Mes chers Amis, Mes chers Camarades, C’est en prononçant ces deux jolis mots que je souhaite m’exprimer devant vous, au moment où s’ouvrent vos journées parlementaires. L’amitié et la camaraderie. La fraternité, même. Des mots dont je regrette qu’ils se perdent quelquefois à l’épreuve du pouvoir et des difficultés qu’il engendre. Et pourtant… Et pourtant, que serait le rassemblement de la gauche et des écologistes sans l’amitié, la camaraderie et la fraternité nouées entre des courants de pensée que tout rapproche ? Tout nous rapproche. Bien sûr, chère Emma, tu le sais bien, socialistes et écologistes, nous avons des différences, et il ne s’agit naturellement pas de les taire ou de les nier. Le rassemblement de la gauche et des écologistes, ce n’est pas la gémellité ! L’unité politique, ce n’est pas le clonage ! D’ailleurs, si nous étions semblables, nous serions militants de la même organisation politique ! Et nous savons même que dans nos propres mouvements, ce ne sont pas les débats qui manquent ! Ce qui nous rapproche, c’est une philosophie ; c’est la volonté de bouger la société ; c’est le refus de quelque pensée unique que ce soit. 1/14
Ce qui nous rapproche, c’est la conviction que la culture de la réussite, ce n’est pas le culte de l’argent ; c’est la détestation de toute forme de rejet de l’autre. Ce qui nous rapproche, c’est la capacité à voir plus loin que les limites de nos frontières ; c’est cette attention portée pas simplement au temps présent, mais au jour d’après.
L’an passé, déjà à vos côtés, je louais notre alliance d’amour, de raison et d’avenir. Je revendiquais même « l’alter-réformisme » comme ciment de notre union, c’est-à-dire cette idée qu’un autre monde est possible par le recours à la réforme progressive, et qu’il nous faut réconcilier, dans notre esprit et dans celui des Français, le mot réforme avec le mot progrès. Vous me direz : depuis un an, de l’eau a coulé sous les ponts… Quelquefois même un peu d’acide… Suffisamment pour que nos routes divergent quant au fait de gouverner ensemble. Mais jamais, je dis bien jamais, je ne me résoudrai à la désunion entre nous. Et s’il doit rester un seul socialiste qui croit en cette idée, eh bien je serai ce socialiste-là ! Parce que je crois en la puissance de notre rassemblement. Et parce que je sais qu’il est la clé du succès de ce quinquennat et de la réussite du pays. Ce rassemblement, nous le devons aux Français, et singulièrement aux plus fragiles, à ceux qui souffrent des inégalités sociales, environnementales,
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éducatives, territoriales. A ceux qui voient un nouveau monde émerger, sans savoir s’ils y auront une place, un rôle, une dignité. Nous avons vocation à gouverner ensemble. *** - La droite se dit de retour. Elle s’agite. Elle nous ressert ses mouvements d’épaules et ses coups de menton. J’invite d’ailleurs tous ceux qui stigmatisent nos soi-disant schismes, à suivre les débats qui se tiennent et se tiendront entre Messieurs Sarkozy, Fillon et Juppé… Et lorsque l’on constate la clémence de certains responsables de droite à l’égard des thèses de l’extrême-droite, il faudra bien que ceux qui se revendiquent du camp des républicains aient le courage de prendre leurs distances, et que nous ayons la force de les écouter. - Le Front national, ce parti de la haine et de la honte, est là et bien là. Raciste comme avant ; rusé comme jamais. Et à mesure que nous voyons les uns et les autres s’organiser, se préparer, nous devons assumer l’impérieux devoir de nous rassembler. Moi, je n’accepte pas l’idée que le seul héritage que l’Histoire reconnaitrait à ce quinquennat, serait d’avoir permis le retour du « président du Fouquet’s », ou pire encore, l’arrivée des légataires universels de Pétain et de Maurras à la présidence de la République française. Je refuse tout autant que nos collectivités locales, nos départements, nos régions, tombent dans l’escarcelle de la droite ou de l’extrême-droite, simplement parce 3/14
que nous n’aurions pas su avancer ensemble. Sachons garder cela à l’esprit à la faveur des prochaines échéances électorales. Mais notre rassemblement, il n’est pas là simplement pour contrer. L’union des « anti » est toujours un ciment friable.
