procolo imagine un plan meurtrier pour se débarrasser de son neveu, s’emparer de son héritage et devenir le maître de ce royaume enchanté… Adaptant dans une palette de tons pastel le roman éponyme de Dino Buzzati paru en 1935, Ermanno Olmi réalise une parabole sur le respect en « donnant la parole » à la nature qui nous entoure. Fable animiste, Il segreto del bosco vecchio est un petit miracle de cinéma, un pied de nez fantastique à la logique et aux systèmes de pensée trop rigoristes.

Au mois de novembre 1526, les derniers jours de Jean de Médicis, dit Jean des Bandes Noires, mort d’une gangrène à l’âge de vingt-huit ans, après avoir été frappé à la jambe par les boulets de canon de l’armée de Charles Quint… Ermanno Olmi met très soigneusement en scène ce moment charnière de l’Histoire, où l’apparition des armes à feu a anéanti l’esprit de chevalerie au profit des guerres modernes. « Avec une rigueur confinant à la folie, notamment dans son souci de la reconstitution et de la justesse, le cinéaste installe un dispositif narratif d’une puissance rare. La réflexion historique qui s’en dégage est de première main et son regard sur l’ampleur du XVIe siècle demeure impartial et jusqu’au-boutiste. Un film essentiel à tous points de vues » (Pascal Gavillet, Tribune de Genève, 2002).

Sur la scène d’un cabaret chinois, un vieux capitaine raconte le destin extraordinaire de la veuve Ching, devenue une pirate légendaire. Tenus en haleine par son récit, les spectateurs se retrouvent brutalement plongés dans la Chine du XIXe siècle, à l’époque où la flibustière prit la tête d’une armée pour affronter les bateaux de l’Empereur et venger le meurtre de son époux... «Fellini hier, et Olmi aujourd'hui encore, sont des conteurs, des magiciens, qui en d'autres temps auraient fait apparaître, par la seule force de la suggestion, un monstre terrifiant dans un simple feu de cheminée. En chantant derrière les paravents est le film d'un monde rêvé, où, pour envoyer ses menaces de mort à sa future victime, l'empereur lui adresse une nuée de cerfs-volants colorés» (Florence Colombani, Le Monde, 2004).

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Projeté avec le court métrage Milano (p. 12) Coréalisé par Abbas Kiarostami, Ken Loach et Ermanno Olmi, Tickets suit les trajectoires de plusieurs passagers au cours d’un voyage en train entre l’Autriche et l’Italie. Emboîtant le pas à ses acolytes, Ermanno Olmi filme un professeur âgé, bouleversé par sa rencontre avec une jeune femme… Un triptyque sur l’amour Tickets et le hasard, marqué de l’empreinte singulière de trois grands GB, Italie · 2005 · 105' · v.o. s-t fr. auteurs de cinéma. « Jetés dans le même bateau, voire la même Film collectif de Ermanno Olmi, galère, ces trois-là non seulement rament ensemble, mais surtout Abbas Kiarostami dans le même sens (…). On peut préférer la phénoménale cruauté et Ken Loach de Kiarostami, mais la mélancolie angoissante d'Olmi n'est pas Avec Valeria Bruni Tedeschi, de la gnognote (le train comme un train fantôme), et le militantisme Carlo Delle Piane, Silvana De Santis de Loach, bien qu'un poil balourd, a toujours aussi bon fond » 12/16 EC (Gérard Lefort, Libération, 2005).

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Centochiodi Italie · 2007 · 92' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Raz Degan, Luna Bendandi, Amina Syed 14/16 35mm

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Il villaggio di cartone (Le Village de carton) Italie · 2011 · 87' · v.o. s-t fr. De Ermanno Olmi Avec Michael Lonsdale, Rutger Hauer, Massimo De Francovich 10/14 DC

A Bologne, un jeune professeur de théologie en crise prend la fuite après avoir cloué au sol de très anciennes éditions des textes sacrés. Tournant définitivement le dos à son passé, il s’installe dans une vieille bâtisse située sur la rive du Pô. Au hasard de ses rencontres avec les locaux, il prend conscience de la possibilité de connaître une existence affranchie de toute forme de dogmatisme… « Centochiodi est la preuve superbe de cette capacité poétique qu’a le cinéaste italien de représenter le caractère sacré de la personne et de l’existence sans aucune emphase, sans la proclamer ni la théoriser, simplement en la montrant (…). Une simple utopie, un au revoir chagriné au monde, celui, propre, clair, que dans les années 1950 un documentariste naïf nommé Olmi avait découvert » (Lorenzo Codelli, Positif, 2007). Un curé de paroisse assiste impuissant à la transformation de son église, rendue à un usage profane. Un soir, profitant d’une fenêtre cassée, un groupe de migrants africains trouve refuge dans l’édifice, poussant le prêtre à questionner sa foi et sa vocation… Porté par le remarquable Michael Lonsdale, ce huis clos sobre et puissant propose une réflexion sur l’immigration d’une grande actualité. « L’Eglise est plus utile une fois désacralisée, car elle ne souffre plus des oripeaux que sont les conformismes culturels et religieux, elle n’est plus qu’une maison ouverte à tous, sans exigence. Si tu n’ouvres pas aux autres ta maison intérieure, tu n’arriveras à rien, et il n’y a que de la rencontre avec l’autre que peut venir le salut. Sans les autres, nous ne sommes que des hommes de carton » (Ermanno Olmi).

Image : Michael Lonsdale dans Il villagio di cartone d'Ermanno Olmi (2011).

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Le cinéma suisse romand sur Ciné+ 18 Le Roman(d) du cinéma suisse

Les chaînes Ciné+ célèbrent en mars le cinéma suisse romand avec une programmation de films sélectionnés en collaboration avec la Cinémathèque suisse. Pour fêter cet événement, la version restaurée de La Salamandre d’Alain Tanner est projetée au Capitole le 2 mars, en présence de Bulle Ogier et Jean-Luc Bideau. Achat des billets : www.cinematheque.ch/salamandre

Image : Jean-Luc Bideau dans La Salamandre d'Alain Tanner (1971).

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Le Roman(d) du cinéma suisse L’art cinématographique d’un pays est le reflet de ses racines, de réalités particulières, de conditions de production propres et d’une succession de moments historiques ; c’est cette altérité croisée qui nous a conduits à la sélection des films et des documentaires qui composent ce focus sur le cinéma suisse romand. Cent-vingt ans après la première projection publique en Suisse du cinématographe à Genève, Canal+ et les chaînes Ciné+, éditées par le Groupe Canal+, sont très heureuses de mettre à l’honneur le septième art helvétique d’hier et d'aujourd’hui avec la diffusion du 5 au 11 mars 2016, sur Ciné+ Classic et Club, de cette programmation spéciale. C’est à un voyage à travers la singularité de ce cinéma que nous vous convions, des années 1930 à l’aube de ce nouveau siècle, de Michel Simon – au bord du lac Léman, dans une de ses premières apparitions notables – à Freddy Buache, l’âme de la Cinémathèque suisse. Ou d'Ella Maillart et sa caméra sur les routes d’Afghanistan au Groupe 5 (Alain Tanner, Michel Soutter, Claude Goretta, Jean-Jacques Lagrange et Jean‑Louis Roy), en passant par la bande à part des jeunes cinéastes d’aujourd’hui (Ursula Meier, Lionel Baier, Jean-Stéphane Bron) ou encore l’ami Jean‑François Amiguet, sans oublier un hommage particulier à Jacqueline Veuve. Plus d’une vingtaine de films et de documentaires, comme autant d’étapes et de visions, qui, sans prétendre à l’exhaustivité, nous semblent très représentatifs de la richesse de la création helvète. Des auteurs et des films à même de favoriser une découverte ou une redécouverte des deux côtés des Alpes et de valoriser le patrimoine cinématographique national. A l’occasion de cette programmation, trois coproductions documentaires originales Ciné+ sont diffusées sur le petit écran : Bon vent Claude Goretta de Lionel Baier, Richard Dindo, pages choisies de Jean-Louis Comolli et La Petite Histoire du cinéma romand d’Emmanuel Barnault, qui accompagneront et éclaireront les différents films. Au terme de ce voyage que je vous invite à partager sans restriction aucune, nos remerciements à Frédéric Maire et aux équipes de la Cinémathèque suisse sans lesquels nous n’aurions pu ressentir aussi profondément les spécificités de la production cinématographique suisse romande, alliage particulier d’ambition et de simplicité, de gravité et de fantaisie. Bruno Deloye, directeur de Ciné+ Classic, Club et Famiz, et Brice Daumin, directeur de Canal+ Suisse

Plus d’informations et programmation complète : www.canalplus.ch/semaine-cinema-suisse

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Alain Tanner De Charles mort ou vif (1969) à Paul s’en va (2003), on ne retient souvent de son œuvre que La Salamandre (1971) au succès international qui a fait de lui la figure de proue du Nouveau cinéma suisse des années 1960 et 1970. Après avoir tenu, dans ses films, la chronique des espoirs de 1968, Alain Tanner a ensuite laissé la poésie prendre le pas sur le discours « pédagogique » des premiers temps. Dans les années 1980, le désespoir l’emporte sur l’utopie, à le voir décrire l’évasion impossible vers un ailleurs mythique que récusait pourtant son Retour d’Afrique (1973). Mais les derniers films du cinéaste genevois échappent au pessimisme pour, comme l’écrit l’historien du cinéma Frédéric Bas, « en découdre avec la triste époque, armé de poésie et sensible à la beauté du monde ».

Jean-Luc Bideau Né en 1940 à Genève, Jean-Luc Bideau a fait le Conservatoire de Paris, joué dans les principaux théâtres parisiens avant de devenir l'acteur fétiche du Nouveau cinéma suisse. Tanner, Goretta, Soutter font appel à lui. Puis, il travaille, entre autres, avec Chabrol, Mocky, Friedkin, Costa Gavras. Partageant sa carrière entre cinéma et télévision, sociétaire de longue date de la Comédie française, il a participé à la série H, sur Canal+, qui l'a fait connaître auprès de la jeune génération sous les traits du déjanté Professeur Strauss. Après un rôle chez Jean-Stéphane Bron, il revient au cinéma français dans des films d'Olivier Doran, de Jean-Jacques Annaud et, en 2016, dans le nouveau film d’Antonin Peretjatko, l’une des figures du renouveau du cinéma français.

Bulle Ogier Bulle Ogier rencontre dans les années 1960 le metteur en scène Marc’o, proche de Boris Vian et d’André Breton, qui lui propose d’intégrer les cours de théâtre de l’American Center. Jacques Rivette la découvre alors et la fait tourner dans L’Amour fou. Leur collaboration se poursuit sur six autres films, dont Out 1. C’est en 1971, avec La Salamandre d’Alain Tanner, qu'elle acquiert une reconnaissance internationale et le statut d’icône. Epouse du cinéaste Barbet Schroeder, fondateur avec Eric Rohmer des Films du Losange, elle tourne avec lui La Vallée et Maîtresse. Elle poursuit une intense carrière au théâtre, tandis qu’au cinéma, elle a insufflé sa douce présence aux œuvres, entre autres, de Raoul Ruiz, Claude Chabrol, Manoel de Oliveira, André Téchiné, Luis Bunuel, Otar Iosseliani, Daniel Schmid, Lionel Baier. mars

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La Salamandre Suisse · 1971 · 124' De Alain Tanner Avec Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis 12/14 DC

Copie numérique restaurée. En présence de Bulle Ogier et Jean-Luc Bideau. Pour les besoins d’un scénario, un journaliste volubile et un écrivain bougon veulent en savoir plus sur Rosemonde, l’héroïne d’un fait divers, accusée de tentative de meurtre sur son oncle. Ils découvrent une jeune femme, insaisissable et rebelle, poursuivant une quête libertaire maladroite, et fuyant la routine et l'oppression d'un monde trop monotone, trop étroit et résigné… Film phare réalisé avec de faibles moyens techniques (16 mm, son direct), La Salamandre connaît un succès international peu commun pour un film helvète – plus de deux millions de spectateurs dans le monde –, et signale l’essor du Nouveau cinéma suisse. « Une œuvre qui s'avance à pas feutrés pour stigmatiser l'indifférence et le mépris de l'homme, et affirmer aussi la nécessaire part du rêve » (Louis Marcorelles, Le Monde).

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Avant-première : Rabin, the Last Day d'Amos Gitai 23 On a tué la paix 24 Rabin ou la possibilité éphémère d’un dialogue

Après une rétrospective en 2014, Amos Gitai revient à Lausanne pour présenter son nouveau long métrage, Rabin, the Last Day. Le cinéaste israélien évoque un événement dramatique de l'histoire de son pays : l'assassinat d'Yitzhak Rabin en 1995. Après une sélection à la dernière Mostra de Venise et au festival de Toronto, le film est projeté au Capitole le 14 mars, en avant-première et en sa présence. Sélectionné en compétition internationale au FIFDH (Festival du film et forum international sur les droits humains), Rabin, the Last Day est projeté le 13 mars à Genève, en présence du réalisateur. (www.fifdh.org).

Image : Ischac Hiskiya dans Rabin, the Last Day d'Amos Gitai (2015).

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On a tué la paix Le cinéaste israélien Amos Gitai travaillait depuis longtemps à une œuvre qui lui était probablement indispensable, un projet dont il savait qu’il aurait une place sans doute à part dans son œuvre – et au cinéma. Ce projet est intimement lié à un homme, Yitzhak Rabin, ancien Premier ministre israélien assassiné le 4 novembre 1995, après un discours prononcé à l’occasion d’une manifestation pour la paix sur la place des Rois d’Israël à Tel Aviv. Cet homme simple, comme le film le décrit, incarnait le premier – et peut-être le seul ? – espoir de paix et de réconciliation dans le conflit israélo-palestinien. Gitai avait déjà consacré un film à Rabin, le documentaire The Arena of Murder (1996). Un film tourné à chaud, trois semaines à peine après l'assassinat. Il revenait sur les traces laissées par l'événement. Trois mois durant, il sillonnait le pays, mêlant des souvenirs de guerre et de paix à travers de multiples rencontres, dont celle de la veuve de Rabin, Leah. Mais les suites de l’assassinat, le procès de son meurtrier, les ambiguïtés sur l’attitude de la police ou des services de sécurité et l’évolution de la politique du pays ont progressivement obligé – puis-je dire moralement ? – le cinéaste à revenir sur cet événement majeur de l’histoire israélienne. Pour cela, il a patiemment recueilli des témoignages, notamment ceux de Shimon Peres (qui a succédé à Rabin au poste de Premier ministre) ou de ses proches et a récupéré des images d’archives de l’événement. Il a également repris des morceaux de son entretien prémonitoire avec Leah Rabin, décédée depuis. Et il a construit un film qui, entremêlant et superposant étroitement la réalité avec la fiction, devient un brûlot politique troublant et indispensable. Car Gitai met des images et des sons sur ce que disait déjà Leah Rabin peu après l’attentat : «Ceux à qui j’en veux vraiment (…) ce sont les maîtres à penser qui ont cultivé cette mauvaise herbe, qui ont prôné ce genre de chose». Petit à petit, dans la systématique superposition/reconstitution de ce qui s’est passé, le cinéaste pointe du doigt la culpabilité d’un parti et d’un groupe d’individus influents qui ont littéralement suscité la haine contre cet homme qui incarnait l’espoir de la paix dans le conflit entre Israéliens et Palestiniens. On voit dans le film des images de manifestations et on entend des propos qui font froid dans le dos. L’appel au meurtre est explicite. Le militant d’extrême droite et auteur de l’assassinat Ygal Amir n’a fait que réaliser – peut-être avec un peu trop de facilité – un acte qui semblait sacré pour tous les hommes convaincus du bien-fondé de leur position. Mais ce qui est plus terrible encore c’est que le film s’achève avec un plan qui nous montre que l’un des plus grands instigateurs de cet attentat à la paix est, aujourd’hui, à la tête du gouvernement israélien… Et Amos Gitai de nous montrer, dans une envolée de caméra à la fois lyrique et tragique, qu’il n’y a pour l’instant aucun espoir d’une solution pacifique à cet horrible conflit. Frédéric Maire En marge de la rétrospective et de l’exposition consacrées à Amos Gitai en 2014, la Cinémathèque suisse, le musée de l'Elysée et la Cinémathèque française ont édité le livre Amos Gitai Architecte de la mémoire. Un ouvrage collectif publié chez Gallimard que le cinéaste a conçu et qui rassemble des entretiens et des textes critiques. Livre en vente sur www.cinematheque.ch/boutique Image : Rabin, the Last Day d'Amos Gitai (2015).

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Rabin ou la possibilité éphémère d’un dialogue Après l’assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin en 1995 par un extrémiste juif, la commission d’enquête a limité son champ d’investigation aux défaillances d’ordre opérationnel qui ont rendu possible le meurtre. Elle n’a en revanche pas cherché à analyser le contexte, la campagne de haine menée contre Rabin et les incitations à la violence. Elle a ainsi omis de prendre en compte les nombreuses forces qui avaient tenté pendant de longs mois de le déstabiliser, ainsi que son gouvernement. On pense en particulier au parti Likoud qui avait remporté les élections de 1977 et n’avait pas supporté sa défaite à celles de 1992 gagnées par Rabin. Cela a déclenché une série de manifestations très violentes contre le projet politique, porté par Rabin et par Shimon Peres, de faire la paix avec les Palestiniens. J’ai choisi de tourner ce film en me basant exclusivement sur des documents existants. Pour chaque dialogue, il existe un document attestant des mots véritablement prononcés. Nous avons commencé les recherches environ deux ans avant le début du tournage. Nous avons épluché de nombreux documents, vidéos et photographies datant de la période précédant le meurtre, ainsi que des mois qui ont suivi. Il était difficile de passer à côté des attaques et accusations très violentes dont Rabin a fait l’objet de la part de rabbins, d’hommes politiques et d’autres figures de la vie publique. Une véritable campagne de haine et d’incitation à la violence qui a conduit au meurtre. La difficulté pour moi dans ce projet a été de trouver le bon équilibre entre reconstitution et images d’archives. J’ai décidé d’inclure des extraits de discours télévisés. Leur force est telle qu’il n’était ni souhaitable ni nécessaire de les recréer. Nous avons aussi inclus des extraits des entretiens que nous avions enregistrés pendant nos recherches pour le film, notamment celui avec Shimon Peres (qui était Ministre des affaires étrangères sous Rabin) et celui avec Leah, la femme de Rabin. Mon but n’est pas de créer un culte autour de la personnalité de Rabin, ni de le remplacer par un acteur. Il avait une réelle aura et j’ai pensé qu’il serait intéressant de construire le film autour de son absence, comme autour d’un trou noir. Il n’est pas présent physiquement dans le film. Ceci étant dit, j’ai également refusé de me concentrer sur l’assassin. En Israël aujourd’hui, nous sommes quotidiennement confrontés à la violence. Je ne pense pas qu’il soit bon d’ériger l’Histoire en mythe. Je préfère mettre en évidence les éléments qui ont mené à l’assassinat de Yitzhak Rabin et à l’anéantissement de tout l’espoir de paix, à cette ombre qui continue de s’étendre sur Israël aujourd’hui. J’ai choisi d’en dire peu pour, je l’espère, promouvoir un avenir meilleur. Amos Gitai

Sortie en salles en Suisse romande le 16 mars. Achat des billets : www.cinematheque.ch/rabin

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Amos Gitai Né en 1950 à Haïfa, deux ans après la création de l’Etat d’Israël, Amos Gitai étudie l’architecture et commence par réaliser des documentaires après avoir participé à la guerre du Kippour, où il faillit perdre la vie. Il entreprend une description en profondeur de la société et de l’histoire d’Israël et de la Palestine. Travail analytique qu’il poursuivra dans des fictions comme Kadosh, Promised Land ou Kedma. En 1982, la polémique déclenchée par Yoman Sade (Journal de campagne) le contraint à quitter Israël pour Paris. A travers différentes méthodes narratives et stylistiques (films, théâtre, installations, livres…), il continue d’étudier les thèmes transversaux de l’exil et de l’immigration, tout en se focalisant sur les destins croisés de ceux qui composent l’histoire d’Israël. mars

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Rabin, the Last Day (Le Dernier Jour d'Yitzhak Rabin) France, Israël · 2015 · 153' · v.o. s-t fr. De Amos Gitai Avec Ischac Hiskiya, Pini Mitelman, Michael Warshaviak 14/14 DC

En présence d'Amos Gitai Le 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, l’homme des accords d’Oslo et Prix Nobel de la paix, est assassiné sur la place des Rois d’Israël à Tel Aviv après un long discours pour la réconciliation. Son assassin : un étudiant juif religieux d’extrême droite… Amos Gitai revient sur cet événement traumatisant avec un nouvel éclairage. Replaçant l’assassinat dans son contexte politique et sociétal, Rabin, the Last Day mêle reconstitutions fictives et images d’archives, afin de nous offrir un véritable thriller politique. « Les mots sont d'une grande violence, le film frappe plus fort encore, parce qu'il montre, et que sa manière de montrer, rythmes, lumières (les éclairages d'Eric Gautier sont extraordinaires), musiques (compositions magnifiques d'Amit Poznansky), le rend implacable » (Pascal Mérigeau, L’Obs, 2015).

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Out 1 de Jacques Rivette 29 Un film hors-norme et rare

Invisible dans les salles depuis quarante ans, Out 1 de Jacques Rivette est projeté les 25, 26 et 27 mars dans sa version restaurée. Tourné en 16mm et d’une durée de près de treize heures, ce film-fleuve était considéré par Eric Rohmer comme un « monument capital de l’histoire du cinéma moderne ». L'occasion de rendre hommage au cinéaste récemment disparu. A l'achat d'un billet pour une séance de Out 1 (le film est divisé en huit épisodes), un pass donnant accès gratuitement à toutes les autres séances sera délivré aux spectateurs.

Image : Jean-Pierre Léaud dans Out 1 de Jacques Rivette (1971).

