Bulletin 61

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Bulletin d’infos Juin 2012

n°61

Rivières en péril Projet de barrage des Plats : une démission de l’Etat local.

Sommaire 1. Projet de barrage des Plats : une démission de l’Etat local. 2. Le saumon de retour sur la Loire amont. 3. Stoppera-t-on le barrage géant d’Illisu, en Turquie ? 4. Poutès dans Patagonia.

Une délégation du Collectif Loire Amont Vivante a été reçue le 04 juin dernier en préfecture de la Loire, deux semaines après la signature supersonique de l’arrêté préfectoral de déclaration d’utilité publique du projet de reconstruction du barrage des Plats. Devant l’annonce d’un début des travaux dès le mois de juin, (par une entreprise Suisse !), cette délégation a fait état de son étonnement devant la célérité exceptionnelle avec laquelle ce dossier avait été mené durant ces dernières semaines et signifié son mécontentement devant le manque de consultation de la société civile durant toute la procédure. L’argumentation qui leur a été opposée par la DDT de la Loire est court, très court. Pour son directeur, les services de l’Etat ne sont plus là que pour « valider un processus réglementaire », du fait de la décentralisation et des « ordres d’en-haut ». Ici, dans la Loire, l’Etat serait dorénavant impuissant à penser le bien public, penser l’économie de la ressource, la conservation de la biodiversité. Il ne pourrait que subir le diktat de quelques élus. Le fait que « l’intérêt général » de cette reconstruction soit encore à démontrer et qu’il ne s’agisse de fait que d’un business sur la vente de l’eau pour la commune de Firminy ne semble pas interpeller outre mesure ses représentants locaux. Le Collectif Loire Amont Vivante en a donc appelé aux services du ministère de l’Ecologie, à qui le dossier a été transmis. Si en effet les services de l’Etat locaux ne sont plus là pour étudier un tant soit peu, un tout petit peu, les dossiers et leurs possibles alternatives, vers qui faut-il donc se tourner ? Si une seule soi-disant réunion entre toutes les parties, qui aurait eu lieu en janvier 2007, (mais qui n’a jamais eu lieu en fait que dans l’esprit du directeur de la DDT), suffit à établir le principe de participation citoyenne actée dans les lois européennes et le Grenelle de l’environnement, il y a de quoi être inquiet. Si les services de l’Etat local s’entêtent à refuser la compétence d’ONG qui travaillent depuis 30 ans sur la gestion de l’eau, on est à même de craindre une recrudescence de projets tous plus fantaisistes les uns que les autres sur notre territoire. Ici l’indispensable gestion inter-régionale du bassin versant de la Semène, en cette période de restriction de l’argent public a été occultée ; le Plan Loire Grandeur Nature et la Directive Cadre sur l’Eau ont été ignorés, la convention d’Aarrhus oubliée. Bref, la DDT de la Loire a semblé vouloir limiter cette reconstruction à une affaire de clocher, à une histoire locale alors même que les réglementations nationales, européennes et internationales exigent l’inverse. Nous ne pouvons, et ne devons, pas laisser faire une poignée d’élus et de fonctionnaires locaux imposer leurs vues envers et contre toutes les lois de protection des milieux aquatiques, contre l’avis de divers spécialistes indépendants, tant privés que publics qui se sont penchés sur la question. Faisons de la Semène une cause nationale, et tentons de faire, avec le concours de tous, une sortie par le haut de cette situation intolérable pour une rivière aujourd’hui sauvage et qui mérite tellement mieux que le béton banal. Rens. www.Loireamontvivante.fr

Le saumon de retour sur la Loire amont.

