Tours • Studio

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ISSN 0299 - 0342

CINÉMAS STUDIO : 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS

N°305 • octobre 2012

La Pirogue un film de Moussa Touré

Soirée courts-métrages

Vague jeune voir page 5


semaine

du 24 au 30 octobre

4

CNP Énergie, quelle alternative au nucléaire ? jeudi FILM + DÉBAT

20h00 C

I

LE JOUR DES CORNEILLES de Jean-Christophe Dessaint À suivre.

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lundi LA RIVIÈRE SANS RETOUR 19h30 1h31’ de Otto Preminger

1h28’

KIRIKOU,

LES HOMMES ET LES FEMMES de Michel Ocelot

Soirée présentée par Alain Bonnet

1h38’

J’ENRAGE samedi DE SON ABSENCE de Sandrine Bonnaire 19h00

mercredi 19h45

2h04’

14h30 17h00 21h15

1h48’

14h15

19h45 14h30 19h45

17h45

+ 16h00 sauf jeudi vendredi

jeudi vendredi

1h55’

APRÈS MAI

REALITY

AU GALOP

de Michæl Haneke

À suivre.

de Louis-Do de Lencquesaing À suivre.

1h29’

PAPERBOY de Lee Daniels

IN ANOTHER COUNTRY de Hong Sangsoo

À suivre.

19h00

17h45 21h30

LA PIROGUE

DANS LA MAISON

17h30 21h30

N

TEMPÊTE SOUS UN CRÂNE À suivre.

1h47’

INTO THE ABYSS À suivre.

1h16’

CÉSAR DOIT MOURIR

LES HOMMES ET LES FEMMES

de Christian Rouaud

de Michel Ocelot

lundi 19h30

M

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1h40’

Carte blanche à Xavier Kawa-Topor 1h55’

VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU

52’

LES PIEDS SUR SCÈNE samedi de Éric Legay Rencontre avec la chorégraphe de Black, Blanc, Beur – Expo

1h48’

QUELQUES HEURES 17h30 DE PRINTEMPS de Stéphane Brizé

GÉBO ET L’OMBRE

1h55’

de Manoel de Oliveira

21h30

17h30 21h30

REALITY

17h15

2h44’ de Matteo Garrone

14h30

17h30

1h31’

de Alain Resnais

21h15 14h15

mer-sam dimanche

Rencontres de danses urbaines É

directeur de l’abbaye de Fontevraud

14h15

14h15 + 17h45-3D + 19h30 + 16h00

Avec Pierre & Christiane Burguière

Programme de courts-métrages

BATMAN

THE DARK KNIGHT RISES 21h00 de Christopher Nolan

1h41’

PAULINE DÉTECTIVE

17h45

21h45

21h45

KIRIKOU,

TOUS AU LARZAC

1h35’

LES SAVEURS DU PALAIS

de Marc Fitoussi

19h45

À suivre.

de Werner Herzog

I

19h30

de Christian Vincent

21h45

CAMILLE REDOUBLE

21h45

1h33’

de Moussa Touré

de François Ozon

de Clara Bouffartigue

C

2012

1h28’

FILM + DÉBAT

1h58’

19h30

1h27’

1h45’

jeudi 19h45

17h00

de Matteo Garrone

1h33’

1h20’

14h30

de Johannes Weiland & Uwe Heidscholler

AMOUR

19h30

sauf jeu-ven

CNP

LE PETIT GRUFFALO 16h15 sauf

de Olivier Assayas Mercredi 24, après la projection de 19h45, rencontre avec le réalisateur et Clément Metayer, Lola Creton, acteurs.

14h15 17h00 19h15 21h30

14h15 17h45 19h30 + 16h00

43’ VF

Rencontre avec la réalisatrice : samedi 27 après la projection de 19h00. 2h02’

du 3 au 9 octobre

1

2012

1h35’

avec Philippe Verdier

N 1h30’ É M

semaine

14h30

DESPUÉS DE LUCÍA

19h30

de Michel François

1h55’

de Noémie Lvovsky

de Paolo & Vittorio Taviani

1h48’

Le film imprévu 08 92 68 37 01 www.studiocine.com

?

Toutes les salles des Studio sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

14h30

LA DETTE

19h30

de Rafael Lewandowdki

Le film imprévu 08 92 68 37 01

www.studiocine.com

www.studiocine.com

?

Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

Cinémas Studio – 2 rue des Ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


semaine

du 10 au 16 octobre

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CNP jeudi

FILM + DÉBAT Algérie : une guerre… Qu’en reste-t-il ?

20h00

de Thierry Démazière avec Alain Ruscio

C

I

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lundi 19h30

1h28’

É

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NOCES D’OR de Luigi Maggi 55’ ASSUNTA SPINA de Gustavo Serena & Francesca Bertini 1h47’

Soirée CHRU-Studio

14h15 17h15 19h15 21h15 14h15

mer-sam dimanche

7, 8, 9, BONIFACE de Pierre-Luc Granjon & Antoine Lanciaux

1h57’ VF-VO

de Mamoru Hosoda

VF

14h30 21h30

PAULINE DÉTECTIVE

LES SAVEURS DU PALAIS

VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU de Alain Resnais

1h30’

LES FILS DU VENT de Bruno le Jean

de Marc Fitoussi

SOUS LA VILLE

DESPUÉS DE LUCÍA

19h00

de Agnieszka Holland

de Michel François

LIKE SOMEONE IN LOVE

Le film imprévu

19h45

I

1h49’

de Abbas Kiarostami

www.studiocine.com

08 92 68 37 01

14h15 17h15 21h15 14h15

21h30

www.studiocine.com

17h15

14h30

19h30

19h30

17h30

14h30

19h30

19h45

17h30

14h30

21h45

19h45

Tous les films sont projetés en version originale (sauf indication contraire).

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KIRIKOU,

17h45 +

LES HOMMES ET LES FEMMES

mer-sam dimanche

de Michel Ocelot

16h00

1h03’ VF

1h41’

1h45’

DANS LA MAISON de François Ozon

1h33’

AU GALOP

de Louis-Do de Lencquesaing

19h45

?

1h28’

de Yves Entenich avec Jean Sauret

N 1h30’ É M

2012

lundi 2h’ PARTENARIAT AVEC LES STUDIO : HOMMAGE À JEAN EUSTACHE 19h30 MES PETITES AMOUREUSES LES ENFANTS LOUPS 17h30 Présenté par Jean Douchet 3h29’ mardi de Mamoru Hosoda 19h30 LA MAMAN ET LA PUTAIN 43’ VF mer-sam 14h15 1h48’ dimanche 17h00 PAPERBOY LE PETIT GRUFFALO 14h15 et 19h15 de Johannes Weiland & Uwe Heidscholler de Lee Daniels 16h15 Atelier : mercredi 14h15 21h30

1h33’

2h24’

14h30

14h30

14h15 21h30

de Christian Vincent

de Matteo Garrone

1h41’

mer-sam dimanche

de Stéphane Brizé

1h55’

REALITY

17h15 +

QUELQUES HEURES 19h30 DE PRINTEMPS

de François Ozon

21h30

VO

16h15

1h48’

DANS LA MAISON 1h55’

20h00

FILM + DÉBAT Une eau de qualité pour tous ici même ?

52’

C

1h35’

1h45’

16h00

de Michel Ocelot

42’

de Jean-Paul Jaud

vendredi 19h45 Soirée Vague Jeune

mer-sam dimanche

CNP jeudi VILLES EN EAU TROUBLE

17h45-3D

mercredi NOS ENFANTS NOUS LES ENFANTS LOUPS 19h45 ACCUSERONT Programme de courts-métrages

14h15 + +

KIRIKOU,

11’

du 17 au 23 octobre

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2012

LES HOMMES ET LES FEMMES

TROUFIONS

55’

semaine

CÉSAR DOIT MOURIR

1h29’

VOUS N’AVEZ ENCORE RIEN VU

2h24’

SOUS LA VILLE

LIKE SOMEONE IN LOVE

de Moussa Touré

de Abbas Kiarostami

de Hong Sangsoo

REALITY de Matteo Garrone

21h00

de Agnieszka Holland

LA PIROGUE

IN ANOTHER COUNTRY

17h30

de Alain Resnais

1h49’

1h55’

21h30

1h55’

de Paolo & Vittorio Taviani

1h27’

19h15

de Marc Fitoussi

Rencontre avec le réalisateur : vendredi 19 après la projection de 19h45. 1h16’

PAULINE DÉTECTIVE

17h45 21h45

1h30’

LES FILS DU VENT

21h45

de Bruno le Jean

Le film imprévu 08 92 68 37 01 www.studiocine.com

?

Films pouvant intéresser les 12-17 ans, (les parents restant juges) au même titre que les adultes.

Cinémas Studio – 2 rue des Ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


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octobre 2012

Éditorial :

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CNP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

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24

interférences

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Du vent dans mes mollets/Àperdre la raison 26

.........

6

à propos de

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7

Partenariat Cinémathèque/Studio

Soirée Vague jeune. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

LES FILMS DE A à Z En bref

Captivantes captives

..........

Rencontres de danses urbaines

Soirée CHRU

interférences

............

.....................................

6 16

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28

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.........................

30

Du vent dans mes mollets à propos de

La Nuit d’en face rencontre

Christophe Sahr rencontre

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30

Vos critiques

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33

Jeune Public

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34

Jean-Xavier Delestrade

bande annonce

Le cinéma documentaire

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hommage

Léos Carax & Chris Marker

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FILM DU MOIS : LA

courts lettrages

Holy Motors . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

PIROGUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

GRILLE PROGRAMME

La cafétéria des Studio

......

pages centrales

Horaires d’ouverture :

gérée par l'association AIR (chantier d'insertion),

accueille les abonnés des Studio tous les jours de 16h00 à 21h45

lundi mercredi jeudi vendredi samedi

sur présentation des cartes abonné et cafétéria.

Tél : 02 47 20 85 77

: : : : :

de 14h00 à 19h00 de 14h00 à 17h00 de 14h00 à 17h00 de 14h00 à 19h00 de 14h30 à 17h00

La bibliothèque est fermée les mardis, dimanches et les vacances scolaires.

Site : www.studiocine.com et un lien vers notre page Facebook : cinémas STUDIO Les STUDIO sont membres de ces associations professionnelles :

EUROPA

AFCAE

ACOR

GNCR

ACC

REGROUPEMENT DES SALLES POUR LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPÉEN

ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET ESSAI

ASSOCIATION DES CINÉMAS DE L’OUEST POUR LA RECHERCHE

GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE

ASSOCIATION DES CINÉMAS DU CENTRE (Membre co-fondateur)

(Membre co-fondateur)

LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS - 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - Mensuel - Prix du numéro 2 €. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Sylvie Bordet, Lucile Bourliaud, Éric Costeix, Isabelle Godeau, Frédéric Grosclaude, Jean-François Pelle, Claude du Peyrat, Dominique Plumecocq, Claire Prual, Éric Rambeau, Roselyne Savard, Marcelle Schotte, avec la participation de Lucie Jurvilier et de la commission Jeune Public. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Rambeau – MISE EN PAGES & EN IMAGES : Francis Bordet. ÉQUIPE DE RÉALISATION : Éric Besnier, Roselyne Guérineau – DIRECTEUR : Philippe Lecocq – IMPRIMÉ par PRÉSENCE GRAPHIQUE, Monts (37)

Présence graphique contribue à la préservation de l’environnement et atteste être reconnu IMPRIM’VERT.


