Vers une véritable union économique et monétaire ? Colloque du 3 juin 2015 Discours de clôture du Président de l’Assemblée nationale, M. Claude Bartolone Monsieur le Ministre, Monsieur le Président du Parlement européen, cher Martin Schulz, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs, Je suis heureux d’être parmi vous ce soir, pour clore ce colloque important. C’est un plaisir à plusieurs titres. D’abord parce qu’il a porté sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, chacun le sait. Et en particulier la Fondation Jean Jaurès, qui a publié mon plaidoyer pour l’Europe. Un plaidoyer dans lequel j’appelle à prendre la mesure de l’ « urgence européenne ». Ensuite parce qu’il me permet de constater que les choses avancent ; que les députés, de plus en plus mobilisés, souhaitent donner l’impulsion ; et qu’ils le font dans l’unité, qu’ils soient européens ou nationaux. *** Le défi est clairement identifié. Il s’agit d’abord pour l’Europe, de bâtir les fondements d’une Union économique et monétaire véritable, c’est-à-dire : 1
- un cadre global qui permette de tracer des objectifs précis pour la zone euro dans son ensemble, y compris sur le moyen et le long terme, - un cadre dans lequel les politiques budgétaires seraient réellement coordonnées à la lumière de ces objectifs, - un cadre dont la gouvernance serait cohérente et compréhensible de tous, plus démocratique et plus transparente. Il faut donc commencer par sortir des réflexes de court terme, de la superposition de règles inachevées et des sommations irréalistes. Il s’agit ensuite de mieux équilibrer les politiques économiques européennes, c’est-à-dire de ne pas découpler les impératifs d’équilibre budgétaire / des ambitions sociales qui sont les nôtres pour l’Europe. Pour une Europe plus juste et plus solidaire, il faut toujours donner la priorité à la croissance et à l’emploi ; il faut donner la priorité à l’investissement. Sur ces deux chantiers, la finalité est de redonner confiance dans le projet européen. Nos concitoyens s’en détournent, que ce soit par leur indifférence ou par une défiance de plus en plus assumée. C’est là une préoccupation à laquelle nous n’avons pas encore su répondre. Pourtant, chaque jour porte son lot de remises en questions, en Grèce comme au Royaume-Uni, en Espagne comme en Allemagne. Les critiques que l’on y formule contre l’Europe sont moins éloignées qu’on voudrait le croire : derrière chacune d’entre elle, il faut tout simplement voir un appel à la réforme.
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*** Parlons ensuite de la méthode, et en particulier du rôle qui nous revient, en tant que parlementaires. Je veux rendre hommage au travail accompli à l’Assemblée nationale par les députés des Commissions des Affaires économiques, des finances et des Affaires européennes, et par leurs collègues du Parlement européen. Ces travaux sont indispensables à la production d’intelligence collective, ils sont utiles à nos gouvernements, ils répondent à l’esprit démocratique qui a toujours animé l’Europe. J’en profite pour féliciter Madame Pervenche Berès et ses collègues de la Commission des Affaires économiques et monétaires, pour le projet de rapport précieux et fourni qu’ils ont rédigé. Les pistes qui y sont identifiées orienteront les discussions des Chefs d’Etat et de gouvernement au prochain conseil européen : puissent-ils prendre des mesures concrètes, à la mesure des enjeux et des attentes de nos populations. Très concrètement, il est essentiel que le calendrier européen soit mieux adapté, pour permettre des échanges réels, entre Commission et Parlement européen, entre Commission et Etats membres, entre gouvernements et parlements nationaux. *** Par méthode, j’entends aussi qu’il nous faut nous engager, chacun à notre niveau, à prendre nos responsabilités. 3
Nous autres, élus français, devons mieux parler d’Europe à nos concitoyens, en toute transparence et en toute sincérité. Nous devons nous mobiliser davantage dans l’hémicycle lorsqu’il est question d’Europe et, tout en demandant à la Commission de nous écouter et de nous informer, nous devons aussi l’exiger plus fermement de notre propre gouvernement. C’est une conclusion à laquelle conduit naturellement le constat de la diversité des cultures politiques en Europe. Il est des pays où le gouvernement ne négocie pas sans mandat du Parlement. Cela conforte le gouvernement dans sa position à Bruxelles, responsabilise le Parlement national, et évite à l’Union européenne d’apparaître injustement responsable des décisions qui sont prises dans ses domaines de compétence. A l’Assemblée nationale, nous voulons prendre ces partenaires comme modèles. A notre demande, le gouvernement a accepté de se livrer à un exercice inédit : celui d’auditionner les ministres avant les Conseils de l’Union européenne. Il faudrait encore aller plus loin, mais c’est une avancée non négligeable. D’un autre côté – et je me tourne amicalement vers Martin Schulz – il me semble que le dialogue doit être plus direct et régulier entre les députés européens et les députés nationaux. Leurs légitimités ne sont pas exclusives l’une de l’autre ; au contraire, elles se renforcent mutuellement. C’est seulement lorsque cette communauté d’intérêt entre parlementaires sera assumée que nos concitoyens voudront bien croire en notre attachement à la démocratie européenne.
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Monsieur le Président, nous étions ensemble à Rome, fin avril. Une fois de plus, nous avons essayé de faire aboutir un règlement intérieur pour la conférence « article 13 », prévue par le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance. Une fois de plus, nous avons échoué. Je me suis réjoui que les Parlements européen, allemand et français se soient enfin rapprochés. Mais quelle frustration de ne pouvoir trouver un consensus, sur un texte dont l’ambition est somme toute très modeste, puisqu’il ne nous donne aucune capacité de contrôle effective ! Quel comble que les Parlements nationaux deviennent un frein à leur propre renforcement ! *** Monsieur le Ministre, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs, Le colloque d’aujourd’hui résulte de l’engagement réel et connu de quelques parlementaires. Je forme le vœu qu’il augure un changement de fond dans les perceptions et les agissements de tous les parlementaires nationaux et européens, et qu’il inspire rapidement nos gouvernements. Je vous remercie.
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