De la Brie à Disneyland Paris - Mémoire de fin d'études - Clément Daix - ENP Blois

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De la brie à disneyland paris Interroger le rôle du divertissement dans la fabrique contemporaine des territoires

clément daix

2015 - 2016

Mémoire de fin d’études


NB : sources et crédits En l’absence de mention des sources, toute illustration, photographie ou cartographie est un document personnel. Toute reproduction totale ou partielle de ce document est soumise à l’accord de son auteur, propriétaire des droits. Pour toute information : clement_daix@hotmail.fr ou clement.daix@ntymail.com


Ă€ mes grands parents seine-et-marnais.


Composition du Jury & professeurs encadrants _ Président de jury Christophe Degruelle Président de la communauté d’agglomération de Blois Professeur en politique territoriale à l’ENP

directeur d’étude bertrand folléa Paysagiste DPLG et chef d’agence de paysage-urbanisme - Agence Folléa Gautier Professeur à l’ENP en projet de paysage - 4e année

professeur encadrant christophe le toquin Photographe indépendant Professeur de photographie à l’ENP

Trois personnalités extérieures à l’école composent également ce jury Une personne représentant la maîtrise d’ouvrage Une personne reconnue pour ses compétences professionnelles Un ancien élève de l’école



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sommaire

hors-champs P.8

P.46 convergences

p.11 la ferme, le feu d’artifice et le marsupilami

p.49 un besoin de nouvelles villes p.53 tapis rouge

P.22 introduction

p.59 une nouvelle agglomération p.63 conclusion partielle

p.25 localisation du site p.26 postulat & démarche

P.64 racines

P.28 la civilisation des loisirs

p.67 l’éveil d’un paysage fertile

p.31 homo faber & homo ludens p.35 une nouvelle industrie p.41 des parcs d’attractions aux cités du futur p.45 conclusion partielle

p.71 le dessin agricole p.77 les temps du plateau p.81 conclusion partielle

P.82 entracte p.84 à cheval entre l’avant et l’après disney


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sommaire

P.94 greffe

P.144 ouverture

p.97 travaux en cours p.109 la ville des loisirs

p.147 un rayonnement à amplifier

p.115 le nouveau bonheur français

p.148 un métabolisme à imaginer

p.123 conclusion partielle

p.153 dipôle p.155 le hameau de bailly p.161 l’épaisseur d’une liaison

P.124 charpente p.127 la trame verte & la trame bleue p.131 la trame agricole p.139 les trames viaires p.143 conclusion partielle

p.163 la plaine de jossigny

conclusion P.168 bibliographie P.170

NB : sources et crédits Sauf indication contraire en légende, les pièces graphiques présentées dans ce mémoire sont de source personnelle.


00 hors-champ


Questionnement plastique d’une coexistence possible La ferme, le feu d’artifice et le marsupilami _

Voyage en coulisses d’un paysage mental, imprégné de mes a priori et teinté de quelques souvenirs.


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hors-champs


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la ferme, le feu d’artifice et le marsupilami

Ici, il y avait une ferme. C’était celle d’un ami, d’un voisin ou d’un cousin. Là haut, ce n’était que des betteraves, du maïs et parfois même des vaches. Je suis né en novembre 1991, trois mois avant qu’un lointain cousin venu d’Amérique ne s’installe dans l’arrière basse‑cour de mes grands parents seine-et-marnais. Au gré de mes visites épisodiques, un rapport distant mais complice s’installe avec Eurodisneyland, la maison de Mickey.

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hors-champs


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la ferme, le feu d’artifice et le marsupilami

Chaque soir d’été, un feu d’artifice me tire clandestinement hors du lit. Dans le jardin, une montgolfière grosse comme un soleil joue à cache-cache derrière la haie. À chaque promenade au lac, c’est ma collection de balles de golf qui s’agrandit un peu plus. Porté par le vent du plateau, le sifflement du bateau à vapeur vient me chercher au potager. J’étais en vacances.

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hors-champs


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la ferme, le feu d’artifice et le marsupilami

Autoroute, voie rapide, boulevard, avenue, rue de Paris. À chaque réunion de famille, c’est le même itinéraire que nous empruntons. Cette courte distance est l’occasion de jouer au jeu des sept différences, parfois plus nombreuses. Des nouvelles maisons, une piste cyclable, une nouvelle école, un nouveau supermarché, des nouveaux voisins, et tout cela pour seulement un champ de moins.

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hors-champs


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la ferme, le feu d’artifice et le marsupilami

La visite d’une maison témoin pouvait faire l’objet d’une balade dominicale entre curieux. Je me souviens des premiers lotissements Kaufman, de ce sentiment assez étrange de pénétrer dans une intimité normalisée, qui n’avait jamais vraiment existé. À l’étage, dans la chambre des enfants, une peluche du marsupilami se tenait prête à m’accueillir ; elle devait convaincre les nouvelles familles de venir s’installer au Val d’Europe.

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hors-champs


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la ferme, le feu d’artifice et le marsupilami

L’intérieur du parc Disneyland ne m’est pas resté longtemps inconnu. Sans pour autant le fréquenter de manière assidue, j’ai été saisi, lors de ma dernière visite, de fortes réminiscences. Les odeurs de chlore des jeux aquatiques, celle du plastique vieilli des attractions futuristes d’hier, sans oublier le pop-corn chaud de Main Street.

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hors-champs


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la ferme, le feu d’artifice et le marsupilami

Seul le retour à l’école pouvait clôturer ces immersions fantasmagoriques. Au moment de rentrer à la maison, les lumières dans le ciel me disaient au revoir.

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01 introduction


divertissement, loisir, paysage Le divertissement tient une place déterminante dans les sociétés occidentales. Sa dimension sociale et spatiale influence notre rapport aux autres, notre attachement aux lieux. Il est indissociable du loisir, renvoyant à une notion de « temps libre ». Cette disponibilité temporelle, le divertissement permet de l’occuper de manière ludique. Le nombre d’espaces alloués au divertissement des populations est en constante augmentation : parcs urbains, festivals, centres aquatiques, fêtes foraines, bases de loisirs, parcs animaliers, etc. Ce sont autant d’exemples qui auraient pu faire l’objet de ce mémoire, dans lequel la délimitation spatiale du divertissement est au cœur de ma réflexion. J’ai souhaité orienter celle-ci vers une pratique divertissante singulière, celle proposée par les parcs de loisirs. Grand nombre de ces parcs sont avant tout des lieux de consommation ; leur site d’implantation est d’abord considéré comme le support d’un modèle économique qui doit être rentable, plus qu’un territoire appartenant à un paysage global. Ce besoin d’être diverti clairement établit, et dans l’optique d’une demande croissante d’équipements destinés aux loisirs des populations, nous pouvons nous interroger sur le rôle que peut tenir le divertissement dans la fabrique contemporaine des territoires. La formulation de ce questionnement s’est faite au regard d’un site d’étude qui me fascine : les environs du parc Disneyland Paris, installé depuis 1992 dans la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne (77). Au regard de cette problématique, et dans le but d’argumenter un travail plus opérationnel de projet, j’ai souhaité organiser ma démonstration en cinq temps. Tout d’abord, nous nous attarderons sur les phénomènes historiques ayant conduit à l’émergence d’une civilisation du loisir, en accordant une attention particulière au rôle tenu par les parcs de loisirs. Nous aborderons ensuite le contexte géopolitique dans lequel le projet de Disneyland Paris est né, à travers l’étude des villes nouvelles et du cas spécifique de Marne-la-Vallée. Dans un troisième temps, nous brosserons un rapide portrait du paysage briard originel, qui a précédé l’implantation du parc, pour en comprendre ses logiques sociales, culturelles et naturelles. Un quatrième temps nous permettra de cerner les évolutions rapides et récentes qu’a connue cette portion de la ville nouvelle suite à l’implantation du complexe touristique. Pour finir, nous mettrons en évidence l’ossature naturelle de ce territoire et ses usages contemporains pour mieux envisager son métabolisme de demain. Avant de rentrer au cœur de cette démonstration, j’ai souhaité préciser dans les prochaines pages le contexte géographique de mon étude ainsi que mon postulat et ma démarche.


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01

introduction

chalifert

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complexe hôtelier parc disneyland complexe hôtelier

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parc walt disney studios magny-le-hongre

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bailly-romainvilliers

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bussy-saintgeorges

jossigny

vers paris villages nature

villeneuve-saint-denis villeneuve-le-comte

forêt domaniale d’armainvilliers

forêt domaniale de crécy

1 km

N

Etendue du périmètre d’étude

communes du SAN autres communes

équipements touristiques majeurs infrastructures majeures


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localisation du site

la Marne

12 011 km2

île-de-france

la Seine

5 915 km2

seine-et-marne

la brie

5000 km2

70,49 km2

Secteur Ouest

Paris

S1

S2

secteur est

S3

S4

val d’europe

51,4 km2

marne-la-vallée

171,24 km2

Une imbrication d’échelles géographiques et administratives

localisation du site _ le san du val d’europe _ Magny-le-Hongre, Bailly-Romainvilliers, Serris, Chessy et Coupvray font partie du Secteur Est comprenant les cinq communes sur lesquelles le parc Disneyland Paris s’est implanté. Depuis 1987, elles sont regroupées dans un syndicat d’agglomération nouvelle : le appelé SAN du Val d’Europe.

Mon territoire d’étude est situé à l’est de la région Île-de-France, dans le département de la Seine-et-Marne (77). Il s’inscrit sur la frange nord-ouest du plateau de la Brie. La délimitation de la ville nouvelle et la définition d’un « Cluster Tourisme » sur son Secteur Est m’ont imposé un premier cadrage administratif qui s’est affiné avec les réalités géographiques du site : • •

Au nord, un basculement dans la vallée de la Marne A l’est, une plaine agricole séparant Magny-le-Hongre et BaillyRomainvilliers de Coutevroult et de la vallée du Grand Morin Au sud, les lisières des forêts domaniales de Crécy et d’Armainvilliers

Au sud-ouest, le front bâti de BussySaint-Georges face à la plaine de Jossigny A l’ouest, une descente vers la vallée de la Marne et de la Gondoire.

Deux infrastructures majeures découpent fortement ce territoire d’est en ouest et du nord au sud : l’interconnexion Est Île-de-France du TGV et l’autoroute de l’Est, reliant Paris à Strasbourg via Reims et Metz (autoroute A4). Autrefois divisée en quatre secteurs, la ville nouvelle différencie aujourd’hui son Secteur Ouest (anciens Secteurs I, II et III) de son Secteur Est (Secteur IV). Ce dernier regroupe les 5 communes du SAN, et depuis peu, la commune de Villeneuve-le-Comte.


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01

introduction

Paris

vie locale

Explorer les limites de « l’emprise Disneyland »

Marne-la-Vallée 300000 habitants Complexe touristique 15 millions de visiteurs / an

Villages Nature

France

Des mondes et des populations qui se tournent le dos

postulat & démarche _ mon approche Ariella masboungi, 2002 _ « Accepter le réel ne signifie pas refuser d’agir sur lui mais en prendre la mesure et mobiliser les acteurs susceptibles de ne pas admettre comme inéluctables les processus en cours. » Source : Penser la ville par le paysage, 2002. Ariella Masboungi est architecte urbaniste en chef de l’État.

Avant de me lancer dans ce travail de fin d’études, j’avais deux bonnes raisons de refuser d’agir sur le site que j’envisageais. D’une part, un attachement familial, et donc sentimental, pouvant biaiser mon approche du site et mon objectivité au moment d’agir sur lui. D’autre part, la sensation qu’aucune intervention n’était possible sur ce territoire, soumis à une planification sur le long terme qui progressait sans se soucier d’un possible esprit du lieu. Ma vision des choses a changé et ce travail peut ainsi être perçu comme mon exploration des limites de « l’emprise Disneyland » sur cette petite partie du plateau briard. Si la problématique générale de ce mémoire est bien définie, je me demande comment aborder plus spécifiquement le cas Disneyland Paris. Quelle entrée choisir ? Mais surtout dans quel but ? Les études et les projets sur le Val d’Europe ne manquent pas et m’ont longtemps questionné sur la

pertinence d’un mémoire sur ce site. Je privilégie alors un constat. D’un côté, le complexe touristique, ou « resort », attire chaque année des millions de visiteurs venus du monde entier. Par son système de loisir, il en vient à rencontrer un développement urbain qu’il a lui même provoqué, composé d’infrastructures de desserte conséquentes, générant beaucoup d’emplois et teinté d’une « image Disney » obtenue grâce à une puissante maîtrise foncière. De l’autre, des habitants venus habiter une frange privilégiée de la ville nouvelle, réputée pour la qualité de son cadre de vie aux portes de Paris. Pourtant interdépendants, ces deux mondes se tournent le dos. Ce n’est que très rarement que le touriste pourra croiser l’habitant et cette rencontre se fera généralement dans des lieux très contrôlés par les gestionnaires du complexe. En 2007, un nouvel accord public/privé est signé dans le cadre de l’aménagement du Val d’Europe. Il marque une volonté politique de pérenniser le « Cluster Tourisme »


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postulat & démarche

centre d’activité locale Disneyland resort Paris Eurodisneyland SA l’État

pôle d’intérêt touristique

Villages Nature

développement urbain

les collectivités locales (SAN)

Imaginer un projet alliant tourisme et développement urbain futur

Comprendre les intérêts défendus par les acteurs du territoire

de l’Est parisien, notamment à travers un nouveau projet de parc résidentiel exemplaire du point de vue environnemental : les Villages Nature, dont une première phase doit ouvrir en 2016. Ce parc représente un poids touristique important et incarne une nouvelle forme de tourisme, plus verte, jusqu’alors absente de ce territoire. Par ailleurs, l’exemplarité territoriale demandée au cluster nous laisse envisager des formes de tourisme plus locales et innovantes. Je considère ces deux opportunités comme une invitation à se détacher des logiques d’aménagement qui prévalaient jusqu’alors pour imaginer un projet de paysage alliant tourisme et développement urbain futur.

toire de qualité pour les gens qui y habitent ou y transitent. Ce paysage sera nécessairement en mouvement, et l’objectif de ce travail est de déceler les potentiels devant permettre à ce projet de ne s’établir ni à défaut d’une vision globale, ni en tombant dans une patrimonialisation de l’existant. Avec le temps, il doit pouvoir structurer ce territoire en formation et permettre la rencontre du touriste global et ponctuel avec l’habitant local et permanent.

Mon site d’étude est au cœur d’importants conflits d’intérêts entre plusieurs acteurs politiques et son aménagement fait l’objet d’une planification sur le long terme. En envisageant le projet de paysage comme un outil de dialogue entre ces différents acteurs, je souhaite pouvoir concilier les intérêts de chacun au profit d’un projet de terri-

sphère globale sphère locale touriste ponctuel habitant permanent

projet de paysage La superposition de deux sphères comme support d’un projet de paysage


02 la civilisation des loisirs


“Pour réaliser une chose vraiment extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez d’un trait jusqu’au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager.” Walt Disney objectif de la partie _

Comprendre l’origine du besoin de loisirs de la société contemporaine et ses répercutions sur l’aménagement des villes et des territoires.


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02

la civilisation des loisirs

1828

IIe siècle Construction de la Villa Hadriana.

957 Première foire du Trône à Paris.

1761 La Society of Art expose à Londres ses plus belles machines au cours d’une foire.

années 1840

Premier vélocipède 1829 Première locomotive

Construction des premières structures sur l’aire de divertissement de Coney Island.

1843 Ouverture des Jardins de Tivoli à Copenhague.

1ère révolution industrielle 1891 Débuts du cinéma qui deviendra l’attraction 1890 principale des Débuts de expositions l’automobile universelles.

1889

1877

1867

Construction de la tour Eiffel pour l’exposition universelle de Paris.

Premières projections animées grâce au praxinoscope inventé par Émile Reynaud.

Apparition des monuments nationaux dans les expositions universelles.

1860

1851

Ouverture du Jardin d’Acclimatation à Paris.

Première exposition universelle à Londres.

2ème révolution industrielle à partir de 1897

1919

1929

1952

Coney Island ouvre une série de parcs d’attractions incontournables dans l’histoire du loisir : Steeplechase (exploité jusqu’en 1964), Luna Park (1903-1944) et Dreamland en 1904, son parc emblématique qui sera détruit par le feu en 1911.

Premières lignes commerciales

La Grande Dépréssion

Création de la Walt Disney Parks and Resorts, une filiale chargée états-unis de la gestion 1955 des parcs.

1923 Création de la Walt Disney Company.

1936 Premiers congés payés en France.

walt disney seconde guerre mondiale 1901 - 1966 première guerre mondiale + 1980/81 années 1980 1972 Renouveau du vélo & TGV Les villes Publication de 1978 se mettent l’ouvrage Learning en scène et Publication de l’ouvrage From Las Vegas de « deviennent Delirious New York Robert Venturi. destination ». de Rem Koolhaas. 1989 1983 1982 états-unis japon états-unis E.P.C.O.T.

1971 états-unis développement de las vegas 1940 - 1970

1994 2008

Ouverture de Celebration Florida, une tentative de réalisation de ville idéale par la Walt Disney Company qui s’en désengagera en 2002.

1992 france

1998 états-unis

1961 Projet du Fun Palace à Londres de Cedric Price. Il ne sera pas réalisé mais influencera le Centre Pompidou.

2001 états-unis

L’émergence de la civilisation des loisirs : Frise chronologique replaçant dans un contexte global l’histoire du loisir et de la Walt Disney Company

Création de la plateforme communautaire Airbnb 2001 japon

2002 france

2005 chine

2020 Ouverture prévue de Dubaïland.

2016 chine

Ouverture d’un parc de la Walt Disney Company

histoire du loisir histoire Disney contexte global


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homo faber et homo ludens

homo faber & homo ludens _ interférences Le besoin de loisirs de la société contemporaine traduit avant tout un rapport différent au travail. Les transformations techniques qui ont affecté le monde du travail à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle ont amorcé une conception différente de celui-ci. Les individus travaillent moins, différemment et n’accordent plus une valeur existentielle ou sociale déterminante à leur métier. D’une fin en soi, le travail devient un moyen d’obtenir les revenus nécessaires pour vivre. Les valeurs véhiculées par les médias et la publicité de l’époque semblent confirmer que la « vraie vie » est ailleurs, hors travail ­(Gravari-Barbas, 2001). foire _ Manifestation commerciale périodique, généralement annuelle, pendant laquelle les producteurs exposent des échantillons de leurs produits et enregistrent les commandes qui leur sont passées. Fête foraine ayant une périodicité régulière : Foire du Trône. Source : Larousse

Progressivement, le « temps ­productif » lasse une place au « temps improductif » des loisirs ; Homo faber, l’homme qui fabrique, devient Homo ludens, l’homme qui joue. Ces deux « temps » de l’individu ne s’opposent pas, ils interfèrent dans le temps et dans l’espace. Les séparations entre travail et loisirs ont tendance à s’estomper. Les centres de congrès installés dans des stations touristiques, les annexes universitaires et de bureaux accueillies par des parcs de loisirs ou des centres commerciaux ne sont que les répercutions spatiales de ce décloisonnement entre travail et plaisir, productivité et loisirs.

Ces grandes évolutions apparaissent à la fin des années 1970, s’affirment durant les années 1980 et bien plus encore durant la décennie suivante grâce à la conjoncture de plusieurs facteurs réunis : une sensibilité prononcée des individus pour le tourisme, les loisirs et la culture ; une mobilité croissante ; l’explosion de la sphère de la communication ; l’essor des nouvelles technologies ; la requalification des territoires vacants par les pouvoirs publics du fait de la désindustrialisation et l’évolution récente des modèles économiques ; la volonté des sociétés du spectacle et du divertissement de se positionner sur le marché familial et de proximité (Gravari-Barbas, 2001).

le temps des foires C’est au cours de cette prise de recul de l’individu face à son travail que l’on retrouve les prémices des parcs de loisirs. Ils se dévoilent d’abord sous une forme éphémère et thématique : les foires. La foire est un événement social qui existe depuis le Moyen-Âge mais qui a connu de nombreuses évolutions. Nous nous intéresserons particulièrement ici aux expositions universelles, un modèle de foire particulièrement ancré dans les cultures occidentales et à la charnière avec le modèle des parcs de loisirs.


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02

la civilisation des loisirs

L’entrée Ouest de Midway Plaisance lors de l’exposition universelle de 1893 à Chicago. Le ballon captif, une des attractions principales, permettait à quinze « visiteurs ayant le goût de l’aéronautique » de « faire un voyage vers le ciel à 1500 pieds d’altitude - cinq cent fois plus haut que la célèbre Tour Eiffel » (Pierce 273).


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homo faber & homo ludens

Les expositions universelles portent avant tout un projet pédagogique et universaliste rendant compte du progrès. Il n’est donc pas surprenant que les premières foires de ce genre débutent dans l’industrieuse Angleterre dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Avec la révolution industrielle, ce sont aussi les jardins d’agrément qui se popularisent, la population y trouvant un moyen d’échapper à un urbain morose. Avec le temps, nombre de ces jardins développeront une dimension de loisirs à l’image du Jardin d’Acclimatation de Paris. Ce sera l’exposition de Paris, en 1889, qui marquera une entrée définitive dans une culture populaire du divertissement. Longtemps, les arts et les techniques sont restés deux domaines séparés. En construisant sa tour, bien trop monumentale pour justifier uniquement ses fonctions de radio-émission, Gustave Eiffel s’inscrit dans une démarche nouvelle, différente d’une expression artistique. Ce geste renforcera le mécanisme des expositions universelles, leur volonté de mettre en scène un univers clos et rétrospectif. Cette maîtrise de l’espace et du temps, ce rêve d’urbanisme utopique, survivra dans les premiers parcs d’attractions. D’après Didier Ottinger, ce monde clos que cartographient les foires, directement inspiré de l’hortus conclusus, annonce celui de la « ­globalisation »­ ­(Ottinger, 2010).

« Quel homme, digne du nom d’artiste, et quel amateur véritable a jamais confondu l’art avec l’industrie ? » Charles Baudelaire, 1859, dans Le public moderne et la photographie La Walt Disney Company se nourrira de l’expérience des expositions universelles, et particulièrement de l’exposition internationale de 1893 qui s’est tenue à Chicago. Au cœur de la section commerciale de la foire, Midway Plaisance y accueillait des machines domestiquées à des fins ludiques et pédagogiques, portées sur les sciences et l’histoire, et offrant une première expérience du vide et de la vitesse. Par une mise à distance du monde extérieur, que Walt Disney qualifie de « trop tristement réel », les foires permettent l’illusion sensorielle d’entrer dans un imaginaire cohérent. Bien qu’il fut l’une des attractions phares des expositions universelles, le cinéma sera également à l’origine de leur délaissement. Après la première guerre mondiale, les populations prennent conscience que cette exposition de connaissances, notamment via l’écran, n’est pas pour autant un frein à la barbarie ; un contexte qui sera favorable à l’affirmation des parcs de loisirs.


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02

la civilisation des loisirs

nature

culture théâtres

forêts zoos

aquariums

parcs à thèmes

divertissement

parcs aquatiques patinoires piscines stades

sport

cinémas monuments

parcs & jardins bases de loisirs

musées

festivals

parcs d’attractions

univers du loisir

fêtes foraines cirques discothèques

secteur des parcs de loisirs

fête

Classification des activités et produits touristiques selon les quatre univers du loisir et leur rapport au divertissement D’après un schéma original de l’Agence Française de l’Ingénierie Touristique Source : AFIT – Parcs de loisirs : état du marché et facteurs d’évolution

132.549.000 Walt Disney Parks and Resorts 59.800.000 Merlin Entertainement Groups 36.360.000 Universal Studios Recreation Group Nombre de visites enregistrées par les trois plus grandes sociétés de loisirs durant l’année 2013 Source : The Global Attractions Attendance Report de 2013, TEA & AECOM Economics

1. Magic Kingdom, Orlando, Etats-Unis _18.588.000 2. Tokyo Disneyland, Tokyo, Japon _17.214.000 3. Disneyland, Anaheim, Etats-Unis _16.202.000 4. Tokyo Disney Sea, Tokyo, Japon _14.084.000 5. EPCOT, Orlando, Etats-Unis _11.229.000 6. Disneyland Paris, Chessy, France _10.430.000 7. Disney’s Animal Kingdom, Orlando, Etats-Unis _10.198.000 8. Disney’s Hollywood Studios, Orlando, Etats-Unis _10.110.000 9. Universal Studios Japan, Osaka, Japon _10.100.000 10. Disney California Adventure, Anaheim, Etats-Unis _8.514.000 Classement des parcs de loisirs d’après leurs nombre de visites enregistré en 2013 Source : The Global Attractions Attendance Report de 2013, TEA & AECOM Economics


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une nouvelle industrie

une nouvelle industrie _ précisions

un monde plus ludique

Vaste terrain aménagé spécialement pour les loisirs et comportant diverses installations destinées à la détente et à l’amusement, en particulier des enfants (jeux d’adresse ou de force, équipements sportifs, attractions, manèges, etc.). Source : Larousse, 2015

Il est important de bien définir ici le terme de parc de loisirs. Celui-ci englobe différentes typologies de parcs : les parcs animaliers, les parcs aquatiques, les parcs à thèmes et les parcs d’attractions. Les parcs de la Walt Disney Company, auxquels nous nous intéressons plus particulièrement dans ce mémoire, sont des parcs d’attractions dits « thématisés ».

parc d’attraction _

les premiers parcs

Progressivement, la présence des parcs de loisirs se généralise dans le monde. C’est une réelle industrie qui se met en place, touchant des foules de plus en plus grandes. Si nous nous référons au rapport de l’organisme TEA (Themed Entertainement Association) assisté par AECOM Economics, The Global Attractions Attendance Report de 2013, la fréquentation annuelle des parcs des plus grandes sociétés du loisir dépasse la population de certains pays.

Espace clos, consacré au jeu et à la distraction, marqué par sa vocation commerciale et moins orienté vers les loisirs de plein air qu’une base de loisirs. Une distinction est à faire entre les parcs d’attraction sans thème fédérateur qui rassemblent plusieurs attractions de type forain, d’autres plus spécifiques, et parfois des spectacles et les parcs d’attractions thématisés où l’enjeu principal est l’immersion du visiteur dans un thème (pirate, western…). Source : http://guideparc-attractions.fr, 2015

Les premiers parcs de loisirs peuvent s’apparenter à une sédentarisation de la foire. Sans réelle surprise, les pays occidentaux en sont généreusement équipés, bien qu’un retard soit tout de même notable dans les pays latins ayant un autre rapport à la consommation et des traditions différentes. Il faudra attendre plus d’un siècle entre la construction du premier parc d’attraction européen, les Jardins de Tivoli à Copenhague en 1843, et l’arrivée du premier parc en France : le parc Bagatelle en 1953. Walt Disney envisage la construction d’un premier parc dès 1940, à Anaheim en Californie, mais les difficultés de financement depuis la crise de 1929 repousseront son ouverture à 1955.

parc de loisirs _

En tête du classement des parcs d’attractions les plus visités au monde, nous retrouvons exclusivement des parcs appartenant à la Walt Disney Parks and Resorts company. Ce monopole s’est imposé dans différents pays dont la France. Le parc Disneyland Paris était en 2013 le sixième parc de loisirs le plus visité au monde, il a enregistré en 2014 près quatre millions de visites supplémentaires (14,2 millions de visiteurs d’après la Walt Disney Company). Le parc de Chessy reste de loin le parc le plus visité en Europe, son rival allemand, Europa Park, n’étant qu’à la 20ème place du classement avec 4,9 millions de visiteurs, talonné de près par un deuxième parc français : Walt Disney Studios et ses 4,47 millions de visiteurs (chiffres de 2013).


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02

la civilisation des loisirs

Répartition des parcs de loisir dans le monde D’après : Carte interactive, themetour.com

en chiffres...

2014 à Disneyland Paris

14,2 millions de visiteurs 50,6€ de dépenses moyennes par visiteur 75,4% des hôtels occupés 232,36€ de dépenses moyennes par chambre Répartition des parcs de loisirs en France en 2015 D’après : Données Google My Maps

L’année 2014 pour Disneyland Paris Source : Eurodisneyland S.C.A.