éditorial

E

n toute modestie, avec ses plus de 25 000 abonnés, les Carnets des Studio sont peut-être l’une des revues de cinéma disposant de l’un des plus grands nombres d’abonnés… Tous les mois, les Carnets s’essaient d’être le lien entre les spectateurs et le cinéma auxquels ils sont souvent fidèles. Longtemps imprimés dans le sous-sol des Studio, ils ont connu ces dernières années de nombreux changements pour essayer d’être en phase avec leur époque. Dans une première partie, de la page 4 à la page 15, sont présentés les films qui seront projetés sur les sept écrans de la rue des Ursulines durant le mois, ainsi que les soirées du CNP et de la Cinémathèque. Comme les onze membres de l’équipe de rédaction sont tous bénévoles, un certain nombre des films sont présentés sans avoir été vus… en faisant la synthèse de plusieurs articles de presse ou parus sur internet (les sources sont citées à la fin de chaque fiche). Quand un rédacteur a eu la chance de voir le film (sur DVD, en avant-première ou lors de festivals), la fiche du film est signée. Sur le site des Studio, nous essayons d’actualiser les fiches au fur et à mesure de leur visionnement. On s’étonne parfois qu’il n’y ait pas de fiche franchement négative

dans les Carnets : la programmation des Studio étant totalement indépendante, nous ne passons que des films que nous avons envie de défendre ! Bien sûr, hélas, comme vous, il nous arrive parfois d’être déçus par un film que nous pensions digne d’intérêt ! Nos critiques éventuellement négatives paraîtront dans la deuxième partie des Carnets de la page 18 à la page 32. Confrontations entre plusieurs films ou entre des avis différents, comptes rendus des activités des Studio (venues de réalisateurs, festivals, soirées…) parallèles entre des livres et des films. Quant aux avis des spectateurs que l’on peut par ailleurs lire en ligne pour chacun des films projetés, une sélection en paraît tous les mois dans la rubrique Vos Critiques de la page 33. Les Carnets s’achèvent rituellement par le Film du mois : un film sur lequel l’équipe de rédaction a voulu donner un coup de projecteur ; après bien des discussions, nous essayons de vous donner envie d’aller voir un film qui n’a souvent ni les moyens, ni des acteurs ou un réalisateur à la notoriété suffisante pour séduire les médias. Bonne lecture. DP pour l’équipe de Rédaction

Les CARNETS du STUDIO

n°305

octobre 2012

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jeudi 18 octobre - 20h00 Le CNP, ATTAC, la SEPANT, Convergences 37 proposent :

jeudi 4 octobre - 19h45 Le CNP propose un ciné-debat :

TOUS AU LARZAC Un film de Christian Rouaud – 2011 – 1H58 Ce documentaire relate la longue lutte des paysans du Larzac contre l’Etat : les acteurs de la révolte témoignent… Tout commence en 1970, avec le projet d’extension du camp militaire du Larzac de 3000 à 17 000 hectares. La lutte du Larzac devient vite un enjeu national. Les paysans et le Mouvement Larzac, composé de militants variés dont la jeunesse issue de l’expérience de Mai 68, vont faire preuve d’une grande créativité en développant des actions variées et pensées de manière collective. Après la projection du film, débat avec Pierre et christiane burguière, acteurs de la lutte du Larzac et membres de l’APAL (Association pour l’aménagement du Larzac).

jeudi 11 octobre - 20h00 Le CNP, la Ligue des Droits de l’Homme et les Amis du Monde diplomatique proposent :

ALGÉRIE : UNE GUERRE, LES ACCORDS D’EVIAN… QU’EN RESTE-T-IL ? Un territoire, des peuples, un conflit, 130 ans de colonisation, huit ans de guerre… 50 ans après la fin des hostilités en Algérie, les passions restent vives et les cicatrices toujours béantes. Peut-on aujourd’hui parler des sujets restés longtemps tabous : colonisation, pieds noirs, harkis, tortures, humiliations... ? Et que reste til, en 2012, des accords d’Evian signés le 19 mars 1962 ? Il faut, dit on, deux générations à la mémoire collective pour mettre des mots sur ce qui a été impensable … C’est la mémoire de 5 témoins, appelés à 20 ans à « pacifier » l’Algérie, qui s’exprime aujourd’hui dans le film troufions de Thierry Demazière et Alain Teurlai– France – 2011– 55’. Suivra un débat avec la participation d’alain ruscio, historien du fait colonial.

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Les CARNETS du STUDIO

n°305

octobre 2012

UNE EAU DE QUALITE DISPONIBLE POUR TOUS, ICI-MÊME ! Eau : ressource précieuse, vitale, mais se dégradant! Parfois hors normes de qualité pour plus de 20 000 tourangeaux, même si à TOURS elle sort, bonne, de nappes cénomaniennes ... en baisse de niveau! Gestion de l’eau ? Intercommunale à 60%, mais… déléguée à 3 trusts qui en tirent profits ! De ville à ville, d’usages agricoles à industriels, les eaux sont ici à prix variables. Prix, distribution, qualité, entretien...s’amélioreraient en régie publique. A terme, une politique publique de l’eau, en zones rurales comme urbaines libèreraient les communes des trusts... Exigences légitimes : qualité améliorée, prix égalisé, contrôle démocratique de l’eau, pour tous! film : Villes en eaux troubles – Yves Entenich -2010 – 52mn débat avec la participation de Jacques sauret, Président Sivom Tours.

jeudi 25 octobre - 20h00 Le CNP, l’ACRO, Alternatives 37, ATTAC, le Réseau Sortir du Nucléaire proposent :

ÉNERGIE, QUELLES ALTERNATIVES AU NUCLÉAIRE ? Le débat sur la sortie du nucléaire suscite souvent la question : « Mais par quoi le remplacezvous ? ». La propagande du lobby nucléaire a tellement bien fonctionné depuis 50 ans que chacun s’inquiète de ne pouvoir faire autrement ! Rappelons que l’électricité nucléaire ne représente que 17% de nos besoins énergétiques en France (2% dans le monde). Ainsi vue, la possibilité de parvenir à réduire nos consommations, et donc nos productions, paraît moins insensée... Le Japon vient, hélas, de le prouver ! film suivi d’un débat avec la participation de Philippe Verdier, urbaniste, animateur de Virage Energie Centre. Le concept NEGAWATT s’appuie sur le principe qu’il vaut mieux investir dans l’économie d’énergie que poursuivre surconsommation et surproduction !

Black, Blanc, Beur mène la danse… Multiculturelles et ouvertes à tous, les Rencontres de Danses Urbaines ouvriront leur 15e édition aux Studio, dans une ambiance où danse hip hop, musique, cinéma et photo d’art s’accordent pour relever ensemble, du 6 au 14 octobre, le défi d’un perpétuel renouvellement des genres et des formes d’arts urbains. Samedi 6 octobre, à 17h30 aux Studio, que la fête commence ! Les Pieds sur scène France – 2006 – 52’, documentaire de Éric Legay, avec la Cie Black, Blanc, Beur.

Dans un tempo sans répit et avec sa démarche singulière, Christine Coudun, chorégraphe internationalement reconnue de la compagnie Black Blanc Beur, orchestre plusieurs créations emblématiques de son projet artistique; avec DJ Mouss pour accompagner les envolées pleines d’humour de Défilles ; avec le surprenant pouvoir de dérision des danseurs de Break Quintet et, bien loin des stéréotypes, avec une vision étonnamment charnelle de la relation homme-femme au travers du questionnement : Si je t’M… Et chacun retrouvera, dans ces citations spectaculaires, le vocabulaire virtuose de la breakdance, celui-là même qui permit à la chorégraphe, à partir des Mémoires d’avenir des

jeunes des quartiers, d’écrire une partition personnelle à la dimension universelle. Dans ce documentaire captivant, le cinéaste Eric Legay en est un traducteur fidèle et sensible… FC

En 2001, la Cie Black Blanc Beur était venue danser à l’Espace Malraux pour les 4e RDU. Après le film, rencontre avec la chorégraphe Christine Coudun suivie d’un pot offert par les Studio. EXPOSITION : Photographies de Joué images 37 dans le hall : RDU… 15 ANS, 15 PHOTOS ! Programme complet aux Studio + www.rdu37.info

soirée Vague Jeune Vendredi 12 octobre, 19h45 Les Cinémas Studio et la Vague Jeune vous invitent officiellement à leur soirée courts-métrages du vendredi 12 octobre. Si vous aimez le cinéma, ses découvertes et ses perles qui empruntent des chemins de traverse, vous serez comblés par cette soirée courts-métrages qui accueillera diverses productions locales. Un pot

sera organisé à l’issue des séances dans une ambiance amicale et conviviale. À noter sans faute sur votre agenda, donc : vendredi 12 octobre, soirée court-métrages avec la Vague Jeune à 19h45. À prévoir trois euros et un peu de temps pour l’après-séance ! Les CARNETS du STUDIO

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Partenariat Cinémathèque/Studio

Débat avec le CHRU – Mercredi 10 octobre, 19h45 Pour le CHRU de Tours (plus gros employeur de la région Centre) les problématiques de développement durable sont de véritables enjeux stratégiques. En effet, outre l’obligation d’exemplarité, un établissement hospitalier se doit de réfléchir à son impact sur son environnement. L’échelle de ses consommations (eau, énergie, carburant...) est telle qu’elle impose de mettre en œuvre des mesures qui les réduisent sans entraver sa mission première : des soins de qualité. Ainsi, depuis cinq ans, un comité de pilotage pluridisciplinaire met en œuvre des projets ciblés qui permettent de générer également des économies financières. En tant qu’acteur économique, acteur de prévention, une soirée ciné/débat grand public est une aubaine pour sensibiliser toujours

Jean Eustache (1938-1981)

M

algré de nombreuses autres réalisations restées plutôt marginales, Jean Eustache est l’homme de deux films : La Maman et la putain (en 1973, avec Jean-Pierre Léaud, Françoise Lebrun et Bernadette Laffont) et Mes petites amoureuses (en 1974). Le premier, après avoir remporté le Prix spécial du Jury à Cannes en 1973, est devenu un film-culte : toute une génération, celle de mai 68, s’y est reconnue et/ou identifiée. Le second, plus autobiographique, est un échec commercial : seuls les cinéphiles y ont reconnu une œuvre réussie. Après 1974, Jean Eustache semble n’être plus que l’ombre de lui-même. Son suicide en 1981, à l’âge de 43 ans, contribue à lancer la légende du cinéaste-maudit, marginal incompris. Reste aujourd’hui un cinéaste essentiel, personnel, exigeant, à redécouvrir d’urgence. LUNDI 22 OCTOBRE À 19H30

Mes petites amoureuses France – 1974 – 2h, avec Jacqueline Dufranne, Ingrid Caven, Henri Martinez, Martin Loeb…

Le film s’inspire de la fin de l’enfance et des débuts dans l’adolescence du cinéaste. Son personnage s’appelle Daniel : pendant sa communion, il ressent son premier émoi sexuel en voyant une fillette en aube blanche. Sa mère lui fait quitter l’école et le met en apprentissage. Fin de l’enfance : ses désirs d’étudier s’effondrent avec. Il découvre le monde adulte, étouffant, le monde du travail, aliénant. Mais il y a les filles, belles et attirantes. Néanmoins : comment les séduire quand on

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Les CARNETS du STUDIO

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est timide ? Toutes les portes du monde sontelles fermées ? Mes petites amoureuses est un film d’apprentissage, plutôt désabusé, qui annonce la révolte de la génération de mai 68. La projection sera suivie d’un débat animé par Jean Douchet, historien et critique de cinéma. MARDI 23 OCTOBRE À 19H30

La Maman et la putain France – 1973 – 3h40, avec Jean-Pierre Léaud, Françoise Lebrun et Bernadette Laffont…

Autant Mes petites amoureuses était un film silencieux, autant et la putain (tourné un an plus tôt) déborde de dialogues infinis. Alexandre (qui est une sorte de double du cinéaste), intellectuel désœuvré, vit avec Marie, sa maîtresse. Mais il aime Gilberte, qui va se marier et ne veut plus de lui. Il rencontre Veronika dont il tombe amoureux. Il veut vivre alors une double relation, avec Marie et Veronika, sans rien leur cacher. Situation inextricable, source de malentendus, de jalousies (bien sûr), de frustrations. Alexandre croit que tout peut se résoudre dans la discussion : d’où des dialogues, longs, passionnés, dans les chambres, dans les cafés, et des solutions qui refusent de se mettre en place. La maman et la putain est le film d’une génération qui a voulu réinventer l’amour, le couple, la famille. La vie tout simplement. Mais en 1973, elle sait déjà que l’avenir sera terne. L’œuvre d’Eustache est portée par des comédiens inspirés, une esthétique proustienne qui s’appuie sur un noir-et-blanc prisé de vague (voir Godard, Truffaut à l’époque). CdP

davantage les personnels et les tourangeaux. Le débat sera précédé de la projection du documentaire :

Nos enfants nous accuseront France – 2008 – 1h48, de Jean-Paul Jaud

Une municipalité du Gard, Barjac, décide d’introduire le bio dans la cantine scolaire du village. Le réalisateur dresse un portrait sans concession de la tragédie écologique qui attend les générations à venir : l’empoisonnement de nos campagnes par la chimie (76 000 tonnes de pesticides déversées chaque année sur notre pays) et les dégâts occasionnés à la santé publique. Le mot d’ordre est : ne pas seulement constater les ravages, mais trouver tout de suite les moyens d’agir, pour que, demain, nos enfants ne nous accusent pas.

w w w . s t u d i o c i n e . c o m

sur le site des Studio (cliquer sur : Plus d’infos, pour entrer dans la fiche film), vous trouverez des présentations signées des films que les rédacteurs auront vus après leur sortie en salle. Les fiches non signées ont été établies de manière neutre à partir des informations disponibles au moment où nous imprimons.