Non, je crois au contraire que nous devons savoir nous rassembler autour d’une ambition qui doit être celle de la session parlementaire qui débute, et au-delà, de la seconde partie de la législature : réparer et préparer. Réparer, mes chers amis. Réparer d’abord nos finances et notre appareil de production. Ce n’est pas une fin en soi, je suis le premier à le dire, mais c’est un précieux préalable. Si nous voulons redistribuer les richesses – et c’est notre horizon commun – encore fautil être capable de les créer. C’est l’enjeu du pacte de responsabilité porté par le président de la République. On peut débattre de tout, notamment de l’endroit où placer le curseur entre ce qui doit revenir aux entreprises et ce qui doit revenir aux ménages, mais le redressement de notre économie est indispensable. Sans cela, nous perdrons des pans entiers de notre souveraineté et de notre capacité à générer du progrès social. Réparer aussi les outils de l’égalité républicaine, quand on sait dans quel état 10 ans de droite ont laissé notre Ecole, notre système de santé, notre tissu associatif,
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nos services publics de proximité, nos quartiers populaires, nos campagnes déshéritées. Je vous le dis du fond du cœur, chaque épopée de la gauche au pouvoir a été l’opportunité d’une lutte contre les inégalités. Quelles que soient les circonstances, quelles que soient les entraves, la mission historique de la gauche durant ce quinquennat, sera de faire reculer le facteur chance pour promouvoir le facteur égalité. La lutte contre la reproduction des élites doit véritablement devenir une cause républicaine. Réparer, mais aussi préparer. Nous ne sommes pas la gauche « à la petite semaine », et nous avons été élus pour transformer la société, cheminer avec elle. Parfois même la prendre de vitesse. Je pense notamment aux questions que l’on dit « de société » mais qui, toujours, épousent la question sociale. Si nous, socialistes et écologistes, ne les prenons pas à bras-le-corps, qui d’autre le fera ? La droite, elle, n’en veut pas. La société bloquée, cela lui convient très bien ! Si l’on pouvait même rembobiner l’Histoire, cela la comblerait davantage encore ! Alors, nous avons une responsabilité singulière. Nous n’accomplirons sans doute pas tout dans ce quinquennat, mais au moins, efforçons-nous de poser des jalons, d’ouvrir des perspectives. Déjà, nous avons voté cette grande loi du mariage pour tous. Après des années de tergiversations, on peut enfin se dire je t’aime devant Monsieur ou Madame 5/14
le Maire, quel que soit son être sentimental et sexuel. C’est un progrès, mais il faut aller plus loin. La question de la procréation médicalement assistée n’est pas une fantaisie ; elle concerne le bonheur de nombre de nos compatriotes. Avançons. La question de la fin de vie se pose à toutes les familles. Il est temps, dans la plus grande sérénité, d’y apporter des solutions. Une chose est sûre, nous ne pouvons pas attendre 3 points de croissance et l’éradication du chômage avant d’intervenir sur les questions que pose notre époque. Préparer, c’est aussi s’engager sans réserve dans la transition écologique. Chère Cécile, tu aimes m’entendre prononcer cette phrase… et moi… j’aime te faire plaisir. Alors je vais la répéter : on peut vivre avec 4% de déficit, pas avec 4 degrés de plus. Que dirions-nous aux générations qui viennent si par malheur elles étaient amenées à nous reprocher notre légèreté, notre désinvolture ? Que nous n’étions pas prévenus du péril du dérèglement climatique ? Nous le sommes. Que nous n’avions pas d’alternative technique à nos façons de produire et de consommer ? Elles existent. Que nos compatriotes ne voulaient pas que l’on agisse ? Ils l’espèrent.