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Un film hors-norme et rare Membre fondateur de la Nouvelle Vague, Jacques Rivette a toujours été l’électron libre à l’esthétique la plus radicale. Out 1, son quatrième long métrage, en est le meilleur exemple. D’une durée de 12h55, il est montré lors d’une projection devenue mythique au Havre en octobre 1971, mais ne connaît pas d’exploitation au cinéma ni à la télévision. Réduit ensuite à environ quatre heures, le montage intitulé Out 1 : spectre propose une vision différente et bénéficie d’une sortie dans les salles françaises en 1974. Mais la version intégrale et originale – intitulée Out 1 : noli me tangere ­– demeure ainsi presque invisible pendant plus de quarante ans. En 2015, grâce au distributeur Carlotta Films, cette copie est enfin restaurée sous la supervision du célèbre chef opérateur Pierre-William Glenn. On y retrouve Jean-Pierre Léaud qui interprète un jeune homme fantasque sur la piste d’un mystérieux groupe de conspirateurs et qui croise des personnages hauts en couleur à l’instar de Juliet Berto, Michael Lonsdale, Bernadette Lafont, Bulle Ogier, Françoise Fabian, Jean-François Stévenin et autres icônes de la Nouvelle Vague, avec des apparitions d’Eric Rohmer et Barbet Schroeder. Un voyage en immersion totale à la croisée du cinéma, de la littérature et du théâtre.

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Out 1 (Out 1 : noli me tangere) France · 1971 · 775' De Jacques Rivette Avec Jean-Pierre Léaud, Juliet Berto, Michael Lonsdale 14/16 DC

Copie numérique restaurée Paris, avril 1970. Deux troupes de théâtre répètent chacune une pièce d’Eschyle. Un jeune sourd-muet fait la manche dans les cafés en jouant de l’harmonica. Une jeune femme séduit des hommes pour leur soutirer de l’argent. Alors qu’une conspiration se dessine, des liens se tissent entre les différents protagonistes… Jacques Rivette se donne autant de liberté dans la mise en scène qu’il en accorde à ses comédiens. Découpée en huit épisodes, cette version originale et intégrale d’Out 1 est une expérience aux frontières du cinéma : « Voir Out 1, c’est tomber dans le trou du lapin d’Alice au pays des merveilles après avoir gobé les bonbons magiques de Céline et Julie (les héroïnes du film suivant du cinéaste français, Céline et Julie vont en bateau, 1974). C’est basculer dans un monde parallèle où tout est possible, mais rien n’est incohérent. Un monde qui ranime, dans un 16mm originel splendide, le Paris de 1970, transformé pour l’occasion en un jeu de piste aussi grand que la vie, où s’ébroue une ribambelle de personnages fabuleux, sérieux et drôles comme des enfants, libres et inventifs comme des artistes d’avant-garde » (Isabelle Regnier, Le Monde). Out 1 est découpé en huit épisodes, tous projetés au Cinématographe : 1. De Lili à Thomas (90'), le vendredi 25 mars à 15h 2. De Thomas à Frédérique (110'), le vendredi 25 mars à 17h 3. De Frédérique à Sarah (108'), le vendredi 25 mars à 20h 4. De Sarah à Colin (106'), le samedi 26 mars à 15h 5. De Colin à Pauline (89'), le samedi 26 mars à 17h 6. De Pauline à Émilie (101'), le samedi 26 mars à 20h 7. D’Émilie à Lucie (98'), le dimanche 27 mars à 17h 8. De Lucie à Marie (73'), le dimanche 27 mars à 19h

Image : Bulle Ogier dans Out 1 de Jacques Rivette (1971).

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Rétrospective Peter Greenaway 33 Grandeur et décadence – De l'excès dans le cinéma de Peter Greenaway

La Cinémathèque suisse programme en avril une rétrospective des films de Peter Greenaway, qui mêlent esthétique et provocation, noirceur et humour britannique. Le cinéaste est présent au festival Visions du Réel à Nyon où lui est remis le Prix Maître du Réel. Le festival Visions du Réel se déroule à Nyon du 15 au 23 avril. www.visionsdureel.ch

Image : Vivian Wu dans The Pillow Book de Peter Greenaway (1996).

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Grandeur et décadence – De l'excès dans le cinéma de Peter Greenaway

Drowning by Numbers p. 35

The Belly of an Architect p. 35

The Baby of Mâcon p. 36

C'est parce que le son fait défaut à la peinture qu'il a étudiée, que Peter Greenaway se tourne vers le cinéma et produit dès les années 1960 des premiers courts métrages adoptant la donnée sonore comme principe formel. Rejouant une même série d'images à trois reprises, Intervals (1969) révèle ainsi la façon dont leur perception constamment se transforme au gré des tonalités. Se dessinent alors un certain rapport au cinéma structurel, mais aussi des références aux codes du documentaire traditionnel tel que produit par la BBC, détournés et sabotés dès les premiers films par une dimension subversive ou cynique dans l'exacerbation même de la méthode. The Falls (1980), ambitieux premier long métrage consistant en une liste de 92 (numéro atomique de l'uranium) personnages aux noms commençant par « Fall » est emblématique de cette quête et vient clore cette première période. Aspirant à atteindre un public plus large, le cinéaste se tourne dès lors vers la fiction – de façon officielle – en 1982 et rencontre le succès avec The Draughtman's Contract. Film charnière et manifeste, il amorce certains motifs essentiels du travail de Greenaway : la peinture – sujet et source d'inspiration, mais aussi ici comme une sorte de principe documentaire qui tourne mal –, l'artiste en protagoniste principal, une sexualité décomplexée, le meurtre, et une mise en scène à la mécanique et au cadre minutieux dans lesquels les personnages ne semblent être que les pions d'un jeu obsédant. Difficile, en cet endroit, de ne pas évoquer Drowning by Numbers (1988) dont la structure repose sur le jeu – inventé – et sur une sérialité qui pointe vers l'absurde. Après la décomposition comme objet de fascination morbide dans A Zed & Two Noughts (1985), c'est un autre type de déchéance, une fois encore en partie autobiographique, qui habite The Belly of an Architect (1987). La mise en abyme, autre stratégie cruciale du travail de l'auteur, adopte ici différentes formes, et réémerge sous l'aspect d'un tableau vivant dans son film le plus connu, baroque et exubérant (notamment au regard du travail sur les couleurs), The Cook, the Thief, His Wife & Her Lover (1989). Eprouvant sans doute le statut même du film et sa « vérité », elle semble sonder l'échelle de la violence dans The Baby of Mâcon (1993) qui voit les scènes de théâtre et les publics se dédoubler à l'infini, l'échelle des images qui dans The Pillow Book (1996) prolifèrent et se superposent, et enfin celle du sexe dans Goltzius and the Pelican Company (2012). Entre beauté plastique et corruption morbide, l'excès dans la forme, dans le fond, qu'il tende vers l'encyclopédie ou vers la luxuriance, se veut jouissif. Le dernier opus du réalisateur ne faisant pas exception : un nouveau portrait d'artiste, et pour la première fois celui d'un cinéaste (Eisenstein in Guanajuato, 2015). Emilie Bujès, programmatrice à Visions du Réel, Festival international de cinéma Nyon Image : Richard Bohringer dans The Cook, the Thief, his Wife & her Lover (1989).

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The Falls GB · 1980 · 191' · v.o. s-t fr. De Peter Greenaway Avec les voix de Peter Westley, Aad Wirtz, Michael Murray 16/16 EC

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The Draughtman's Contract (Meurtre dans un jardin anglais) GB · 1982 · 104' · v.o. s-t fr. De Peter Greenaway Avec Anthony Higgins, Janet Suzman, Anne-Louise Lambert 16/16 EC

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Faux documentaire à la voix-off ininterrompue et monté en une succession de plans fixes, le premier long métrage de Peter Greenaway est un étrange récit construit autour du sort de 92 victimes d’un événement inconnu et néanmoins catastrophique. Des individus qui ont en commun la peur de voler et l’amour des oiseaux, et dont les noms commencent par « Fall ». A l’occasion de cette prétendue et saugrenue étude sociologique, « 92 minibiographies sont ainsi développées, entre cinq secondes et cinq minutes, et aboutissent à un collage cinématographique, qui a recours au film d’archives, à la vidéo, au dessin ou à la photo, et même à l’absence d’image. (…) Cette enquête fiction est un vaste canular mené sur le ton le plus objectif et le plus pincesans-rire possible ». (Claude Bouniq-Mercier, Guide des films). Angleterre, fin du XVIIe siècle. Le peintre Neville accepte un curieux contrat : Mrs Herbert, délaissée par son mari, lui propose de disposer librement de ses charmes en échange de douze dessins représentant sa propriété. Le peintre s’exécute, mais les tableaux semblent annoncer qu’un meurtre va être commis… Le film fit sensation à sa sortie par son esthétisme qui semblait inscrire le cinéaste dans la lignée du Kubrick de Barry Lyndon. « Outre le décryptage de l’intrigue, ce qui capte l’attention, c’est la beauté de la réalisation : perruques extravagantes, costumes somptueux, éclairage aux chandelles, musique d’inspiration purcellienne, manoir élégant, jardin au cordeau… Tout est là pour ravir les yeux, charmer l’oreille et flatter l’esprit » (Claude Bouniq-Mercier, Guide des films).

Image : Juliet Stevenson, Joan Plowright et Joely Richardson dans Drowning by Numbers de P. Greenaway (1988).


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21 :00 PAD

18 :30 CIN

A Zed & Two Noughts (Z.0.0.) GB, Pays-Bas · 1985 · 115' · v.o. s-t fr. De Peter Greenaway Avec Andréa Ferréol, Brian Deacon, Frances Barber 16/16 35mm

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21 :00 CIN

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15 :00 CIN

The Belly of an Architect (Le Ventre de l'architecte) GB, Italie · 1987 · 117' · v.o. s-t fr./all. De Peter Greenaway Avec Brian Dennehy, Chloe Webb, Lambert Wilson 16/16 35mm

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18 :30 PAD

15 :00 CIN

Drowning by Numbers (Triple Assassinat dans le Suffolk) GB, Pays-Bas · 1988 · 115' · v.o. s-t fr./all. De Peter Greenaway Avec Bernard Hill, Joan Plowright 16/16 35mm

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The Cook, the Thief, his Wife & her Lover France, GB · 1989 · 124' · v.o. s-t fr./all. De Peter Greenaway Avec Richard Bohringer, Michael Gambon, Helen Mirren 18/18 35mm

Deux frères jumeaux perdent leurs épouses dans un accident de voiture. Ces distingués zoologues reportent leur amour sur Alba, la conductrice de l’automobile à présent unijambiste, et se mettent à observer la décomposition des animaux… Faisant référence à la vingtaine de toiles réalisées par Vermeer au cours de sa vie, A Zed & Two Noughts se présente comme une variation philosophique portant sur la symétrie, le chiffre « deux » et la mort. « Contrairement à ce qu’on entend dire, le scénario n’a rien d’absurde, d’abracadabrant, de ‘surréaliste’. Il obéit à une logique parfaite, mais dans un monde allégorique où des rappels de la mythologie s’ajoutent à la reproduction presque maniaque des ‘ cadrages ’, des éclairages, des couleurs du peintre hollandais » (Jacques Siclier, Le Monde, 1986).

Accompagné de sa femme Louisa, l’architecte américain Kracklite se rend à Rome pour organiser une exposition. Il souffre de maux d’estomac et la soupçonne de l’avoir empoisonné… Peter Greenaway joue ici sur le motif de la ligne, synonyme de vie et de liberté, opposé à l’enfermement morbide du cercle. « Dans les ruines de la Rome impériale, Kracklite supporte à l’intérieur de son être la tragédie de l’incompréhension, progressivement dépossédé de ‘ son ’ exposition, de sa femme et de sa vie. Film de formes et de paroles où rien ne se perd et tout s’emboîte à la perfection, film rigoureux et tragique, cynique et merveilleux, Le Ventre de l’architecte est autant une réflexion sur la création que sur les moyens de s’y perdre, d’y tourner en rond pour enfin se détruire » (Frédéric Maire). Témoin de l’adultère de son mari, Mrs Colpitts le noie et maquille le meurtre avec l’aide du juge d’instruction local. Sa fille et sa petite-fille, également mécontentes de leur relation amoureuse, décident de suivre le même modèle et se rallient, elles aussi, les faveurs du juge pour couvrir leur crime… Trois générations en lutte contre l’insatisfaction conjugale dans un film saugrenu, à l’humour noir très « british ». Drowning by Numbers signifie « noyade en nombre » ou « par les nombres », comme un indice ludique, une prévision arithmétique et aquatique pour comprendre le jeu qui est proposé à l’écran. Une fois passé l’attrait de cette belle comptabilité crimi­nelle, place à un conte cruel autour de l’impuissance et de la décrépitude de l’homme, où la mort représente la dernière possi­bilité de jouissance. Un mafioso est propriétaire d’un restaurant huppé et s’y goinfre tous les jours, en compagnie de sa femme qui ne supporte plus sa vulgarité. Un soir, elle remarque un dîneur solitaire. Il devient son amant sous l’œil indulgent de Richard, le chef cuisinier… Un brillant exercice de style et une fable sarcastique sur la société de consommation qui procure une intense jubilation, autant sensuelle que cérébrale. « Dix jours, dix repas, dix menus, (…) et un déferlement de cynisme, de sadisme, de mort. Comme toujours chez Greenaway, ce film est un labyrinthe. L'ambiance est aussi à l'opéra, avec d'immenses bouffées d'esthétisme fascinant. Toujours obsédé par les fonctions physiques du corps humain, le réalisateur ne recule pas devant l'obscénité dans cette fable sur l'égoïsme » (Jacques Siclier, Télérama).

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18 :30 CIN

15 :00 CIN

Prospero's Books France, GB, Italie, Japon, Pays-Bas · 1991 · 125' · v.o. s-t fr. De Peter Greenaway Avec John Gielgud, Michael Clarke, Michel Blanc 16/16 35mm

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18 :30 CIN

18 :30 PAD

The Baby of Mâcon Allemagne, France, GB, Pays-Bas · 1993 · 123' · v.o. sans s-t De Peter Greenaway Avec Julia Ormond, Ralph Fiennes, Philip Stone 16/18 35mm

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21 :00 PAD

18 :30 CIN

The Pillow Book France, GB, Pays-Bas · 1996 · 125' · v.o. s-t fr./all. De Peter Greenaway Avec Vivian Wu, Ewan McGregor, Yoshi Oida 16/18 35mm

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21 :00 CIN

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8 ½ Women (8 femmes ½) Allemagne, GB, Pays-Bas, Luxembourg · 1999 · 120' · v.o. s-t fr./all. De Peter Greenaway Avec John Standing, Matthew Delamere, Vivian Wu 16/18 35mm

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L’ancien duc de Milan, Prospero, a été exilé sur une île. Grâce à la magie que lui confèrent ses livres, il maîtrise les éléments naturels et peut intervenir dans l’existence des vivants… « John Gielgud a souvent interprété ce rôle de Shakespeare (…). J’ai eu à cœur, dit Peter Greenaway, d’utiliser au maximum ses dons et compétences superbes à réciter les textes - vers autant que prose -, de sorte que je l’ai convaincu de dire, en grande partie, les dialogues de tous les autres personnages de la pièce en plus de son texte. Le choix de cette approche s’appuie sur une interprétation du personnage de Prospero non pas comme un grand manipulateur de personnes et d’événements, mais comme leur créateur. Isolé dans son exil insulaire, Prospero invente une intrigue susceptible de redresser les torts qui lui ont été faits ». Version originale sans sous-titres et non censurée Au XVIIe siècle, la peste et la stérilité ont frappé la population de Mâcon. Une vieille femme met au monde par miracle un enfant, « beau comme un Jésus ». La sœur de celui-ci, alors vierge, se l’approprie et exploite la crédulité du public en monnayant les prétendus prodiges que réalise son petit frère. Mais l’Eglise n’entend pas laisser passer pareil pactole… Une œuvre baroque et blasphématoire qui, au-delà de l’autorité cléricale, dénonce tout pouvoir aliénant permettant à l’être humain de dominer et de se jouer de son semblable. Peter Greenaway mêle farce et drame, trivialité et obscénité, et témoigne d’un certain dégoût de l’homme qu’il met en scène dans sa déchéance et ses bassesses, avec quelques scènes d’une cruauté insoutenable. Un film morbide et terrifiant, projeté ici dans sa version non censurée. En souvenir de son père qui calligraphiait son visage à chacun de ses anniversaires, Nagiko, un mannequin, se met en quête d’un calligraphe-amant qui utiliserait son corps en lieu et place de papier… Film onirique et flamboyant où Peter Greenaway révèle les corps par la beauté de l’écriture des mots. Un long poème visuel et sensuel. « En confrontant l’univers mystérieux et libertin du Japon du Xe siècle à la frénésie du Hong-Kong de 1996, le cinéaste britannique intègre trois types de style cinématographique : le noir-blanc statique, la couleur à genoux à la manière d’Ozu et le montage rapide, qui servent différents contextes et fondent une formule dramatique. Surtout, il signe l’un de ses plus beaux films. Le plus lisible aussi, même s’il est calligraphié en japonais » (Cécile Lecoultre, 24 Heures, 1997).

Après la mort de sa mère, Story revient auprès de son père, un riche homme d’affaires genevois. Pour le distraire de son immense chagrin, il décide de transformer le manoir familial en maison close privée. Le père et le fils se livrent à leurs fantaisies sexuelles en compagnie de huit femmes… et demie. Peter Greenaway fait l’inventaire des fantasmes du mâle occidental, tout en rendant hommage à Fellini et au principe de transmission : « L'évolution de la société s'accélère en cette fin de siècle, et il apparaît évident que c'est le rôle des jeunes d'enseigner aux plus âgés. De La Jetée de Chris Marker à Titanic, le sujet principal des films est la recherche de la sagesse par des héros de 16 à 30 ans. Dans 8 ½ Women ironiquement, c'est la génération plus âgée qui est en quête de sagesse » (Peter Greenaway).


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18 :30 CIN

21 :00 PAD

Nightwatching (La Ronde de nuit) Canada, France, GB, Pays-Bas, Pologne · 2007 · 136' · v.o. s-t fr. De Peter Greenaway Avec Martin Freeman, Emily Holmes, Eva Birthistle 16/16 35mm

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18 :30 CIN

21 :00 CIN

Goltzius and the Pelican Company France, GB, Croatie, Pays-Bas · 2012 · 128' · v.o. s-t fr. De Peter Greenaway Avec F. Murray Abraham, Ramsey Nasr, Pippo Delbono 16/18 DC

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21 :00 CIN

15 :00 CIN

Eisenstein in Guanajuato (Que viva Eisenstein !) Belgique, Finlande, France, Mexique, Pays-Bas · 2015 · 105' · v.o. s-t fr. De Peter Greenaway Avec Elmer Bäck, Luis Alberti, Maya Zapata 16/18 DC

Amsterdam, 1654. Rembrandt se réveille en sursaut, il vient de rêver qu'il est aveugle. Ce cauchemar le replonge douze ans en arrière, lorsqu’il accepte une commande : un portrait de groupe de la milice civile de la ville. Un tableau, rempli d’énigmes et intitulé La Ronde de nuit, qui restera l’un de ses plus célèbres… Un film éblouissant de maîtrise technique, en particulier pour sa dextérité à restituer les éclairages du maître hollandais, et qui superpose trois niveaux de lecture : une biographie du peintre axée sur ses trois femmes et sur la déchéance sociale dont il fut frappé ; un décryptage libre de l’œuvre où le cinéaste y voit la trace d'un crime et le soupçon d'une conspiration des puissants marchands de la ville ; et enfin une réflexion sur la création artistique, celle du peintre comme celle du cinéaste. Au XVIe siècle, un peintre et graveur d’œuvres érotiques, Goltzius, sollicite un mécène afin de se doter de sa propre imprimerie d’œuvres illustrées. Il lui propose en échange de mettre en scène des extraits de l’Ancien Testament. Sous la direction du graveur, les récits prennent des dimensions lubriques… Relecture onirique, comique et osée des scènes licencieuses de la Bible, avec Pippo Delbono dans l’un des rôles principaux. « De la même façon que Goltzius se joue de son hypothétique mécène, le cinéaste manipule ses producteurs et ses spectateurs. Il distord ses intrigues, les multiplie, les éparpille, en révèle les artifices et s'en amuse. Il tue toute psychologie, exalte les corps dans ce qu'ils ont de superbe et de dérisoire. Il brille, étincelle, tel un Fellini extravagant et funèbre » (Pierre Murat, Télérama). En 1931, le réalisateur du Cuirassé Potemkine et d’Octobre est fraîchement éconduit par Hollywood et sommé de rentrer en Union soviétique. Sergueï Eisenstein trouve alors refuge à Guanajuato, au Mexique, pour y tourner Que Viva Mexico !. Son génie créatif s’en trouve exacerbé et son intimité fortement troublée. Confronté aux peurs et aux désirs inhérents à l’amour, au sexe et à la mort, Eisenstein vit dix jours passionnés qui vont durablement bouleverser sa vie… « Portrait d’un génie désemparé, écartelé entre ses différents commanditaires (Staline, les riches intellectuels américains, Mrs Upton Sinclair en première ligne), confronté à la brutalité de la passion amoureuse et de l’amour physique, Que viva Eisenstein ! est un des plus beaux films jamais consacrés au cinéma » (Pascal Mérigeau, L’Obs).

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Aussi à l'affiche 41 Intégrale

David Cronenberg (suite) 49 Festival Voix du muet chez Barnabé 53 Babel de Boris Lehman 60 Pâkomuzé : familles au ciné ! 63 Vingt ans des LACS 69 Colloque avec l'Unil : « Des ciné-clubs aux cinémathèques » 72 R. W. Fassbinder : entre cinéma et théâtre

Image : Nikolaï Tcherkassov (à droite) dans Ivan le Terrible de Sergei M. Eisenstein (1944), projeté dans le cadre du cycle « Vingt ans des LACS ».