Les films de A à Z 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com aVant les films, dans les salles, au mois d’octobre : • Think Bach de Édouard Ferlet (studio 1-2-4-5-6) • The Absence de Melody Gardot (studio 3 et 7). Musiques sélectionnées par Eric Pétry de RCF St Martin.

7, 8, 9, Boniface Voir pages Jeune Public.

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Amour

Autriche/France – 2012 – 2h07, de Michael Haneke, avec Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert…

Georges et Anne sont octogénaires, professeurs de musique à la retraite. Ils coulent des jours heureux et paisibles dans leur grand appartement parisien où leur fille, également musicienne, leur rend de

temps en temps visite. Mais un jour Anne a une perte de mémoire… On a déjà beaucoup parlé du film lors de sa présentation au festival de Cannes où il a obtenu la Palme d’or (la seconde pour Michael Haneke, après Le Ruban blanc). Ce n’est pas une raison pour s’en méfier. Cet Amour qui unit le couple et qui est mis à rude épreuve tient ses promesses tout en réussissant à nous surprendre. Ce n’est pas une expression galvaudée de dire que ce film d’une violente douceur nous bouleverse. Les CARNETS du STUDIO

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On a aussi beaucoup loué le couple formé par Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, là encore, pas de déception, ils sont exceptionnels. Et le film porte bien son titre, en sortant de la salle on les aime profondément. JF

ment décidé à plonger dans Gotham dans le chaos. Parfois divisée sur les intentions « politiques » de Christopher Nolan, la critique est toutefois quasi unanime à saluer la maîtrise et la puissance d’un cinéaste qui a déjà à plusieurs reprises fait la preuve de sa puissance visionnaire (Memento, Inception...)

Mercredi 24, après la projection de 19h45, rencontre avec le réalisateur et Clément Metayer, Lola Creton, acteurs.

Filmographie succinte : L’Eau froide (94) Clean (04) - Carlos (10)

Au galop

Après mai

France – 2012 – 2h02 – de Olivier Assayas, avec Clément Métayer, Lola Creton…

Région parisienne, début des années 70 : jeune lycéen, Gilles est pris dans l’effervescence politique et créatrice de son temps. Comme ses camarades, il est tiraillé entre un engagement radical et des aspirations plus personnelles avant de devoir faire des choix décisifs pour trouver leur place dans une époque tumultueuse. Avec Après Mai, O. Assayas a apporté dans la compétition vénitienne (Prix du meilleur scénario) une belle fresque autobiographique qui fait revivre avec justesse et intelligence le temps de son adolescence: « Ce n’est plus le moment authentiquement révolutionnaire de Mai 68, mais son sillage.» En suivant le petit groupe ultra politisé de terminales d’un lycée de banlieue (dont on reconnaitra aisément en son protagoniste principal le double d’Assayas), le cinéaste parvient à brasser finement toute une époque : de la libération sexuelle aux conflits entre les diverses fractions de la gauche, de l’explosion du rock à l’avènement des drogues, des luttes ouvrières au rôle de l’art dans les transformations sociales, des jeans pattes d’eph aux vélosolex, de la tension entre espoirs collectifs et ambitions individuelles... Parsemé de judicieux extraits de livres et de films, « Après mai est une réussite totale, l’un des grands films sur la jeunesse et sur les années soixante-dix. » Les Inrocks. Sources : festival de Venise, Le figaro, allociné, les inrocks…

France – 2011 – 1h33, de Louis-Do de Lencquesaing, avec Marthe Keller, Valentina Cervi, Alice de Lencquesaing, Xavier Beauvois…

C’est l’histoire d’une rencontre, une histoire d’amour et de deuil à la fois. Lui tombe amoureux le jour où il perd son père. Elle vit en couple. Lui a une fille au caractère bien trempée et une mère fantasque, des plus envahissantes. Ce sont les mille détails de la mise en scène, la complicité des liens familiaux, la folie douce de Marthe Keller (la mère), la justesse d’Alice de Lencquesaing, fille de à la ville comme à l’écran, qui emportent l’adhésion. Au galop, film tendre et remuant comme la vraie vie quand elle s’accélère est servi par des acteurs impressionnants de naturel. Louis-Do de Lencquesaing devient réalisateur pour un premier film qu’il qualifie d’autobiographique. Au galop a été présenté à Cannes à la Semaine de la Critique.

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C

Sources : dossier de presse.

Vendredi 19 octobre, 19h45 : avant première du film Au Galop et rencontre avec le réalisateur Louis-Do de Lencquesaing et (sous réserve Alice de Lencquesaing)

Batman, The Dark Knight Rises USA – 2012 – 2h44, de Christopher Nolan, avec Christian Bale, Gary Oldman, Tom Hardy…

Huit ans déjà que Batman s’est éclipsé et n’a plus donné signe de vie. Il avait accepté de se sacrifier pour sauver la réputation d’un politicien, jugé capable de débarrasser Gotham City de l’emprise de la mafia. Mais voici que ressurgissent de nouvelles menaces, incarnées notamment par Bane, une sorte de redoutable terroriste ferme-

les fiches paraphées correspondent à des films vus par le rédacteur.

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Sources : rollingstone.com, lesinrocks.com…

B

Camille redouble

France – 2012 – 1h55, de Noémie Lvovsky, avec Noémie Lvovsky, Samir Guesmi, Judith Chemla, B. Podalydès, M. Amalric…

Ah ! L’inexorable avancée du temps avec son cortège de lancinantes questions existentielles… Noémie Lvovsky nous invite, avec Camille redouble, à la résolution de son équation personnelle, très personnelle même, car elle est réalisatrice, scénariste et actrice du film : actrice parvenue à la quarantaine, avec un peu de casse, puisque son mari la quitte pour une femme plus jeune qu’elle, Camille se retrouve catapultée à l’âge de 16 ans avec son corps de quadragénaire, sa mémoire intacte, miracle du cinéma et de l’imagination. A seize ans, on découvre… le premier émoi amoureux, les franches rigolades sur la sexualité avec les copines, et les parents semblent ne jamais plus vieillir. L’élan vital l’emporte sur toute interrogation morbide. Alors, que faire de ce que l’on a appris de la vie et que les autres ne savent pas encore ? Recommencer, ou changer tout, quand on croit pouvoir influer sur le cours des choses ? Réponse de Noémie/Camille : les deux ! CP

César doit mourir

Italie – 2012 – 1h17, film documentaire de Paolo et Vittorio Taviani.

Dans le quartier de haute sécurité d’une prison de Rome, des détenus condamnés

à de lourdes peines montent Jules César de Shakespeare. Pendant 6 mois, les deux cinéastes octogénaires ont filmé les répétitions à l’intérieur de la prison. Tourné en noir et blanc, ce film atypique, documentaire mais où tout a été écrit, découpé, pensé, montrent comment les prisonniers se laissent peu à peu imprégner par leur rôle, la pièce du dramaturge anglais venant en résonnance avec leur propre vie. Ils se révèlent au fil du film et avant les couleurs de la représentation publique de magnifiques acteurs. Ce projet expérimental réussi a reçu l’Ours d’or du dernier festival de Berlin, 5 David (les César italiens) et a été vu par plus de 130 000 spectateurs transalpins (un record pour ce genre de film). « La trahison et le meurtre figurent dans l’œuvre de Shakespeare et renvoient à la réalité des détenus. Bien sûr ils sont coupables mais ils n’en sont pas moins des êtres humains ». DP Filmographie sélective : Padre padrone (77) – La Nuit de San Lorenzo (82) – Kaos (84)

Dans la maison

France – 2011 – 1h45 de François Ozon, avec Fabrice Luchini, Kristin Scott-Thomas, Emmanuelle Seigner…

D

C’est une histoire de fascination morbide qu’a choisi de raconter François Ozon en adaptant la pièce de Juan Mayorga : un professeur de français désabusé retrouve le goût d’enseigner grâce à un élève atypique et brillant. Il l’encourage à écrire, à retravailler ses textes, une sorte de feuilleton évoquant la famille d’un de ses camarades de cours. L’élève va se montrer extrêmement réceptif aux conseils de son mentor, à tel point qu’il va, notamment, prendre au pied de la lettre celui de s’approcher au plus près de ses personnages. Ainsi sous prétexte de nourrir sa fiction, il va progressivement s’immiscer dans la maison et dans la vie de cette famille et enclencher

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une spirale infernale. Gageons que comme à son habitude, Ozon va se délecter à faire exploser la cellule familiale. Sources : lefigaro.fr ; françois-ozon.com

Filmographie succincte : Sitcom (1998), Sous le sable (2000), 8 femmes (2001), Swimming Pool (2003), Le Temps qui reste (2005), Potiche (2010)

Despues de Lucia Mexique – 2012 – 1h33, de Michel Franco, avec Tessa La, Hernan Mendoza…

Alejandra, quinze ans, et son père, Roberto, emménagent à Mexico. Dans son nouveau lycée, Alejandra se fait des amis issus de milieux aisés. Lors d’une fête, elle couche avec l’un d’entre eux qui diffuse les images de leurs ébats sur internet. Conspuée par ses pairs, elle devient vite leur ssouffre-douleur… Michel Franco, auteur remarqué de Daniel y Ana, frappe très fort. On ne peut qu’être bousculé par son film qui risque d’animer de nombreux débats. Il y a effectivement quelques scènes éprouvantes mais c’est plus par le témoignage qu’elles apportent sur la société mexicaine (même si c’est à la jeunesse universelle que l’on pense) que par ce qu’elles montrent. Car c’est avant tout la mise en scène, élaborée, implacable, qui frappe et qui évite de tomber dans le moralisme, la complaisance ou le voyeurisme. À ce titre, quelques scènes sont inoubliables et en particulier le très long plan séquence final sidérant qui n’a pas fini de nous hanter. Grand prix de la section Un certain regard, Cannes 2012. JF

La Dette

France/Pologne – 2012 – 1h48, de Rafael Lewandowski, avec Borys Szyc, Marian Dziedziel, Magdalena Czerwinska.

À son retour d’un voyage en France, Pawel constate avec stupéfaction que la photo de son père fait la une d’un journal

polonais. Considéré jusqu’alors comme l’un des héros du syndicat Solidarnosc, le père de Pawel est aujourd’hui soupçonné d’avoir été une taupe au service du régime. Pour son premier long métrage de fiction Rafael Lewandowski pointe le problème de l’histoire nationale sous l’angle du conflit des générations ; ou comment un fils hérite d’une histoire trouble, trop lourde à porter… La Dette a été présentée dans plusieurs festivals et les critiques sont élogieuses : « … un argument de thriller politique. Cinglant » (Positif), un film qui « séduit par son souci de vérité » (Télérama). « Un polar familial et mémoriel, requérant avec habileté les codes du film noir. » (CinéObs).

