Bulletin Rivières en péril 59

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Bulletin d’infos Avril 2012

n°59

Rivières en péril Belo Monte : Raoni ne baisse pas les bras.

Sommaire 1. Barrage géant de Belo Monte : Raoni ne baisse pas les bras. 2. Renouvellement des concessions sur le Dordogne : repenser le modèle. 3. Aqua Domitia : l’eau du Rhône sous tuyaux ? 4. Fonds pour la Conservation des Rivières Sauvages : un lancement réussi. 5. Participez à la transition énergétique : souscrivez des actions citoyennes !

« Homme, n’oublie jamais qu’un fleuve est une vie »

Bernard Clavel

Raoni, le vieux chef indien qui coordonne l’opposition au projet de gigantesque barrage sur le Xingu, un affluent de l‘Amazone dans l’Etat du Para, n’a pas l’intention de baisser les bras, même si la Cour suprême du Brésil vient de rejeter le dernier recours déposé par les tribus menacées par le colosse de Belo Monte, qui devrait être construit sur leur fleuve, sur leurs terres, au cœur de leur culture. Le vieux guerrier a passé ses vingt dernières années à dénoncer la démesure des constructeurs de barrages géants, qui ont déjà beaucoup dévoré. Itaipu avait englouti, sous la protection de 80 000 soldats, le canyon de Gayara et 1400 km2 de la vallée du Parana ; Balbina avait étouffé 2360 km2 de forêt ; Tucurui, 2440 km2. Le chef des Xiprin Kayapo a réussi à ralentir le saccage de 1500 km2 de forêt supplémentaire, dans un pays comme saisi par une ivresse sans fins de travaux titanesques. Belo Monte, de 6 km de large, serait le troisième plus grand barrage du monde, celui des Trois Gorges, en Chine, menant la course à l’abîme. Construit sur le Xingu, il forcerait 20 000 personnes, indiens et paysans pauvres, à quitter leur terre. Avec 11 233 MW installés, pour un coût de 17 milliards de dollars, financé par la Banque Nationale de Développement Brésilienne, il servirait d’abord les intérêts de l’industrie minière : fer, cuivre, bauxite, nickel. Belo Monte détournerait 80 % du débit du Xingu, avec un canal de dérivation de 80 km de long, l’équivalent du canal de Panama au milieu de la forêt (La baleine n° 168 Les Amis de la Terre). Des études montrent que les arbres noyés émettront des quantités considérables de méthane et de protoxyde d’azote (un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO2) et de nombreux travaux, dont ceux de la Commission Mondiale sur les Barrages (2000) alertent sur les émissions de gaz à effet de serre des barrages tropicaux. Ne laissons pas Raoni seul. Ne laissons pas piller le Xingu, la forêt amazonienne. Il existe des alternatives : une étude de 2007 montre que le Brésil pourrait réduire sa demande en électricité de 40 % d’ici à 2020 s’il investissait dans l’efficacité énergétique. La petite hydraulique, bien conçue, peut répondre à beaucoup de besoins vitaux. Et il existe d’autres sources d’électricité renouvelable. L’étude du WWF (100 % d’énergie renouvelable d’ici 2050) a montré que, d’ici à 2050, il était possible de faire face aux besoins en énergie renouvelable sans couvrir de grands barrages les derniers fleuves libres. Les grands barrages causent des dégâts irréparables aux écosystèmes d’eau douce. Ils ne sont pas vertueux simplement parce qu’ils produisent une électricité renouvelable. Nous devons stopper le barrage de Belo Monte. Aidez-nous. Rens. Planète Amzone Gert-Peter Bruch, contact@raoni.fr Signez la pétition : raoni.fr/signature-petition-contre-belo-monte.php

