Claude Bartolone - Discours - Outre-Mer - 31 Mai 2016

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Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale aux député(e)s et maires ultramarins Hôtel de Lassay, 31 mai 2016 Mesdames les Ministres, Mesdames, Messieurs les députés, Mesdames, Messieurs les maires ultramarins, Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir dans les salons de l’Hôtel de Lassay, vous les maires et député(e)s des outre-mer, pour témoigner de la reconnaissance de la République pour votre engagement au service du bien commun, dans ces départements, régions et collectivités ultramarines. Si les kilomètres, les océans, les montagnes et les climats nous séparent, vous êtes au cœur de la République. Au nom de la représentation nationale, je veux commencer par vous exprimer notre sentiment de fraternité, car c’est bien ce sentiment qui nous relie, qui nous unit. La fraternité, ce n’est pas seulement la solidarité due à vos territoires de par leur histoire et leur géographie. Cette ambition solidaire nous conduit bien évidemment à aller au-delà de la logique de « développement endogène » prônée par certains qui ne suffit pas à notre exigence d’égalité. La fraternité, ce n’est pas non plus uniquement considérer que les outre-mer sont un atout pour notre ensemble national, car aucun sentiment fraternel ne peut reposer sur la valeur de l’autre. Nos outre-mer ont des atouts, qu’il nous faut 1 / 7


développer car ils sont la clé de leur ouverture et de leur croissance. Mais ce n’est pas au nom de ces atouts, de ces zones économiques exclusives ou de ces ressources stratégiques, que nous aimons nos outre-mer. Non, nous les aimons car nous sommes les membres d’une même famille. La fraternité, c’est le lien de ceux qui croient au même idéal, à cette histoire commune que nous écrivons chaque jour. Vous qui représentez « ces morceaux de l’histoire de France qui palpitent sous d’autres cieux », comme les appelle en 1946 Paul Valentino, député de Guadeloupe, vous illustrez la diversité des visages de la France. Vous faites vibrer dans nos cœurs les maisons colorées de Saint-Pierre et Miquelon, les chants polyphoniques wallisiens, les senteurs d’Ylang-Ylang de Mayotte, les voiles au mouillage de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, les mets épicés et métissés de La Réunion, la biodiversité calédonienne, la biguine de la Guadeloupe, le rhum de la Martinique, les coraux de la Polynésie et l’immensité de la Guyane … Vos cultures, vos métissages, votre créolité ouvrent l’horizon des possibles de notre citoyenneté, car être Français de Pointe-à-Pitre, de Saint-Laurent du Maroni, de Moorea ou de Nouméa, si cela recouvre des usages de vie quotidienne différents, cela doit permettre de partager un même sentiment d’appartenance à la communauté nationale. Nous avons cette chance, que notre pays ne soit pas uniquement un hexagone, qu’il soit aussi un ensemble de territoires éloignés, avec leur histoire propre, leur voisinage, leurs enjeux. Soyons en fiers. * En cette année 2016, je ne peux m’adresser aux élus d’outre-mer sans évoquer l’idéal d’égalité qui nous anime collectivement. 2 / 7


Nous avons célébré en ce début d’année les 70 ans de la départementalisation des 4 « anciennes colonies », comme on appelait alors la Guyane, la Martinique, la

Guadeloupe

et

La

Réunion,

par

la

loi

du

19

mars

1946.

Loi défendue ici même, dans l’hémicycle de l’assemblée alors constituante, par vos illustres prédécesseurs, Aimé Césaire, Gaston Monnerville, Eugénie ÉbouéTell, Léon Lepervanche et Raymond Vergès. Cette loi marque non pas le commencement, car en réalité elle est déjà le résultat d’un processus, mais un premier aboutissement d’une démarche qui depuis n’a jamais cessé, celle de la quête d’égalité entre les territoires de notre République. Aimé Césaire la défend alors en ces termes : « La République a pensé que ces colonies, dont les habitants sont depuis longtemps citoyens français, devraient être appelées à bénéficier des lois que leurs élus au Parlement contribuent à faire ». Nous sommes clairvoyants : l’égalité ne s’est pas faite en une loi ; nous y travaillons encore, 70 ans après … Durant cette quatorzième législature, nous avons discuté et adopté de nombreuses lois pour améliorer les conditions économiques et sociales outremer. Il y a eu, entre autres, la loi de régulation économique des outre-mer, qui s’attaque aux prix pratiqués sur les denrées de consommation courante, dont l’initiative revient à Victorin Lurel. Puis celle régulant l’offre alimentaire outremer, que tu as également portée devant notre assemblée, cher Victorin, pour lutter contre les désastres causés par l’excès de sucre dans l’alimentation industrielle, sucre qui était alors plus présent dans les produits commercialisés outre-mer que dans ceux commercialisés, par les mêmes industries, ici. Il y a eu des textes adoptés, portant diverses dispositions, notamment pour nos collectivités du Pacifique, ou encore pour Saint-Martin, Saint-Barthélémy et Mayotte.