« Homme, n’oublie jamais qu’un fleuve est une vie »

Bernard Clavel

Au moment où, dans la Loire, certains élus et fonctionnaires continuent de penser que l’avenir des rivières ne peut être que dans un corset de béton, le saumon sauvage taille la route vers ses antiques pénates alti-ligériennes. C’est en effet un adulte de près d’un mètre de longueur qui a été observé, le 2 mai 2012, par un technicien de LOGRAMI dans la passe à poissons de la toute nouvelle microcentrale de Roanne. La nouvelle est tout simplement extraordinaire, tant le saumon a disparu des mémoires du haut bassin de la Loire, définitivement expulsé par le grand barrage EDF de Grangent, édifié entre 1954 et 1957 sans que l’échelle à poissons, pourtant obligatoire, n’ait été intégrée à l’ouvrage. Depuis, le poisson a déserté la Loire amont et failli disparaître du bassin de la Loire qui héberge, rappelons-le, la dernière population sauvage de longue migration de toute l’Europe de l’Ouest. Le remarquable travail des acteurs du Plan Loire (services de l’Etat, pêcheurs professionnels et récréationnels, ONG, EP Loire, ONEMA, Agence de l’Eau Loire Bretagne) pour restaurer la continuité écologique du fleuve, le formidable effort du Conservatoire National du Saumon Sauvage et, pour finir, le travail de Maïa Power, l’entreprise qui a construit la microcentrale (6 MW) sur un ouvrage qu’il n’était pas question d’effacer montrent que le retour


du saumon sur la Loire amont est possible. Et prouve que concilier hydroélectricité durable et restauration de la biodiversité, cela peut marcher. Le retour de ce poisson pionnier est une nouvelle qui ravit tous ceux, de plus en plus nombreux, qui refusent de vivre au bord de rivières vides. Il va falloir maintenant s’attaquer à plus difficile : le franchissement du barrage de Villerest, puis celui de Grangent. Pour cela, il va falloir mobiliser largement à l’échelle Européenne. Un beau défi pour la future phase 4 du Plan Loire. Rens. marnould@wwf.fr

Stoppera-t-on le barrage géant d’Illisu, en Turquie ?

© Raphael HELLE

La visite des nombreux stands au 5e Forum Mondial de l’Eau de Marseille, auquel le WWF a participé, était édifiante. En dehors de quelques stands, dont celui des Etats-Unis, qui parlait quasi exclusivement de restauration des fleuves, ce par la voix de l’US Army Corps of Engineers, « une des deux agences fédérales qui a construit parmi les plus grands barrages du monde », la plupart des stands des pays émergents ou des nouvelles puissances économiques étaient consacrés aux grands barrages. Le Brésil avait un espace immense à la gloire des barrages géants, dont celui de Belo Monte, qui va porter atteinte à près de 1500 km2 de forêt amazonienne. L’Iran avait une présentation entièrement dévolue à la puissance de l’hydraulique lourde. L’Algérie faisait la promotion de ses derniers grands ouvrages et la Turquie vantait ses chantiers en cours. C’est comme si les leçons, souvent tragiques, de 150 ans de bétonnage systématique des fleuves ne pouvaient être tirées sur un plan international, comme si seule la souveraineté nationale justifiait des barrages dont les scientifiques expliquent, aujourd’hui, qu’ils peuvent causer des dégâts sans fin. Rien ne semble plus arrêter à nouveau l’hubris d’ingénieurs et de gouvernements qui refusent de voir que les fleuves sont fragiles. Rien, sauf la mobilisation, courageuse, souvent désespérée, des citoyens. En Turquie, la société civile continue de se rassembler contre la construction du barrage géant d’Illisu, sur le Tigre, qui doit engloutir le joyau archéologique d’Hasankeyf. En mai, une délégation de 9 sheiks irakiens est venue interpeller les autorités, car l’ouvrage menace à terme le fonctionnement des 300 000 hectares des marais mésopotamiens, qui ne recevraient plus une goutte d’eau. Roberto Epple, président de SOS Loire Vivante et du Réseau de Rivières Sauvages est allé apporter son soutien aux opposants, ainsi qu’Ulrich Eichelman, un ancien du WWF Autriche et fondateur du réseau ECA Watch, qui surveille les agences européennes de crédit. Il existe un compromis, limiter la hauteur du barrage à (seulement ?) 70 m, mais Recep Erdogan, le premier ministre turc, veut les 130 mètres de hauteur initialement prévus. Son gouvernement a décidé de financer entièrement les travaux. Les grands barrages, ces symboles de la rationalité et du contrôle de l’homme sur la nature, sont aussi des symboles de sa déraison. Source : Le Monde 23 mai 2012. Rens. www.ern.org