Renouvellement des concessions sur le Dordogne : repenser le modèle. Comme c’est le cas pour plusieurs autres grandes installations hydroélectriques françaises, la concession d’exploitation de la chaîne des grands barrages de la haute Dordogne va très prochainement être renégociée dans un nouveau cadre d’ouverture à la concurrence. Les enjeux sont considérables. Sur le plan de l’énergie d’une part, car la chaîne Dordogne représente à elle seule plus de 5% de la puissance hydroélectrique française. Mais aussi sur le plan environnemental puisque la chaîne impacte un linéaire fluvial de plus de 250 km et qu’elle affecte l’écologie de plus de 21 espèces piscicoles, dont le Saumon atlantique sur lequel porte un plan de restauration. Conscients de la nécessité de faire évoluer des règles de fonctionnement obsolètes, élaborées dans les années 1950, les acteurs du bassin ont engagé, depuis plusieurs années, une démarche expérimentale pour tester des mesures susceptibles de diminuer l’impact des barrages tout en conservant l’essentiel de leur utilité énergétique, à savoir, produire de l’électricité de pointe (durant les périodes de pics de consommation). Une « Convention éclusées* », passée entre EDF, l’établissement public territorial du bassin de la Dordogne EPIDOR, l’Agence de l’Eau Adour Garonne et l’Etat, a ainsi permis de tester de nouveaux modes d’exploitation des barrages. Les expérimentations ont démarré en 2004 et ont évolué progressivement au cours des ans. Elles ont apporté des résultats, en permettant de réduire efficacement certains impacts. Par exemple, les nombreuses exondations de frayères de saumons, qui auparavant intervenaient fréquemment sur la Dordogne suite aux éclusées, sont devenues plus rares. D’autres impacts, comme les échouages d’alevins ou l’exondation des pontes d’autres espèces n’ont pas été encore résolus. D’autres changements extrêmement importants restent à réaliser pour rétablir un rythme de petites crues régulières, nécessaires au renouvellement des habitats aquatiques et alluviaux, alors que celles-ci ont été systématiquement écrêtées et stockées dans les retenues depuis plus de 50 ans. Mais en 2012, la convention éclusées s’achève. Le cadre expérimental mis en place par celle-ci ne pourra plus continuer dans la période de mise en concurrence qui devrait démarrer en 2013, dont les termes sont encore inconnus. En particulier, on ne sait pas de quelle manière seront intégrées les mesures expérimentales de la convention éclusées ni comment seront envisagées les nou-


velles améliorations à apporter. L’objectif pour l’établissement EPIDOR ainsi qu’un grand nombre d’acteurs du bassin est la suppression complète des éclusées à l’aval des chaînes hydroélectriques. Cette hypothèse ne remet pas en cause le principe de production d’énergie de pointe dont seulement 100 GWh (sur les 3 000 produits par la chaîne) seraient déplacés en production de base, alors que dans le même temps, les projets de suréquipement qui semblent envisagés (nouvelles turbines, station de transfert pompage…) permettraient d’augmenter la puissance des ouvrages de 50%. Bibliographie sur www.eptb-dordogne.fr) m.thomas@eptb-dordogne.fr *Les éclusées hydroélectriques sont les variations artificielles de débit liées aux changements de rythme de production des usines hydroélectriques. Elles peuvent générer des variations de niveau d’eau très importantes (50 à 70 cm en quelques heures) et très fréquentes (jusqu’à deux fois par jour).

Aqua Domitia : l’eau du Rhône sous tuyaux ?

© Raphael HELLE

C’est un projet que nous croyions abandonné, avec la conscience grandissante de l’impératif d’économiser l’eau. A plusieurs reprises, le WWF a dénoncé le projet de transfert d’eau du Rhône vers Barcelone, né dans les années 90 et destiné à éponger le gaspillage de la cité catalane, des golfs, piscines et de l’agriculture irriguée espagnole qui, à l’époque, voulait transférer l’eau de l’Ebre vers l’Andalousie. Le « Tuyau » avait été stoppé en 2003. Juste stoppé. Car les mauvais projets meurent assez rarement. Les promoteurs du « toujours plus » d’eau pour les cultures irriguées ; « toujours plus » de consommation d’espace, de nature, de fleuves, de ruisseaux, zones humides, les partisans du siphonage des rivières ne désarment jamais. Georges Frèche, président de la Région Languedoc Roussillon l’avait sorti des cartons dès 2004. Son successeur, Christian Bourquin a chargé le compagnie Bas Rhône Languedoc de lancer le chantier du pipe-line qui doit « répondre aux besoins croissants en eau du Languedoc », et en particulier de Béziers, Narbonne, Montpellier. Le Rhône devra aussi arroser les vignobles, les cépages anciens, (aramon, carignan) adaptés au climat local par des générations de bons vignerons n’étant plus, paraît-il, adaptés aux « marchés » ! Un tuyau de 130 km de longueur devrait donc être construit pour « alimenter les stations d’eau potable » de l’Hérault et de l’Aude », le tout pour un coût (minimal) de 140 millions d’euros que les élus espèrent faire financer par l’Union Européenne, une union pourtant très regardante, avec sa Directive cadre sur l’Eau, sur les atteintes portées aux milieux aquatiques et sur les transferts interbassins. Le Rhône est un grand fleuve, certes, avec 2300 m3/s de débit moyen annuel. Mais quel impact aura ce détournement supplémentaire sur la Camargue ? Certains hydrogéologues assurent que les volumes prélevés ne changeront rien, mais les riziculteurs sont inquiets, et certains chercheurs réservés. Naturellement, des élus énervés ont commencé à dénoncer les « ayatollahs de la chlorophylle » écologistes, vigies qui ne font que leur métier, et leur devoir : alerter sur les limites de la ressource en eau, la fragilité de la biodiversité, la nécessité de changer notre vision du développement. Source. Le Monde - 10 février 2012.

