DISCOURS Clôture de l’assemblée générale de l’Association Française des éditeurs de logiciel et de solutions internet Mardi 7 juillet 2015 Monsieur le Président, Monsieur le Président de l’ARCEP, Mesdames, Messieurs les députés, Mesdames, Messieurs les membres de l’AFDEL, Chers amis, Je suis heureux de vous rencontrer à l’issue de votre Assemblée générale qui réunit tous les acteurs portant haut les valeurs d’innovation et d’excellence dans ce nouveau monde, marqué par la révolution numérique. Pour le législateur que je suis, le monde numérique, et donc de l’innovation, voire même la disruption, pose de nouveaux défis. C’est la raison pour laquelle j’ai installé, il y a plus d’un an, une Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, présidée par les députés Christian Paul et Christiane Féral-Schuhl. Cette commission a pour mission d’éclairer les principaux enjeux économiques, sociétaux et réglementaires, que posent nos projets ou propositions de loi. A mon sens, le numérique est une opportunité d’enrichir la vie des citoyens. Il nous permet de repenser l’organisation de notre société et de nos territoires. Il nous permet de bâtir une société de l’économie de la connaissance, qui anticipe davantage les enjeux de demain. A commencer par nourrir une croissance qui soit plus inclusive et plus durable. Mais, dans un même temps, le numérique appelle toute notre vigilance s’agissant de la protection des libertés Page 1 sur 7
individuelles. Codeur, législateur, nous avons tous un même objectif – écrire une nouvelle page de la révolution numérique dont les industries du logiciel et des solutions internet sont des acteurs de premier plan. Je citerai deux raisons au moins d’écrire cette page avec vous. Première raison : on dit de plus en plus qu’il faut hacker – dans le bon sens du terme évidemment – la démocratie. Je vous invite à le faire, mais venez m’en parler avant, s’il vous plaît. Je veux en être ! L’Assemblée nationale a d’ailleurs pris les devants, notamment en ouvrant ses données publiques. Il ne vous a pas échappé que nous avons lancé, il y a quelques jours, le portail data.assemblee-nationale.fr. J’ai souhaité ce portail pour faire œuvre utile en faveur de la transparence mais aussi pour que les hackers, les développeurs, les codeurs puissent utiliser ces données et créer des applications innovantes. Mais surtout, je souhaite que l’open data constitue un outil pour rendre notre démocratie plus participative. Dans le cadre d’un vaste chantier de modernisation de nos activités, j’ai souhaité que l’on renforce les outils permettant d’assurer une plus grande transparence vis-à-vis des citoyens. Ainsi, pour la première fois, l’Assemblée nationale a publié, début 2014, sur son site internet l’utilisation et la répartition de la réserve parlementaire distribuée en 2013 par les 577 députés. Seconde raison : j’ai récemment découvert les écrits de Lawrence Lessig, juriste américain qui enseigne à la Law School de Harvard. Parmi ses travaux, un a retenu mon attention : Code is law. Le code, le programme informatique, serait donc la loi ! Je vous avoue que le parlementaire que je suis depuis plus de trente ans a un peu Page 2 sur 7
été désarçonné, en lisant cela. Mais en fait, Lessig dit vrai : sur internet, sur les réseaux sociaux, sur les smartphones et les tablettes, ce sont bien les algorithmes, les logiciels, les applications qui font leur loi. Ils nous autorisent à faire des choses et nous interdisent d’en faire d’autres. Et le jour où la loi de la République et la loi du numérique se rencontrent, cela peut faire des étincelles. Mais j’aimerais ce soir me concentrer sur trois points, qui vous concernent, qui nous concernent tous, et qui font qu’en la matière je suis optimiste. *** Premier point que je veux aborder ce soir, c’est notre ambition commune : dessiner le nouveau monde. Imaginez ce que peut être la ville intelligente, les transports plus performants, la santé plus accessible, les télécommunications de qualité, les industries créatives, les énergies alternatives, et les industries du futur. Le génie français, c’est notre créativité et notre inventivité, qui nous permet d’imaginer ce monde et d’en être les précurseurs. Montée en gamme d’abord, c’est notre meilleure arme dans la mondialisation, et cela doit être la boussole de notre action, car notre destin n’est pas l’économie « low-cost ». Parmi vos membres, se trouvent des leaders nationaux et internationaux du logiciel, du cloud, du big data ou de l’internet des objets connectés. Vous êtes les moteurs de ces nouvelles révolutions industrielles. Nous n’avons pas à rougir de notre liste des success stories nationale, avec les précurseurs, comme Dassault Systèmes, CEGID, des nouveaux champions, à Page 3 sur 7
l’instar de CRITEO ou BLABLACAR, et j’espère qu’elle se rallongera avec des entreprises internationales qui choisiront la France. Et c’est encore avec vous que nous allons construire l’Alliance pour l’Industrie du Futur. Les chiffres sont éloquents : le poids du numérique s’évalue en centaines de milliards d’euros et représente plus d’un million de personnes en Europe. Son poids économique représente en France 148 Md € en France. Plus précisément, le secteur des éditeurs de logiciels emploie 70 000 personnes, et investit 20 à 30 % de son chiffre d’affaires en recherche et développement. Quelle que soit l’industrie, tout commence par le capital humain, sans lequel il n’y aura de croissance durable et inclusive. Votre besoin de recrutement dépasse largement la demande. Parce que notre première bataille est l’emploi, l’emploi, l’emploi, nous devons mettre en place les outils et plateformes de coopération qui permettront de répondre à vos besoins actuels de compétences et d’anticiper les métiers de demain. Le défi, c’est bien de former plusieurs milliers de personnes à des métiers qualifiants et passionnants. Après le vote l’an dernier de la loi sur la formation de 2014, j’ai la conviction que nous ne pourrons créer des emplois dans votre secteur qu’avec une politique de formation et de qualification adéquate et concertée dans nos bassins d’emplois. Et là, nous devons agir ensemble sur la formation, qu’elle soit initiale, professionnelle ou continue pour permettre aux jeunes et aux salariés quel que soit leur niveau de qualification de saisir les opportunités offertes par la révolution numérique. Page 4 sur 7
