position WWF risque naturel inondations

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pour une planète vivante*

Contribution du WWF – France au Conseil d’Orientation pour la Prévention des Risques Naturels Majeurs (COPRNM)

Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation :

* for a living planet

« Construire, ensemble, une culture du risque naturel qui protège les hommes, leurs constructions et respecte l’écologie des fleuves. »

JUILLET 2010



WWF - Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation

SOMMAIRE

Des inondations de plus en plus nombreuses, coûteuses, dangereuses.

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Le WWF, un acteur au service d’une « culture du risque naturel d’inondations » renouvelée.

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1. L’expérience positive de « Loire vivante », l’intérêt du «Plan Loire Grandeur Nature ».

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Un Plan Loire avec quelques faiblesses en termes de gouvernance et de communication pour ses deux premières phases.

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2. Dynamiser le Plan Loire Grandeur Nature, un modèle en perte de vitesse.

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Y a t-il un pilote dans l’avion ?

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3. Les contre-exemples du bassin de la Loire amont dans le secteur de Saint Etienne et de la vallée du Gier sur le bassin du Rhône.

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Une salle de spectacle de 2000 places dans le lit de la Loire à Andrézieux-Bouthéon.

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Le Furan et l’Onzon.

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Le Gier, de Saint Chamond à Givors, une rivière asphyxiée.

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L’Ondaine, une heureuse exception.

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4. Repenser le rôle et la place des crues, en intégrant leur importance pour l’écologie des fleuves.

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Des crues indispensables au maintien et à la restauration de la biodiversité.

5. Construire de réelles coopérations entre les acteurs, communiquer largement : des ONG au service de la culture du risque naturel d’inondations.

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Des actions concrètes pour partager une culture du risque naturel d’inondations.

6. 16 propositions du WWF-France pour améliorer communication et gouvernance.

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1.Communication / éducation.

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2. Gouvernance.

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7. Construire, tous ensemble, une culture partagée du risque naturel qui intègre la restauration écologique et qui ailler vers la « gestion durable » des fleuves.

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« L’homme, dans tous les pays du monde, a de façon si extensive barré, endigué et canalisé les rivières, qu’il devient difficile de trouver une véritable rivière sauvage de quelque taille que ce soit. Il apparaît maintenant que certaines de ces manipulations n’apportent à grand prix d’ailleurs que des bénéfices temporaires ou locaux, et qu’elles créent de nouveaux problèmes dont les correctifs sont encore plus coûteux, comme dans le cas de certains projets de contrôle des inondations. Par conséquent, les dommages causés par les inondations, dommages habituellement placés sur la rubrique des « désastres naturels » (et donc inévitables) s’avèrent de plus en plus comme étant causés par l’hommes (et donc évitables). » Eugène Odum Eléments d’écologie 1959

Des inondations de plus en plus nombreuses, coûteuses, dangereuses.

Draguignan, 2010

Des catastrophes à répétition montrent, dans le monde entier, sur le Mississipi (1993), sur le Rhin (1995), sur l’Oder (1997), au Mozambique (2000), en Inde (2005), Etats-Unis (Katrina, 2005), Angleterre (2007), Pologne (2010) et en France, Ouvèze (1992), Aude (1999), Anduze (2002), Rhône (2003), sur le littoral (Xynthia 2010), Draguignan (2010), Danube 2010, que nos sociétés sont de plus en plus violemment, douloureusement touchées par ce phénomène naturel que sont les crues ou les tempêtes marines. Dans les années 50, on considère qu’il y avait de 7 à 9 crues majeures dans le monde. Dans les années 80, nous étions passés à 20, à une moyenne de 34 dans les années 90. Combien dans les années 2000 ? Le montant des dégâts croit de manière exponentielle. En 2005, l’Union Européenne estimait que les inondations avaient provoqué la mort de 700 personnes en Europe depuis 1988, entraîné le déplacement de près d’un demi million de personnes et généré des pertes économiques de 25 milliards d’euros, le coût des catastrophes naturelles sur la planète pour la décennie 1995 / 2005 étant estimé par le réassureur Münich Re à 566 milliards de dollars, soit plus que les pertes cumulées de 1950 à 1989. Cette situation n’est pas durable. Dans notre pays, plus de 4,5 millions de personnes, près de 10 % de la population, vivent dans des zones soumises à un risque naturel d’inondations, qui touche un minimum de 7600 communes. Les divers textes nationaux qui encadrent le risque, depuis la loi de 1807 sur le déssèchement des marais à la loi Bachelot de 2003, en passant par la loi de 1982 qui avait créé les PERI, (suite à la crue de et Brives-Charensac en Haute-Loire, en 1980 (75 millions d’euros de dégâts, 8 morts), celle de 1995, dite loi Barnier n’ont pas inversé la tendance. Le coût moyen des inondations était estimé, en 2005, à 262 millions d’euros par an. Les récents évènements, de plus en plus dramatiques, montrent que ces coûts, et les risques pour les personnes, risquent de devenir hors de contrôle. Il est donc urgent d’agir, de redéfinir la politique commune de gestion, de culture du risque, conformément à ce que nous demande l’Europe et sa directive inondations de 2007, qui oblige à repenser en profondeur et l’approche, et la méthode, en insistant en particulier sur les aspects de gouvernance et de participation des différents publics.

Ile de Ré, Xynthia, 2010

Etats-Unis, Katrina, 2002

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L’Elbe (Allemagne) en 2002, en haut : avant la crue, en bas : pendant.

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Le WWF, un acteur au service d’une « culture du risque naturel d’inondations » renouvelée. Le WWF (World Wide Fund for nature) est une ONG de conservation de la nature, fondée en 1961 à l’échelle internationale, en 1973 en France. Il travaille à la « réconciliation de l’homme et de la nature », en s’appuyant sur une culture de « recherche de solutions » pragmatique, utilisant différents modèles de coopération tant avec les institutions, les autres ONG qu’avec les acteurs économiques et les populations concernées. Inondations à Cologne, 1995

Il s’est intéressé à la question de la gestion du risque naturel d’inondations dès les années 80, avec la fondation, par le WWF Allemagne, d’un « Auen Institut / Institut des Plaines Alluviales » basé à Rastatt, sur le Rhin Supérieur en Allemagne ! Ce dernier a, pour commencer, initié les politiques publiques de restauration du Rhin, rectifié et raccourci tout au long des XIXe et XXe siècle et ayant de ce fait perdu l’essentiel de ses capacités naturelles à absorber les crues. A cette époque, le Land du Baden Würtenberg en particulier avait commencé à s’intéresser à la restauration de plaines alluviales du Rhin Supérieur, donc à la réouverture de digues pour permettre de stocker à nouveau une partie des eaux sur la partie amont du fleuve en cas de crues, afin de limiter les dégâts à l’aval. Les grandes crues du Rhin de 1993 et 1995, qui ont en particulier failli inonder une partie de la Hollande, (Province du Limburg, qui a du évacuer 200 000 personnes, du fait de la réduction des espaces d’inondations à l’amont) ont donné raison à cette stratégie à l’époque totalement innovante en Europe et permis de l’amplifier, à travers le programme « Rhin 2020 ». L’exemple allemand a été précurseur et innovant à deux titres : le pays a envisagé, dès la fin des années 70, de restaurer des fleuves « sur-aménagés » pour réduire le risque naturel de crues ; l’Allemagne s’est ensuite appuyée, parmi d’autres expertises (universités, bureaux d’études) sur les ONG et cet outil spécifiquement créé par le WWF, piloté par des scientifiques internationalement reconnus. L’expertise de l’Auen Institut s’est ensuite exportée sur divers fleuves de l’Europe (Elbe, Oder, Danube, Loire) et du monde : Mississipi, Pantanal.

1. L’expérience positive de « Loire vivante », l’intérêt du « Plan Loire Grandeur Nature ». En France, le WWF s’est engagé sur la question de la protection et de la restauration des fleuves, donc sur la question de la « culture du risque naturel d’inondations » en 1986, en soutenant le réseau Loire Vivante, qui s’opposait alors au programme d’aménagements lourds prévus sur le bassin de la Loire par l’Epala, Etablissement Public d’Aménagement de la Loire et de ses Affluents1. Quatre grands barrages étaient prévus pour, entre autres objectifs, « contrôler les crues » les plus importantes (centennales) du fleuve. Les grands ouvrages de Serre de la Fare2 (Haute-Loire) et du Veurdre (Allier) avaient en particulier pour objectif de réduire l’onde de crues pour la Loire amont et la Loire moyenne, avec des réductions de hauteur d’eau de quelques décimètres pour la Loire moyenne, de fait inopérantes vu le degré d’exposition au risque des biens et des personnes à l’aval et la faiblesse des ouvrages de protection (500 km de digues dans la Loire moyenne, plus ou moins bien entretenues). L’opposition de Loire Vivante, qui a été progressivement relayée par différentes expertises indépendantes et progressivement légitimée par les services du Ministère de l’Ecologie a permis de renouveler en profondeur l’approche de la gestion du risque dans notre pays. Le conflit, frontal, entre « aménageurs » et « écologistes », qui a duré 8 ans, avec au final l’abandon du programme de barrages. Il a permis de dessiner les contours d’une « nouvelle culture du risque » qui s’est progressivement structurée à partir de 1994 et le lancement du Plan Loire Grandeur Nature, dont l’essentiel des moyens est allé à la gestion d’un niveau de risque permettant et de garantir une sécurité optimale aux personnes, et de freiner la tendance lourde à la sur-occupation des zones inondables, d’en restaurer certaines en délocalisant des installations (Brives-Charensac, Blois) et de respecter au mieux les grands équilibres écologiques du fleuve Loire. 1 L’Epala est devenu EP Loire, Etablissement Public Loire, en 2005. C’est un des partenaires institutionnels du Plan Loire Grandeur Nature (infra). 2 En 1980, une crue centennale avait entraîné huit morts dans la ville de Brives-Charensac et causé pour près de 70 millions d’euros de dégâts.

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Principale innovation méthodologique du Plan Loire, une « Equipe pluridisciplinaire », composée d’hydrauliciens, écologues, économistes, sociologues, a permis d’élaborer des concepts nouveaux, comme celui de la « réduction de la vulnérabilité », et de renforcer le degré et la précision de la connaissance du risque sur le bassin. Globalement, le Plan Loire, en abandonnant le principe de construction systématique d’ouvrages de protection, en s’inspirant de ce qui commençait à se faire ailleurs en Europe et dans le monde, à permis l’émergence lente, difficile, mais inévitable d’une approche s’appuyant sur les capacités naturelles des fleuves à absorber les crues dans leurs espaces alluviaux tout en limitant l’exposition au risque des communautés riveraines. En deux mots, « moins de béton, plus de dialogue et plus de coopération avec le fleuve ». L’innovation a été de taille. Plaine alluviale de la Loire

Le Plan Loire Grandeur Nature.