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Intégrale David Cronenberg (suite) Inaugurée en février dernier, l’intégrale des films de David Cronenberg, cinéaste de l’étrange, de l’organique et des troubles psycho-romantiques se poursuit en mars et début avril. Si David Cronenberg fut dans un premier temps qualifié de réalisateur racoleur et misogyne – le cinéma de genre n'a jamais eu les faveurs de l'intelligentsia –, il est désormais reconnu comme l'un des grands auteurs de ces dernières décennies. Influencé par ses études universitaires en biochimie, le cinéaste canadien s'investit dans le « body horror », sous-genre dépeignant les transformations de ses personnages et de leur corps, dont il devient la figure de proue. Un rapport à la chair obsessionnel qui s'avère indissociable du cinéma de Cronenberg. Qu'elles découlent de dérives sociétales (Scanners) ou scientifiques (Rabid), les transmutations chez Cronenberg témoignent d'un rapport à double niveau entre l'individu, son image et ce qui l'entoure. Sans jamais émettre de jugement sur ce qu'il montre, le réalisateur s'intéresse à la dimension pathologique de ses personnages, dont les corps portent en eux les stigmates de leurs troubles psychologiques. Aussi, quand bien même les relations maladives dépeintes dans The Fly, Dead Ringers et A Dangerous Method provoquent un malaise indéniable, elles entraînent davantage l'empathie que le dégoût. Les visions d'horreur mises en scène par Cronenberg se présentent comme des phobies de notre temps à travers lesquelles le réalisateur scrute l'humanité. Dans The Brood, il illustre de manière imagée les dégâts causés par le divorce, tandis qu'il explore dans A History of Violence l'héritage culturel de la violence au quotidien. Son analyse perspicace de la société l'érige parfois en véritable visionnaire, comme le démontre le séminal Videodrome ou le vidéoludique eXistenZ, chacun anticipant différents travers de notre société. Au fil du temps, le cinéma de Cronenberg devient plus littéraire, plus cérébral, notamment à partir de la fin des années 1980 où il livre certains de ses films les plus déroutants, allant des paranoïas kafkaïennes de Naked Lunch à l'érotisme mécanique de Crash. Rétrospectivement, il est fascinant de remarquer à quel point les mêmes thématiques jalonnent la filmographie de Cronenberg sans pour autant qu'aucune de ses œuvres ne ressemble à une autre. La froideur clinique de son esthétique se confronte au romantisme omniprésent dans ses films ; entre la chair et l'horreur, c'est d'amour que traite essentiellement son cinéma. Il en livre une représentation passionnelle, dénuée de tout cynisme et écorchée, à l'image de ses personnages. Loïc Valceschini, programmateur au Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel (NIFFF) Pour les premiers longs métrages de Cronenberg, il est très difficile de trouver des copies 35mm en bon état. Certains films sont ainsi projetés en version originale sans sous-titres français. Une mention l'indique lorsque c'est le cas.

Image : Rosanna Arquette dans Crash de David Cronenberg (1996).

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21 :00 CIN

Stereo Canada · 1969 · 65' · v.o. sans s-t De David Cronenberg Avec Ronald Mlodzik, Jack Messinger, Iain Ewing 16/16 35mm

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18 :30 PAD

Crimes of the Future Canada · 1970 · 70' · v.o. sans s-t De David Cronenberg Avec Ronald Mlodzik, John Lidolt, Tania Zolty 16/16 35mm

Version originale sans sous-titres Huit cobayes sont enfermés dans un centre de recherche après avoir subi une opération du cerveau développant leurs capacités télépathiques. Les scientifiques souhaitent briser les barrières sociales et morales des sujets et provoquer leur soumission en les privant peu à peu de leur liberté et en les droguant… A la fin des années 1960, David Cronenberg est étudiant à Toronto, il se forme à la réalisation en autodidacte et a déjà tourné deux courts métrages. Pour ce premier long métrage, il investit son université désertée pendant les vacances d’été et tourne avec une équipe très réduite, en occupant quasiment tous les postes. Bon nombre des obsessions du cinéaste canadien sont déjà présentes : décors futuristes, expérimentations scientifiques, exploration de la sexualité et aliénation psychologique. Version originale sans sous-titres Un dénommé Adrian Tripod enquête sur Antoine Rouge, un dermatologue associé à la terrible épidémie qui a provoqué la disparition de toutes les femmes sexuellement matures. Cette maladie mortelle trouverait sa source dans un étrange produit de cosmétique… Après Stereo, David Cronenberg retrouve la même économie de moyens, ainsi que certains principes de narration. A nouveau, l'action se passe de son direct et se trouve commentée par une voix off, agrémentée pour l'occasion de bruitages abstraits qui rendent l’environnement sonore étrange et inquiétant. Derechef, les personnages sont énigmatiques et évoluent tels des survivants au milieu d’une architecture moderne et stérile. Ils ne s'adressent pas la parole, mais se livrent à une communication gestuelle parfois obscure et toujours insolite.

Image : Ed Harris dans A History of Violence de David Cronenberg (2005).

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18 :30 PAD

15 :00 CIN

Shivers (Frissons) Canada · 1975 · 87' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Paul Hampton, Joe Silver, Lynn Lowry 16/16 35mm

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21 :00 CIN

Rabid (Rage) Canada · 1977 · 91' · v.o. sans s-t De David Cronenberg Avec Marilyn Chambers, Frank Moore, Joe Silver 18/18 35mm

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18 :30 CIN

Fast Company Canada · 1979 · 91' · v.o. sans s-t De David Cronenberg Avec William Smith, Claudia Jennings, John Saxon 14/16 35mm

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18 :30 CIN

21 :00 CIN

The Brood (Chromosome 3) Canada · 1979 · 91' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Oliver Reed, Samantha Eggar, Art Hindle 16/16 35mm

Un médecin fou a développé un parasite contagieux censé libérer la sexualité et contrecarrer la cérébralité. Au lieu de cela, celui-ci métamorphose chacun en maniaque sexuel… Une population régie par l’ordre, la raison et le contrôle se trouve soudainement assaillie par ce que Cronenberg a appelé « une joie sauvage ». « Les parasites peuvent être écœurants et effrayants, mais ils ne font pas que transformer les gens en monstres. (…) Le renversement [qu’ils provoquent] de la raison, des conventions, des valeurs, du bon goût et de tout ce qui est partie prenante de la vaste machinerie de répression de l’animalité humaine s’accompagne, au moment où se brisent les contraintes, d’un sentiment enivrant et même terrifiant de libération » (William Beard, L’horreur intérieure : les films de David Cronenberg). Version originale sans sous-titres A la suite d’une greffe expérimentale, une femme dotée d'un dard phallique sous son aisselle transmet la rage à ses partenaires lors des rapports sexuels… Deux ans après Shivers, Cronenberg retrouve la problématique qui lie sexe et virus dévastateur, mais l’élargit cette fois aux dimensions d’une métropole. Pour son héroïne, il choisit Marilyn Chambers, vedette du cinéma pornographique qui interprète ici son seul rôle hors de l’industrie du X. « Les cohortes de zombies en quête de nouvelles proies évoquent bien sûr La Nuit des morts vivants ; mais autant Romero condamnait les turpitudes d'une humanité incapable de faire front contre l'adversité, autant Cronenberg porte un regard clinique et distancié, fasciné par l'irréversible progression du mal » (Philippe Rouyer, Le cinéma gore : une esthétique du sang). Version originale sans sous-titres Des pilotes de dragsters et leurs adversaires sillonnent le pays, se propulsent à grande vitesse sur de courtes distances et se font une concurrence acharnée pour remporter le podium et ce qu’il représente : fortune, admiration des foules et affriolantes groupies en mini-shorts… Les bolides, prolongements motorisés des corps humains qui les conduisent, rappellent de loin les obsessions de David Cronenberg. Les scènes les plus captivantes de ce film de commande restent celles dans lesquelles le cinéaste s’attarde sur le vrombissement d’un moteur, le drainage d’une huile à l’aide d’une aspiration buccale ou encore le soin apporté à l’entretien des machines. Quant au quotidien et aux rivalités âpres de ce milieu des courses, filmées on ne peut plus succinctement, ils n'en constituent de loin pas l’intérêt principal. Suite à une thérapie originale du Dr Raglan, les patients matérialisent leurs troubles mentaux par des manifestations organiques. Nola, patiente du docteur, donne alors naissance à des créatures qui entreprennent d’assassiner tous les responsables de ses frustrations et de ses inhibitions… Construit comme un polar, le film, étrange, inquiétant, violent, vire sur la fin au cauchemar halluciné qui annonce les mutants de Naked Lunch(1991). Effrayant et superbe. « Sous les grosses ficelles qu’agite un roué de l’horreur exhibitionniste pointe un constat terrifiant sur un monde où la femme ne met pas au monde des enfants d’amour, mais des monstres de rage (…), où les psychanalystes impuissants deviennent à jamais les ‘papas’ inutiles d’une société déboussolée, vouée à la destruction » (Pierre Murat, Télérama, 1979).

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21 :00 PAD

Scanners Canada · 1981 · 102' · v.o. s-t fr./néerlandais De David Cronenberg Avec Jennifer O'Neill, Stephen Lack, Patrick McGoohan 16/16 35mm

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21 :00 CIN

18 :30 CIN

Videodrome (Vidéodrome) Canada · 1983 · 87' · v.o. s-t fr. De David Cronenberg Avec James Woods, Sonja Smits, Deborah Harry 16/16 DC

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18 :30 CIN

21 :00 PAD

The Dead Zone (Contact mortel) USA · 1983 · 103' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Christopher Walken, Brooke Adams, Tom Skerritt 14/14 35mm

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15 :00 CIN

The Fly (La Mouche) USA · 1986 · 95' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Jeff Goldblum, Geena Davis, John Getz 16/16 35mm

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Les « scanners » sont des mutants capables d’agir sur le cerveau des autres êtres humains, jusqu’à le faire exploser s’ils le souhaitent. Une entreprise aux agissements troubles a fait kidnapper l’un d’eux dans l’espoir de localiser ses semblables… Succès commercial inespéré qui permet à Cronenberg de réaliser ensuite des films aux budgets plus conséquents et qui marque ainsi la fin de son activité de cinéaste dans le secteur étroit de la série B fantastique. « Une ténébreuse histoire [qui] aborde sous certains poncifs représentatifs du cinéma de genre (course-poursuite, affrontement du Bien et du Mal, duel final) des thèmes similaires à ceux des romans de William S. Burroughs et contient des images proches de certaines formes artistiques contemporaines » (Olivier Père, Les Inrockuptibles, 1981). Copie numérique Le directeur d’une chaîne érotique du câble capte une émission sado-maso qui provoque chez lui des hallucinations et des altérations physiques… Entre TV et réalité, une plongée dans la folie et l’univers des « snuff movies » doublée d’une réflexion sur le pouvoir de l’image. Une œuvre déroutante qui trahit l’obsession récurrente de l’auteur pour une horreur organique et pour la porosité des frontières entre réalité et fantasmes. « En 1983, le concept de télé-robinet à images est balbutiant, la vidéo est en culottes courtes et Cronenberg imagine cette histoire abracadabrante sur le pouvoir tentaculaire des images. (…) Trente ans après, le film reste inépuisable. Sur le mélange aliénant de plaisir et de dégoût qu'engendre la télévision, on a rarement fait mieux depuis » (Jacques Morice, Télérama). Cinq ans après un accident de la route, Johnny Smith émerge du coma et découvre qu’il possède la faculté de revivre le passé et de prévoir l’avenir de ceux qui l’entourent. Mais la mise en pratique de son don devient vite problématique… Adaptation d’un roman de Stephen King, The Dead Zone est une satire des médias qui traquent sans répit un individu devenu, malgré lui, objet de curiosité publique. C’est aussi un portrait au vitriol des campagnes électorales américaines incarnées par un candidat véreux dont Johnny Smith révèlera la vraie nature. « Cronenberg fait du marginal la norme, tandis que c’est parmi ceux qui incarnent la normalité (le politicien, le shérif adjoint, le millionnaire) qu’on retrouve les comportements déviants, monstrueux » (Pierre Véronneau, L’horreur intérieure : les films de David Cronenberg). Un biologiste tente sur lui-même une expérience de téléportation par reconstitution moléculaire, mais une mouche s’introduit dans la machine : l’ADN de l’homme et de l’insecte vont ainsi se croiser… Un remake intelligent et plus psychologique du film de Kurt Newman réalisé en 1958. « La mouche est une sorte de parabole qui évoque irrésistiblement le Kafka de La Métamorphose. Préoccupé de longue date par les dérèglements du corps humain, Cronenberg délaisse ici son attitude habituelle d’entomologiste distant pour nous livrer un hymne bouleversant à la tolérance et à l’amour (…). Œuvre humaniste à dimension métaphysique et sur laquelle plane l’ombre du sida, The Fly s’installe sans coup férir dans le Panthéon des chefs-d’œuvre du fantastique » (Bertrand Rocher, Dictionnaire mondial des films).


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Dead Ringers

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21 :00 CIN

(Faux-semblants) Canada, USA · 1988 · 115' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Jeremy Irons, Geneviève Bujold, Heidi von Palleske 16/16 35mm

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18 :30 PAD

Naked Lunch

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18 :30 CIN

(Le Festin nu) USA · 1991 · 115' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Peter Weller, Judy Davis, Ian Holm 16/16 35mm

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18 :30 CIN

M. Butterfly USA · 1993 · 104' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Jeremy Irons, John Lone, Barbara Sukowa 16/16 35mm

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Crash

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15 :00 CIN

Canada, GB · 1996 · 100' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec James Spader, Holly Hunter, Elias Koteas 18/18 35mm

Deux jumeaux, les frères Elliot et Beverly Mantle, gynécologues réputés, partagent tout : clinique, appartement et femmes. Un jour, Beverly tombe amoureux fou d’une patiente et n’apprécie pas de la partager… Premier film du cinéaste canadien à être inspiré d’un fait réel, ce drame psychologique n’en reste pas moins tout aussi tordu et cauchemardesque que ses œuvres précédentes. « Par son style glacial, ce film pouvait apparaître comme un changement de cap dans l’œuvre de Cronenberg. C’est pourtant une épure et un pointlimite de sa thématique : gémellité schizophrénique, horreur chromosomique, transformation de la chair. C’est aussi un tour de force, tant sur le plan technique que sur celui de la performance de Jeremy Irons, fascinant dans un subtil double rôle » (Laurent Aknin, Dictionnaire mondial des films). Employé dans une société newyorkaise qui élimine les cafards, Bill Lee est accusé d’avoir détourné la précieuse poudre hallucinogène utilisée pour leur extermination… Pour porter à l’écran l’univers de l’écrivain William S. Burroughs, Cronenberg se sert du genre horrifique, déplaçant ainsi certaines représentations tout en conservant leur valeur subversive et leur charge libidinale. Déroutante et touffue, cette relecture vaut surtout pour ses métaphores de l'écriture littéraire considérée comme un acte vital, pulsionnel et meurtrier. Le réalisateur transforme ce roman réputé inadaptable « en quelque chose d’aussi puissant qu’une drogue, d’aussi grisant qu’une nuit d’amour, d’aussi drôle que les Marx Brothers, d’aussi enrayant qu’un film d’horreur » (Emmanuel de Brantes, Le Quotidien de Paris).

Pékin, 1964. Un diplomate français tombe sous le charme d’une cantatrice lors d’une représentation de Madame Butterfly de Puccini. Malgré les années passées avec celle qui devient sa muse, il reste aveuglé par la passion et ne s’aperçoit pas que la diva est en réalité un homme. Et un espion de surcroît… Par cette histoire authentique, Cronenberg prend ses distances avec l’horreur graphique, sans renoncer à ses thèmes de prédilection : la mutation, les désordres psychologiques et corporels, les identités troubles. « Aboutissement de l’évolution esthétique de la mise en scène du réalisateur canadien qui a travaillé à l’effacement progressif du spectaculaire pour atteindre ce stade étonnant : Dans M. Butterfly, l’effet spécial est invisible et présent partout » (Frédéric Strauss, Cahiers du cinéma, 1993).

Un couple en panne de désir s’adonne sans réticence à un jeu imbécile et mortel : traquer à travers des accidents de voiture, subis ou provoqués, l’expérience ultime du plaisir… Une exploration des rapports tortueux qui lient le danger, le sexe et la mort. Corps broyés, esprits fêlés, voitures tordues et images sulfureuses, cette nouvelle réalisation de Cronenberg suscita la polémique à Cannes et remporta le Prix spécial du jury. « Le film, raconte l’actrice Holly Hunter, est construit comme un porno, en séquences, mais son but n’est pas juste d’exciter. Le sexe est le langage du film, à travers lequel les personnages expriment leur désespoir, leur colère, leur agressivité, leur force ou leur peur. Et en particulier dans des voitures, comme si les personnages n’existaient que quand ils frôlent la mort ».

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Canada, GB · 1999 · 97' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Jennifer Jason Leigh, Jude Law, Ian Holm 16/16 35mm

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Canada, France, GB · 2002 · 98' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Ralph Fiennes, Miranda Richardson, Gabriel Byrne 16/16 35mm

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A History of Violence Canada, Allemagne, USA · 2005 · 96' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Viggo Mortensen, Maria Bello, Ed Harris 16/16 35mm

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Eastern Promises (Les Promesses de l'ombre) Canada, GB, USA · 2007 · 100' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Viggo Mortensen, Naomi Watts, Vincent Cassel 16/16 35mm

Dans un futur proche, les progrès dans le domaine des jeux vidéo permettent désormais au joueur de se retrouver plongé dans une réalité parallèle que rien, hormis sa conscience, ne lui permet de distinguer de la vraie vie… Dépassant sensationnalisme et mauvais goût revendiqué, Cronenberg livre une passionnante mise en abyme et une réflexion sur l’infiltration du réel par le virtuel et la perte du libre arbitre. « Une saisissante exploration d’un univers fantastique où virtualité et réalité s’interpénètrent, où les objets électroniques prennent des formes végétales ou animales, où les êtres humains se branchent, se débranchent, se mettent en boucle… On est émerveillé devant ce festival de trouvailles tout autant que terrifié par cette ‘ludovirtualité’ » (Jean-Claude Lamy, Dictionnaire mondial des films).

Après plusieurs années d’internement psychiatrique, un homme grommelant, renfermé et hagard nommé Spider est transféré au foyer de réinsertion dans les faubourgs de l’Est londonien. Ayant vécu le drame qui a brisé sa vie à quelques rues de là, il se replonge peu à peu dans ses souvenirs… Le cinéaste canadien se penche sur les vertiges de la schizophrénie en comptant sur le talent de composition de Ralph Fiennes qui s’est préparé quatre ans pour ce rôle hypnotique. «Je n’ai pas réussi, confie Cronenberg, à imaginer quelqu’un d’autre que lui dans la peau de Spider. (…) Il a cette aptitude à extérioriser le non-dit et peut à la fois générer la sympathie et la méfiance chez les spectateurs. Il porte véritablement le film sur ses épaules (…). Ralph est sobre, intuitif, complexe, parfait».

Lors d’un braquage, Tom Stall abat deux malfrats qui menaçaient les employés et les clients de son restaurant. Il est acclamé en héros. Bientôt, des individus débarquent de Philadelphie, persuadés d’avoir reconnu en Tom celui avec lequel ils avaient eu de violents démêlés par le passé… « Pas de manipulation par la mise en scène, pas d'explosion esthète ou maniériste, pas de second degré. Juste une touche d'ironie finale qui empêche le film d'être tout à fait sordide. (…) Cronenberg ne fait pas semblant. Les quatre coins de l'écran de ce film si carré forment les angles du problème posé : la violence est « in », jamais fantasmatique ni hors champ. La violence est réelle, contagieuse, c'est une graine qui ne pousse que sous l'œil de la caméra, qui est aussi le nôtre » (Olivier Séguret et Philippe Azoury, Libération, 2005).

Sage-femme à Londres, Anna tente de retrouver la famille d’une jeune fille morte en donnant la vie. Une quête qui va la plonger dans l’univers menaçant de la mafia russe… Doté d'un casting haut de gamme dominé par la prestation époustouflante de Viggo Mortensen, Eastern Promises est un polar à la tension haletante, à la fois film de gangsters et tragédie shakespearienne. « Au service de ce récit sombre et bien plus complexe qu’il n’y paraît, la réalisation racée et tranchante de Cronenberg fait mouche dès l’ouverture, où vie et mort sont liées dans le sang. Le cinéaste actionne une mécanique tournant sans la moindre baisse de régime ni scène superflue, et serre la vis du suspense jusqu’à la faire exploser dans la séquence du hammam, déjà mythique » (Mathieu Loewer, Le Courrier, 2007).


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A Dangerous Method Canada, Suisse, Allemagne, GB · 2011 · 99' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Keira Knightley, Michael Fassbender, Viggo Mortensen 14/16 35mm

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Erick Packer, jeune golden boy, se trouve à bord de sa limousine en plein embouteillage à New York et n'a qu'une seule obsession : une coupe de cheveux chez son coiffeur. Requin de la finance, honni par des millions de New-yorkais, il progresse dans la ville à la vitesse de l’escargot et reçoit différents visiteurs à l’intérieur de son cocon high-tech et insonorisé… Du roman Cosmopolis homonyme de Don DeLillo, David Cronenberg met en scène un Canada, France, Italie, Portugal · 2012 · 109' · v.o. s-t fr. cauchemar quasi métaphysique, un long voyage sous hypnose, De David Cronenberg aux dialogues parfois abscons, mais à la réalisation brillante. Avec Robert Pattinson, Cette déambulation urbaine, dans les dernières agitations et Sarah Gadon, les derniers soubresauts d’un monde qui court à sa perte, semble Paul Giamatti entériner le virage classique du cinéaste, en même temps que 14/16 DC l'abandon progressif de sa veine folle et organique.

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Zurich, 1904. Carl Gustav Jung prend en charge une jeune Russe hystérique, Sabina Spielrein, et s’inspire des travaux de son collègue, Sigmund Freud. Tandis que l'état de santé de Sabina s'améliore, Jung se sent de plus en plus attiré par elle… Dans un style sage et appliqué, Cronenberg traite de la querelle entre Freud et Jung, entre le maître et l’élève. « A Dangerous Method ne ressemble en rien au reste de l'œuvre de Cronenberg : c'est un film en costumes, la violence physique en est quasiment absente, et presque toutes les images baignent dans une lumière exquise, estivale et helvétique. Cette élégance formelle (…) est l'écrin tout neuf des éternelles obsessions du cinéaste : la lutte entre le désir et la raison, les pulsions et la loi, le monde réel et le monde rêvé » (Thomas Sotinel, Le Monde, 2011).