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une nouvelle industrie

un territoire à consommer Robert Venturi, 1966 _ « […] Les qualités essentielles de l’architecture des zones de divertissement sont la légèreté, la chance d’apparaître comme une oasis dans un contexte éventuellement hostile. »

Tous les parcs de loisirs sont imprégnés d’une nature commerciale ; le visiteur doit s’acquitter d’un « droit d’entrée » pour accéder au divertissement et se retrouve régulièrement sollicité par des boutiques ou des restaurants qui représentent des marges importantes de profit pour les gestionnaires. Mais pour éviter l’expérience unique du visiteur, les parcs de loisirs sont tenus de proposer régulièrement une expérience nouvelle à travers une stratégie de développement réfléchie impliquant l’ouverture de nouvelles attractions, l’extension de son parc hôtelier, l’aménagement de nouvelles voies d’accès, etc. Cette stratégie n’est pas sans conséquence sur l’aménagement du territoire à proximité des parcs de loisirs ; les environs directs sont généralement orientés vers une dimension commerciale où tout est mis en œuvre pour faciliter un accès rapide à la consommation. On peut ainsi percevoir l’émergence « d’aires culturelles » autour des parcs de loisirs ; un périmètre dans lequel le parc exerce son influence pour attirer, de différentes manières et à différentes échelles, le visiteur vers le cœur de son industrie. Cette consommation à grande échelle est aussi perceptible à plus petite échelle. En 1968, Robert Venturi, Denise Scott

37

Brown et leurs étudiants de l’école d’architecture de Yale, se lancent dans une analyse de Las Vegas alors à l’apogée de son développement. Leur travail, publié quatre ans plus tard dans l’ouvrage Learning From Las Vegas, met en évidence un « art consommé du collage » fondé sur une architecture qui tend à devenir iconique et consommable. « Le sujet tend à devenir objet, astreint aux fonctions de la production et de la consommation. Comme en miroir, l’objet se pare des attributs jusque là spécifiques au sujet. Ses raisons fonctionnelles, sa ‘‘valeur d’usage’’ le cèdent au symbolisme, à la fantasmatique inhérente à sa ‘‘valeur d’échange’’ » Didier Ottinger, 2001 Dans le cas de Las Vegas, cette iconisation de l’architecture répond aussi à la nécessité d’être vue de loin, à différentes vitesses, et avant les établissements concurrents. D’après Didier Ottinger, la construction de la tour Eiffel constituerait les prémices de ce phénomène. Si l’on regarde plus en arrière dans l’histoire, la Villa Hadriana, en exprimant le rêve d’un espace fini et unifié sous l’autorité de Rome, pourrait être à l’origine de l’idée de la « ville collage ». Sa polyphonie architecturale inspirera de nombreux parcs d’attractions.


38

02

la civilisation des loisirs

aéroport de roissy

vers lille

N2 Meaux

vers reims

montretout

A4

A104

ula

Boule

dC var irc

ire

paris

A4

Villeneuve-le-Comte

vers paris lognes

aéroport d’orly

10mn

N104

20mn

brie-comte-robert

40mn

N

panneau routier

A5

principaux axes de desserte

melun

vers les autoroutes du sud

5 km

Quand sommes-nous à Disneyland ? Inventaire non exhaustif et localisation des panneaux routiers indiquant la distance à parcourir jusqu’au parc sur ses principaux axes de desserte D’après : Observations de terrain personnelles et repérages sur Google Street View


.02

Bo

d va r ule

laire - 10km de circ Circu o nf parc disneyland

ére n

ce

disney studios

espace donné à voir aux visiteurs des parcs architecture iconique ballon panoramique montant à 100m et visible à 20km à la ronde

500m

1km Carte radar des cônes de vue sur les architectures iconiques du parc depuis le boulevard circulaire. D’après : Relevés de terrain personnels

1,5km

s Robin

Aéroport de Roissy

sons

Monthyon

tour TDF - Les lilas

chelles

Bois de Vincennes

Meaux

Arbre d e

cône de vue

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une nouvelle industrie

Tour de la Terreur 3km 5km

Coulommiers

10km 15km 20km 25km

Carte radar des cônes de perception des paysages environnants depuis le parc Disneyland Paris. D’après : Relevés de terrain personnels


40

02

la civilisation des loisirs

Jour de semaine à Disney Village - Chessy, automne 2015. Aperçu d’un espace privé offert à un usage public implanté entre les hôtels et les parcs de loisirs appartenant à la société Euro Disneyland. Il regroupe des espaces de restauration, des boutiques de produits dérivés, un cinéma Imax et un ballon panoramique.


.03

41

des parcs d’attractions aux cités du futur

des parcs d’attrActions aux cités du futur _ dreamlands _ En 2010, le Centre Georges Pompidou propose un retour sur l’émergence des parcs d’attractions dans les villes à travers une exposition nommée Dreamlands, des parcs d’attractions aux cités du futur.

la génèse d’un nouvel urbanisme La désindustrialisation marque un tournant dans le rapport des sociétés aux loisirs en diminuant la part d’activités productives dans les villes. Rapidement, la production laisse place à la consommation. A l’image de l’Île de Nantes et de ses Machines, les anciens sites industriels sont progressivement reconvertis à travers des projets urbains à caractère ludique qui doivent avoir rôle de locomotive dans le développement touristique de la ville (Gravari-Barbas, 2001). Les plans lumière sophistiqués qui se généralisent dans les années 1980 vont aussi dans le sens d’une esthétisation urbaine souhaitant effacer les blessures de l’époque moderne. « Un des premiers besoins est de créer dans chaque ville des espaces où l’on puisse apprendre à travailler et à jouer » Cedric Price, années 1900 Petit-à-petit, la ville s’affirme en tant que destination par le rapprochement de stratégies ludiques et culturelles. Elle s’offre aux pratiques culturelles et touristiques de masse de la société contemporaine en opposition complète avec le tourisme de stations balnéaires du XIXe et sa culture bourgeoise (concerts, théâtres, etc.). De plus en plus, on observe l’implication de grandes sociétés de divertissement et de grandes

fondations culturelles dans la requalification des villes ; les pouvoirs publics de New York City font appel à la Walt Disney Company pour redynamiser les sites de Times Square, Sony est impliqué dans la reconstruction de Berlin en finançant le Sony Center, et la fondation Guggenheim ouvre régulièrement les portes de nouveaux musées qui deviennent un événement dans leur ville d’implantation.

walt disney urbaniste Naturellement, Walt Disney s’empare de problématiques urbaines pour assurer le meilleur développement de ses parcs. Quelques mois avant sa mort, en 1966, il présente le projet E.P.C.O.T. pour Experimental Prototype Community of Tomorrow (prototype expérimental d’une communauté du futur). Ce projet très fonctionnel propose d’accueillir 20000 âmes dans une ville sécurisée et organisée d’après un schéma radial dont le centre est occupé par des bureaux et des commerces. Les circulations sont hiérarchisées sur différents niveaux pour assurer une vitesse de déplacement optimale à chacun. A travers ce projet, il souhaite influencer les modes de vie du monde entier et illustre « la nécessité […] de repartir à zéro sur une terre vierge ».


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02

la civilisation des loisirs

1.

2.

3.

4.

1. Le projet E.P.C.O.T. présenté par Walt Disney en 1966, Walt Disney Production. 2. Celebration City, Florida, Evelyn Bittencourt, 2012. 3. Le dôme d’un parc aquatique britannique immortalisé par Martin Parr dans sa série Think of England, Martin Parr, 1999. 4. L’horizon décor de la ville paradisiaque de Seaheaven, The Truman Show, 1998.


.03

des parcs d’attractions aux cités du futur

De son vivant, Walt Disney ne verra pas l’application de son projet, mais la Walt Disney Company s’en inspirera en 1975 pour concevoir son troisième parc américain. Cependant, les hôtels seront tout ce qu’il reste de la société résidentielle imaginée par Walt. Plus tard dans l’histoire de la compagnie américaine, Michael Eisner, alors à la tête du groupe, renouera avec les rêves urbains de son fondateur. En 1994, il ouvre le village rétrospectif de Celebration, en Floride, qui reprend les aspirations futuristes d’E.P.C.O.T. La Walt Disney Company s’en désengagera au début des années 2000.

un schéma insulaire hétérotopie _ Localisation physique de l’utopie. Ce sont des espaces concrets qui hébergent l’imaginaire, comme une cabane d’enfant ou un théâtre. Ils sont utilisés aussi pour la mise à l’écart, comme le sont les maisons de retraite, les asiles ou les cimetières. Source : Michel Foucault, 1967

Tout est possible dans des lieux clos, autosuffisants et séparés. La césure géographique sur laquelle s’appuient les parcs d’attractions rend possible « une sorte d’obligation de créer avec les moyens du bord, d’inventer des solutions locales, de combiner des éléments hétérogènes disponibles », (Ottinger, 2010). C’est ainsi un schéma insulaire, une vision organisée en différentes îles, que reproduisent les parcs de loisirs en parvenant à abolir les repères traditionnels du temps et de l’espace. En 1967, Michel Foucault forgera le concept d’ « hétérotopie » qu’il appliquera aux parcs d’attractions.

43

Cette mise sous cloche caricaturale des lieux de loisirs est très souvent littérale. Dans son projet E.P.C.O.T., Walt Disney prévoyait l’installation d’un dôme au dessus de l’hypercentre de sa ville pour y contrôler la météo. Une préoccupation que l’on retrouvera dans ses parcs d’attractions, progressivement conçus pour offrir le plus d’abris possible contre les intempéries, et partagée par son récent associé Pierre et Vacances qui en fera l’élément central de ses Center Park. En 1998, le cinéaste Peter Wier donne à voir un monde entier mis sous cloche pour répondre au besoin de divertissement des sociétés contemporaines : The Truman Show.


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02

la civilisation des loisirs

hôtels

parc du bicheret parc disneyland esplanade des gares

Parc du lochy

hôtels disney village parc du mont évrin

golf disneyland paris

disney studios

Val d’europe la vallée village

villages nature

terrain de sport aire de jeux architecture iconique 1 km

N

Inventaire des formes et typologies d’espaces divertissants du Val d’Europe et des communes voisines Carte de synthèse

espace privé espace public

espace privé offert à des usages publics espace public tourné vers des usages privés


.04

conclusion partielle

conclusion partielle L’industrie du loisir représente une part conséquente de l’économie du XXIe siècle. Les logiques financières d’un parc de loisirs et les foules qu’il déplace nous empêchent de le considérer comme un équipement classique ; son ancrage culturel, qui passe par l’extension continue de son aire d’influence et le contrôle de ses environs, le rapproche plus souvent d’une ville que d’un simple lieu à visiter. Nous nous sommes ainsi rendu compte de l’impact urbanistique que pouvait avoir les nouvelles stratégies de grands groupes du spectacle et du divertissement sur le développement d’un lieu ou d’un territoire. Parmi ces grands groupes, la Walt Disney Company apparaît de loin comme l’un des acteurs les plus influents de ce marché. Par le biais d’un urbanisme ludique, les villes sont devenues les destinations d’un marché touristique hautement concurrentiel. Cette intégration des sites urbains dans des plans marketing peut être perçue comme un prélude à la privatisation de l’espace public. Les espaces privés et sécurisés « offerts » à des usages publics traduisent une marchandisation qui se fait aux dépends du développement de vrais espaces publics. Dans ces lieux, le citoyen est traité comme un usager, un client. Par ailleurs, ce citoyen « solvable » implique une sélection du public de manière plus ségrégative que ne le faisaient les foires. Progressivement, les aspects extérieurs de la ville comme paysage s’opposent à ses fonctions en tant que territoire opérationnel et existentiel. La libéralisation des villes pour le divertissement des populations présente le risque qu’elles ne deviennent un espace uniquement voué à la consommation au détriment d’un cadre social pour ses habitants. Le portrait du Val d’Europe dressé en parallèle de cette partie nous montre bien à quel point il est caractéristique d’un territoire de loisirs. Ses paysages contemporains sont marqués d’un horizon divertissant. Cependant, les espaces de divertissement qu’il propose sont en grande majorité des lieux privés dispersés, ne bénéficiant d’aucune mise en réseau et tous se résument à des équipements (aires de jeux, parcs, terrains de sports, etc.). Le « Cluster Tourisme », dont les motivations seront présentées dans la partie suivante, ne serait-il pas une invitation à l’innovation en matière de tourisme local ? À l’heure où les maisons secondaires se font rares, que la mobilité de chacun s’accroît et que le tourisme nomade s’annonce florissant (en témoigne le récent succès de la plateforme de logement Airbnb), comment intégrer le plaisir et les envies touristiques dans la ville de demain ?

45


03 convergences


« La région parisienne c’est le bordel, mettez-moi de l’ordre dans tout cela » Charles de Gaulle à Paul Delouvrier objectif de la partie _

Comprendre le contexte géopolitique dans lequel s’est développée la ville nouvelle de Marne-la-Vallée et sa rencontre avec le projet Eurodisneyland.


48

03

convergences

1939 Premier Plan d’Aménagement de la Région Parisienne (PARP) qui découle du Plan Prost. Idée de développement autour de cités nouvelles

1932-1934 Conception du Plan Prost

1960 Validation du Plan d’Aménagement et d’Organisation Générale de la Région Parisienne (PADOG) qui affirme la nécessité de nouveaux centres urbains. Fondation de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne (IAURP) qui reprend l’hypothèse des Villes Nouvelles Ve république 1958

1964 Réorganisation de la Région de Paris en 7 départements

mandat Charles de gaulle 1959 - 1969

1962 La Politique Agricole Commune (PAC) affiche la volonté de renforcer l’industrialisation autour des centres urbains

1962 Création de l’AFTRP chargée des acquisitions foncières sous l’autorité de Paul Delouvrier ; soutien de l’IAURIF

1961 Création du district de la Région de Paris (départements de la Seine, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne)

paul delouvrier délégué général du district de la région de paris 1961 - 1969 1965 Publication du Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région de Paris (SDAURP). Il se substitue au PADOG et lance la politique des Villes Nouvelles en France

1967 Loi d’Orientation Foncière (LOF) ; institution des Zones d’Aménagement Concerté (ZAC)

1968 - 1969 Définition du parti d’aménagement et d’urbanisation de Marne-la-Vallée

1972 Transformation de la Mission d’études en EPA MARNE

acquisition de plusieurs milliers d’hectares par l’aftrp pour les villes nouvelles années 1970 1987 Signature de la convention pour la création et l’exploitation d’Euro Disneyland en France ; naissance de l’EPA FRANCE

1986 Jacques Chirac est nommé premier ministre

françois mitterand 1981 - 1995

1983 - lois de décentralisation La loi Rocard donne sous certaines conditions aux communes concernées la possibilité de quitter le dispositif des Villes Nouvelles et à d’autre d’intégrer des Syndicats d’Agglomération Nouvelle

valéry giscard d’estaing 1974 - 1981

1976 Le district de la Région de Paris devient la Région Île-de-France

georges pompidou 1969 - 1974

2010 Amendement à la convention de 1987 qui reporte à 2030 l’échéance du partenariat entre l’État et Disney. Villeneuve-le-Comte rejoint le Secteur IV.

nicolas sarkozy 2007 - 2012

2014

2016

2030

Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM)

Le SAN du Val d’Europe se transforme en Communauté d’Agglomération dénommée Val d’Europe Agglomération

Fin du partenariat public/privé entre l’État et Euro Disney S.C.A.

françois hollande 2012

Politiques et territoires : Frise chronologique replaçant l’émergence de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée dans son contexte géopolitique

politiques d’aménagement histoire de Marne-la-Vallée contexte global


.01

49

un besoin de nouvelles villes

villeneuve-d’ascq cergy-pontoise le vaudreuil marne-la-vallée

saint-quentinen-yvelines paris évry

sénart

l’isle-d’abeau

étang de berre

Localisation des villes nouvelles en Île-de-France et dans le reste du pays

un besoin de nouvelles villes _ une politique globale opération d’intérêt national (oin) _ Elle correspond en France à une opération d’urbanisme à laquelle s’applique un régime juridique particulier en raison de son intérêt majeur. L’État conserve dans ces zones la maîtrise de la politique d’urbanisme par le biais d’un nouvel acteur : l’EPA. Source : Code de l’urbanisme

Dès les années 1930, le Plan Prost met en avant la nécessité de créer des « cités nouvelles » pour faire face à la croissance démographique importante de la région parisienne et au besoin de décentralisation de son industrie. Ce document sera repris quelques années plus tard par le haut fonctionnaire Paul Delouvrier et ses équipes d’urbanistes. Dans le Plan Directeur d’Organisation Générale de la Région Parisienne de 1959, ils mettent en avant le besoin de contenir l’expansion régionale en créant de nouveaux centres urbains. En venant renforcer les agglomérations exis-

tantes, ces noyaux permettraient d’assurer un développement polycentrique et équilibré autour de Paris. Cette stratégie d’aménagement se traduit dès 1965 par le lancement de la politique des Villes Nouvelles en France inscrite dans le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région de Paris (SDAURP). Marne-la-Vallée fait partie des cinq sites envisagés dans la périphérie de Paris avec Evry, CergyPontoise, Melun-Sénart et Saint Quentin en Yvelines. D’autres villes nouvelles sont envisagées autour des agglomérations de Rouen, Lyon, Lille et Marseille. Ce programme se déroule dans le cadre juridique de l’Opération d’Intérêt National (OIN).


50

03

convergences

La Marne

rer A

A4

Forêt d’Armainvilliers A87

zones / Secteurs coupures vertes axes viaires

Le parti d’aménagement de l’urbanisation de la vallée de la Marne D’après : Cahiers de l’IAURP, n°21 (1970)

La Marne

13

10 centre urbain

rer A 3

4

1 A4

6

5

19 18

15

7 2 8

12

11

9

21

22

24

centre urbain 25

20 23 14

26

17

16 27

secteur ouest

secteur est

aménageur : EPA MARNE ex-secteur I 1. Bry-sur-Marne 2. Villiers-sur-Marne 3. Noisy-le-Grand _ 107 447 habitants

ex-secteur II 4. Champs-sur-Marne 5. Noisiel 6. Torcy 7. Lognes 8. Émerainville 9. Croissy-Beaubourg _ 87 691 habitants

aménageur : EPA france ex-secteur III 10.Saint-Thibault-des-Vignes 11. Gouvernes 12. Bussy-Saint-Martin 13. Lagny-sur-Marne 14. Bussy-Saint-Georges 15. Collégien 16. Ferrières-en-Brie 17. Jossigny 18. Guermantes 19. Conches-sur-Gondoire 20. Chanteloup-en-Brie 21. Montévrain _ 76 001 habitants

Organisation de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, localisation des différentes communes et des centres urbains d’envergure prévus dans son plan d’aménagement D’après : chiffres de populations 2013

ex-secteur IV 22. Chessy 23. Serris 24. Coupvray 25. Magny-le-Hongre 26. Bailly-Romainvilliers 27. Villeneuve-le-Comte (depuis 2011) _ 32 568 habitants


.01

le choix d’un axe Jusqu’au XIXe siècle, la vallée de la Marne a toujours été un axe de communication naturel vers la Champagne. Or, avant la réforme de 1964, la région de Paris ne comprenait que deux départements (Seine et Seine-et-Oise) sur lesquels se concentrait une forte politique d’aménagement. Ce décentrement de la région vers l’ouest a longtemps tenu à l’écart de l’urbanisation la rive sud de la Marne et la Brie.

établissement public d’aménagement (EPA) _ Un EPA est une structure opérationnelle sous l’autorité de l’État. Les EPA ont joué un rôle majeur dans la politique d’aménagement et d’urbanisme du territoire français. Un EPA dispose d’un droit d’initiative lui permettant de proposer des ZAC par le biais d’un accord préfectoral. En droit commun, cette initiative appartient normalement aux communes.

51

un besoin de nouvelles villes

En parallèle de la réorganisation de la région de Paris, le Plan Prost prévoit une série de nouvelles autoroutes radiales autour de la capitale permettant de relier le boulevard des Maréchaux à une autoroute circulaire passant au delà des espaces urbanisés. Ce tracé global comprend déjà le tracé de l’autoroute de l’Est, semblable à celui de l’actuelle A4, et vient redonner une importance à la rive sud de la Marne.

construire un territoire à grande échelle L’idée d’organiser une ville nouvelle le long d’importants axes de communication dans la vallée de la Marne émerge des ateliers de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne (IAURP) dès 1963. En 1969, ce projet prend forme avec la Mission d’études et d’aménagement de la Vallée de la Marne. Ce n’est qu’en 1972,

avec la transformation de cette mission en EPA, que le nom de Marne-la-Vallée sera attribué à ce territoire. L’EPA Marne est doté d’un conseil d’administration composé à parts égales de représentants de l’État et des collectivités locales ainsi qu’une assemblée spéciale de 56 représentants de ces mêmes collectivités. L’aménagement de ce territoire est dicté par un rejet partagé des pratiques des grands ensembles. Son organisation s’établit autour de quatre ensembles urbains différents séparés par des « coupures vertes ». Ces ensembles urbains prendront le nom de Secteurs, initialement au nombre de 4, aujourd’hui au nombre de 2.

complications Dans les années 1970, le développement des villes nouvelles se retrouve perturbé par un ralentissement de l’exode rural, les différents chocs pétroliers et la fin du baby boom qui annonce une baisse de la démographie. Ces facteurs menacent l’équilibre financier de Marne-la-Vallée dont les débuts tardifs ne lui ont pas permis de bénéficier de l’euphorie des Trente Glorieuses. En 1978, l’EPA Marne décide avec la Région Île-de-France d’abandonner les schémas d’aménagement des Secteurs III et IV, arrêtant ainsi l’urbanisation et la construction du RER à la ville de Torcy.


52

03

convergences

coupvray

chessy

parc disneyland

hôtels

hôtels

Gare de Marne-la-Vallée - Chessy

Magny-le-hongre

parc walt disney studios

Gare de Val d’Europe

centre commercial

golf bailly-romainvilliers

serris

rer A

hameau de bailly

Raccordement autoroutier

villages nature A4

tgv

N

L’emprise du périmètre du PIG et les infrastructures conséquentes développées par l’État pour l’installation du complexe touristique

1 km périmètre du PIG (emprise Disney - 2300 hectares) bourgs anciens (hors périmètre d’intervention EPA et Disney) infrastructures développées par l’État


.02

53

tapis rouge

Jacques Chirac et Michael Eisner (à gauche) lors de la signature de la convention pour la création et l’exploitation d’Euro Disneyland en France le 24 mars 1987 à l’Hôtel Matignon, Paris Source : Archives INA

tapis rouge _ trouver une alternative

projet d’intérêt général (PIG) _ Le projet d’intérêt général constitue depuis les lois de décentralisation de 1983 l’un des outils dont dispose l’État pour garantir la réalisation de projets présentant un caractère d’utilité publique, et relevant d’intérêts dépassant le cadre communal, voire intercommunal. Il permet notamment de s’affranchir de certaines règles du PLU. Source : Cerema

La volonté de développer les villes nouvelles réapparaît en 1981 avec l’alternance politique à la tête de l’État. Si l’aménagement du Secteur III revient à l’ordre du jour, il en est loin d’être de même pour le Secteur IV qui devait comprendre un centre urbain conséquent à l’échelle de Marnela-Vallée. C’est dans ce contexte que le groupe de direction des Villes Nouvelles demande à l’EPA Marne de se défaire des terres agricoles acquises sur le Secteur IV, dont beaucoup étaient autrefois classées en tant que Zone Agricole Protégée (ZAP). Au même moment, la Walt Disney Company (WDC) était en pleine recherche

de vastes emprises pour implanter son premier parc à thème d’Europe et quelques milliers de chambres d’hôtel. En 1984, le directeur de l’EPA Marne Jean Poulit et ses équipes ont vent de cette nouvelle et entament un dialogue avec la compagnie américaine. Pour les deux parties, l’opportunité est grande : l’EPA Marne entrevoit la possibilité de parachever l’aménagement de Marne-la-Vallée et la WDC se voit offrir une terre « vierge » aux portes d’un marché touristique capital : Paris. Mais la concurrence est rude entre les pays européens et Disney n’est pas prêt à s’inscrire dans les schémas d’aménagement mis en oeuvre pour les villes nouvelle. La compagnie recherche une collaboration


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03

convergences

1.

2.

3.

4.

1., 2., 3., 4., Soulèvement face à un bouleversement qui s’annonce Source : Archives INA


.02

équilibrée entre partenaires publics et privés. L’EPA Marne propose ainsi à l’État et aux pouvoirs publics de contractualiser avec la WDC les dispositions à mettre en oeuvre. Les efforts de l’État en matière d’investissement décideront Disney de choisir Paris plutôt que Barcelone, jusqu’alors convoitée pour son climat.

un accord historique les signataires de la convention de 1987 _ • L’Etat • The Walt Disney Company • La région Ile-de-France • Le département de Seine et Marne • EPA France • La RATP

d’eurodisney à disneyland paris _ Le nom initial du complexe touristique était Euro Disneyland. Suite au mécontentement affiché des français, il sera rebaptisé Disneyland Paris en 1997.

55

tapis rouge

En 1985, un premier accord de principe est signé entre les pouvoirs publics français et la Walt Disney Company. Il sera entériné deux ans plus tard par la signature de la convention pour la création et l’exploitation d’Euro Disneyland en France, le 27 mars 1987 à l’Hôtel Matignon. Cette convention partenariale encadre pour 30 ans la maîtrise foncière pour le développement de 1943 hectares sur les 3200 hectares du Secteur IV par l’intermédiaire d’un Projet d’Intérêt Général. En signant cette convention, l’État et Disney acceptent de se soumettre à un arbitrage international en cas de conflit. La WDC a tiré les enseignements de ses expériences américaines, au cours desquelles de nombreuses entreprises sont venues tirer parti de la proximité avec le parc à thème pour venir y développer leur activité. Le périmètre à développer par Disney ne se limite donc pas à la superficie nécessaire pour la construction d’un

parc de loisir et de ses hôtels ; il comprend une importante zone périphérique lui permettant d’ancrer sa stratégie d’image et de maîtriser la concurrence tout en anticipant des plus values foncières générées par la présence du parc et la qualité du cadre de vie. Pour soutenir la WDC dans le développement son programme économique, l’État s’engage à financer l’équipement du Secteur IV et à faciliter sa maîtrise foncière. Pour piloter cette opération d’envergure, la région Île-de-France et le département de la Seine-et-Marne souhaitent la création d’une structure indépendante. Un nouvel EPA est ainsi créé par décret lors de la signature de la convention : EPA France, qui dispose d’un conseil d’administration différent de EPA Marne mais du même Directeur Général.

disney et la france Si cet accord est une aubaine pour l’État, il n‘en est pas moins annonciateur d’un grand bouleversement local. La convention prévoit l’acquisition de 1943 hectares par le biais d’une déclaration d’utilité publique (DUP). Aucune rémunération n’est donc prévue pour les propriétaires terriens du plateau de la Brie. Si 84% des français se disent favorables à l’arrivée d’Euro Disneyland, le malaise s’installe localement où de nombreuses manifestations dénoncent ce qui s’apparente à un vol de la ­propriété ­foncière


56

03

convergences

secteur IV

5 4 3

6 communes, périmètre de l’OIN. Acteurs : EPA et SAN

6

Paris

7 1

emprise du pig

8

2230 hectares, 1943 hectares initialement Acteurs : Disney, EPA, SAN

les clusters du grand paris

2

1. Innovation/ 5. Aéronautique Recherche 6. Échanges internationaux 2. Santé et événementiel 3. Finance 7. Ville durable 4. Création 8. Tourisme D’après : Atelier du Grand Paris

EPA

bourgs anciens emprise des centres historiques des communes Acteur : SAN

vente

Disney

Disney

Promoteur

SAN le pig 2230 hectares (1943ha initialement) acquis par l’EPA en 1987 par expropriation par l’intermédiaire d’emprunts bancaires. Prix d’achat : 1,7€/m2

viabilisation Progressivement, l’État viabilise les terrains inscrits au PIG. Les terrains dans l’attente d’une viabilisation sont maintenus cultivés par le biais de Contrats d’Occupation Précaire. Prix de vente: 120€ à 150€/m2

programme Disney, en tant que développeur, dispose d’un droit d’initiative et d’une priorité d’acquisition sur les terrains du PIG. Son programme doit être soumis à l’acceptation du SAN et de l’EPA.

développement En interne, ou en externe par le biais d’un promoteur, Disney conçoit et développe son programme. Il prend ainsi le rôle d’un maître d’ouvrage. Prix de vente : 150€ à 180€/m2

Disney

SAN amélioration La qualité des projets menés par Disney contribue à l’amélioration du cadre de vie, de l’activité économique et de l’offre touristique.

rétrocession À la fin du processus de développement, les terrains sont la plupart du temps rétrocédés au SAN ou à l’une de ses communes qui en assurera la gestion.

image disney Si trois acteurs différents prennent part à l’aménagement du territoire dans le périmètre du PIG, Eurodisneyland S.C.A. reste maître de l’image du projet qu’elle développe.

Comprendre les logiques d’aménagement, les imbrications d’échelles et les jeux d’acteurs à l’oeuvre sur le Val d’Europe D’après : De la ville nouvelle à la ville durable, Marne-la-Vallée, Orrilard & Picon, 2012. Prix en francs datants de 1987 convertis en euros.