Les Enfants loups Voir pages Jeune Public.

Les Fils du vent

France – 2012 – 1h30 – documentaire de Bruno Le Jean, avec Ninine Garcia, Moréno, Angélo Debarre et Tchavolo Schmitt.

Le swing de Django souffle en permanence sur leur guitare. Ils sont libres, poignants et fraternels. Ce sont « Les Fils du vent » quatre fortes personnalités de la musique manouche. Ce n’est pas tant les concerts que le réalisateur a captés mais plutôt l’âme de ses héros. Il le fait avec un sens du cadrage et du mouvement où tout est réuni : l’émotion, l’humour, la poésie. Mais il est aussi question dans ce documentaire ciselé avec tact et sensibilité, des conditions parfois révoltantes dans lesquelles doivent vivre les gens du voyage : carnet de circulation, points d’eau inaccessibles, contrôles... Il paraît qu’en plus, les amateurs de bons mots et de petites phrases anthologiques ne seront pas déçus. Sources : djangostation.com, site du festival de La Rochelle.

G

Gébo et l’ombre France – 2012 – 1h31, de Manoel de Oliveira, avec Michael Lonsdale, Claudia Cardinale, Leonor Silveira, Ricardo Trêpa, Jeanne Moreau…

Malgré l’âge et la fatigue, Gébo continue à être comptable pour nourrir sa famille. Il vit avec sa femme, Doroteia, et leur belle-fille, Sofia. L’absence du fils, Joao, occupe tous les esprits. Gébo cache-t-il quelque chose à son sujet ? Et si Doroteia attend son retour impatiemment, Sofia, elle, semble le redouter. De manière soudaine, Joao réapparaît… Et un film de plus dans l’incroyable carrière de Manoel de Oliveira (104 ans en décembre prochain tout de même). Gébo et l’ombre est l’adaptation d’une pièce de théâtre portugaise et un film touchant sur la filiation et les espoirs déçus. Le tout est soutenu par des petits nouveaux dans son univers (Michael Lonsdale, Claudia Cardinale et Jeanne Moreau qui ont tous l’âge d’être les enfants du réalisateur), et par les fidèles Leonor Silveira, Luis Miguel Cintra, Ricardo Trêpa (le propre petit fils de Manoel de Oliveira). JF

E F I

InCorée-France Another Country – 2012 – 1h29, de Sang-soo Hong, avec Isabelle Huppert, Kwon Hye-Yo…

Qu’y a-t-il de commun entre a) une cinéaste venue retrouver des amis et qui a (peut-être) eu une aventure avec le mari de ce couple, b) une autre femme qui attend un metteur en scène et discute avec un maître nageur et (c) une femme seule dont le mari vient de partir avec un Coréen ? Eh bien, toutes trois sont interprétées par I. Huppert et toutes trois sont censées être les produits de l’imagination d’une jeune femme coréenne, coincée dans une résidence balnéaire et qui se met à écrire trois scénarios mettant tous trois en scène une touriste française de passage dans la région.

Sang-soo Hong aime jouer avec les formes, s’amuser avec le récit sans pour autant livrer des comédies débridées. Très remarqué par la critique pour ses précédents films (Matins calmes à Séoul, Hahaha, Night and day…), Sang-soo Hong pourrait ici trouver la porte d’entrée qui lui manquait pour accéder à un public cinéphile un peu plus large : I. Huppert passe rarement inaperçue dans les rôles qu’elle choisit. Sources : hollywood reporter, plumenoire.com

Into The Abyss USA – 2011 – 1h47, de Werner Herzog. Michael Perry est un condamné à mort texan qui attend la mort à Huntsville, la prison américaine qui exécute le plus de criminels. Lorsque Herzog commence son film, Perry n’a plus que huit jours à vivre. Il a tué trois personnes pour s’emparer d’une voiture… Pas précisément un enfant de chœur, probablement pas non plus un génie du crime… Son complice, lui, a été condamné à 40 ans de prison. Herzog va discuter avec ces deux criminels mais aussi avec les familles des victimes, et des responsables du système carcéral. L’idée n’est certainement pas celle d’une dénonciation de la peine de mort, plutôt d’une approche aussi serrée que possible des différents tenants et aboutissants de cette quasi exception culturelle : les USA sont, avec le Japon, le seul pays démocratique qui pratique encore la peine de mort (et la pratique à grande échelle !) Herzog est depuis longtemps un cinéaste avec qui l’on sait qu’il faut compter ; qu’il tourne des fictions délirantes (Aguirre) ou des documentaires (La Grotte des rêves perdus), il ne laisse jamais indifférent ! Sources : Les Inrockuptibles n° 872, rogerebert.suntimes.com…

film proposé au jeune public, les parents restant juges.

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J

J’enrage de son absence 2012 – France, Luxembourg, Belgique – 1h38 – de Sandrine Bonnaire,

Kirikou, les hommes et les femmes

avec William Hurt, Alexandra Lamy, Augustin Legrand, Jalil Mehenni…

Voir pages jeune public

Sandrine Bonnaire nous avait bouleversés avec son documentaire consacré à sa sœur autiste « Elle s’appelait Sabine ». Avec cette première fiction qui s’inspire d’un événement survenu alors qu’elle était encore enfant, elle signe un film magnifique aux dires de tous ceux qui l’ont vu lors de sa présentation à la quinzaine des réalisateurs de Cannes. Inspiré d’une histoire vraie, J’enrage de son absence nous raconte l’histoire d’un couple, Jacques (William Hurt) et Mado (Alexandra Lamy), dont le fils est décédé accidentellement il y a une dizaine d’années. Lorsqu’ils se retrouvent, le père devient obsédé par le petit garçon de 7 ans qu’elle a eu d’une autre union. Entre cet homme et l’enfant, un lien fort et inquiétant se crée dans le secret d’une cave. Avec une maîtrise étonnante, une mise en scène sobre et une grande économie de mots, S. Bonnaire parvient à nous « impliquer » dans son drame, avec intensité et empathie. Sans jamais tomber dans le pathos, elle nous enferme peu à peu dans le cauchemar de ses personnages, et nous livre un message fort sur le deuil et la paternité. Un film magistral et bouleversant… Sources : Allo-ciné, Première, cinéobs de Cannes 2012, toutelaculture.com

samedi 27 octobre-19h00 : avant première du film J’enRAge de Son ABSenCe et rencontre avec la réalisatrice sandrine bonnaire

Le Jour des Corneilles Voir pages Jeune Public.

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Like Someone in Love France-Japon – 2012 – 1h49, d’Abbas Kiarostami, avec Rin Takamashi, Tadashi Okuno, Ryo Kase…

K L

24 heures de la vie d’une étudiante en sociologie qui joue les escort girls pour arrondir ses fins de mois et d’un vieux monsieur, professeur en charge de traductions. Ils se rencontrent pour un échange tarifé, mais rien n’arrive vraiment, sinon les états d’âme de la jeune fille qui, pour vivre ce moment, renonce à la visite de sa grand-mère et attise encore la jalousie de son petit ami garagiste. Ce dernier film de Kiarostami, cinéaste iranien, Palme d’or à Cannes en 1997, montre un certain Japon, à travers deux générations, voire trois, et leur difficulté à se reconnaitre. L’image est belle et la bandeson langoureuse. Tout est montré en écho, comme un reflet, une réalité brumeuse. Après l’Italie, Kiarostami semble affirmer le choix de tourner des films dans le pays de ses acteurs – ici le Japon – dans le respect d’une culture qui se veut sans projections étrangères.

Sources : premiere.fr ; cinemovies.fr

Filmographie succincte : La Vie d’artiste (2007), Copacabana (2010)

Le Petit Gruffalo Voir pages Jeune Public.

Les Pieds sur scène Voir pages 5 et Jeune Public.

La Pirogue FILM DU MOIS, voir au dos du carnet.

Q Quelques heures de printemps France – 2012 – 1h48, de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon, Hélène Vincent, Emmanuelle Seigner…

Sources : dossier de presse

Pauline détective France – 2011 – 1h41 de Marc Fitoussi, avec Sandrine Kiberlain, Audrey Lamy, Wladimir Yordanoff…

Pauline, maquettiste pour un magazine d’enquêtes criminelles, a la quarantaine rayonnante : tout va bien pour elle aussi bien sentimentalement que professionnellement. Enthousiaste et confiante, elle décide même d’arrêter son analyse. Mais, contre toute attente, à la veille des vacances, son compagnon la quitte. Au bord du gouffre, elle accepte d’accompagner sa sœur, starlette de la télévision au

narcissisme tapageur, pour un séjour sur la riviera italienne. Est-ce sa morosité, la sensation de désoeuvrement ou la déformation professionnelle, en tous les cas, Pauline se persuade qu’un crime a été commis dans le palace. Elle s’improvise détective et entraîne dans son sillage un séduisant maître-nageur. Avec cette comédie policière, Marc Fitoussi a voulu faire un clin d’œil au Club des cinq et à Fantômette : Pauline semble jouer une partie de Cluedo grandeur nature !

P

Las de sa vie, Alain Evrard va tenter d’en changer en faisant passer 50kg de cannabis à la frontière française. Il est arrêté. Après 18 mois de prison, il n’a d’autre alternative que d’aller vivre chez sa mère, avec laquelle il a eu une relation violente dans la passé. Comment vont-ils cohabiter, alors qu’il découvre qu’elle est atteinte d’un cancer incurable ? Dans tous ses films (Le Bleu des villes, Je ne suis pas là pour être aimé, Entre adultes, Mademoiselle Chambon), Stéphane Brizé explore les troubles de la sphère intime. Il aime avoir ses habitudes puisqu’il retrouve sa complice Florence Vignon pour l’écriture et Vincent Lindon, le comédien de son dernier film, qu’il avait déjà dirigé avec

beaucoup de sensibilité. Sources : dossier de presse.

Reality

Italie-France – 2012 – 1h55, de Matteo Garrone, avec Aniello Arena, Loredana Simioli, Nando Paone…

R

Luciano est un homme jovial et exubérant, qui aime sa famille, sa femme, ses nombreux enfants, et les gens de son quartier. Il tient une poissonnerie, et si l’argent manque parfois, Luciano n’en est pas moins un être heureux. Jusqu’au jour où sa vie bascule : ses enfants l’ont poussé à participer à une émission de télé-réalité très connue. Désormais il se voit en vedette du show-biz et oublie sa vie, son travail, ceux qui l’aiment. Plus rien d’autre ne compte que devenir célèbre. Après Gomorra, film noir et magnifique sur la mafia, Matteo Garrone se lance dans une comédie déjantée et acrobatique : mais le monde réel n’est jamais loin, celui de l’abrutissement télévisuel, de la manipulation des braves gens. Servi par une grande aisance formelle (voir les magnifiques plans-séquences qui le jalonnent), Reality s’annonce comme une œuvre à la fois drôle et décapante. Sources : dossier de presse, allocine.com

Filmographie sélective : L’Étrange Monsieur Peppino (2001), Premier amour (2004), Gomorra (2008).

Les Saveurs du palais

France – 2012 – 1h35, de Christian Vincent, avec Catherine Frot, Jean d’Ormesson, Hippolyte Girardot, Arthur Dupont…

S

Hortense Laborie est une cuisinière réputée qui vit dans le Périgord. À sa grande surprise, le Président de la République la nomme responsable de ses repas personnels au Palais de l’Elysée. Malgré les jalousies des chefs de la cuisine centrale, Hortense s’impose avec son caractère bien trempé. L’authenticité de sa cuisine séduira rapidement le Président, mais dans les coulisses du pouvoir les obstacles sont nombreux… Les CARNETS du STUDIO

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Après Quatre étoiles, le réalisateur de La Discrète et Beau fixe s’inspire de la vie de Danièle Mazet-Delpeuch qui a exercé son art culinaire auprès de François Mitterrand. Une des grandes surprises du film est de trouver Jean d’Ormesson dans le rôle du président. Il paraît qu’il a excellé dans le tournage de la scène de la truffe ! Sources : dossier de presse.