15 :00 CIN

Maps to the Stars Canada, Allemagne, France, USA · 2014 · 111' · v.o. s-t fr./all. De David Cronenberg Avec Julianne Moore, Mia Wasikowska, John Cusack 16/16 DC

Une actrice vieillissante et assoiffée de reconnaissance prend Agatha, une ex-pyromane, comme nouvelle assistante. De son côté, Sanford Weiss, mélange local de psy, coach et gourou, fait pleurer les stars en les massant. Son fils de 13 ans, tête d'affiche arrogante d'une comédie familiale, est déjà en cure de désintoxication… Film choral au style clinique pour dépeindre une ville devenue un hôpital psychiatrique à ciel ouvert. « Au gré d’une flânerie sous un soleil fétide, Cronenberg déploie le cortège de ses personnages et de leurs associations délétères, figurines grimaçantes que l’on verra d’abord s’ébrouer dans leurs névroses à l’écart les unes des autres, avant que ne soient mis au jour les liens incestueux qui les relient tous, telle une famille monstrueuse » (Julien Gester, Libération, 2014).

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Festival Voix du muet chez Barnabé Pour la 16e année consécutive, la Cinémathèque suisse présente, en coproduction avec le Café-Théâtre Barnabé à Servion, un festival de films muets accompagnés à l’orgue de cinéma. Cette édition 2016 de Voix du muet, qui se tient du jeudi 10 au dimanche 13 mars, offre une magnifique variété de films : l'un des premiers documentaires de l’histoire du cinéma, Nanouk l’Esquimau (1922) ; Rapsodia Satanica (1915), un film italien coloré et inquiétant ; le chef-d’œuvre de Friedrich Wilhelm Murnau, Sunrise (L’Aurore) ; et enfin une sélection de courts métrages burlesques pour les plus petits. A la console de l’orgue, quatre organistes vont à tour de rôle sublimer ces superbes images.

Les projections ont lieu au Café-Théâtre Barnabé à Servion (VD). Jeudi, vendredi, samedi : repas à 19h et projection à 20h30 ; dimanche : projection à 14h30. Prix unique : 30 francs (enfants jusqu’à 12 ans : gratuit). Formule dîner-spectacle : 65 francs (enfants jusqu’à 12 ans : 35 francs). www.barnabe.ch

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Nanook of the North (Nanouk l'Esquimau) France, USA · 1922 · 78' · muet i-t angl. (s-t en fr.) Documentaire de Robert Flaherty 6/10 EC Ⓕ

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Rapsodia Satanica (Rhapsodie satanique) Italie · 1917 · 55' · muet i-t it. De Nino Oxilia Avec Lyda Borelli, Andrea Habay, Hugo Bazzini 10/14 DC

Accompagné à l’orgue de cinéma par François Margot Dans le Grand Nord canadien en 1920, la vie quotidienne au fil des saisons d’une famille Inuit : l’Esquimau Nanouk, sa compagne Nyla et leurs enfants. Le cinéaste-explorateur a vécu quinze mois à les observer et rapporte des images dénuées de tout « exotisme ». « Je voulais, dit-il, les montrer, non pas du point de vue de l'homme civilisé, mais comme ils se voyaient eux-mêmes ». Robert Flaherty raconte cette lutte permanente contre le froid et la faim qu'est leur vie et comment Nanouk se débat avec les éléments hostiles de la nature pour glaner son bonheur quotidien. Presque cent ans se sont écoulés depuis le tournage de ce chef-d’œuvre, considéré comme le premier film documentaire au monde. Le visage de Nanouk, dans sa modernité, est toujours aussi proche de nous. Accompagné à l’orgue de cinéma par Denis Fedorov. Précédé d’un programme de films courts italiens des années 1910-1920 (reportages, publicités et saynètes burlesques). Alba d’Oltrevita, une vieille comtesse seule et désespérée, vit dans la nostalgie de sa jeunesse. Un jour, le diable lui propose de lui rendre ses vingt ans, à la seule condition qu’elle refuse l’amour… Une variation poétique sur le thème de Faust et transposé au féminin, qui rend hommage à la diva Lyda Borelli. Détentrice d’une copie unique au monde de Rapsodia satanica, la Cinémathèque suisse a entrepris en 2015 sa restauration numérique en collaboration avec la Cineteca di Bologna. Un travail qui a permis de restituer la richesse des teintes pastel de la copie nitrate, entièrement coloriée à la main, et qui rend au film la force expressive et le charme précieux qu'on croyait perdus.

Image : Allakariallak dans Nanook of the North de Robert Flaherty (1922).

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Sunrise - A Song of Two Humans (L'Aurore - Le Chant de deux humains) USA · 1927 · 95' · muet i-t angl (s-t en fr.) De Friedrich Wilhelm Murnau Avec George O'Brien, Janet Gaynor 10/14 DC mars

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Bull and Sand 14 :30 BAR

(Toréador, prends garde !) USA · 1924 · 21' · muet i-t fr. Court métrage de Del Lord 6/10 35mm Ⓕ

The Dare-Devil (Andoche fait du ciné) USA · 1923 · 24' · muet i-t fr. Court métrage de Del Lord 6/10 35mm Ⓕ

The Star Boarders USA · 1920 · 16' · muet i-t fr. Court métrage de James D. Davis 6/10 35mm Ⓕ

Egged on (Pour épater les poules) USA · 1926 · 25' · muet i-t fr. Court métrage de Charley Bowers, Harold L. Muller et Ted Sears 6/10 35mm Ⓕ

Accompagné à l’orgue de cinéma par Guy Bovet Séduit par une vamp, un paysan part pour la ville avec sa femme, qu’il projette de noyer en route… Hollywood donne carte blanche au « German Genius » et y gagne un chef-d’œuvre absolu dont les tableaux lyriques illustrent le récit en trois mouvements (comme une pièce musicale) de la lente prise de conscience du héros, qui aura vécu intensément toute la gamme des sentiments humains. Un homme, une femme, la campagne, une ville, la nature, les machines, la nuit, le jour, l’ombre, la lumière : tout est réduit à sa signification essentielle et la plus universelle par une science de l’éclairage et une puissance évocatrice étourdissante des images. Prolongements des moindres frémissements de l’âme, elles haussent Sunrise au niveau de la poésie pure. L’un des plus beaux films de tous les temps. Films accompagnés à l’orgue de cinéma par François Margot et Gabriel Bestion de Camboulas Au royaume de Bullomania, Adonis, le chauffeur du roi, est amoureux de la princesse Ernestine. De son côté, le professeur Marsupp invente une machine volante qui doit le conduire sur Mars et qui pourrait bien servir le dessein d’Adonis. A Hollywood, sur un plateau de cinéma, une star capricieuse insiste pour que le cascadeur réalise toutes les scènes difficiles. Le tournage tourne au cauchemar… Une satire intelligente, des visuels inspirés, des scènes follement drôles et des performances de haute volée. Ajoutez à cela la mise en scène inspirée de Del Lord et le résultat est tout à fait brillant. La vie cocasse dans une auberge familiale où des musiciens répètent leur duo à en faire trembler tous les murs, où un magicien casse des clés avec ses dents et mange des petits pois avec un couteau, où un chien essaie de faire descendre un homme d’un lustre, et où un singe, dans un landau, envoie son biberon à la figure d’un moustachu qui lui déplaît. Pour pallier l’extrême fragilité des œufs, Bricolo invente une machine capable de les rendre élastiques et incassables… Monde absurde et poétique de Bowers où les frontières entre le vivant et le mécanique n’existent plus, au point qu’un panier d’œufs frais peut donner naissance à des centaines de voitures minuscules débordantes de vie.

Image : Egged on de et avec Charley Bowers (1926) .

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Babel de Boris Lehman Initialement conçu comme un journal intime, cet autoportrait intitulé Babel s’est progressivement modifié au cours du temps. Entamé en 1983 à Waterloo, ce projet est devenu à la fois autobiographique et fictionnel, et s’est prolongé sur plus de trente années de la vie de Boris Lehman, pour donner lieu à sept films d’une durée totale d’environ trente heures. La Cinémathèque suisse programme cette œuvre-fleuve dans son intégralité et propose de découvrir les deux derniers chapitres en première suisse et en présence du cinéaste.

Babel : une romance biographique Babel, c’est un ensemble de films que j’ai réalisés tout au long de ma vie, de 1983 à aujourd’hui, c’est-à-dire durant trente-trois ans. J’ai aussi tourné et travaillé sur beaucoup d’autres projets pendant ce temps, mais Babel est celui qui fait le récit – vrai ou faux – de ma vie, de celle de mes amis, de mon entourage proche, dans la ville où je vis, Bruxelles, avec quelques escapades à Waterloo, à la mer du Nord, dans les Hautes Fagnes, en Belgique. Plus qu’un film, Babel doit se vivre comme une promenade amicale et intime, qui va et qui vient, comme un tissage ou une tapisserie qui se fait et se défait, ou encore un puzzle qui se construit peu à peu et qui finit par former une image, un film. Je ne savais jamais ce que je faisais, je ne faisais pas vraiment un film, il n’y a jamais eu de scénario écrit, rien que des notes éparses. Avec un peu de désinvolture et d’ironie, je dirais que c’est le temps qui l'a fait. Les miettes accumulées ici et là, tout au long des années, ont façonné mon être (et mon paraître) et c’est seulement maintenant que j’ai compris ce que je faisais. Boris Lehman

Coffrets DVD et livres Les films de Boris Lehman sont édités en DVD par les éditions Re:voir vidéo. Titres déjà parus: Lettre à mes amis restés en Belgique; Histoire de mes cheveux; A la recherche du lieu de ma naissance, Leçon de vie, Mes Sept Lieux; Mes entretiens filmés. Les livres sont édités par les éditions Yellow Now. Titres déjà parus: Lettre à mes amis restés en Belgique; Histoire de ma vie racontée par mes photographies; Tentatives de se décrire; Mes Sept Lieux Plus d'informations sur www.re-voir.com et www.yellownow.be

Image : Tentatives de se décrire de et avec Boris Lehman (1989-1995).

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Bécédaire babelien Bien sûr, d’abord, Babel, c’est la Belgique, et c’est Bruxelles. C’est le territoire, et la tentative de le circonscrire. Mais c’est aussi la fuite, une fuite inhérente à l’amour qu’on peut porter à un lieu, et auquel on ne s’attache qu’en sachant qu’il va changer et disparaître. Babel, c’est barouder, bouger. C’est tracer des lignes de force, des ponts entre les lieux, et recréer mentalement une ville. C’est déplacer ses pieds comme un fardeau, traîner sa carcasse bossue d’avoir porté trop de bobines. Marcher. Et par la marche, donner au corps le pouvoir de devenir son propre paysage, sa propre géographie mouvante, infinie. Babel, c’est le corps dans sa nudité, et l’examen de ses blessures. C’est le rituel du généraliste, c’est braver la mort par l’observation patiente des organes et des membres. C’est la radiographie qui révèle l’invisible. (…) Babel, c’est aussi revenir bredouille, c’est la peur de mourir, l’angoisse face à la brièveté de la vie, l’échec, la ruine, l’impermanence, la difficulté de créer et le ratage comme pendant du génie. La patiente étude des brisures de l’âme. Babel alors, c’est le bazar des choses, bouquins et matières qui remplissent la chambre de Boris, mansarde saturée, reflet d’un état mental chaotique et encombré. Le plein plutôt que le vide, le rangement à l’horizontale, toujours, au ras du sol. Babel, c’est Boris, corps-archive, délimité par des murs de papier et de pellicules. Boris qui filme comme il respire. D’un œil bien ouvert qui jamais ne cligne, il fixe les choses, dissèque au bistouri les corps et les caractères. Filmer en vivant, ou vivre en filmant. Ne rien séparer, faire de sa vie l’élaboration sans fin d’une œuvre à contre-courant. Boris, personnage en quête de lui-même, se noue aux êtres à travers le prisme de l’image, et donne l’illusion de prendre sur le vif le réel sous la forme la plus brute. Oui, Babel, c’est butiner le réel, collectionner la vie. L’entreprise de Boris est encyclopédique : enregistrer le réel dans son entièreté, jusqu’à s’y perdre. Or le réel n’est accessible que sous la forme du fragment, de l’incomplétude. Vaste puzzle, il ne peut se reconfigurer que morcelé, parcellaire. C’est à partir du détail que se donne la totalité, dans une créativité de la marge, du déchet, de l’insignifiant. Babel, c’est la banalité des choses du quotidien, le recensement méticuleux de moments d’intimité partagée. Et de leur beauté révélée. Babel, c’est se balader d’amitiés en amitiés pour offrir, à partir des fragments démultipliés de sa propre existence, une méditation sur la place de l’homme dans le monde. Toute la tentative du film est de parvenir à relier les êtres malgré leurs séparations, dans une relation basée sur l’échange binaire. Les amis, toujours trop loin, sont alors autant d’univers que Boris cherche à atteindre et à contraindre au sien. Babel, c’est prendre son baluchon et avant de partir, donner des baisers sur les bancs publics. C’est un bougre d’homme qui traque le bonheur avec une caméra. Et c’est ainsi que le cinéma de Boris, à sa manière, bouleverse le monde. Messaline Raverdy Texte tiré du livret accompagnant le coffret DVD Lettre à mes amis restés en Belgique. © Editions Yellow Now Image : Lettre à mes amis restés en Belgique de et avec Boris Lehman (1983-1991).

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Deux films de Boris Lehman en première suisse Les deux derniers chapitres de Babel sont à découvrir le 22 mars au Cinématographe en première suisse et en présence de Boris Lehman. Note sur Oublis, regrets et repentirs Ce film est une bobine oubliée du chapitre quatre (Mes Sept Lieux) de Babel. Ni bonus ni post-scriptum ni addendum ni apostille, Oublis, regrets et repentirs a été sauvé des eaux comme Moïse et raconte une journée de ma vie. Une journée cinématographique – cela va de soi – qui me montrera en train de déambuler de café en librairie, de cinéma en musée, d’écrivain en musicien ou dans les dépôts de la Cinémathèque royale de Belgique. J’y fête mon anniversaire dans son impasse, en présence d’une amie, et je termine mon périple par une escapade à Bruges et une balade à la mer du Nord. Les saynettes et les rencontres se succèdent au gré du hasard et de la fantaisie. La caméra joue des vilains tours et l’enregistreur s’emballe, si bien qu’ils me disent clairement d’arrêter de filmer. Mais je persiste et signe encore un film, malgré les difficultés réelles et la pluie qui se met à tomber. Et, comme dans toutes les bonnes histoires, tout finit par une chanson. Boris Lehman Note sur Funérailles Comment filmer sa propre mort ? Comment la mettre en scène ? Au premier abord, cela peut faire sourire et pourtant cette question concerne tout un chacun, même si on n’est pas cinéaste. Arrivé à un âge où l’on pense à faire ses valises pour l’au-delà, je me prépare à brûler ma vie, à jeter ce que j’ai collectionné et accumulé pendant plus d’un demi-siècle. Les livres, les vêtements, les films, tout doit, tout va disparaître, en cendres et en fumée. Ce film, que j’ai intitulé Funérailles, se présente comme le « dernier » épisode de mon œuvre auto-ciné-biographique, Babel. Il faut le voir comme une ultime épreuve, comme un défi, une performance. Jouer sa mort n’est pas évident. Ce n’est pas une farce à mes yeux, mais cela ne doit pas non plus être interprété comme un acte morbide et tragique. Je l’ai d’ailleurs déjà fait plusieurs fois : brûlé vif, noyé, empoisonné, criblé de flèches, écrasé par mes boîtes de films… Boris Lehman

Billet unique pour les deux séances. Les films sont présentés par le cinéaste et Maria Tortajada, professeure ordinaire de la Section d'histoire et esthétique du cinéma de l'Université de Lausanne. Ils seront accompagnés d'admirateurs de l'œuvre de Boris Lehman, tels que Serge Abramovici (cinéaste et écrivain portugais) et Eugène Savitzkaya (écrivain, poète et dramaturge belge),

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Boris Lehman Né à Lausanne en 1944, Boris Lehman étudie le piano, puis débute des études de cinéma en 1962 à l'Institut national supérieur des arts du spectacle (INSAS) à Bruxelles. Il collabore à cette époque à de nombreuses revues et hebdomadaires en tant que critique de films (Clés pour le Spectacle, La Revue Nouvelle, Vidéodoc, Cinergie). De 1965 à 1983, il est animateur au Club Antonin Artaud, centre de réadaptation pour malades mentaux où il utilise le cinéma comme outil thérapeutique. Auteur de près de 400 films (courts et longs, documentaires et fictions, essais et expérimentations, journaux, autobiographies) qu’il réalise, produit et diffuse de façon artisanale et indépendante. Depuis le début des années 1980, il a entamé une œuvre monumentale, Babel, qui tient du journal filmé et de la fiction romanesque. mars

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Oublis, regrets et repentirs Belgique · 2016 · 45' De Boris Lehman 10/14 DC

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Funérailles Belgique · 2016 · 98' De Boris Lehman 10/14 DC

En présence de Boris Lehman et présenté par Maria Tortajada Sixième chapitre de Babel où l’on retrouve Boris Lehman nous expliquant qu'il n'a pas touché une caméra pendant sept mois, que c'est donc sept mois de perdu. Le cinéaste sent qu’il est peutêtre temps d’arrêter, mais ne peut pourtant se convaincre de cesser de filmer ou d’enregistrer des sons. Alors on le suit et on apprend que tout peut être divisé par sept, que même quand il ne se passe rien, il se passe toujours quelque chose et que rien ne vaut un bon café pour débuter la journée et pour s’inspirer des vers. Il se rend dans les librairies, va « à la pêche au son » sur les berges d’un canal, discute avec une amie chinoise sur une terrasse et essaie sans succès de prononcer correctement son nom. En somme, un jour dans la vie de Boris Lehman, car, dit-il, « tous les jours sont différents, même quand ils se ressemblent ». En présence de Boris Lehman et présenté par Maria Tortajada Dernier chapitre de Babel dans lequel Boris Lehman met en scène ses funérailles, mais pour une fois sans utiliser d’archives personnelles ni d’extraits de ses films. Il ne s’agit pas non plus de montrer quelque agonie, ni de parler des anges, de l’existence de Dieu, des démons ou du salut de l’âme. Seuls comptent le cérémonial et l’itinéraire du cinéaste vers sa dernière demeure. « La mort reste un sujet tabou chez nous, alors que nous voyons tous les jours des morts comptabilisés (attentats, guerres…) et quand nous nous penchons sur notre passé proche, nous nous souvenons de nos chers proches disparus. (…) En aucun cas, je ne veux me moquer, ni de la mort ni de la religion, juste traiter le sujet avec une certaine distance et avec humour afin d’éviter tout pathos, nostalgie ou narcissisme » (Boris Lehman).

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Les cinq premiers chapitres de Babel Avec Babel, Boris Lehman a retourné la caméra vers lui pour paradoxalement faire le portait des autres. Il crée ainsi une forme nouvelle d’autobiographie filmée, où chacun joue son propre rôle, où les événements de la vie courante sont fictionnalisés. Un projet sur trente ans qui a bouleversé l’existence du cinéaste : « Ma vie est devenu le scénario d’un film qui lui-même est devenu ma vie » se plaît-il à dire. En marge de la première suisse des deux films qui closent le projet Babel, les cinq premiers chapitres sont au programme fin mars. Un pass à 20 CHF donne accès à toutes les projections du cycle Boris Lehman. mars

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Lettre à mes amis restés en Belgique Belgique · 1983-1991 · 396' De Boris Lehman 10/14 16mm

Première partie (160’) projetée le 15 mars en présence de Boris Lehman. Deuxième partie (220’) projetée le 16 mars. La vie quotidienne et les déambulations dans Bruxelles d’un réalisateur qui prépare un film sur la cité mythique de Babel et qui rêve d’aller au Mexique sur les traces d’Antonin Artaud… Journal intime et autoportrait de Boris Lehman, « Lettre à mes amis restés en Belgique est avant tout l’histoire d’un homme qui marche dans la ville, d'amis en amis, de cafés en librairies (…) et qui voyage physiquement et non pas seulement mentalement, comme il serait satisfaisant pour l'esprit de le concevoir. Les exodes immobiles ont été nombreux depuis Raymond Roussel. Ils sont même devenus les stéréotypes à leur tour de la modernité littéraire et cinématographique. Boris Lehman échappe au second stéréotype qu'un tel film appelle : l'errance»  (Dominique Païni).

Image : Lettre à mes amis restés en Belgique de et avec Boris Lehman (1983-1991).

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Tentatives de se décrire Belgique · 1989-1995 · 165' De Boris Lehman 10/14 16mm

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Histoire de ma vie racontée par mes photographies Belgique · 1994-2002 · 210' De Boris Lehman 10/14 16mm

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Mes Sept Lieux Belgique · 1999-2013 · 323' (en deux parties) De Boris Lehman 10/14 16mm

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Histoire de mes cheveux Belgique · 2010 · 91' De Boris Lehman 10/14 16mm

Le prétexte du film est un « workshop » donné par Boris Lehman à Montréal. L’exercice demandé aux élèves (comment se décrire, cinématographiquement parlant) va finalement être fait par lui-même. Ses déplacements le conduisent à rencontrer des amis et des artistes, peintres, vidéastes, sculpteurs, chorégraphes : Roman Opalka, Johan van der Keuken, Christian Boltanski, Marie Chouinard, John Cage, Gérard Courant… Tentatives de se décrire est un film sur la représentation : comment l’on peut, par le truchement du cinéma, se décrire et décrire l’autre. La caméra officie comme miroir et comme troisième œil. Au départ, un film-épistolaire, une enquête et un voyage conçu comme un collage, entre documentaire et fiction. A l’arrivée, un portrait de Boris entre 1989 et 1995 et le deuxième chapitre de Babel.