.02

la déclaration d’utilité publique (DUP) _ Acte administratif reconnaissant le caractère d’utilité publique à une opération projetée par une personne publique après recueil de l’avis de la population. Cet acte est la condition préalable à une expropriation (pour cause d’utilité publique) qui serait rendue nécessaire pour la poursuite de l’opération. Cette déclaration est faite par le Préfet. Source : dictionnaire de l’environnement Les clusters _ Les clusters sont des réseaux d’entreprises constitués majoritairement de PME et de TPE, fortement ancrés localement et souvent dans une même filière. L’intérêt premier du cluster est d’augmenter le chiffre d’affaire et l’efficacité économique de ses entreprises puis de détecter dans son environnement les facteurs favorables à sa croissance. Source : France Clusters

tapis rouge

au profit d’une multinationale privée américaine. Jusqu’alors, l’agriculture était la principale source de revenus de ce territoire ; 1 hectare cultivé pouvait rapporter jusqu’à 700 francs (environ 100€). L’État revendique de permettre grâce à cette collaboration d’amener durablement de l’emploi dans la région et de pérenniser, par ses investissements, son épanouissement économique (la Walt Disney Company promet 24000 emplois à terme). Mais le véritable tapis rouge que déroule l’État pour l’entreprise américaine (prêts bonifiés de la caisse des dépôts, prolongement du RER A, raccordement à l’autoroute, baisse de la TVA à 5% sur les billets d’entrée, baisse du prix de l’eau) rend discutable l’équité de cette procédure (les 2 milliards de francs publics investis seront récupérés après deux ans et demi). Après de longues négociations, les propriétaires terriens dans l’emprise Disney parviendront à obtenir un dédommagement conséquent pour compenser la perte de leurs terres.

l’après ville nouvelle En 1994, le Schéma Directeur de la Région Île-de-France définit des « centres d’envergure européenne ». Marne-la-Vallée est la seule ville nouvelle à acquérir ce statut avec la définition de deux pôles : le pôle scientifique de la Cité Descartes et le pôle touristique sur le Secteur IV.

57

Dans les années 2000, ce statut est renforcé avec l’apparition des clusters du Grand Paris. Cette notion définie par Christian Blanc a pour principe la mise en concurrence territoriale de différents pôles - les clusters - dans un système où l’innovation apparaît comme le principal moteur de la croissance. Cette volonté de territorialisation de l’économie de la connaissance se traduit spatialement par un rapprochement géographique et fonctionnel entre universités et entreprises travaillant sur une même thématique. Le Val d’Europe devient ainsi le « Cluster Tourisme » de la région parisienne, à l’économie fondée sur le tourisme, l’événementiel et le patrimoine, dans le but de maximiser les bénéfices de la présence de Disneyland sur l’économie du territoire. Cette volonté politique est pérennisée le 14 septembre 2010 par la signature d’un avenant à la convention de 1987. Les nouvelles clauses prolongent jusqu’à 2030 la convention initiale, modifient en partie et agrandissent le tracé de l’emprise du PIG à 2230 hectares et rattachent au Secteur IV la commune de Villeneuve-le-Comte qui doit prochainement accueillir un nouveau parc résidentiel développé par Disney et Pierre et Vacances : les Villages Nature. Cet avenant officialise par ailleurs la possible création d’un troisième parc de loisirs par la compagnie Euro Disney.


58

03

convergences

Le bureau de vote dans la mairie de Bailly-Romainvilliers lors du referendum du 27 septembre 2015, un des premiers ĂŠvĂŠnements de dĂŠmocratie citoyenne dans la ville nouvelle.


.03

59

une agglomération nouvelle

une agglomération nouvelle _ la naissance d’un micro-territoire le syndicat d’agglomération nouvelle (SAN) _ Il est, en France, une ancienne structure de coopération intercommunale destinée à administrer certaines villes nouvelles françaises. Si cette forme d’intercommunalité existe encore jusqu’au 1er janvier 2017, tous les syndicats ont été dissous au 1er janvier 2016 et n’existent donc plus de facto. Source : Assemblée des Communautés de France

Dans les mois suivant la signature de la convention de 1987, les cinq communes devant accueillir le parc Disneyland Paris sont regroupées sous un Syndicat d’Agglomération Nouvelle alors appelé « Portes de la Brie ». Il sera rebaptisé en 2001 « Val d’Europe », reprenant le nom attribué à son immense centre commercial inauguré l’année précédente.

un nécessaire rassemblement Dans le cadre de la loi MAPTAM, les cinq communes du Val d’Europe sont appelées à rejoindre une intercommunalité. Leur petite taille et leur situation particulière leur permet d’obtenir une rallonge du délai obligatoire si elles forment une commune nouvelle avant le 1er janvier 2016. En fusionnant en une commune nouvelle, ces communes deviendraient des communes déléguées, ayant des compétences proches de celles des arrondissements municipaux (fonctionnement avec un maire délégué, une annexe de la mairie...). La création de la commune nouvelle requiert cependant la validation des conseils municipaux de toutes les communes contiguës concernées par ce rassemblement, ce qui n’a pas été le cas au sein du Val d’Europe.

l’appel aux urnes En juillet 2012, quatre des cinq communes votent favorablement à la fusion des communes du SAN en commune nouvelle. Sur un fond de tensions politiques, le conseil municipal de Serris s’y oppose, prétextant l’annonce d’un équilibre économique défavorable pour sa commune et la disparition de l’identité de chacun. Afin d’anticiper et d’accompagner la nouvelle réforme territoriale, la question de la fusion en commune nouvelle est de nouveau abordée par la présidence du SAN en 2014. Il est alors décidé de convier les habitants du Val d’Europe à se prononcer par le biais d’un référendum le 27 septembre 2015 sur la question : Souhaitez-vous la transformation du SAN du Val d’Europe en Commune Nouvelle ? Pour valider la transformation du SAN, une majorité de « Oui » est nécessaire dans chacune des communes. Malgré un plébiscite d’une majorité des habitants (84,7% de « Oui » à Chessy, 78,5% à Coupvray, 83,1% à Magny-le-Hongre, 93,5% à Bailly-Romainvilliers), Serris s’oppose encore une fois à la procédure, avec seulement 28,8% de « Oui ». Le projet de Commune Nouvelle est abandonné avec un résultat global de 71,4% de « Oui », 28,6% de « Non » et 60,7% d’abstention.


60

03

convergences

2

3 1

4

1

marne-la-vallée _ 300 000 habitants 171,24km2

2

3 4

val d’europe 5 communes _ 30 732 habitants 51,41km2

marne-et-gondoire 18 communes _ 90 487 habitants 88,82km2

pays de meaux 18 communes _ 84 575 habitants 144,22km2

Les intercommunalités à proximité du Val d’Europe et leurs populations D’après : chiffres de populations 2013

Pays creçois 19 communes _ 34 628 habitants 131,16km2

brie boisée 5 communes _ 34 628 habitants 71,79km2


.03

La communauté d’agglomération _ La communauté d’agglomération est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) regroupant plusieurs communes formant, à la date de sa création, un ensemble de plus de 50 000 habitants d’un seul tenant et sans enclave, autour d’une ou plusieurs communes centre de plus de 15 000 habitants. Source : Article L 5216-1 du Code général des collectivités territoriales.

mise à jour san & vea _ Le contexte politique du Val d’Europe ayant changé durant la rédaction de ce mémoire, il n’est plus correct de parler de Syndicat d’Agglomération Nouvelle. Je maintiens donc cette dénomination jusqu’à cette page qui clarifie la situation, l’acronyme SAN étant désormais remplacé par VEA pour Val d’Europe Agglomération.

61

une agglomération nouvelle

val d’europe agglomération

compétences

La fusion en Commune Nouvelle abandonnée, le SAN s’est transformé au 1er janvier 2016 en communauté d’agglomération. Depuis ce jour, le « SAN du Val d’Europe » s’est vu remplacé par « Val d’Europe Agglomération ».

Val d’Europe Agglomération (VEA) récupère les compétences et obligations du SAN. Elle dispose d’un droit non négligeable - que l’on ne retrouve pas dans les villes de Floride qui ont accueilli le second parc Disneyland - qui est celui de pouvoir délivrer les permis de construire. Si le programme de développement que lui présente Eurodisneyland S.C.A. ne convient pas à ses attentes en matière de développement local, la communauté d’agglomération se réserve le droit de refuser le projet. Ce droit confère une réelle force à la communauté d’agglomération dans le rapport triangulaire qu’elle entretient avec l’EPA et Disney pour l’aménagement de son territoire.

Au delà du simple nom, ce changement de statut n’est pas sans influence sur les politiques d’aménagement de ce territoire hautement complexe. Les avantages que présentait la fusion en commune nouvelle laissait envisager une stratégie plus riche pour le développement du Val d’Europe que ne le laisse envisager la communauté d’agglomération. En effet, si la commune nouvelle implique une division du nombre d’élus par trois, elle laissait présager une bien meilleure cohérence dans l’aménagement du territoire ; l’explosion démographique des cinq petits bourgs ruraux impliquant nécessairement une adaptation de leurs limites administratives pour gouverner ce qui s’apparente de plus en plus à une ville. Par ailleurs, la commune nouvelle aurait permis au Val d’Europe de préserver certaines de ses dotations et de s’assurer un poids administratif plus important dans les jeux d’acteurs à l’échelle de Marne-laVallée, et donc, une meilleure défense des ambitions du « Cluster tourisme ».

voisins voisines Il est important de ne pas se limiter aux strictes limites de l’intercommunalité si l’on souhaite appréhender l’influence du complexe touristique. En regardant au-delà, d’autres pôles conséquents doivent être pris en compte. Le Pays de Meaux représente ainsi un bassin de vie et d’emplois conséquent à ne pas négliger. A l’inverse, les intercommunalités de la Brie boisée et du Pays Créçois présentent des densités de populations extrêmement faibles ; un phénomène pouvant s’expliquer par les limites du programme de la Ville Nouvelle.


62

03

convergences

l’état

Signataires liés par la charte du PIG

financeur

outil de l’État

epa

Rôle du paysagiste Aménageur Secteur Ouest

epa france

epa marne

epa France

Aménageur Secteur Est

Aider à l’élaboration d’une vision d’ensemble sur le territoire pour planifier un développement cohérent à grande échelle. Outils et leviers d’action - Plan de paysage - Stratégie de territoire

projet EPA FRANCE de territoire PT VEA

PP PS

projet économique

PE disney

projet de paysage

projet local

VEA

un chevauchement d’intérêts

vecteur de projets au sein du cluster

val d’europe agglomération

Eurodisneyland SCA

Gestionnaire et administrateur

Développeur

Rôle du paysagiste

Rôle du paysagiste

Contribuer à la reconnaissance du patrimoine pour permettre l’ancrage du développement local dans une histoire collective qui fait sens.

Porter à connaissance les richesses locales pouvant permettre à la compagnie à développer un projet touristique diversifié et cohérent sur son territoire tout en effectuant des plus values

Outils et leviers d’action - Mission de conseil - Concertation locale - Ateliers pédagogiques - Mise en réseau d’acteurs - Interventions spatiales

Outils et leviers d’action un cluster pérenne

tirant partie de la dialectique touriste/habitant pour s’ancrer dans son territoire grâce au projet de paysage

Le paysage comme outil de dialogue entre les différents acteurs du territoire Schéma de synthèse des rôles de chaque établissement et des outils potentiels à mettre en place pour aboutir à un cluster pérenne ancré dans son territoire

- Mission de conseil - Concertation locale


.04

conclusion partielle

conclusion partielle La construction de mon site d’étude est la résultante de politiques territoriales anciennes dont l’objectif initial est d’augmenter l’offre de logements autour de la métropole parisienne. La rencontre avec un acteur atypique lors de son développement, qui plus est un acteur privé, a initié une logique d’aménagement unique en France. Il en résulte un jeu d’acteurs complexe qu’il est nécessaire de saisir dans son ensemble si l’on souhaite agir sur ce territoire. Nous avons pu constater que le « Cluster Tourisme », récemment défini sur ce secteur de Marne-la-Vallée, se limite à l’implantation d’entreprises et d’établissements d’enseignement travaillant sur la thématique du tourisme. Les implications spatiales du cluster sont donc destinées à un public restreint, voire complètement privé. La logique économique des clusters du Grand Paris n’est autre qu’une nouvelle forme de « zoning » à grande échelle. En définissant le cœur thématique d’une industrie régionale, elle lui offre certes une visibilité internationale, mais constitue cependant une menace pour son équilibre si un jour cette activité venait à péricliter. Pour éviter la mono-industrie, il est donc nécessaire de diversifier les formes d’économies et les systèmes dans lesquels elles peuvent évoluer localement. Une thématique telle que le tourisme n’est-elle pas une invitation à pousser l’innovation hors des établissements privés accueillis par le cluster ? À cette stratégie globale, il est nécessaire d’ajouter une compréhension du contexte local. Le Val d’Europe change, il grandit ; progressivement, les limites des cinq bourgs ruraux s’effacent et laissent place à une nouvelle ville. Si la fusion en commune nouvelle est avortée pour le moment, il est impossible de ne pas concevoir Val d’Europe Agglomération comme une ville à part entière. À l’aide d’une vision globale et transversale, le paysagiste peut se positionner comme intermédiaire des trois acteurs majeurs de ce territoire atypique. En tenant compte des intérêts de chacun, il doit pouvoir accompagner la fabrique urbaine du Val d’Europe en soutenant trois grands projets : le projet économique (EPA/Disney), le projet de territoire (VEA/EPA) et le projet social (VEA/Disney). Pour ce faire, les outils à mobiliser devront nécessairement s’appuyer sur des connaissances fines du territoire et un dialogue entre ses différents acteurs pour pérenniser la vocation du cluster.

63


04 racines


« Il n’existe sur toute l’étendue du territoire pas un pouce de terrain inculte ou en friche ; c’est dire ce que vaut le sol. » Fauvet, 1888 Monographie de Magny-le-Hongre objectif de la partie _

Comprendre la formation du paysage briard, ses origines et sa culture avant l’arrivée du complexe touristique Disneyland Paris.


66

04

racines

Avec le Paléolithique s’achève la période géologique du pléistocène. Les peuples de chasseurs-cueilleurs ont traversé de grandes glaciations durant lesquelles les limons des plateaux se sont formés. Dernière période glaciaire : -10 000 B.P.

Les peuples de­chasseurscueilleurs évoluent sous des climats proches de ceux que nous connaissons aujourd’hui.

Les techniques de travail de la pierre se généralisent. Début de la culture et de l’élevage avec la sédentarisation des peuples.

fin du paléolithique -12 000 B.P.

mésolithique -12 000 À -8 000 av. JC

néolithique -8 000 À -2 500 av. JC

période gallo-romaine -52 av. JC À 450

â -1 ge 80 d 0 ub À r âg -72 on -2 e 5 ze av 50 d . JC 0 uc À u -1 iv 8 0 re 0 av . JC

- 300 env. Celtisation quasiment certaine sur le territoire d’étude. Accélération des processus de déforestation engagés dès la fin de l’Âge de Bronze pour les besoins de la métallurgie et du chauffage.

Romanisation progressive de la Gaulle. Le sol devient propriété collective du peuple romain (cadastrage pour lever l’impôt). Les romains apportent avec eux des traditions culturales anciennes issues des peuples du Croissant Fertile.

- 6000 env. Apparition de l’agriculture sur nos territoires

âge du fer - occupation celte -725 À -52 av. JC ViI siècle e

Ier au IIIE siècle

Implantation d’un village mérovingien au nordouest de Serris (les Ruelles) mis à jours lors de fouilles préalables. Il exista jusqu’au XIe siècle.

Implantation d’un sanctuaire mis à jour lors des fouilles des Villages Nature en 2014.

Xie et xiie siècles

xiie siècle

Développement de domaines agraires autour de fermes d’abbaye par des fondations ecclésiastiques. Grands défrichements.

Début des Foires de Champagne et implantation d’un prieuré sur le hameau de Bailly qui deviendra un domaine seigneurial important deux siècles plus tard.

moyen âge du ve au XVe siècle fin du moyen-âge 1863-1865 Construction de l’aqueduc souterrain de la Dhuis.

XIXe siècle Apparition de grands laboureurs qui s’installent dans les corps de ferme. Les logis des fermes datent de cette période.

1789 La Révolution française met fin aux domaines seigneuriaux.

période contemporaine

fin XVII siècle e

Premières mentions du Brie de Meaux

Épidémies de peste, fin des Foires de Champagne et disparition de grands domaines agraires dans la région.

temps modernes du XVe au XVIIIe siècle

1876 - le chemin de fer Mise en service d’un chemin de fer reliant Villeneuve-le-Comte à Lagnysur-Marne pour faciliter l’exploitation de la Meulière. Elle remplace une voie ferrée «à traction de chevaux» qui allait jusqu’ à Coutevroult.

XIXe siècle Apparition des premiers engrais chimiques.

début 1900

1934

Fin de l’exploitation de la Meulière à Villeneuve-le-Comte et Neufmoutiersen-Brie

Fermeture de la voie ferrée qui avait étée prolongée jusqu’ à Mortcerf et ouverte provisoirement aux voyageurs.

1962 Mise en vigueur de la Politique Agricole Commune (PAC).

intensification des remembrements agricoles de 1960 à 1980

Historique d’un territoire fertile : Replacer l’évolution du Val d’Europe dans les grands événements qui ont marqué l’agriculture et l’histoire Sources : variées, se référer à la bibliographie

histoire de l’agriculture histoire locale contexte global


.01

67

l’éveil d’un paysage fertile

Ouverture sur la vallée de la Marne et la boucle d’Esbly

l’éveil d’un paysage fertile _ entre plaines et forêts L’organisation des paysages de Seineet-Marne remonte aux débuts de l’agriculture. Dès le néolithique commencent de grands défrichements conduisant à l’émergence de vastes plaines cultivées. Les sols trop pauvres, trop sableux ou trop difficiles à travailler, sont délaissés et maintenus sous couvert forestier. Une grande partie de ces forêts deviendront par la suite des territoires de chasse aménagés en conséquences (construction de châteaux et de leurs pavillons par exemple). Aujourd’hui, l’agriculture et la forêt couvrent 80% des territoires du département.

La Brie a souvent été synonyme d’abondance et de fertilité ; au même titre que la Beauce, la Brie s’entend parfois qualifiée de « grenier de la France ». La culture ancestrale de ce plateau a grandement influencé ses formes d’occupation, mais à quoi cette richesse tient-elle réellement ? Pour le comprendre, intéressons-nous à sa géomorphologie, à l’organisation de son sol et de son sous-sol.


68

04

racines

100

canal de meaux à chalifert

50

100

boucle d’esbly

le grand morin

la marne

75

125

50

50

75

75

100

100

(B)

magny-le-hongre boulevard circulaire

bailly-romainvilliers

remblais de la A4

125 serris

jossigny

la ferme de maulny

s

po

r

(A

)

125

r ve

ca nt

125

villeneuve-le-comte

1 km

N

Comprendre la relation entre la fertilité du sol et ses composantes Carte réalisée en recoupant les données de la carte géologique du BRGM à 1/50 000 avec la carte départementale des terres agricoles de la DDT 77, 1987

limons des plateaux sables de fontainebleau espaces forêstiers en 1987

terres de classe 1b* terres de classe 2D* espaces construits en 1987


.01

69

l’éveil d’un paysage fertile

haut du plateau de la Brie LP argileux

Cg2b - calcaire

g1a calcaire Magny-le-Hongre Pontcarré

Jossigny Maulny

e7b marnes

Serris

vers la Marne

Cg2b e7aC calcaires (A)

succession des couches géologiques

(B)

Coupe géologique sans échelle illustrant le phénomène d’accumulation des poches de sable de Fontainebleau D’après : interprétation de la carte géologique à 1/50 000, BRGM le classement des terres _

*terres de classe 1b Sols limoneux légèrement battants ayant été en majeure partie drainés. Très bonnes aptitudes à toutes cultures céréalières, betteraves, protéagineux.

*terres de classe 2D Sols limoneux à limono-argileux profonds à légère contrainte de draînage interne. Bonne aptitude à toute cultures céréalières et protéagineux.

succession des couches géologiques Colonne stratigraphique illustrant l’organisation des premières couches géologiques du plateau de la Brie D’après : interprétation de la carte géologique à 1/50 000, BRGM

géomorphologie La Brie est un plateau incliné qui penche vers le sud-ouest. Mon site d’étude est implanté sur sa frange nord, la Marne constituant l’une de ses limites. La rivière Marne est issue de grands phénomènes d’érosion qui ont débuté à la fin du Tertiaire (environ 2,5 millions d’années avant le présent). Progressivement, elle est venue s’encaisser en formant de grands méandres au rebord du plateau de calcaire de Brie, sculptant des lobes en éperon et des amphithéâtres presque fermés. Cette rencontre entre la rivière Marne et la couche de calcaire dur du plateau de la Brie a formé des paysages remarquables. Depuis le plateau se dégagent ainsi des horizons lointains grâce à une position en surplomb de la vallée.

sol et sous-sol D’après : Carte départementale des terres agricoles au 1/50 000, feuille de Lagny,DDT 77, 1987

La fertilité du plateau de la Brie sur mon site d’étude est due à une couche en surface de limons des plateaux. Issus de la

dernière période glaciaire, on retrouve ces dépôts éoliens sur une épaisseur moyenne de 1,5m à 2,5m (ponctuellement jusqu’à 5m). Les limons des plateaux, également appelés « lœss », sont ici des composés d’argiles et de sables quartzeux à concrétions calcaires ou ferrugineuses. C’est la présence d’argile qui confère aux lœss leur excellente capacité de rétention en eau, en faisant de très bonnes terres pour l’agriculture céréalière. À certains endroits, on peut trouver dans cette couche de limons des fragments de meulière, mais aussi des poches de sables correspondant à des dépôts résiduels de Sables de Fontainebleau (BRGM, Carte géologique de Lagny). Les deux schémas ci-dessus illustrent l’organisation des couches géologiques de surface et les premières successions de strates. Mis en relation avec la carte cicontre, ils permettent de comprendre la relation entre la composition du sol et son degré de fertilité.


70

04

racines

N

L’occupation rurale du territoire - tentative de reconstitution Carte des fermes existantes ou ayant existé sur cette partie du plateau et report des principales voies de communication repérées sur le cadastre napoléonien (début XIXe siècle)

1 km ferme existante ferme disparue routes relevées sur le cadastre napoléonien


.02

71

le dessin agricole

4 8 10 12

11

5

3

9 2 6 7 1

Organisation et éléments d’architectures typiques d’une ferme briarde Illustration personnelle de la ferme du Château à Chessy, aujourd’hui d’apparence délaissée

1_ 2_ 3_ 4_ 5_ 6_

le portail la cour quadrangulaire* l’enclos* anciens jardins-vergers lucarne à foin tuile plate en terre cuite

7_ 8_ 9_ 10_ 11_ 12_

le logis* l’écurie la bergerie l’étable la grange tour

le dessin agricole _ la ferme briarde précisions _

*la cour quadrangulaire permettait de déplacer le matériel ou les animaux, installer une fosse à fumier, un abreuvoir, un puits ou une mare.

*l’enclos est un mur d’enceinte contenant le potager, les jardins d’agrément, les vergers ou les parcs.

*le logis date généralement du XIXe siècle si il est en pierres de meulière (très fréquent)

les traces du passé Les formes urbaines que l’on retrouve aujourd’hui dans le Val d’Europe n’ont rien à voir avec l’organisation initiale des bourgs agricoles. L’arrivée du complexe touristique sur le plateau a initié un développement urbain sans précédents autour des cinq petits noyaux villageois. Presque littéralement, les centres anciens se retrouvent assiégés par les nouveaux occupants dans un anachronisme saisissant. Si l’organisation historique du territoire s’est progressivement effacée sous un complexe parachuté, quelques traits subsistent aujourd’hui. Sans surprise, ce territoire fut essentiellement organisé d’après son rapport à

l’agriculture. Au Moyen-Âge, le besoin de ravitaillement de la capitale incita au développement de domaines agraires autour de fermes d’abbaye fondées par des ecclésiastiques. Du XIe au XIIIe siècle, les moines pratiquent dans ces domaines l’essartage, y creusent des mares et des puits. Les communautés s’installent alors au plus près de ces espaces mis en valeur, à la croisée des chemins menant aux plaines agricoles. L’architecture rurale, pensée pour la récolte et le stockage des denrées alimentaires autant que pour l’élevage animal et le logement des paysans, est ainsi une résultante de l’activité agricole. Notons que si la structure originelle de des fermes briardes remonte au Moyen-Âge, la plupart de leurs bâtiments datent généralement


72

04

racines

1.

2.

3.

4.

1. La ferme de Maulny dans ses champs, commune de Jossigny, 2015. 2. Le moulin de Belle-Assise, en lisière de la forêt d’Armainvilliers, est resté en fonctionnement jusqu’au milieu du XIXe siècle. L’IGN y construira une cheminée géodésique quelques années plus tard, Jossigny, 2015. 3. Tas de betteraves à sucre à Jossigny, 2015. 4. Verger de plein vent sur un versant de la vallée de la Gondoire, 2015.


.02

73

le dessin agricole

le finage _

du XIXe siècle. L’ensemble de ces éléments définissaient le finage.

C’est l’ensemble des terres, aux limites imprécises jusqu’à l’époque moderne, nécessaires à la vie d’une communauté rurale : le finage englobe donc les jardins, les champs, les prés, exploités individuellement, les landes et les bois, utilisés collectivement. Souvent, les limites du finage se sont transformées en limites communales. Source : Encyclopædia Universalis [en ligne]

Aujourd’hui, ce patrimoine rural se fait discret. Beaucoup de bâtiments isolés des bourgs ont disparus sous des opérations immobilières (le cas de certaines fermes et hangars). Les plus remarquables, et les moins gênants, ont tout de même été préservés. Plusieurs ont été reconvertis, c’est le cas de quelques corps de ferme transformés en centre culturel communal, en centre équestre ou en maison des associations. D’autres se retrouvent abandonnés, figés entre leurs usages d’hier et le coût trop important de leur réhabilitation d’aujourd’hui.

prairie pâturée

cultures

Les prairies pâturées dans les points bas du plateau (prairies mésophiles) Coupe schématique haie de bocage

cultures

motifs d’hier le terroir _ Un terroir désigne une région naturelle considérée comme homogène à travers les ressources et productions qu’il est susceptible d’apporter, notamment - mais pas uniquement - par sa spécialisation agricole. Source : Wikipedia, 2016

L’exploitation agricole des terres du plateau fit émerger un terroir qui lui est propre. Selon les réalités physiques et l’occupations anthropique du territoire, des motifs paysagers caractéristiques se sont mis en place pour optimiser son potentiel productif. On retrouvait ainsi des pâtures dans les points bas et humides du plateau, dont le foin très estimé assurait la production d’un lait excellent par les vaches des environs. La qualité du fourrage était telle que les bovidés étaient uniquement élevés à des fins de production laitière, essentiellement

cultures

Les haies de bocage en limite des parcelles cultivées Coupe schématique

verger

village

Les vergers entre ville et champs Coupe schématique

champs


74

04

racines

12 8

6

11 3

1 7 10

13

4

4 1

2 3

9

5

2 1 5

3

L’organisation traditionnelle d’un bourg rural avant le remembrement agricole Photo-interprétation personnelle d’après une carte postale du bourg de Serris datant du début du XXe siècle Document original : Archives départementales 77 en ligne


.02

motifs d’autrefois _

1_ 2_ 3_ 4_ 5_ 6_ 7_ 8_ 9_ 10_ 11_ 12_ 13_

corps de ferme logis de ferme vergers jardins-vergers potagers réserve puits hangar grange l’église le cimetière cultures céréalières bocage humide

le dessin agricole

pour un fromage local renommé : le Brie, connu dès le XIXe siècle sous le nom de « Fromage de Meaux ». Ces prés étaient également des éléments structurants du bocage de l’époque. Sur les limites de parcelle, de nombreuses essences d’arbres et d’arbustes assuraient un rôle de brisevent et de production de bois de chauffe, de baies et de noix ; autour des pâtures, le bocage conférait de l’ombre aux bêtes et délimitait le parcage. Les moutons étaient également présents sur le plateau dont les vieilles mares permettaient aux bergers d’abreuver leur troupeau. Les villages étaient quant à eux fréquemment ceinturés de vergers (notons d’ailleurs que bon nombre de ces vergers sont lisibles sur le territoire ; leur recensement représente un travail conséquent auquel je ne me suis pas adonné dans ce mémoire). Au delà de ces vergers, de grandes étendues étaient cultivées pour la production de céréales (blé et avoine essentiellement) et l’alimentation des bestiaux (fourrage, betteraves, carottes). Ces étendues étaient parfois ponctuées de remises, des petits taillis permettant de servir de retraite aux lièvres et aux perdrix.

un nouveau modèle L’exode rural qui s’accélère à la fin du XIXe siècle aboutit à un renouvellement profond des populations ; polonais, tchèques, italiens et belges s’installent dès que l’in-

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dustrie et un déséquilibre démographique offrent des possibilités d’emplois chez les cultivateurs de la région. Au cours du XXe siècle, toute la richesse de ce paysage cultivé va progressivement s’effacer avec l’émergence d’un nouveau modèle agricole. Les progrès agronomiques du milieu du siècle, l’augmentation de la puissance des engins agricoles et les subventions de la PAC augmentent considérablement la rentabilité de l’activité et engendrent une évolution dans la structure des exploitations. Les remembrements qui s’imposent conduisent à une refonte complète de la physionomie du territoire et de ses logiques de fonctionnement au profit d’une monoculture céréalière. Les remises disparaissent, les étangs sont asséchés et le drainage des terres efface les prairies, mettant un terme à la production laitière sur cette partie du plateau. La culture de la betterave à sucre se substitue à celle de la betterave fourragère qui devient caractéristique du terroir contemporain avec la culture des céréales). Elle initie l’ouverture de plusieurs sucreries dans les environs. Avec l’arrivée du complexe touristique, l’activité agricole n’a cessé de régresser sur cette partie du plateau de la Brie. L’agriculture se limite aujourd’hui à des cultures intensives qui s’exportent et ne font plus sens dans la société locale.


