André Marie Hommage - Seine-Maritime

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Cérémonie d’hommage à André Marie Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée Nationale Mairie de Barentin Lundi 15 décembre 2014, 16h Monsieur le Préfet de région, Monsieur le Député, cher Christophe, Monsieur le Président du Conseil général, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs, Je remercie Christophe Bouillon, député, et Nicolas Rouly, président du conseil général, de leur invitation en Seine-Maritime, pour cette occasion tout à fait particulière, qui nous réunit dans la mairie de Barentin, Michel Bentot. Nous rendons aujourd’hui hommage à Monsieur André Marie, figure politique et historique de la gauche sous la IVe République, et personnage incontournable du paysage seinomarin. Je ne me risquerai pas à essayer de concurrencer la connaissance fine, intime, de la vie et du parcours de M. Marie que Christophe Bouillon a patiemment construite, puis qu’il a écrite et dont il nous a retracé quelques moments choisis il y a quelques instants. Toutefois, je vais tâcher d’apporter ma contribution à la célébration de sa mémoire 40 ans après qu’il nous a quittés, et de m’attarder quelques instants sur les combats d’André Marie. André Marie a été un combattant au sens figuré comme au sens propre, émouvant par son engagement entier lors de sa mobilisation en 1916, puis se


portant volontaire en 1939 pour reprendre sa place au front comme capitaine d’artillerie. Fait prisonnier, il a non seulement auparavant brillé par son courage, mais aussi par ses talents de meneur d’hommes, lui valant honneurs et décorations. Il ne prend donc pas part au vote du 10 juillet 1940 donnant les pouvoirs constituants au Maréchal Pétain. Cette intransigeance et cette exigence le poussent à se démettre de ses mandats pour marquer son refus de la politique vichyste et, lorsqu’il est libéré en 1941, à s’engager dans le réseau résistant Georges-France, ce qui lui coûtera, lors de son arrestation, une déportation à Buchenwald. Militant, aussi, bien sûr, affirmant une vocation politique qui mûrit auprès du bâtonnier Georges Métayer, auprès duquel il débute comme avocat stagiaire à 25 ans. Georges Métayer, figure locale incontournable auprès duquel il fera donc ses premiers pas, à la fois dans sa vie d'avocat, et dans celle d'élu local. Elu local du parti radical et radical-socialiste dès 1922, son ancrage dans le canton de Pavilly ne se démentira plus, l’amenant à être élu comme l’un des députés les plus jeunes de la Chambre, en 1928. Chambre où il siégea de 1928 jusqu’en 1962. La Chambre des députés dans laquelle il fait ses premières armes au sein de la Commission de la législation civile et criminelle, et qu’il ne quittera plus pendant de longues années. André Marie y acquiert de l’expérience, aiguise ses combats, affûte ses arguments et n’hésite pas à exercer ses talents oratoires afin d’enrichir les débats qui répondent à ses préoccupations. Et ces préoccupations sont multiples. Il se penche notamment sur les textes qui concernent la réforme des justices de paix ou les rentes des mutilés du travail. Son ardeur au travail, son intelligence et ce talent d’orateur, conjugués à son intérêt pour les sujets fiscaux, sociaux, judiciaires mais aussi agricoles ou commerciaux, ne manquent pas de le faire


remarquer. Il produit aussi les premiers travaux sur les congés payés, et défend ce texte, qui deviendra une réelle marotte, un combat qui le rapprochera de Léon Blum. Ces engagements le conduiront, comme vous le savez, à exercer de très hautes fonctions, comme sous-secrétaire d’État en 1933 chargé des affaires d'AlascaeLorraine, puis aux affaires étrangères en 1934d’abord. Puis il devriendra Garde des Sceaux en 1947, éphémère Président du Conseil durant l'été 1948, et enfin Ministre de l’Education nationale en 1953.

A cet instant, permettez-moi de faire une parenthèse qui me semble cependant tout à fait honorer là encore ses combats. En nous retournant sur le parcours d’André Marie, quelque chose me frappe : il y aurait beaucoup à dire sur les similitudes qui peuvent être trouvées entre le contexte où André Marie a façonné sa carrière d’avocat, où il a répondu aux appels, afin de rendre service à la République et au peuple, et le contexte d’aujourd’hui. L’instabilité de la IVème République a, bien sûr, été soigneusement traitée par le Général de Gaulle lorsque ce dernier a révolutionné nos institutions. Néanmoins, lorsqu’André Marie devient député, la crise de 1929 a éclaté. Lorsqu’il se voit confier le sous-secrétariat d’Etat aux Affaires étrangères par Daladier en 1934, il sera contraint de démissionner une semaine plus tard, en raison d'une énième affaire de corruption, l’affaire Stavisky. Le 6 février, la montée des extrémismes est réelle, tout comme l’antiparlementarisme, alimenté par ces scandales politico-financiers qui se succèdent. Tisser des liens entre nos deux siècles c’est, d’une certaine manière, une façon de conjurer le sort. Que dirait André Marie aujourd’hui, face à une crise qui n’en finit pas de nous faire vivre les répliques du séisme de 2008 et de faire boire aux


peuples d’amères potions, qui mènent, en particulier, à un accroissement invraisemblable des inégalités ? L’Histoire bégaiera-t-elle ? Saurons-nous, a contrario, faire de l’Histoire un arsenal et combattre ces tentations ? Les résultats des élections de ces derniers mois ont montré que, partout en France, cette tentation de l’extrême droite avait des résurgences de plus en plus palpables, de plus en plus dangereuses. C’est en sauvant notre modèle social, en préservant nos services publics, nos écoles, nos hôpitaux, que nous défendrons le mieux notre idéal, et que nous pourrons écarter ce danger. Célébrer la mémoire d’André Marie aujourd’hui c’est honorer la mémoire nationale, mais c’est aussi invoquer une figure de ce combat. André Marie a été l’un des artisans de ce modèle. Lui qui s’est battu sans relâche pour ces idées, lui qui a souvent défendu les droits des « réfractaires et des maquisards ». Reconnu comme l’un des phares du radicalisme, il a su imposer sa voix. Ce portrait, brossé à très grand traits, est bien incomplet. Bien sûr, il a pu lui aussi commettre des erreurs, voire s’entêter dans des postures, par exemple au moment de la guerre d’Algérie, ce qui le poussera d’ailleurs à la dissidence visà-vis de son parti. Mais ce que nous voulons retenir aujourd’hui, c’est l’action d’André Marie, résolument engagé, combattant, militant, élu, avocat – il n’a jamais cessé de plaider. Il a aussi, et cet effort est à saluer, été l’un des premiers à s’efforcer de faire adopter un projet de construction européenne. Figure du parlementaire avisé, défricheur de nouveaux territoires, personnalité recherchée pour son expérience, loué pour son appétit de progrès, il mérite d’être honoré par ses concitoyens. Encore une fois, je me réjouis de pouvoir lui rendre cet honneur à vos côtés. Je vous remercie.


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