Sous la ville

Pologne – 2011 – 2h24, d’Agnieszka Holland, avec Robert Wieckiewicz, Benno Fürmann, Agnieszka Grochowska, Maria Schrader…

Poldek Socha est employé dans le service des égouts à Lvov. Il en profite pour piller les maisons sans aucun scrupule. Dans le ghetto, que les Allemands ont décidé de « nettoyer », quelques juifs tentent de s’organiser pour fuir et se cacher dans les égouts. Mais ils tombent sur Poldek, qui n’accepte de les aider que contre finances. Celui-ci est plein de mépris pour eux, toujours prêt à les trahir. Le spectateur est plongé très vite dans un monde sombre, glauque, bourré d’immondices, où vont vivre les rescapés. Tous les repères s’y perdent : la caméra semble s’affoler, comme s’il n’y avait plus de sujet à filmer. Et dans cet univers d’horreur, petit à petit, Poldek se découvre des sentiments humains, les visages des fugitifs ont enfin un nom. Tiré d’une histoire vraie, le film d’Agnieszka Holland est sans concession aucune, pas même au mélo, pas même à l’esthétique, mais il nous bouleverse par son humanité profonde, fragile comme la vie. CdP

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Tempête sous un crâne France – 2011 – 1h20, documentaire de Clara Bouffartigue. Dans un collège de Saint-Ouen, en Seine Saint Denis, Alice et Isabelle, professeurs de français et d’arts plastiques, travaillent

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dans la même classe de quatrième, où elles doivent composer avec des élèves tout à la fois agités et drôles, difficiles et attachants. L’idée de la documentariste Clara Bouffartigue était de se plonger dans un lieu que l’on aborde généralement par le biais du cliché pour aller voir de quoi était fait le quotidien concret de ces profs et de ces élèves. Regarder un peu comment l’on construit de la connaissance, transmet du savoir face à des élèves en pleine transformation et pas toujours très disposés à recevoir cet enseignement. Le tout semble tenter d’intégrer une bonne dose de l’énergie que chacun des deux « camps » met dans sa vie... Sources : dossier de presse, pointdujour-international.com

The Paperboy USA – 2012 – 1h48, de Lee Daniels, avec Nicole Kidman, Zac Efron, Matthew Mac Conaughey…

En 1969, un reporter du Miami Times revient dans sa ville natale de Floride, accompagné de son collègue noir, pour enquêter sur le meurtre d’un shérif. Ils ont été embauchés par la promise de l’accusé, qui entretient une correspondance depuis des années avec ce chasseur d’alligators qui risque d’être exécuté sans preuves concluantes. Pensant relancer leur carrière, ils sillonnent la région à la recherche de la vérité… Après Precious (09) tourné à Harlem, Lee Daniels a décidé d’adapter le roman éponyme de Pete Dexter car il décrit un monde qu’il connait par cœur évoquant un frère emprisonné pour meurtre et une sœur qui écrit elle aussi aux détenus. En compétition au dernier festival de Cannes, il y a fait un véritable scandale, hué par le public après la projection notamment à cause de scènes provocantes. Télérama décrit un « nanar boursouflé » mais Libération parle d’« un polar initiatique électrisé par

les tensions sexuelles et raciales » et Le Nouvel Observateur pense qu’il a le mérite de « secouer un festival qui manquait jusque là d’aspérités . » Sources : telerama.fr – liberation.fr – leplus.nouvelobs.com

V

Vous n’avez encore rien vu France – 2012 – 1h55 – de Alain Resnais, avec Mathieu Amalric, Sabine Azéma, Anne Consigny, Pierre Arditi…

Le titre intriguant avait fait parler… Que préparait Resnais ? Après sa mort, un metteur en scène de théâtre convoque la troupe de comédiens avec laquelle il a plusieurs fois monté sa version d’Eurydice. Ils doivent visionner une captation de cette pièce par une jeune troupe. Son idée : que ses amis se revoient et se remémorent leurs vies communes de travail mais surtout leurs sensations personnelles amoureuses en rejouant sans conscience la pièce, le temps d’une repré-

sentation. Le spectateur retrouve un terrain familier – on reconnait à peu près tous les acteurs favoris du cinéaste, et en plus ils se font appeler par leur vrai nom ! – mais Resnais joue avec nous comme avec eux. A presque 90 ans, le réalisateur se livre à un passionnant exercice d’auto synthèse tout en poursuivant son exploration sur le pouvoir de l’amour nécessairement imbriqué à l’art, et, dans le cas présent, au théâtre et ses jeux d’ombres. Sources : allociné, Télérama, Première

Filmographie succinte : Nuit et brouillard (56) - Hiroshima mon amour (59) - Mon oncle d'Amérique (80) - Mélo (86) - Smoking-No smoking (93) - On connaît la chanson (97) - Les Herbes folles (09)

08 92 68 37 01 studiocine.com

Hommage à Jean eustache lundi 22 octobre – 19h30 PARTENARIAT STUDIO

Mes petites amoureuses 1974-Fr. Couleurs 2h

lundi 8 octobre – 19h30 carte blanche à xavier Kawa-topor, directeur de l’Abbaye de Fontevraud

programme de courts-métrages d’animation

1h40’

lundi 15 octobre – 19h30

Soirée présentée par Jean douchet, historien et critique de cinéma. mardi 23 octobre – 19h30 PARTENARIAT STUDIO

La Maman et la putain 1973-Fr. Noir et blanc 3h29

Noces d’or

de Luigi Maggi (1911) Italie Noir et blanc 11’

Assunta Spina

de Gustavo Serena et Francesca Bertini (1915) Italie Noir et blanc 55’

Soirée présentée par manon billaut.

lundi 29 octobre – 19h30

La Rivière sans retour de Otto Preminger (1954) USA Couleurs 1h31

Soirée présentée par alain bonnet.

Programme détaillé dans le dépliant disponible à l'accueil et sur www.cinematheque-tours.fr

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FILM DU MOIS

La Pirogue Sénégal – 2011 – 1h27, de Moussa Touré, avec Souleymane Seye Ndiaye, Malamine Drame, Laïty Fall…

B

aye Laye est pêcheur et vit dans un village près de Dakar : de là, chaque nuit, partent des pirogues vers les îles Canaries, territoire espagnol. Souvent elles ne reviennent pas. Baye Laye est le capitaine d’une pirogue, bateau de pêche sénégalais : il connaît bien la mer et ses dangers. Mais c’est son tour de partir. Il doit conduire trente hommes en Espagne. Son frère est du voyage. Ils ne parlent pas tous la même langue, beaucoup n’ont jamais vu la mer et ils ne savent rien de ce qui les attend au bout du périple. Mais rester au pays n’est plus possible : ils n’y ont aucun avenir. Ils sont résignés à quitter famille, femmes, enfants, pays et à prendre tous les risques.

Ils croient au paradis qui les attend dans la riche Europe et ils ont payé à prix d’or leur droit de passage. Avec eux, il y a le passeur, dur, avide d’argent, vendeur de rêves et de mensonges, mais ils n’en ont cure. Làbas, au bout de la traversée. Tout cela n’est pas nouveau : documentaires, émissions de télé, informations, on

en a beaucoup parlé. Mais nous ne l’avons pas vécu de l’intérieur, pendant la traversée : nous n’avons vu que les images avant le départ ou à l’arrivée. Moussa Touré affronte avec la caméra ce huis-clos terrible qu’est la pirogue embarquée sur la mer hostile. Un huis-clos qui entasse ensemble trente hommes dans un espace très réduit. Avec La Pirogue, le cinéaste sénégalais a choisi de nous introduire dans un univers sans pitié, à l’image du passeur, et affirme-til, du Sénégal qui laisse partir ses enfants sans broncher. Un univers tout proche du nôtre, mais si lointain en même temps. Le film ne se limite pas à montrer l’impensable : il s’interroge sur notre humanité, sur notre capacité à souffrir… et à survivre. Le bateau traverse toutes les épreuves : autre bateau en détresse, tempête, panne de moteur. Et puis il y a ces êtres chers quittés (abandonnés ?) sans doute pour longtemps. La Pirogue est un film sobre, sans mélo inutile, réalisé par un cinéaste convaincu et lucide, et porté par des acteurs inspirés. Le cinéma africain est toujours attachant. Sources : tv5.org ; francetv.fr ; dossier de presse.

LES CARNETS DU STUDIO – n°305 octobre 2012 – 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - CPPAP n°0214 G 84305

www.studiocine.com – 08 92 68 37 01


BLACK, BLANC, BEUR MÈNE LA DANSE… (voir page 5)

Les Pieds sur scène

ic ubl ns tp e8a u France – 2006 – 52 mn, documentaire de Éric Legay, avec la Cie Black, Blanc, Beur… o d T tir ar Éric Legay nous propose de découvrir plusieurs facettes du travail d’une compaàp

Jeune Public

Jeune Public

Grande-Bretagne – 2011 – 43 mn, de Johannes Weiland et Uwe Heidschötter, avec la voix de Zabou Breitman.

À partir de 4 ans

VF

Programme de quatre courts métrages : Le Petit Gruffalo, avec le fils du célèbre héros de littérature de jeunesse, Des pas dans la neige, Le Chemin d’un lièvre, L’Oiseau et la feuille.

gnie de danseurs hip hop et de leur chorégraphe : recherche de mouvements, répétitions, créations… Un documentaire au cœur de la breakdance, avec des figures parfois spectaculaires! Mercredi 17, dans le cadre de la Quinzaine du livre Jeunesse, vos enfants pourront après la projection de 14h15, lire et écouter d’autres histoires de monstres sélectionnées par nos partenaires de la FOL.

Rencontre avec la chorégraphe Christine Coudun suivie d’un pot offert par les Studio. France – 2012 – 1h28, film d’animation de Michel Ocelot.

Tout public à partir de 5 ans

Kirikou, le jeune héros africain est de retour pour cinq nouvelles histoires, révélées par son noble grand-père. Michel Ocelot dit de lui : « Il est tout petit et tout nu, mais grâce à sa vaillance, sa volonté, sa générosité, il gagne. Il montre que l’on peut arriver à quelque chose même quand on est petit. »

7, 8, 9, Boniface France – 2011 – 42 mn, courts métrages d’animation de Pierre-Luc Granjon et Antoine Lanciaux.

À pa

rtir d e

• Le Petit garçon et le monstre • Mobile • L’Été de Boniface

France – 2012 – 1h35, film d’animation de Jean-Christophe Dessaint, avec les voix de Jean Reno, Lorànt Deutsch, Isabelle Carré…

Au cœur d’une grande forêt hantée de paisibles fantômes, ignorant tout de la société des hommes, le fils Courge vit avec son père, un colosse tyrannique qui lui interdit de franchir la lisière des bois. Un jour, pour sauver son père blessé, il est obligé de se rendre au village le plus proche et fait la rencontre de la jeune Manon…

Une suite aux épisodes précédents aussi poétique qu’attendue…

VF VO Japon – 2012 – 1h57, film d’animation de Mamoru Hosoda. Tout public à partir de 10 ans

Ame et son frère Yuki sont nés d’une mère humaine et d’un père loup-garou. Après la disparition du père, la famille s’isole à la campagne. Les enfants apprennent à grandir avec leur particularité ; ils vont devoir décider de leur propre destin.

Ce nouveau film du réalisateur de Summer Wars et La Traversée du temps est un conte poétique et émouvant.

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Tout public à partir de 7 ans

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Pour accompagner le film, vous verrez dans le hall une superbe présentation d’extraits de tournage de cette libre adaptation du livre de Jean-François Beauchemin.