76

04

racines

Le manoir de la Guette dans l’arrière cour de sa ferme - Commune de Villeneuve-Saint-Denis, 2015 Possession historique de la famille Rothschild, il accueille aujourd’hui la fondation familiale ainsi qu’une maison de retraite.


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les temps du plateau

les temps du plateau _ l’église et la royauté Si le patrimoine historique du Val d’Europe tient pour beaucoup à son passé agricole, il est aussi constitué de nombreuses richesses liées à des événements socioculturels survenus dans la région. enchâtellement _ Ce terme est traduit de l’italien Incastellamento. Dans la plupart des cas, ce mot désigne l’action de fortifier des habitats par un château, en particulier à l’époque médiévale. Source : Wikipedia

L’apparition de la seigneurie châtelaine, au cours du premier âge féodal (Xe siècle), provoque une nouvelle organisation sociale du territoire. Dans la région, on observe des phénomènes d’enchâtellement, fixant l’habitat rural en villages organisés autour d’un château et de l’église. Le hameau de Bailly est un parfait exemple de ce phénomène. Les importantes donations royales aux ordres monastiques des environs permettent à ces derniers d’augmenter leur patrimoine au sein de domaines implantés à l’écart des villages. Cette occupation est encore lisible au sud de l’autoroute A4 où de grands domaines ont été préservés dans leur intégralité. Les clairières culturales qui les entourent sont issues d’essartages de la même époque.

la route des foires Durant les XIIe et XIIIe siècles, le commerce sort de la barbarie grâce à une protection des convois marchands qu’assurent les comtes des territoires traversés. Ce contexte propice à l’échange, aidé par la position stratégique de la France entre

la Flandre et l’Italie, permet l’établissement de nouvelles routes commerciales. Le Val d’Europe est ainsi traversé par l’une d’elles, la route des foires de Champagne, et bénéficie de la proximité avec l’une de ses étapes : la ville de Lagny-sur-Marne. À cette époque, la route départementale 934 avait toute son importance ; elle constituait un axe de communication majeur pour les marchands venus des contrées l’est (Provins, Troyes, Bar-sur-Aube) se dirigeant vers Lagny, dernière escale à quelques encablures de Paris. Le contexte politique du début de la renaissance et le développement de nouvelles routes commerciales mettront fin aux foires de Champagne. Le plateau de la Brie s’en retrouvera d’autant plus déserté lorsque les épidémies de peste de la fin du moyen âge pousseront à l’abandon des grands domaines.

retour sur le plateau Jusqu’à la Révolution française, le plateau restera gouverné par de grands seigneurs et fréquenté par la noblesse du royaume. Cette présence de hauts dignitaires est à l’origine de la construction de plusieurs châteaux remarquables. C’est le cas du château de Coupvray, construit au XVIIe siècle, et du château de Jossigny, au XVIIIe siècle. Ce dernier sera inscrit aux monuments historiques en 1942 en devenant la propriété de l’État avec sa ferme et quelques lopins de terres attenants.


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04

racines

rd934

rd231

architecture remarquable patrimoine religieux anciennes carrières de meulière

curiosité patrimoniale 1 km

N

Les traces d’occupations révolues sur le plateau Carte réalisée en recoupant des photographies aériennes du site et ses cartes anciennes

domaines existants domaines disparus

château existant château disparu

ancien chemin de fer de Lagny à Mortcerf ancienne route des foires de Champagne aqueduc souterrain de la Dhuis


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Après la révolte de 1789, de nombreuses possessions royales seront vendues comme biens nationaux. Les communautés villageoises disparaissent au profit de nouveaux domaines et les terres arables sont progressivement rachetées par de grands laboureurs au cours du XIXe siècle. La proximité avec Paris, rapidement reliée par le train, offre alors des débouchés pour des cultures spécialisées et la production laitière.

les indices d’hier la pierre de meulière _ La meulière est une roche siliceuse formée par altération chimique de calcaire ou de marnes lacustres. Elle fut utilisée jusqu’à la fin du XIXe siècle pour fabriquer des meules à grain, d’où son nom. Seules les parties les plus denses d’un banc de meulière étaient recherchées. La pierre est souvent caverneuse, ce qui lui confère un certain pouvoir d’isolation très apprécié pour la construction. D’après : http:// www.chambon.acversailles.fr/science/ geol/roche.htm

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les temps du plateau

Deux tracés historiques se cachent encore aujourd’hui sur le plateau. Il s’agit d’une ancienne voie de chemin de fer et d’un aqueduc souterrain. Dans les boisements entourant la commune de Villeneuve-le-Comte, près du domaine de la Pointe, de la pierre de meulière fut extraite jusqu’au début des années 1900. On y trouve aujourd’hui de nombreuses dépressions dans le sol laissées par les carriers. Une voie de chemin de fer a été mise en service en 1876 pour permettre d’acheminer la pierre extraite jusqu’à Lagny-sur-Marne, où elle était alors chargée sur des péniches pour rejoindre Paris. La voie ferrée n’existe plus depuis 1934, mais la rectitude de la route départementale 231 et une ancienne gare sur la commune de Serris trahissent encore son passage.

regard borne

6m l’aqueduc

1,8m 2,2m

L’aqueduc de la Dhuis Coupe schématique

L’aqueduc souterrain traverse quant à lui le territoire d’est en ouest, sous les communes de Coupvray et de Chessy. Il s’agit de l’aqueduc de la Dhuis, conçu par Eugène Belgrand et construit en 1863 pour alimenter Paris en eau potable. Sur 130 kilomètres, il a longtemps acheminé l’eau de la Dhuis au réservoir de Ménilmontant. Aujourd’hui, il alimente essentiellement le complexe touristique. Dans le but d’en faire une source d’eau durable et de proximité, son tronçon amont est vendu par la ville de Paris au SAN du Val d’Europe en 2015. Le passage en sous-sol de l’ouvrage interdit toute construction ou plantation d’arbre en surface dans une emprise de six mètres de part et d’autre de l’axe du conduit. Son tracé est ponctué de petites bornes hectométriques et de regards de visite tous les 500 mètres qui s’apparentent à de petits édicules maçonnés aux portes vertes.


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04

racines

Arpenter le territoire pour en prendre sa mesure et déceler un patrimoine foisonnant Carte mentale réalisée après mon second transect sur le territoire, une de mes grandes promenades d’investigation


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conclusion partielle

conclusion partielle Bien loin d’être complète, cette partie sur l’histoire du plateau de la Brie dans le secteur du Val d’Europe actuel n’en est pas moins le fruit d’un long travail de recherche et d’interprétation. Il est surprenant de constater qu’aucun ouvrage spécifique n’existe sur les origines de ce plateau agricole aujourd’hui catapulté sur le devant de la scène mondiale du tourisme. Mes textes et cartographies proviennent ainsi du recoupement de plusieurs documents au thématiques et aux époques variées, enrichies la plupart du temps de témoignages locaux. Il se peut donc que certaines généralités évoquées ne soient pas complètement avérées sur cette partie de la Brie, ou que d’autres ne soient pas survenues exactement au moment mentionné. L’arpentage du terrain, les relevés et les interprétations auxquels doit se soumettre le paysagiste prennent ici tout leur sens. C’est un réel travail d’investigation et de synthèse qui doit être mené aujourd’hui sur le plateau pour trouver et comprendre ses bribes d’histoire. Le traumatisme urbain qui a touché les cinq bourgs ruraux du Val d’Europe et la conception ex-nihilo de nombreux espaces publics a presque tendance à faire oublier l’existence d’un « avant Disney ». L’enjeu est pourtant grand aujourd’hui, à l’heure où certaines villes développées trop rapidement et dans la négation de modèles anciens voient leur capacité de résilience diminuer (mobilités réduites, dépendance énergétique, alimentaire, etc.). Au delà de la simple histoire des lieux, l’objectif de cette partie est d’illustrer le « foisonnement patrimonial » du Val d’Europe trop souvent négligé et qui, à défaut d’être suffisamment porté à connaissance, se retrouve considéré à défaut, empêchant l’appropriation d’une réelle histoire collective par ses habitants. Pas question ici de prôner une patrimonialisation de l’existant ; une muséification des ouvrages originels du plateau conduirait inévitablement à une nouvelle forme de parcage à des fins purement touristique. Cependant, une juste mesure doit être trouvée pour ne pas tomber dans l’attirante tabula rasa. La volonté est bien ici de donner à voir ce patrimoine pour qu’il soit considéré comme une force dans l’aménagement du territoire et non comme une contrainte. Trop souvent, le patrimoine se retrouve assigné à sa dimension physique (l’objet patrimonial) voire administrative (son statut de protection). Sur le Val d’Europe, il est nécessaire d’envisager et d’encourager la polysémie de ces ouvrages, tout en veillant à préserver leur situation dans le paysage et les dialogues ancestraux qu’ils ont entamés les uns avec les autres. Ce n’est pas tant l’usage agricole d’une ferme qui en fait son importance, mais le rapport millimétré qu’elle entretien avec son terroir pour mener à bien cet usage : les pleins et les vides qu’elle ménage, l’évidence des routes qu’elle impose, son orientation incontestable.

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05 entracte


« Mythogénèse : naissance et développement d’un mythe. » Valentina Grassi, 2005 Introduction à la sociologie de l’imaginaire un basculement dans le présent _

À cheval entre l’avant et l’après Disney.


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05

entracte

1.

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3.

4.

1. Bailly-Romainvilliers - Ferme de Saint-Blandin, rentrée du personnel. 2. Coupvray - La Touarte. 3. Chessy - La Marnière. 4. Jossigny - Route de Paris à Meaux. Source commune : Archives Départementales de Seine-et-Marne en ligne, dates non précisées estimées à la fin du XIXe, début XXe siècle


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à cheval entre l’avant et l’après disney

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8.

5. Magny-le-Hongre - Place communale, sortie des élèves de l’école. 6. Villeneuve-le-Comte - La Gare. 7. Serris - Le lavoir. 8. Villeneuve-Saint-Denis - Ferme du Château de la Guette. Source commune : Archives Départementales de Seine-et-Marne en ligne, dates non précisées estimées à la fin du XIXe, début XXe siècle


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entracte

Jossigny - La ferme de Mauperthuis dans ses champs, 2015


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à cheval entre l’avant et l’après disney

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entracte

Le portail de la Ferme du Ch창teau dans le Hameau de Bailly, Bailly-Romainvilliers, 2015


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à cheval entre l’avant et l’après disney

Les guichets du parc Disneyland sur l’esplanade François Truffaut, Chessy, 2015

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entracte

Space Mountain et le château de la Belle au bois dormand depuis l’arbre des Robinson, Parc Disneyland, Chessy, 2015


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à cheval entre l’avant et l’après disney

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entracte

1.

2.

3.

4.

1. Main Street, la rue principale de Disneyland, 2015. 2. Frontierland, parc Disneyland, 2015. 3. Hollywood au loin, parc Walt Disney Studios, 2015. 4. Fantasyland, parc Disneyland, 2015.


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à cheval entre l’avant et l’après disney

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5.

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8.

1. Space Mountain dans la plaine, Chessy, 2015. 2. Un horizon divertissant, Serris, 2015. 3. La ruée immobilière de l’avenue de l’Europe, Montévrain, 2015. 4. Camouflage radio, Bailly-Romainvilliers, 2015.


06 greffe


« Comment amuser, dépayser des Européens dont les villes et les campagnes sont hérissées de châteaux et de palais et dont le patrimoine culturel a été copié pour réaliser les dessins animés, alors qu’ils connaissent les versions originales des châteaux, des contes et des légendes qui les ont inspirés ? » Virginie Picon Lefebvre, 2012, retour sur les interrogations préalables à l’implantation du parc

objectif de la partie _

Comprendre l’évolution du territoire depuis l’implantation du complexe touristique Disneyland Paris, ses répercutions spatiales et sociales avérées et à venir.


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06

greffe

Travaux en cours dans le Secteur IV de Marne-la-VallĂŠe en 1988 Source : archives vidĂŠo familiales


.01

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travaux en cours

travaux en cours _ un premier phasage Le Val d’Europe est un éternel chantier. Depuis la signature de la convention de 1987, les phases de travaux se succèdent à un rythme soutenu afin qu’habitants, touristes et entreprises puissent s’installer au plus vite. Une phase correspond à une étape de développement pour le secteur. Initialement, une phase avait une durée d’environ 7 ans, aujourd’hui cette durée s’est étendue à 10 ans. Ce phasage est issu du PIG qui prévoit un développement par phases successives sur une durée de trente ans. Au delà de la construction du cadre bâti, les phases définissent la réalisation d’infrastructures et d’équipements hors-normes. Si la compétition entre la France et l’Espagne pour l’accueil du parc s’est rapidement réglée, Robert Fitzpatrick, alors PDG d’Euro Disney, fit volontairement traîner les négociations pour obtenir davantage du gouvernement français avant la signature de la convention, en particulier pour le financement d’infrastructures. _Phase I, 616 hectares de 1989 à 1997 Cette phase a marqué la naissance du Val d’Europe. Elle comprenait pour l’essentiel le début de l’urbanisation autour des bourgs anciens, l’ouverture du parc Disneyland en 1992 avec Disney Village, le complexe hôtelier, le Ranch Davy Crockett, un golf de 27 trous, ainsi que le prolonge-

ment du RER A jusqu’à Chessy la même année. Ce prolongement fut négocié avant la signature de la convention de 1987 ; en s’engageant sur une garantie de trafic, Jean Poulit est parvenu à convaincre la RATP de construire un nouveau tronçon de 10 kilomètres après Torcy. Ce contrat prévoyait entre autres une implantation de la gare à moins de 150 mètres des guichets du parc. L’ancien directeur de l’EPA souhaitait également que la gare du parc soit desservie par le TGV, une infrastructure d’ampleur dont le tracé au sud posa un temps problème car il devait traverser les propriétés du roi du Maroc et de la famille Rothschild. Rapidement, Disney imaginait déjà recevoir des trajets à bas coût ; une ambition réalisée depuis que la gare de Marne-la-Vallée Chessy accueille les trains Ouigo, en 2013. Le retard des travaux du pôle gare ne permettront sa mise en service qu’en 1994, deux ans après l’ouverture du parc. _Phase II, 252 hectares de 1997 à 2003 Au cours de cette phase, le développement des communes se poursuit alors que le Val d’Europe entame la construction de son centre urbain. À cheval sur les communes de Serris et de Chessy, ce nouveau pôle est conçu comme le cœur des cinq communes. Sa vocation est d’accueillir à terme 1800 logements, un centre commercial de 9 hectares (Val d’Europe) et son aquarium, la nouvelle gare RER de


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greffe

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2.

3.

4.

1. Buses en attente sur l’Arlington Buisness Park Paris Val d’Europe, été 2015. 2. La perspective d’une rue en construction de Serris se termine dans la plaine agricole de Jossigny, automne 2015. 3. L’horizon en cours de construction de Serris vu depuis Jossigny, automne 2015. 4. Un îlot de style néoclassique en cours de construction dans le centre urbain de Serris, automne 2015.


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travaux en cours

­Serris-Montévrain, des commerces de proximité, un centre d’affaires et de nombreux équipements publics (lieux d’enseignement primaire, pôle Val d’Europe de l’Université de Marne-la-vallée, équipements culturels, sportifs et administratifs). Pour répondre à la croissance démographique des cinq communes, cette deuxième phase y prévoyait nombreux équipements publics et de proximité (pour la culture, l’enseignement et le sport), la poursuite du développement d’un réseau de transports en commun et d’un réseau d’assainissement et d’éclairage publics. Cette phase comprenait enfin le renforcement du complexe touristique avec l’ouverture en 2002 du parc de loisirs Walt Disney studios et d’un nouveau pôle hôtelier d’accompagnement de 2200 chambres. Elle marque le lancement de l’Arlington Business Park Paris Val d’Europe, une zone d’activité destinée aux grandes entreprises internationales souhaitant s’installer dans un cadre d’exception sur les communes de Serris et de Bailly-Romainvilliers. _Phase III, 291 hectares de 2003 à 2010 Cette troisième phase est un moment de respiration pour le Val d’Europe. Aucun équipement conséquent n’est programmé, il est plutôt question de nombreux projets destinés à renforcer le rayonnement tou-

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ristique du secteur, sa capacité d’accueil et ses équipements locaux. Dans le domaine public, cela se traduit par la poursuite d’un développement urbain équilibré entre les différentes communes, d’un développement économique cadencé par la construction de nouvelles zones d’activités, de commerces et d’hôtels, ou encore par le renforcement d’un programme culturel (valorisation artistique des sites et espaces public du Val d’Europe). Cette phase implique également la réalisation de petits ouvrages d’infrastructures comme le franchissement des travées du RER et du TGV à Serris, un nouveau barreau sur l’échangeur de Bailly-Romainvilliers, ou encore l’augmentation des capacités d’accueil de certains parkings et gares routières du complexe touristique. Les programmes privés étaient eux définis autour de trois objectifs devant conduire le projet Euro Disneyland au deux tiers de son développement trentenaire d’ici 2008. Un premier concernait le renforcement de la station touristique avec la création d’un parc d’exposition, d’un centre de conférences et de nouvelles chambres d’hôtel. Un deuxième impératif était de conforter la vocation tertiaire du Val d’Europe en créant de nouveaux pôles d’activité et en augmentant de 1 hectare la surface du centre commercial Val d’Europe.


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06

greffe

hameau de bailly (-45ha)

villages nature (+332ha)

N

L’évolution de l’emprise inscrite dans le projet d’intérêt général (PIG) après la signature de l’avenant à la convention de 2010

1 km emprise inchangée depuis 1987 cession du périmètre suite à l’avenant de 2010 extension du périmètre suite à l’avenant de 2010


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travaux en cours

Panneaux d’indication à l’entrée du chantier des Villages Nature, automne 2015

Le dernier objectif était enfin d’assurer la construction de 1700 logements au sein du périmètre Disney ainsi que le développement de 300 studios par an de résidences sociales.

l’avenant à la convention Le 14 septembre 2010, alors que la troisième phase se termine, un avenant à la convention de 1987 est rendu public. Celui-ci rééchelonne au delà de 2017, jusqu’en 2030, le programme du PIG en y ajoutant de nouveaux objectifs stratégiques en matière de développement économique et d’aménagement du territoire. Un premier consiste à poursuivre le développement de la destination touristique Disneyland Paris en s’appuyant sur la création d’une fillière économique identitaire : le « Cluster Tourisme ». Un deuxième est d’assurer le développement du Val d’Europe en accord avec les lois Grenelle I et II. Enfin, un dernier objectif qui nous intéressera plus particulièrement est le développement d’un projet d’écotourisme dans le cadre d’un partenariat entre la société Euro

Disney et le groupe Pierre & Vacances : les Villages Nature. Pour répondre à ces nouveaux objectifs, le périmètre de la Convention de 1987 a été modifié, portant sa superficie totale de 1 943 à 2 230 hectares. Foncièrement, cela se traduit par un élargissement de l’emprise Disney sur l’espace envisagé pour l’accueil des Villages Nature et d’un abandon de quelques dizaines d’hectares autour du hameau de Bailly ; deux endroits stratégiques dont les portraits seront dressés prochainement.

phasage actuel La phase III terminée, une courte période d’ajustement dans le déroulement des opérations a lieu. Aucun chantier d’envergure n’est mené, le programme de développement suit son cours. En septembre 2013, la signature du programme détaillé des Villages Nature marque une nouvelle étape dans le développement du Val d’Europe et amorce le lancement de la phase IV.


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greffe

zac de coupvray

zac des trois ormes complexe hôtelier parc disneyland complexe hôtelier - magny

Gare de Marne-la-Vallée - Chessy

disney village

avenue de montguillon

parc walt disney studios triangle de belesmes troisième parc

quartier des studios et congrès

Gare de Val d’Europe hôpital

serris centre urbain

golf - 27 trous

zac du pré de claye

val d’europe & la vallée village

zac des gassets pôle universitaire

Raccordement autoroutier hameau de bailly

rer A

villages nature phase 2

Arlington Business Park Paris Val d’Europe ranch davy crockett

villages nature phase 1

tgv

1 km

N

Localisation des principaux espaces et des principales infrastructures du Val d’Europe selon leur phase de développement

espaces développés en Phase I infrastructures Phase I espaces développés en Phase II

espaces à développer en Phase IV (en cours) espaces à développer au delà de la Phase IV


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travaux en cours

_Phase IV, de 2014 à 2020 (en cours) Le programme de la phase IV se concentre sur deux futurs quartiers d’envergure du Val d’Europe. Le premier, dans la ZAC du Pré de Claye, se situe à l’est du centre urbain, sur la commune de Serris. Il comptera de 1700 à 1900 logements organisés autour d’un groupe scolaire devant ouvrir à la rentré 2016, d’un centre religieux catholique et d’un éventuel collège. Ce quartier de 70 hectares sera pourvu d’un parc de 30 hectares inscrit sur la trame verte reliant le centre urbain aux Villages Nature. Il sera complété par un ensemble de quatre hôtels d’accompagnement pour le troisième parc de loisirs. Le second quartier se situe dans l’arrière-cour du parc Walt Disney Studios, sur la commune de Chessy. Ses travaux débutent tout juste dans la ZAC des Studios et des Congrès. Ce quartier est prévu pour accueillir 1200 logements dans des bâtiments à l’architecture inspirée du mouvement art-déco. Un conservatoire de musique et un marché sont envisagés à cet endroit. Un nouvel hôtel isolera ce quartier du parc de loisirs. À la fin de la phase IV pourrait bien débuter l’urbanisation d’un secteur jusque là très peu développé sur les hauteurs de Coupvray. Les ZAC de Coupvray et des Trois Ormes y prévoient entre autres la création de trois zones d’activités (TPE et PME), d’un ensemble hôtelier pour accompagner le

troisième parc, 2700 à 3500 logements ainsi que les équipements publics nécessaires aux nouveaux habitants (un nouveau lycée, des équipements sportifs, etc.). Cette quatrième phase est aussi supposée mener à son terme le projet de l’Arlington Business Park Paris Val d’Europe dont les difficultés de commercialisation ont retardé sa livraison initialement prévue en phase III. Il est également question dans cette phase de développer le Triangle de Belesmes, sur la commune de Chessy, en y construisant un centre des congrès, d’agrandir le parc Walt Disney Studios et d’etendre Disney Village autour d’un nouveau pôle gare. _Après 2020, la phase V et au delà La phase V du projet sera très certainement celle de la ZAC des Gassets, actuellement à l’étude. Ce quartier, définit autour de l’hôpital de Jossigny en activité depuis 2012, doit accueillir une extension du centre commercial, un hôtel, des immeubles de bureaux, mais surtout l’antenne universitaire du Val d’Europe avec son campus et ses résidences étudiantes. Ce nouveau pôle d’intérêt permettra l’aménagement de la sortie sud de la gare RER de Serris-Montévrain, condition préalable à la construction de l’antenne universitaire. Face à la plaine agricole de Jossigny, à cheval sur trois communes dont deux hors du­p ­ érimètre


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greffe

rs Ve

Serris - Centre Urbain

-V ers Re im s

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sn Di

Golf

A4

d lan ey ris Pa

Ru d es Gassets

navette

bailly-romainvilliers

Serris - Bourg

Vers R N

36

liaison pédestre tunnel

Arlington Business Park

pont

hameau de bailly

ris

12

A4 - Vers Pa

entrée du personnel

Ranch Davy Crockett

16

11 16

7

Ru de la Folie

1

8 16

6 4

15

Villeneuve-Saint-Denis

2 9 10

5

3 Forêt domaniale de Grains

accès principal

14

villages nature - Phase 1

Le Gibet

villages nature - Phase 2

15

16

Bois du Jariel 15 16 13 Bassin de la Lignière 15 13 15

Villeneuve-le-Comte liaison pédestre

La Pointe N

Les Villages Nature & l’Arlington Business Park : plan d’ensemble, contexte et liaisons aux projets

liaisons douces à conforter liaisons douces à créer accès voiture en cours de réalisation

navette

Liaison à terme vers Tournan-en-Brie

500m bâti projeté (Arlington) routes projetées (Arlington) emprise des projets présentés


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TRAVAUX EN COURS

Disney, ce projet apparaît comme un point stratégique à ne pas négliger le rapport du Val d’Europe à son territoire. Au delà de la phase V, la construction d’un troisième parc de loisirs se fera de plus en plus certaine. Celui-ci est prévu dans la moitié est du cercle décrit par le boulevard circulaire et sera accompagné de nouveaux hôtels et desservit par d’une voie traversant la commune de Magny-leHongre (avenue de Montguillon).

les villages nature L’avenant à la convention de 2010 prévoit l’implantation d’une nouvelle destination de villégiature d’envergure européenne, fondée sur la quête d’harmonie l’Aqualagon entre l’homme et la nature et devant les jardins constituer un modèle de développement extraordinaires la ferme durable inédit en matière de tourisme. l’île enchantée Point d’orgue de ce nouveau parc : son la plage de sable plus grand lagon d’Europe, chauffé par le spa la géothermie, permettant d’assurer une la forêt sportive température de baignade constante de le bowling le foyer 30°C. Le périmètre foncier des Villages Nale forum ture est définit sur les communes de Baillyla promenade du lac Romainvilliers et Villeneuve-le-Comte, au administration sud de l’autoroute A4, sur des parcelles atcorridor écologique tenantes au Ranch Davy Crockett. Ce profriche prairiale préservée jet est porté par deux acteurs majeurs du lanières boisées tourisme européen, Euro Disney et Pierre préservées & Vacances, qui ont fondé pour l’occaextensions ultérieures sion une société commune. Les Villages conditionnelles

les villages nature organisation _

1_ 2_ 3_ 4_ 5_ 6_ 7_ 8_ 9_ 10_ 11_ 12_ 13_ 14_ 15_ 16_

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Nature seront développés en deux temps sur une emprise d’environ 500 hectares. Une première partie de 175 hectares doit ouvrir en 2016. Elle prévoit 1600 emplois directs et 4500 emplois indirects pour 1730 chambres (l’équivalent de deux Center Park). L’ouverture de la seconde phase est prévue après 2020 et portera à près de 2500 le nombre de logements. À terme, l’objectif de ce parc résidentiel est d’étendre la durée moyenne de séjour sur le secteur de trois jours à une semaine. Par le biais d’un programme irréprochable en terme de développement durable, Villages Nature souhaite s’inscrire dans un contexte local. À défaut d’attractions suffisantes sur place pour occuper une semaine entière, le parc encouragera les visites horssite pour découvrir les environs par le biais de transports durables. Les visiteurs seront incités à se rendre au parc en transports en communs ou d’y abandonner leur véhicule au profit de parcours cyclables, pédestres ou équestres. L’alimentation locale et durable est à l’honneur dans ce projet avec un engagement sur 25% de denrées produites à moins de 100 kilomètres, 20% de denrées issues de l’agriculture biologique, 30% de fruits et légumes de saison, aucun produit ne contenant des OGM, des denrées alimentaires produites sur place dans des serres chauffées et une ferme pédagogique ainsi que des partenariats avec des agriculteurs locaux.


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greffe

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2.

3.

4.

1. La Ferme du Château dans ses champs de maïs, été 2015. 2. L’ancien donjon du château restauré au XVIIIe siècle, hiver 2016. 3. La mare derrière l’église, proche de l’ancien prieuré, hiver 2016. 4. La rue du Poncelet, principale rue du hameau, été 2015.


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travaux en cours

le hameau de bailly, histoire et devenir les noms du hameau _ Historiquement, le petit hameau est né d’un prieuré dépendant du comté de Champagne installé au XIIe siècle au milieu de boisements. Il porta ainsi le nom de Bosco (bois). Peu à peu, il deviendra Baila, du bas latin et du provençal signifiant soin, garde, protection, qui se transformera un peu plus tard en «Bailly». les prieurés _ Le prieuré de l’église est implanté près de l’église. Un second prieuré fut découvert sur le lieu dit des Petites Hermières, entre le hameau et la RD 406. Le lieu dit des Champs du Prieuré, non loin du hameau de Bailly, témoigne encore de l’origine religieuse de ces lieux.