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Socialistes et écologistes, nous sommes dépositaires de la transition écologique. Dépositaires aussi d’une certaine philosophie – et j’y tiens. Le processus de transition énergétique, ce n’est pas subordonner la question sociale à la question écologique. Ce n’est pas l’inverse non plus. C’est faire en sorte que l’une se nourrisse de l’autre. Parce que le combat écologique, c’est d’abord un combat au nom des humbles – qui sont précisément les premières victimes des inégalités énergétiques. Ce n’est pas un hasard si j’ai souhaité que l’Assemblée nationale s’empare de ce débat en tenant chaque mois ses « mardis de l’Avenir », à la fois pour produire de la réflexion collective, mais surtout pour mettre autour de la même table des acteurs qui souvent ne se parlaient pas. Nous fondons tous beaucoup d’espoir dans la loi de transition énergétique, et vous en débattrez longuement aujourd’hui. Le parlement devra jouer tout son rôle. Rendez-vous est pris. Préparer, c’est aussi s’engager dans la mère de toutes les batailles : la bataille européenne. Parce que nous sommes des Européens ardents, nous sommes des Européens exigeants. L’Europe, ce ne peut être un simple corpus de règles comptables et de sanctions disciplinaires. Le jour où elle devient cela, il n’en reste plus rien. La grande aventure de cette décennie sera de retisser le lien entre l’Europe et ses peuples qui espèrent. Et qui mieux que nous pour le faire ?
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Alors, confrontons, sans hystérie mais sans complexe, notre point de vue à celui des droites : - Affirmons que nous refusons l’étau de l’austérité qui étouffe les Européens et interdit toute reprise possible. - Disons combien nous attendons de l’Europe un grand projet fait d’investissements dans la transition énergétique et de grands travaux dans les infrastructures. - Exprimons notre volonté que l’Europe s’impose comme un acteur social – oui, social – agissant particulièrement sur l’emploi des jeunes. C’est de là que naîtra le compromis indispensable à faire tourner à plein régime le précieux moteur franco-allemand. Préparer, et j’en termine, c’est enfin revisiter des institutions à bout de souffle, qui ne font que trop peu de cas de la démocratie parlementaire. Et ce n’est pas Barbara et François qui me contrediront. Ni toi, cher Jean-Vincent, qui vit cela depuis le Sénat. Toutes les réformes de modernisation possibles et imaginables ont été menées depuis deux ans. Bien d’autres sont en marche. Mais je le dis très simplement : à institutions constantes, à Constitution égale, nous n’arriverons pas à enfanter le renouveau démocratique que nous appelons de nos vœux. C’est cette année ou jamais que ce débat doit s’imposer. L’Assemblée nationale en sera, je le souhaite, l’avant-garde éclairée. En l’espèce, n’ayons aucun tabou. Nulle question ne saurait être évacuée par principe. Ni celle du nombre de parlementaires. 8/14
Ni celle de la conservation de deux têtes de l’exécutif. Ni celle encore de la proportionnelle. J’aurai, dans les prochains jours, de nombreuses occasions de m’attarder sur ces sujets que je crois essentiels à la marche en avant de notre démocratie. *** Chers Amis, Rassembler. Réparer. Préparer. Voilà selon moi les trois sésames qui peuvent nous ouvrir les portes d’une législature réussie. Réussie, pas simplement parce que nous serions réélus – je ne dis pas non ! – mais parce que nous aurions laissé une « trace »… Oui, nous aurions laissé une trace… Et à quoi bon faire de la politique et prétendre gouverner la France si nous n’aspirons pas à laisser une trace ? A nous de faire en sorte qu’elle s’inscrive dans ce vaste projet social, économique et environnemental, que je résumerai à la social-écologie, et que nous aurons à présenter devant les Français. Je vous remercie. 9/14