• Fête du cinéma d’animation • L’Étrange pouvoir de Norman de Sam Fell et Chris Butler, • 10, 11, 12 Pougne le hérisson de Pierre-Luc Granjon et Antoine Lanciaux, • Ernest et Célestine de Stéphane Aubier, Vincent Patar et Benjamin Renner… Les CARNETS du STUDIO

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En bref…

Ici. . . ` fidÈle Dans la série Revoyons nos classiques (littéraires, cinématographiques ou télévisuels), on nous annonce une version longue de Belle et Sébastien ! Cette amitié indéfectible entre un jeune garçon et un chien de montagne des Pyrénées n’évoquera de souvenirs pleins d’émotion qu’à ceux qui ont dépassé (largement ?) la quarantaine. C’est un habitué des milieux enneigés qui se lance dans le projet : Nicolas Vanier (Le Dernier trappeur, Loup…)! L’histoire est transposée pendant la Seconde guerre mondiale. Medhi, qui interprétait Sébastien dans la série télévisée originelle, participera au tournage, en compagnie de Tchéky Karyo. ` KitscHissime Il semblerait, décidément, que les succès des années soixante soient sources d’inspiration pour les producteurs : en effet cette tendance annoncée dans le paragraphe précédent, se confirme avec l’annonce du nouveau projet d’Ariel Zeitoun remettant aux goûts du jour les amours tumultueuses et passionnées de l’impétueuse Angélique, Marquise des anges ! Précisons que d’autres, par le passé, ont prétendu faire oublier l’œil de biche, le décolleté pigeonnant et la voix de gorge de Michèle Mercier, et s’y sont cassé les dents ! D’autant qu’il faut aussi trouver le beau ténébreux capable d’arborer cicatrice et claudication avec autant de charme et virilité que Robert Hossein en son temps… Enfin, vont tout de même tenter l’aventure : Nora Arnezeder (Faubourg 36) dans le rôle de l’indomptable marquise et Gérard Lanvin dans celui du comte de Peyrac. Olivier Gourmet et Tomer Sisley, quant à eux, se verraient confier respectivement les rôles de l’avocat François Desgrez (Jean Rochefort dans l’adaptation originale) et du marquis de Plessis-Bellière ! Angélicomaniaques ne nous laissons pas berner par les sirènes de la nouveauté ! ` debout ! Il n’y a pas que Belle, Sébastien et Angélique qui font leur retour, il y a aussi celui qui fut à la fois la tornade et l’Arlequin du cinéma français, l’Homme de Rio pour de Broca, Pierrot le Fou pour Godard, Léon Morin prêtre pour Melville, flic, voyou, casse-cou : Jean-Paul Belmondo, Phénix du cinéma français ! C’est Claude Lelouch qui l’a convaincu de revenir devant les caméras, après Un homme et son chien de Francis Huster, il y a trois ans. Pour leur quatrième collaboration, Les Bandits Manchots, ils nous raconteront

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l’histoire d’un homme qui va tenter de s’évader de l’établissement pénitentiaire dans lequel il est incarcéré… Le projet réunira des habitués de l’univers Lelouchien : Charles Gérard, Aldo Maccione, Audrey Dana, Antoine Duléry et un nouveau venu : Franck Dubosc. ` en famille Il est parti dimanche de Nicole Garcia s’intéressera à un instituteur qui, se retrouvant coincé lors d’un week-end de Pentecôte, avec un élève oublié par un père injoignable, décide de le conduire auprès de sa mère qui travaille, elle, sur une plage près de Montpellier. L’enseignant sera interprété par le fils de Nicole Garcia, Pierre Rochefort (Rapt, 38 témoins) et la jeune mère de famille par Louise Bourgoin (La Fille de Monaco).

et ailleurs. . . ` résurrection La Mostra de Venise 2012, sonnera-t-elle la fin du purgatoire pour Michael Cimino et son oeuvre mythique et maudite, La Porte du Paradis ? En tous les cas, le film y a été présenté dans sa version Director’s Cut d’une durée de 3h39, intégralement restaurée ! Une première, enfin une seconde, puisque le film, après sa projection inaugurale du 19 novembre 1980, suscita un tel scandale, une telle incompréhension qu’il fut amputé de 1h10. Le film entraîna dans sa chute son réalisateur et la faillite de la United Artists ! ` HÔtel de cHarme Réjouissons-nous : d’abord parce que Wes Anderson ne devrait pas nous faire trop attendre pour nous entraîner à nouveau dans son univers désuet et coloré. En effet il serait en train de travailler sur un projet intitulé The Grand Budapest Hotel ! Deuxième raison de se réjouir, c’est que nous retrouverons ses « doubles », eux aussi toujours délicieusement décalés, Bill Murray, Owen Wilson et Adrien Brody, mais aussi les tout aussi charmants Jude Law et Johnny Depp ! ` redformidable Rien sur Robert Redford depuis l’échec de son Lions et agneaux en 2007, mais le voilà de retour en tant que comédien dans All is lost de J.-C. Chandor (Margin Call). Comme à son habitude, il ne devrait pas ménager sa peine d’autant que, parti seul à bord de son bateau, il aura à affronter un océan déchaîné ! IG

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Bande annonce

Hommage à Léos Carax & Chris Marker

Le cinéma documentaire : un cinéma « autre » ? Une représentation construite du réel Dans son désir de saisie du « réel », le documentaire peut emprunter des voies très diverses : entre les docs de terrain de Flaherty (Nanouk, L’Homme d’Aran), les films d’investigation de Pierre Carles, d’intervention et de provocation de Michael Moore, entre le doc historico-politique de Rouaud Tous au Larzac, les Lip, de Rithy Pan, S 21, les portraits d’Alain Cavalier, les Profils paysans ou Délits flagrants de Depardon, peu de rapports dans les sujets, les visées et les moyens mis en oeuvre. Et pourtant, c’est toujours une réalité qu’il s’agit d’approcher, une représentation qu’il s’agit de construire : dans un film documentaire, pas de transparence au réel comme voudrait le faire croire le « reportage » télé, formaté et calibré pour s’assurer l’adhésion du spectateur. L’illusion de la captation de « la vie en direct » ne peut faire oublier que le doc est le fruit d’un regard, d’une intention, d’un choix de durée des plans, de cadrage (« cadrer, c’est cacher », disait Bazin, d’où la grande question du horschamp), parfois de mise en scène, comme le faisait Flaherty et surtout de montage. les docs à consensus : danger ! Pour nous en tenir au cinéma à caractère social et politique des dix dernières années, quelques films qui ont fait consensus nous semblent devoir être questionnés. D’abord, le film qui se veut militant, qui assigne aux personnes ou situations filmées une fonction utilitaire dans une démonstration où l’image est simple illustration d’une thèse, voire d’un slogan. Les films de Michael Moore, Bowling for Colombine, Farenheit 9/11, ne sont pas loin de ce risque de manipulation du spectateur,

devenu vite captif d’un spectacle certes séduisant (montage hyper-fragmenté, subjectivité affichée et narcissique du réalisateurvengeur) mais qui tient du leurre. Le Cauchemar de Darwin (H. Sauper) qui abordait un sujet fondamental, la mondialisation libérale et ses effets dévastateurs dans les pays du Sud, n’échappe pas à ce travers, en refusant toute réelle contextualisation – spatiale et politique –, en multipliant les gros plans sur les visages souffrants, en filmant beaucoup de nuit, etc, privant ainsi le spectateur d’une possibilité de réflexion, emporté qu’il est dans l’émotion. Danger de sens univoque et définitif. esthétisation Et puis le débat jamais clos sur l’équilibre entre « sujet » et « traitement » ou mise en scène : ainsi certains documentaristes abordent avec générosité des questions douloureuses et des situations cruelles et ont recours, comme pour anoblir par la forme ce qui est ignoré ou rejeté dans notre société, à une esthétisation qui prend le pas sur ce qui est évoqué : ce qui est alors surtout valorisé – chez Sylvain George, par exemple, filmant à Calais les migrants de « la jungle » – c’est le geste du réalisateur au détriment du devoir d’information. L’admirable Entre nos mains de Mariana Otero, avec sa fin ludique et inventive, savait éviter cette dérive. « Donner à voir pour donner d’abord à savoir », dit Marie-José Mondzain … C’est cette priorité que nous partageons.

NOUS EN REPARLERONS PROCHAINEMENT…

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DB pour le CNP

2012 : belle et navrante année cinématographique. Bonne nouvelle du côté de la salle obscure, le cinéaste le plus aimé pour certains et le plus détesté pour d’autres : Léos Carax est de retour. Sans nouvelles depuis 13 ans, crucifié par tous les marchands du temple pour crime de lèsemajesté argent : le coût financier Des amants du pont neuf, malgré un timide retour pour un segment de Tokyo en 2008. Le choc : il y avait longtemps que nous n’avions pas été bousculés, « chavirés, » emportés de cette façon par un film : Holy motors. En entrant dans la salle, une appréhension nous saisit. Et si le film était raté ? Et si on ne retrouvait pas l’excitation des anciens films ? Et si cette standing ovation de 10 minutes à Cannes nous faisait trop espérer ? Magie du cinéma : une première scène de toute beauté. Carax, lui même, face à un superbe décor de forêt de bouleaux qu’il tire légèrement avec son doigt, se retrouve face à un public. Son public ? Dans Holy motors se trouvent les plus belles scènes vues cette année : l’enchevêtrement de 2 corps lumineux entre combat et séduction nous fascine, une fanfare d’accordéonistes nous emporte avec elle tandis que 2 corps écrasés tragiquement à La Samaritaine nous bouleversent. Bien sûr, c’est un film pour les amoureux du cinéma de Carax : Mauvais sang, Boy meets girl, Les Amants…. sont au rendez vous mais ce n’est pas de la nostalgie ou du fétichisme, il nous surprend, nous épate à chaque nouvel épisode incarné par Denis Lavant Pas de palme pour Carax ou pour Lavant ! Souviens-toi Nanni, le cinéma ce n’est pas seulement une bon scénario et des belles idées. C’est avant tout une histoire d’amour entre un cinéaste et des spectateurs : de l’émotion, du sang, du rire et des larmes.

Enfin, Holy motors fut le sujet de toutes les conversations de repas du mois de juillet : on aime ou on déteste. C’est au moins la preuve qu’on peut encore « s’engueuler » pour un film, ce qui n’est pas si fréquent. Mais grand sujet d’inquiétude, si un film de Carax est un film insupportable à regarder pour certains, quel est le sort réservé aux auteurs difficiles ? Combien de spectateurs iraient voir un film de Chris Marker de nos jours ? Et pourtant c’était sûrement un des plus grands cinéastes, pas seulement pour La Jetée (matrice de nombreux films de science fiction) mais aussi pour Level five, Lettres de Sibérie, Le Fond de l’air est rouge, Le Tombeau d’Alexandre… Jamais un film de Marker ne ressembla à un autre film : décapant par ses idées, innovant par sa technologie mais toujours bouleversant par son romanesque. Romanesques, ses films l’étaient autant que lui : pas de photos, pas d’interview sauf exceptionnellement sur le Net. Alexandre Du Pont de Nemours, alias Léos Carax ne répond pas plus aux interviews que Christian-François Bouche Villeneuve, alias Chris Marker. Est-ce contagieux ? Marker ne se considérait pas comme un cinéaste mais comme un bricoleur. Sa réponse à un journaliste des Inrocks qui lui demandait de présenter son œuvre à un jeune fut : « Je lui dirais de lire : L’ Invention de Morel et d’aller au cinéma ». Je ne suis plus jeune, mais L’Invention de Morel de Bioy Casares est un des plus beaux livres que j’aie lus et je vais toujours au cinéma. LJ Les CARNETS du STUDIO

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Courts lettrages Holy motors