Montée en gamme, cela passe aussi par l’attraction des talents. Je me réjouis de voir des géants internationaux tels que Facebook, Salesforce, Cisco, Huawei, installer leurs centres de recherche mondiaux en France. Ce n’est pas un hasard compte tenu de notre histoire, de la qualité de notre recherche fondamentale, de nos universités et grandes écoles (en particulier, en mathématiques). Aujourd’hui, nous devons réussir à retenir ou « faire revenir Léon » pour reprendre le slogan de la campagne de la French Tech. Cette campagne sait, avec humour, rappeler que nos entrepreneurs ont les moyens de se développer et de se projeter à l’international depuis notre territoire. Il nous faut être une terre d’accueil et de retour attractive pour nos entrepreneurs, qui prennent des risques, créent de la valeur, et des emplois en France. Le législateur, au travers de loi Macron, a préparé une première étape : en proposant un cadre de l’actionnariat salarié plus adapté à vos enjeux, elle renforce l’attractivité de vos entreprises auprès de vos collaborateurs. Prochainement, nous mettrons en place un Passeport talents pour faciliter la venue en France des talents étrangers qui contribueront à notre développement. Monter en gamme, c’est aussi activer tous les leviers de l’innovation. Il s’agit notamment du soutien aux entreprises innovantes dans le domaine du numérique, du logiciel, dont la croissance doit être accompagnée de manière appropriée. Conscient de la qualité exceptionnelle et unique de certains instruments de soutien à l’innovation et la recherche, j’ai tenu depuis le début de ma présidence à sanctuariser le crédit d’impôt recherche. *** Deuxième point, chacun l’a constaté, les usages du numérique donnent lieu à la Page 5 sur 7
collecte d’informations en très grand volume. Cette collecte, nous pouvons l’envisager comme une menace. Si certaines précautions ne sont pas prises – je pense, notamment à la gestion loyale de ces données par les groupes qui en sont dépositaires. Mais cette collecte est aussi une formidable opportunité pour mieux connaître les besoins de chacun : les spécialistes de santé peuvent évaluer, vérifier et gérer des signes vitaux à distance, en intégrant des dispositifs médicaux connectés; les villes mettent en place des systèmes intelligents qui permettent aux citoyens, à travers des capteurs sensoriels urbains, de collecter des informations sur la qualité de l’eau et de l’air, la température, l’humidité, le volume du bruit, qui serviront à améliorer l’infrastructure urbaine. Je voudrais m’attarder sur la contribution de la révolution numérique à la transition énergétique. Si nous la maîtrisons, si nous l’anticipons, la transition numérique peut réduire notre empreinte environnementale, en augmentant le développement des énergies renouvelables et en améliorant l’efficacité énergétique, par exemple. Dans ce contexte, les élus doivent en lien avec vous concevoir le territoire comme une plateforme susceptible de répondre aux besoins quotidiens et essentiels de nos concitoyens. Alors que certains se concentrent sur la ville intelligente, je pense que, pour notre territoire, nous devons changer d’échelle pour qu’il puisse être une réelle plateforme, au sens logiciel, qui permettra à ceux qui le souhaitent de s’y brancher, via des interfaces adaptées. Une plateforme qui permettra aux innovateurs d’offrir des applications, des services, des logiciels. Les exemples sont nombreux, la voie est tracée pour personnaliser les services rendus grâce au big data dont la France est reconnue pour son excellence. Page 6 sur 7
*** Troisième et dernier point, l’omniprésence du numérique dans nos vies. Marc Andreessen expliquait en 2011 pourquoi le logiciel allait manger le monde. Quatre ans plus tard, nous ne quittons plus nos smartphones, nous restons en contact permanent avec nos proches grâce aux messageries instantanées. Les contenus audiovisuels se consomment via toutes sortes de terminaux ; l’information n’est plus la source de pouvoir qu’elle a été, c’est son traitement qui fait sa valeur ; et les nouveaux modes de communication transforment les relations hiérarchiques jusqu’aux outils de maintien de l’ordre public. Cela emporte plusieurs conséquences sur l’action publique. Cela veut notamment dire que les outils numériques peuvent aider notre administration à délivrer de meilleurs services, d’une manière plus rapide et plus individualisée. Jamais, l’administration n’aura été aussi accessible qu’à l’ère numérique qui offre cette opportunité d’être au plus proche des besoins de nos concitoyens. Et là-dessus, votre rôle est essentiel, en tant que fournisseurs de l’État, des régions et des autres collectivités publiques. Vous devez nous aider à concevoir les solutions du futur, à mener les projets à terme, et à les maintenir en conditions de disponibilité maximale. *** J’en terminerai par-là : le nouveau monde que vous dessinez, rompt avec une logique traditionnelle, verticale, centralisée, et repose sur une approche transversale, collaborative et mieux distribuée qui participera à la réussite de notre pays. Aussi, dans cet esprit, je vous invite à me faire part de vos projets, de vos idées pour pouvoir coproduire ce nouveau monde, en nous appuyant sur les atouts de notre territoire. Je vous remercie et je vous souhaite une bonne soirée. Page 7 sur 7