Discours de Claude Bartolone sur la mission Engagement citoyen et appartenance républicaine

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CONFERENCE DE PRESSE De la mission de réflexion sur toutes les formes d’engagement et sur le renforcement de l’appartenance républicaine. Mardi 14 avril, 9h30, Salon des Stucs Mesdames et Messieurs, Je viens de remettre ce matin au Président de la République, François Hollande, mes soixante-et-une préconisations pour « libérer l’engagement des Français et refonder le lien civique », Il nous avait confié, au président du Sénat et à moi-même, cette mission de réflexion, afin de promouvoir « toutes les possibilités d’engagement », « pour les Français de tous âges ». Cet appel à la réaffirmation des valeurs fondatrices de notre communauté nationale s’inscrivait dans le prolongement du grand élan qu’ont représenté les marches républicaines des 10 et 11 janvier. Dans le contexte que vous connaissez, Gérard Larcher a considéré que nous ne pouvions pas conduire ensemble cette réflexion. Il ne m’appartient pas de revenir sur cette décision ni de la commenter. Nous avons donc remis ce matin deux rapports distincts et je le crois, très différents. J’ai choisi d’adopter une démarche concrète, participative et inclusive. L’objectif que j’ai donné à nos travaux était double : formuler des propositions concrètes, rapidement opérationnelles, tout en respectant une approche transpartisane. Je crois en effet que cet enjeu nous rassemble au-delà de nos appartenances car, ce qui se joue ici, c’est l’avenir de notre pacte républicain. Page 1 sur 6


J’ai considéré que je ne pouvais travailler seul ; j’ai donc souhaité m’entourer de députés issus de tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale. Je remercie particulièrement le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Patrick Bloche, pour sa participation active à la conduite de nos travaux. Je souhaite saluer l’esprit constructif dans lequel les députés issus de la majorité comme de l’opposition ont travaillé tout au long de ces deux mois. Nos débats se sont déroulés dans un climat apaisé. La plupart des propositions de ce rapport, fruits de discussions riches et qui n’ont jamais cherché à masquer nos légitimes divergences, font largement, je le pense, consensus. Mais j’assume sans fard, parce que le Président de la République, m’avait confié cette mission, que certaines d’entre elles ouvrent un vrai débat. C’est dans cet esprit transpartisan et d’ouverture que j’ai également décidé d’inviter les deux principales fondations politiques de notre pays, la Fondation Jean Jaurès et la Fondation pour l’innovation politique, à prendre part à cette mission. Je remercie Gilles Finchelstein et Dominique Reynié pour leur regard d’observateurs exigeants de la vie politique et des évolutions de la société : leurs contributions furent précieuses. Par ailleurs, parce que nous n’étions pas réunis pour produire un rapport hors-sol qui aurait additionné les élans nostalgiques

aux analyses idéologiques, j’ai

souhaité que nous puissions nous appuyer sur l’étude d’opinion réalisée, à la demande des fondations politiques, par l’institut Harris Interactive et que nous puissions accueillir lors de notre séance finale de restitution un panel d’une vingtaine de Français de tous horizons. Nous avons recueilli leur avis sur nos propositions à l’occasion d’une séance très stimulante dont les images seront

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prochainement en ligne sur le site de l’Assemblée nationale et des deux fondations. Pendant huit semaines, nous avons auditionné des acteurs de l’engagement, des responsables associatifs, sans exclure bien sûr le regard d’universitaires. Je me suis aussi rendu à trois occasions sur le terrain, dans les Pyrénées-Atlantiques, dans le Grand Lyon et dans le 19ème arrondissement de Paris et nous y avons entendu l’enthousiasme et l’envie des jeunes comme des adultes de participer à ce débat pour redonner de la chair au pacte républicain. Nous avons, ensemble, réfléchi à la manière de faire vivre les valeurs de la République en revivifiant la mobilisation et l’investissement de chacun. Je pense que nous avons réussi notre ambition d’ouverture. Je tiens à souligner, et je suis fier de le dire, que la majorité des mesures transmises ce matin au Président de la République, sont le fruit des échanges que nous avons eus, et sont directement inspirées par tous les citoyens qui ont le souhait de partager avec nous leur vision de l’engagement sous toutes ses formes. Je les remercie vivement. Notre ligne principale, c’est notre volonté de lutte contre ce qui mine la promesse républicaine et qui nourrit déceptions, démobilisations et replis. Notre mission était de répondre à une attente forte de notre communauté nationale. Il s’agit de redonner toute sa place à l’expression des citoyens engagés de tous âges, de tous horizons, afin de combattre la prédestination sociale. Nous devons réfléchir aux moyens d’empêcher coûte que coûte que des origines familiales, un lieu de résidence ou un handicap, ne mettent à l’écart des enfants de la République. Nos propositions sont nombreuses, car il n’y a pas une solution miracle. Si elle existait, elle aurait depuis longtemps été mise en œuvre. Mises bout à bout, elles constituent la base du service d’une société plus fraternelle et plus juste. Page 3 sur 6


