Mesdames et Messieurs, Cher Philippe Guglielmi, Les cérémonies de remise de décoration sont faites de solennité républicaine et de retrouvailles amicales. Mais celle qui nous réunit aujourd’hui a une caractéristique supplémentaire : c’est une cérémonie familiale. Car si je devais répondre à la question « qu’est-ce que Philippe Guglielmi ? », je serais tenté de répondre : Philippe, c’est la famille… Qu’il soit dans sa maison de Moriani Plage ou dans les locaux de la fédération de Seine-Saint-Denis, qu’il soit au Grand Orient de France ou à la mairie de Romainville, qu’il soit attablé à la Closerie des Lilas ou, comme aujourd’hui, parmi ses compagnons d’armes en grand costume de Lieutenant-colonel d’infanterie, avec Philippe c’est toujours l’esprit de famille qui préside. Cet esprit, c’est celui qui fait ta vie cher Philippe, et par-là même un peu la nôtre. Pour retracer ton chemin, il suffit de se laisser guider par lui. Et d’observer tous les visages qu’il a pris. *** Philippe, c’est d’abord le petit-fils. Le petit fils qui a grandi entre le village corse de « Fortch » et la ville d’Antibes.
Le petit fils élevé par ce grand-père, qui lui inculquera les valeurs qui seront à jamais les siennes : l’honneur et la simplicité. Qui mieux que lui aurait pu te les transmettre ? Lui, le Combattant de 14. Lui le Résistant de 40. Lui le douanier, qui sous l’occupation, fit de son métier celui d’un passeur de liberté. Lui, le simple soldat élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur.
*** Les combats menés par ton grand père, l’honneur et la simplicité, tout te destinait à embrasser la carrière militaire. Et pourtant… tout a failli déraper… Car ce qu’il ne vous dit pas – lui le farouche laïcard, lui le libre penseur revendiqué – c’est qu’adolescent il a longtemps hésité entre l’armée et… le petit séminaire ! Pour le coup, il faut reconnaître que quand tu fais un choix tu ne le fais pas à moitié… Entre le rouge et le noir, entre l’uniforme et la soutane, tu décides finalement, à 18 ans, de t’engager au service de notre pays. Deux raisons motivent alors ta décision. Tout d’abord, un goût prononcé pour l’aventure, une envie de parcourir le monde, de partir loin de la France vers des contrées sauvages et ensoleillées. Force est de constater, qu’à l’époque, tu n’as pas encore le compas dans l’œil !
Puisque loin d’être envoyé à l’autre bout du monde, tu te retrouves un an plus tard, à Verdun, en plein hiver, sous la neige, dans le calme le plus total, avec l’ennui pour seule activité… La deuxième raison qui motive ton engagement est moins romanesque : tu veux simplement échapper aux bancs de la faculté. Une fois de plus tu as le nez creux… Puisqu’à peine engagé, arrivé parmi les premiers de ta promotion, on décide de t’envoyer à l’Ecole militaire de Saint-Maixent pour que tu puisses avoir la chance … d’étudier ! Heureusement pour le jeune homme que tu es, les études ne durent qu’un temps, et rapidement tu rejoins les groupes commandos de l’armée. Le visage du petit fils de « Fortch » cède progressivement la place à celui du frère. ***
Car Philippe, c’est bien évidemment le frère. D’abord, le frère d’armes. Cette fraternité qui lie tant d’entre vous dans cette salle. Cette fraternité qui nait bien souvent dans l’adversité. Cette adversité tu l’as connue, toi le soldat de la France, qui partit en 1984 au Liban.
Toi qui fût blessé dans une embuscade au sud de Beyrouth, à l’entrée de la ville de Damour, qui n’avait de doux que le nom. Toi qui décida malgré cet événement, de ne pas repartir mais de continuer à côté de tes compagnons le combat pour le maintien de la paix.
Ces mois passés au Liban tu ne les oublieras jamais. Tu y as découvert tant de choses. Certaines terribles. D’autres merveilleuses. Comme la solidarité militaire et l’amitié par-delà les Nations. Car Membre de la Force intérimaire des Nations unies, tu travailles en zone chiite aux côtés d’hommes et de femmes provenant de près de 17 pays différents.
Casque bleu, travaillant en zone de conflit, veillant au quotidien au maintien de la paix et travaillant aux côtés de personnes de 17 nationalités différentes qui ont chacune leur idée sur la bonne stratégie à adopter : autant dire que tout te prédestinait à venir t’occuper des socialistes de la Seine Saint Denis !