La photo est impressionnante. Elle date de 1998. On y voit le barrage de St Etienne du Vigan, sur l’Allier amont dans le département de la Haute-Loire, qui part en poussière, pulvérisé pour laisser, enfin, la place au saumon. Le barrage EDF avait bloqué, illégalement, pendant près d’un demi siècle l’accès aux frayères de l’amont et le Plan Loire Grandeur Nature avait justement décidé de s’en débarrasser. La photo est accompagnée d’un long article d’Yvon Chouinard, le fondateur de cette entreprise qui reverse 1 % de son chiffre d’affaire aux associations de conservation de la nature. (L’entreprise a reversé 46 millions de dollars aux ONG à ce jour). Depuis 1988, Patagonia, avec une remarquable continuité, a apporté son soutien à la campagne Loire Vivante, d’abord opposée aux programmes de barrages prévus sur l’ensemble du fleuve. Puis elle a soutenu la campagne Poutès, qui, après 10 années d’engagements intenses (et coûteux !) de la société civile, a permis d’arriver à un accord pour effacer cet ouvrage obsolète et bâtir la « Convention pour une hydroélectricité durable ». Yvon Chouinard rappelle, dans son article «que, selon Bruce Babbit, ancien Secréatire d’Etat à l’Intérieur aux Etats-Unis, un barrage par jour a été construit dans ce pays depuis la déclaration d’indépendance, en 1776 ». IL rappelle que le projet de construire 5 grands barrages en Patagonie au Chili va nécessiter de construire une ligne à haute tension qui traverserait de multiples Parcs Nationaux dans la pays. « Quand allons nous arrêter ? Quand chaque rivière aura été bétonnée ? », interroge l’auteur. Rens. wildsalmon.org ; internationalrivers.org ; amrivers.org ; onepercentfortheplanet.org

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Calendrier. 26 au 28 juin 2012 : Colloque, Recherche et Actions au service des fleuves et grandes rivières. GRAIE. Tél. 04 72 43 83 68 www.isrivers.org 2-4 juillet : Monastère de Solan, Terre Sauvage, Hors Série Nature et spiritualité. La Bastide d’Engras Gard. Rens. www.monasteredesolan.com 8 juillet : Big Jump sur la Semène vivante, sur le site des Plats. Rens. www.loireamontvivante.fr 25-29 août 2012 : Le Marathon du Saumon Langeac – Cuffy. Rens. CNSS 04 71 74 05 45 contact@cnss.fr

5 octobre : 5e reunion de la Convention Hydroélectricité durable. MEEDD Paris. 24 octobre : Le Puy-en-Velay. Colloque « Vers une réserve Man and Biosphere » Unesco pour les sources et les gorges des hautes vallées de la Loire et de l’Allier ? Infos/résa SOS Loire Vivante Tél. 04 71 05 57 88 ou www.sosloirevivante.org Rubrique vers une biosphere Unesco. Novembre : Vis. Lancement de la préfiguration du label Rivières Sauvages sur la Vis. Rens. Denis Caudron rivieres.sauvages@gmail.com

Coordination éditoriale : Martin Arnould, Chargé de programme « Rivières Vivantes » Tél : 04 77 21 58 24 - 04 78 27 39 95 (LYON) - marnould@wwf.fr Editeur : WWF - 1, Carrefour de Longchamp 75016 PARIS - Tél : 01 55 25 84 84 - www.wwf.fr

Montillet & Partners. Document éco-conçu à imprimer si possible sur papier recyclé.

Poutès dans Patagonia.


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