A partir des milliers de photos faites ou en sa possession, Boris Lehman réalise un film qui se conçoit comme une fouille, une excavation du passé, où il pose quelques questions fondamentales au sujet du temps, de la mémoire et de l’usage de la photographie. Ce dialogue entre le cinéaste et ses photos est celui d’un amoureux de la vie, qui a capté au quotidien quelques détails d’une ville, d’une époque. « Il y a les femmes aimées, ou désirées, les amis disparus, les visages dont on ne se souvient plus, même du nom, des photos abîmées, déchirées, devenues indéchiffrables, les portraits qu’on a fait soi-même, les taches et les jaunissements, les accidents survenus à la pellicule… tout un monde en somme dont seul un film pourrait rendre compte » (Boris Lehman).

Première partie (180’) projetée le 19 mars Deuxième partie (143’) projetée le 20 mars Ce quatrième chapitre de Babel se présente sous la forme d'une mosaïque de petits films imbriqués les uns dans les autres. Autant de fragments qui permettent à Boris Lehman de prendre une distance avec les événements et leur chronologie. « Le film commence lorsque je me trouve expulsé de plusieurs endroits qui me sont chers et qui me servent de domiciles ou de lieux de de travail. C'est le début de mon errance urbaine, qui me fera faire en dix années un périple de 300’000 kilomètres avant de revenir à peu près à mon point de départ. Une aventure physique autant que métaphysique. Ce film est ainsi un essai sur le temps qui passe, agrémenté d'un fatras de réflexions légères et graves. En définitive, une tentative tout simplement d'exister » (Boris Lehman). Boris Lehman mélange à sa façon l’histoire de Samson et de Dalila, le voyage des condamnés jusque dans les camps, la science des cheveux et quelques réflexions sur le sens et la fragilité de la vie. Une œuvre ouverte qui bifurque et s’enrichit de ses propres détours. « Histoire de mes cheveux tient en deux lignes (ou en deux phrases). Ils étaient noirs et longs. Ils sont devenus blancs. Je ne les ai plus coupés depuis 1982. Ce film est un voyage, aussi bien dans l’espace que dans le temps. Ceux qui y cherchent quelque vérité tant géographique que scientifique ou historique seront déçus. Et si, par moments, il y a une prise de conscience des faits et lieux réels, c’est pour aussitôt s’en distancier, par le biais de la poésie et de la fiction » (Boris Lehman).

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Pâkomuzé : familles au ciné ! Depuis plusieurs années et après la célébration du 10e anniversaire en 2015, la Cinémathèque suisse renouvelle sa collaboration aux nombreuses activités de Pâkomuzé, proposées par plus d’une trentaine de musées vaudois (Lausanne, Yverdon, Pully et Riviera) aux enfants, adolescents et familles durant les vacances scolaires de Pâques. Pour cette onzième édition, les mercredis et jeudis après-midi des deux dernières semaines d’avril, seront projetés (en version française) quatre longs métrages d’hier et d’aujourd’hui qui raviront petits et grands : un conte fantastique, avec David Bowie, peuplé d’étranges créatures (Labyrinthe de Jim Henson, 1986), l’une des meilleures adaptations du roman d’apprentissage de Charles Dickens (Oliver Twist de Roman Polanski, 2005), une aventure rocambolesque avec un détective et un lapin tout droit sorti d’un cartoon (Qui veut la peau de Roger Rabbit ? de Robert Zemeckis, 1988) et un classique poéticoonirique (La Belle et la Bête de Jean Cocteau, 1946). Prix d'entrée pour tous à 5 francs (sans réservation). Les enfants sont sous la responsabilité de leurs parents. www.pakomuze.ch

Image : Bob Hoskins dans Who Framed Roger Rabbit ? de Robert Zemeckis (1988).

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Labyrinthe (Labyrinth) GB, USA · 1986 · 101' · v.f. De Jim Henson Avec Jennifer Connelly, David Bowie, Toby Froud 6/8 35mm Ⓕ

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Oliver Twist République tchèque, France, GB, Italie · 2005 · 130' · v.f. De Roman Polanski Avec Barney Clark, Ben Kingsley, Leanne Rowe 6/12 35mm Ⓕ

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Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (Who Framed Roger Rabbit ?) USA · 1988 · 97' · v.f. De Robert Zemeckis Avec Bob Hoskins, Christopher Lloyd, Charles Fleischer 10/12 35mm Ⓕ

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La Belle et la Bête France · 1946 · 96' De Jean Cocteau Avec Jean Marais, Josette Day, Marcel André 8/12 35mm Ⓕ

Version française Afin de retrouver son petit frère Toby, enlevé par une troupe de lutins, Sarah doit traverser le labyrinthe du cruel Jareth. Pour déjouer les pièges rencontrés sur son parcours, elle peut compter sur l’aide de pittoresques créatures : un ours cornu, un gnome peureux ou un mousquetaire miniature… La juvénile Jennifer Connelly, révélée dans Phenomena de Dario Argento, interprète le rôle principal de ce conte initiatique aux décors et personnages féeriques. Jim Henson, marionnettiste et créateur du Muppet Show, réalise un divertissement familial qu’il considère comme « un récit d'aventures et une plongée dans les rêves et les sentiments d'une jeune fille au seuil de la maturité », où le labyrinthe représente « une parabole, une énigme, un voyage à travers une réalité aussi déconcertante que la vie même ». Version française Dans l'Angleterre victorienne, un jeune orphelin endure privations et mauvais traitements dans un orphelinat, puis se retrouve placé chez un croque-mort où il est exploité honteusement. N'en pouvant plus, il décide de s'enfuir et se rend à pied à Londres… Soixante ans après David Lean et quarante après Carol Reed, Roman Polanski s’attelle à l’adaptation du chefd’œuvre de Charles Dickens. « Ce qui affleure, c'est la richesse visuelle et un vrai sens du grotesque, typiquement 'polanskien', mais qui met en lumière l'ironie de Dickens, trop souvent occultée. (…) La langue, riche de l'argot du XIXe siècle capté ou recréé par l'écrivain, achève de faire du film une adaptation exemplaire. Ou comment, d'un classique, donner naissance à un… futur classique » (Aurélien Ferenczi, Télérama, 2005). Version française Vedette à Hollywood, le lapin Roger Rabbit est soupçonné d'avoir assassiné un célèbre producteur. Le détective privé Eddie Valiant mène l'enquête à Toonsville où vivent les personnages de dessins animés… Le tandem Spielberg-Zemeckis à nouveau réuni pour un film à l'humour dévastateur, habile parodie de polar, qui mêle animation et prises de vue réelles, acteurs en chair et en os et personnages de cartoon. Un procédé qui avait déjà été ponctuellement utilisé en 1964 dans Mary Poppins, mais qui est étendu ici sur toute la durée du film. « Plusieurs années après sa sortie, le film est toujours aussi bluffant, par son tour de force technique, mais aussi par son scénario très malin, qui pastiche les films noirs des années 1940 sur un rythme infernal » (Samuel Douhaire, Libération, 2003). Un marchand ramène à sa fille, Belle, une rose volée dans le jardin d’un étrange château appartenant à une redoutable bête. En colère, la créature le condamne à mort. Belle s'offre alors à elle pour l’apaiser, la prend en pitié et finit par éprouver des sentiments à son égard… Epaulé par René Clément, Jean Cocteau réalise une magnifique œuvre fantastique, véritable enchantement visuel dont les décors et la lumière rappellent autant Vermeer que Gustave Doré. Un conte qui se veut aussi une réflexion grave sur l'amour et la mort. « Ma méthode est simple : ne pas me mêler de poésie. Elle doit venir d’elle-même. Son seul nom prononcé bas l’effarouche. J’essaie de construire une table. A vous, ensuite, d’y manger, de l’interroger ou de faire du feu avec » (Jean Cocteau, Journal d’un film).

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Vingt ans des LACS Samedi 2 avril se tient, en marge de l'AG de l'association, le traditionnel Marathon LACS qui, chaque année, présente quatre films restaurés ou acquis par notre institution grâce au soutien des Amis de la Cinémathèque suisse. Et pour fêter le 20e anniversaire de l’association, huit films qui ont bénéficié de leur soutien sont également au programme dès le 6 avril.

Les Amis de la Cinémathèque suisse L’Association Les Amis de la Cinémathèque suisse (LACS) fut créée il y a vingt ans par Jacqueline Dumont, épouse du directeur de l’époque, avec l’aide de quelques passionnés du septième art. Elle a pour but d’appuyer la Cinémathèque suisse dans ses diverses tâches de conservation, de sauvetage, d’enrichissement et de mise en valeur de son patrimoine culturel. Pourquoi devenir membre des Amis de la Cinémathèque suisse ? Par amour du cinéma, bien sûr, et pour participer ainsi à la sauvegarde d’œuvres importantes. Mais cela permet aussi à nos membres de bénéficier d’un accès privilégié aux événements que la Cinémathèque organise à Lausanne (au Capitole ou au Casino de Montbenon), au festival de Locarno et au festival Voix du muet à Servion, ainsi que des avantages dans des institutions partenaires comme les Cinémas du Grütli à Genève ou le Filmpodium de Zürich. François Emery, président LACS

Les pionniers du patrimoine Depuis vingt ans, Les Amis de la Cinémathèque suisse contribuent à enrichir les collections de films de l’institution et permettent à de nombreuses salles du pays de présenter quelques chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma. Ils ont fait œuvre de pionniers. Car, il y a vingt ans, seules les cinémathèques (et encore, pas toutes), quelques distributeurs et des collectionneurs privés cherchaient à acheter des films du patrimoine. Le film ancien semblait souvent n’avoir aucune valeur et des millions de mètres de pellicule ont été ainsi sauvés in extremis par ces brocanteurs du septième art. Aujourd’hui, à l’ère du numérique, on numérise et on restaure à tout va. Les pionniers d’hier sont devenus les acteurs d’un véritable marché, honoré par les sections « classiques » de festivals de prestige (Cannes, Venise, Berlin) ou par le marché du film classique du Festival Lumière à Lyon. Ainsi, maintenant, le soutien des Amis de la Cinémathèque suisse trouve un nouveau souffle et promet un brillant avenir à la formidable collection de l’institution. Frédéric Maire Entrée gratuite aux séances de ce cycle pour les membres LACS. Pour devenir membre LACS ou obtenir de plus amples informations : www.cinematheque.ch/les-amis

Image : Masayuki Mori et Machiko Kyô dans Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi (1953).

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Marathon LACS Le Marathon LACS est organisé chaque printemps. Il suit traditionnellement l’Assemblée générale des Amis de la Cinémathèque suisse. Le programme est composé de quatre films qui ont tous bénéficié du soutien financier de l'association. Pour la première fois, un film récent et inédit est projeté à cette occasion : Maraviglioso Boccaccio, réalisé en 2015 par les frères Taviani, dont la Cinémathèque a acquis les droits et une copie DCP en 2015. Billy Wilder, Roberto Rossellini et Ingmar Bergman (avec la seule comédie de sa longue filmographie) complètent cette programmation.

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13 :30 CIN

Fedora USA · 1977 · 116' · v.o. s-t fr. De Billy Wilder Avec William Holden, Marthe Keller, Hildegard Knef 12/16 DC

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16 :00 CIN

La paura (La Peur) Allemagne, Italie · 1954 · 82' · v.o. s-t fr. De Roberto Rossellini Avec Ingrid Bergman, Mathias Wieman, Renate Mannhardt 14/16 DC

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18 :00 CIN

Maraviglioso Boccaccio (Contes italiens) Italie · 2014 · 120' · v.o. s-t fr. De Paolo Taviani et Vittorio Taviani Avec Lello Arena, Paola Cortellesi, Caroline Crescentini 16/16 DC

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Copie numérique restaurée Venu proposer un scénario à l'ancienne star Fedora, exilée en Europe auprès d’une comtesse âgée, d’un médecin et de leurs domestiques, un producteur américain en perte de vitesse découvre qu'elle est restée étrangement jeune… Vingthuit ans après le très iconoclaste Sunset Boulevard, Billy Wilder fait des adieux teintés d’amertume à l’industrie qu’il a servie tout au long de sa carrière. « Fedora se lit comme un suspense sans faille (…), et joue avec une virtuosité confondante de la quasi-improbabilité des faits racontés. Un climat mythique, un personnage fascinant de star hors du temps, avec en arrièreplan l’esquisse de la mort d’une époque, tout cela avait de quoi susciter l’enthousiasme et enflammer l’imagination de quelque vieil hollywoodien de génie » (Christian Viviani, Positif, 1978). Copie numérique restaurée Irène, l’épouse d’un directeur d’une usine pharmaceutique, s’apprête à rompre avec son amant lorsqu’une mystérieuse jeune femme la menace de tout révéler à son mari… « La mise en scène consiste, comme toujours chez Rossellini, à suivre continuellement l’héroïne dans son calvaire grâce à d’amples et complexes mouvements de caméra qui ne la quittent pas d’une semelle. On voit ce qu’elle voit, puis on la voit, voyant et réagissant. Jamais film ne fut moins fignolé que celui-ci, exécuté en moins de trente jours par un cinéaste nerveux, incisif, charnel, impatient et soucieux de capter la vie à sa source, la juste expression d’une actrice à la première prise d’un plan et qui envie au cinéma d’actualités et de reportage sa spontanéité vraie et sa fulgurante vérité » (François Truffaut, Arts, 1956). A Florence, au début du XIVe siècle, des jeunes de bonne famille fuient les ravages de la peste en s’installant à la campagne. Pour tuer le temps, ils se racontent tour à tour cinq histoires… Une quarantaine d’années après Pasolini, les frères Taviani proposent leur version du Décaméron de Boccace et en font un hymne somptueux à la féminité. « Ce qui sidère dans cette adaptation, c'est la beauté formelle du film. Appuyé par une image numérique longtemps considérée comme impure, chaque plan offre une profondeur de champ inouïe et restitue parfaitement les couleurs (…). Les cinq contes choisis offrent, certes, des plaisirs contrastés, mais la curiosité est sans cesse réactivée par cette mise en abyme dramatique qui ne dit qu'une chose : l'amour est plus fort que la mort » (Thomas Baurez, L’Express, 2015).


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Sourires d’une nuit d’été (Sommarnattens leende) Suède · 1955 · 108' · v.o. s-t fr. De Ingmar Bergman Avec Ulla Jacobsson, Gunnar Björnstrand, Eva Dahlbeck 12/14 35mm

Suède, vers 1900. L’avocat Frederik Egerman a épousé en secondes noces une femme-enfant qui a l’âge de son fils, Henrick, un étudiant en théologie. L'ancienne maîtresse de Frederik, qui a pour amant le colonel Malcolm, veut le reconquérir et invite tout le monde à la campagne. Il s'ensuit une folle nuit, après un repas aphrodisiaque… Lauréat du Prix de l’« humour poétique » à Cannes en 1956, ce vaudeville un peu fou, qui porte à la perfection le jeu du libertinage, fit connaître Bergman hors de son pays. Une œuvre d'une fantaisie débridée, servie par une photographie lumineuse et nourrie de souvenirs explicites de Shakespeare, Marivaux, Feydeau, Anouilh et du Renoir de La Règle du jeu. Woody Allen rendit à son tour hommage au film de Bergman avec A Midsummer Night's Sex Comedy (1982).

Rétrospective pour le 20e anniversaire Pour marquer les 20 ans de l’association LACS, la Cinémathèque suisse a tiré de ses archives huit classiques du septième art qui envahiront les écrans de Montbenon les mercredis et samedis du mois d’avril à 18h30. Ils font partie de la longue liste de quelque 340 films qui ont bénéficié d’une manière ou d’une autre du soutien de l'association durant ces deux décennies. Un formidable voyage cinématographique et historique (qui se poursuivra en mai), dont les guides sont Eisenstein, Ophüls, Mizoguchi, Mankiewicz, Guitry, Lang, Kim Ki-young, ou Buñuel. Huit chefs-d’œuvre à revoir ou à découvrir. avril

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18 :30 PAD

Le Roman d’un tricheur France · 1937 · 80' De Sacha Guitry Avec Sacha Guitry, Jacqueline Delubac, Marguerite Moreno 12/14 35mm

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18 :30 CIN

Ivan le Terrible (Ivan Grozny) URSS · 1944 · 100' · v.o. s-t fr. De Sergei M. Eisenstein Avec Nikolaï Tcherkassov, Erik Pyriev, Lioudmila Tselikovskaïa 12/12 35mm

Privé de champignons parce qu’il a volé huit sous, un gamin échappe à l’empoisonnement collectif dans lequel périt toute sa famille et en tire, comme leçon, que dans la vie l’honnêteté ne paie pas… Guidant le spectateur avec fantaisie, la voix omniprésente de Guitry accompagne des images muettes, comme le faisait le bonimenteur des premiers temps du cinéma. Plus farceur que jamais, le cinéaste plie le montage aux lubies de son discours cynique et conjugue allégrement amoralisme et comédie dans une œuvre dont la liberté de ton et les inventions visuelles allaient, trente ans plus tard, inspirer les cinéastes de la Nouvelle Vague. « Un feu d’artifice de paradoxes, de situations cocasses parfois dramatiques, de bons mots et d’aphorismes ravageurs » (Edouard Waintrop, Libération, 1992).

Composée d’une première partie en noir et blanc et d’une seconde en couleur, sorties à treize ans d’intervalle, cette fresque historique retrace les manœuvres d’Ivan IV de Russie pour unifier son royaume et l’entraîner vers la modernité, envers et contre l’avis de tous… Ce monument incontesté du cinéma russe valut à son auteur les foudres de Staline, scandalisé de découvrir le portrait d’un tsar tyrannique, dépeint comme le « petit père du peuple ». « Cette œuvre, qui devait être la dernière d’Eisentein, fut plus encore que son Alexandre Nevski l’accomplissement de l’esthétique qui était devenue la sienne dans la seconde partie de sa carrière (…). L’œuvre était incomparable par sa noblesse, sa perfection plastique, sa savante élaboration » (Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial).

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La Ronde France · 1950 · 90' · avec s-t angl. De Max Ophüls Avec Simone Signoret, Serge Reggiani, Danielle Darrieux 14/16 35mm

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Les Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari) Japon · 1953 · 96' · v.o. s-t fr. De Kenji Mizoguchi Avec Machiko Kyô, Masayuki Mori 14/16 35mm avril

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The Barefoot Contessa (La Comtesse aux pieds nus) USA · 1954 · 130' · v.o. s-t fr. De Joseph L. Mankiewicz Avec Ava Gardner, Humphrey Bogart, Rossano Brazzi 14/14 35mm

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18 :30 CIN

While the City Sleeps (La Cinquième victime) USA · 1956 · 99' · v.o. s-t fr./all. De Fritz Lang Avec Dana Andrews, George Sanders, Ida Lupino 12/14 35mm

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Dans la Vienne impériale de 1900, un soldat, une prostituée, un poète, une comédienne ou encore une femme de chambre, se rencontrent, se séduisent, se déchirent et se retrouvent sous les yeux attendris d’un élégant narrateur en haut-de-forme et monocle… Adapté d’une pièce d’Arthur Schnitzler, La Ronde célèbre, par l’entremise des plus grands comédiens de l’époque, la beauté et le potentiel destructeur du sentiment amoureux. « Au contraire de Retour à la vie, ce film à épisodes conserve une unité de ton, d’action même et de style. Max Ophüls a pris aux expressionnistes leurs qualités, leur façon de cadrer des images où le rêve scintille, s’efface, revient, leur façon d’animer les choses pour les faire participer à la vie et aux passions des personnages » (Franck Jotterand, Gazette de Lausanne, 1950).

La destinée de deux couples dans le Japon médiéval déchiré par des guerres intestines : Kenjuro, un potier, ne pense qu’à faire fortune et prend pour cela des décisions qui mettent sa femme et son enfant en danger ; Tobeï, son beau-frère paysan, rêve de devenir samouraï et néglige le travail aux champs, au grand désarroi de sa famille… A la fois poème et méditation philosophique, traités avec un réalisme minutieux jusqu'à la cruauté, ce conte initiatique est la chronique du rêve déçu et de l’espérance trompée. D’un côté, deux femmes réalistes et aimantes, de l’autre, deux époux aux ambitions démesurées : un potier cupide et sensuel, et un paysan avide de gloire et de paraître. « Le chef-d'œuvre de Kenji Mizoguchi, le chef-d'œuvre du cinéma japonais, un des plus beaux films de l'histoire du septième art » (Eric Rohmer). Un cinéaste rencontre une danseuse dans un cabaret à Madrid et la persuade de le suivre à Hollywood où il lui promet de faire d’elle une grande actrice … Une œuvre mythique avec deux icônes et un scénario d'une intelligence incisive, ironique et profondément émouvante. « J'ai essayé de faire un conte de fées qui corresponde à la vie d'aujourd'hui, une version amère de Cendrillon. Le prince charmant aurait dû, à la fin, se révéler homosexuel, mais je ne voulais pas aller aussi loin » (Joseph L. Mankiewicz). Car, entre le personnage du réalisateur, aux prises avec son producteur, et sa belle actrice, il n’y a pas d’amour, rien que de l’affection. L’amour, la future comtesse sans souliers passera sa vie à le chercher, comme Cendrillon attend son promis. C’est toute la force sentimentale de ce chef-d’œuvre cynique. Homme faible et sans scrupule, Kyne hérite d’un journal et met son équipe rédactionnelle au défi : quiconque permettra l’arrestation du maniaque sexuel qui sévit en ville obtiendra le poste de rédacteur en chef. La compétition est féroce et les plus ambitieux se révèlent prêts à tout sacrifier… Tueur psychopathe, personnages troubles et manipulateurs pour lesquels la fin justifie les moyens, Fritz Lang est dans son élément. Mais While the City Sleeps est un faux film noir. Négligeant l’intrigue criminelle dans la seconde moitié du long métrage, le cinéaste signe en fait une virulente comédie satirique sur la presse à sensation – et plus généralement encore sur l’arrivisme dans l’entreprise américaine –, où l’assassin finit par apparaître plus sympathique que la horde de journalistes qui le traque.