Autrefois, la commune de Bailly-Romainvilliers était séparée en deux hameaux. Le hameau de Bailly s’est d’abord développé autour d’un prieuré dès le XIIe siècle. Si aucun document n’indique la date de construction précise de son église, on la retrouve mentionné à la fin du XVe siècle sous le nom de Notre-Dame de la Condre. Rapidement, Bailly est devenu le chef-lieu d’une seigneurie importante qui s’est étendue à Serris et Magny-le-Hongre. On y retrouve aujourd’hui les vestiges d’un ancien château (douves, donjon, anciens murs) et les établissements nécessaires à son bon fonctionnement : deux fermes (la ferme du Donjon et la ferme de Valois) et les maisons du hameau dans l’actuelle rue du Poncelet. Le dernier seigneur de Bailly sera le marquis Louis Paul de La Motte, dont les biens seront vendus pendant la Révolution. Au début du XXe siècle, une route est construite pour relier Paris à Coulommiers en passant par le hameau de Romainvilliers. Cette nouvelle voie de communication permet au second hameau de se développer. On y construisit la mairie, qui servait aussi d’école, face à une grande place où des commerces vinrent s’installer. Romainvilliers devint ainsi le chef-lieu de la commune et Bailly son hameau que l’on connaît aujourd’hui. Si Bailly est pri-

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vé de son statut de centre administratif, il n’en perd pas moins sa fonction de cœur religieux de la commune grâce à son église (Romainvilliers disposait uniquement d’une chapelle de dévotion qui fut modifiée et devint plus tard la Ferme de Saint-Blandin). Avec l’arrivée du projet Eurodisneyland, le hameau de Bailly s’est retrouvé complètement déconnecté de Romainvilliers. L’avenue Paul Séramy, principale voie d’accès au complexe touristique depuis l’autoroute A4, a coupé la commune en deux, remisant le petit hameau dans une position de cul-de-sac et effaçant une bonne partie de son domaine. Initialement compris dans l’emprise du PIG, l’avenant à la convention de 2010 fait sortir le hameau et ses environs du périmètre (40 hectares au total). Il devient alors identifié comme un pôle spécifique dédié à la vie locale de loisir. L’acteur Disney s’étant désengagé de cette partie du plateau, la commercialisation de ces terrains implique dorénavant uniquement EPAFrance. En concertation avec la commune, l’établissement public devrait assurer les investissements pour le franchissement de la pénétrante, la rénovation du hameau et l’aménagement d’un parc de 9 hectares, prévu pour devenir un lieu de transition majeur à mi chemin entre le centre urbain et les massifs forestiers au sud de la A4 accueillant les Villages Nature.


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06

greffe

la première destination privée

un total de

50 milliards d’euros de valeur ajoutée à l’économie française

d’europe

statistique de 2012

59 milliards d’euros dépensés par les visiteurs de Disneyland Paris (dont 37 milliards par les visiteurs étrangers, soit 6,2% tu total des recettes en devises du tourisme en France)

5e pôle hôtelier de france

1 emploi à Disneyland Paris a généré près de 3 emplois ailleurs en France

8 un total de 7 milliards d’euros investis

chiffre de 2012

0

69,5% des nuitées de seineetmarne en 2010

0

0

recrutements par an, en grande partie saisonniers, pour 500 métiers différents et 20 langues parlées.

250 000 000

22,5 visiteurs par an pour le val d’europe et la vallée village les plaçant à la 6ème destination d’île-de-france

de visites enregistrées sur le complexe touristique jusqu’en 2012

dont 55% de visiteurs étrangers

50 000 emplois générés dont 15 000 salariés

près de 5% des 76,8 millions de touristes venus en France ont visité Disneyland Paris en 2010

30 000 000

VISITEURS ATTENDUS AVEC L’OUVERTURE DU TROISIÈME PARC

10%

des nuitées hôtelières d’île de france

En 2011, les visiteurs ont dépensé 1,57 milliard d’euros en Seine-etMarne, 75 % à Disneyland Paris et 25 % sur le reste du territoire.

Les répercutions du phénomène Disneyland Paris en chiffres Sources : Dossier de presse de la Délégation Interministérielle au projet EuroDisney en France du 14 septembre 2010 ; chiffres « Disneyland Paris en 2012 » de l’ouvrage Aménager la ville par la culture et le tourisme, Gravari-Barbas, M, 2013 ; société EuroDisneyland 2015


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la ville des loisirs

la ville des loisirs _ séjourner, habiter le paysage vu par disney _ « Notre rôle est de créer un contexte sur un plateau où il n’y a rien, balayé par les vents et cultivé pour les betteraves » Bernard DurandRival, Senior Manager Architecture et Urbanisme chez Euro Disney, entretiens personnels, 2015

À l’horizon 2030, le Val d’Europe accueillera entre 55 000 et 60 000 habitants. Avec l’arrivée du troisième parc à thème, la capacité hôtelière du secteur sera à ce moment de là 22 000 chambres. Chaque jour, Val d’Europe accueille bien plus de visiteurs qu’il n’y a d’habitants dans ses environs. Dans la ville des loisirs, il y aura toujours plus de monde demain, mais jamais les mêmes que la veille. Tous les soirs, des milliers de personnes venues des quatre coins du monde s’endorment sur un même fuseau horaire. Dans la ville des loisirs, on croise un voisin européen avant son voisin de quartier.

entrer dans un décor _ « La technique peut donner plus de réalité que la nature. [...] Une fois que le ‘‘tout faux’’ est admis, il faut, pour qu’il soit apprécié, qu’il soit pris pour du vrai. » Umberto Eco dans La guerre du faux à propos des Disneyland américains, 1989

Il est essentiel de se représenter le Val d’Europe comme une ville changeante et volatile, aussi bien dans ses représentations que dans sa population. À terme, l’objectif de ce cluster est de pouvoir fonctionner comme un centre touristique indépendant de la région parisienne. En proposant d’étendre la durée de séjour sur site, le projet des Villages Nature s’inscrit dans le développement de cette énorme station touristique. La culture et le tourisme sont devenus les ingrédients incontournables de la fabrique urbaine contemporaine. Cependant, leur utilisation à l’excès peut avoir

des répercutions considérables sur le cadre social et le paysage d’une ville.

un espace thématisé La puissance du complexe touristique s’étend bien au delà des limites physiques de ses parcs de loisirs. Par le biais d’un espace maîtrisé et thématisé, le visiteur se retrouvera souvent, et généralement à son insu, sous l’emprise d’artifices pensés par Disney. L’objectif est simple pour le développeur : offrir un environnement esthétiquement beau, rassurant et sécurisé pour stimuler le comportement consumériste des visiteurs. D’une manière moins fictive qu’au sein des parcs de loisir, la thématisation de l’espace public contribue à déconnecter les touristes, autant que les habitants, du monde réel. « [...] l’entrée dans le monde miniature de Disney nécessite une opération mentale qu’il n’est pas donné à tout le monde de réussir : refouler de sa mémoire les images de l’environnement immédiat qu’il a fallu au préalable traverser. Faute de quoi on ne retiendrait que l’énorme enchevêtrement des infrastructures de circulation composées d’échangeurs, de routes et de parkings, sas obligatoires qui n’incitent guère à l’émerveillement. » Pierre Alphandéry, 1996, dans La nature de Disneyland Paris


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greffe

pu De y oiss is R tgv - interconnexion est

arrivée au parking des parcs

arrivée par le pôle gare 60

45s.

arrivée au complexe hôtelier 50

10s. avenue paul séramy

autoroute A4

70

30s.

10s.

80 90

Depuis Paris

130

30s.

y Orl uis Dep

N

200

Moyens d’accès au complexe touristique et cônes de vue notables au delà des talus Les vitesses sont exprimées en km/h et les temps de vision en secondes

1 km principales voies d’accès au complexe touristique espaces perceptibles depuis les voies d’accès talus accompagnant les voies d’accès


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le parc hôtelier au séquoia lodge... _ « D’un séjour au Sequoia Lodge vous emporterez le souvenir d’une promenade sur un sentier, du chant des oiseaux, ou l’image d’un écureuil bondissant dans la mousse. La pierre brune et le bois rouge des murs, le vertde-gris des toits sont en parfaite harmonie avec l’environnement. » Euro Disney Resort dans Le Guide, 1992

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la ville des loisirs

Les hôtels de la compagnie américaine constituent un exemple assumé de ce phénomène. Le visiteur pourra par exemple choisir de passer une nuit au Sequoia Lodge, au cœur des paysages des Montagnes Rocheuses, ou bien en plein Time Square, à l’hôtel New York. Les budgets plus réduits opterons peut-être pour quelques nuits en bungalow au Ranch Davy Crockett, sur les traces du héros éponyme. Ces quelques hôtels construits aux débuts du parc mettent à l’honneur l’histoire de l’Amérique. Plus récemment, ils ont été rejoins par un nouveau complexe hôtelier sur la commune de Magny-le-Hongre. En surplomb de la vallée du Lochy, quatre établissements revisitent l’architecture briarde, rivalisant dans leurs proportions avec les plus grands châteaux du pays.

les routes des loisirs _En voiture Le traitement des infrastructures conduisant au parc n’est pas laissé au hasard. En venant par l’autoroute A4 depuis Paris, les touristes commenceront par passer devant les enseignes triées sur le volet de l’Arlington Business Park, dont la complexité du cahier des charges en matière d’architecture est à l’origine du retard des travaux de cette zone vitrine. Il s’engage-

ront alors dans un échangeur digne des plus grandes villes américaines, à l’ombre d’imposants peupliers. Les plus observateurs parviendront à apercevoir le vieux donjon du hameau de Bailly, juste avant de se retrouver coincés entre deux talus plantés de conifères et autres plantes horticoles réputées pour leur qualité persistante. Impossible alors de détacher son regard du parc, implanté stratégiquement à l’extrémité nord-ouest du terrain pour développer cette longue approche en voiture depuis l’autoroute. Instinctivement, les véhicules se dirigeront vers le parking de 11200 places en s’enfonçant à travers des talus de plus en plus profonds. Là-bas, les visiteurs y amarreront leur auto avant de se laisser dériver sur un tapis roulant aussi long qu’il y a de voitures, qui les déposera aux portes des parcs. _Par les rails Le procédé est le même pour les visiteurs se rendant au parc par le RER A. Dès la plaine de Jossigny, les rames circulent encaissées entre de hauts talus, ne laissant percevoir depuis l’intérieur des convois que la grandiloquence des architecture du centre urbain qui les surplombent. Une fois le terminus atteint et la surface retrouvée, les parcs sont à portée de main. Du fait de son importante vitesse, le TGV se retrouve encore plus vite encaissé et déconnecté des environs.


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greffe

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1. La Place de Toscane, d’inspiration italienne, est située entre le centre commercial et la mairie de Serris. 2. Le centre urbain de Serris reprend les codes de l’architecture haussmannienne à travers un urbanisme d’îlot. 3. Le lotissement du golf sur la commune de Magny-le-Hongre regroupe des maisons à colombage d’inspiration normande. 4. Les hôtels de Magny-le-Hongre revisitent les éléments typiques de l’architecture briarde.


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la ville des loisirs

Marne-la-Vallée - Chessy Parc Disneyland. Avant de descendre, assurez-vous de ne rien oublier à bord. Annonce du RER A, 2015, suivie de sa traduction en anglais et en allemand _Avec le bus

la place de toscane _ Sur la commune de Serris, la place de Toscane accueille les terrasses de petits cafés-restaurants. Son architecture néoclassique d’inspiration italienne remet en scène la Plazza del anfiteatro de Lucca, en Italie. Robert Venturi, 1972 _ « De même qu’une analyse de la structure d’une cathédrale gothique n’inclut pas nécessairement un débat sur l’aspect moral de la religion au MoyenÂge, ainsi les valeurs de Las Vegas ne sont pas ici mises en question ».

En choisissant le bus pour atteindre les parcs, les visiteurs auront la chance de traverser les espaces soignés du Val d’Europe. Gazons bien tondus, arbustes finement taillés, alignements réguliers ; un véritable écrin de verdure pour préparer chaque client à passer une bonne journée. Une fois arrivés au terminal de bus, les visiteurs se joindront aux flots de touristes arrivés par le train ou la voiture. Sur l’esplanade François Truffaut, une parade extraordinairement millimétrée se joue continuellement. Grands absents de ce ballet consumériste : les marcheurs. Si toutes les routes mènent à Disneyland, il semblerait que quelques trottoirs manquent encore.

une architecture familière Dans l’enceinte du périmètre du PIG, l’ensemble des architectures, à l’exception des bâtiments publics, porte la marque de Disney ; un style qui n’a rien d’avant-gardiste, son principe même étant de revisiter une grammaire architecturale déjà exis-

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tante. À l’intérieur du centre urbain, on retrouve la prédominance d’un style néoclassique inspiré de modénatures européennes mises en scène dans un urbanisme d’îlots. Les serrissiens peuvent ainsi passer en quelques rues d’un îlot haussmannien à une place italienne en traversant l’architecture Baltard d’un centre commercial. Dans ce même quartier, La Vallée Village rassemble 120 enseignes de grandes marques à prix dégriffés dans une rue briarde idéalisée. D’autres exemples peuvent être relevés sur les communes du Val d’Europe, comme à Magny-le-Hongre où des unités de lotissement se cachent sous les traits d‘authentiques maisons normandes. Cette thématisation de l’espace exprime sur le Val d’Europe une négation de l’architecture moderne au profit d’un style que chacun pourra tout naturellement s’approprier. Cette narration architecturale autour d’un thème imposé rejoint les principes iconique de l’architecture des parcs de loisirs. Les représentations véhiculées au Val d’Europe rassurent les touristes et le style architectural familier de ses bâtiments permet à leurs habitants d’écarter la peur de la modernité tout en s’inscrivant dans un imaginaire collectif. Au Val d’Europe, habiter est une aventure quotidienne.


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greffe

coupvray

Population 1954 : 707 1990 : 2280 1999 : 2713 2013 : 2594

chessy

Population 1954 : 402 1990 : 1124 1999 : 1667 2013 : 4679

magny-le-hongre

Population 1954 : 154 1990 : 331 1999 : 1791 2013 : 7722

Boulevard circulaire

bailly-romainvilliers

serris

Population 1954 : 179 1990 : 898 1999 : 2320 2013 : 8369

Population 1954 : 243 1990 : 609 1999 : 3393 2013 : 7368

1 km

N

Un aperçu de la forte urbanisation que les cinq communes du SAN ont connues suite à l’implantation du complexe touristiuque et ses répercutions démographiques D’après : interprétation d’orthophotographies de l’IGN, données locales et Insee

bâti présent en 1955 bâti présent en 1987

bâti présent en 2000 bâti présent en 2014


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le nouveau bonheur français

le nouveau bonheur français _ les habitants du loisir ... ou le monde selon disney _ Dans son ouvrage Le nouveau bonheur français ou le monde selon Disney, paru en 2009, le chercheur et essayiste Hacène Belmessous s’attache à décrire la genèse et les répercutions du phénomène Disney sur les populations du Val d’Europe au fil d’un récit mêlant entretiens et analyses.

La puissance du projet Euro Disneyland en France réside dans sa maîtrise foncière lui permettant de développer bien plus que du divertissement. Si le marché immobilier ne représente que 2,5% du chiffre d’affaire de la société, cette mainmise sur les environs bâtis du parc lui assure un contrôle du « monde idéal » qui précède l’entrée dans ses parcs, au cœur de son industrie. Mais dès lors qu’elle sort d’une logique purement commerciale pour s’attaquer à nos lieux de vie, cette mainmise fait l’objet de nombreuses controverses. Certains détracteurs, comme le chercheur Hacène Belmessous, iront jusqu’à parler de « liquidation de l’espace public » dans un « microterritoire mangé par l’urbanisme libéral » (Belmessous, 2009). D’autres au contraire seront ravis d’habiter un fidèle pastiche haussmannien, ou une maison normande tant qu’elle est bien faite. Un fait confirmé lors d’entretiens que j’ai mené en septembre 2015 sur les cinq communes du Val d’Europe lors du référendum. Ces entretiens m’ont d’ailleurs été d’une grande aide dans la compréhension du phénomène social du Val d’Europe. Ce moyen d’outre-passer les préjugés m’a permis d’affiner ma compréhension du tissu social local. Certes, j’ai parfois été surpris par certains témoignages plaçant

Disneyland comme l’unique motivation de résidence sur le Val d’Europe. Je me suis rendu compte de l’importance du pass annuel qui incite de nombreux valeuropéens à se rendre plus facilement dans les parcs le dimanche ou lorsqu’ils reçoivent des amis par exemple. Mais j’ai aussi pu mettre des visages sur ces gens qui ont connu le Val d’Europe « d’avant », avec plus ou moins de nostalgie. Une chose est sûre : toutes ces personnes se sentaient concernées ce jour là par l’avenir de leur commune.

val d’europe demain Les petits bourgs ruraux du secteur ont connu l’un des plus forts développements urbains du pays dans les années 1990. Aujourd’hui, la population du Val d’Europe a dépassé les 35 000 âmes. En 2030, la population attendue est presque du double (55 000 à 60 000 habitants) et devrait franchir en 2050 la barre des 100 000 habitants. À ce moment, autant d’emplois sont attendus dans le secteur et le même nombre de visiteurs au quotidien. Les acteurs de la ville sont ici face à une mission de taille ; continuellement, ils doivent veiller à un équilibre dans les populations et l’économie d’un territoire qui se métamorphose à une vitesse folle (balance entre activités et habitations dans les communes, objectifs de logements sociaux imposés par la loi SRU, etc.).


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greffe

1.

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3.

4.

1. Les bâtiments doriques du Cours du Tage, Serris, été 2015. 2. Les maisons du golf à Bailly-Romainvilliers, automne 2015. 3. Une place de lotissement à Bailly-Romainvilliers, automne 2015. 4. L’entrée contrôlée du Mariott Hotel Village au cœur des golfs, Bailly-Romainvilliers, automne 2015.


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le nouveau bonheur français

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5.

6.

7.

8.

5. Maison de Bailly-Romainvilliers, automne 2015. 6. Maisons d’un lotissement à Bailly-Romainvilliers, automne 2015. 7. Château contemporain dans un lotissement à Bailly-Romainvilliers, automne 2015. 8. Bergerie d’une ferme historique transformée en centre culturel à Magny-le-Hongre, été 2015.


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greffe

avenue de montguillon

troisième parc

zac des gassets pôle universitaire

hameau de bailly

villages nature phase 2

écoquartier sycomore

villages nature phase 1

1 km

N

Les paysages intermédiaires ; début prévisionnel des travaux Repérages des ZAC existantes et des opérations à venir sur le Val d’Europe et ses environs

avant 2017 avant 2019 avant 2021

avant 2026 avant 2030


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le nouveau bonheur français

la ville à la campagne Le questionnaire réalisé en septembre dernier pour interroger les citoyens du Val d’Europe avait pour principal objectif de comprendre leur rapport au territoire.

la convention d’occupation précaire _ Dans certaines situations exceptionnelles, il apparaît utile de signer une convention d’occupation précaire. Celle-ci se définit comme le contrat par lequel les parties manifestent leur volonté de reconnaître à l’occupant un droit de jouissance précaire moyennant une contrepartie financière modique. Source : Agence Nationale pour l’Information sur le logement

Lors de mes entretiens, j’ai été frappé par la récurrence d’une perception partagée du territoire. À la question « Que représente le Val d’Europe pour vous ? » plusieurs personnes ont mis en avant la qualité de son cadre de vie et sa situation de « ville à la campagne ». Si j’ai pu partager cette vision il y a quelques années, elle me paraît de moins en moins avérée à mesure que le projet Euro Disneyland prend du terrain. Cette réponse à l’unisson m’a poussé à rechercher sur le territoire ce qui pouvait bien contribuer à entretenir cette croyance ; était-elle fondée ou simplement une vue de l’esprit obsolète ?

les paysages intermédiaires J’en suis venu à m’intéresser à ce qui pouvait encore « faire campagne » dans les environs. Dans l’emprise Disney, j’ai relevé différentes parcelles encore cultivées et d’autres tombant en état de friche. Aucune d’elles n’était construite, s’opposant à tout caractère urbain pour le moment. L’ensemble de ces parcelles est bien entendu voué à être urbanisé avant la fin

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du contrat de développement liant l’État à la société Euro Disney. Si avant 2030 la compagnie n’y a pas développé son programme touristique, la responsabilité de leur aménagement reviendra à EPAFrance. Mais dans l’attente du premier coup de pelle, ces terrains sont maintenus dans leur fonction initiale : en grandes cultures agricoles. Il n’est ainsi pas rare d’observer des tracteurs ou des moissonneuses batteuses dans les champs de maïs, de blé ou de colza du Val d’Europe. Ces scènes participent à forger dans les esprits de véritables paysages authentiquement ruraux. Mais pour combien de temps encore ? Car si ces terrains sont cultivés aujourd’hui, ils ne le sont plus par leur propriétaire initial, ni par leur propriétaire tout court d’ailleurs. Afin de préserver la page blanche agricole du plateau briard originel, EPAFrance s’est engagé auprès de Disney à maintenir une activité sur les terrains dans l’emprise du PIG pour assurer leur entretien avant développement. Par le biais de conventions d’occupation précaire renouvelées annuellement, l’État confie ses terres à des exploitants de la région. Cette page blanche propice à la tabula rasa permet à l’État et à Disney de se préserver de toute formation de zone humide qui pourrait compromettre tout un projet immobilier, ou encore d’éviter de heurter les habitants lors de l’abattage d’un arbre


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greffe

1.

2.

3.

4.

1. Paysage intermédiaire de la partie est du cercle décrit par le boulevard circulaire. On aperçoit à l’arrière plan un tracteur qui laboure le champ, Magny-le-Hongre, 2015. 2. Une caravane profite de la vacance à l’arrière de l’hôpital de Jossigny, Serris, 2015. 3. Une décharge sur le futur pôle universitaire, Serris, 2015. 4. Un chemin à poursuivre. On aperçoit à l’arrière plan le talus du circuit temporaire de moto-cross, Serris, 2015.


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devenu remarquable faute d’entretien. En somme, l’activité agricole est perçue comme le meilleur moyen d’éviter tout attachement des populations aux spécificités spontanées d’un paysage quotidien.

le choix du val d’europe et de disney _ « On était un peu fan de Disney à la base, je recherchais une ville à l’américaine, pas une ville nouvelle un peu dortoir mais une ville avec une vraie identité architecturale et une conception d’urbanisme particulier comme on le voit aux USA avec de vraies idées. Si on fait un pastiche de la Halle Baltard ou hausmannien, on le fait très bien. » Source : témoignage d’un serrissien trentenaire

121

le nouveau bonheur français

Quelques installations sporadiques et temporaires ont déjà été mise en places (c’est le cas d’un terrain de moto-cross sur la commune de Serris par exemple) et une installation de plus long terme a bien failli voir le jour sur la commune de Magny-leHongre. Dans la partie est du cercle devant accueillir le troisième parc, un circuit de Formule 1 fut envisagé quelques temps pour générer un attrait économique et touristique supplémentaire. D’après l’EPA, la durée d’implantation d’un équipement temporaire ne doit pas excéder les trois ans et aucun arbre ne doit être planté. Intervenir sur ces espaces paraît donc compromis bien qu’ils soient selon moi une formidable opportunité de donner de l’épaisseur à l’histoire du Val d’Europe.

habiter chez mickey En abordant avec les habitants les raisons et l’époque de leur installation, j’ai souhaité analyser les marqueurs du paysage auxquels ils s’identifiaient. À la question « Comment indiquez-vous votre lieu de vie ? », une majorité des personnes interrogées ont mentionné Disney dans leur réponse. Six autres personnes étaient arri-

vées sur leur commune avant la création du Val d’Europe. Plusieurs témoignages font aussi référence aux infrastructures de desserte et à la Ville Nouvelle. « Au dessus du fleuriste, il est repérable depuis la nationale. » Une cassassienne (Chessy) depuis ses 4 ans, ses parents depuis toujours

la brie au loin La dernière révélation marquante de mes entretiens concerne le rapport des valeuropéens à la région de la Brie. À la question « Que représente la Brie pour vous ? », presque tous m’ont fait part d’une région qui n’était plus, ou du moins plus ici. Si aucune réponse géographiquement correcte n’était attendue (le Val d’Europe étant bien dans la région de la Brie), j’ai relevé une opposition certaine des habitants du Val d’Europe à cette région agricole, parfois avec nostalgie, souvent par méconnaissance. Un constat qui, surprenamment, s’oppose à cette vision partagée d’une « ville à la campagne » décrite plus haut. Les valeuropéens auraient-ils conscience de leur agriculture de décor maintenue sous perfusion ? « Pour moi ça veut rien dire. C’est très abstrait et conceptuel pour moi. Je pense au fromage. » Un serrissien depuis 2006


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greffe

un cassassien

une cupressien

une hongrémanien

un serrissien

un Romainvillersois

Situation familiale

En couple, la quarantaine

En couple, la cinquantaine

En couple, la cinquantaine

Situation non précisée, la trentaine

Couple âgé

Depuis quand habitez-vous ici ?

2005 environ

1985 environ

1999

2006

1983

Pour quelle(s) raison(s) êtesvous venu vous installer ici ?

La ville ou le village avec le meilleur cadre de vie dans le coin était Chessy.

Je suis arrivé par hasard, ma femme travaillait à Coupvray.

Pour l’équilibre entre la ville et la campagne. Il fait bon vivre.

Je suis venu pour travailler à Disney, je travaille maintenant à la gare de MlV.

Nous étions dans le Val-de-Marne. Nous sommes venus ici pour voir plus de campagne. J’ai continué à travailler 6 ans après ma retraite à la sécurité chez Disney pour attendre ma femme.

Où travaillez-vous ?

Depuis peu à Disney

À Meaux

À Maison-Alfort

Gare de Marne-laVallée - Chessy

Comment indiquezvous votre lieu de vie ?

On cite Disney et les gens font le lien. Ils ne s’imaginent pas que c’est les bords de Marne aussi.

Sur l’axe entre Meaux et Lagny.

À côté de Disney, parce que Magnyle-Hongre, les gens ne connaissent pas.

Surtout par rapport à Disney, près de la gare MlV, en région parisienne.

Bailly-Romainvilliers

Que représente le Val d’Europe pour vous ?

Un beau projet avec Disney. Un mix réussi entre ville nouvelle et anciens villages.

Au départ un centre commercial et non la fusion de 5 communes.

Un endroit où il fait bon vivre, on a tout ce qui faut, on n’est pas stressés, on y trouve ce que l’on veut.

Une belle coopération entre l’État et Disney, un endroit unique en France pour son cadre de vie et l’architecture.

Une poussée d’adrénaline au point de vue maisons, on est en dehors du noyau on peut encore respirer.

Que représente la Brie pour vous ?

Je compare plus à la campagne que la ville. Ici c’est la limite.

C’était une des mamelles de la France comme la Beauce.

Avant cela me disait rien. Pour moi c’est plus loin en allant sur l’est de Paris.

Pour moi ça veut rien dire. C’est très abstrait et conceptuel. Je pense au fromage.

La campagne, il y a encore des sources à exploiter un peu plus loin. Nous faisons partie de la Brie.

Visitez-vous le parc Disneyland ou les lieux attenants ?

Deux à trois fois maximum par an

Au début pendant une dizaine d’années. Je m’y rends maintenant pour le TGV.

Au début on avait le passeport on a fait les parcs en long en large et en travers. J’allais plutôt en semaine

Très régulièrement, je suis ancien cast member, j’ai conservé des liens et j’ai mon passeport annuel.

Aux abords oui. On fait de la country donc on allait régulièrement au Billy Bobs.

Allez-vous au centre commercial Val d’Europe ?

Une fois par mois

Allez-vous au centre commercial Val d’Europe ?

Pas spécialement. Je ne fais pas mes courses alimentaires ici.

Je m’y promène pour le plaisir.

De temps en temps.

Comment sont les touristes ?

Un peu perdus quand ils arrivent ici !

Je vais au Val d’Europe pour des raisons pratiques.

Comment sont les touristes ?

Nombreux, divers et assez respectueux du lieu. Ils sont une partie incontournable du lieu.

Je sais pas, on a pas trop de contact, d’occasions de les côtoyer. Ils sont tous agglutinés sur la vallée shopping

Qu’attendezvous des futurs développements touristiques ?

Que l’on garde toujours l’histoire des communes malgré la marque Disney.

On en rencontre très peu ici.

Je ne fréquente pas les sites touristiques là où ils restent.

Je suis assez impatient de voir ça. J’espère que l’unité architecturale sera préservée.

Rien du tout, c’est bien pour les étrangers. Je n’irai passer un week end à côté, on ira voir par curiosité.

Habiter la Brie, être Valeuropéen Un échantillon de mes entretiens menés lors du référendum du 27 septembre 2015 auprès des habitants du Val d’Europe se rendant aux urnes dans chacune des communes.