Mais en attendant, tu poursuis ta longue carrière au sein de l’armée, que ce soit au sein de l’inspection de l’infanterie, ou en tant que directeur des ressources humaines, ou bien encore comme commandant d’unité d’infanterie. La distinction qui t’est remise aujourd’hui, cher Philippe, vient également saluer cet engagement de trente ans au service de la France. Cet engagement que tu portes sur ton uniforme, où chaque insigne est la marque d’un fantastique amour de notre pays, de ses valeurs et de ses habitants.
Qui n’a pas vu Philippe Guglielmi en uniforme, transfiguré en soldat héroïque, ne connaîtra jamais véritablement Philippe... Cet engagement, comme tout militaire, tu ne t’en es jamais défait. Réserviste opérationnel, tu es aujourd’hui coordonnateur régional des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté. A travers cette fonction tu conjugues ton engagement militaire et ton action en faveur des jeunes de nos quartiers.
Philippe, c’est aussi le frère spirituel. Son magistère est d’ailleurs réputé sans limite. A tel point, qu’à force de le fréquenter, je me suis vu attribuer dans un récent article du Nouvel Obs la qualité de franc-maçon, alors que je ne l’ai jamais été. Mais qu’on soit ou non franc-maçon, tout le monde connait l’action que tu as menée à la tête du Grand Orient de France. Tu as tout fait pour stabiliser ton obédience et pour favoriser les rapprochements avec celles qui défendent une liberté absolue de conscience. Casque bleu, 1er fédéral de Seine Saint Denis, Grand maître du grand Orient de France : à croire que tu aimes vraiment les ennuis ! Plus sérieusement, tu as toujours défendu une certaine idée de la francmaçonnerie : une franc-maçonnerie initiatique, républicaine et progressiste. Une franc-maçonnerie à l’image de tes engagements. Une franc-maçonnerie qui te ressemble, et à laquelle, tu ressembles. *** Philippe, c’est aussi le père.
D’abord et par-dessus tout, le père d’Anne-Sophie et d’Antoine dont tu ne cesses de parler et que tu aimes tant. Grâce à toi, j’ai découvert que le père Corse n’avait rien à envier à la mère tunisienne ! Mais même là, tu sais faire preuve d’une grande ouverture d’esprit, puisque toi le militant, toi l’élu socialiste, tu acceptes que tes deux enfants aillent suivre leurs études de droit à l’Université d’Assas, qui, comme chacun le sait… est un véritable bastion du gauchisme dans notre pays…
Mais tu es aussi un père pour la section de Romainville, où tu fais là aussi régner un véritable esprit de famille. Là-bas, tu protèges et tu défends. Tu écoutes et tu comprends. En bon père de famille, tu veilles sur tes enfants même lorsqu’ils sont assoupis. Car qu’on se le dise : lorsque tout le monde dort, Philippe, lui, pense et écrit. Comme la petite souris il passe pendant votre sommeil. Vous découvrez ainsi au matin, sur votre ordinateur, des mails envoyés à des heures insolites : 1h 15, 3h 18, 4h 26. Pas de simples messages. Non. Des mails de plusieurs pages, toujours très bien écrits, dans lesquels il informe, ordonne, rabroue ou félicite. Bien évidemment, l’écrit n’est pas le seul mode d’expression de Philippe. Lorsque le sujet est particulièrement sérieux, lorsqu’un choix s’impose, la procédure est strictement définie.
Vous êtes convoqué à déjeuner à La Closerie des Lilas : aucun échappatoire possible. Mais si le sujet est grave et la décision potentiellement fatidique, alors vous êtes sommé de vous présenter à La Villa Corse, autre restaurant située sur la rive gauche de Paris. Alors un conseil si vous recevez une invitation pour la Villa corse : fuyez, il en va de votre survie ! *** Philippe, c’est aussi le mari. Le mari de Flora. Ensemble vous êtes la preuve que l’amour résiste à tout, au mariage comme au divorce ! Et que la famille est le meilleur rempart contre toutes les épreuves de la vie. Mais si tu es un mari, cher Philippe, j’ai pour ma part la chance d’être ton témoin. Du moins, le témoin de ton mariage politique ! Il faut dire que j’ai mérité mon titre. Car pour le devenir, je ne me suis pas économisé. Tour à tour diplomate et entremetteur, que de temps j’aurais passé avant de réussir à rapprocher Philippe Guglielmi - le Corse fier et infatigable - et Corinne Valls, la perpignanaise, hiératique, fille de républicains espagnols, acharnée de travail. Il faut dire que tout avait très mal commencé : puisque candidat en 2001 sur une liste dissidente, tu sièges d’abord dans l’opposition au conseil municipal de Romainville. Avant de devenir quelques années plus tard, le Premier adjoint au côté de notre amie Corinne.
