Rivières sauvages 54

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Rivières sauvages Bulletin d’infos Octobre 2011

n°54

Les nouvelles 1. 25 ans d’engagements pour une Loire Vivante. 2. Succès du premier marathon pour le saumon. 3. En Chine, l’hubris barragiste continue d’enfler. 4. Un nouveau guide de l’Onema sur le transport solide en rivières.

Inscrire à neuf dans notre culture la naturalité des rivières et des fleuves.

25 ans d’engagements pour une Loire Vivante. Il y a 25 ans, des pêcheurs récréationnels, des scientifiques, des associations de FNE, dont la Frapna (Fédération Rhône Alpes de Protection de la Nature) créaient Loire Vivante, une belle idée pour un réseau novateur. Leur but était de stopper le programme de 4 barrages porté par un certain Jean Royer, maire de Tours, président de l’Epala, (Etablissement Public d’Aménagement de la Loire et de ses Affluents), désireux d’aménager la Loire sur le modèle de ce qui avait fait dans le reste de l’Europe : grands barrages, endiguements, contrôle et tutti quanti. Ce programme de bétonnage était soutenu par le ministère de l’environnement de l’époque, l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, les grandes entreprises de travaux publics et toutes les élites politiques, ou presque. Le WWF international allait très rapidement apporter d’une part ses compétences pour alerter l’opinion publique internationale, d’autre part les fonds indispensables pour permettre à Loire Vivante de fonctionner et d’embaucher une coordinatrice, Christine Jean, chargée de mettre de la cohérence dans l’argumentaire des associations et de professionnaliser une résistance échevelée, mais déterminée. L’arrivée, en 1989, d’un « campaign officer », Roberto Epple, allait elle aussi contribuer à renforcer l’action de Loire Vivante. Au terme de 8 années d’un affrontement sans concessions entre aménageurs du vieux monde et partisans de la liberté pour les fleuves, l’Etat lançait en 1994 le Plan Loire Grandeur Nature, un pilote international en matière de gestion durable des fleuves qui a transformé en profondeur le regard que notre société porte sur les hydrosystèmes. Pour célébrer les 25 ans d’engagement de Loire Vivante, qui coïncide avec les 50 ans du WWF, Isabelle Autissier et Serge Orru se rendront sur le bassin de la Loire, les 17 et 18 octobre 2011. D’une part en Haute-Loire, pour rencontrer SOS Loire Vivante, acteur essentiel de la résistance au bétonnage de la Loire ainsi que les élus locaux et régionaux, le Conservatoire National du saumon sauvage. Ils viennent apporter leur soutien aux divers projets en cours : création d’une Réserve Naturelle Régionale sur le site de Serre de la Fare ; création d’une Réserve de Biosphère / Unesco des sources de la Loire et de l’Allier ; projet de PNR des Gorges de l’Allier et de la Margeride. La visite se poursuivra à Tours, avec l’inauguration de la rivière de contournement du barrage de Rochepinard, sur le Cher et diverses rencontres autour du programme de réouverture du bassin de la Loire aux poissons migrateurs, en particulier au saumon. Le WWF a édité à cette occasion un document qui montre l’ampleur du changement accompli et récapitule les défis à venir. En France, la donne a pour partie changé dans le bon sens. La Directive Cadre sur l’Eau de l’Union Européenne a permis de construire le cadre réglementaire nécessaire. Ailleurs dans le monde, la poursuite de l’artificialisation des écosystèmes aquatiques d’eau courante et l’explosion des projets de grands barrages, dont celui du colossal ouvrage de Belo Monte au Brésil, montrent qu’il n’est pas temps de baisser les bras. Document disponible au WWF.

Succès du premier marathon pour le saumon. 5. 8 réservoirs en plus pour le maïs sur le bassin de l’Adour ?

70 kayakistes et canoëistes, dont Claude Bénezit, 6 fois champion du monde, ont participé au premier marathon pour le saumon organisé par le Conservatoire National du Saumon Sauvage, avec le soutien de divers acteurs, dont l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, EDF, le Conseil Général de Haute-Loire, le Conseil Régional d’Auvergne, le WWF. La première étape, courue les 20 et 21 août entre Langeac et Pont du Château, sera suivie par deux autres marathons, en 2012 et 2013, qui conduiront les pratiquants jusqu’à Nantes. Le but du CNSS, qui fêtait son 10e anniversaire, est de mobiliser le grand public sur la nécessité de renforcer les efforts de protection de la souche de saumon sauvage du bassin de la Loire, unique en Europe de l’Ouest à faire un parcours de près de 900 km en eau douce. Il y a du travail. Après la reconquête de la transparence migratoire sur le Haut Allier, avec l’enlèvement du barrage de Poutès et son remplacement par un ouvrage effaçable, il va falloir s’attaquer sérieusement à la question de la restauration de la qualité de l’eau dans les gorges. L’explosion du maïs irri-


gué, dont les surfaces se sont étendues dans des conditions douteuses, l’insuffisance de l’épuration des villages du Haut Allier sont les prochains défis à relever. www.saumon-sauvage.org Film sur l’opération visible sur le site rivières sauvages. contact@rivieres-sauvages.fr