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conclusion partielle

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conclusion partielle Il y a toujours des grues à l’horizon du Val d’Europe. Cette partie sur « l’après » Disney, bien plus longue que « l’avant », n’a pas pour unique objectif de consigner des chiffres sur le nombre d’habitants, de logements ou de chambres par phase de développement. En présentant ces projets hors-norme dans leur temporalité, j’espère transmettre un minimum de l’essence du Val d’Europe. Je pense en effet que ni la carte, ni la photographie, ni les mots ne sont à même de dépeindre ce territoire aussi fidèlement qu’une déambulation physique dans son espace temps. L’influence de la société Euro Disneyland va bien au delà de ses parcs de loisir. Le territoire dans l’emprise du PIG est teinté d’une réelle « image Disney » qui interroge : quand arrivons-nous vraiment à Disneyland ? Ce territoire a fait le choix de fonder son économie sur le tourisme et le divertissement. Une décision que l’on peut critiquer en mettant en avant les risques de la mono-industrie et ses répercutions sur le tissu social et urbain. Mais la réussite du projet Euro Disneyland en France est incontestable. Le trio atypique d’acteurs de la ville qu’il anime, et sa folie des grandeurs, ont indéniablement contribués à forger le Val d’Europe en tant que destination touristique de premier ordre et pilier économique de la région. Le Val d’Europe est encore jeune et suffisamment malléable pour envisager qu’une intervention aujourd’hui puisse influencer son métabolisme de demain. Cette partie met en avant la dynamique évolutive de ce territoire, une inertie qu’il est nécessaire de saisir avant d’agir. Mais le Val d’Europe n’est pas un simple calcul, c’est une équation complexe qui empêche toute intervention ponctuelle au bénéfice d’une vision d’ensemble devant équilibrer un tout. La solution n’est pas uniquement dans la construction, elle est aussi dans la gestion. Aujourd’hui, de nombreux impératifs d’entretien imposés par Disney ne peuvent plus être tenus faute de moyens. Certains gazons deviennent ainsi des prairies et contribuent à changer l’image des lieux. Cette partie pose la question de l’ancrage territorial de cette ville pensée pour le tourisme, la voiture et le lotissement, ainsi que de sa capacité de résilience. Qu’est-ce qui est vraiment au centre du Val d’Europe aujourd’hui ? La réponse à cette interrogation dépendra de chacun des acteurs de son système complexe. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire d’agir aujourd’hui en gardant à l’esprit l’importance d’une écriture collective de l’histoire. La thématisation de l’espace et l’émergence d’un paysage de décors hors du temps sont une réponse simple au refus du site ; ils empêchent les citoyens du Val d’Europe de se situer par rapport à un territoire qui fait sens. Au Val d’Europe, le paysage doit être un moyen de provoquer des rencontres entre les époques et leurs populations.


07 charpente


«Que signifie habiter à la campagne si les dispositifs d’urbanisme privent de voir ces paysages ? Ces circuits en forme d’estomacs malades, dont les circonvolutions essaient peut-être de «faire-nature», ne prévoient qu’une seule façon d’aller chez soi, en suivant un réseau viaire qui va du primaire au secondaire puis au tertiaire jusqu’à s’essoufler et atteindre son pavillon.» Michel Corajoud, 2002, à propos de la ville nouvelle de L’Isle-d’Abeau

objectif de la partie _

Comprendre l’état et le fonctionnement des différentes trames usuelles et naturelles du territoire pour envisager de nouvelles interactions entre elles.


126

07

charpente

1.

2.

3.

4.

1. Bassin d’orage et cultures de maïs proche de l’échangeur de Bailly-Romainvilliers, été 2015. 2. Un milieu humide en friche sur le futur pôle universitaire, Serris, automne 201. 3. Emprise de la ligne à grande vitesse aux environs du centre urbain de Serris, été 2015. 4. Le passage de l’autoroute A4 depuis le pont du hameau de Bailly, Bailly-Romainvilliers, été 2015.


.01

127

la trame verte & la trame bleue

la trame verte & la trame bleue _ Cette sous-partie sur la trame verte et bleue de mon site d’étude n’a pas pour objectif de rentrer dans le détail de ses composantes et orientations. Ma volonté est ici de soulever les grands ensembles structurants de ce territoire pour en comprendre sa logique globale de fonctionnement et intervenir judicieusement par la suite.

eaux et forêts

biotope _ Un biotope correspond à un milieu de vie délimité géographiquement dans lequel les conditions écologiques (température, humidité, etc.) sont homogènes, bien définies et suffisent à l’épanouissement des êtres vivants qui y résident (appelés biocénose), avec lesquels ils forment un écosystème. Source : http://www. futura-sciences.com

Le Val d’Europe est délimité par deux grands ensembles naturels. Au nord, la vallée de la Marne et ses affluents forment un milieu humide conséquent. Au sud, d’importants massifs forestiers constituent un réservoir de biodiversité notable à l’échelle de la région. Entre ces deux entités, le plateau du Val d’Europe est drainé par quatre vallées qui se jettent plus ou moins directement dans la rivière Marne : la vallée de la Gondoire, la vallée du Bicheret, la vallée du ru de Coupvray et la vallée du Lochy.

disparitions, fractions Si le développement urbain du Val d’Europe a profondément changé ses paysages, il n’est pas le seul responsable. Les remembrements agricoles survenus dès les années 1950 ont provoqué la disparition d’une mosaïque de milieux qui était essentielle à la culture du plateau et favorable à l’établissement d’une faune et d’une flore diversifiée. Le drainage systématique

des parcelles agricoles a conduit à un rétrécissements, voire un effacement, de nombreux petits rus prenant leur source au cœur des terres. Autrefois, ces fils d’eau qui naissaient dans les points bas du plateau définissaient des pâtures pour le bétail. Ces rus ont aujourd’hui perdu de leur épaisseur et de leur linéaire ; s’ils n’ont pas été busés, ils se retrouvent cantonnés dans de petits fossés agricoles qui se déversent rapidement dans le cours d’eau principal d’une vallée. Le remembrement a également contribué à l’effacement d’une multitude de milieux arborés ou herbacés (bosquets, haies de bocage, prairies) ; autant de biotopes pour les insectes, les oiseaux et les mammifères des environs. L’urbanisation rapide du Val d’Europe constitue un second bouleversement, plus récent, de l’écosystème du plateau. La desserte nécessaire de ce nouveau secteur, et plus particulièrement de son complexe touristique, a conduit au développement d’infrastructures conséquentes. Ainsi, l’interconnexion Est Île-de-France du TGV constitue une rupture majeure est/ouest sur le territoire. L’autoroute A4 représente quant à elle un obstacle de taille entre le nord et le sud du plateau. Cependant, de nombreux bassins d’orage ont été creusés pour des besoins fonctionnels sur le linéaire des principaux cours d’eau. Ils forment maintenant des habitats riches et pérennes gérés de manière écologique.


128

07

charpente

znieff 1 & 2

znieff 2

côte Saint-Jacques vallée du Grand-Morin ru de coupvray

vallée de la Marne ru des courtouris

ru des pendants

ru du courtalin

ru de lochy

ru de la sourde

ru du bicheret

bois de Montguillon znieff 1

la gondoire autoroute A4 ru des gassets

hameau de bailly

ru sainte-geneviève

ru de la folie ru du gibet tgv

forêt régionale de Ferrières

znieff 2

forêt domaniale de Crécy

forêt domaniale d’Armainvilliers

1 km

N

Les principaux éléments de la TVB du Val d’Europe D’après : SRCE, PLUI, îlots de culture du RPG 2012 et photo-interprétation de 2015

réservoirs de biodiversité régionaux (SRCE) réservoirs de biodiversité locaux (PLUI) secteur de concentration de mares (SRCE)

corridor - strate herbacée (SRCE) infrastructure fractionnante (SRCE) friches / cultures gelées (RPG)


.01

continuités le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) _ Le SRCE a été mis en place dans le cadre de la démarche concertée du Grenelle de l’environnement, dont l’un des objectifs est d’élaborer un nouvel outil d’aménagement du territoire en faveur de la biodiversité : la Trame verte et bleue (TVB). Source : http://www. territoires-durables.fr

En s’appuyant sur des études de terrain, le SRCE contribue à identifier les milieux naturels de qualité d’un territoire pour inciter à leur sauvegarde, leur revalorisation, ou encore à la création de nouveaux milieux. Sur le Val d’Europe, de nombreux relevés ont permis d’identifier et de porter à connaissance la faune et la flore locale. Associés aux orientations régionales du SRCE, ils encouragent l’élaboration d’une trame verte et bleue cohérente à l’échelle intercommunale. Nous retiendrons ici l’essentiel de ces grandes orientations.

_les ZNIEFF de type 2

La vallée de la Marne et les massifs forestiers du sud sont deux grands réservoirs de biodiversité mis en évidence dans le SRCE. Ils s’appuient presque systématiquement sur le périmètre d’une ZNIEFF. Dans le cadre du Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi), les préconisations régionales du SRCE ont été prolongées localement par l’identification de réservoirs plus spécifiques. Le SRCE et le PLUi s’accordent sur la nécessité de maintenir une continuité écologique entre le nord et le sud ; un objectif rendu difficile par le passage de l’autoroute A4 et la construction du troisième parc sur le corridor actuel.

constituées de grands ensembles naturels riches et peu modifiés aux potentialités biologiques importantes

Le SRCE relève également différentes zones de concentration de mares. Ces milieux très riches, en particulier pour les

Les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (znieff) _ Les ZNIEFF constituent un inventaire scientifique du patrimoine naturel à l’échelle nationale qui incite à la protection. On distinguera :

_les ZNIEFF de type 1 qui regroupent des secteurs d’intérêt biologique remarquable

129

la trame verte & la trame bleue

amphibiens, doivent nécessairement être pris en compte lors d’opérations d’aménagement. À défaut d’être préservé, cet habitat devra être reconstitué non loin.

gestion et évolution La fonctionnalité écologique d’un territoire ne repose pas uniquement sur des orientations cartographiques. Pour cette raison, il est nécessaire de nuancer la notion beaucoup trop englobante de « continuité écologique ». Face à des infrastructures aussi fractionnantes qu’une autoroute ou une ligne à grande vitesse, ce terme doit être bien compris avant d’envisager toute intervention : quelle(s) espèce(s) concernent cette continuité ? Les aménagements à mettre en place ne seront pas les mêmes pour du gros gibier que pour des volatiles par exemple. Ou encore : cette continuité est-elle vraiment nécessaire ou ne devrions-nous pas encourager la richesse intrinsèque des milieux à relier ? La richesse écologique d’un milieu dépend surtout de sa gestion. Ainsi, un espace enherbé en milieu urbain n’aura pas la même richesse si il est entretenu comme un gazon ou comme une prairie. Il est aussi essentiel de rappeler que la biodiversité du Val d’Europe repose en partie sur les friches de ses « paysages intermédiaires » ; autant de biotopes amenés à disparaître qu’il est nécessaire d’avoir à l’esprit.


130

07

charpente

1.

2.

3.

4.

1. La plaine de Jossigny au delà des travées du RER A, Bussy-Saint-Georges, automne 2015. 2. Moisson dans la plaine de Jossigny que traverse l’autoroute A4, Jossigny, automne 2015. 3. La ferme du Couternois dans ses champs, sur la route de Jossigny à Serris, Jossigny, automne 2014. 4. Le fossé du ru de Sainte-Geneviève, entre ville et champs, Jossigny, automne 2015.


.02

131

la trame agricole

la trame agricole _ agriculture & ville nouvelle le schéma directeur de la région île-defrance (SDRIF) _ Le SDRIF découle du SDAURP élaboré par Paul Delouvrier en 1965. Ce document d’urbanisme d’échelle régionale a notamment pour objectif de maîtriser l’utilisation de l’espace, la croissance urbaine et démographique, tout en garantissant le rayonnement international de la région. Source : http://www. driea.ile-de-france. developpementdurable.gouv.fr

S’il est question de « coupures vertes » dans les schémas d’aménagement de la ville nouvelle, le projet agricole en est absent. À Marne-la-Vallée, l’urbanisation se substitue aux plaines cultivées de la Brie pour assurer le développement cohérent de la région parisienne. Au début des années 1990, les révisions apportées au SRDIF mettent l’accent sur la nécessité de préserver une agriculture de proximité dans la ceinture verte de la région parisienne. Or, ces préconisations minimes ne doivent pas entraver les objectifs de croissance urbaine. Sur mon territoire d’étude, la commune de Jossigny et plusieurs de ses voisines se retrouvent ainsi classées comme « partiellement urbanisables » : 60% de leur superficie devait être construite et les 40% restants maintenus en « naturel ». Deux fronts urbains localisés sur la plaine définiront les limites d’urbanisation des communes voisines.

en quête d’agriculture L’activité agricole est en voie de disparition sur mon site d’étude. Si elle n’est pas maintenue de façon précaire sur des terrains à urbaniser, elle se retrouve fréquemment soumise à une importante pression foncière. Le cas de Jossigny nous montrera qu’il est tout de même possible de préserver cette agriculture en ayant recours à certains statuts de protection.

À défaut d’une vision partagée entre des acteurs complexes et multiples, l’activité agricole de ce territoire fait régulièrement l’objet de controverses. L’EPA et Disney, dont les principaux objectifs sont de construire du logement et de développer un projet économique, défendront naturellement l’intérêt de construire dans ce pôle urbain dédié à cet effet. La proximité avec Paris et la pollution atmosphérique de la région peuvent aussi constituer un argumentaire pour contenir l’étalement urbain dans un espace déjà construit et bien desservit, tout en préservant des méfaits de l’étalement une campagne saine et - chaque jour - un peu plus lointaine. Cependant, les quelques jours d’autonomie alimentaire dont dispose l’Île-deFrance, sa dépendance énergétique, la stérilisation affolante des terres fertiles du pays et la déstructuration de filières locales invitent à une prise de conscience collective. Entamer une démarche de souveraineté alimentaire apparaît aujourd’hui primordial, en particulier pour une métropole comme Paris. Cette démarche passe nécessairement par des actions locales et une explorations des potentiels productifs que peut offrir une commune et son terroir. Un projet que les collectivités locales et leurs habitants sont aujourd’hui les plus à même de porter.


132

07

charpente

agriculture péri-urbaine (pig - sdrif)

plaine de Montguillon

autoroute A4

rer A

plaine de Jossigny

front urbain (sdrif)

clairières cultivées

tgv

1 km

N

Les principaux éléments de la trame agricole du Val d’Europe D’après : SDRIF, PLUi, SRCE, PIG

surface agricole continue de 0 à 100ha (SRCE) surface agricole continue de 101 à 1000ha (SRCE) surface agricole continue de 1001 à 10000ha (SRCE)

continuités vertes (SDRIF) mosaïque agricole (SRCE) infrastructure fractionnante (SRCE)


.02

les fronts urbains du SDRIF _ « L’urbanisation doit se faire en continuité du bâti existant, sous réserve de ne pas porter atteinte à une continuité écologique, une coupure d’urbanisation, une continuité agricole, une liaison verte, une lisière d’un espace boisé, ou un front urbain d’intérêt régional représenté sur la carte de destination générale des différentes parties du territoire. Les fronts urbains d’intérêt régional situés en ceinture verte, figurant par un trait de couleur marron sur la carte de destination générale des différentes parties du territoire sont intangibles. Aucune urbanisation nouvelle ne peut les franchir. » Source : SDRIF

la mosaïque agricole _ Le SRCE définit comme « mosaïque agricole » tout territoire agricole abritant au moins 10% de bosquets et 10% de milieux herbacés (prairies, friches).

133

la trame agricole

confrontations L’arrivée soudaine de la ville nouvelle sur la Brie a provoqué une rencontre brutale entre une population citadine récemment constituée et une activité agricole profondément ancrée dans les mœurs. Il en résulte aujourd’hui une inadéquation flagrante entre une agriculture restée sur un modèle rural et son contexte périurbain instantanément sorti de terre. Cependant, il est essentiel de relever que cette activité agricole participe fortement à l’entretien de paysages ruraux, eux-mêmes contribuant à la qualité du cadre de vie très recherché du Val d’Europe et de ses environs.

terres cultivées Mon territoire d’étude regroupe trois grands espaces sur lesquels il est prévu de maintenir une activité agricole : la plaine de Montguillon, les clairières cultivées au sud de l’autoroute A4 et la plaine de Jossigny. Si mon approche dans ce mémoire se veut globale, dès à présent nous nous intéresserons essentiellement au cas de la plaine de Jossigny, dont la situation est aujourd’hui au cœur des préoccupations locales. Cette plaine agricole est située à la charnière des deux secteurs de la ville nouvelle, coincée entre deux ensembles urbains d’envergure et en pleine expansion que sont la ville de Bussy-Saint-Georges et le Val d’Europe.

La plaine de Montguillon, sur la frange ouest de la ville nouvelle, apparaît à l’inverse moins concernée par ses logiques d’aménagement et appartient davantage aux paysages de la vallée du Grand-Morin. Les clairières cultivées au sud de l’autoroute A4 ne présentent quant à elles pas d’aussi bonnes qualités agronomiques que la plaine de Jossigny et leur situation enclavée empêche d’y envisager un projet de développement sur le moyen-terme, voire le long-terme (excepté Villages Nature).

la plaine de jossigny La plaine de Jossigny est l’exemple même de cette agriculture en confrontation avec un milieu urbain naissant. Elle présente cependant la qualité d’offrir une importante surface agricole continue aux portes du Val d’Europe ; un fait devenu rare dans ce secteur de la ville nouvelle où l’activité agricole est aujourd’hui très morcelée, voire inexistante. Le SRCE relève par ailleurs l’intérêt écologique d’une partie de cette plaine qualifiée de « mosaïque agricole ». Cette mosaïque est notamment due à une concentration importante d’anciens vergers, de fermes, de jardins, et de boisements sur une faible portion d’un territoire cultivé. La présence de cette mosaïque nous indique un potentiel écologique. Cependant, le découpage de la plaine par l’autoroute A4, le TGV et le RER A rend difficile d’envisager sa mise en réseau.


134

07

charpente

la Ferme de la Marche

parc du bicheret parc des frênes

Montévrain

parc du mont évrin cadrage sur la plaine de jossigny proposé à la page suivante

Chanteloup-en-Brie la Cueillette du Plessis

ru des gassets

La Ferme de Courberonne Bussy Saint-Georges

jossigny rue de sainte-geneviève les collinières

ferme de maulny

moulin de belle-assise villeneuve-le-comte

la pointe

1 km

N

Outils de protection, plans d’action et potentiels du territoire D’après : CA Marne et Gondoire 2015 et le SRCE

PPEANP - espaces agricoles PPEANP - espaces forestiers point de vente directe (PPEANP)

périmètre d’une ZPPAUP parcs urbains limites de la CAMG


.02

Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) _ Une ZPPAUP prend en considération les valeurs d’ensemble d’un paysage à protéger pour des motifs esthétiques et/ou historiques. Elle peut ainsi se concevoir en l’absence de monument historique. L’engagement d’une procédure de ZPPAUP dépend de la volonté du Maire et de son conseil municipal. Sa création et sa délimitation nécessite un arrêté du préfet de région. périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PPEANP) _ Depuis 2005, cette compétence permet au Département de créer des périmètres d’intervention en zone périurbaine en vue de protéger et de mettre en valeur des espaces agricoles naturels et forestiers. Une fois institué, ce périmètre ne peut être réduit que par décret.

135

la trame agricole

Cette immensité cultivée est une vraie respiration dans la nébuleuse urbaine du Val d’Europe. La plaine de Jossigny produit des paysages d’une richesse indéniable et c’est aujourd’hui l’un des rares endroits du secteur qui offre des horizons aussi lointains. Le caractère singulier de ce paysage et l’urbanisation rapide des environs de la commune sont autant de facteurs qui ont incité les élus locaux à protéger ce patrimoine.

la zppauP La commune de Jossigny et sa plaine forment encore aujourd’hui un paysage briard authentique, ce qui a valu à la commune de 652 habitants son appellation de « village d’irréductibles ». Cette préservation du patrimoine urbain et paysager découle d’une volonté politique locale de protéger ce témoignage d’un temps révolu. Pour contrer les projets d’urbanisation portés par l’EPA Marne, la municipalité se lance en 1997 dans la création d’une ZPPAUP. Motivé par des paysages ruraux remarquables et la présence d’un château aristocratique du XVIIIe siècle, ce statut a le mérite d’aller au-delà du simple rayon des 500 mètres de protection mis en vigueur autour des bâtiments classés « monument historique ». Ce choix, qui fut aussi celui de la commune de Villeneuve-le-Comte, a permis la protection d’un ensemble identitaire pour la commune.

l’outil ppeanp Afin de pérenniser ses espaces agricoles, naturels et forestiers, la Communauté d’Agglomération de Marne et Gondoire (CAMG), avec le soutien du Conseil Général de Seine-et-Marne, de l’Agence des Espaces Verts et en accord avec l’État et la Région, a engagé une étude pour la définition d’un PPEANP. Un tel outil d’aménagement traduit la volonté de la CAMG de dynamiser l’activité agricole dans ses communes et de protéger leur biodiversité en fixant des limites claires à l’urbanisation. Au-delà de la simple mise sous cloche d’une ZPPAUP, le PPEANP affecte une valeur de « projet agricole » à un territoire. Il est l’occasion d’une réflexion à l’échelle intercommunale pour encourager le maintien d’une filière agricole locale et respectueuse de l’environnement grâce à un plan d’action. Celui-ci est élaboré en concertation avec les communes ou EPCI concernés, la profession agricole et les propriétaires fonciers. Le périmètre d’un PPEANP se situe hors zones U et AU des documents d’urbanisme. Il permet au Département de procéder à des acquisitions foncières par le biais de la SAFER ou d’un EPF. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine privé du Département et peuvent être cédés, loués ou concédés avec un cahier des charges fixant les modalités d’usage.


136

07

charpente

Bois de Chigny

futur cœur agro-urbain - 25ha

Serris - Centre Urbain

Chanteloup-en-Brie la cueillette du plessis - 10ha RD 231 - ancienne voie ferrée

pôle universitaire

Fontenelle frm

RER A

de la jonchère

hôpital

frm

écoquartier sycomore

de mauperthuis frm

Serris - Bourg

de courberonne

futurs jardins familiaux 1,5ha

le Génitoy 8

Ru de Saint

3

9 1 5

viè ene eG

ve

frm

du couternois

le château arlington business park

4

frm

8

du château

9

zac du couternois

9

le Parc de la Motte

9 frm

les collinières

6 frm

7

de maulny

le Gibet TGV

ferme

Belle-Assise

ferme détruite château

Villeneuve-Saint-Denis

Forêt domaniale de Ferrières

château détruit

la Guette

point de blocage (PPEANP) 500m

N

Situation générale de la Plaine de Jossigny, de son patrimoine et des projets à venir.

PPEANP circulations agricole (PPEANP) propriétés du Ministère de la Culture

domaine préservé domaine effacé zones à construire

ru à ciel ouvert ru busé ru drainé


.02

les terres du ministère _ Depuis 1942, le Château de Jossigny est inscrit aux monuments historiques. En même temps qu’il acquiert ce statut de protection, il devient une possession du Ministère de la Culture avec ses dépendances : un parc et un alignement remarquable de platanes dans la perspective du bâtiment principal (6 hectares), une ferme et ses terres (132 hectares). Aujourd’hui, le château et son parc ne sont ouverts au public qu’une fois par an lors des journées du patrimoine. La ferme et ses terres sont louées à un agriculteur.

137

la trame agricole

jossigny et le PPEANP

actions et potentiels

Le 21 décembre 2012, le Département de Seine-et-Marne a délibéré en faveur de la création du PPEANP de Marne-et-Gondoire, en faisant le premier de la région et le sixième du pays. En mars 2014, les 3695 hectares initialement compris dans le périmètre ont été étendus à 4600 hectares, soit plus de 50% du territoire intercommunal. Au total, 48 exploitants agricoles sur 17 communes sont aujourd’hui concernés par cette mesure. Jossigny en est l’une d’elles et dénombre six agriculteurs.

Le programme d’actions du PPEANP est un document conséquent réalisé par la CAMG. Il compile des « fiches actions » définissant les interventions à mener jusqu’en 2024. Certaines concernent la plaine de Jossigny, comme la promotion d’une agriculture et d’une alimentation locale auprès du grand public. Aujourd’hui, un seul point de vente directe est occasionnellement ouvert sur la commune : la ferme de Courberonne qui vend sa farine et ses pommes de terres. Non loin, la cueillette du Plessis et le futur cœur agro-urbain de l’écoquartier de Montévrain constituent d’autres filières locales tournées vers le maraîchage et l’arboriculture. Le programme encadre aussi la gestion et la restauration des cours d’eau à des fins écologiques. Le ru de Sainte-Geneviève, dont le linéaire se poursuit difficilement jusqu’au parc de la Motte, est ainsi concerné. Il définit également des orientations en matière d’encadrement de la fréquentation pour faciliter la cohabitation des usages agricoles et citadins. En effet, de nombreux espaces laissés en jachère dans la plaine se retrouvent régulièrement occupés par les gens du voyage, traversés par des cavaliers ou des engins mécaniques (moto-cross ou 4x4). Ce plan d’action affiche enfin une volonté transversale de développer une filière biomasse permettant de valoriser les résidus agricoles et sylvicoles du territoire.

la plaine endormie

Aujourd’hui, l’EPA est dans l’impossibilité d’urbaniser la plaine de Jossigny et perçoit sa protection comme un moyen pour la commune d’anticiper des plus-values foncières une fois l’OIN terminée. Cepenjossigny, dant, un PPEANP ne peut être modifié que état des lieux par décret ; un haut niveau de décision qui _ lui assure une grande stabilité. De plus, ce 1_ la mairie périmètre est accompagné d’un plan d’ac2_ l’église tion visant à conforter sur le long terme les 3_ le lavoir en ruines interfaces urbain/rural et leurs potentiels 4_ le parc du château 5_ alignement de platanes écologiques. L’exploitation de la plaine 6_ la chapelle Saintde Jossigny étant calquée sur un modèle Léonard en ruines conventionnel de grandes cultures qui (XIVe siècle) s’exportent, le PPEANP apparaît ici comme 7_ le moulin de une belle opportunité de donner une Belle-Assise image forte à la commune par le biais d’un 8_ reliquats de vergers 9_ prairies mésophiles projet agricole qui fait sens localement.


138

03

charpente

1.

2.

3.

4.

1. Le boulevard circulaire est généralement accompagné d’une piste cyclable en site propre. Ici sur la commune de Bailly-Romainvilliers, il passe en dessous de l’avenue Paul Séramy. 2. L’arrivée des touristes au terminal de bus, face à la gare TGV, Chessy, photographie de Christophe Le Toquin. 3. La ligne A du RER non loin de la station Val d’Europe, Serris. 4. Aperçu du pont reliant le hameau de Bailly à l’accès technique du Ranch Davy Crockett.


.03

139

les trames viaires

les trames viaires _ mobilités nouvelles

les transports en commun

L’organisation initiale de Marne-la-Vallée dépend autant de son rapport au paysage que de son inscription sur des axes de communication majeurs. Coincée entre la vallée de la Marne et un important arc forestier, la ville nouvelle s’étend le long de deux infrastructures conséquentes : l’autoroute A4 et le RER A. L’objectif de cette sous-partie sur les trames viaires est de comprendre la relation plus fine qui existe sur mon territoire d’étude entre mobilités et paysage. Encore une fois, beaucoup d’études ont été menées dans ce domaine. Les préconisations qui en résultent dépendent de leur commanditaire et de leur échelle de gouvernance (Intercommunalités, EPA, Conseil Départemental). Je m’efforcerai ici d’exposer un condensé de ces grandes orientations dans l’espace et dans le temps.

Le Val d’Europe dispose d’un réseau de transports en commun extrêmement bien développé. La ligne A du RER, dont la gare de Marne-la-Vallée - Chessy est l’un des terminus, permet de rejoindre Paris en 45 minutes. Une seconde station est implantée dans le centre urbain de Serris. Elle assure la bonne desserte du centre commercial Val d’Europe, de l’hôpital de Jossigny et, prochainement, celle du pôle universitaire devant accueillir à terme 10 000 étudiants sur son campus.

Cette sous-partie doit permettre, in fine, d’envisager de nouvelles interactions entre les déplacements relatifs à mon site d’étude et les composantes physiques et sociales de son paysage. Ainsi, une attention toute particulière sera accordée aux modes de déplacement dits « doux » (itinéraires cyclables, pédestres ou équestres) ainsi qu’aux réseaux de transports en commun qui constituent une alternative pérenne l’utilisation de la voiture.

Le Val d’Europe est traversé par deux réseaux de bus. Deux lignes du Seine & Marne Express le raccordent à Meaux, Melun, Torcy et Roissy-en-France. Vingt-deux lignes du réseau Pep’s assurent quant à elles une desserte plus locale à l’échelle des intercommunalités de mon site d’étude. Il ne me semble pas opportun de présenter l’ensemble de ce réseau de bus, mais plutôt de cerner leurs points de convergence qui correspondent aux pôles multi-modaux du territoire (gare ferroviaire et routière).

Le passage du TGV sur le complexe touristique permet de relier l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle en moins de 10 minutes. Le RER et un système de navettes constituent quant à eux le meilleur moyen d’accéder à Disneyland Paris depuis l’aéroport d’Orly.


