Bulletin d’infos Mars 2013
n°66
Rivières en péril
Barrage des Plats : un set juridique de perdu, mais pas le match, et l’Europe s’en mêle.
Sommaire 1. Barrage des Plats : un set juridique de perdu, mais pas le match, et l’Europe s’en mêle. 2. L’effacement de Vezins sur la Sélune s’internationalise. 3. Des élus de Haute-Loire qui se moquent de la Loi et de la Loire. 4. 37 exemples de restauration écologique à l’échelle européenne : le Plan Loire Grandeur Nature à l’honneur.
Le 5 juillet 2012, la Frapna Loire ainsi que la Fédération de pêche de la Loire déposaient conjointement une requête devant le juge administratif afin de suspendre («référé-suspension») le commencement des travaux du barrage des Plats, et non sa réhabilitation comme veut bien le soutenir le « Syndicat des barrages ». Parallèlement, une demande d’annulation de l’arrêté autorisant les travaux était également soumise par les mêmes acteurs avec le soutien des fédérations de pêche de la Loire et Haute-Loire, du CDAFAL et du Club de Pêche Sportive du Forez Velay. La construction d’un barrage au lieu-dit les Plats à St Genest Malifaux sur le cours de la Semène, affluent de la Loire d’une longueur de 47 km, a été autorisée en 1955 et achevée en 1958. Il s’agissait alors de faire face aux besoins de l’industrie métallurgique de Firminy et d’une population de 27 000 habitants. Aujourd’hui, Firminy ne compte que 17 000 habitant, l’industrie lourde a disparu. Le barrage, d’une capacité de 1,5 millions de m3 avait été construit par Firminy, puis transféré à un « Syndicat des barrages », formé des quatre communes : Firminy, Unieux, Fraisses et St Paul en Cornillon. La ressource du barrage des Plats, utilisée également par neuf communes rurales regroupées dans le « Syndicat des Eaux de la Semène » a toujours été largement complétée par une interconnexion sur la conduite du grand barrage de Lavalette sur le Lignon en Haute-Loire, d’une capacité de 40 millions de m3 et qui alimente l’agglomération stéphanoise. Une inspection de l’ouvrage menée en 2005 ayant révélé des risques de rupture, la retenue a été mise à sec. L’ouvrage n’apparaissant pas réparable, un orifice a été creusé au pied du mur, laissant depuis passer librement la rivière. La Semène, une des dernières rivières de France à ne pas être fractionnée par des grands ouvrages hydrauliques, a donc retrouvé une partie de sa naturalité, même si beaucoup de chemin reste à faire pour reconquérir une excellente qualité d’eau. L’alimentation des communes a continué à être assurée sans difficulté. Reconstruire un barrage mobilisant beaucoup d’argent public n’a donc pas de sens. Pourtant, les deux référés suspensifs ont été rejetés, la recréation d’une réserve d’eau potable apparaissant aux magistrats comme une justification en soi suffisante. Les travaux ont commencé à l’automne 2012, heureusement stoppés par l’hiver. L’audience sur le fond pourrait avoir lieu prochainement. Elle a de bonnes chances d’être gagnée : en 2013, au cœur d’une crise de la dette publique préoccupante, au moment où la Cour des comptes souligne avec quelle légèreté certains élus gaspillent l’argent du contribuable, il n’est pas cohérent de reconstruire un mur qui va appauvrir un capital écologique remarquable et fermer la porte aux politiques innovantes en matière de gestion de la ressource en eau. Ainsi, l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, obligée de financer, contre sa volonté, l’ouvrage à hauteur de 1,8 millions d’euros, conduit-elle sur le bassin de la Loire des politiques exemplaires de réduction des consommations d’eau dans le cadre de son 9e programme : à Rennes, le renouvellement de l’aqueduc de la ville, l’amélioration des rendements de l’usine et du réseau ont permis de faire 1,1 millions de m3 d’économies. Du bon travail, qui sera amplifié dans son 10e programme 2013-2018. Sauf sur la Semène et Firminy ? (L’Eau en Loire Bretagne, 10e programme 2013-2018, n° 86). Une bonne nouvelle pour finir : nous avons appris, par un courrier du 12 novembre 2012, que le Parlement européen et sa Commission des pétitions avaient bien enregistré la déposition du WWF-France lors de l’enquête publique comme une pétition. Sa présidente, Mme Erminai Mazzoni, a indiqué qu’elle avait « demandé à la Commission européenne de procéder à une enquête préliminaire sur les différents aspects du problème ». Le béton inutile n’a pas encore figé la Semène. Rens. Tristan Richard juridique@frapna.org
L’effacement de Vezins sur la Sélune s’internationalise.