Sur la Loire amont, Loire Vivante avait montré, avec l’aide des expertises techniques3 et des services du Ministère de l’Ecologie que le barrage de Serre de la Fare, sensé protéger la commune de Brives-Charensac4 (5000 habitants, à l’est de la ville du Puy-en-Velay) n’allait pas apporter la sécurité totale promise en 1986 mais au contraire aggraver le risque et l’exposition des personnes et des biens. En effet, illusionnés par un sentiment de fausse sécurité, excluant les évènements atypiques des modalités de gestion du barrage écrêteur et multifonctions projeté, les élus du secteur avaient planifié de poursuivre l’urbanisation des zones à risque5 dans les règlements d’urbanismes locaux.

3 Rapport Pierron, modèle physique réalisées par la société Sogreah, à Grenoble. 4 Une crue en 1980 avait fait environ 85 millions d’euros de dégâts (400 MF), conduisant à la première loi sur les risques de 1982. 5 « L’ensemble des dispositions du PER deviendront caduques 1 an après la mise en fonctionnement du barrage de Serre de la Fare. Les dispositions du POS s’appliqueront alors » Extrait du registre du Conseil Municipal de Brives Charensac 20 janvier 1989.

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Le Plan Loire, lancé le 4 janvier 1994 par le gouvernement de Mr Balladur, avec Michel Barnier comme ministre de l’Ecologie a montré que, en restaurant une partie de la plaine alluviale sur le secteur de Brives-Charensac, en déplaçant des usines et des habitations construites dans le lit majeur du fleuve, il était possible, pour un coût nettement inférieur au coût du barrage6 de Serre de la Fare, d’assurer la « sécurité active » des riverains. Au final, trois usines ont été relocalisées dans des communes proches, (300 salariés), le lit de la Loire a été élargi et approfondi dans sa traversée de la ville, (500 000 m3 de matériaux extraits), trois seuils mobiles, des cales, un cheminement piétonnier ont été réalisés, pour satisfaire des objectifs paysagers. Un lotissement de 5 maisons à été rasé à Peyredere, quelques kilomètres à l’aval de la ville de BrivesCharensac. En parallèle, le Plan Loire a procédé à l’amélioration du réseau d’alerte et d’annonce des crues, avec l’installation d’un nouveau radar à Sembadel, en Haute-Loire.

Démolition et déplacement d’usines à Brives-Charensac

Plusieurs crues, de type « cévenol », rapides et violentes, en 1996, 2003, 2008 ont montré la pertinence des choix mis en œuvre en Haute-Loire, essentiellement sur la Loire. Le niveau de dégâts a été très réduit sur les secteurs où des mesures importantes de restauration des écoulements et réduction de la vulnérabilité ont été mises en place7. Les points noirs restants sont liés à des contradictions entre acteurs économiques et politiques auxquelles le Plan Loire, l’Etat et les collectivités locales n’ont pu apporter de réponse, conduisant à une répétition des dégâts à chaque crue. Le cas du transporteur routier « Multi Transports »8, maintenu dans la plaine alluviale de Chadrac, à l’aval de Brives-Charensac et dont des dizaines de camions sont emportés à chaque crue depuis 1980 révèle les limites d’un contexte politique, administratif et économique dans lequel les communes périphériques du Puy-en-Velay, (malgré leur appartenance à l’Agglomération du Puy-en-Velay), ont préféré s’assurer les revenus liés à la taxe professionnelle plutôt que de diminuer le risque (humain, financier), le mécanisme assurantiel ayant jusqu’à présent systématiquement remboursé les dommages et empêché la relocalisation. Cette question pose le problème essentiel du coût des inondations pour la collectivité. Elle dépasse le seul contexte local, mais illustre une contradiction qu’il devient urgent de dépasser. Plus à l’aval de Brives-Charensac, sur la Loire, comme nous le verrons, l’absence de culture du risque, liée sans doute à une faiblesse du débat local a conduit à une inertie problématique et à cette forme de démission des pouvoirs publics, de fuite en avant des autorités qui, ailleurs (Xynthia, février 2010, Draguignan, juin 2010) ont montré de quelles tragédies celles-ci pouvaient être porteuses.

Inondation à Retournac (haute-Loire)

Z.A. innondée sur le bassin de la Loire

6 50 millions d’euros contre 120 millions environ. 7 A Aurec sur Loire, à l’entrée de la retenue de Grangent, « la facture dépassera 2 millions d’euros », la base de loisirs construite en zone inondable ayant été entièrement détruite. (La Tribune, 5 novembre 2008). 8 Multi Transports : plus de 3 millions d’euros de dégâts, et ce n’est qu’un début ». La Tribune 9 novembre 2010.

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Un Plan Loire avec quelques faiblesses en termes de gouvernance et de communication pour ses deux premières phases. Pour la Loire moyenne, le projet de barrage du Veurdre a été provisoirement abandonné et le Plan Loire a entrepris un programme de réduction de la vulnérabilité (des centaines de milliers de personnes, 13 600 entreprises, 1500 équipements collectifs, 78 000 ha de cultures, 4100 transformateurs moyenne et basse tension, 1000 pylônes EDF, sont soumis à un aléa fort9). Cet élan nouveau, coordonné pendant plusieurs années par un délégué interministériel, assurant la cohérence à l’échelle d’un bassin de 120 000 km2, a donné des résultats remarquables, les diverses crues étant passées sans faire de victimes ni de dégâts majeurs. Cependant, deux éléments ont manqué au dispositif global : 1. Le travail de communication / sensibilisation / information / éducation à destination des différents publics a été très insuffisant, tant aux échelles locales qu’à celle du bassin10, durant les deux premières phases du plan, entre 1994 et 2006. L’Etat semble avoir oublié, ou a en tous les cas rélégué à une place congrue la nécessité de l’effort de sensibilisation / information / éducation / communication dans la mise en œuvre d’une culture nouvelle, alternative de gestion du risque et négligé d’expliciter ses choix nécessaires, tant sur les plans techniques qu’économiques et écologiques. 2. Les ONG en général, le réseau Loire Vivante11 en particulier ont été mises à l’écart de toute participation à la mise en œuvre du Plan Loire sur la question de la « culture du risque », dans la continuité du refus historique de l’Etat et des collectivités territoriales de prendre en compte, autrement que par le rapport de forces, les compétences et l’énergie de la société civile associative. La médiation et les propositions de coopération des ONG ont été refusées avec constance tant par la plupart des élites locales que par une administration à la culture encore très jacobine, toutes deux donnant l’impression de ne pas vouloir partager une once de légitimité. Pourtant, comment fonder une culture collective de la responsabilisation, de la « prise en charge de sa part de responsabilité, du fardeau », si la médiation d’ONG professionnelles, reconnues, populaires n’est pas acceptée ? Comment changer les visions, les pratiques, les comportements, si une catégorie d’acteurs est délibérément exclue des représentations et politiques nouvelles à édifier ? Cette question dépasse le cadre de ce document, mais elle souligne un point à notre sens essentiel dans les défis qui sont devant nous : comment associer la société civile à la création d’une culture du risque ? Le Grenelle de l’Environnement apporte, pas à pas, un début de réponse en reconnaissant l’intérêt de la participation des ONG à l’élaboration et la mise en œuvre d’un certain nombre de politiques écologiques publiques, comme cela se fait depuis longtemps dans d’autres pays de l’Union Européenne.

2. Dynamiser le Plan Loire Grandeur Nature, un modèle innovant en perte de vitesse. Le Plan Loire Grandeur Nature en est à sa troisième phase (2007-2013). Il a permis de réaliser des progrès collectifs importants en matière de culture du risque sur le bassin de la Loire, en mettant en œuvre rapidement une solution pour Brives-Charensac (1994-1997) en innovant sur le plan de la recherche et de la transversalité. Des travaux de renforcements sur les 500 km de levées en Loire moyenne, avec 125 points sensibles relevés entre Nevers et Angers ont été lancés12. L’élan donné par l’Equipe Pluridisciplinaire a enfanté d’une nouvelle culture du risque, permettant de légitimer la critique d’une réponse purement structurelle (ouvrages nouveaux, toujours plus grands, plus haut), d’inventer le concepts neufs des études 3 P » (Prévision, Prévision, Protection), appliquées à diverses parties du bassin et de montrer l’importance de la « réduction de la vulnérabilité »13, qui insiste sur la dimension sociologique du risque, sur les changements de comportement.

9 Etude de la propagation des crues et des risques d’inondations en Loire moyenne. Enjeux et dommages dans le lit de la Loire. Equipe Pluridisciplinaire du PLGN juin 1999 10 Il y a quelques exceptions, insuffisantes : divers documents de l’Equipe pluridisciplinaire du Plan Loire, de l’EP Loire, du journal « La Loire et ses Terroirs » et, sur l’agglomération du Puy-en-Velay, de la sortie de 7 numéros d’un journal d’information durant la mise en place du chantier des alternatives « Chantier à suivre » Sept 1995 / juin 1997, soit pendant deux ans. Le dernier document généraliste « grand public » date de mai 2003 : « Réduire les risques d’inondation en Loire Moyenne. Un engagement de tous dans la durée ». Un document « Réduire les risques d’inondations en Loire moyenne : ce qui doit être fait » a été mis en chantier en 2003 par le Plan Loire. Il n’est jamais sorti. Citons aussi le remarquable programme Interreg Européen « Freude Am Fluss », 2003-2008, porté par l’EP Loire. 11 S OS Loire Vivante a participé au jury pour le choix de la solution à Brives-Charensac (BCEOM), à l’automne 1994, puis à été systématiquement écartée de la mise en œuvre, dans les Plan Loire successifs. 12 L ors de la crue de 1866, la dernière grande crue, 166 brèves avaient montré la faiblesse du système. Malgré cela, l’entretien des digues a été délaissé tout au long du XXe siècle. 13 U n travail particulièrement complexe a en particulier été réalisé en 1994 et 2000 sur le bassin de la Maine / Sarthe, Loir, Mayenne.