07

charpente

Chalifert

vers Esbl y

140

Montry

Saint-Germain-sur-le-Morin

vers Lagny-sur-Marne Montévrain

Coutevroult Chanteloup-en-Brie

st-

ussy rs B

s rge Geo

ve

Jossigny hameau de bailly

villages nature

€ pôle d’emplois pôle de loisirs lieu d’enseignement secondaire

Villeneuve-Saint-Denis

Villeneuve-le-Comte

point d’intérêt complémentaire ouvrage de franchissement à étudier (PLD) 1 km

N

Composantes et contraintes des liaisons douces du territoire D’après : Schéma Cyclable Structurant de Marne-la-Vallée (SCSMlV) et le Plan Local des Déplacements (PLD)

pôle multimodal tracé prévisionnel du TCSP station prévisionnelle du TCSP

liaison cyclable inscrite au SCSMlV liaison complémentaire inscrite au PLD réseau ferré et réseau routier


.03

141

les trames viaires

Pour préparer l’aménagement de la Phase IV, le SAN a définit en 2011 le tracé d’un futur Transport en Commun en Site Propre (TCSP). Ce parcours schématique, élaboré en accord avec le Syndicat de Transport d’Île-de-France, la Région et l’EPA, préfigure ce que seront, d’ici à 2030, les grands axes de circulation des bus sur voies réservées. Son intérêt dépasse le niveau local et permettra d’améliorer la transversalité des transports en commun et de désaturer la ligne A du RER.

trajets et parcours Au sein du Val d’Europe, plus que partout ailleurs, il est important de bien définir les objectifs de desserte des liaisons douces. Les principaux pôles d’intérêts seront naturellement connectés. Cependant, une distinction s’impose entre les déplacements utilitaires et les déplacements plus souples de loisir. Les attentes des usagers ne seront pas les mêmes pour un trajet quotidien vers un lieu de travail ou d’étude, qui favorisera un itinéraire direct et bien éclairé sur un revêtement adapté, que pour un parcours récréatif qui préférera un aménagement en site propre dans un cadre agréable. Cette distinction est particulièrement importante au sein du « Cluster Tourisme » qui incite à l’innovation en matière de mobilité, autant dans la trame que dans les moyens de transport.

cyclable La carte ci-contre est un état des lieux des liaisons douces du Val d’Europe et de leurs extensions futures. Elle synthétise les orientations du Schéma Cyclable Structurant de Marne-la-Vallée (SCSMlV) de l’EPA et celles du schéma directeur des liaisons cyclables du Plan Local des Déplacements (PLD) réalisé par le SAN en 2008. Sur le Val d’Europe, la pratique du vélo est déjà encouragée par un important linéaire cyclable. Cependant, à défaut d’un système de vélo en libre-service, ce réseau s’adresse essentiellement à des usagers déjà équipés sur place. Or, l’augmentation de la fréquentation touristique du secteur, ses nombreux étudiants et travailleurs pendulaires sont autant de facteurs favorables à la mise en place d’un tel système. La carte ci-contre illustre une volonté de renforcer les liaisons douces entre le pôle Disneyland et Villages Nature. Ce projet n’étant pas terminé lors de la publication du PLD, la traverse publique actuellement prévue pour relier le hameau de Bailly à Villeneuve-le-Comte n’est donc pas représentée. Nous relèverons également la prédominance d’une liaison nord-est/sudouest entre le pôle d’Esbly et Bussy-SaintGeorges. Cependant, cet axe délaisse la commune de Jossigny et ne permet pas son intégration dans ce réseau global.


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07

charpente

vallée du Grand Morin vallée de la Marne

plaine de Montguillon

pôle universitaire

le hameau de bailly arlington business park

plaine de Jossigny écoquartier sycomore zac du couternois

forêt régionale de Ferrières forêt domaniale d’Armainvilliers

les villages nature

clairières cultivées forêt domaniale de Crécy

€ futur pôle d’emplois futur pôle de loisirs N

Anticiper et conforter les continuités d’un territoire en construction Carte de synthèse des éléments existants et à venir

1 km emprise des futurs projets relatifs aux site abordés grandes continuités humaines et naturelles à assurer


.04

conclusion partielle

143

conclusion partielle Les paysages du Val d’Europe ont été façonnés par ses infrastructures. Bien que la qualité et le fonctionnement de cet écosystème soit au cœur des préoccupations de chaque acteur, son dessin initial est une réponse à un enjeu global. Encore une fois, deux mondes semblent se tourner le dos, mais cette partie de mon mémoire nous livre les dernières clefs de compréhension de ce territoire. La présentation de la trame verte et bleue de mon site d’étude n’est pas un simple état des lieux. Elle doit permettre de bien cerner une logique de fonctionnement actuelle et potentielle. Les milieux d’intérêt écologique mis en évidence ne doivent pas être perçus comme des sanctuaires intouchables mais comme autant d’accroches éventuelles pour construire un projet de territoire cohérent. Sur le Val d’Europe, l’écologie doit être avant tout un outil d’accompagnement du développement anthropique et naturel d’un système. Par le biais d’actions et d’une gestion pédagogiques sur les milieux naturels, cette science peut devenir un moyen de responsabiliser les populations locales bien plus qu’un simple statut de protection ne le permet. En matière d’agriculture, il ne s’agit pas de prôner un retour à l’état initial, et encore moins, un maintien de l’état existant. La perte progressive d’installations spécifiques sur le territoire (conserveries, laiteries, sucreries, etc.) marque la fin d’un modèle agricole, mais pas la fin d’une activité. Un outil comme le PPEANP laisse envisager de nouvelles synergies pour faire renaître ce système aujourd’hui à bout de souffle par le biais d’une politique agricole locale. S’il peut être perçu comme une barrière à l’urbanisation sur la plaine de Jossigny, ce périmètre a le mérite d’aller au delà d’une simple mise sous cloche de l’agriculture. Son programme d’actions très complet laisse envisager le développement d’une filière économique pérenne fondée sur la gestion des milieux ouverts et des boisements et la mise en valeur du patrimoine. Pour construire le futur de ce territoire, il est nécessaire de bien cerner ses différentes trames. Une fois assemblées, ces trames constitueront une charpente solide mêlant usages anthropiques et fonctionnalités écosystémiques. La présentation de ces différentes trames démontre également la nécessité d’une vision globale sur le Val d’Europe et ses environs avant d’envisager toute intervention. C’est d’abord en définissant son métabolisme que nous pourrons nous approprier sa richesse intrinsèque et bâtir un patrimoine contemporain partagé.


08 ouverture


« [...] Certes, c’est le touriste le principal orchestrateur de sa propre demande (il est l’ensemblier du produit qu’il consomme, après l’avoir désiré et imaginé). » Maria Gravari-Barbas, 2013 objectif de la partie _

Hiérarchiser un système touristique à différentes échelles pour développer de nouvelles synergies entre économie touristique et nécessités locales.


146

08

ouverture

Diffuser localement le potentiel du cœur touristique et ouvrir le cluster sur le grand territoire grâce à son interface active.

cœur touristique interface active

parc privé centre de vie locale


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un rayonnement à amplifier

un rayonnement à amplifier _ cluster 2.0 les destinations touristiques mondiales _ Chaque année, l’Organisation Mondiale du Tourisme établit une liste des destinations touristiques mondiale. Depuis les années 1990, la France se maintient en tête de ce classement devant les États-Unis et l’Espagne. En 2014, il y a eu dans le monde plus de 1,1 milliard de touristes dont 84,7 millions se sont rendus dans l’hexagone.

le Cœur touristique _ Je propose désormais de qualifier l’ensemble formé par les parcs de loisirs, les parcs hôteliers et les Villages Nature de « cœur touristique ». Le cœur touristique constitue les fondations originelles du cluster. Il tient une position centrale dans un système de pôles dont l’interface active est indissociable.

La politique des clusters du Grand Paris consiste, nous l’avons vu, en une nouvelle forme de « zoning » régional. Son but est de parvenir à territorialiser une économie de la connaissance et du savoir selon de grandes thématiques pour permettre l’émergence et l’identification de filières d’excellence à l’international. Or, cette politique s’adresse en grande partie à des entreprises privées ou à des lieux d’enseignement et ne fait pas sens auprès des habitants. Si plusieurs valeuropéens se considèrent comme « habitants de la ville nouvelle », aucun ne semble s’identifier au « Cluster Tourisme ». Reflet d’une politique invisible, ce constat fut un point de départ dans ma réflexion. De plus, le fait qu’une entreprise américaine soit à l’origine de la formulation de ce cluster constitue pour moi un paradoxe : c’est le pays le plus visité au monde choisit délibérément de placer son concurrent en vitrine.

une marchandise atypique À la différence des autres clusters du Grand Paris (santé, aéronautique, recherche, finance, etc.), les fondations du « Cluster Tourisme » reposent sur une marchandise atypique : le touriste. Les pratiques de loisirs ont évoluées avec le temps et les époques, de sorte à former aujourd’hui une réelle industrie touristique.

C’est un marché de taille qu’il est devenu impossible de négliger dans la construction des villes et qui contribue au phénomène de marketing territorial. Cependant, le modèle économique de cette industrie, en particulier celui des parcs de loisirs, repose sur une vision consumériste d’une offre figée. Ce principe fonctionne encore, mais on en regrettera sa capacité à fabriquer de la ville au même titre que les grandes expositions universelles des derniers siècles. Je ne remets pas en question ce système qui a indéniablement contribué au développement économique de cette région. Cependant, je pense que la consommation d’une expérience collective qu’il propose doit pouvoir s’associer à la consommation d’expériences plus individuelles et participatives, contribuant à intégrer le tourisme dans un projet local qui fait société.

l’interface active Pour construire ce projet, je propose de voir le cluster comme une « interface active ». Cette interface doit non seulement diffuser localement le potentiel du cœur touristique, mais aussi affirmer sa volonté de rayonnement en l’ouvrant sur le grand territoire. Un tel système laisse envisager de nouvelles occasions de rencontre entre le touriste ponctuel et l’habitant permanent ; autant d’opportunités pour diversifier l’économie du secteur et faire prendre la greffe.


148

08

ouverture

un métabolisme à imaginer _ équilibrer l’équation Au delà d’un simple calcul, le Val d’Europe est une équation qui doit être bien comprise si l’on souhaite y intervenir de manière juste et équilibrée. Pour mettre en place l’interface active à l’échelle de mon territoire d’étude, je propose ici un raisonnement en système d’usages. Ce système repose sur différents pôles situés à michemin entre le complexe touristique et le grand territoire. Un pôle est caractérisé par ses spécificités paysagères et ses usages actuels ou en devenir. En somme, un pôle est issu du recoupement des différents actes constitutifs du territoire abordés dans ce mémoire. Il est important de distinguer un pôle d’une zone ; la multifonctionnalité d’un pôle et son interaction avec le paysage le distinguent d’un simple zoning. On pourra reprocher à ce système son caractère transposable qui ne le rend spécifique d’aucun territoire, mais l’objectif est ici de s’en servir comme un outil de lecture et de transmission. Par ailleurs, ce système aura la particularité sur le Val d’Europe d’être teinté d’une dimension divertissante et ludique propre à son histoire.

le loisir et la ville L’imaginaire du loisir appelle une utopie qu’il est difficile de mêler à la ville sans tomber dans de simples équipements (aires de jeux et terrains de sport pour l’essentiel).

Concevoir le loisir de demain impose un renouvellement constant de notre rapport au divertissement qui ne peut rester figé. Rappelons ici que c’est avec l’émergence du cinéma et les premières guerre mondiales que l’engouement pour les expositions universelles s’est essoufflé, faisant prendre conscience aux populations que ce étalage universaliste de connaissances n’était pas pour autant un frein à la barbarie. À l’heure du tout Internet et d’une nécessaire transition énergétique, le loisir semble pouvoir trouver dans la proximité du quotidien de nouvelles formules à exploiter.

de nouvelles formules Dans les coulisses des parcs, l’interface active s’appuie sur les spécificités existantes du territoire. Par de nouveaux usages, notamment de loisirs, elle conforte et rééquilibre au besoin les sites du Val d’Europe par le biais de pratiques sociales et d’interventions spatiales. En identifiant aux yeux des visiteurs des séquences narratives (les pôles), ce système est une invitation à découvrir le territoire et son patrimoine. Les grandes attractions des parcs, la proximité d’un terroir historique et fertile, l’opportunité d’une nuit insolite hors-site et la facilité de relier l’ensemble par des transports novateurs sont autant de facteurs pouvant enrichir la dialectique touriste/habitant, consolider l’économie locale, et autant de raisons d’étendre la durée de son séjour.


.02

149

un métabolisme à imaginer

Louis Braille ? l’inventure de l’écriture ? oui oui, fin du XVIe

plouf !

oui, nous sommes aux Villages Nature le reste de la semaine

wouuu !

c’est un sympétrum on s’y croirait

on peut encore jouer 5 minutes ? donnez-moi un «la»

ces arbres seront plantés dans le futur parc !

ne te tâche pas avec les framboises !

je vais prendre le putter

une perdrix grise !

le foodtruck de Jossigny est là ?

miam ! nice houses

french cheese ? meuh...

deux nuits, trois personnes

c’était là !

j’aperçois un chevreuil !

on mange au hameau ?

un ptit dernier ?

¡ buenas noches !

ça a l’air de bien bouger par ici joli pont !

belle farine ! grandiose ! ah vous êtes aux Villages Nature ?! on fait 15% pour les résidents

bienvenue chez nous

il est commestible celui-ci ?

somptueux ! c’est donc ici qu’elle était extraite...

N

Paysages en situation Envisager le « déjà-là » et le « à-venir » comme le support d’une rencontre. Carte évocatrice superposant différents éléments cartographiques légendés précédemment

1 km projets à venir projets à venir tournés vers le divertissement


150

08

ouverture

ossature

les exutoires _ Un exutoire n’a pas de matérialité physique particulière ; c’est un lieu qui incite à des mobilités plus lointaines que le cluster. Les exutoires sont par conséquent implantés sur les franges de l’interface active. En proposant de rejoindre Paris via la Marne, les bords de Marne à Chessy peuvent constituer un exutoire au même titre que Villeneuve-le-Comte si la commune développe une offre locale tournée sur la location ou l’accès à des moyens de transports doux pour inciter à la découverte du sud de la Seineet-Marne. Un exutoire est à la fois une porte d’entrée sur le cluster et un moyen d’en sortir.

Le système de pôles n’est rien sans une ossature solide qui rend cohérent son ensemble. Ainsi, l’interface active repose autant sur le contenu de ses pôles que sur la façon de les relier. Pour assurer le bon fonctionnement de cette interface, il est essentiel qu’elle ne se limite pas uniquement à l’emprise du cluster. Cette mise en réseau des pôles doit permettre de déconcentrer le cœur touristique vers l’interface active, celle-ci se chargeant de relayer le potentiel touristique vers le grand territoire par le biais d’exutoires. C’est ainsi la juxtaposition des pôles et de leurs liaisons structurantes qui dessine la ville de demain et rend son métabolisme fonctionnel.

qualifier, hiérarchiser À l’échelle du cluster, cette ossature est essentiellement fondée sur des modes de déplacement doux et des transports en commun. Elle facilite les déplacements au sein du cœur touristique et les intègre aux mobilités plus larges de l’interface active. Les circulations dans l’interface active ne sont pas cantonnées à son emprise. Chacune des franges de l’interface invite à rejoindre un autre pôle touristique à l’échelle du grand territoire grâce aux exutoires. Ainsi, un exutoire est une ouverture du cluster sur ses environs autant qu’une porte d’entrée vers celui-ci. En incitant à relier

d’autres centres d’intérêt à l’échelle du grand territoire, les exutoires contribuent à étendre le champs des itinéraires possibles pour les populations du Val d’Europe, qu’elles soient permanentes ou non. La hiérarchie de cette structure est définie par les grandes tensions du territoire. On retrouve donc la priorité d’établir deux grands axes de liaisons : du nord au sud, entre la vallée de la Marne et l’arc forestier, et d’est en ouest pour relier Bussy-Saint-Georges à la vallée du Grand Morin. En s’appuyant sur des nécessités locales de desserte, cette ossature fait sens par rapport au développement global de Marne-la-Vallée.

le nécessaire et l’envie La force de ce réseau de mobilités est qu’il associe nécessités locales et envies touristiques, définissant de nouveaux lieux de rencontre entre touristes et habitants. De plus, cette ossature va au delà d’une simple matérialisation d’itinéraires pour les touristes ; elle développe également pour les habitants des opportunités d’excursions au quotidien. Si l’on raisonne en terme de circuits, ce réseau invite à définir des points de départ, des points d’escale et des points d’arrivée. Ce sont autant de sites pouvant constituer de petits pôles multimodaux associant stations de vélo en libre service, parkings relais, quais d’embarquement, ou encore points de covoiturage pour une clientèle locale, pendulaire ou touristique.


.02

151

un métabolisme à imaginer

et ça continue comme ça jusqu’à Paris !

nous voudrions aller à Paris pour la journée

allons à Jablines en canoë !

on continue le long du Grand Morin ?

il nous faut deux vélos et un triporter

c’était rapide !

bienvenue au Val d’Europe

c’est plus rapide qu’en voiture ! je serai le premier au cottage !

where are you from ?

je ne pensais pas trouver ça par ici... on s’arrête 5 minutes avant de rentrer ? à ce soir !

nous cherchons le moulin de Belle-Assise

tu es sûr que c’est par ici ?

un vieux train circulait au même endroit que nous

la prochaine navette est dans 10 minutes allons-y à cheval !

1 km

N

Imaginer un nouveau système de déplacement au sein du cluster et sa diversité d’itinéraires Carte de principe mêlant circulations existantes et potentielles

are you local ?

réseau de TCSP envisageable station du TCSP envisageable station de vélo en libre service

principe de liaison circulaire linéaire cyclable envisageable tracés historiques


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08

ouverture

Chanteloup-en-Brie

Futur parc du Centre Urbain - 16ha

4

6

3

23

1

18 ers villi ain m o eR

Serris

d Bd.

13 16

7

8

19

15

12

y m ra

RER A

Bussy-st-Georges

1

14 D

5

autoroute A4

l au .P Av

ru des gassets

17

Bailly-Romainvilliers

20 24

2 9 Belle-Assise

Villages Nature Phase 2 Ranch Davy Crockett

Villages Nature 10 11

TGV

Villeneuve-st-Denis

Villeneuve-le-Comte

N N

1 km

DU hameau de bailly à la plaine de jossigny rappel des éléments de contexte _

1 Écoquartier Sycomore

Il sera le plus grand écoquartier de la région (4500 logements) et s’organise autour de deux parcs : le parc urbain du Génitoy, à l’ouest de l’ancien domaine en cours de rénovation, et le parc du Sycomore prévu entre ce domaine et la plaine de Jossigny. Début prévisionnel des travaux : début des années 2020.

2 Parc Gustave Eiffel Un pôle industriel et logistique.

3 La coupure verte

Une frange naturelle hors PPEANP qui sera maintenue cultivée sur la commune de Bussy-Saint-Georges.

4 La cueillette du Plessis

5 Le domaine de Fontenelle

6 Jossigny

Bourg agricole de 652 habitants pourvu d’une école primaire, de petits commerces et d’un hôtel trois étoiles.

7 Propriétés ministérielles

Elles comprennent le château et son parc fermés au public, la ferme du château et ses terres (132ha).

8 Le ru de Sainte-Geneviève Busé ou réduit à un fossé agricole.

9 La ferme de Maulny

Encore en activité, elle fait face à la chapelle Saint-Léonard qui tombe en ruines.

10 Le moulin de Belle-Assise 11 La Guette-Famille Rothschild Une ferme, un manoir et une maison de retraite

12 Le parc de la Motte

Un domaine qui s’efface, parfois occupé par les gens du voyage et utilisé comme décharge sauvage.

13 La ferme du Couternois

N’est plus en activité et héberge des sociétés de services.

14 Hôpital de Jossigny Près de 500 lits.

15 La ZAC des Gassets

Comprendra une université proposant des formations sur le tourisme et la santé à 10000 étudiants (à terme), 700 résidences, 200 chambres d’hôtels et une extension des commerces du Val d’Europe. Début prévisionnel des travaux : milieu des années 2020.

16 Arlington Business Park

17 La ZAC du Couternois

Elle sera essentiellement une zone d’activité. Son extrémité nord comprendra 30 logements, des jardins familiaux, des équipement sportifs et une place publique. En cours de réalisation.

18 Centre aquatique 19 Bellesme - La Motte

Les traces du domaine oublié d’un ancien château. Une ripisylve s’est développée dans les douves encore visibles.

20 Le hameau de Bailly

21 Le Poncelet

Au delà du pont piéton se trouve l’accès du personnel du ranch Davy Crockett. La voie se termine en impasse non loin d’une ruine de la ferme du Poncelet.


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dialogue

dialogue _ faire destination

le choix du hameau

À travers les pages précédentes, je me suis attaché à décrire une logique de fonctionnement d’ensemble pour un Val d’Europe qui reste à imaginer. Le système de pôles est ici un moyen d’affirmer le positionnement touristique de ce territoire en encourageant de nouvelles opportunités de synergies locales. L’intérêt touristique régional ne se limite plus à Disneyland Resort Paris car c’est tout un territoire qui devient destination.

Le hameau de Bailly est devenu une enclave publique dans l’emprise Disney après la signature de l’avenant à la convention initiale en 2010. Aujourd’hui, aucun projet ne se dessine précisément pour l’ancien chef-lieu de Bailly-Romainvilliers alors qu’il se trouvera sur l’un des axes de déplacement les plus importants du cluster. Ces différentes raisons évoquées et la dimension patrimoniale unique de cet ancien domaine seigneurial m’ont incitées à le choisir comme site de projet potentiel.

deux protagonistes L’objectif pour la suite de mon travail de fin d’études n’est pas de traiter l’ensemble des pôles identifiés sur le cluster. En effet, un tel projet ne permettrait pas d’aller suffisamment dans le détail pour illustrer les implications spatiales d’un tel système et ses bénéfices pour les populations dans le temps qu’il m’est imparti. Compte-tenu de la concordance de certains projets avec la maturité d’initiatives locales, j’ai choisi d’orienter la suite de ma réflexion sur deux sites déjà en partie présentés au cours de ce mémoire : le hameau de Bailly (p.107) et la plaine de Jossigny (p.133). Aborder ces deux sites de manière distincte n’enrichirait qu’à moitié le système de pôles sur lequel est construit mon raisonnement. Aussi, je m’attacherai à qualifier dans son épaisseur la liaison qui unit ces deux lieux.

l’évidence de la plaine Bien que située dans un environnement très contraint par des infrastructures conséquentes, la plaine de Jossigny apparaît comme l’un des lieux stratégiques du cluster. Elle se situe à la charnière entre le Val d’Europe et ses environs. Je vois l’adoption encore récente du PPEANP, la construction future de deux de ses franges (l’écoquartier Sycomore et le pôle universitaire), la richesse de son patrimoine et la fertilité de ses terres comme autant d’opportunités d’y dessiner un projet de paysage devenu nécessaire et incontournable.


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08

ouverture

1.

2.

3.

4.

1. L’allée délaissée conduisant au portail remarquable de la ferme du Donjon (détail p.88), été 2015. 2. La rue du Poncelet et son envolée vers le pont de la A4, au sud du hameau, été 2015. 3. L’ancien porche de la ferme du Poncelet disparue se laisse apercevoir au-delà d’un portail clos, dans l’impasse du Ranch, hiver 2016. 4. Le passage souterrain peu engageant sous l’avenue Paul Séramy pour rejoindre le bourg, été 2015.


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le hameau de bailly

le hameau de bailly _ état des lieux Le hameau de Bailly est un lieu incontournable dans l’histoire du plateau. ­Précédemment, nous avons vu que son isolement du bourg de la commune provient de l’émergence de nouvelles voies de communication, dont l’autoroute A4 et l’avenue Paul Séramy constituent les coupures physiques les plus importantes. Aujourd’hui, le hameau est dans une situation d’impasse ; adossé au gigantesque échangeur de Bailly-Romainvilliers, il est relié au bourg par un passage souterrain alambiqué sous l’avenue Paul Séramy et connecté à l’entrée du personnel du Ranch Davy Crockett par une passerelle en béton rudimentaire qui enjambe l’autoroute pour terminer dans un cul-de-sac. Sa partie nord-ouest est délimitée par le récent Boulevard de Romainvilliers (D406), qui ne dessert pour l’instant que le centre aquatique sur cette portion de son tracé. Au delà de ce boulevard, le secteur de la Motte constitue un des paysages intermédiaires du Val d’Europe. L’urbanisation de ces parcelles encore cultivées n’est pas prévue avant 2024. Ce sont 1200 logements qui devraient alors y être développés sur une dizaine d’années.

Sur sa frange ouest, le hameau de Bailly sera prochainement bordé par l’Arlington Business Park Paris Val d’Europe en cours de développement : 660 000m2 de bureaux pour des entreprises internationales implantées dans un environnement soigné de 180 hectares. Sur le secteur du hameau proprement dit, aucun programme précis n’est réellement définit. Depuis sa sortie de l’emprise Disney, en 2010, il est question d’en faire un lieu de loisir local, notamment avec l’aménagement d’un parc de 9 hectares. Si un projet de stade Arena ou de résidences de soins sont peut-être envisagés à cet endroit, l’EPA et Val d’Europe Agglomération ne m’ont fait part d’aucun projet bien définit pour ce lieu dont l’aménagement n’est pas prévu avant 2020. D’après l’aménageur, 800 logements pourraient potentiellement s’y construire. Bien que partiellement habité, le hameau tombe dans un abandon progressif. Il dispose pourtant d’un riche patrimoine historique et naturel qui recèle de nombreux atouts pour le réinvestir : la ferme de Vallois, la ferme du Donjon, le donjon, les douves et murs d’un ancien château du XIVe siècle, une église du XIIIe siècle, des mares et des arbres ­remarquables.


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08

ouverture

un passage plus agréable sous l’avenue Paul Séramy

le quartier de la Motte

Bailly-Romainvilliers

une nouvelle percée vers le bourg

Arrêt pôle aquatique

la mare des Champs, un petit espace public

Arrêt bailly - arlington

une allée monumentale pour rejoindre le hameau le Parc du Hameau

adoucir le profil du bassin existant une traversée spectaculaire ! nouvelle configuration des bâtiments prévus à terme

autoroute A4

arrêt du ranch le porche du Poncelet

N

Le hameau de Bailly : l’opportunité d’une escale partagée Schéma d’intentions

200 m bâti existant bâti prévisionnel (Arlington Business Park non modifié) bâti reconfiguré et îlots projetés


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le hameau de bailly

le hameau de bailly

intentions

une escale partagée _

Appelé à devenir un point d’escale privilégié pour les touristes en transit entre les parcs Disneyland et les Villages Nature, le hameau de Bailly sera aussi un lieu de détente pour les Romainvillersois et les employés de la zone d’activité. Ainsi, l’enjeu est d’articuler ses futures liaisons tout en tirant partie de sa richesse patrimoniale.

Restaurer et investir de nouveaux usages le patrimoine bâti

Exemples : cafés-restaurants, brasseries locales, salles de projection, logis insolite. Encadrer l’installation de nouveaux bâtiments au besoin.

La rue du Poncelet, nouvelle rue piétonne

Limiter l’accès à la rue Poncelet aux livraisons pour le Ranch Davy Crockett au bénéfice de sa pratique piétonne.

Privilégier un passage du TCSP dans la zone d’activité Sa desserte profitera au hameau tout en favorisant sa tranquillité piétonne.

Définir des points relais Pour abandonner sa voiture au profit de modes de déplacement doux.

Inciter aux modes de déplacement doux depuis le hameau Grâce à un espace de location de vélos, de triporteur, segway, etc. un patrimoine à transmettre _

Revivre le Bosco - Réinterpréter un rapport au paysage Revisiter l’origine forestière des lieux en organisant un basculement temporel vers le hameau par le biais de portes boisées.

Le Parc du Hameau Développer un imaginaire ludique et historique dans un parc et tirer partie des éléments pré-existants : bassin d’orage, mares, arbres remarquables, etc.

Atténuer la présence de l’échangeur En simulant des continuités visuelles du parc vers le cœur de l’échangeur.

Ménager une approche monumentale Par le biais de perspectives et d’alignements remarquables. une nouvelle pièce de la ville _

Atténuer la limite avec l’Arlington Business Park Tisser des liaisons plus fines entre les quartiers Orienter le futur quartier vers un boulevard vivant et ludique Inciter à traverser Faire de la traversée inconfortable des infrastructures du site un moment agréable, voire spectaculaire, pour renforcer les continuités urbaines.

Faire du hameau de Bailly une escale partagée nécessite de restaurer son patrimoine bâti et d’y définir de nouveaux usages en concertation avec ses derniers habitants. Cette escale devant être facilement accessible pour tous, je mets ainsi l’accent sur sa desserte par le réseau de TCSP et la définition de points relais au bénéfice des pratiques piétonnes. Pour transmettre ce patrimoine historique, je souhaite m’inspirer du rapport originel du domaine à son territoire sans tomber dans une simple reconstitution. Grâce à la mise en scène d’un parc, c’est le Bosco plus que « Bailly » que pourront revivre les usagers, lorsque le prieuré se laissait découvrir à l’orée d’une clairière fraîchement essartée. Une fois le développement de ses environs terminé, le hameau deviendra une nouvelle pièce de la ville ; une situation qu’il est nécessaire d’anticiper en traitant ses franges, l’épaisseur de ses continuités urbaines et la traversée des infrastructures voisines


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08

ouverture

recto 1.

recto 2.

recto 3.

recto 4.