L’effet miroir entre Cosmopolis de Cronenberg d’une part et Holy motors de Carax d’autre part est proprement stupéfiant : en compétition dans le même festival de Cannes, ces deux films utilisent le même projectile (une limousine blanche) et la même scénographie (un trajet de 24 heures, l’un à New York, l’autre à Paris) pour un propos assez expérimental… Si je n’ai pas réussi à accrocher au film de Cronenberg, celui de Carax m’a emporté, bousculé, ému, fait rire, scotché au fond de mon fauteuil… Quel parcours halluciné, hallucinant. ! Monsieur Oscar (l’incroyable Denis Lavant) nous entraîne d’une émotion à l’autre, parcourant les genres cinématographiques avec une invention visuelle constante. Je comprends que ce film ait rebuté certains spectateurs mais personnellement j’ai accepté de ne pas tout comprendre, de n’avoir pas toutes les clés, d’être entraîné dans un maelstrom d’images où la vie, en dernier lieu, n’est rien qu’un jeu. DP

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Monsieur Oscar au matin quitte son domicile cossu et sa famille pour rejoindre sa limousine de riche homme d’affaires. Mais Monsieur Oscar va courir de rendez-vous en rendez-vous et au fil de ceux-ci rouler de métamorphoses en métamorphoses : rôles qui lui ont été fixés on ne sait par qui et qu’il joue avec une grande maîtrise professionnelle (magnifique Denis Lavant). Dans le monde de Monsieur Oscar n’existent que des acteurs qui jouent des personnages. C’est un univers paradoxal de signes, d’où toute « référence » à une réalité quelconque a disparu. Bienvenue dans ce monde de fantasmes, sans issue, et qui se singe lui-même (voir la famille simiesque de Monsieur Oscar au rendez-vous final). On ne sait pas si on vient de voir un film essentiel ou une mystification bouffonne. Les deux sans doute ! Déroutant. CdP

Au début du film, j’étais scotchée par l’étrangeté, la charge émotionnelle, l’esthétique. Puis au fur et à mesure que s’enchainaient les aventures de M. Oscar (et que des spectateurs quittaient la salle), la lassitude et l’ennui ont remplacé la surprise. Il y a bien des moments de fulgurance dans Holy motors – l’inoubliable séquence tournée dans la Samaritaine, entre autres – mais une succession de délires ne suffisent pas à faire un grand film. Quant au(x) message(s), hormis la métaphore sur le métier d’acteur, je ne suis pas sûre d’avoir tout compris… SB Un homme qui joue plusieurs personnages et donc autant d’histoires. Inégales ? On l’entend beaucoup. Pourtant les bas de Holy Motors dépassent les hauts de beaucoup d’autres films. Quant aux hauts (la déambulation musicale, les limousines, la Samaritaine, entre autres), ils tutoient les étoiles. Film de l’année ? JF

Film foisonnant, proliférant même parfois, Holy motors ne ressemble à rien d’autre. Cela peut énerver. Certains passages paraîtront peut-être trop longs ou gratuits. Cela peut ennuyer, d’autant qu’il n’était pas nécessaire de nous faire attendre une heure pour nous livrer l’une des clefs de la cohérence du film. Mais une chose est sûre : avec Carax, on trouve tout à la Samaritaine ! Même une star australienne en train de chanter dans les décombres ! ER Faut-il que Leos Carax soit à ce point maudit pour qu’il n’ait pas été primé à Cannes de manière plus magistrale ? Des multiples métamorphoses d’Oscar jusqu’à la scène finale entre limousines, on est interdit devant la puissance des imaginaires créés, confondant beauté pure et laideur magnifiée. MS

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Interférences A moi seule Contre toi La Piel que habito Comme un homme Inside

Interférences Captives

Enfermer l’être désiré, le faire prisonnier pour le posséder totalement, pour le plier à ses moindres désirs. Figure féminine par excellence, la captive, habite hélas trop souvent les faits divers. Ces derniers temps, elle s’imposait aussi comme personnage centrale de nombreux films (français et hispaniques).

Dans À moi seule, Frédéric Videau s’est inspiré de l’histoire de Natascha Kampusch (la jeune Autrichienne séquestrée dans une cave de 1998 à 2006). Son film commence au moment où l’histoire s’achève, lorsque Gaëlle (jouée par Agathe Bonitzer) parvient à s’échapper. La suite du récit raconte la détention de la jeune fille sous la forme de flash-back et flashforward et l’étrange relation qui s’établit entre elle et son kidnappeur (Reda Kateb). Prenant ses distances avec le fait divers, Frédéric Videau met en scène une relation d’une étrange douceur où le ravisseur devient une figure paternelle qui, certes punit, contraint, mais qui aussi récompense et sait être d’une attention presque délicate. Jamais le film ne cède au pathos et Gaëlle refuse sans cesse son statut de victime, ce qui laisse le spectateur dans une situation particulièrement inconfortable. Le deuxième film de Lola Doillon intitulé Contre toi commence lui aussi au moment où Kristin Scott-Thomas échappe à son bourreau, lorsqu’elle sort du pavillon où il l’enfer-

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mait parce qu’il la tenait responsable de la mort de sa fille (elle est médecin obstétricienne). Fou de douleur, il décide de l’enlever et de la faire souffrir. La mise en scène se limite alors à la stricte répétition des visites du ravisseur, les tours de clé, les repas, mais il se passe quelque chose de presque invisible entre les deux personnages, une résistance obstinée puis un effondrement, une plongée parallèle au fond d’une même douleur. Dans La Piel que habito, le dernier film de Pedro Almodovar, il s’agit ici aussi d’un deuil : le professeur Ledgard dont la femme s’est suicidée après avoir été défigurée lors d’un incendie mène sans scrupule des expériences sur la nature de la peau humaine sur Vera, une jeune femme qu’il retient prisonnière dans sa

vaste demeure. Il entretient avec sa créature captive des relations ambigües, mélange de domination et de douceur, la contemplant sans cesse à travers l’immense glace sans tain qui relie sa chambre et celle de sa prisonnière.

Dans un retournement scénaristique dont le réalisateur madrilène a le secret, on apprend que ces suites d’expériences font partie d’une machiavélique vengeance : Vera était en effet un jeune homme qui, lors d’une soirée, essaya de violer la fille du professeur (qui sombra ensuite dans la folie, ne supportant plus la présence de son père). Fait prisonnier, on suit son calvaire qui, d’opération en opération, le transforme en femme… ou plus perversement encore, en la femme du professeur jusqu’à devenir son amante, sa complice… avant de pouvoir enfin tuer son bourreau et retrouver la liberté… dans un corps de femme. Inside est le deuxième long-métrage du réalisateur colombien Andres Baiz. Sous des allures trop visiblement hitchcockienne, il raconte l’histoire d’amour entre Adrian (un jeune et brillant chef d’orchestre) et Belen qui accepte de tout quitter pour le suivre à Bogota dont il doit diriger l’orchestre symphonique. Le couple amoureux s’installe dans une somptueuse maison à la campagne. La propriétaire est allemande. Avant de laisser les clés à Belen, elle lui confie le secret de la demeure : un appartement secret où se cachait son nazi de mari. Pour tester l’amour d’Adrian, qu’elle suspecte d’être infidèle, Belen décide de s’y cacher mais (comme dans une version contemporaine de Barbe bleue), elle perd la clé de sa cachette. Derrière la vitre sans tain qui donne sur la chambre, elle assiste au désespoir d’Adrian qui ne comprend pas sa disparition (Ne cherche pas à me retrouver lui a-t-elle enregistré) puis à l’arrivée d’une rivale. D’un côté à l’autre du miroir, se joue alors avec une force rare, une histoire de jalousie, de possession, de vengeance aveugle. Comme un homme, le deuxième film de Safy Nebbou s’articule autour de deux couples masculins : un père et son fils Louis (joué par Charles Berling et son propre fils Emile) et deux copains Greg et Louis (l’un est en échec scolaire, bientôt viré du bahut pour avoir

menacé une professeure avec des ciseaux, l’autre et le fils du proviseur). Le film commence par un enlèvement : pour se venger de sa prof, Greg a décidé de la kidnapper et de la punir une nuit durant en l’abandonnant dans une cabane isolée au milieu des marais. Plaisanterie de très mauvais goût, le plan des deux ados tourne rapidement à la persécution sadique : menace, tentative de viol, coups. Louis voudrait abréger son calvaire mais lorsque son copain meurt dans un accident de voiture, il ne libère pas la jeune femme. Il prend soin d’elle, lui donne les vêtements de sa mère (morte dans un accident de la route), voudrait disparaître et la faire disparaître. On est dans un film contemporain, avec portable et messagerie électronique mais toute la force troublante du récit a lieu ailleurs, dans le silence bâillonné de la cabane, au milieu des bois et des eaux noires. Dans un rituel étrange qui en menant la captive tout près de la mort permettra au père et au fils de se retrouver (malgré la honte et le dépit). Dans la plupart de ces récits, l’enfermement s’accompagne de voyeurisme (une image du plaisir cinématographique ?) derrière un miroir, à travers un trou dans un mur, un toit, de l’autre côté d’une porte. Et la tension d’assister au spectacle d’une privation de liberté (difficile à supporter, même si s’y mêle du désir ou de l’empathie pour son bourreau) ne pourra se résoudre que par une évasion réussie qui libère enfin la captive… et les spectateurs. DP

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Interférences Du vent dans mes mollets À perdre la raison

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La fin de l’été a vu la sortie simultanée de deux films très différents mais tournant, en définitive, autour d’un thème commun, celui de la famille et, plus précisément, de la manière dont elle peut envahir et détruire la vie individuelle. On pourrait également signaler que tous deux jouissent d’un casting assez « luxueux » ! Et que l’un comme l’autre évoquent la mort d’enfant totalement hors champ.

renforcés par le fait que, jusque chez la psychiatre, c’est la mère qui voudrait s’exprimer à la place de sa fille ou alors dans un sabir pseudo-anglais destiné à éviter que Rachel ne comprenne ce qui se dit d’elle…

Le premier, Du vent dans mes mollets est de Carine Tardieu (dans lequel on retrouve D. Podalydès, A. Jaoui, I. Carré, I. Rossellini et J. Magre, excusez du peu !) a été très injustement éreinté par certains critiques. Il nous raconte l’enfance de Rachel, une gamine de 9 ans, étouffée par des parents qui lui veulent trop de bien et en particulier par une mère effrayée de tout ce qui pourrait arriver à sa fille, c’est-à-dire, bien sûr, le pire, tout le temps ! On y rencontre une grandmère victime d’un AVC et qui, forcément « risque de mourir chaque nuit », avec mission pour Rachel de vérifier à l’aide d’un miroir que la grand-mère respire encore… Mais il y a aussi un père qui fit un séjour à Auschwitz et tant d’autres sujets d’angoisse,

T. Rahim et E. Dequenne crèvent l’écran… Ici, la famille est affaire d’emboîtements et d’enchaînements : au début, il y a un riche médecin et son fils adoptif (Mounir), d’origine marocaine, envers qui il se montre d’une générosité sans réserve. Vient ensuite, très vite, une jeune femme, Murielle, qui va épouser Mounir et s’installer sous le toit d’André, le généreux médecin. Il leur offre leur voyage de noces (à la condition, imposée par le jeune couple, qu’il soit du voyage). Puis viennent les enfants (4 en guère plus de 4 ans). Et, petit à petit, au milieu de cet enfermement consenti, Murielle va se retrouver « victime » d’une succession d’invasions liées à la dépendance dans laquelle son couple vit. L’une des choses les plus intéressantes ici est