Curé des pauvres à Mexico en 1900, un humble prêtre recueille une prostituée meurtrière et se trouve soupçonné de relations contraires à sa vocation… Admirable dans le dépouillement de ses images et dans sa peinture féroce des défavorisés de la terre, Nazarín est l’adaptation d’un roman de Perez Galdos, écrivain réaliste considéré comme le Balzac espagnol. Ce film polémique porte à son paroxysme l’art de l’ambiguïté, interprété tour à tour comme antichrétien et mettant en lumière l’impuissance d’une foi sans prise sur le réel, ou au contraire comme profondément religieux et signe d’une conversion de Buñuel. Si l’échec du parcours christique du prêtre ne peut guère être remis en doute, reste en effet à savoir si son nouveau regard sur le monde doit être pris ou non comme une victoire.

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Nazarín Mexique · 1958 · 94' · v.o. s-t fr./néerlandais De Luis Buñuel Avec Francisco Rabal, Rita Macedo, Marga Lopez 12/14 35mm

Copie numérique Un professeur de musique emménage dans une grande maison que son épouse, à bout de forces, n’arrive plus sa 18 :30 à entretenir. Pour l’aider, il engage une domestique qui 30 CIN ne tarde pas à révéler une perversité hors-norme… Objet de culte pour les cinéastes de la nouvelle vague coréenne, La Servante La Servante figure, sous la forme du huis clos horrifique, (Hanyo) une violente lutte des classes. « D’une éblouissante modernité, Corée du Sud · 1960 · 112' · v.o. s-t fr. le film évoque nombre de splendeurs alors encore à réaliser De Kim Ki-young d’Oshima, Aldrich, Pasolini, Losey ou Buñuel. Mais s’il est Avec Lee Eun-shim, une œuvre avec laquelle celle de Kim Ki-young entretient Ju Jeung-nyeo, un étroit cousinage, c’est celle de Fritz Lang (…), où le décor Kim Jin-kyu 16/16 DC réaliste se fait expressionniste, et la musicalité morbide de ses compositions en mouvements frise sans cesse un sublime point Page1 d’affolement » (Julien Gester, Les Inrockuptibles, 2013). pub Cinematheque2015-3__ 27.09.15 14:25

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Colloque avec l'Unil : « Des ciné-clubs aux cinémathèques » Les 7 et 8 avril, de 9h à 17h, se déroulera dans la salle du Cinématographe le colloque «Des ciné-clubs aux cinémathèques : l’institution du patrimoine cinématographique», organisé par la Section d’histoire et esthétique du cinéma et la Cinémathèque suisse, dans le cadre du projet de recherche sous la direction de François Albera et soutenu par le Fonds national suisse de la recherche scientifique intitulé « Cinémathèque suisse : une histoire institutionnelle ». La création des cinémathèques procède en effet en grande part du mouvement des ciné-clubs auxquels elles fournirent en retour films, informations ou documentation, contribuant à forger une histoire du cinéma et, au-delà, une culture visuelle auprès d’un large public. Les films, présentés le jeudi 7 avril à 18h30, témoignent de l’importance des collections rassemblées à la Cinémathèque suisse et des efforts déployés pour faire découvrir des œuvres toujours singulières. Les rapports entre ciné-clubs et cinémathèques seront examinés dans le cas allemand (Thomas Tode), anglais (Christophe Dupin), brésilien (Adison Mendes), français (Christophe Gauthier, Natacha Laurent, Laurent Mannoni, Eric Le Roy), hollandais (Bert Hogenkamp et André Stufkens), italien (Marie Frappat) et suisse (Alessia Bottani et Pierre-Emmanuel Jaques). Liste d'intervenants sous réserve de modifications. Plus d'infos : www.unil-cinematheque.ch

avril

je

07

18 :30 CIN

Un chien andalou France · 1929 · 15' · muet avec i-t all. Court métrage de Luis Buñuel 12/14 35mm

Spiel der Wellen Allemagne · 1926 · 2' · muet avec i-t all. Court métrage de Julius Pinschewer et Walter Ruttmann 12/14 35mm

Studie Nr 11 Allemagne · 1932 · 4' · sonore Court métrage de Oskar Fischinger 12/14 35mm

Komposition in blau Allemagne · 1935 · 4' · sonore Court métrage de Oskar Fischinger 12/14 35mm

Bien que ce titre entre relativement tard dans les collections, il témoigne de l’engagement de Freddy Buache en faveur de l’œuvre de Buñuel. La copie est entrée dans les collections grâce à une archive germanophone – expliquant la présence des intertitres dans cette langue. Le film est programmé avec une grande régularité. Julius Pinschewer s’installe en Suisse en 1934 et poursuit une carrière dans l’animation publicitaire. Grâce à la renommée de son studio, il put s’associer avant son départ d’Allemagne avec les ténors du cinéma dit d’avant-garde, dont Walter Ruttmann. Le film tend à promouvoir les appareils radio de AEG, producteur d'équipements électroniques et électriques grand public. Ce court métrage entre en 1943 dans les collections des Archives suisses du film à Bâle grâce à un dépôt du distributeur Emelka et circule d’emblée dans les ciné-clubs. Fischinger est alors aux Etats-Unis, où après avoir travaillé pour divers studios (Paramount, Disney), il se met à réaliser des films abstraits, généralement dans le but de transposer visuellement une musique. Si ses premiers essais sont en noir et blanc, Fischinger fut immédiatement conquis par la couleur qui permet d’ajouter un niveau au jeu de mouvements que ses films donnent à voir. C’est grâce au procédé Gasparcolor que Komposition in blau fait advenir le rythme coloré. Le cinéaste travailla avec des petits cubes et des cylindres en trois dimensions.

Image : Un chien andalou de Luis Buñuel (1929).

69


Muratti greift ein Allemagne · 1934 · 3' · sonore avec i-t all. Court métrage de Oskar Fischinger 12/14 35mm

Tour de chant France · 1932 · 16' Court métrage de Alberto Cavalcanti 12/14 35mm

A Colour Box GB · 1935 · 3' · sonore Court métrage de Len Lye 12/14 35mm

Chromophony Suisse · 1939 · 3' · sonore Court métrage de Charles Blanc-Gatti 12/14 35mm

Blinkity Blank Canada · 1955 · 5' · sonore Court métrage de Norman Mc Laren 12/14 35mm

L'Idée France · 1932 · 25' · sonore avec i-t fr./all. De Berthold Bartosch 12/14 35mm

La publicité n’hésita pas à puiser dans les expériences dites d’avant-garde pour réaliser de courts sujets, fondés sur le mouvement, le rythme et le choc visuel. Ici, ce sont des cigarettes de la marque Muratti qui effectuent une forme de danse.

Fondé sur des numéros de music-hall du duo Gilles et Julien (à savoir Jean Villars Gilles et Aman Maistre), Tour de chant comporte un acte chanté (Nini), un dessin animé signé Jean Varé (Le Dernier Bateau) et une courte saynète (Un tour de valse), toutes liées à une chanson dont les textes sont écrits par Jean Villars Gilles. Réalisé au Royaume-Uni dans le cadre du General Post Office Film Unit, A Colour Box est une publicité dont la principale caractéristique est d’avoir été peinte directement sur la pellicule. Le spectateur perçoit pourtant bien un mouvement continu et coloré (le procédé utilisé est le Dufaycolor).

Le peintre musicaliste vaudois Charles Blanc-Gatti établit une série de films d’animation publicitaires dans les années 1930, à l’exception de Chromophony, qui vise à donner une traduction des sons en images colorées sur la musique de L’Entrée des gladiateurs de Julius Fučík.

Deux oiseaux, l’un courbe, l’autre anguleux, se battent, tombent amoureux et font un œuf – qui rassemble des formes issues de ces géniteurs, dans un engendrement offrant une métaphore de l’acte de création. Ce film a servi de complément à de nombreuses séances de la Cinémathèque suisse.

A partir des gravures sur bois de Frans Masereel, Bartosch exprime la force de « l’Idée », qui prend dans le film la forme d’une femme nue incarnant l’esprit de révolte. Fruit d’un travail complexe de surimpressions (jusqu’à dix-huit par photogramme) et de trucages, doté d’une musique sur ondes Martenot composée par Arthur Honegger, ce film a circulé grâce à la Centrale suisse d’éducation ouvrière.

Image : Chromophony de Charles Blanc-Gatti (1939).

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R. W. Fassbinder : entre cinéma et théâtre L’œuvre éclair et prolifique du cinéaste, dramaturge, acteur et metteur en scène Rainer Werner Fassbinder, mort à 37 ans, est une source inépuisable de surprises et de nouveautés. Son cinéma mériterait à l’évidence une rétrospective que nous ne sommes pour l’instant pas en mesure de réaliser pour des problèmes de droits et de disponibilité de copies. Déjà, il est presque miraculeux que nous ayons pu récupérer le matériel de ce film méconnu de Volker Schlöndorff, Baal (1970), adapté de la pièce homonyme de Brecht et avec Fassbinder dans le rôle principal. Une occasion en or de voir combien cet artiste était proche du théâtre. Avec son dernier film Querelle (1982), adapté du roman Querelle de Brest de Jean Genet, c’est en quelque sorte de l’autre côté du théâtre que le cinéaste se positionne. Enfin, l’occasion d’une belle résonance avec ces films et ces thématiques est offerte grâce aux deux spectacles que le Théâtre de Vidy propose autour de Fassbinder : Splendid’s de Jean Genet par Arthur Nauzyciel et Je suis Fassbinder de et par Falk Richter et Stanislas Nordey. Frédéric Maire

Image : Brad Davis dans Querelle de Rainer Werner Fassbinder (1982).

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Splendid’s de Jean Genet au Théâtre de Vidy En marge de la projection de Querelle de Fassbinder, le Théâtre de Vidy présente la pièce Splendid’s de Jean Genet, mise en scène par Arthur Nauzyciel. Au septième étage du Splendid’s Hôtel, sept gangsters ont pris en otage la fille d’un millionnaire, puis l’ont « accidentellement » étranglée. Encerclés par la police, ils tentent de retarder l’assaut et vont jouer à ceux qu’ils n’ont jamais été, sous le regard d’un flic fasciné qui a choisi de trahir les siens et de les rejoindre. Arthur Nauzyciel parvient à rendre la théâtralité féroce, élégante et amoureuse de ce huis clos de Jean Genet dans une danse macabre et sensuelle servie par des acteurs américains au jeu physique et incarné, ainsi que par le comédien français Xavier Gallais et la voix de Jeanne Moreau. En guise d’introduction est projeté Un chant d’amour, unique film de Genet – longtemps censuré – qui met en scène la relation amoureuse et érotique entre deux prisonniers, vécue sous l’œil d’un maton. Pièce jouée en anglais et surtitrée en français. Dès 16 ans. A Vidy du 19 au 21 avril. Pour plus d'informations : www.vidy.ch/splendids

avril

lu

18

18 :30 CIN

Querelle RFA, France · 1982 · 100' · v.o. s-t fr. De Rainer Werner Fassbinder Avec Brad Davis, Franco Nero, Jeanne Moreau 18/18 35mm

Présenté par Arthur Nauzyciel Querelle, un jeune marin, fait escale à Brest. Sa beauté est telle qu'il fait naître sur son passage le désir aussi bien des hommes que des femmes. Dans un cabaret de la ville, il découvre un univers où le sexe est une monnaie d’échange et entame sa descente aux enfers… En adaptant le fameux roman de Jean Genet, « Fassbinder a retenu le sacré dans le sexe, le vice transformé en vertu, l'apologie du parjure et du crime (…). C'est un chant du cygne qui n'a rien de crépusculaire. Un adieu flamboyant comme un soleil levant » (Jacques Morice, Télérama). Admirateur sans être déférent, le cinéaste allemand a filmé cette histoire, qui mélange vitalité et autodestruction, de la même façon que Genet a écrit son texte : comme un poème d’amour, un chant qui s’accroche aux corps des hommes, jusqu’à la mélancolie.

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La pièce Je suis Fassbinder au Théâtre de Vidy En écho à la projection du film Baal de Schlöndorff dans lequel Fassbinder tient le rôle principal, le Théâtre de Vidy présente la pièce Je suis Fassbinder de Falk Richter et Stanislas Nordey. Représentant majeur du renouveau du théâtre et du cinéma allemands de l’après-guerre, R. W. Fassbinder a livré des œuvres à la fois provocantes et populaires, expérimentales et épiques. Stanislas Nordey, acteur et metteur en scène français, et Falk Richter, auteur et metteur en scène allemand, reviennent aujourd’hui sur l’héritage de l’auteur d’Anarchie en Bavière, moins pour le célébrer que pour questionner ce qu’il vient encore bousculer en nous. Adeptes l’un et l’autre d’un théâtre frontal, Nordey et Richter retrouvent des acteurs complices – Thomas Gonzalez, Eloise Mignon, Laurent Sauvage –, ainsi que Judith Henry, pour adresser, à leur tour, une question ressurgie de l’histoire, la leur, la nôtre, et interroger la position de l’artiste aujourd’hui, la liberté de création et la possibilité de la transgression dans notre monde policé et inquiet. Dès 16 ans. A Vidy du 26 avril au 4 mai. Pour plus d'informations : www.vidy.ch/je-suis-fassbinder

avril

lu

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20 :30 CAP

Baal RFA · 1970 · 88' · v.o. s-t fr. De Volker Schlöndorff Avec Rainer W. Fassbinder, Sigi Graue, Margarethe von Trotta 14/16 DC

Copie numérique restaurée Baal, jeune poète et anarchiste, mène une vie excessive. Cherchant à combler un vide existentiel, il cumule aventures dangereuses, abus d’alcool et expériences sexuelles. Adaptation de la pièce de Bertolt Brecht, Baal met en scène un fauteur de troubles libertaire incarné avec fougue par un Fassbinder fascinant et troublant. Dès sa première diffusion à la télévision en 1970, le film fait scandale, déplaît aux ayant droits de Brecht et ne connaîtra aucune sortie en salle jusqu’en 2014. « Le film traverse salles d’auberge, forêts et décharges avec une désinvolture stylisée : cadres floutés, imitation du muet, zoomage intempestif, chapitrage de la narration en courts tableaux, poèmes et libations à la rescousse. Qu’on imagine, La Balade sauvage de Terrence Malick multiplié par Le Tango de Satan de Béla Tarr » (Le Monde, 2014).

Image : R. W. Fassbinder et Sigi Graue dans Baal de Volker Schlöndorff (1970).

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mars

avril

Les rendez-vous réguliers 79 Carte

blanche à Rui Nogueira 81 L’architecture à l’écran 83 De La 1ère à la Cinémathèque : Travelling 87 Pour une histoire permanente du cinéma : 1968 (suite) 90 Trésors des archives 93 Une histoire du cinéma en mots et en images 95 Portraits Plans-Fixes

Image : Jean Gabin et Brigitte Bardot dans En cas de malheur de Claude Autant-Lara (1958), projeté dans le cadre du cycle « Travelling ».

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Carte blanche à Rui Nogueira Passeur passionné, l’ancien directeur du CAC-Voltaire (Genève) présente tous les premiers mardis du mois à la Cinémathèque suisse une perle du septième art. « Depuis ma plus tendre enfance, j’associe ma passion du cinéma à mon amour de la vie. Qu’il fasse beau ou qu’il pleuve, en temps de guerre ou de paix, que le monde aille à sa perte ou qu’il se reconstruise avec bonheur, les films ont toujours été les régulateurs de mon existence. Rien de plus naturel donc à ce que je tienne à transmettre aux autres les éléments qui constituent la clé de ma raison de vivre » (Rui Nogueira). Collaborateur à des revues et ouvrages sur le cinéma, délégué de festivals et directeur du CAC-Voltaire de 1978 à 2010, Rui Nogueira a proposé dans ses salles le meilleur de l’histoire du cinéma, mêlant aux films sa propre histoire et ses nombreuses rencontres avec des cinéastes et des comédiens. En réunissant une impressionnante collection de copies – et en les mettant en circulation en Suisse – il a également contribué à diffuser partout sa perception (et sa passion) du cinéma. Nous le retrouvons à présent à la Cinémathèque suisse, une fois par mois, où il continue de partager avec le public ses (nombreux) coups de cœur.

mars

ma

01

18 :30 CIN

Cronaca familiare (Journal intime) Italie · 1962 · 115' · v.o. s-t fr./all. De Valerio Zurlini Avec Marcello Mastroianni, Jacques Perrin, Salvo Randone 16/16 35mm

avril

ma

05

18 :30 CIN

Présenté par Rui Nogueira Quatrième des huit longs métrages de fiction réalisés par Valerio Zurlini, Cronaca familiare est tiré d'un roman autobiographique de Vasco Pratolini. Il a été tourné dans une Florence automnale admirablement mise en valeur par la photo de Giuseppe Rotunno. Le film retrace, avec une douce et triste douleur, le destin de deux frères élevés dans des milieux différents, mais liés par un amour indéfectible. Récompensé par un Lion d'or à Venise pour « l'exquise force évocatrice de sentiments filtrés par la mémoire », ce journal sensible et désespéré nous envoûte par une sorte de fascination de la mort où la mise en scène est dictée par les impératifs de la dramaturgie. Homme de grande culture, professeur de peinture et expert de la Renaissance, Zurlini revient sur ses obsessions à travers l'univers de Pratolini. (RN)

Présenté par Rui Nogueira Critiqué lors de sa sortie comme étant une apologie de la délation, ce brillant thriller d’Henry Hathaway est devenu au fil du temps l’un des incontournables du film noir. Première apparition au cinéma de Richard Widmark, imposé par le producteur Darryl F. Zanuck, malgré l'opposition du cinéaste. Sa composition du Kiss of Death truand psychopathe Tommy Udo est devenue une référence et (Le Carrefour de la mort) a même inspiré le comportement de véritables gangsters. Parmi USA · 1947 · 98' · v.o. s-t fr. De Henry Hathaway les séquences d'anthologie : celle où l'on se débarrasse d'une Avec Victor Mature, vieille dame dans une chaise roulante. L'un des meilleurs rôles Brian Donlevy, Richard Widmark de Victor Mature, ici aux côtés de futurs grands acteurs, tels 12/16 35mm Karl Malden, Millard Mitchell ou Mildred Dunnock. Kiss of Death a inspiré deux remakes, signés par Gordon Douglas (un western !) et Barbet Schroeder. (RN) Image : Richard Widmark et Victor Mature dans Kiss of Death de Henry Hathaway (1947).

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L’architecture à l’écran Un mois sur deux, la revue romande Tracés, la Cinémathèque suisse et la Maison de l'Architecture explorent les liens entre architecture et cinéma. La séance du jeudi 14 avril se penche sur les représentations de la ville moderniste dans un néo-noir indépassable de Bertrand Blier : Buffet froid. C’est à la Défense, dans la nouvelle gare souterraine du quartier d’affaires parisien, que Bertrand Blier pose les prémices de cette aventure nocturne, réalisée en 1979. Le ton est étrange, surréaliste, parfois cynique, toujours désinvolte. Il y a dans Buffet froid comme une inversion des valeurs : le crime est légitime, la justice illusoire, la police manipulée, la médecine abusive, l’amour mortifère et la ville comme dans un rêve, familière mais étrangement dépeuplée. Les vues nocturnes du quartier d’affaires, avec ses interminables surfaces carrelées, sont au film de Blier ce que les décors ferroviaires et urbains sont aux tableaux oniriques du peintre Paul Delvaux : un arrière-fond dont le calme et la froideur contrastent avec l’érotisme des scènes dépeintes. Comme chez Delvaux, le décor nocturne et la scène qui s’y déroule constituent un tout cohérent. L’identité de la ville se révèle par le négatif libidinal de celles et ceux qui l’habitent. Pour Delvaux, fasciné par le surréalisme, ce contraste relate les paradoxes de la culture bourgeoise, faite de raffinement, de désirs inavoués et de pulsions de mort. Chez Blier, il illustre plutôt la négativité inhérente à la société du début des années 1980, libérale et conservatrice, transparente, mais surtout désillusionnée quant aux aspirations sociétales qu’elle pouvait encore avoir, quelques années auparavant. Dans Buffet froid, l’homme est un loup pour la femme et vice versa : une guerre des sexes, érigée en signe des temps. Christophe Catsaros, rédacteur en chef de la revue Tracés A Genève, la projection a lieu le jeudi 21 avril à 20h45 aux Cinémas du Grütli. www.cinemas-du-grutli.ch

avril

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14

21 :00 CIN

Buffet froid France · 1979 · 92' De Bertrand Blier Avec Gérard Depardieu, Bernard Blier, Jean Carmet 16/16 35mm

Présenté par Christophe Catsaros La séquence d'ouverture de Buffet froid raconte l'histoire d'un couteau tombé dans de mauvaises mains, d'un passant solitaire apeuré, d'un autre menaçant. S’ensuit un crime sur lequel plane un doute et que le personnage principal, un chômeur incarné par Gérard Depardieu, assume en toute innocence. Il croit avoir commis le meurtre, sans en être certain. Son voisin, un commissaire joué par Bernard Blier (le père du réalisateur), lui apporte son soutien moral et logistique. Seuls habitants d’une tour nouvelle, le meurtrier et le policier vont rapidement être rejoints par une troisième figure aussi chimérique : un assassin paranoïaque et trouillard. « Expert en fables cruelles, Bertrand Blier passe ici du sinistre au sinoque. Entre Jarry et Ionesco, il signe le Drôle de drame des années 1970 » (Nagel Miller, Télérama).

Image : Bernard Blier et Gérard Depardieu dans Buffet froid de Bertrand Blier (1979).