De ces deux mois de réflexion, de débats, d’échanges, je retiens en particulier la fixation de trois grands objectifs. Tout d’abord, il est essentiel de soutenir et de renforcer l’exercice de la citoyenneté. Cette dimension, c’est celle de la participation des citoyens à la décision et au contrôle de l’action publique. C’est pour cette raison que je propose d’instaurer le vote obligatoire pour toutes les élections. Je suis fermement convaincu que l’expression de l’appartenance républicaine, c’est en premier le vote. Nous ne pouvons plus fragiliser nos élus et nos décisions par une participation intermittente. Le deuxième objectif concerne ensuite l’investissement de la jeunesse, et plus largement la promotion de l’engagement et de la valeur fondamentale qu’est la fraternité. J’ai été frappé, durant ces travaux, par le sentiment de malaise exprimé par la jeunesse, à la fois dans les territoires de la politique de la ville, et dans les territoires ruraux. C’est pour cette raison que je propose l’intégration d’une mission citoyenne de terrain obligatoire, de trois mois minimum, à l’ensemble des cursus de toutes les grandes écoles, publiques comme privées, commerciales, scientifiques, littéraires ou artistiques, et non plus seulement dans quelques établissements comme Polytechnique. Elle a initié cette pratique si importante à mes yeux parce qu’elle signifie que ce que l’école de la République produit de meilleur se met au service de tous. Par ailleurs, je propose la systématisation et la facilitation des démarches de validation des acquis de l’expérience, car nous devons reconnaître la valeur du travail bénévole et le faciliter . Enfin, je souhaite le développement de ce fabuleux terreau d’action et d’engagement qui existe en France ; le réseau associatif. Je veux faciliter la vie Page 4 sur 6


et le travail des associations pour leur redonner confiance. Je veux leur donner pleinement les moyens de leurs activités car elles sont essentielles au renforcement de la cohésion sociale. C’est pourquoi la mise en place d’un parcours d’engagement pour chaque bénévole me paraît fondamentale. Je propose la reconnaissance d’un statut associatif d’utilité civique qui leur permettra de bénéficier de dispositions fiscales, administratives et juridiques favorables. Je propose aussi d’accorder des droits à la formation et la validation de trimestres de retraite aux responsables d’associations d’utilité civique. Ces mesures permettront de rendre plus attractif l’engagement. Cette dernière idée, d’ailleurs, même si elle semble d’ores et déjà provoquer remous et inquiétudes, a déjà été formulée par le député Yannick Favennec en 2003 et de nouveau en 2013. Vous voyez bien qu’il ne s’agit pas d’une proposition partisane. Mais elle est très forte dans ce qu’elle signifie : l’engagement bénévole ce n’est pas un sous travail, uniquement parce qu’il serait bénévole. Son utilité sociale doit être prise en compte et reconnue. Les mesures que je viens d’énoncer, ainsi que toutes les autres formulées dans notre rapport, visent à lutter contre un mal ancien qui touche notre société. Je veux parler de cette ségrégation, sociale, éducative, professionnelle, ou encore spatiale, cette « assignation à résidence » qui relègue une partie de nos concitoyens à la marge de la République. Plutôt que de vouloir nous interroger de nouveau sur les conditions d’accès à la nationalité, travaillons à améliorer les conditions d’exercice de la citoyenneté et de mise en œuvre des principes républicains. Les politiques publiques doivent, en lien et en coordination avec les actions citoyennes, redonner de l’élan aux idées de coopération, d’engagement, de participation, de construction commune. Car sans politiques publiques fortes, Page 5 sur 6


sans un Etat et des collectivités locales au service de l’égalité de tous et de tous les territoires, l’engagement bénévole serait vain. Nous ne devons être ni défaitistes, ni pessimistes ni déclinistes. Les acteurs associatifs que nous avons rencontrés, de l’éducation, de la sécurité civile ou du sport, même inquiets, même fragilisés, nous ont transmis leur message de motivation. J’ai foi en la capacité de tous de redonner du sens et du contenu aux valeurs de la République. Nous ne devons jamais oublier que nous sommes tous les acteurs de notre destin commun. C’est pourquoi j’ai souhaité qu’il y ait un suivi régulier attentif, en lien avec l’exécutif, des mesures retenues et de leur mise en œuvre. Dans quelques jours, un calendrier théorique accompagnera nos préconisations, selon qu’elles nécessitent un texte législatif, réglementaire, ou une volonté politique publiquement affirmée. J’ai demandé à Patrick Bloche de bien vouloir suivre la mise en œuvre des réponses qui seront faites à ces préconisations. Pour conclure ces deux mois de mission, riches en rencontres, et sources de débats et de foisonnement d’idées, je souhaite redire que personne ne doit être exclu de la table de la République. J’espère qu’au-delà de ce rapport, nous saurons tous nous mobiliser pour que nos valeurs républicaines s’incarnent pour toutes et pour tous. Car j’insiste, encore une fois, si l’on souhaite que tous les Français s’engagent pour la République, il faut que la République dans son ensemble soit présente pour tous les Français.

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