Fonds pour la Conservation des Rivières Sauvages : un lancement réussi. Après le succès du colloque de lancement de mai dernier, le « Fonds pour la Conservation des Rivières Sauvages » a réussi son lancement médiatique, le 28 mars dernier à Paris, sur la péniche de l’économie sociale et solidaire « Le Petit Bain ». Organisée par l’entreprise Econovia, la conférence a rassemblé des élus, ONG, des institutions (Agence de l’Eau Rhône Méditerranée et Corse, Onema, PNR) et une quinzaine de journalistes. Elle avait pour but d’afficher la coopération entre acteurs sur ce projet et signait le départ du travail de collecte de fonds auprès des entreprises privées, fondations, mécènes divers. Dossier de presse et document de collecte de fonds disponible sur le site du réseau. www.rivieres-sauvages.org

Passez à Enercoop, l’énergie militante ! www.enercoop.fr

De plus en plus de personnes s’accordent sur le constat de la nécessité de transformer en profondeur le modèle de la production, de la distribution et de l’utilisation de l’énergie. Certains, comme Jérémy Rifkins, vont jusqu’à penser un modèle où, dans quelques décennies, ce seront des millions de producteurs individuels qui assureront une bonne part de la production ! En France, les représentations changent aussi, les modèles s’ouvrent. L’Europe a apporté une ouverture, une concurrence et une stimulation bienvenues. Pour offrir aux citoyens la possibilité de se réapproprier une partie de la question, des associations, entreprises : La Nef, Hespul, Enercoop, le Cler, d’autres ont crée « Energie Partagée Investissement », EPI, un fonds qui permet d’investir des les énergies renouvelables. EPI lance une souscription pour l’ investissement citoyen ». N’hésitez pas à souscrire des actions citoyennes ! www.energie-partagee.og

Calendrier. 22 mai : Pierre Rabhi, Colibris, Majestic Firminy. colibrisloire@yahoo.fr 26-27 mai : Mt Ventoux. Pandathlon 2012. Une course par équipe pour la nature. Inscrivez-vous ! www.pandathlon.fr 2 juin 2012 - 15h : Sauver la Bienne et les rivières comtoises. Mobilisation générale. Pont de Jeurre. 7 juin : Assises alternatives régionales de l’eau. Languedoc Roussillon.

5-8 Juin : Nasco Edinburgh 29e réunion de la convention. www.nasco.int 23 juin : Le temps des cerises revient à la Confluence. evenement@lyon-confluence.fr 26 au 28 juin 2012 : Colloque, Recherche et Actions au service des fleuves et grandes rivières. GRAIE. Tél. 04 72 43 83 68 www.isrivers.org novembre 2012 : colloque « Une réserve de biosphère pour les hautes vallées de la Loire et de l’Allier. Rens SOS Loire Vivante

Coordination éditoriale : Martin Arnould, Chargé de programme « Rivières Vivantes » Tél : 04 77 21 58 24 - 04 78 27 39 95 (LYON) - marnould@wwf.fr Editeur : WWF - 1, Carrefour de Longchamp 75016 PARIS - Tél : 01 55 25 84 84 - www.wwf.fr

Montillet & Partners. Document éco-conçu à imprimer si possible sur papier recyclé.

Participez à la transition énergétique : souscrivez des actions citoyennes !


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