« Homme, n’oublie jamais qu’un fleuve est une vie »
Bernard Clavel
A l’initiative du collectif «Les Amis de la Sélune», avec la collaboration du Syndicat Mixte du Bassin de la Sélune, une délégation de britanniques réunis par le « Sustainable Eel Group » a découvert le 18 décembre 2012 le barrage de Vezins, sur la Sélune, promis au démantèlement. Ces visiteurs, accompagnés par le Telegraph et Country Life représentaient un large panel d’organisations gouvernementales et non-gouvernementales d’Outre-manche : le Sustainable Eel Group, le UK Glass Eels pour la filière professionnelle de la pêche et de l’aquaculture ; la Bristol Zoological Society pour la communauté scientifique ; Rivers Trust, Wildlife Trusts et Nature England pour la conservation de la nature, accompagnés par l’Institute of Fisheries Management, agence gouvernementale britannique. Pour la France, il y avait le NASF, le WWF, l’AIDSA, la Fédération de Pêche de la Manche, l’AAPPMA La Ducéenne, le Conapped, Manche Nature. Le Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (Commission Milieux Estuariens et Amphihalins) représentait la profession de la pêche maritime et côtière et les pêcheries civellières ;
le Comité Régional des Pêches de Basse-Normandie et l’Association pour le Repeuplement de l’Anguille en France étaient présents. La DDTM de la Manche, l’Onema et l’ Agence de l’Eau Seine-Normandie représentaient l’Etat et, pour la communauté scientifique, le Centre de Recherche et d’Enseignement sur les Systèmes Côtiers. Le déjeuner dans les locaux du Syndicat Mixte d’Alimentation en Eau Potable Baie Bocage suivi d’une présentation en salle des enjeux de restauration de la Sélune a permis de se faire une meilleure idée de l’ambition du projet, à l’échelle européenne. Cette journée a été un succès et plusieurs témoignages de satisfaction ont été exprimés, en particulier par les partenaires britanniques. Le maire d’Isigny-le-Buat, opposé à l’effacement, ainsi que les journalistes locaux de Ouest France Avranches, la Manche Libre et la Gazette de la Manche, relais jusque là de l’opposition à l’effacement des barrages, se sont peu à peu ouverts aux arguments apportés notamment par les professionnels de la pêche leur montrant que ce grand projet était tout sauf une « lubie d’écolos». Rens. Didier Moreau. Dmoreau@wwf.fr
Des élus de Haute-Loire qui se moquent de la Loi et de la Loire.
© Raphael HELLE
En Haute-Loire, des élus, à commencer par Laurent Wauquiez, ancien ministre, maire du Puy-en-Velay et parlementaire ainsi que Jean Proriol, ancien député bien connu du WWF, n’ont aucun problème pour prendre des libertés avec la Loi républicaine, et avec la Loire, fleuve sauvage d’intérêt international, le fleuve est dans leur département une chasse gardée, sur laquelle l’Etat et le Plan Loire n’ont rien à dire ni faire, puisque c’est chez eux, sauf quand il faut payer. Dernier exemple : leur soutien pour le moins surprenant au « Collectif du Bon Sens », qui, à Bas en Basset, défend la digue construite sans autorisation par le maire, Joseph Chapuis pour « protéger le camping » de la commune. Depuis l’arrêté de mise en demeure du préfet du 06 décembre 2011, l’Etat cherche à la faire enlever, (avec le soutien des associations) et l’affaire est logiquement au tribunal. Mais les élus vivent mal d’être poursuivis au tribunal comme de simples citoyens. M. Proriol, toujours avisé, a déploré que « l’administration a été trop rapide dans cette affaire » et il souhaite que le maire de Bas, pourtant dans l’illégalité, « ne soit pas condamné ». Quand à Laurent Wauquiez, qui a encore beaucoup à apprendre sur l’écologie des fleuves, il a déclaré que la « berge (sic) devait rester en place » ! La Loire n’a qu’à bien se tenir. Les entorses avec la Loi(re) sont fréquentes en Haute Loire. Le 30 juin dernier, le Groupement des Professionnels de l’Eau Vive et des Activités de Pleine Nature de Haute-Loire nous avait alerté, suite au remplissage de la retenue amovible d’Audinet, à Brives- Charensac, qui avait tout simplement asséché, pendant plusieurs heures le lit de la Loire à son aval sur 25 km Le débit était passé, de 6 m3/s à 1 m3, soit un peu de désordre écologique sur un fleuve qui fait l’objet d’un Plan Loire exemplaire à l’échelle internationale. L’attention à l’écosystème, à la pêche, aux sports d’eau vive ? Quasi absente. La Haute-Loire, c’est encore un peu le Far West. Ailleurs, sur les berges de l’Allier, à deux pas du Conservatoire National du Saumon Sauvage, les agriculteurs « prennent le droit » de pomper directement dans la rivière pour faire du maïs irrigué. Nous avions compté, lors du Marathon du saumon, plus de 30 pompes illégales installées dans le lit de l’Allier, rivière à saumons. A part cela, tout va bien : la qualité de l’eau est « bonne ». Un développement durable qui tiendrait compte des limites de la Nature ? Encore très peu aux sources du plus sauvage des fleuves d’Europe. Rens. J.feybesse@free.fr – Plus d’infos sur la situation en Haute Loire, contacter SOS Loire Vivante au 04 71 05 57 88.