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C’est un point capital : le travail de recherche a permis de structurer et d’accompagner, sur une base scientifique, technique enfin solide (avec des premières approches économiques sur le coût réel des inondations) les évolutions indispensables. L’équipe a permis de donner de la lisibilité, de la crédibilité au Plan Loire, dans un contexte culturel et politique d’inquiétude face au risque, de doute face à la pertinence d’autres choix que ceux culturellement admis : digues plus hautes, barrages plus grands. Elle a donné de l’assise à l’idée que les seules visions et pratiques hydrauliques de « contrôle des crues » était insuffisantes, les réponses à apporter face au risque étant globalement beaucoup plus complexes, et pour une bonne partie liées à l’adhésion sociétale. L’Equipe Pluridisciplinaire a parachevé, en lui donnant la cohérence, la solidité d’un travail de recherche pluridisciplinaire, la vision de Loire Vivante, qui avait montré, d’une manière plus synthétique, sommaire14 que le programme d’aménagement de la Loire pour « lutter contre les crues » répondait plus à une idéologie de l’aménagement lourd des fleuves qu’à un besoin rationnellement, économiquement, sociologiquement et écologiquement fondé. Dans le même temps que la recherche progressait, une politique énergique de réalisation des Atlas de Zones Inondables et de mise en œuvre des PPRI15 a été conduite sur le bassin, notamment sur des secteurs très difficiles comme le Val d’Authion, dans le secteur d’Angers16. Plusieurs communes, collectivités : Nevers (avec l’Etude Egrian17), Blois, Orléans, Tours, Sully sur Loire, Saumur ont commencé à prendre la mesure du risque. Des centaines d’entreprises ont lancé des « diagnostics de vulnérabilité » qui ont montré l’échelle d’économie de coûts qui pouvait être réalisée avec l’adoption de mesures simples, peu coûteuses, basées pour partie sur des changements de comportement en cas de crues et de mesures structurelles peu onéreuses. Cependant, ce travail a été peu lisible pour une bonne partie des acteurs du fait d’un problème de gouvernance, classique, au sein du Plan Loire entre l’Etat, les collectivités (EP Loire) et l’Agence de l’Eau Loire Bretagne. Construire une coopération entre de tels acteurs, pour deux d’entre eux récents, sur un sujet tel que les crues demande du temps, et des esprits ouverts au changement. Notre culture française, encore très centralisée, dominée par une Administration encore trop fermée sur elle-même, est seulement en voie d’ acquisition de cette pratique que demande l’Europe, à savoir l’association des différentes parties prenantes pour trouver les réponses aux problèmes d’aménagement du territoire. Notre culture nationale est aussi marquée par une posture d’élus locaux pour la majeure partie convaincus que leur mandat vaut compétence sur beaucoup de sujets, ce qui n’est plus suffisant à l’heure d’internet et d’une crise globale des valeurs et fondamentaux du « vivre ensemble ». De fait, des problèmes de gouvernance importants, normaux du fait du caractère innovant du Plan, mais inquiétants quand ils semblent se prolonger inutilement existent entre ces acteurs. La coopération de l’Etat avec l’Epala est loin de donner satisfaction. Après son « échec » en 1994, l’établissement avait frôlé l’implosion et mis quelques années, sous l’impulsion de son directeur, Régis Thépot et nouveau président, Eric Doligé, sénateur du Loiret, à se construire une nouvelle identité au service de la gestion durable du fleuve18, devenant l’Etablissement Public Loire en juin 2001, un EPTB, Etablissement Public Territorial de Bassin. Du fait de son histoire, l’EP Loire est devenu très sensible à l’intérêt de coopérer avec le monde associatif, de co-construire des projets de sensibilisation, à mettre en œuvre un modèle de gouvernance différent. Il a de fait pris l’essentiel des initiatives, volontaristes, pour porter à la connaissance des divers publics l’importance de la menace (actions en faveur des entreprises, organisation du salon Prévirisq à Orléans en septembre 2008, diffusion de documents à l’échelle du bassin par exemple) , l’Etat se contentant le plus souvent, dans ce domaine, de suivre l’impulsion. De même, le rôle de l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, autre acteur essentiel du bassin, dont une partie des redevances aurait servi à construire les ouvrages de soutien d’étiage du programme de l’Epala, est-il toujours difficilement lisible. Le « conservatisme » de cette institution, pendant longtemps entre les seules mains d’intérêts économiques (agriculteurs irrigants, EDF) et d’élus de divers collèges peu ouverts et formés à une nouvelle culture du risque naturel et de la restauration des fleuves à compliqué la mise en œuvre de programmes innovants qui marieraient la restauration de l’espace de liberté du fleuve, celle des grands équilibres écosystémiques (zones humides) et la réduction de la vulnérabilité. L’Agence, mobilisée par d’autres enjeux (en particulier les pollutions agricoles), n’ayant pas de compétences particulières sur la question de la gestion du risque naturel d’inondations s’est limitée à un financement, important, de l’Equipe Pluridisciplinaire et de divers chantiers, sans aller au delà. Pourtant, le SDAGE19 Loire Bretagne, adopté en juillet 1996, mentionnait bien, dans son objectif vital n° 7, qu’il fallait « Savoir mieux vivre avec les crues », sans expliquer comment l’agence entendait participer à cette nouvelle approche, tellement nécessaire. Ainsi, cet acteur majeur sur le fleuve, n’a t-il ni engagé ni accompagné avec ses moyens conséquents le travail de sensibilisation / communication des usagers du bassin.

14 Son but premier était de démontrer qu’un désastre écologique était en voie de constitution sur un capital fluvial d’importance internationale. 15 R endus obligatoires par la loi Barnier sur les risques de 1995. Ils ont pris le relève des PER, Plans d’Exposition aux Risques, art 16 de la loi sur l’eau de 1992, des PSS, Plans de Surfaces Submersibles plus anciens, (1935), toutes tentatives infructueuses de limiter le risque naturel d’inondations. 16 E tudes des crises hydrologiques 3 P Prévision Prévention Protection Ministère de l’écologie / agence de l’Eau Loire Bretagne / Epala et divers Décembre 2000 17 E tude Globale du Risque Inondation sur l’Agglomération de Nevers. Un colloque a également été organisé les 23 et 24 novembre 2006 sur la question. 18 Le fait que cet organisme, constitué pour construire les barrages, ait réussi cette mutation et se mette au service d’une vision et d’une pratique de réconciliation entre l’homme et son fleuve est remarquable. L’EP Loire a aujourd’hui signé une convention avec le WWF et a animé pendant 5 ans le programme « Freude Am Fluss », regroupant des acteurs Hollandais, Allemands, Français, une première. (voir supra) 19 S chéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux.

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Travaux de restauration des digues

Forêt alluviale au bord du Cher

Pour ce qui concerne les ONG, acteurs à la responsabilité financière, juridique certes moins lourde que celle des acteurs institutionnels, mais qui ont acquis, au fil des années une compétence indéniable sur la question et bénéficient d’une confiance importante de l’opinion publique, le Plan Loire a dès l’origine eu les plus grandes difficultés, voire réticences à les associer étroitement à son programme d’actions. Dans un premier temps, cela était compréhensible, vu la force du conflit qui l’avait opposé à Loire Vivante. Dix ans après le lancement de Plan, le refus de coopération est devenu incompréhensible. Malgré des offres de services répétées, aucune collaboration d’envergure n’a été possible et la situation s’est aggravée avec les premières années de la phase 3. Les ONG, qui avaient aidé à repenser l’aménagement durable du fleuve, qui disposent de capacités reconnues (notamment par l’Union Européenne) pour faire le travail de médiation et d’acculturation sont toujours marginalisées, dans un processus classique, qu’il ne nous appartient pas de décrire ici, mais dont notre pays a été coutumier jusqu’au lancement bienvenu du « Grenelle de l’Environnement » en 2007. Sur le bassin, seul un secteur ambitieux de coopération, initié par ENF20 et le WWF en 1993, le programme « Loire Nature21 », a été maintenu jusqu’en 2006, grâce à un soutien optimal, paradoxal de l’EP Loire dès 2002 et au volontarisme des ONG. Mais il n’abordait la question de la gestion du risque que de manière très incidente.

Y a t-il un pilote dans l’avion ? La phase 3 du Plan Loire, dont l’architecture a été remaniée et complexifiée entre 2005 et 2007 n’a pas amélioré, selon le WWF, la capacité de coopération entre les acteurs du Plan Loire. De plus, la disparition définitive, à partir de 2006 du coordinateur du Plan Loire, du « Monsieur Loire », un poste nécessaire pour identifier, piloter, réguler cet ensemble complexe a fragilisé la continuité de l’appropriation du Plan par les acteurs locaux, en particulier les élus, qui ont tendance à rejeter un plan « fait par Paris » ou, à défaut, « par Orléans », par un « Etat impersonnel », qui « ne comprend pas leurs problèmes et leurs contraintes », ce qui est partiellement faux, mais renvoie aux faiblesses explorées plus haut. Ces manques ont conduit à des retards, des contresens, des dysfonctionnements comme nous le montrons plus bas pour le secteur de la Loire Amont autour de Saint Etienne et, par extension, sur la vallée du Gier, un affluent du Rhône. Ces faiblesses sont été soulignées par la représentante de l’Europe lors de la dernières conférence des acteurs du Plan Loire, à Angers en 2009, qui a expliqué que le Plan Loire avait échappé de peu à une procédure de « dégagement d’office » et au rapatriement de 30 millions d’euros de crédit du Programme Opérationnel (Feder) vu ses carences sur l’innovation, la communication, la gouvernance. Une critique sévère. 20 Espaces Naturels de France, la Fédération des Conservatoires Naturels d’Espaces de France, basée à Orléans. 21 Le programme a, entre autres, permis l’acquisition ou la maîtrise foncière sur plusieurs milliers d’hectares d’espaces alluviaux, pour préserver l’espace de liberté du fleuve, avec des exemples concrets de mise en place d’alternatives économiques (pastoralisme à Guilly, achat de terrains sur la confluence, de la Dore et l’Allier, etc).