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De La 1ère à la Cinémathèque : Travelling Travelling vous emmène dans l’histoire des tournages des films cultes. La petite histoire des grands films vous est racontée entre anecdotes, archives et extraits. Dans notre projecteur sonore, ces mêmes films révèlent leur propre récit et nous permettent d’accueillir, dans notre cinéma radiophonique, tous les acteurs du septième art. Catherine Fattebert vous invite à écouter (sur La 1ère) et à regarder (à la Cinémathèque suisse) Quai des brumes, The Man Who Knew Too Much, Singin’ in the Rain, Stalker ou Monty Python’s The Meaning Of Life. Travelling, un déplacement de caméra pour tout connaître de l'histoire du cinéma ! Pour entendre les films, c'est sur La 1ère tous les dimanches de 10h à 11h et rediffusion les lundis de 4h à 5h. Pour les voir, c'est à la Cinémathèque tous les dimanches à 15h et les samedis à 21h. www.rts.ch/la-1ere

mars

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05

21 :00 CIN

Quai des brumes France · 1938 · 88' De Marcel Carné Avec Jean Gabin, Michel Simon, Michèle Morgan 12/14 35mm

mars

di

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15 :00 CIN

21 :00 CIN

The Man Who Knew Too Much (L'Homme qui en savait trop) USA · 1956 · 118' · v.o. s-t fr./all. De Alfred Hitchcock Avec James Stewart, Doris Day, Daniel Gélin 12/12 35mm

Déserteur de la Coloniale, Jean arrive au Havre et rencontre la jeune Nelly, qui vit sous la coupe de Zabel. Il tombe amoureux, mais songe pourtant à s’embarquer pour le Venezuela… Le couple mythique Gabin-Morgan (« t’as d’beaux yeux, tu sais… ») marqué par la fatalité du destin, brille dans une œuvre maîtresse de Carné, dont la poésie distille un pessimisme très « prévertien » (Jacques Prévert adaptant ici MacOrlan) et le rêve d’un ailleurs où n’existeront plus l’hypocrisie, la bassesse et la veulerie. La grisaille des quais, les pavés luisants de pluie, le déserteur et le chien, Raymond Aimos rêvant d’un lit avec des draps blancs, les yeux de Michèle Morgan, l’allure inquiétante de Michel Simon, la gifle que reçoit Pierre Brasseur, tout participe à la création de ce qui deviendra vite une mythologie.

En vacances au Maroc, le Dr McKenna est témoin d'un meurtre. Lorsque son fils est kidnappé, il mène l'enquête avec son épouse… En réalisant cet auto-remake vingt ans plus tard, Hitchcock ne se contente pas de moderniser et d’approfondir la version précédente, il crée une œuvre totalement nouvelle, l’histoire et les situations ayant été modifiées. A Truffaut qui lui faisait remarquer que cette variante américaine est « plus découpée et plus rigoureuse » que l’originale anglaise de 1934, Hitchcock répondait : « Disons que la première version a été faite par un amateur de talent, tandis que la seconde l’a été par un professionnel ». Une œuvre célèbre pour une scène extraordinaire de concert à l’Albert Hall et pour la chanson Que Sera, Sera interprétée avec énergie et émotion par Doris Day.

Image : Monty Python's The Meaning of Life de et avec Terry Jones (1983).

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mars

di

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15 :00 CIN

21 :15 CIN

The Treasure of the Sierra Madre (Le Trésor de la Sierra Madre) USA · 1948 · 124' · v.o. s-t fr./all. De John Huston Avec Humphrey Bogart, Walter Huston, Tim Holt 12/12 35mm

mars

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15 :00 CIN

Singin’ in the Rain (Chantons sous la pluie) USA · 1952 · 103' · v.o. s-t fr./all. De Stanley Donen, Gene Kelly Avec Gene Kelly, Debbie Reynolds, Donald O'Connor 10/12 35mm Ⓕ

mars

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15 :00 CIN

Roma, città aperta (Rome, ville ouverte) Italie · 1945 · 98' · v.o. s-t fr. De Roberto Rossellini Avec Anna Magnani, Aldo Fabrizi, Marcello Pagliero 12/16 DC

avril

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15 :00 CIN

21 :00 CIN

En cas de malheur France, Italie · 1958 · 115' De Claude Autant-Lara Avec Jean Gabin, Brigitte Bardot, Edwige Feuillère 12/14 EC

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Au Mexique, deux prospecteurs américains s’associent à un vieux sage pour s’approprier quelques sacs de poussière d’or que le vent dispersera… Plus qu’une méditation sur l’échec – thème cher à John Huston –, ce chef-d’œuvre qui n’a rien perdu de sa force est un hymne à la liberté. Humphrey Bogart y est éblouissant et Walter Huston, le père du réalisateur, obtint l’Oscar du meilleur second rôle. « Le cadre est celui du western, mais le propos est proche du conte philosophique et moral. Dans un paysage aride mais magnifique, les hommes affrontent les difficultés, les intempéries, la nature, puis s’affrontent entre eux. Ce qui les rassemble, puis ce qui les divise, c’est l’or, c’est-à-dire l’argent : une matière noble et vile, belle et corruptrice » (Gilbert Salachas, Dictionnaire mondial des films).

En 1927, à Hollywood, les stars de cinéma Don Lockwood et Lina Lamont forment un couple à succès. Mais Don tombe amoureux de la séduisante danseuse Kathy et l'ère du muet touche à sa fin… La plus célèbre des comédies musicales de l’histoire du cinéma mérite sa réputation. Si les séquences chantées et dansées sont un régal inoubliable pour les sens, le récit qui traite de l’avènement du cinéma parlant à Hollywood possède un véritable intérêt documentaire et historique. « Dans Chantons sous la pluie, le cinéma se retourne en riant sur son passé, y compris celui du déferlement de la comédie musicale, deviné en une sorte de futur antérieur : d’où le charme du film, équilibré entre l’irrévérence et le classicisme d’un genre » (Gérard Lenne, Dictionnaire mondial des films).

Copie numérique restaurée Rome, hiver 1944. Un ingénieur communiste, Giorgio Manfredi, tente d'échapper aux Allemands qui occupent la ville. Il se réfugie chez un ami imprimeur dont la fiancée, Pina, le met en contact avec le curé de la paroisse, Don Pietro. Mais la maîtresse de Manfredi va tous les dénoncer à la Gestapo… « Témoignage brut et sans concession de la résistance du peuple romain face à l'occupant allemand, Rome, ville ouverte est animé d'un souci d'authenticité rarement atteint par le septième art. S'inspirant de faits réels, tourné à chaud dans un style documentaire débarrassé des oripeaux mélodramatiques traditionnels, le chef-d'œuvre de Rossellini est considéré à juste titre comme le premier film ‘néo-réaliste’, ouvrant la voie à un des courants majeurs du cinéma mondial » (Serge Daney). Yvette Maudet, tapineuse occasionnelle de 23 ans, tente de dévaliser un horloger et assomme une femme. Un ténor du barreau parisien obtient son acquittement grâce à un faux témoignage et s'éprend de sa jeune cliente… Comme Autant-Lara, Simenon n’a jamais été tendre avec la bourgeoisie. Adapté par Aurenche et Bost, son roman est devenu une tragédie, celle d’un avocat qui sacrifie à ses pulsions son mariage et le confort de sa classe sociale, pour tenter de se trouver par-delà le mur des conventions. « Il y a quelques années, la pureté de mes 20 ans aurait condamné un tel film en bloc, et c’est avec un peu d’amertume que je me surprends aujourd’hui à admirer, même partiellement, un film plus intelligent que beau, plus adroit que noble, plus rusé que sensible » (François Truffaut, Arts).


avril

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10 sa

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15 :00 CIN

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Stalker Monténégro, Serbie · 1979 · 156' · v.o. s-t fr./all. De Andreï Tarkovski Avec Alexandre Kaïdanovski, Alissa Friendlikh, Anatoli Solonitsyne 14/16 35mm

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15 :00 CIN

21 :00 CIN

Monty Python's The Meaning Of Life GB · 1983 · 106' · v.o. s-t fr. De Terry Jones Avec John Cleese, Michael Palin, Eric Idle, Terry Gilliam 16/16 DC

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15 :00 CIN

18 :30 CIN

21 :00 CIN

The Cook, the Thief, his Wife & her Lover France, GB · 1989 · 124' · v.o. s-t fr./all. De Peter Greenaway Avec Richard Bohringer, Michael Gambon, Helen Mirren 18/18 35mm

Un passeur clandestin, le Stalker, propose à ses clients, un écrivain et un physicien, de les conduire au cœur d’une zone interdite et désolée aux multiples pièges, où se trouve une « chambre des désirs » dans laquelle leurs rêves se réaliseront. Mais pour cela, ils seront condamnés à se voir tels qu’ils sont… Second film de science-fiction de Tarkovski, Stalker (de l’anglais « to stalk », avancer furtivement) est aussi le dernier qu’il réalise en URSS. « Archétype du film fantastique dans une acceptation sublimée du terme, Stalker représente sans doute le chef-d’œuvre de la beauté sans esthétisme et de la quête mystique en images. D’où la panique soviétique qui fit du cinéaste un paria, en oubliant que le martyre renforce traditionnellement le prophète » (Thierry Colliard, La Suisse, 1979).

Le sens de la vie ? Le triomphe du « nonsense » britannique. De la naissance à la mort en passant par le sexe, l’alimentation, la religion, le mariage ou la guerre, rien n’échappe à la dérision ravageuse et hilarante des Monty Python. Le film alterne séquences chocs et pastiches – de films de pirates, du Septième sceau de Bergman ou encore d’Oliver ! de Carol Reed avec l’ode au sperme façon comédie musicale. Douze ans après la suite de saynètes qu’était leur premier long métrage, « Monty Python’s The Meaning of Life marque un retour au film à sketches, mais avec une ambition plus grande. La mise en scène s’y révèle souvent étonnante, mais l’esprit absurde et surréaliste règne toujours sans partage sur l’univers des six compères » (Michel Ciment, Dictionnaire mondial des films).

Un mafioso est propriétaire d’un restaurant huppé et s’y goinfre tous les jours, en compagnie de sa femme qui ne supporte plus sa vulgarité. Un soir, elle remarque un dîneur solitaire. Il devient son amant sous l’œil indulgent de Richard, le chef cuisinier… Un brillant exercice de style et une fable sarcastique sur la société de consommation qui procure une intense jubilation, autant sensuelle que cérébrale. « Dix jours, dix repas, dix menus, (…) et un déferlement de cynisme, de sadisme, de mort. Comme toujours chez Greenaway, ce film est un labyrinthe. L'ambiance est aussi à l'opéra, avec d'immenses bouffées d'esthétisme fascinant. Toujours obsédé par les fonctions physiques du corps humain, le réalisateur ne recule pas devant l'obscénité dans cette fable sur l'égoïsme » (Jacques Siclier, Télérama).

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Pour une histoire permanente du cinéma : 1968 (suite) En 2006, la Cinémathèque suisse débute un cycle destiné à présenter « Une histoire du cinéma en 300 films ». Mais bien vite, le chiffre de 300 s'est révélé insuffisant. Et ce programme est devenu une « Histoire permanente du cinéma », destinée à offrir au public, année après année, une sélection des œuvres qui ont marqué le septième art. Etablie par le grand cinéphile Bernard Uhlmann, ancien directeur adjoint de notre institution, cette sélection (forcément subjective) réunit des films choisis pour leur importance historique, culturelle ou artistique. Des œuvres particulièrement représentatives d'un auteur, d'une grande star, d'un courant, d'un genre, d'une mode ou d'un style. Un choix par force imparfait et peut-être arbitraire, mais qui permet l'approche concrète d'un art ayant marqué le XXe siècle et les mentalités de manière indélébile. C'est enfin l'occasion rêvée de remontrer de grands classiques, de susciter des (re)découvertes ou de rafraîchir salutairement les mémoires. Sauf exception, rendez-vous avec ce cycle les dimanches soir et lundis après-midi (reprises). La programmation est parfois tributaire de la disponibilité et de l'état des copies.

Palmarès 1968 Festival International du film de Berlin - Ours d'or Am-Stram-Gram (Ole dole doff) de Jan Troell Festival international du film de Cannes - Palme d’or Le festival s’est clos de manière anticipée cette année-là suite aux événements de Mai 68 Festival international du film de Locarno - Voile d’or I visionari de Maurizio Ponzi Mostra de Venise - Lion d’or Die Artisten in der Zirkuskuppel : Ratlos (Les Artistes sous le chapiteau : perplexes) de Alexander Kluge mars

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15 :00 CIN

Faces USA · 1968 · 130' · v.o. s-t fr./all. De John Cassavetes Avec Gena Rowlands, John Marley, Lynn Carlin 12/16 35mm

Après quatorze années de vie commune, Richard et Maria se déchirent en un temps record. Désillusionnés, ils se laissent entraîner à leur manière dans une spirale infernale faite d’alcool, d’infidélité et de remords… Caméra au poing, John Cassavetes traduit les mouvements de l’âme humaine en filmant ses interprètes au plus près de leur visage et de leur corps. Un film intense tourné en six mois, qui déboucha sur cent cinquante heures de rushes et trois ans de montage. « En fait, sous ses allures désinvoltes, sous son laisser-aller apparent, Faces possède une vertu typique des grands cinéastes américains et qui manque à la plupart des cinéastes underground new-yorkais : le respect des individus et la tendresse » (Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon, 50 ans de cinéma américain).

Image : Keir Dullea dans 2001 : A Space Odyssey de Stanley Kubrick (1968).

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21 :00 CIN

15 :00 CIN

Le Gai Savoir France · 1968 · 91' De Jean-Luc Godard Avec Jean-Pierre Léaud et Juliet Berto 14/14 35mm

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21 :00 CIN

15 :00 CIN

Rosemary's Baby USA · 1968 · 136' · v.o. s-t fr./all. De Roman Polanski Avec Mia Farrow, John Cassavetes, Ruth Gordon 16/16 35mm

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21 :00 CIN

15 :00 CIN

The Party (La Party) USA · 1968 · 110' · v.o. s-t fr./all. De Blake Edwards Avec Peter Sellers, Claudine Longet, Natalia Borisova 6/10 35mm Ⓕ

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21 :00 CIN

15 :00 CIN

2001 : A Space Odyssey (2001 : L'Odyssée de l'espace) USA · 1968 · 148' · v.o. s-t fr./all. De Stanley Kubrick Avec Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester 10/14 35mm

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D’un côté, il y a Patricia, une jeune femme fraîchement licenciée de l’usine Citroën après avoir fourni des magnétophones aux ouvriers, afin qu’ils puissent conserver une preuve sonore de la cruauté de leur patron. De l’autre, il y a Emile, blessé par une arme à feu alors qu’il tentait d’entrer de force dans la faculté des sciences. Ensemble, ils discutent notamment de sons, d’images, de politique et des médias en général… Un condensé de toutes les interrogations de Jean-Luc Godard, proposé sous la forme d’un cours magistral. « En quelque sorte, le Godardmode d’emploi des dix années à venir. La télé, évidemment, refusera de programmer Le Gai Savoir, premier film 'invisible' d’une série qui provoquera bien des rages et des irritations » (Jean-Luc Douin, Jean-Luc Godard).

Guy et Rosemary s'installent dans un vieil immeuble de New York réputé maléfique. Enceinte et terrorisée par leurs étranges voisins, Rosemary s'enfonce dans un horrible cauchemar… Prix de la critique française et chef-d’œuvre du cinéma d’épouvante. « Quatre raisons au moins fondent sa réussite : son absence d’effets faciles au profit d’un climat sourd et oppressant, plus proche d’Hitchcock que du Grand-Guignol ; son immense pouvoir de suggestion qui permet au spectateur de voir ce qui n’est pas montré et de croire qu’il l’a vraiment vu ; le parti pris de Roman Polanski de n’adopter que le point de vue de son héroïne pour contraindre le spectateur à s’immerger dans sa paranoïa ; enfin la qualité d’interprétation de John Cassavetes et surtout de Mia Farrow » (Marie-Claude Martin, TéléTemps).

Terriblement maladroit, un acteur indien de second plan est renvoyé d’un tournage, puis invité par erreur à une réception dans une fête hollywoodienne. Chaque effort pour s’intégrer provoquera, malgré lui, un pépin, un accident, voire une catastrophe… « Peter Sellers et son personnage confirment dans La Party que le burlesque, au-delà de sa puissance comique, est une véritable machine séditieuse, un vecteur de critique sociale, un outil de dérèglement sans pareil qui pulvérise les normes admises, le surgissement de la rupture et de l'érotisme dans un monde trop ordonné et refoulé. La nonchalance destructrice de l'acteur et du personnage, ainsi que les décors, la musique et les couleurs contribuent aussi à faire de ce film un grand objet pop » (Serge Kaganski, Les Inrockuptibles). A l'aube de l'humanité, des singes découvrent un mystérieux monolithe noir. Quatre millions d'années plus tard, les hommes en trouvent un autre sur la Lune, qui émet des signaux vers Jupiter. Un vaisseau spatial y est envoyé. L'ordinateur de bord, doué d'intelligence, semble inquiet... « J’ai essayé de créer une expérience visuelle, expliquait Kubrick, de celles qui dépassent toutes les étiquettes imaginables et pénètrent directement dans l’inconscient ». Il y est parvenu avec ce chef-d'œuvre tourné en trois ans, à la radicalité absolue, où « les énigmes cosmiques s’invaginent en tragédies intimes, le dehors incommensurable se confond avec les secrets du dedans ; comme si nous portions en nous, replié à l’infini, le destin des galaxies » (François Rouiller, 100 mots pour voyager en science-fiction).


Oliver ! GB · 1968 · 168' · v.o. s-t fr./all. De Carol Reed Avec Mark Lester, Ron Moody, Oliver Reed 12/12 35mm Ⓕ

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21 :00 CIN

15 :00 CIN

The Devil Rides Out (Les Vierges de Satan) GB · 1968 · 95' · v.o. s-t fr./all. De Terence Fisher Avec Christopher Lee, Charles Gray, Nike Arrighi 14/14 35mm

avril

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21 :00 CIN

15 :00 CIN

Hell in the Pacific

GIANNI SCHNEIDER

Mise en scène

024 543 00 74

www.monbillet.ch

Réservations:

(Duel dans le Pacifique) USA · 1968 · 100' · v.o. s-t fr./all. De John Boorman Avec Lee Marvin et Toshirô Mifune 12/14 35mm

Persuadés de se rendre à une banale réception, le duc Richleau et son vieil ami Rex Van Ryn se retrouvent au beau milieu d’une réunion satanique. Pour préserver deux de leurs connaissances de l’emprise du gourou Mocata, les deux compères vont devoir combattre le Diable en personne… Une fois n’est pas coutume, le regretté Christopher Lee incarne le héros positif de ce périple infernal. « The Devil Rides Out cristallise à nouveau la thématique fisherienne de la lutte du Bien et du Mal, représentés par le duc de Richleau et Mocata. Aidé par un superbe scénario de Richard Matheson, qui a su dépouiller le roman de Dennis Wheatley de toutes ses scories réactionnaires, Fisher réussit un film d’une symétrie parfaite, tant au niveau symbolique que technique » (Stéphane Bourgoin, Terence Fisher).

Un aviateur américain échoue sur une île déserte du Pacifique où s’est déjà réfugié un marin japonais. Les deux hommes commencent par s’affronter violemment avant de finir par comprendre à quel point l’union fait la force… John Boorman décrit les rapports de maître à esclave qu’entretiennent deux officiers ennemis dans un film d’une grande abstraction, qui témoigne d’un grand sens de la nature, des sons et des couleurs, évoquant par là une sorte de théâtre de l’absurde. « D’une lucidité ironique et terrifiante (…). Froideur hiératique de la mise en scène. Humour, aussi : Boorman prend un tel recul à filmer ses personnages que toute identification est impossible. On contemple donc, avec épouvante et fascination, les réactions de ces deux bêtes ombrageuses » (Claude-Marie Trémois, Télérama).

EN ATTE GODOT MUEL 31 MAI AU SALLE PADE LAUSA

NDANT DE SABECKETT 6 JUIN 2016 REWSKI NNE

MALYA ROMAN

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ANNE-CATHERINE SAVOY

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VALERIA BERTOLOTTO

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CIN

CÉLINE NYDEGGER

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LAURE AUBERT

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Dans l’Angleterre du XIXe siècle, le jeune Oliver Twist s’enfuit de l’orphelinat où il est maltraité pour se rendre à Londres. Une fois dans la capitale, il sera entraîné malgré lui dans la bande de pickpockets du sinistre Fagin… Le célèbre roman de Charles Dickens devient une comédie musicale à grand spectacle avec Carol Reed, qui s’inspire naturellement du film de David Lean (1948) et de la version pour la scène de Lionel Bart (1960). Six oscars ont couronné le superbe travail du cinéaste et de son équipe. Tandis que Ron Moody reprenait avec bonheur le rôle de Fagin, Oliver Reed – le neveu du réalisateur – s’avérait un choix particulièrement approprié pour incarner le redoutable tueur Bill Sikes. Etonnants de naturel, les jeunes Mark Lester et Jack Wild ne se sont pas laissés impressionner par tant de talents réunis.

Distribution

avril


Trésors des archives Chaque deuxième mardi du mois, des œuvres restaurées à (re)découvrir. En mars, un documentaire poétique au fil du Rhône, restauré par la Cinémathèque suisse qui en détenait l’unique copie ; en avril, une fiction allemande dont le support a été prêté par notre institution à la Bundesarchiv-Filmarchiv à Berlin pour la numériser. Chargée par la Confédération d'assurer la préservation de l'héritage cinématographique national, la Cinémathèque suisse effectue des restaurations de films avec le soutien de Memoriav – Association pour la sauvegarde de la mémoire audiovisuelle suisse. La sélection s'établit en fonction d'une urgence technique, des caractéristiques des collections et de la représentativité des œuvres. Outre les longs métrages, on s'efforce de sauver des pans moins connus de la production suisse : documentaires, actualités, films amateurs. Mais aussi des films auxquels des Suisses ont participé. On s'intéresse encore à la représentation de la Suisse dans les films tournés par des équipes étrangères. Sont présentés enfin des films d'autres pays dont le seul exemplaire connu est conservé par la Cinémathèque suisse, ainsi que des restaurations exemplaires effectuées par des institutions sœurs à l'étranger.

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Image : Vivian Gibson, Suzy Vernon et Hans Stüwe dans Das Mädchenschiff de Hans Steinhoff (1927).