Le ministère de l’environnement allemand a édité récemment un ouvrage de vulgarisation (pas encore traduit en français) sur la restauration des rivières en Europe depuis une quinzaine d’années. Coordonné en partie par des scientifiques de l’Institut des Plaines Alluviales du WWF, l’ouvrage donne 37 exemples de restauration de l’espace alluvial (notamment pour mieux gérer le risque naturel d’inondations) et d’amélioration de centrales hydroélectriques, dont la reconstruction totale du grand barrage de Rheinfelden à Bâle, entre la Suisse et l’Allemagne. L’ouvrage parcourt aussi l’ Autriche, la Hollande, le Danemark. La France n’est pas oubliée, avec trois articles qui mettent en avant l’innovation du Plan Loire Grandeur Nature, notamment pour la protection de la dynamique fluviale de l’Allier. Il n’y a à notre connaissance pas d’équivalent encore dans la littérature de vulgarisation dans notre pays. Nous avons de nombreux ouvrages techniques de grande valeur, comme par exemple les guides récemment édités par l’Onema, mais rien à destination du grand public qui montre le mouvement, général, en faveur de la restauration des fleuves. Nous saurions par exemple à qui expédier un tel travail francisé : au directeur de la DDT de la Loire, à sa préfète et à M. Cineri, le parlementaire de Firminy. Aucun d’entre eux ne semble avoir compris que l’ère de la restauration des fleuves a commencé et que la Loire est exemplaire. Il serait d’ailleurs temps que le Plan Loire se décide à réaliser un ouvrage autour des transformations profondes qu’il a engagé sur le bassin du dernier fleuve sauvage d’Europe ces 19 dernières années. Rens. « Beispiele für eine ökologisch vorbildliche Praxis ». BundesAmt fur Naturschutz 112 Bonn 2011.
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Calendrier. 8, 9, 10 mars : Salon Primevère, Lyon www.primevere-salon.fr 14 mars : Journée Internationale des Rivières Rens. www.internationalrivers.org 22, 23 mars : Connaître pour vivre ensemble. Colloque prédation. Amphithéatre Mérieux Lyon www.frapna.org 28 mars : Réduire les pesticides en zones non agricoles. Journées techniques d’échange. Roche la Molière. Frapna Loire 04 77 41 46 60 12, 13 avril : ARRA, LPO Rhône-Alpes. EUNE (Drôme) Gestion des milieux aquatiques et préservation de la faune : 2 approches pour l’atteinte du bon état. Rens. Véronique Le Bret – LPO Rhône-Alpes 04 72 77 19 84
28 avril : Langeac AG Association Protectrice du Saumon Rens. Jean Paul Cubizolles Tél. 04 73 84 98 36 31 mai, 1 et 2 juin : Congrès des JNE, Mairie de Rogues, sur la Vis, « rivière sauvage ». Rens. o.nouaillas@lavie.fr 14 juillet 2013 : Big Jump www.bigjump.org 15, 31 août : Marathon du Saumon LangeacNantes. Rens. CNSS Marie Laffont 04 71 74 05 45 contact@cnss.fr 17-20 septembre : Naturalité, vers une autre culture des eaux et des forêts.Rens. www.naturalite2013.fr 10-12 octobre 2013 : Colloque « Des saumons et des hommes » . Rens. www.sosloirevivante.org
Coordination éditoriale : Martin Arnould, Chargé de programme « Rivières Vivantes » Tél : 04 77 21 58 24 - 04 78 27 39 95 (LYON) - marnould@wwf.fr Editeur : WWF - 1, Carrefour de Longchamp 75016 PARIS - Tél : 01 55 25 84 84 - www.wwf.fr
Montillet & Partners. Document éco-conçu à imprimer si possible sur papier recyclé.
37 exemples de restauration écologique à l’échelle européenne : le Plan Loire Grandeur Nature à l’honneur.