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3. Les contre-exemples du bassin de la Loire amont dans le secteur de Saint Etienne et de la vallée du Gier sur le bassin du Rhône. Le WWF est dans son rôle quand il critique, voire dénonce. Si sa philosophie d’action le pousse à toujours rechercher le dialogue en premier lieu, son expérience et sa présence internationale lui permettent de mesurer l’utilité des conflits et de la sortie par le haut des conflits. Il reconnaît en conséquence bien volontiers l’intérêt majeur du Plan Loire, qui a fait le choix de concilier sécurité des personnes et des biens et écologie du fleuve et mesure le caractère compliqué, dans une société figée, de sa mise en œuvre, ainsi que la compétence et la « bonne volonté » de très nombreux agents de l’Etat qui se sont mis à son service, qui n’est pas de tout repos... Le WWF défend, en tous lieux, le Plan Loire, et exporte même son intérêt à l’étranger, dans divers colloques, forums, publications22. Cependant, les incapacités à le faire connaître, l’exporter tant à l’étranger que sur toutes les parties du bassin contribuent à l’affaiblir. Sous certains cieux, la culture des territoires (communes, communauté de communes) reste encore très accrochée aux pratiques héritées du XIXe siècle, celles de la « conquête des espaces alluviaux », faciles à urbaniser, peu chers et celles de l’édification d’ouvrages d’art, financés principalement sur fonds publics et qui garantiront quoiqu’il arrive, jusqu’à l’inévitable catastrophe, un développement irresponsable. Ces territoires sont entre les mains de collectivités bénéficiant de fortes prérogatives en matière d’aménagement depuis la décentralisation de 1982, libertés qui s’apparentent à certaines formes de confiscation de l’espace commun, à un retour de « baronnies locales » quasi incontrôlées, celles que l’Etat français avait mis des siècles à réguler… Certes, la décentralisation, bienvenue, indispensable est jeune et mérite notre indulgence. Mais la pression exercée par certains élus à l’égo surdimensionné sur le foncier, confondant développement et urbanisation dans les zones à risque, soumis à un contrôle de légalité insuffisant et aux désirs sans limites de nouvelles populations urbaines conduit à une aggravation insupportable du risque. De fait, les PPRI23, outils innovants au service du contrôle de l’urbanisation dans les zones inondables sont-ils trop souvent élaborés sans débats publics suffisants, sans que les éléments d’information et d’appréciation, en particulier des cartographies précises soient efficacement portés aux différents publics et acteurs. Le type de consultation prévu (enquête publique) n’est pas à même de générer le porter à connaissance nécessaire et cet instrument novateur ne contrebalance pas la volonté de beaucoup d’élus à faire venir des entreprises et l’attrait, dangereux mais puissant, pour les nouveaux habitants de vivre au bord de rivières perçues comme des « cadres de vie » plaisants. En conséquence, les PPRI sont trop souvent au final le fruit, insatisfaisant, de compromis médiocres entre l’Etat et les collectivités. S’ils peuvent conduire à priori à une réduction des nouvelles surfaces urbanisables (une étude bilan serait à faire sur la Loire et ailleurs) ils n’empêchent pas la perpétuation des dérives passées. La plupart des inondations récentes démontrent l’étendu du travail à accomplir pour rendre les PPRI plus contraignants, et lisibles, pour tous. Sur un territoire à risque comme le territoire du « bassin stéphanois », situé à cheval sur les bassins de la Loire et du Rhône, régulièrement touché par des crues de type cévenol, quelques communes n’ont à l’évidence pas pris la mesure du danger. Divers épisodes récents (2003, 2008) ont généré des dégâts qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros, démontrant la grande, voire l’extrême vulnérabilité d’un certain nombre d’espaces urbanisés (vallée du Gier, plaine alluviale de la Loire dans le Forez) et soulignant l’urgence de lancer un travail global d’acculturation au risque et de réduction de la vulnérabilité de grande ampleur. Malgré cela, l’Etat et les élus locaux, (Saint Etienne Métropole24) ne donnent pas franchement l’impression d’avoir pris la mesure du risque.

Une salle de spectacle de 2000 places dans le lit de la Loire à Andrézieux-Bouthéon. Sur la Loire et la commune d’Andrézieux-Bouthéon, dans la plaine du Forez, à quelques kilomètres au nord de Saint Etienne, le maire de la commune s’obstine, depuis 5 ans, à vouloir construire dans la plaine alluviale de la Loire, au milieu d’une zone sévèrement inondée par la crue du 2 novembre 2008, une salle de spectacle de 2000 places. La Loire dans le secteur est classée en zone de « risque de crue majeure, avec une menace directe et généralisée de la sécurité des personnes et des biens25 ». De plus, les paysages et les espaces naturels de la plaine alluviale, encore épargnés à cet endroit alors qu’ils été très dégradée sur le reste du territoire, sont d’une grande qualité, importants pour les loisirs gratuits des habitants et font l’objet d’une valorisation par une petite agriculture de proximité. Malgré 4 recours gagnés par une association de riverains26, malgré une pression du WWF et des ONG locales, regroupées dans le Collectif Loire Amont Vivante27, pour que cette construction ne se fasse pas à cet endroit là (la commune bénéficiant de réserves foncières importantes), le Préfet de la Loire et ses services ne semblent pas désireux, à priori, d’imposer à la commune la recherche d’un autre terrain. 22 Régis Thépot, directeur de l’EP Loire jusqu’en juillet 2009, est ainsi allé trois fois en Chine, à l’invitation du WWF et « Forum Yangtze », présenter le Plan Loire et la nouvelle configuration de l’aménagement et du jeu d’acteurs. 23 Plans de Prévention des Risques Naturels prévisibles, créés par la loi du 2 janvier 1995, qui concernent les zones soumises à un risque d’inondation, de mouvement de terrain, d’avalanche, d’incendie de forêt, de séisme, d’irruption volcanique, de tempête ou de cyclone. 24 L’agglomération regroupe 360 000 habitants. 25 Carte établie dans le rapport de l’OCDE, « Etude de l’OCDE sur la gestion des risques d’inondation. Bassin de la Loire, France » à partir des cartes produites par le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévisions des Inondations de la Dreal de bassin. 26 Bords de Loire, basée à Andrézieux-Bouthéon. 27 Créé en 1999, il regroupe une trentaine d’associations (naturalistes, pêcheurs, consommateurs) du département de la Loire.

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Le Furan à St-Etienne

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Dans ce secteur, le Plan Loire, le travail fait plus en aval sur le fleuve, à Blois avec l’enlèvement des installations dans le déversoir de La Bouillie, les opérations de déplacement de 3 usines entre 1995 et 1997 à Brives Charensac, à 80 km au sud ne sont en aucune façon des références, des « points durs », symboliques, pour la réflexion collective. Le projet d’urbanisation n’est toujours pas abandonné : un quatrième permis de construire du maire a été validé par le Tribunal administratif de Lyon puis par la Cour Administrative d’Appel. Il y a là une défaillance commune, une panne ubuesque, une aberration qui montre que, en droit, devant la démission de l’Etat, il est possible d’installer une salle de spectacle dans une zone dangereuse. L’exemple à ne pas suivre. Le pont d’Andrézieux détruit par la crue de 1907

Le Furan et l’Onzon. Sur le bassin du Furan, à Saint Etienne, une rivière quasiment intégralement recouverte durant les diverses phases d’urbanisation de la ville depuis le XVIIIe siècle, le risque d’inondations n’est pas négligeable, avec 11 00 habitants et 2500 emplois concernés. Le barrage écrêteur du Gouffre d’Enfer, « premier grand barrage français » construit en 1866 pour faire face au risque de crues à l’époque et assurer le développement du bassin stéphanois, prouesse d’ingénieur et réussite d’architecte, semble ne plus suffire. En 2003, l’agglomération a donc soumis un dossier au titre de la loi Barnier et d’un dispositif national de prévention lancé en 2002, organisant des PAPI28, permettant la coopération entre Etat et collectivités. Le « PAPI du Furan » a prévu, dans une absence de transparence préoccupante, la construction de deux nouveaux barrages écrêteurs (« ouvrages de ralentissement dynamique » sur le Furet et l’Onzon, deux affluents du Furan29, pour un coût de 9,2 millions d’euros. En 2003, le WWF, dans l’attente de renseignements complémentaires, n’a pas été défavorable au principe de construction des ouvrages, permettant peut-être un gain de quelques centimètres suffisant pour diminuer l’aléa et situés sur des cours d’eau sans enjeux écologiques majeurs identifiés. A partir de 2005, conformément à ce que prévoyaient divers textes nationaux (lois Barnier, Bachelot) et internationaux (Convention d’Aarhus), comme l’avait montré pour partie le Plan Loire sur le secteur de Brives-Charensac et comme vient de le confirmer la Directive Inondations 2007/60/CE de l’Union Européenne, le WWF a cherché à coopérer, grâce à un appui financier du MEEDDM avec l’agglomération pour construire un embryon de culture du risque partagé sur un secteur où toute mémoire de la crue a disparu avec l’enterrement de la rivière. Il n’est en effet plus concevable de gérer le risque naturel d’inondations sans associer étroitement les parties prenantes, sans faire un travail de sensibilisation ad hoc30. Entre 2006 et 2009, il a été strictement impossible de construire la moindre coopération concrète, ni avec l’agglomération, ni avec les services de l’Etat. Le projet d’édition d’une plaquette, « Pour le XXIe siècle, réapprendre à vivre avec les crues31 », pourtant déjà coéditée avec la Ville de Nevers, la Diren Rhône, l’Etablissement Public Loire n’a pas été accepté, la co-constructoin d’une culture du risque étant perçue comme négligeable par les élus en situation de responsabilité. Plus préoccupant, entre 2007 et 2009, une association locale, « Etres Humains et Zones Inondables » a été obligée de systématiquement passer par la CADA, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs pour obtenir les informations sur les projets de barrages, Saint Etienne Métropole refusant de donner le moindre renseignement technique. Un projet devant à terme mobiliser plusieurs millions d’euros d’argent public, transformant de manière non négligeable une partie du territoire et les liens qu’y ont tissé ses habitants, censé garantir un degré de sécurité optimal pour la population stéphanoise reste, en 2010, un projet non partagé, un projet entre les mains des seuls services techniques de la collectivité, un « projet secret ».

28 Programme d’Action de Prévention des Inondations, issus de la loi Barnier. 34 projets avaient été retenus en 2003, dont 5 sur le bassin de la Loire, très peu connus du grand public. Le 19 juin 2003, Roselyne Bachelot, alors ministre de l’écologie, avait déclaré que « la prévention des inondations ne souffre pas, en France, d’une insuffisance de crédits, les lignes budgétaires prévues dans la majeures partie des contrats de plan ne sont pas épuisées à concurrence du temps, mais a plutôt souffert d’une carence des maîtres d’ouvrages et de méthodes parfois inadaptées ». (La Loire et ses Terroirs, juin 2003). Les projets de Papi sur le bassin Loire/ Bretagne représentent 85 millions d’euros, dont 21 millions apportés par l’Etat. 29 Il y a eu des crues du Furan en 1982, 1986, pour l’Onzon et le Furet en 1983 et 1996, « sans pour autant entrainer des gros dommages ». Inondations. Mars 2002 Philippe Auclerc. Op cit. 30 Des articles commencent néanmoins à sortir plus régulièrement dans la presse locale et Saint Etienne Métropole travaille pour améliorer le dispositif d’alerte aux crues, un dispositif devant être mis en place au printemps 2010. 31 « Pour le XXIe siècle, réapprendre à vivre avec les crues. Pour chacun et tous, faire la part de l’eau dans nos villes, nos village, notre pays ». WWF / MEEDDM / EP Loire / Freude Am Fluss 2007.