Ce n’est d’ailleurs qu’un seul des nombreux mandats que tu te verras confier dans ta vie : député suppléant, conseiller régional, Président de l’agence régionale numérique, Vice-président de la communauté d’agglomération Est ensemble. La liste n’est pas finie… Une chose est sûre, elle reflète, elle aussi, ton engagement pour notre pays. *** Philippe, c’est le Père mais également la mer. Pas n’importe laquelle : la méditerranée. C’est elle qui t’a donné ton caractère. Caractère méditerranéen auquel – bizarrement - j’ai réussi à bien m’adapter ! Cette mer, c’est elle qui t’a donné cette voix chaude et cette grande générosité. C’est aussi grâce à elle, que tu fais régner partout cet esprit de famille que nous venons d’évoquer. Une famille où l’on se dit tout, où l’on s’entraide et où l’on respecte la parole donnée. Une famille où l’on rit et où l’on ne cesse de s’aimer. Cette mer, c’est aussi celle qui encercle ton île, où tu passes quoi qu’il advienne deux mois de l’année. Car soyez en certains : même si Philippe venait demain à être appelé au gouvernement par le Président de la République, il poserait comme condition préalable à tout accord, de pouvoir résider du premier jour de juin au dernier jour d’août dans sa maison de Moriani plage ! Si d’ailleurs il vous prenait l’idée de partir un jour à l’improviste en Corse, méfiez-vous, vous courez un grand danger...
Si Philippe apprend que vous êtes passé et que vous n’êtes pas allé lui rendre visite, vos jours sont comptés ! En revanche si vous passez le voir, vous pourrez constater que Philippe est tout aussi attaché à son village et à ses habitants qu’à ceux de Romainville. Avant de déjeuner en famille, vous aurez d’ailleurs pour obligation de l’accompagner faire une promenade, au cours de laquelle vous irez saluer le restaurateur, le boucher, le boulanger, l’hôtelier, l’épicier… Puis à nouveau le restaurateur, le boucher, le boulanger, l’hôtelier, l’épicier… Autant de dire que votre repas, vous l’aurez mérité !
Cette Corse chaleureuse et magnifique, tu la portes en toi cher Philippe. Même lorsque tu l’as quittes pour rejoindre le continent. Tu ne cesses de la vivre et de la chanter. D’ailleurs, quand tu t’installes dans les années 80 près de Paris, tu soignes ton mal du pays en interprétant des polyphonies à la « casa di u populo corso », à Issy-les-Moulineaux. Il faut dire que tout le monde adore cette voix extraordinaire. Cette voix dont a hérité ton fils Antoine. Et qu’il n’hésite pas parfois, lui aussi, à faire vibrer. *** Philippe, c’est aussi le fils. Le fils des Lumières. Philippe c’est ce lecteur infatigable et insatiable, qui dévore sans prétention mais toujours avec passion, les œuvres des plus grands noms de la philosophie.
Quelqu’un qui a fait sienne la devise des Lumières, « sapéré audé », ose savoir, aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Ces philosophes de Platon à Heidegger, tu n’as jamais prétendu maitriser à la perfection leurs écrits, mais ils t’accompagnent au quotidien dans tes réflexions, dans tes actions, et dans ta vie. Philippe tu es un homme de culture. Tu es un homme cultivé au sens que la philosophe Hannah Arendt donnait à ce mot : « quelqu'un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé ». Et je ne dis pas ça parce que nous sommes tes amis ! *** Mais par-dessus tout, Philippe, c’est l’enfant de la République. En enfant modèle, tu n’as de cesse de veiller sur cette douce mère et sur ses valeurs : liberté, égalité, fraternité. Et une qui t’es plus particulièrement chère : laïcité. Car tu n’oublieras jamais ce que tu as vu au Liban ; le visage de la haine religieuse et ce à quoi elle peut mener. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si tu as a décidé d’intituler le livre dans lequel tu relates cette expérience : « Vive la république ». C’est pour toi à la fois une réponse et un engagement. *** Philippe, comment terminer maintenant ce discours si ce n’est à ta manière – c’est-à-dire par une citation !
Alors voilà la mienne, je la tiens d’un homme des Lumières, d’un homme qui te ressemble, d’un des pères de la Corse, qui je crois t’es particulièrement cher : Pasquale Paoli. « Avant de dire qu’il y a de la grandeur dans un peuple, il faut attendre qu’il ait subit l’épreuve de l’adversité. Pour les nations comme pour les individus le véritable héroïsme consiste dans le sacrifice de soi ». Pour ton courage, ta générosité, ta capacité à affronter l’adversité – qu’elle ait pour nom la guerre ou la maladie – je crois que je peux dire, cher Philippe, qu’il y a en toi de l’héroïsme. Cet héroïsme c’est celui qui fait que notre grande famille est belle, et que notre République est grande. Alors cher Philippe Guglielmi, Au nom du Président de la République nous vous faisons Officier de l'Ordre national du Mérite.