En Chine, l’hubris barragiste continue d’enfler. Pour son nouveau plan de développement à 5 ans, qui reconnaît la place prépondérante que doit prendre la conservation de l’environnement, la Chine n’a rien modifié de son appétit vorace pour les grands barrages. Pour les dirigeants chinois, qui ont de tout temps considéré qu’aménager les rivières était un mandat céleste, l’héritage inquiétant de la construction de 20 000 barrages et de la poursuite de l’artificialisation des rivières durant ces dernières décennies ne compte en rien. La disparition des zones humides, la pollution insensée des rivières, l’effondrement des pêcheries, les proliférations d’algues sur le littoral, le déplacement de 23 millions de personnes et le tremblement de terre du Sichuan, qui a fait 80 000 morts, sans doute causé par le barrage de Zipingu, selon des scientifiques chinois et américains, tout cela devrait pousser les autorités à lever le pied. Non. La Chine s’entête. Selon le professeur Jiang Gaoming, membre de l’Académie chinoise des sciences, « les études d’impact sont devenues un dispositif marginal et décoratif, qui ne sont perçus que comme un coût négligeable dans le business de la construction ». 140 nouveaux gigawatt, soit près du double de ce qu’ont installé au total les Etats-Unis, sont programmés, qui menacent pour certains ce que même le gouvernement a appelé « l’épicentre de la biodiversité chinoise » et qui pour d’autres seraient installés sur les zones de failles qui marquent la rencontre entre les plaques de l’Inde et de l’Eurasie. Rens. Dam Nation. Peter Bosshard www.foreignpolicy.com/articles/2011/03/08/dam_nation

Un nouveau guide de l’Onema sur le transport solide en rivières. Jean René Malavoi, membre du groupe de scientifique du Fonds pour la Conservation des Rivières Sauvages et une équipe de scientifiques et fonctionnaires viennent de publier un ouvrage sur le transport solide en rivières, dans la collection « Comprendre pour agir » de l’Onema. La disparition du transport solide des fleuves, liée aux extractions abusives, à la présence d’ouvrages divers dans le lit des cours d’eau a conduit à des dysfonctionnement majeurs : déchaussement des ponts, des digues, désordres hydrogéologiques comme l’abaissement des nappes alluviales, disparition de la biodiversité. L’ouvrage est abondamment illustré, avec de nombreux schémas. On lira avec intérêt le chapitre consacré aux actions de restauration, avec par exemple le transfert par tapis roulants de sédiments vers l’aval du barrage de Keswick, sur la Sacramento River, en Californie. De quoi donner de bonnes idées pour rehausser la nappe à l’aval du grand barrage poubelle de Grangent, sur la Loire amont. « Eléments de connaissance pour la gestion et le transport solide en rivières ». Edition Onema www.onema.fr

L’institution Adour a déjà construit une bonne trentaine de barrages à vocation agricole sur le bassin, dont le désastreux ouvrage d’Eslourenties, sur le Gabas. L’ouvrage a noyé 200 hectares d’excellentes terres agricoles et des milieux naturels rares pour irriguer 3000 hectares supplémentaires de maïs glouton. Ce n’est pas fini. Elle veut construire en priorité 8 nouveaux réservoirs sur un bassin déjà passablement artificialisé. Au total, 16 barrages sont en projets, avalisés par un SDAGE Adour Garonne qui semble rester l’otage des maïssiculteurs, de l’ogre maïs irrigué, dévoreur de campagnes vivantes. Ces 8 réservoirs stockeraient 23,8 millions de m3 supplémentaires (soit la consommation de plus de 2 millions d’usagers domestiques) et coûteraient la bagatelle de 68 millions d’euros, naturellement pris dans la poche des usagers et contribuables divers que nous sommes, pas dans les poches profondes des coopératives agricoles locales. Les changements climatiques justifient cette fuite en avant. Ils ont bon dos. Il y a quelques années, c’était la vocation exportatrice de l’agriculture française, l’inéluctable progrès, l’adaptation à la concurrence internationale. Tout est bon pour bétonner l’Adour. Rens. Ende Doman Tél. 05 62 09 08 25 et Xavier Bouchet 05 59 04 74 55.

Calendrier. 2011 : 40 ans des réserves de biosphère. Catherine.cibien@mab-France.org

13-14 octobre : Colloque hydroécologie. EDF. Centre des Congrès Aix-les-Bains. www.hydroecologie.org

Octobre 2011 : 50 ans du WWF, 25 ans de Loire Vivante. Visite Isabelle Autissier et Serge Orru en HauteLoire et à Tours. Rens. marnould@wwf.fr

26-30 octobre : Festival du Vent. 20e édition. www.lefestivalduvent.com

11-13 octobre 2011 : Restitution programme Salsea / La Rochelle Nasco hq@nasco.int

Passez à Enercoop, l’énergie militante ! www.enercoop.fr

11-12-13 novembre 2011 : Assises chrétiennes de l’écologie Saint Etienne www.prier.presse.fr 26 au 28 juin 2012 : Colloque Recherches action sau service des fleuves et grandes rivières. www.zabr.org

Coordination éditoriale : Martin Arnould, Chargé de programme « Rivières Vivantes » Tél : 04 77 21 58 24 - 04 78 27 39 95 (LYON) - marnould@wwf.fr Editeur : WWF - 1, Carrefour de Longchamp 75016 PARIS - Tél : 01 55 25 84 84 - www.wwf.fr

Montillet & Partners. Document éco-conçu à imprimer si possible sur papier recyclé.

8 réservoirs en plus pour le maïs sur le bassin de l’Adour ?


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