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Le Furet à son maximum, 2 novembre 2008

Une expertise récente menée par l’association des opposants, en coopération avec l’universitaire stéphanois Gérard Staron semble montrer que la réponse apportée par le projet d’ouvrage sur le Furet est inadaptée à la nature du risque sur le haut bassin du Furan. Quoiqu’il en soit, pour le WWF, conduire sur la Loire, depuis 2003, dans le cadre innovant des PAPI, un programme de construction de deux ouvrages écrêteurs présentés comme déjà réalisés, sans qu’aucune autre solution n’ait été étudiée, discutée, débattue montre bien que, là comme ailleurs, les élites ne sont pas encore entrées dans l’ère de la transparence et de la responsabilisation que le risque, multiforme, difficilement prévisible impose. Car, après les crues de 2003 et 2008, un très violent orage a submergé en juillet 2009 une partie de la ville basse de Saint Etienne, (flashflood, crue par ruissellement urbain). Cet orage, qui a lui aussi fait des dégâts importants, a montré que le danger ne venait pas seulement des hauts bassins et démontré à quel point population et services d’intervention étaient en grande partie démunis devant ce type d’événement, accentué par le degré maximal d’imperméabilisation des sols, le confinement des anciens ruisseaux, exutoires divers.

L’Onzon

Sur le bassin de l’Onzon, un affluent en rive droite du Furan, sur lequel, suite à des décennies d’urbanisation inconsidérée, et alors que des programmes de nouveaux lotissements en zone inondables semblent encore dormir dans les cartons, un projet de barrage écréteur (Ouvrage de Ralentissement Dynamique), là aussi sans justification explicitée est porté par la même communauté d’agglomération. Là encore, le projet ne paraît pas cohérent par rapport à l’évolution des pratiques de réduction de la vulnérabilité sur le bassin de la Loire. L’impossible transparence, l’incapacité à construire le nécessaire dialogue entre acteurs, l’attitude fermée de la collectivité s’appuyant sur un certain désengagement de l’Etat sont préjudiciables à la création d’une culture du risque naturel d’inondation adaptée sur cet autre territoire, passant en particulier par un frein mis à l’urbanisation. Cette situation génère des tensions préoccupantes chez les riverains sous informés.

Inondations à Rive de Gier, 2008

Le Gier, de Saint Chamond à Givors, une rivière asphyxiée.

Dans la vallée du Gier, entre la ville de Saint Chamond et la confluence avec le Rhône, la menace liée aux crues est considérable. Totalement artificialisée durant les décennies passées (la rivière est recalibrée, recouverte sur des kilomètres, une autoroute passe dans son lit, une bonne partie du lit majeur à l’aval de Rive de Gier est occupée sur plusieurs dizaines d’hectares par une zone commerciale construite dans les années 70, etc), le cours d’eau, après un siècle sans crues, a vécu deux événements extrêmes, avec des crues sans doute vingtennales et cinquantennales, en décembre 2003 et novembre 2008. La première crue a occasionné pour 40 millions d’euros de dégâts. Le bilan de la seconde n’a pas encore été publié, mais c’est un miracle s’il n’y a pas eu de victimes, le Gier ayant quitté son lit à Rive de Gier (où il est intégralement recouvert par une dalle et une voirie routière / parking) et entraîné avec lui des dizaines d’automobiles et leurs conducteurs... L’absence de curage des sédiments dans la partie recouverte avait considérablement réduit la section d’écoulement, amplifiant la force du flot d’un épisode cévenol. Malgré ces deux événements, la culture du risque évolue trop lentement sur le secteur. Suite à première la crue de 2003, qui avait montré les incohérences en matière d’occupation du lit majeur, la commune de Saint Romain en Gier avait fini par accepter de réduire l’emprise d’un gymnase construit en partie dans le lit de la rivière. Le WWF avait alors alerté sur l’effort urgent de restauration du lit, de mise en place d’une culture du risque, de sensibilisation des riverains, de coordination des actions et de coopération pour sortir d’une situation extraordinairement compliquée. Il n’a jamais reçu aucune réponse, ni de l’Etat, ni des collectivités. Tous ont été relancés, sans plus de succès, suite à la crue de 2008. Là aussi, il faut noter que, en juin 2010, un violent orage a Givors a causé des ruissellements catastrophiques sur une colline en rive droite du Gier et causé des dégâts très importants dans le centre-ville, à la surprise générale. L’indifférence face à la nécessité de sensibiliser, en commun, au risque d’inondations va devenir coûteuse. Gymnase détruit par la crue à St Romain en Gier, 2003

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L’Ondaine, une heureuse exception. Il y a cependant un territoire sur le bassin stéphanois qui fait exception, celui du bassin de l’Ondaine, un affluent de la Loire, en amont du barrage de Grangent. Sous l’impulsion du maire du Chambon Feugerolles, la rivière, massivement artificialisée au cours des XIXe et XXe siècle avec le développement du bassin minier dans le secteur de Firminy-Unieux, fait l’objet d’un programme de restauration de son lit d’une amplitude remarquable : découverte de 1 kilomètre du lit de la rivière durant l’hiver 2009-2010, (pour un montant de 12 millions d’euros), déplacement de maisons soumises à un risque trop fort sur l’Echapre, aux Trois Ponts, au printemps 2010, le tout dans un climat de consensus qu’il faut souligner mais… d’information à une large échelle encore défaillante.

4. Repenser le rôle et la place des crues, en intégrant leur importance pour l’écologie des fleuves.

« La crue, c’est la respiration des fleuves »

Monique Coulet CNRS Prix de la Conservation Internationale de Ramsar

C’est un des apports majeurs de la science de ces cinquante dernières années, et la France, avec en particulier une unité de recherche du CNRS à partir de 197532, y a joué un rôle pionnier : les fleuves sont des écosystèmes fragiles, dont l’artificialisation massive depuis le XIXe siècle a entraîné un certain nombre d’effets négatifs, parmi lesquels des pertes importantes de fonctionnalités écologiques (espaces d’inondations pour atténuer le risque naturel de crues, stockage et épuration de l’eau dans les nappes alluviales, maintien de la biodiversité, production de biomasse, de nourriture, activités récréationnelles, etc). Les endiguements massifs, les rectifications, les grands barrages ont contribué à profondément transformer, voire à bouleverser leur fonctionnement. Cette artificialisation a été renforcée par les pratiques néfastes de l’agriculture industrielle (remembrements, drainages, remblaiements-assèchements de zones humides, compactage des sols) sur les bassins versants, par l’imperméabilisation des sols, par l’urbanisation généralisée, par l’occupation des zones inondables, par la construction de voies de transport. En conséquence, non seulement ces écosystèmes précieux ne remplissent plus l’ensemble de leurs fonctions (production, régulation, culture) mais leur dégradation aggrave les inondations. Celles-ci sont devenues plus dangereuses, comme le montre une abondante littérature scientifique sur toute une série de catastrophes à l’échelle nationale et planétaire, avec un coût croissant pour les collectivités, les personnes, les Etats, les assureurs. Et les institutions reconnaissant aujourd’hui un effet paradoxal des aménagements destinés à « sécuriser » la vie au bord des fleuve : les grands aménagements, en générant une illusion de sécurité, ont contribué à aggraver le risque, comme l’a montré entre autres l’inondation imprévue du Mississipi en 1993, en plein mois de juillet, qui avait fait environ 15 milliards de dollars de dégâts. Inondations du Mississipi, 1993 32 La crue, c’est la respiration des fleuves. Fabrice Nicolino . Monique Coulet Terre Sauvage Septembre 2002.

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Confluence Allier-Loire au Bec D’Allier


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Des crues indispensables au maintien et à la restauration de la biodiversité. Les travaux de nombreux scientifiques autour du concept de « dynamique fluviale », ont montré à quel point l’alternance de hautes et de basses eaux était importante pour l’écologie des fleuves. Plus, ils ont montré le rôle décisif des crues pour rajeunir les milieux, préserver, de manière dynamique, l’équilibre naturel des hydrosystèmes fluviaux et leur biodiversité, tant en termes d’habitats que d’espèces et de populations. Certaines espèces d’oiseaux, de poissons sont par exemple totalement dépendantes, à certains stades de leur vie, de milieux remaniés liés au retour fréquent des inondations. Sans crues, en particulier sans les petites crues, sans espaces alluviaux préservés, restaurés, sans espaces de mobilité, la biodiversité des fleuves s’appauvrit. Certes, les petites crues morphogènes n’ont pas grand chose à voir avec les impressionnantes, voire terrifiantes crues centennales, cinq-centennales ou millennales. Mais il s’agit de crues, encore présentées dans notre imaginaire national (et par delà) comme des « anomalies », des « déficiences de contrôle » anormales, une forme de culture de l’aménagement qui prévaut encore chez la plupart des élites. Pour le WWF, il est donc essentiel d’intégrer dans une Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondations, cet élément essentiel, central, positif qu’est celui de la restauration écologique des fleuves, de leurs bassins versants et espaces alluviaux à partir du présupposé, éminemment neuf dans notre culture, que « les crues sont essentielles à la vie des fleuves33 ». Il est donc capital de passer d’une culture illusoire du « contrôle du risque » à une culture holistique de la « gestion du risque », accepté, compris, intégré, assumé dans les politiques publiques. Nous en sommes encore loin. La culture du béton et des grands travaux est toujours plus présente dans l’esprit de beaucoup d’élites que la culture de l’espace alluvial préservé, restauré. Il faut en changer. La question n’est pas d’être pour ou contre les digues, les barrages, les « ouvrages de ralentissement dynamiques », puisque le terme de barrage semble inquiéter certains. Le WWF n’est pas une ONG opposée aux barrages, qui rendent des services indispensables aux sociétés industrielles, et, dans certains cas, (Villerest sur la Loire) peuvent aider à limiter, un peu, l’exposition au risque dans des secteurs fortement aménagés : lors de la crue de 2003, l’ouvrage de Villerest a par exemple permis de réduire de 90 cm la hauteur de la Loire à Nevers, qui a massivement aménagé ses espaces alluviaux dans les années 60. Les barrages peuvent entrer dans les scénarii de gestion / réduction du risque. Mais ils ont tendance, on le voit pour Saint Etienne, à apparaître comme la « solution magique », évitant de traiter les autres problèmes et représentant une sorte de remède palliatif par rapport à une culture du risque naturel plus moderne et participative. L’importance de la restauration de la fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, donc de leur bassins versants est d’autant plus urgente que nous sommes entrés dans l’ère des changements climatiques, qui augmentent le degré d’incertitude et doivent modifier en profondeur la nature de notre relation aux risques naturels. Les inondations vont devenir, malgré les progrès technologiques liés à l’amélioration des radars, de la prévision, paradoxalement plus imprévisibles, plus soudaines, plus violentes, avec des fréquences et des hauteurs de précipitations inconnues des statistiques34. Les crues par ruissellement en secteur urbain en particulier, qui semblent se multiplier, n’ont pour le moment pas de réponse, comme l’a par exemple montré la crue sur l’agglomération stéphanoise de juillet 2009. Mais les territoires ruraux, souvent urbanisés en périphérie, ne sont pas plus protégés. Nous devons donc renforcer toutes les politiques, les initiatives, les pratiques et mécanismes privés et publics qui vont permettre de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. A cet Inondation à St-Etienne, 2009 égard, nous savons aujourd’hui que les modifications de pratiques d’agriculture industrielle, pour la plupart très émettrices de gaz à effet de serre, peuvent jouer un rôle important et dans la diminution des émissions, et dans le stockage du carbone, et dans la capacité des sols agricoles (prairies, cultures) à retenir l’eau, à jouer un rôle de tampon, d’amortisseur, un peu comme le font les forêts. Des études conduites dans diverses universités Suisses, Américaines, Anglaises35 ont montré l’avantage que présentaient les sols cultivés en agriculture biologique pour absorber et retenir l’eau : clairement, l’agriculture peut-être, et doit être une alliée.