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Plus récemment, nous avons adopté en première lecture la proposition de loi de notre collègue Serge Letchimy, qui vise à donner plus de pouvoirs aux présidents de collectivités ultramarines pour représenter la France dans leur environnement régional. Le travail ne va pas s’arrêter, loin de là. Dans quelques semaines, le gouvernement devrait déposer auprès de notre assemblée un projet de loi relatif à l’égalité réelle des outre-mer, porté par George Pau Langevin et Ericka Bareigts. Au cœur de ces travaux, on retrouve, après la volonté d’intégration inspirant nos ainés au lendemain de la seconde guerre mondiale, celle de veiller à la traduction concrète de cette intégration. Ne pouvant abroger les distances physiques, le législateur tente de les compenser, dans le respect de notre constitution qui distingue les territoires devenus départements de ceux qui ont souhaité une autonomie plus forte, et donc un statut sur mesure. * Mesdames et Messieurs les élus, chers collègues, vous êtes venus jusqu’à la capitale à l’occasion du congrès des maires pour vous informer, pour chercher des réponses aussi. Car je sais que vos territoires sont confrontés à un certain nombre de défis. Ces défis sont tout d’abord institutionnels. Les collectivités que vous dirigez évoluent - leurs conditions d’exercice également - dans le cadre d’un dialogue avec l’Etat que vous souhaitez le plus juste possible. Parmi les défis qui se dressent devant vous, figure celui des violences qui émaillent certains de vos territoires, qui traduisent des tensions entre certaines parties de la population mais aussi des attentes fortes envers l’Etat. Ces agressions et ces exactions sont intolérables.

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Et je sais que le Gouvernement, à la demande du Premier ministre, a pris un ensemble de mesures pour mieux y faire face. Les racines de ce mal sont complexes, mais elles sont indéniablement liées aux difficultés économiques et sociales. C’est là notre plus grand défi, car il faut, sur un territoire souvent bordé par l’océan, faire en sorte que chacun ait des droits sociaux effectifs et une vie digne. Je salue à ce propos le travail de vos députés, qui, au sein de la représentation nationale, militent pour la reconnaissance des spécificités des outre-mer et pour la juste prise en compte de vos préoccupations. La santé figure parmi ces dernières, pour des raisons spécifiques à chacun de vos territoires, comme l’a mis en exergue notre collègue Monique Orphé, dans un rapport sur la santé dans les outre-mer. Enfin, la protection de votre environnement, notre bien commun, doit rester une de nos priorités car vos territoires regorgent d’une étonnante biodiversité et sont donc particulièrement vulnérables. Sur proposition du député Philippe Gomes, nous avions d’ailleurs organisé un colloque sur les récifs coralliens et le changement climatique, en décembre 2015, ici dans les locaux de l’Assemblée. Sur l’ensemble de ces sujets, vous pouvez compter sur le législateur pour adopter les mesures qui s’imposent, dans un dialogue constructif des pouvoirs avec l’exécutif. C’est d’ailleurs pour que les outre-mer soient pris en compte à leur juste mesure que j’avais demandé, dès mon élection à la présidence de l’Assemblée nationale en 2012, qu’une délégation aux outre-mer soit constituée, avec des députés ultramarins et métropolitains. Cette délégation a depuis, sous la présidence de notre collègue Jean-Claude Fruteau, beaucoup œuvré dans tous les domaines importants pour vos territoires.

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Enfin, nous aurons prochainement, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, l’occasion de montrer concrètement notre attachement aux outre-mer et d’adopter les crédits nécessaires à la mise en place de la politique gouvernementale. Comme chaque année, je présiderai personnellement la séance dédiée à ces débats. * J’ai évoqué la fraternité et l’égalité. Sans vouloir être comptable de nos valeurs républicaines je ne peux pas ne pas évoquer la liberté. Celle des femmes et des hommes qui peuplent vos territoires, et qui toujours ont eu le choix, soit de vouloir plus d’intégration, je pense par exemple aux Mahorais, soit de souhaiter plus d’autonomie, c’est le cas des Calédoniens. Cette liberté est au cœur du pacte qui nous unit, et qui unit toutes les familles. Un certain nombre de rendezvous sont pris dans les années futures, notamment en Nouvelle Calédonie, pour savoir de quelles règles et modalités l’avenir institutionnel sera fait. J’ai déjà eu l’occasion de dire, ici et là-bas, que l’Etat et l’Assemblée nationale seront aux cotés des citoyens et des élus de Nouvelle Calédonie pour préparer ces échéances. Je sais qu’un avenir commun et partagé en Nouvelle-Calédonie est non seulement possible mais à portée de main. * Liberté, égalité, fraternité : voilà les valeurs qui nous rassemblent et autour desquelles doivent se rassembler les Français. Des mots simples, mais qui doivent nous guider au présent et nous permettre d’écrire ensemble notre avenir.

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Mesdames, messieurs les maires et les député(e)s, je suis définitivement très heureux que nous puissions partager un moment, abolir un instant les distances qui au quotidien nous séparent. Prenons ce verre de l’amitié, qui va me donner l’occasion d’approfondir l’actualité de vos territoires !

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