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le hameau de bailly

Bonjour grand-mère,

Salut Arthur,

Comme à mon habitude, je t’écris ma petite carte postale depuis la Seine-et-Marne. Cette année, papa et maman ont bien voulu rester un peu plus longtemps avant de rentrer sur Reims. Maxime et moi profitons de leurs excursions pour nous amuser dans les parcs (c’est pour leur bien, ils n’ont pas à nous attendre dès qu’il y a un looping à l’horizon !). Ci-contre, le donjon d’un petit hameau pas loin de notre hôtel. Ce n’est pas celui de la Belle au Bois Dormant mais les pommes sont excellentes !

Toi qui n’a de cesse de vanter les mérite des bières de ta région, je crois bien que tu vas devoir t’ouvrir à de nouveaux terroirs ! J’ai été agréablement surpris lors d’une dégustation avec Véro hier par la bière du Donjon : cultivée et brassée sur le pas de notre porte ! La prochaine après-midi pluvieuse sera une bonne occasion pour assister à l’un des ateliers de brassage...

Nous avons tout deux hâte de te revoir à la Toussaint,

À lundi au bureau,

Hélène et Maxime

Pierre

verso 1.

verso 2.

Hi Mark !

Cher Philippe,

Do you like the view ? It’s my daily landscape since I’m doing my last internship here, in the new Villages Nature resort. Typical French ! This place is so much different than the other resort I worked in, and of course the food is delicious ! What a pitty we have to go back to school next month, I would rather stay here !

Difficile de prendre le temps de t’écrire, il y a de quoi faire ici ! Hier soir, en rentrant à notre cottage, j’ai eu une petite pensée pour toi. En traversant un vieux village, j’ai aperçu qu’ils projetaient Mon Oncle, de Jacques Tati, dans un séchoir à grains reconverti pour l’occasion. Fais attention sur ton vélo !

Take care and see you soon,

À très vite, ta nièce Caroline verso 3.

David verso 4.


160

08

ouverture

lavoir communal

Ca m

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le parc communal

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le Parc de Belesme

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la mare des Champs

jardins familiaux et esplanade sportive Arrêt gare des meulières

le parvis d’Arlington

le Parc du Hameau

la Place des Meulières

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la Traverse du Couternois

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Jossigny

autoroute A4

TGV

500 m

N

Du hameau à la plaine : entre voyage et excursion Schéma d’intentions

bâti existant emprises à construire dans les ZACS bâti reconfiguré et îlots projetés

1.

1. Piste cyclable ludique et station vélo entr’aperçues depuis la canopée. 2. Une passerelle bien étonnante pour traverser les voies du TGV.

2.


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l’épaisseur d’une liaison

l’épaisseur d’une liaison _ de bailly à jossigny

intentions

un parcours évident _

L’espace compris entre le hameau de Bailly et la plaine de Jossigny regroupe des lieux aux usages variés. Certains sont encore en cours de développement, mais à terme, cet endroit est amené à former un morceau de ville cohérent. Le principe de liaison que je propose ici conforte cette nécessité locale tout en apportant une dimension touristique et ludique aux ­mobilités.

Définir des liaisons cyclables en site propre pour les longues distances

Pour accompagner et sécuriser les itinéraires cyclables les plus fréquentés.

Définir des liaisons plus fines pour les courtes distances En matérialisant sur les trottoirs et accotements des itinéraires à destination des piétons et des cyclistes.

Complémentarité avec réseau de TCSP

Selon les distances à parcourir entre deux pôles, il faut pouvoir envisager de les relier via le réseau de TCSP (nécessité d’un arrêt). Le passage des voies du TCSP devra intégrer si besoin un linéaire cyclable et piéton.

Constituer un chapelet d’espace publics et communautaires

En inscrivant ces espaces sur le tracé des liaisons douces.

Faciliter l’accès aux modes de déplacement doux

Par une implantation stratégique des stations de vélos en libre service (lieux de travail, cœurs de bourg, interconnexion avec d’autres moyens de transport, etc.)

Inciter à la traversée des infrastructures

En assurant une continuité sécurisante et confortable aux pratiques piétonnes. un parcours pédagogique _

?

Indiquer et expliquer le patrimoine local

En favorisant un passage des itinéraires à proximité du petit patrimoine pourvu d’une signalétique adaptée.

f

Montrer et expliquer les fermes

Par une signalétique adaptée pouvant inciter à se rendre dans ces lieux qui sont généralement à vocation culturelle.

Implanter des tables d’orientation dans les points de convergence Pour permettre aux touristes autant qu’aux habitants de se repérer et inciter à la découverte des environs.

un parcours amusant _

Déployer une dimension ludique sur les itinéraires proposés Par des revêtements de sol aux motifs originaux et/ou colorés, mettant à l’épreuve le corps et nos sensations.

Ce principe repose sur la matérialisation d’un parcours évident grâce à des circulations sécurisées et correctement ­signalées. Ces différentes liaisons confortent les pratiques piétonnes en s’appuyant sur une mise en réseau des ­espaces publics existants et à venir. De plus, l’implantation stratégique de stations de vélos en libre service encourage la généralisation de cette pratique. En favorisant le passage des itinéraires doux à proximité du patrimoine local, c’est aussi un parcours pédagogique qui peut être offert aux usagers. Une signalétique adaptée mettra en valeur ce patrimoine et permettra à chacun de s’orienter. Enfin, je trouve important de proposer un parcours amusant, stimulant le corps et les sens, mobilisant le lexique de l’escapade et incitant à la flânerie. Ceci n’est qu’un exemple de liaison entre deux pôles qui peut se généraliser sur le cluster si l’on considère la spécificité de chaque­­ ­­situation.


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08

ouverture

1.

2.

3.

4.

1. L’allée surélevée vers l’ancien portail trahit encore l’origine du Parc de la Motte, automne 2015. 2. Le lavoir en ruines de Jossigny est encaissé dans le sol, sur le cours du ru de Sainte-Geneviève, automne 2015. 3. L’allée monumentale de platanes dans la perspective du château de Jossigny normalement interdite au public, automne 2015. 4. Des champs au fond du jardin : une frange représentative de la commune de Jossigny, automne 2015.


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la plaine de jossigny

la plaine de jossigny _ état des lieux Les horizons lointains et cultivés de la plaine de Jossigny en font une vraie respiration dans la nébuleuse urbaine de Marne-la-Vallée. Bien que des infrastructures contraignantes la traverse, la pérennité de son activité agricole est assurée par le PPEANP interdisant toute construction. À l’exception de deux dents creuses qu’il reste à urbaniser dans sa moitié est, la forme urbaine typiquement briarde de Jossigny semble protégée pour les prochaines générations. Cependant, si l’image du village dans sa plaine est préservée, ses usages ne se sont pas encore accordés à son environnement citadin toujours en projet (pôle universitaire et ­écoquartier ­Sycomore). La plaine de Jossigny est le support d’une agriculture intensive : grandes cultures de blé, maïs, colza, orge, etc. Aucune exploitation n’est en agriculture biologique, bien que certaines affichent des pratiques « raisonnées ». Cette agriculture, qui est venue lécher les franges de la commune, pose des questions d’ordre environnemental (utilisation de produits phytosanitaires dérivés du pétrole) et sanitaire (conséquences de ces produits sur la santé des habitants). De plus, cette production est, pour l’essentiel, dirigée vers les coopératives agricoles des environs. Malgré la prégnance de son activité agricole, la commune ne dénombre qu’un

seul point de vente directe : La ferme de Courberonne. Cette ferme commercialise sa farine et ses pommes de terre d’octobre à avril ainsi que d’autres produits de Marne et Gondoire ou du département (produits laitiers, fruits et légumes, cidre, miel, etc.) Elle est implantée non loin d’une ancienne exploitation horticole dont le propriétaire, parti à la retraite en 2015 sans successeur, vendait les fleurs au marché de Rungis. Les serres et entrepôts de l’exploitation (plus de 1000m2) ont été rachetés par la SAFER qui souhaite les redistribuer prochainement à un agriculteur du secteur. Dans les environs de la commune, on relève différents lieux de production agricole existants ou à venir : la cueillette du Plessis installée sur 10 hectares depuis 5 ans à Chanteloup-en-Brie (fruits, légumes et fleurs), les futurs jardins familiaux de Serris (1,5 hectares) et le projet de cœur agro-urbain dans l’écoquartier de Montévrain (25 hectares de maraîchage). Le bourg est d’une grande authenticité architecturale. Il est pourvu de quelques commerces (boulangerie, cafés, restaurants), d’un hôtel trois étoiles et d’une école primaire. Cependant, le cœur du village, qui regroupe le château et son parc inaccessibles, délimités par deux départementales au trafic rapide, n’est pas propice à l’installation d’espaces publics qu’il repousse à la périphérie.


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la

ouverture

la cueillette du Plessis

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parc du Mont-Évrin

vers l’écoquartier

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Arrêt campus - hôpital l’hôpital et le pôle universitaire accéder à la plaine depuis l’hôpital et l’université

une nouvelle passerelle

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parc du Sycomore

vers Serris

Arrêt jossigny

Arrêt génitoy affirmer le passage de l’autoroute dans la plaine autoroute A4

vers Villages Nature

le moulin de Belle-Assise

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La plaine de Jossigny : de nouveaux rapports à tisser Schéma d’intentions

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500 m bâti existant espaces prochainement construits


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la plaine de jossigny

intentions

une destination commune _

L’enjeu pour la plaine de Jossigny est d’améliorer ses interfaces avec le monde citadin tout en préservant la richesse de ses paysages de grandes cultures. Son bassin de clientèle, la fertilité de ses sols et son patrimoine de caractère sont des atouts de choix pour améliorer la vie locale et l’attrait touristique.

Inciter aux modes de déplacement doux depuis Jossigny

Grâce à un espace de location de vélos, de triporteurs, segways, etc.

Assurer la desserte de la commune par le réseau de TCSP Hiérarchiser de nouveaux cheminements partagés dans la plaine et au-delà Pour renforcer le lien à son contexte citadin sans compromettre l’activité agricole.

Envisager de nouvelles traversées et redessiner les anciennes Simplifier la gestion du trafic au cœur de la commune une histoire à reconquérir _

?

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la plaine de jossigny

Restaurer, indiquer et investir de nouveaux usages le petit patrimoine Le lavoir, le moulin de Belle-Assise, la Chapelle Saint-Léonard.

Ouvrir à de nouvelles pratiques publiques les anciens domaines j Le Château de Jossigny et son parc jardiné, une nouvelle source de revenus touristiques pour la commune.

m Le Parc de la Motte : un lieu éphémère aux portes du Val d’Europe pour les festivités locales.

f Fontenelle : le parc d’un château remarquable à traverser. B Belle-Assise : un domaine relevé par sa gestion forestière. Une campagne briarde dans la ville nouvelle _

Fédérer autour du terroir

Grâce à des micro-fermes complémentaires mettant en valeur les denrées alimentaires, leur production et processus de transformation.

Mettre en scène les fermes dans leur paysage récemment constitué Explorer l’esthétique du champs cultivé Apporter une dimension productive et écologique aux points humides

En y développant des pratiques d’élevages bénéfiques aux environs.

Définir des continuités végétales à différentes échelles

Pour affirmer la traversée des voies de communication, assurer des fonctions climatiques, écosystémiques et ménager des perspectives.

Définir des usages entre village et champs sur les franges de la commune

En inscrivant la plaine sur les grands axes de déplacement du territoire, je souhaite en faire une destination commune. Une position confortée par la hiérarchisation de petits cheminements lui permettant de tisser de nouveaux liens avec ses environs. Par des interventions simples, le patrimoine de Jossigny peut être valorisé et rendu accessible au public. Cette histoire à reconquérir, notamment en mobilisant les leviers d’action du PPEANP, peut renforcer l’attrait touristique de la commune et lui offrir une nouvelle source de revenus. Pour préserver cette campagne briarde dans la ville nouvelle, il est essentiel d’orienter son modèle agricole. S’inspirer des préceptes de l’agroécologie, comme la mise en place d’un modèle extensif, fondé sur la polyculture-élevage ou l’agroforesterie, est une piste à envisager. Les propriétés ministérielles et le PPEANP apparaissent ici comme de bons supports pour promouvoir les bénéfices d’un tel modèle avant d’envisager sa généralisation dans la plaine.


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ouverture

recto 1.

recto 2.

recto 3.

recto 4.


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la plaine de jossigny

Coucou Papi Mamie ! Depuis le début de notre séjour aux Villages Nature, nous avons pris de bonnes résolutions. Papa s’est trouvé des copains pour faire du vélo tous les matins pendant que maman et moi allons chercher du bon lait frais dans une ferme pas très loin. Hier, nous avons été invité par le laitier à une petite fête communale qui se tenait dans un ancien domaine. C’était vraiment chouette et nous avons bien dansés grâce à un petit groupe de musiciens qui dormait sur place. Prenez soin de vous et à très bientôt, Julie

verso 1.

verso 2.

Mon cher Jean,

Chère Juliette,

Quelle ne fut pas mon étonnement lors de ma promenade d’hier soir avec Anna. Non loin de notre hôtel, un club d’astronomie se réunit trois fois par semaine durant la belle saison. Le plus surprenant est sûrement leur lieu de rendez-vous : un vieux lavoir réhabilité en petit centre d’interprétation, à l’écart des lumières de la ville... C’est vraiment génial ! Ils ne sont pas vraiment pros et font surtout ça pour les enfants mais je pense que nous pourrions organiser des rencontres avec eux.

Mon échange Erasmus à l’université du Val d’Europe se termine bientôt et je pense finalement que cet endroit va me manquer. Ces dernières semaines étaient intenses, nous devions prendre en charge les groupes de touristes venus pour visiter le château de Jossigny et son parc. Cette école a vraiment su développer des partenariats intéressants avec les institutions du coin, ça fait plaisir ! De petites fleurs bleues commencent à pointer le bout de leur nez dans les champs que je traverse chaque matin. J’aurais aimé partager ce beau spectacle avec toi.

Astronomiquement, Gérard

verso 3.

Je t’embrasse, Antoine

verso 4.


09 conclusion


le conte est bon Bientôt trente ans après la naissance du projet Eurodisneyland en France et vingt-quatre ans après notre rencontre, ces quelques mois d’investigation m’ont apporté plus de questions que de réponses. Au-delà du « cas Val d’Europe », c’est une réflexion plus vaste et toujours en cours que je souhaite porter sur le rôle accordé au divertissement dans la fabrique contemporaine de nos territoires. Dans ce mémoire, cette thématique fut essentiellement abordé sous l’angle de l’offre de loisirs et de l’attrait touristique qui en découle. Or, le divertissement est avant tout l’expression d’un besoin devenu vital pour l’homme : celui de s’amuser. Cette recherche d’un plaisir individuel ou partagé est devenue l’essence même de ce territoire, allant jusqu’à dévier une ligne de TGV, orienter le tracé d’une autoroute et proscrire les panneaux publicitaires. Si elle ne s’est pas complètement substituée à la quintessence briarde, je m’interroge encore sur ce qui « fait ville » au Val d’Europe. Est-ce une volonté politique, une société naissante, ou cette quête internationale du plaisir qui anime la mécanique urbaine ? Certes atypique, le cas Val d’Europe a le mérite d’illustrer les bénéfices d’un tel système touristique mais également ses dérives. La puissance d’aménagement à l’œuvre sur ce territoire a généré un urbanisme composite dans sa forme et ses représentations. Sans conteste, il en résulte une qualité de vie remarquable dans ce secteur de Marne-la-Vallée. Je me questionne pourtant sur l’avenir d’une telle ville expérimentale et atemporelle ; comment va-t-elle vieillir sans se muséifier ? Une telle opération issue de la puissance publique a-t-elle des chances d’être renouvelée ? Je pense que de telles politiques d’aménagement empêchent la construction d’une réelle histoire collective par la société et incitent au nihilisme. La présence de l’État est pourtant essentielle pour réfréner une vision parfois trop néo‑libérale de la ville. Envisager de faire société autour d’un projet touristique diversifié me paraît ainsi être un bon levier à actionner. Il pose toutefois la question de la gouvernance d’un tel territoire dévoué au loisir et de sa fabrique sociale et démocratique. En procédant par actes constitutifs, je me suis efforcé de rendre accessible à tous la pièce qui se joue actuellement sur cette scène de la Brie. La dimension spatiotemporelle unique de ce territoire impose toutefois de l’arpenter pour en saisir le registre. Les pistes de projets que j’aborde sont le reflet d’un travail en cours. Aussi, mes intentions ne sont-elles pas figées et mes sites d’intervention potentielle ne seront pas forcément traités au même niveau de détail lors du travail de projet. Il en faut peu pour insuffler l’imaginaire au cœur de l’ordinaire et faire du quotidien de la ville un enchantement. Je pense essentiel de construire, vivre et raconter modestement le paysage, sans clôture à l’horizon. Contre le climat anxiogène qui sévit actuellement, un plaisir fédérateur peut s’avérer un bon remède.


170

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bibliographie

bibliographie _ ouvrages théoriques et de réflexion •

bégout, B. 2010, Le Park, Editions Allia

gravari-barbas, M. 2013, Aménager la ville par la culture et le tourisme, Le Moniteur

ottinger, D. 2010, Dreamlands : des parcs d’attractions aux cités du futur, Centre Georges Pompidou service commercial

venturi, R ; Izenour, S ; scott-brown, D. 1972, Learning From Las Vegas, The MIT Press

articles en ligne •

alphandéry, P. 1996, « la nature de Disneyland Paris », Communications, 61 URL : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/ article/comm_0588-8018_1996_num_61_1_1926

atelier sensomoto. 2015, « Zones libres », Revue Openfield n°4, http://www.revue-openfield.net/2014/11/29/zones-libres/

CURNIER, S. 2014, « Programmer le jeu dans l’espace public ? », métropolitiques.eu, URL : http://www.metropolitiques.eu/Programmer-le-jeu-dans-l-espace.html

ghorra-gobin, C. 2003, « Géographie et aire culturelle : témoignage et perspective », Géocarrefour, 78/1 URL : http://geocarrefour.revues.org/92

gravari-barbas, M. 2001, « Les nouveaux loisirs créent-ils un nouvel urbanisme ? », Université d’Angers URL : http://archives-fig-st-die.cndp.fr/actes/actes_2001/barbas/article.htm

gravari-barbas, M. 2006, « La ville à l’ère de la globalisation des loisirs », Espaces 234, Février 2006 URL : http://biblioteca.esec.pt/cdi/ebooks/docs1/Ville_ere_globalisation.pdf

lefebvre, M ; Maulay, A ; agence espace libre. 2015, « Se prendre au jeu », Revue Openfield n°4 URL : http://www.revue-openfield.net/2014/11/29/se-prendre-au-jeu/

pasini, I ; minelli, A ; fleury, A. 2012, « Initiatives agricoles comme antiprojet d’un projet d’urbanistes », Projets de paysage URL : http://www.projetsdepaysage. fr/fr/initiatives_agricoles_comme_antiprojet_d_un_projet_d_urbanistes


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bibliographie

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rapports & présentations •

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Délégation Interministérielle au projet EuroDisney en France. 2010, Signature de l’avenant N° 8 à la convention du 24 Mars 1987 relative au projet EuroDisney en France, dossier de presse

école nationale supérieure du paysage de versailles. 1999, Un Projet d’agriculture Urbaine pour Jossigny, étude commandée par la commune de Jossigny au laboratoire de recherches de l’école, programme agriculture urbaine, dirigé par Pierre Donadieu & André Fleury

epamarne-epafrance. 2010, Projet d’Intérêt Général relatif au secteur IV de Marne-la-Vallée et aux projets Eurodisney et Villages Nature, rapport approuvé par le décret no2010-1081 du 15 septembre 2010, 10p. et ses annexes

euro disney S.C.A. 2010, Avenant à la Convention avec l’État, présentation des implications de l’avenant à la convention

les villages nature de val d’europe sas. 2010, Des Villages Nature en 2015, dossier de presse

études et mémoires •

BRGM. Carte géologique à 1/50000, feuille de Lagny

CAUE 77. 2005, Le devenir des corps de ferme de Seine-et-Marne : guide méthodologique

Desrayaud, G. 2008, Parcellaires fossoyés du Haut Empire des plateaux de la Brie : Jossigny/Serris et Moissy-Cramayel. Approche méthodologique de l’étude des réseaux, Revue archéologique du Centre de la France, Tome 47

direction départementale de l’agriculture et des forêts de seineet-marne. 1987, Carte départementale des terres agricoles, feuille de Lagny

Gentili, F ; escher, K. 2009, Le village mérovingien de Serris au cœur de la ville nouvelle, n°1/2, RAP

sosson, s. 2013, La trame Verte et Bleue du Val d’Europe, étude commandée par EPAFRANCE

Syndicat des transports. 2008, Schéma directeur des liaisons cyclables issu du Plan local des déplacements, rapport phase 2

val d’europe agglomération. 2015, PLUI - PADD, synthèse cartographique, consultation des orientations générales d’aménagement pour le Val d’Europe


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bibliographie

ouvrages spécialisés •

beck, r ; madŒuf, A. 2013, Divertissements et loisirs dans les sociétés urbaines à l’époque moderne et contemporaine, Presses universitaires FrançoisRabelais Disponible en ligne : http://books.openedition.org/pufr/593?lang=fr

belmessous, H. 2009, Le nouveau bonheur français, ou, Le monde selon Disney, Atalante

collectif. 2000, Le patrimoine des communes de Seine-et-Marne, éditions Flohic, Vol.2

conseil général de seine et marne. 2007, Atlas des paysages de Seine-et-Marne

masboungi, A. 2002, Penser la ville par le paysage

OrilLard, C ; Picon, A. 2012, De la ville nouvelle à la ville durable, Marne-la-Vallée

simon, J ; Rouard, M. 1976, Espaces de jeux : de la boîte à sable au terrain d’aventure

témoignages et entretiens •

cambraye, M. Directeur Général aux Services Techniques du SAN, entretien réalisé le 28 octobre 2015

cozon, T. Maraîcher à la cueillette du Plessis de Chanteloup, entretien réalisé le 27 octobre 2015

durand-rival, B. Senior Manager Architecture et Urbanisme chez Euro Disney SCA, entretien réalisé le 28 octobre 2015

maillard, P. Maire de Jossigny, entretien réalisé le 27 octobre 2015

mourani, c. Adjoint au directeur - Direction d’Aménagement Secteur Est, entretiens réalisés le 25 septembre 2015 et le 26 octobre 2015

richomme, P ; richomme, M. Mes grands-parents, entretiens réguliers

specht, H. Paysagiste à l’EPA Marne, entretien réalisé le 26 octobre 2015

verdellet, F. Élu à l’urbanisme de la commune de Coupvray, entretien réalisé le 29 octobre 2015

audio •

gacon, J. 2014, « Sur la route... de Val d’Europe, en Île-de-France », émission Sur la route, France Culture, 55mn

quenehen, M. 2012, « Sur la route... des banlieues: Disneyland », émission Sur la route, France Culture, 54mn


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bibliographie

173

sites internet •

archives départementales de seine et marne. consultation de documents iconographiques, de monographies communales et de plans anciens, URL : http://archives.seine-et-marne.fr/archives-en-ligne

bailly-romainvilliers. site de la commune, consultation d’informations historiques, URL : https://www.bailly-romainvilliers.fr

disney gazette. forum communautaire, consultation d’informations relatives au contenu et à l’avancée des opérations de construction sur le Val d’Europe, URL : http://www.disneygazette.fr

la biodiversité du val d’europe. recensement de la faune et de la flore du Val d’Europe, URL : http://biodiversite.valeurope-san.fr/

Le guide des parcs d’attractions. site, URL : http://guide-parc-attractions.fr/

marne et gondoire. page, Le PPEANP, URL : http://www.marneetgondoire.fr/de/protection-des-espaces/le-ppeanp-192.html

seine & marne.fr. consultattions d’informations relatives à la politique agricole du département, URL : http://www.seine-et-marne.fr/Departement

syndicat d’agglomération nouvelle du val d’europe. consultation de d’informations relatives à l’administration et au phasage des opérations, URL : http://www.valeurope-san.fr/info/FR/00

vidéos •

colt, s. 2015, « Walt Disney », émission Arte, 224mn

des pallières, A. 2001, « Disneyland, mon vieux pays natal », téléfilm, 46mn

duclos, P. 1995, « Eurodisney : il y a 10 ans », émission Info Mag, Production France 3, archive INA, 8mn06s

Gorny, S ; joudi, A. 1991, « Marne-la-Vallée : lever de rideau sur Eurodisney », actualités régionales Ile-de-France, Production France 3, archive INA, 2mn17s

jasselin, P ; Lemasson, E. 1999, « Parc et ville Disney », émission Argent public, Production France 2, 9mn55s

the walt disney company. 1966, « EPCOT / Florida Film », 24mn


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Remerciements

Remerciements _ Tout d’abord, mes remerciements iront aux deux professeurs qui m’ont accompagné durant cette première partie de l’aventure : Bertrand Folléa, pour avoir élargi mon regard, sa vision prospective et ses réflexions stimulantes, Christophe Le Toquin, pour son enthousiasme, sa disponibilité et son refus du décor, Ils iront également aux personnes de l’EPA sans qui il m’aurait été difficile de démêler le sac de nœuds administratif de Marne-la-Vallée : Christophe Mourani, adjoint au directeur, direction d’Aménagement du Secteur Est, Henri Specht et Pierre-Henri Bélières, paysagistes, Mais aussi à Michel Cambraye, directeur général des services techniques de Val d’Europe Agglomération, pour nos échanges et son intérêt porté à mon travail, Je remercie bien-sûr ma famille, et tout particulièrement mes grands parents, pour m’avoir conduit, peut-être un peu sans le vouloir, jusqu’ici, Héloïse, ma chère et tendre, pour son soutien, son sourire et ses attentions de tous les jours, Mon amie Ondine, pour ses relectures attentives et son regard bienveillant sur mon travail, Mais aussi Clémentine et Emma, mes deux colocataires et amies, pour ces belles année partagées, Les copains de l’atelier et au delà, Pour m’avoir supporté au quotidien, pour les rires et les prises de têtes, Je remercie enfin toutes ces personnes rencontrées de manière fortuite ou planifiée, pour leur aide et leurs témoignages livrés gracieusement.


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Remerciements

Terrain de jeux de la Laurierstraat à Amsterdam dans les années 1960, l’un des 700 terrains dessinés par Aldo van Eyck pour la ville. Source : Ed Suister

aldo van eyck (1918-1999), architecte néerlandais engagé dont la vision et les convictions ont animé ma réflexion et continueront je l’espère de le faire. Dans des villes néerlandaises dévastées par la Seconde Guerre mondiale et dont l’essentiel des aires de jeux est de nature privée, Aldo Van Eyck imagine des terrains de jeux initialement temporaires sur des terrains libres ou ravagés par les bombes. Une solution d’urgence empreinte d’une grande créativité qui bercera l’imaginaire des nombreux enfants de l’après-guerre.

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De la brie à disneyland paris Interroger le rôle du divertissement dans la fabrique contemporaine des territoires Je suis né en novembre 1991, trois mois avant qu’un lointain cousin venu d’Amérique ne s’installe dans l’arrière basse‑cour de mes grands parents seine-et-marnais... Le divertissement tient une place déterminante dans les sociétés occidentales. Sa dimension sociale et spatiale influence notre rapport aux autres, notre attachement aux lieux. Il est indissociable du loisir, renvoyant à une notion de « temps libre ». Cette disponibilité temporelle, le divertissement permet de l’occuper d’une manière ludique. En 1992, Euro Disneyland ouvre ses portes aux touristes du monde entier venus se divertir dans l’Est Francilien. Sur d’anciennes terres agricoles de la Brie, le parc s’impose très vite comme une destination touristique incontournable de la région parisienne. Progressivement, les cinq petits bourgs ruraux qui ont accueilli le parc deviennent une ville à part entière : le Val d’Europe. En 2010, un nouvel accord public/privé est signé dans le cadre du projet Euro Disneyland en France. Cet accord marque une volonté politique de conforter le « Cluster Tourisme » de l’Est parisien, notamment à travers un nouveau projet de parc résidentiel exemplaire du point de vue environnemental : les Villages Nature. Aujourd’hui, la maturité du projet touristique et la jeunesse du Val d’Europe apparaissent comme deux opportunités d’agir sur ce lieu complexe. Ils sont pour moi une invitation à imaginer un projet de paysage alliant offre touristique et développement urbain futur. Ce paysage sera nécessairement en mouvement et l’objectif de ce travail de fin d’études est de déceler les potentiels permettant à ce projet de s’établir de manière équilibrée. Avec le temps, il doit pouvoir structurer ce territoire en formation et encourager une dialectique entre le touriste global et ponctuel et l’habitant local et permanent. D’une manière transversale, c’est une réflexion sur la place que peut tenir le divertissement dans la fabrique contemporaine de nos territoires qui dirige ce travail de fin d’études. [...] Au gré de mes visites épisodiques, un rapport distant mais complice s’installe avec Eurodisneyland, la maison de Mickey...

clément daix mémoire de fin d’études L’école de la nature et du paysage - insa cvl 9 rue de la chocolaterie - CS 2902 - 41029 blois cedex


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