33 Monique Coulet, communication personnelle, Rassemblement Européen, Le Puy-en-Velay, mai 1989. 34 Voir le rapport « Changements climatiques et évènements météorologiques extrêmes » WWF- 2000. Article « On va vers des pluies plus fortes en hiver et des étés plus secs » Jean Louis Vallée Prévisionniste Météo France Le Progrès 7 décembre 2008 35 Voir l’article d’Urs Niggli « L’agriculture biologique est parée pour affronter le XXIe siècle ». La Revue Durable n° 37 Mars 2010

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WWF - Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation

5. Construire de réelles coopérations entre les acteurs, communiquer largement : des ONG au service de la culture du risque naturel d’inondations.

Comment construire une culture nouvelle, qui puisse se déployer au plus tôt, qui irrigue toute la société, qui décloisonne, qui sorte du seul paradigme technicien ? Comment ne pas rédiger un nouveau rapport parlementaire qui ne soit pas à la hauteur de la menace, extraordinairement sérieuse comme vient de la montrer le drame de Draguignan ? La France et ses élites, nous le savons, sont souvent frileuses, rétives au changement, sur ce point comme sur d’autres et le rapport d’aujourd’hui peut vite rejoindre les étagères des bibliothèques: les 24 propositions du Rapport « Inondations : une mobilisation nécessaire », de la Commission parlementaire dirigée par Robert Galley en 2001 n’ont pas réellement fait bouger les lignes. (Il serait d’ailleurs indispensable de faire le bilan critique de ce rapport, qui n’avait pas estimé utile de faire participer les ONG à la création d’une culture du risque naturel partagée…) Nous connaissons, nous reconnaissons mieux aujourd’hui nos handicaps, nos rigidités, nos freins, nos résistances culturelles, politiques, économiques qu’il y a dix ans. Nous sommes davantage prêts à les affronter, comme l’a montré le «Grenelle de l’Environnement ». Les retards à l’allumage de l’Education Nationale pour se lancer dans l’éducation à l’environnement et au développement durable ; la réticence des élus et collectivités, qui continuent pour certaines à vouloir urbaniser les zones inondables et ont beaucoup de mal à s’engager dans une culture plus participative; l’indifférence, voire l’incapacité ou le refus des services de l’Etat à coopérer avec cette même société civile, du fait de l’héritage d’une culture de grands corps trop souvent fermée à l’échange, (notre fameux modèle du « technocrate omniscient36 »), la faiblesse en moyens des ONG bref, la difficulté globale pour notre conscience nationale un peu étroite à intégrer les connaissances en matière d’écologie rendent la tâche ardue. Il vaut mieux être conscient de ces difficultés, propres à notre pays, pour aborder l’avenir avec sérénité. Des actions concrètes pour partager une culture du risque naturel d’inondations. Pour contribuer, à sa place, à créer cette culture nouvelle, innovante, nécessaire, le WWF a, avec l’appui du MEEDDM, lancé depuis 2006 la publication d’un document « Pour le XXIe siècle, réapprendre à vivre avec les crues. Pour chacun et tous, faire la part de l’eau dans nos villes, nos villages, notre pays ». Cette brochure d’une vingtaine de pages, est construite autour d’un noyau central expliquant les grandes lignes de ce que pourrait, de ce devrait être une politique de gestion du risque naturel d’inondations. Cette politique, complexe, ne peut faire l’impasse sur la nécessité de restaurer les fleuves et leurs bassins versants, comme, au XIXe siècle, les grandes lois de Napoléon III sur le reboisement des territoires de montagne ont attaqué avec succès à la racine les excès de la déforestation qui, déjà, aggravaient ce risque. Ce document généraliste donne un certain nombre d’exemples nationaux et internationaux qui, tous, tournent autour du même principe directeur : une culture du risque ne peut être qu’une culture partagée. Il peut permettre, par un encart de 4 pages sur les enjeux locaux, de présenter la stratégie suivie par les collectivités, afin de les aider à faire passer les messages tant globaux que locaux auprès des populations exposées. La plaquette a, jusqu’à présent, été tirée à plusieurs milliers d’exemplaires et diffusée : - dans les Comité Techniques de Circonscription sur le Rhône, avec l’aide de la Dreal Rhône, en 2006; - dans la ville de Nevers en 2007; - sur une partie du bassin de la Loire en lien avec l’EP Loire (2008), au colloque « Prévirisq » organisé à Tours. FNE a initié un travail complémentaire en éditant un document « Inondation : que faire chez vous avant, pendant et après la crue » en 2007. De même, dans le cadre d’un travail pédagogique, à destination des écoles primaires et des collèges, l’association « Prévention 200037 » a construit un travail de sensibilisation des scolaires. Le WWF a également, en lien avec la Frapna, Prévention 2000, initié, dans le cadre de son « Action Rivières Vivantes », un travail sur la culture du risque dans le milieu scolaire. Depuis plusieurs années, une coopération est établie avec divers établissements scolaires38, en particulier dans la vallée du Gier. En 2010-2011, une fiche pédagogique (voir en annexe) a été construite, qui sera diffusée dans les écoles avec l’aide de divers partenaires.

36 Lire par exemple l’article intéressant de Bruno Latour « Quand le principe de précaution déstabilise le rationalisme à la française » dans Le Monde du 22 mai 2010. 37 Prévention 2000 2 bis rue Inkerman 37 000 Tours Tél. 02 47 20 00 28 www.prevention2000.org/memorisks. Action Rivières Vivantes 2009 : l’urbanisation dans le lit des fleuves et le risque inondation.

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L’action du WWF, volontariste pour partie, a le mérite d’exister. C’est une action de lobby, à forte composante pédagogique, nécessaire mais insuffisante. Elle comble une partie du vide, du côté de la société civile, dans une société française qui a encore des difficultés à édifier des coopérations entre acteurs. C’est en travaillant à plusieurs, collectivement, en construisant ensemble les visions partagées et en coopérant pour mettre en œuvre les politiques publiques que nous arriverons à recréer des espaces alluviaux pour absorber la force et le volume des crues, à réaliser les délocalisations nécessaires, à restaurer les zones humides et les bassins versants, à freiner au maximum l’urbanisation des zones à risques, à lancer des programmes massifs de désimperméabilisation des tissus des villes, de végétalisation des toits et d’espaces publics (parkings), de recréation de noues, de remise à l’air libre de milliers de kilomètres de précieux ruisseaux enterrés, montrant ainsi que la culture du risque est aussi une culture tout court, une recréation de liens, de convivialité, d’emplois, d’espoirs. Pour créer cet élan encore limité à quelques parties du territoire national (bassin de la Loire, Vidourle, Quimper avec la remise à l’air libre du Steir, d’autres lieux), nous proposons que, dans les préconisations du « Conseil d’Orientation pour la Prévention des Risques Naturels Majeurs » outre les mesures techniques, sociales, économiques et juridiques qui ne sont pas de notre ressort, un travail sur deux axes soit proposé, conformément à la Directive Inondations de 2007 de l’Union Européenne : 1. U n renforcement conséquent des actions de sensibilisation / communication / pédagogie. 2. U n renforcement de la gouvernance, avec la mise en œuvre le plus systématiquement possible de processus permettant d’associer la société civile (ONG de conservation, associations de riverains et de sinistrés).