Au fil de l'eau : le Rhône de Genève à la Méditerranée Durant l’été 1924, Le Rhône, de Genève à la mer est tourné par l’opérateur d’origine genevoise Joseph Barth, sous la direction de Louis-Ernest Favre. Cette expédition, qui relie Genève à la mer Méditerranée, est effectuée par un groupe de cinq navigateurs répartis entre une pirogue canadienne et un canot à dérive. Placé sous le patronage de l’Association suisse pour la navigation du Rhône au Rhin, le film suscita l’enthousiasme des critiques locaux qui y virent un exemple de bon documentaire. Séance présentée par Pierre-Emmanuel Jaques, historien du cinéma, et accompagnée au piano par Enrico Camponovo. mars

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18 :30 CIN

Le Rhône, de Genève à la mer Suisse · 1924 · 75' Documentaire de Louis-Ernest Favre 6/10 35mm

Copie restaurée 35mm Une unique copie de ce film a été déposée à la Cinémathèque en 1993 par Louis-Paul Favre, descendant de l'ingénieur et canoéiste Louis-Ernest Favre. Il a été restauré au moyen d’une duplication photochimique qui s’efforce de redonner aux images le côté chatoyant procuré par les nombreux teintages et virages. Au moment de sa sortie, les comptes rendus portant sur le film saluent son aptitude à saisir la vie réelle et quotidienne caractérisant les rives du fleuve (les lavandières, les éclusiers), mais aussi sa manière de témoigner de la beauté du cadre naturel (les gorges du Canon du Rhône à Génissiat, la Camargue ou le delta) et des lieux chargés d’histoire (PontSaint-Esprit, Avignon, Arles, Les Saintes-Maries-de-la-Mer), formant un véritable poème cinégraphique.

Traite des blanches dans le cinéma allemand des années 1920 En 2009, un important fonds de films nitrate a été déposé à la Cinémathèque suisse par le collectionneur Lucien Sauner, qui s'en servait dans des tournées locales. Ces pellicules datent des années 1910-1920 et provenaient en majorité d’Etna-Film, distributeur lucernois. Ce fonds comprenait plusieurs titres considérés comme perdus ou dans des copies plus complètes que celles conservées jusqu’alors. C’est ainsi que le Bundesarchiv-Filmarchiv à Berlin a pu remettre la main sur cette copie rare de Das Mädchenschiff et la numériser. Séance présentée par Pierre-Emmanuel Jaques, historien du cinéma, et accompagnée au piano par Enrico Camponovo. avril

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18 :30 CIN

Das Mädchenschiff (Victimes inconscientes) Allemagne · 1927 · 86' · muet avec i-t fr./all. De Hans Steinhoff Avec Ernst Deutsch, Albert Steinrück, Julie Serda 12/14 35mm

Copie numérique restaurée Diffusée en Suisse romande sous le titre Victimes inconscientes, alors qu’en Allemagne elle est connue sous le nom de Das Frauenhaus von Rio, cette fiction est réalisée par Hans Steinhoff, un cinéaste prolifique connu pour son engagement dans la propagande nazie, notamment avec le célèbre Hitlerjunge Quex (1933). Das Mädchenschiff est le premier long métrage établi sous l’égide de la société de production Orplid-Messter, fondée par les vétérans Gregor Jacoby et Oskar Messter. Adapté d’un roman de Norbert Jacques, le film porte sur la pègre et la traite des blanches. Son héros (Plüsch) cherche à se venger d’un associé (Plümowski) dont l’activité criminelle est dissimulée sous les apparences d’un bon père de famille. Pour ce faire, il envoie la fille de celui-ci dans un bordel à Rio de Janeiro.

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Une histoire du cinéma en mots et en images Freddy Buache, directeur et âme de la Cinémathèque suisse pendant 45 ans, revisite l’histoire du cinéma depuis 1984 dans le cadre d’un légendaire cours public, « Histoire(s) comparée(s) du cinéma », émaillé de coups de cœur, de coups de sang et d’amitiés. Désormais, ce cours, rebaptisé « Une histoire du cinéma en mots et en images », est donné à tour de rôle par Freddy Buache et Alain Boillat, professeur à la Section d’histoire et esthétique du cinéma de l’Université de Lausanne. Tissant des liens entre les films, jetant des ponts entre les arts, la réflexion sur le septième art passe ici par l’exemple : l’analyse de styles esthétiques et de pratiques narratives, ainsi que la discussion sur les genres, courants, périodes identifiés par l’historiographie s’appuient sur des extraits de films commentés et projetés en 35mm. La référence aux séquences projetées permet une sensibilisation à l’analyse filmique et une mise en perspective des films par rapport à des enjeux majeurs de l’histoire esthétique, économique et technologique du cinéma. Ce cours public gratuit est destiné à la fois aux étudiants en cinéma de l’Unil et à toute personne intéressée par l’histoire et l’étude du septième art. Entrée libre. Tous les cours ont lieu de 14h à 16h dans la salle du Cinématographe.

Liste des cours

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14 :00 CIN

Les immigrés à Hollywood Cours donné par Freddy Buache Le suspense hitchcockien Cours donné par Alain Boillat Les Surréalistes Cours donné par Freddy Buache Les possibles du récit Cours donné par Alain Boillat

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14 :00 CIN

Hollywood 1930-1940 Cours donné par Freddy Buache Go West ! La mythologie westernienne dans le cinéma hollywoodien Cours donné par Alain Boillat Le cinéma français des années 1930 Cours donné par Freddy Buache La « qualité française » Cours donné par Alain Boillat

Image : Angie Dickinson et Dean Martin sur le tournage de Rio Bravo d'Howard Hawks (1959).

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LA PETITE HISTOIRE DES GRANDS FILMS le dimanche à 10h00 sur et à 15h00 à la

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Portraits Plans-Fixes Tournés en cinq plans fixes, en noir et blanc, en un seul lieu, un seul jour, sans reprises ni coupures, les films Plans-Fixes composent une vaste collection de portraits de personnalités de Suisse romande – et quelquefois d'ailleurs – issues de divers domaines d'activité. Le premier film a été réalisé en 1977 et, chaque année, une dizaine de nouveaux portraits voient le jour. L'absence du montage, un des principes de base de la collection, vise à mettre l'accent sur l'authenticité du moment et privilégie le point de vue de la personne, sujet du film, qui raconte son parcours et partage ses réflexions dans un entretien avec un(e) interlocuteur(-trice). La devise – « Un visage, une voix, une vie » – résume cette démarche. Dans leur ensemble, les films Plans-Fixes représentent un véritable panorama de la vie en Suisse du début du XXe siècle jusqu'à nos jours. www.plansfixes.ch

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18 :30 CIN

Luc Chessex (photographe) Suisse · 2005 · 50' Interlocuteur Claude Muret 6/10 EC

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Yvette Théraulaz (comédienne, chanteuse) Suisse · 1991 · 50' Interlocutrice Madeleine Caboche 6/10 EC

En présence de Luc Chessex Le jardin et l’étang à Lausanne, lieux d’enfance de Luc Chessex, sont ses racines. Il y revient toujours. De ses discussions dans les cafés, il se forge une conscience politique. Enthousiasmé par la révolution cubaine, il part pour La Havane en 1961. Un poste au Ministère de la culture lui permet d’être en contact avec Che Guevara et Fidel Castro. Entre 1970 et 1974, il voyage à plusieurs reprises dans toute l’Amérique du Sud et prend conscience de la désillusion des espoirs révolutionnaires des populations après la mort du Che. En 1975, il est de retour en Suisse et s’établit à Lausanne comme photographe indépendant. Le CICR, puis la DDC (Direction du développement et de la coopération), lui proposent des mandats pour des reportages en Afrique. Son travail photographique a fait l’objet de plusieurs ouvrages et expositions. En présence d'Yvette Théraulaz Les créations collectives et engagées du Théâtre populaire romand à La Chaux-de-Fonds, fondé par Charles Joris en 1958, lui ont permis d’exprimer l’injustice sociale dont elle-même et ses parents ont été les victimes dans son enfance. Dans les années 1970, elle participe au travail du groupe T'Act, fondé et animé par André Steiger. C'est avec reconnaissance qu'elle évoque ce metteur en scène qui lui a appris à lire un texte, à jouer avec les formes théâtrales et à créer un personnage tout en évitant la linéarité. Cette expérience l'aide à monter ses tours de chant. Les chansons d'Yvette Théraulaz disent la vie d’hommes et de femmes ordinaires, leurs comportements face à la sexualité et à la violence. Ce film est une splendide leçon de sincérité, de dignité et de tendresse.

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© Carine Roth / Cinémathèque suisse.


Le Journal


©Carine Roth / Cinémathèque suisse.

Le cinéaste zurichois Samir, d’originaire irakienne.

Samir : optimiste pour l’Irak, malgré tout « Bien sûr, il y a une part de nostalgie personnelle» a dit Samir au terme de la projection d’Iraqi Odyssey, long métrage que le cinéaste zurichois d’origine irakienne a montré en avant‑première le 2 février au Capitole. Le film, qui s’appuie sur les témoignages de sa famille, dispersée dans le monde par la guerre, donne à voir un Irak oublié, où les femmes déambulent en jupe et les enfants insouciants jouent sur des carrousels. « Mais je pense que cette nostalgie produit un discours utile. En montrant des Irakiens de culture et de religion différentes côte à côte, je formule un commentaire sur ce qui se passe aujourd’hui ». De retour d’Irak, où il mène un casting pour son prochain film, Samir se montre malgré 98

tout optimiste. Il souligne la « renaissance de la société civile » et « les projets d’avenir » des Bagdadiens. Et plus encore, le désir généralisé de la classe moyenne « d’une société laïque ». Il existe d’Iraqi Odyssey des versions allemande, italienne et, pour la toute première fois lors de la projection au Capitole, française. «Ça, c’est mon côté suisse » a conclu Samir en riant, qui lit lui‑même le commentaire du film dans toutes les langues.


Le projet du « Grand Capitole » se met en place

Cinema Italia en tournée suisse

Le Capitole à l'occasion de la projection de La Ruée vers l'Or de Charles Chaplin en août 2015.

Bella e perduta de Pietro Marcello (2015).

C’est le Groupement cinéma Capitole, mené par le bureau d’architecture Architecum à Montreux et les ingénieurs de MCR & associés à Vevey, qui a été choisi pour mener à bien l’étude de rénovation et de transformation du cinéma Capitole. Dès que le crédit d’étude sera confirmé par le Conseil communal, le projet ira de l’avant dans les mois qui suivront. Il s’agira de vérifier, actualiser et développer la pré-étude existante qui propose un « Grand Capitole » augmenté d’une petite salle de 160 places à construire sous la salle existante, et des locaux publics au premier étage (bistrot, médiathèque et boutique de livres, dvd, cartes postales ou affiches). Mais le gros du travail reste l’analyse des rénovations nécessaires (chauffage, ventilation, etc.), sans mettre en danger la valeur architecturale historique du bâtiment et la grande qualité technique (acoustique et de projection) de la salle actuelle. Parallèlement, une fondation devrait se constituer autour de la vénérable salle pour rechercher des financements publics et privés permettant de mener à bien ce projet.

Plusieurs films du cycle Cinema Italia circulent dans les salles suisses grâce au travail de diffusion de la Cinémathèque suisse. Vergine giurata de Laura Bispuri ou Bella e perduta de Pietro Marcello ont ainsi pu être vus à Soleure, Genève, Berne, Zürich ou Pully. De Peckinpah à Lubitsch, les films du patrimoine sont aussi projetés tous les mois dans les cinémas suisses. Prochaine sortie attendue : Cemetery of Splendour d’Apichatpong Weerasethakul.

Les outils du cinéma C’est parti ! L’immense « Partenariat international de recherche sur les transformations technologiques du média » lancé par l’Université de Montréal a obtenu ses financements et peut enfin commencer. Aux côtés, entre autres, de l’Unil, de l’ECAL, de la Cinémathèque française ou de la Georges Eastman House de Rochester, la Cinémathèque suisse apportera sa pierre à cette étude des dispositifs et techniques du cinéma en mettant à disposition des chercheurs les éléments liés à la technologie cinématographique suisse, notamment deux outils essentiels à l’histoire du cinéma : les caméras Bolex et les enregistreurs Nagra.

Image pp. 96-97 : Apéritif au Capitole à la suite de la projection de Fragments du Paradis de Stéphane Goël.

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« Croire aux miracles »

Délices de Tokyo au Capitole

Laura Bispuri.

Frédéric Maire et le producteur Masa Sawada au Capitole.

C’est devant le public du Capitole médusé par le récit de Vergine giurata sur des femmes albanaises qui promettent de rester vierges pour gagner leur liberté, que Laura Bispuri, jeune réalisatrice italienne, a dit son engagement total dans ce projet de plusieurs années et sa fascination pour son personnage. Elle a conclu en citant Ettore Scola, l’immense cinéaste récemment disparu : « Pour faire du cinéma, il faut croire aux miracles ».

Un film sombre, mais rempli d’allégresse. C’est en ces termes qu’on peut décrire An, réalisé par la cinéaste japonaise Naomi Kawase. L’écrivain du livre duquel est tiré le récit a toujours refusé les propositions d’adaptation, « jusqu’à ce qu’il rencontre Naomi, avec laquelle il a ensuite travaillé sur le scénario » a expliqué sur scène le producteur Masa Sawada. Mais si le film porte sur le rejet et la différence, il s’agit aussi d’une œuvre qui met littéralement l’eau à la bouche, puisqu’on y prépare, tout au long du récit, de succulents dorayakis. Une pâtisserie japonaise que les spectateurs ont pu déguster à l’issue de la projection.

Henry Brandt à Paris

Les affiches de la Cinémathèque à Morges

Les Nomades du soleil d'Henry Brandt (1954).

La Cinémathèque suisse a entrepris la restauration des œuvres d’Henry Brandt en commençant par l’installation qu’il avait réalisée pour l’exposition nationale de 1964, La Suisse s’interroge, et par le film qui a marqué la naissance d’un nouveau genre : le cinéma ethnographique, avec Les Nomades du soleil. La numérisation de ce dernier film a pu être montrée lors du Festival international Jean Rouch au musée de l’Homme à Paris en décembre.

La Cinémathèque suisse collabore à nouveau avec le musée Alexis Forel à Morges. Du 19 mars au 14 août 2016 se tient en effet une exposition autour de la maladie de la peste et de sa représentation dans la littérature et le cinéma. Le secteur iconographique de la Cinémathèque suisse prête des affiches et des photos cartonnées et met à disposition des photos numérisées pour huit films différents, parmi lesquels Le Septième Sceau de Bergman et les Nosferatu de Murnau et Herzog.

Une photo cartonnée de Nosferatu : Phantom der Nacht de Werner Herzog (1979) à voir au Musée Forel.

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©Carine Roth / Cinémathèque suisse.


Giovanni Senzani : « Je suis le produit d’une époque »

Un grand-père toujours présent

Frédéric Maire, Fabrice Aragno, Pippo Delbono, Giovanni Senzani et Vincent Baudriller sur la scène du Capitole.

Marcia Tambutti Allende.

Comme attendu, la projection de Sangue de Pippo Delbono n’a laissé personne indifférent le 7 janvier au Capitole. Le réalisateur était accompagné sur scène de Giovanni Senzani, ancien leader des Brigades Rouges et l’un des protagonistes du film. L’ancien brigadiste, qui s’est peu exprimé publiquement depuis sa libération définitive en 2004, a répondu patiemment aux spectateurs souvent émus et troublés par le récit qu’il fait dans Sangue d’une exécution à laquelle il a participé. Senzani s’est défini comme « le produit d’une époque révolue » qu’on ne « peut ni ne doit prendre en exemple ». Il a aussi dit qu’il n’avait pas fait la révolution « par plaisir », mais par « cohérence avec ses idées » et qu’il ne voyait aucun lien dans son parcours avec le terrorisme actuel. Interpellé aussi, Pippo Delbono a insisté pour quitter le terrain politique, présentant Sangue (dans lequel il filme aussi la maladie et le décès de sa mère) comme une réflexion « spirituelle, poétique et artistique » sur ceux qui « donnent la vie et ceux qui la prennent ». La venue du réalisateur transalpin à Lausanne s'inscrivait dans le cadre du cycle de films « Nouveau cinéma italien », organisé en collaboration avec le théâtre de Vidy où Delbono présentait aussi sa nouvelle pièce, Vangelo.

Dans Allende mi abuelo Allende, la petitefille de l’ancien président chilien Salvador Allende livre un portrait intime de sa famille. « Le film est une invitation au dialogue », raconte la cinéaste Marcia Tambutti Allende, qui a d’abord fait des recherches sur son grand-père « pour compléter l'image qu'elle avait de lui », avant de décider d’en faire un film. Face à cette histoire chargée, elle s’est souvent confrontée au mutisme de sa famille : « Il y avait des respirations contenues, des soupirs. J'étais face à ma famille avec ma caméra, la filmant alors qu'elle ne voulait parfois pas répondre à mes questions. C’était à moi de briser le silence, en précisant que je ne voulais pas parler de sa mort, mais de sa vie ». Avec une douceur relevée par une spectatrice, la cinéaste émeut lorsqu’elle revient sur le suicide de son grandpère : « son geste était un acte politique, réfléchi, conséquent avec ses idéaux et qui est resté présent dans tout ce que j’ai pu vivre ». Marcia Tambutti Allende a quitté la scène du Capitole après un hommage à sa grand-mère, « le personnage le plus fort de cette histoire » qui lui a appris « à regarder la douleur, l'affronter et essayer de la traiter de la façon la plus sereine possible ».

Giovanni Senzani et Pippo Delbono devant l'entrée du Capitole.

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©Carine Roth / Cinémathèque suisse.

Le cinéaste Stéphane Goël et son père Jean-Louis Goël.

Stéphane Goël : « J’avais peur que vous ne soyiez pas là… » A peine arrivé sur scène, Stéphane Goël n’attend pas qu’on lui pose de questions pour nous raconter le rêve qu’il a fait la veille : « Je marchais dans la ville, tout nu, accompagné d’un officier de police. Celui-ci m’a entraîné jusqu’à un stade où il devait se jouer un concert ou quelque chose comme ça. Il m’a dit que je devais monter sur scène, mais je lui ai rétorqué, paniqué, que j’étais en tenue d’Adam. Il m’a alors poussé et je me suis retrouvé face aux gradins du stade. Des gradins vides… Tout ça pour vous dire que j’avais peur que vous ne soyez pas là ce soir ». Une inquiétude vite balayée, puisque le Capitole comptait 537 spectateurs ce mardi 19 janvier. Proches, amis et curieux, tous venus découvrir son nouveau long métrage, Fragments du paradis, après sa sélection à Locarno. Une soirée qui clôturait 104

les 30 ans du collectif Climage et faisait suite à l’avant-première des documentaires de Daniel Wyss et d’Alex Mayenfisch fin 2015. Goël a donné la parole à nos aînés qui nous racontent leur vision de l’au-delà. Un film où l’on passe du rire aux larmes. « Ça a été un cadeau de le réaliser, un voyage humain extraordinaire » a déclaré le réalisateur pour qui cette projection, dans sa ville et entouré des siens, était « la véritable avantpremière ». Son père, protagoniste du film et à l’origine de l’idée de celui-ci, l’a rejoint sur scène. L’un et l’autre étaient visiblement très touchés d’être là : « Réussir à émouvoir deux protestants, ce n’est pas évident, je vous félicite » a-t-il lancé à la salle. Retrouvez toutes les photos et vidéos des événements sur : www.cinematheque.ch/galeries


Programmation Frédéric Maire, Chicca Bergonzi

Iconographie Carina Carballo, Richard Szotyori

Collaboration à la programmation et à la rédaction des textes Maurizio di Rienzo (Rétrospective Olmi) ; Bruno Deloye et Brice Daumin (Le cinéma suisse romand sur Ciné+) ; Emilie Bujès (Rétrospective Greenaway) ; Loïc Valceschini (Intégrale Cronenberg) ; Emmanuel Samatani (Festival Voix du muet) ; Messaline Raverdy (Autour de Babel de Boris Lehman) ; Emmanuelle Giacometti et Fanny Dao (Pâkomuzé) ; François Emery (Vingt ans des LACS) ; François Albera (Colloque avec l'Unil) ; Rui Nogueira (Carte blanche) ; Christophe Catsaros (L'architecture à l'écran) ; Catherine Fattebert (Travelling) ; Bernard Uhlmann (Histoire du cinéma) ; Pierre-Emmanuel Jaques (Trésors des archives); Alexandre Mejenski (Plans-Fixes)

Mise en page Ali-Eddine Abdelkhalek

Coordination de la programmation Regina Bölsterli, Romain Holweger Coordination générale du bulletin et rédaction Mathieu Poget Collaboration à la rédaction Raphaëlle Pralong, Mathieu Truffer Photos des événements Carine Roth, Samuel Rubio

Corrections et légendes photographiques Suzanne Déglon Scholer, Raymond Scholer Remerciements La Cinémathèque de la Ville de Luxembourg ; La Cinémathèque française, Paris ; La Cinémathèque de Toulouse ; La Cinémathèque royale de Belgique, Bruxelles. Communication Mathieu Truffer, Anna Percival, Nicolas Wittwer Conception graphique Jannuzzi Smith Image : Querelle de Rainer Werner Fassbinder (1982). Image de couverture : Desislava Tenekedjieva dans Il mestiere delle armi d'Ermanno Olmi (2001). Légendes :

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Séance spéciale

CAP CIN PAD BAR 7/12 Ⓕ DC EC

Capitole Cinématographe Paderewski Théâtre Barnabé (Servion) Age légal / âge suggéré Films pour les familles, souvent à 15h. Digital cinema : projection en haute définition (HD), Digital Cinema Package (DCP), Blu-ray Electronic cinema : projections vidéo (Beta, DVD, etc.)

Casino de Montbenon, Allée Ernest-Ansermet 3, case postale 5556, 1002 Lausanne tél. : 058 8000 200 e-mail : info@cinematheque.ch www.cinematheque.ch


JAB 1303 Penthaz

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