6. 16 propositions du WWF-France pour améliorer communication et gouvernance. 1. Communication / éducation. a. Donner un fort retentissement à la sortie du rapport, s’il le mérite ! En profiter pour faire le bilan du Rapport de Mr Robert Galley, 9 années après sa sortie. Forte exposition médiatique, en un lieu symbolique, la parole distribuée entre les acteurs, dossiers de presse, communiqué : bref, un recours à ce que les médias ont de meilleur. b. Montrer l’intérêt des expériences pilotes et concrètes en cours (Plan Loire, polders sur le Rhin, Vidourle, autres) en utilisant l’ensemble des techniques disponibles (papier, nouvelles technologies, campagnes de communications, agences de communication, expositions, films) et des exemples à l’étranger (Angleterre, Hollande, Etats-Unis, autres) ; c. Construire un travail de communication global, grand public, régulier sur l’intérêt de conserver des écosystèmes fluviaux en bon état écologique et sur le coût de l’inaction, avec une ou des agences spécialisée. Notions sur les services écologiques que rendent les fleuves, sur l’importance des crues ; sur les coûts des inondations, l’intérêt des investissements pour réduire la vulnérabilité, sur le rôle des assurances et réassurances, les bénéfices à attendre de la réduction de la vulnérabilité ; sur la nécessité de changer certaines pratiques de l’agriculture industrielle (ceci peut aussi permettre de populariser / renforcer le Plan National de Restauration des Zones Humides du Grenelle de l’Environnement). Il est indispensable de provisionner des sommes importantes dans ce domaine : il ne s’agit pas d’un coût, mais d’un investissement pédagogique, éducatif, culturel. d. Valoriser localement et régionalement les opérations d’entretien écologique (séminaires, voyages d’études) organisées dans le pays par les divers dispositifs (Contrats de rivières, syndicats, cellules rattachées auprès des collectivités, comme les Sicala sur la Loire, par exemple) afin de montrer la corrélation entre gestion du risque, restauration des écoulements, protection, restauration des bassins versants et création d’emplois à la fois de réinsertion et qualifiés. Exemple sur la plaine alluviale de la Borne au Puy-en-Velay, restaurée et paysagée en 2006. e. Valoriser, des exemples de réaménagement écologique des cours d’eau dans les villes / secteurs urbains les plus exposés (découverte, élargissement, comme cela se fait couramment en Allemagne et en Suisse), et en faire des sites opérations pilotes (Draguignan). Revendiquer fortement la délocalisation des installations les plus exposées : communiquer enfin largement, et nationalement, sur les délocalisations exemplaires. Brives Charensac, en Haute-Loire, est un pilote, même encore imparfait, de ce qui a été réussi. Montrer également et revendiquer l’intérêt social (recréation de liens, réappropriation d’un bien collectif dans les secteurs sensibles) d’une culture de l’aménagement partagée, visant à remettre la rivière, le ruisseau, le cadereau, la noue au cœur dans les trames urbaines : la crue est une forme de « rappel » de la rivière, refoulée dans nos cultures industrielles pendant des décennies.

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f. Création de lieux de mémoire du risque, comme avait voulu le faire le Sénateur Yves Dauge, sur le bassin de la Loire ; g. Populariser la Directive Inondations à l’aide de documents, films, colloques, avec le soutien des Agences de l’Eau, EPTB, des services de l’Etat, des ONG, des collectivités (Villes, Régions), comme cela a été fait pour partie pour la DCE. Mettre l’Europe, solidaire, au cœur du changement de politique. h. S’appuyer politiquement fortement sur les drames de Xynthia, Draguignan (Vidourle), pour créer enfin du précédent, de l’irréversible, du symbole, et montrer que les élus ont compris : déclaration solennelle, charte, sommet des villes et villages à risques, etc. Dramatiser enfin l’enjeu, pour que tous les Français comprennent la nature du risque ; i. Introduire la culture du risque dans les programmes scolaires, en s’appuyant sur les SVT et l’écologie, mais aussi les autres matières, géographie, histoire, mathématiques, littérature. Interdisciplinarité. j. Mieux faire connaître le rôle des Etablissements Territoriaux de Bassins, EPTB, dans le cadre du processus de mise en oeuvre de la nouvelle gestion du risque, basée sur le rapprochement des acteurs du petit territoire (commune) et du grand territoire (bassin versant) pour conduire les opérations nécessaires, en particulier la mise en place des servitudes pour la sur-inondations de certains secteurs agricoles, la restauration des zones humides, la construction d’ouvrages de protection localisés, s’ils sont indispensables, les délocalisations. Il faut absolument éviter les situations de carences telles que, quand les ONG ne sont pas là, ce qui est encore souvent le cas, le béton gagne et le risque grandit. (voir point n).

2. Gouvernance. k. Donner les moyens au groupe de travail du COPRNM (ou à une entité ad hoc) de poursuivre son actions et le rendre plus ouvert aux spécialistes des milieux aquatiques, scientifiques, aux ONG travaillant sur ces question depuis des décennies encore peu écoutés. Aucune audition sur le rôle capital des milieux naturels pour aider à gérer le risque n’a été faite, montrant encore l’étendue du chemin à parcourir, le retard par rapport à un pays comme la Hollande, qui a réintroduit la conservation de la nature et des écosystèmes aquatiques (Room for the River) dans sa stratégie globale de gestion du risque naturel d’inondations, ainsi que l’ordonnance Suisse sur la protection des eaux datant de 1998. l. Créer des « structures de vigilances » locales, dans l’esprit du Grenelle de l’Environnement (Elus, représentants de l’Etat et de ses services, EPTB, des entreprises, ONG) qui, tous les ans, émettent un avis, rendent un rapport, à partir d’un inventaire, d’une cartographie des risques, sur les actions en cours. m. Donner des moyens, directs ou indirects (fonds de dotation, fondations) aux ONG de faire leur travail de médiation dans ce domaine : dans chaque cas particulier, chaque zone à risque, diverses solutions doivent être étudiées, présentées, proposées, débattues. Les ONG sont des instruments importants pour faciliter l’appropriation, encore trop négligés en France. n. Donner des « consignes » aux préfets, via un durcissement des divers textes pour qu’ils ne laissent pas la société civile et les tribunaux le soin d’arbitrer dans les conflits où, à l’évidence, la décision de ne pas urbaniser n’est pas prise par manque de courage des commis de l’Etat. o. Faire de la Seine et la Région parisienne, particulièrement exposées, en lien avec toutes les parties prenantes, un modèle, en terme de choix de gestion et de participation du public à la décision. Enjeu de La Bassée. p. Réformer le système des enquêtes publiques sur les PPRI, notoirement insuffisant du fait de l’incompétence trop récurrente de certains commissaires enquêteurs et de la portée à donner à ces instruments de régulation de l’exposition aux risques.

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7. Construire, tous ensemble, une culture partagée du risque naturel qui intègre la restauration écologique et qui ailler vers la « gestion durable » des fleuves. Plus de 4,5 millions de Français vivent dans les zones inondables, sur 20 000 km2 du territoire, regroupés dans 7600 commune à risque, l’inondation étant le principal risque naturel en France. « Parmi les risques potentiels d’origine naturelle en France, les assureurs considèrent que les inondations majeures de la Seine et de la Loire constitueraient deux des trois scénarios les plus coûteux, chacun susceptibles de causer des dommages de plusieurs milliards d’euros », comme l’écrit le récent rapport de l’OCDE sur la gestion des inondations sur le bassin de la Loire39. Sur le Rhône, la Seine, la Loire, la Garonne, le Rhin, la Loire, l’Adour, l’Aude, l’Odet, le Gier, le Préconil, le Furan, le Vidourle, la Borne, l’Onzon, bref, sur toutes les rivières de notre pays, des centaines de milliers de personnes vivent sous une menace maintenant davantage reconnue, moins déniée, moins enterrée. Ceci va sans doute permettre de faire enfin bouger les lignes et d’engager l’effort de transparence et de restauration des lits et des bassins versants : il est nécessaire, vital, urgent de renouveler en profondeur notre culture du risque naturel d’inondations. Après Xynthia, après Draguignan, qui ont servi de révélateur d’une panne collective de plus en plus préoccupante, plus personne, à priori, ne doute qu’il faut compléter, en profondeur, le logiciel de gestion collective. L’impuissance de l’Etat à imposer des mesures de limitation de l’urbanisation et d’étalement urbain ; l’inconscience de certains élus et la volonté de certains autres de créer à tout prix des ressources fiscales pour leur communes ; le désir dangereux de certains citoyens d’habiter dans des zones qu’ils considèrent comme indemnes de tout risque, derrière des digues de papier suffisantes pour les rassurer, voire les anesthésier ; l’absence de la société civile et de beaucoup d’ONG sur ces questions, croisant des aspects écologiques, sociologiques, économiques, extrêmement difficiles à porter (et dans lesquelles il n’y a que « des coups à prendre ») ont conduit à la situation déplorable d’aujourd’hui. Le coût d’inondations mal anticipées, toujours mal vécues, les moyens et le temps mis à reconstruire des vies et des économies locales ruinées peuvent durablement affecter l’équilibre économique, social, de territoires entiers. Si nous voulons que les élites en charge puissent faire sereinement leur travail, et que, comme sur la Loire, les préfets de bassins, le temps de leur séjour à Orléans n’aient par à « prier pour ne pas être le préfet de la crue40 » et puissent compter, outre l’appui bienvenu du Ciel, sur une organisation efficace de la Prévision, de la Prévention, de la Protection, il nous faut changer. Si nous voulons réellement « co-construire » une culture du risque, il va falloir plus sérieusement s’atteler à faire vivre cette culture écologique du « global au local », de « l’universel au singulier » en rappelant que les fleuves, les rivières sont des organismes vivants, qui rendent des services écologiques fondamentaux quand ils sont en « bon état » mais qui restent aussi toujours potentiellement dangereux, avec lesquels nous devons donc composer, partager. Cela veut dire qu’il faut reconnaître que nous avons été trop loin dans leur artificialisation et que le temps de la restauration est venu. Cela veut aussi dire que les réponses d’ordre uniquement technique sont insuffisantes et qu’il faut travailler sur les usages, les comportements, introduire une dimension sociologique, culturelle dans la gestion du risque, en faisant accepter le principe de restitution au fleuve, à la nature, « d’espaces pour la rivière », de « part de l’eau » sur des portions de territoires qui n’auraient jamais du être urbanisés, comme cela se fait aujourd’hui à Blois, avec le déversoir de la Bouillie. 39 Voir sources. 40 « Comment vivre avec la menace d’une crue exceptionnelle de la Loire ». Le Monde Régis Guyotat 8 février 2003.

Déversoir de la bouillie

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L’échelle pertinente étant toujours celle du bassin versant d’un cours d’eau, celle du territoire local, régional, du « bassin que vie » que connaissent les riverains, les habitants, les élites, cela veut dire concrètement qu’il faut renforcer fortement la culture issue des lois Barnier et Bachelot, avec ses « PPRI flottants », ses « PPRI flous » discrètement imposés dans l’alcôve des enquêtes publiques41 et pour certains notoirement inefficaces afin de passer à une reconnaissance, une cartographie du risque naturel plus stricte et sévère et également plus partagée, assumée, appropriée. Si nous voulons faire partager la « culture du danger » qu’il y a à rester dans le déni, l’imprudence, l’insouciance, il faut, outre des compensations équitables pour les installations à déménager, modifier, une culture, positive, de l’intérêt mutuel à diminuer le risque pour le corps social. Cette culture nouvelle doit montrer l’intérêt de restaurer ces espaces naturels extraordinaires que sont les écosystèmes aquatiques d’eau courante, avec la participation de tous les acteurs, depuis l’agriculteur sur le bassin versant jusqu’à l’industriel, en passant par l’élu, le riverain, le fonctionnaire, l’architecte, le commerçant, le journaliste, l’urbaniste, l’ingénieur, le militant, le paysagiste, l’étudiant, le naturaliste, d’autres : chacun a un rôle à jouer. Cette participation de tous est inscrite au cœur de la gestion intégrée des bassins versants, (IRBM, Integrated River Basin Management) que le WWF soutient depuis des années et qui a démontré son utilité pour aller vers la « gestion durable » des fleuves dont toutes nos sociétés ont besoin. Renforçons la. Retrouvons, ensemble, des fleuves vivants, des fleuves riches, pleins, donc des fleuves et des rivières qui débordent, librement, « joyeusement » de temps à autre, comme ils le font depuis la nuit des temps. Et, pour atteindre ces objectifs ambitieux, revoyons la place de la société civile et essayons notamment de fonder enfin une communication, une gouvernance à la hauteur. C’est tout cela que nous demande, en nous inspirant, la Directive sur les Inondations de l’Union Européenne que la France est en train de tranposer dans son droit national et qui complètera utilement la mise en œuvre de la Directive Cadre sur l’Eau, qui a amorcé une impulsion décisive pour retrouver un « bon état écologique » des fleuves et rivières de notre pays. Pour le WWF, ce n’est qu’à l’aide de ces changements culturels profonds, difficiles, féconds que nous relèverons les défis qui sont devant nous.

41 Lire par exemple le Rapport Galley (Commission d’Enquête en 2001 : Inondations, une mobilisation nécessaire » La documentation française. « Le PPR n’est ni compris, ni vraiment accepté, ni bien perçu par les collectivités, surtout celles qui n’en ont pas et qui ne voient pas du tout de quoi il s’agit (…) Si la démarche de PPR est utile, elle est peut-être dommageable en donnant le sentiment trompeur qu’il s’agit d’un instrument suffisant, un progrès incontestable » . Il est assuré que, pour des élus ayant la culture moyenne, c’est à dire très insuffisante, des risques naturels et de l’intérêt écologique de protéger les espaces alluviaux, de telles prescriptions sans pédagogie sont insuffisantes. Le cas d’Andrézieux-Bouthéon (voir supra), dans la Loire, le démontre.

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Donnons un

Nouveau Souffle de Vie à nos Fleuves et Rivières!

1 - Un fleuve sauvage, source de vie. Un fleuve sauvage et libre vit au rythme de ses étiages (basses eaux) et de ses crues. Ces dernières sont le moteur de la « dynamique fluviale », vitale pour renouveler son lit, le rajeunir et créer une grande diversité de milieux : bras secondaire, bras morts, îles, grèves, forês alluviales, prairies. L’oscillation entre crues et étiages délimite la zone inondable, la plaine alluviale, « l’espace de liberté » du fleuve qui peut accomplir ainsi, gratuitement, des fonctions utiles aux hommes : stocker de l’eau au moment des crues et la relarguer au moment de l’étiage, l’épurer, maintenir la biodiversité, créer des espaces récréationnels.

2 - Des cours d’eau

Imprimé sur papier recyclé

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rectifiés, malades, banalisés.

A partir du XVIII e siècle, les hommes ont bouleversé l’équilibre des fleuves. Ils les ont asservi à des usages comme la navigation, la production d’électricité, le stockage de l’eau pour l’agriculture industrielle. Ils ont aussi imprudemment occupé les zones inondables, pensant que digues et grands barrages les protègeraient des colères de l’eau. Le Rhin a ainsi été raccourci de 80 kilomètres, le Rhône équipé de 21 grands barrages, la Dordogne lourdement équipée. La Loire, pourtant « dernier fleuve sauvage d’Europe », compte plus de 50 grands barrages et 2600 petits ouvrages. Le résultat ? Des fleuves qui s’enfoncent, ne s’auto-épurent plus, débordent plus fréquemment, ont perdu leur biodiversité, avec la disparition des migrateurs, comme le saumon ou l’alose. Des cours d’eau appauvris, plus dangereux.

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3 - Un « espace de liberté » pour nos fleuves et rivières. Il est temps de retrouver des fleuves vivants, de se réconcilier avec nos rivières, de redonner à nos cours d’eau malades leur « espace de liberté ». Pour cela, il faut les libérer des aménagements qui, par endroits, les emprisonnent inutilement, construire un autre rapport au fleuve. De nombreux pays, depuis les USA en passant par l’Allemagne ou la Suisse ont commencé à mettre en œuvre ces nouvelles pratiques. La France est exemplaire, avec le « Plan Loire Grandeur Nature », un modèle de « gestion durable » qui concilie gestion du risque naturel d’inondations et préservation des milieux naturels, en particulier à travers le programme « Loire nature ». D’autres programmes sur d’autres rivières favorisent aujourd’hui la gestion qualitative de la ressource et le développement économique autour des richesses naturelles du fleuve.

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Sources : Panda spécial fleuve. WWF Suisse . 1989 . - Illustrations : Catherine GASPOZ

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Sources. La Quatrième Solution : sécurité active pour les riverains du fleuve et développement soutenable pour la Haute Vallée de la Loire. SOS Loire Vivante 1992 Action Rivières Vivantes 2009. Dossier de presse. Réduire les risques d’inondation en Loire Moyenne. Une engagement de tous dans la durée. Plan Loire Grandeur Nature mai 2003 Etude de la propagation des crues et des risques d’inondation en Loire moyenne. Equipe Pluridsciplinaire du Plan Loire Grandeur Nature février 1999 Lutte contre les crues et les inondations en Loire moyenne Equipe pluridisciplinaire du Plan Loire 30 juin 1999 Crues, inondations. Quels risques aujourd’hui ? Philippe Auclerc La Loire et ses Terroirs 1998 Les crues et les inondations, le risque en Loire moyenne Dossier 1999 Philippe Auclerc La Loire et ses terroirs Diaporama Prévention 2000 mel@prevention2000.org Enjeux et dommages dans le lit de la Loire Equipe Pluridisciplinaire du Plan Loire Grandeur Nature mars 1999 Cours d’eau Suisses. Pour une politique de gestion durable de nos eaux. Idées directrices. OFEFP Berne 2003 Living with Floods : Policy tools in Europe for ecologically sustainalbe flood management. WWF March 2004 Inondations. Des travaux de protections localisées à la diminution de la vulnérabilité : chacun a un rôle à jouer pour réduire le risque La Loire et ses Terroirs mars 2002 Inondations : une mobilisation nécessaire. 24 propositions Assemblée Nationale Rapport parlementaire n° 3386 Robert Galley Président Jacques Fleury Rapporteur Réduction de la vulnérabilité aux inondations des activités économiques : un impératif pour la compétitivité des territoires Actes de la conférence Tours 9 octobre 2008 Plan Loire Grandeur Nature Les crues de la Loire et de l’Allier et Affluents du 1 au 11 décembre 2003 Philippe Auclerc La Loire et ses Terroirs janvier 2004 Managing Rivers Wisely Lessons from WWF’s work for integrated river basin management. Living Rivers / WWF 2003 Etudes des crises hydrologiques 3 P Prévision Prévention Protection Ministère de l’écologie / agence de l’Eau Loire Bretagne / Epala et divers Décembre 2000

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Recueil d’expériences Loire Nature 2002-2006 Pour une gestion durable d’un fleuve et de ses Affluents ENF, LPO, WWF 2006 Prévention des inondations. Les PAPI ont de l’avenir Ecologie et développement durable n° 25 oct.nov 2005 Ecologie et Gestion. Les plaines alluviales du Rhin Supérieur. Année Européenne de l’Environnement 1988, actualisé en 2001 Diagnostic de vulnérabilité des entreprises Réduction du risque d’inondation sur le bassin de la Loire Equipe Pluridisciplinaire du Plan Loire grandeur Nature 1999 Risques au bord de la Loire et des Grands Fleuves d’Europe. 22 / 23 septembre 2005 Centre de Conférences d’Orléans. Contribution EP Loire Septembre 2005 Pour le XXIe siècle, réapprendre à vivre avec les crues. Pour chacun et tous, faire la part de l’eau dans nos villes, nos village, notre pays. WWF / MEEDDM / EP Loire / Freude Am Fluss 2007 Eaux fortes pour un barrage Le barrage du gouffre d’enfer à Saint Etienne Elodie Ravel Noëllie Ortega Edelgé 2007 Le jour où la Loire débordera Michel Varagne Décembre 2003 Réapprendre à vivre avec les crues. WWF / Action rivières vivantes 2010 Hier, la crue de 1856. Aujourd’hui et demain, comment se préparer à un événement de cette ampleur ? Quel rôle pour les collectivités territoriales et les acteurs de terrain. Freude Am Fluss. Agglomération de Nevers 23-24 novembre 2006 Etude de l’OCDE sur la gestion des risques d’inondation. Bassin de la Loire, France Oda Hideaki et al Juillet 2010

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Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de la Mer Direction générale de la prévention des risques Service des risques naturels et hydrauliques Bureau des risques météorologiques 92055 La Défense cedex contact : Frédérique Martini Tel : 01 40 81 88 58 e-mail : frederique.martini@developpement-durable.gouv.fr

Rédaction : Martin Arnould, Paul Baron, Cyrille Deshayes, Jean Stéphane Devise, Edith Venger, Véronique Gardette, Daniel Dechandon. Crédit photos : WWF, WWF-Canon / M.Gunther, H.Jungus, SOS Loire vivante, EP Loire, VVA-Y.Le Chapelin, Préfecture du Loir et Cher, LPO Auvergne, Ville du Chambon Feugerolles, Ville de Retournac, Terre Sauvage/Art Presse, G.Pagès, D.Dechandon, NASA : J.Allen, J.Descloitres, Forez info, C.Gaspoz. Ce document peut encore faire l’objet d’un certain nombre de modifications.

WWF France 1, carrefour de Longchamps 75016 PARIS - tel.01 55 25 84 84 - www.wwf.fr WWF Programme rivières vivantes 4, rue Bodin 69004 LYON - tel.04 78 27 39 95 26, rue Brossard 42000 SAINT ÉTIENNE Martin Arnould - tel.04 77 21 58 24 - marnould@wwf.fr

Document éco-conçu à imprimer si possible sur papier recyclé.

Le COPRNM (Conseil d’Orientation pour la Prévention des Risques Naturels Majeurs) a été créé par le Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de la Mer, dans le but de renouveler la culture du risque naturel dans notre pays. Placé sous la responsabilité de parlementaires, incluant experts et représentants de la société civile, dont le WWF, il doit notamment construire, en s’inspirant de la Directive 2007/60/EC de l’Europe relative à « l’évaluation et la gestion des risques d’inondation », une stratégie nationale de gestion des risques d’inondation pour l’année 2011.


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