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Le second, encensé (à juste titre !) par cette même critique, est A perdre la raison, troisième film distribué en France du surdoué Joachim Lafosse et dans lequel N. Arestrup,

probablement le caractère double du personnage de Niels Arestrup : débonnaire et prodigue sans limite apparente ; lorsqu’il décide d’intervenir ou d’interférer dans les affaires du couple (leurs dépenses, leurs choix de vie…) il le fait pourtant de manière radicale et sans aucune forme de ménagement, rétablissant une sorte de colonialisme domestique. D’un seul coup, l’argent parle et dicte sa loi. Prise dans cet étau d’affection perverse, Murielle va peu à peu se décomposer sous nos yeux, jusqu’à l’irréparable, admirablement filmé en hors champ complet. Les deux films, en définitive, se complètent remarquablement : tous deux mettent le doigt (l’objectif ?) sur une forme d’excès d’amour qui, par surprotection, va dégénérer en dysfonctionnement grave. Mais, surtout, les deux se distinguent par des traitements radicalement opposés -et cela pas seulement parce que Du vent dans mes mollets est plus une comédie qu’un drame alors que A perdre la raison est une pure tragédie. Du vent dans mes mollets fait le pari d’une certaine forme d’absurde qui parvient paradoxalement tantôt à désamorcer le tragique et tantôt à le renforcer. Cet absurde se manifeste aussi bien dans les dialogues euxmêmes que dans le délicieux écart qu’il peut y avoir entre ce que dit une fillette de neuf ans et ce qu’elle capable de comprendre ou

encore dans des choix de mise en scène, des cadrages ou des enchaînements imprévus. Le film décide en quelque sorte d’exercer une liberté salutaire à l’endroit de son sujet : en libérant ainsi quelque peu sa forme, il offre un espace à ses personnages pour les faire évoluer, leur donner de la liberté ; la jeune Rachel saura en tirer parti et le spectateur en profitera pour souffler un peu et se dire que, décidément, non, tout n’est pas écrit d’avance dans le destin d’un enfant ! A l’inverse, A perdre la raison, d’une facture beaucoup plus « classique » que les précédents films de Joachim Lafosse (Nue propriété, Elève libre), ne laisse aucun choix à personne, ni au spectateur, ni aux personnages. L’enfermement y est de rigueur ; souvent, une zone pouvant atteindre un bon tiers de l’écran se trouve masquée par un objet du premier plan, retreignant ainsi l’espace dont disposent les personnages, les contraignant à vivre dans un univers étriqué ; chaque ellipse taillée à la hache (on peut y passer du début d’une grossesse à l’arrivée de l’enfant sans aucune forme de transition) fonctionne comme un tour de clef de plus, comme un enfermement supplémentaire, comme si, d’un point de départ donné, il ne pouvait y avoir qu’une seule issue, logique, terriblement logique. ER

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À propos de Du vent dans mes mollets

C’est sans doute cela, le concept de résilience, cher à Boris Cyrulnik : Du vent dans mes mollets, un film dont le titre illustre la capacité de l’être humain à avancer, quoi qu’il arrive, quoi qu’il en coûte. Du vent, qui fait pédaler plus vite et qui aide la petite Rachel à braver la nuit, afin d’offrir une bouffée d’amour à la mère de sa petite amie Valérie, morte d’avoir un cœur « hypertrophié ». Car l’opus de Carine Tardieu ne nous englue justement pas dans les angoisses familiales. Aucun ingrédient ne manque, pourtant, pour alimenter les peurs d’un enfant : d’abord, la grand-mère, Judith Magre, mutique et momifiée par les liftings, qu’il a fallu sortir de sa maison de retraite, pour cause… d’agression sexuelle ! Mission du matin, vérifier que la vieille dame respire encore, avant d’échapper à la chambre partagée. Puis la mère, formidable Agnès Jaoui, en mère juive possessive, pléonasme, délivrant autant d’amour et d’interdits, que de boulettes et autres falafels. Mission quotidienne, lui échapper, la laisser parler et lui mentir. Le père, un Denis Podalydès, tout en finesse et discrétion, évitant les pièges de l’adultère, incarnation de valeurs fortes. Rescapé d’ « Osvitz » idéalisé par Rachel, il est l’image structurante, qui justement la protège des angoisses maternelle et grand maternelle. Car, au sortir des camps, il a fait le choix d’une femme capable de les nourrir, sa fille et lui, et sait ne pas la laisser les étouffer. Angoisses, c’est surtout la mère qui se débat avec ses projections sur l’enfant : faut-il, en effet, amener Rachel chez une psychologue

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À propos de La Nuit d’en face

parce que celle-ci dort avec son cartable ? Ce n’est pourtant pas la peur d’aller à l’école qui pousse l’enfant à agir ainsi, mais plutôt la certitude que sa mère l’y conduira trop tard, mauvaise interprétation, à laquelle la professionnelle ne se livrera pas. Ainsi, on assiste plutôt à l’apprentissage de la vie, pour deux petites filles éduquées de façon radicalement opposée. Rachel, corsetée de conseils, à qui le couple parental présente l’existence comme une aventure risquée, parsemée de «feux rouges» à respecter. Valérie, élevée sans «principes» par une mère divorcée, état encore honteux dans les années 70, et dont la curiosité est sans bornes, surtout sexuelle. Elle entraîne Rachel dans des petits jeux, dits pervers par les adultes, mais qui s’achèvent en éclats de rire… ou moments de compassion fugace. Ce qui semble être le thème central du film, la pesanteur de la famille, en réalité, échappe complètement. Cela est-il dû au regard transparent de Rachel, à la vitalité de Valérie que l’on sait pourtant condamnée, à la bouffonnerie de certaines scènes, au jeu juste et mesuré des acteurs ? Toujours est-il que nous sommes légèrement émus, émus et légers, à l’issue de cette projection. Car il y est davantage question d’amour que de mort, de sexe que de morbidité. Hymne à la vie, regard bienveillant sur l’enfance, plus que regard d’un enfant sur le monde des adultes, mais pourquoi pas ? Retrouver en nous cette part d’enfance, n’est-ce pas déjà un joli cadeau ? CP

Le générique d’ouverture de La Nuit d’en face propose un long panoramique sur un paysage aride, très ensoleillé, frappé d’immobilité, et se termine par des images de mer, avec une eau sombre et mouvementée. Superbe vue sur un paysage dont nous ne saurons rien, métaphore probable de la vie et de la mort. Sans transition : un homme répète un texte, seul, puis nous le retrouvons devant une classe où l’écoutent des élèves adultes, au milieu desquels est assis un vieil homme. Nous saurons qu’il s’appelle Don Celso et que le professeur se nomme Jean Giono. Un double, un fantôme de l’écrivain. Nous sommes au Brésil, où Giono n’est jamais allé (il avait horreur de voyager), à Antofagasta, où il aurait aimé se rendre parce que ce nom le faisait rêver. Nous avons là une clé qui nous est tendue : La Nuit d’en face est un rêve d’artiste fantasmé par un autre, un cinéaste nommé Raul Ruiz. Un cinéaste septuagénaire atteint d’un cancer, qui sait la mort toute proche. Qui ne voyagera bientôt plus, qui ne rêvera plus, ne créera plus. Survient ensuite un enfant, Celso : il parle avec Long John Silver (le pirate de L’Ile au trésor), un grand voyageur. Il rencontre Beethoven, qui faisait voyager en rêve ses contemporains grâce à sa musique. Dans La Nuit d’en face, le temps fait des caprices, refuse toute logique linéaire. Ou plutôt : le cinéaste Raul Ruiz fait du temps ce qu’il veut, suspend son cours (le générique d’ouverture), télescope les époques, établit des liens temporels imaginaires. L’homme qui sait que

le temps lui est compté nargue le cours du temps : il l’arrête, le reprend, mieux il prend son temps pour jouer avec… le temps. La Nuit d’en face, poème sur la mort, n’a rien de morbide ou de sombre. Les personnages y sont sereins, les paysages paisibles. Déformé, le temps ne se précipite pas pour autant. Le réalisateur et ses personnages ont l’éternité devant eux. L’éternité que Rimbaud définissait ainsi : « C’est la mer allée Avec le soleil ». Retour au générique du début : soleil et mer. L’immortalité, dans ce voyage dont Baudelaire écrivait : « Là tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. » Des mots, comme Giono les pourchasse dans La Nuit d’en face, dans un effort surhumain pour rendre les traductions plus exactes. Vieux rêve : c’est le fil conducteur du film. Rêver, fermer les yeux pour mieux voir : comme les élèves dans la classe fantasmée de Giono, comme Celso enfant faisant apparaître un nouveau navire pour Long John Silver. « O Mort, vieux capitaine, il est temps ! Levons l’ancre ! » Le chemin vers la mort, que Don Celso attend, mais qui se fait attendre. Le cinéaste a tout son temps pour le dernier grand voyage, La Nuit d’en face, aventure artistique apaisée, qui n’est pas un testament, mais une somme de son œuvre, comme un voyage dans l’immortalité grâce à la création artistique. « Elle est retrouvée. Quoi ? L’Eternité. » (Rimbaud) CdP

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Rencontre Christophe Sahr Johan Libéreau Florence Borelly

autant d’émotions ! » Johan Libéreau jubile : « Il a pleuré ! Je lui ai donné le maximum de ce que je pouvais. »

Mauvaise surprise ce mercredi 4 juillet : le fichier numérique du premier longmétrage de Christophe Sahr intitulé Voie rapide n’arrive pas à se charger. En soirée, le distributeur envoie un nouveau fichier par TGV mais il arrive tardivement et le film n’est pas prêt lorsque la séance commence à 19h45. Comme l’équipe est venue en force (réalisateur, acteur principal, productrice), on change les habitudes : on commence par parler avant le film ! Non pas du film en lui-même mais, la productrice étant parmi nous, des conditions de production, sujet rarement abordé avec le public… Florence Borelly a longuement expliqué pourquoi elle aime produire des courts métrages, bien que ce soit, économiquement parlant, très difficile. Elle aime être « une tête chercheuse, voir émerger les nouveaux talents, lesquels vont avoir le potentiel pour aller plus loin, vers le long métrage. » Avec le long, on entre dans une économie complètement différente : temps de fabrication plus long, moyens plus importants

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Christophe Sahr avait développé son projet, nommé Corps étranger, avec une autre société de production. Mais, il sentait que les producteurs ne travaillaient pas vraiment. Florence a lu son scénario, l’a convaincu d’en jeter la moitié, a récupéré les droits et lui a demandé de retravaillé le scénario. En 2005. Parallèlement à l’écriture, elle lui a proposé de réaliser un court métrage sur le monde du tuning*, où il va rencontrer Johan Libéreau, avoir un coup de foudre pour l’acteur même si pour des raisons de calendrier Contact se fera sans lui en 2008. Mais la copie DCP est enfin ingérée. La projection commence…

Quel rapport avec le milieu du tuning ? « Je suis parti d’un fait divers. J’ai ramené l’idée du tuning après car je voulais qu’il soit amoureux de sa voiture, qu’elle soit un personnage à part entière. Je me suis rapproché d’un groupe de tuning et je voulais surtout qu’ils ne soient pas ridicules, que ce ne soit pas caricatural. Il a fallu un vrai travail d’approche pour les rassurer… » Et le travail avec Isabelle Candelier ? « C’est une comédienne avec une précision extrême, qui corrige à chaque prise. Pour la scène d’étreinte, je ne voulais pas faire une victime de ce personnage de mère, je voulais qu’elle reste forte sans aller vers le pathos. Il y a une

Et les couleurs ? « Ce film montre une banlieue dont on ne parle jamais. Ils travaillent et ferment leur gueule. Je voulais une image vibrante, vivante, colorée. Ça ne m’intéressait pas de montrer une banlieue glauque. » On parle encore musique, montage, équipe, projet (à l’état de synopsis) avant de se retrouver dans le hall autour d’un verre. DP

* Le tuning automobile, c’est l’art de transformer sa voiture pour se différencier des simples véhicules des concessionnaires pour le plaisir des yeux et des oreilles.

Avec le retour de la lumière, on continue à parler scénario. Une très longue étape du travail. En effet, en France, les commissions jugent les projets sur leur scénario. C’est d’ailleurs un problème : il y a des gens qui écrivent d’excellents scénarios mais sont incapables de faire de bons films. Le réalisateur précise qu’il préfère quant à lui le tournage. C’est pour ça qu’il a choisi la région Centre car on y vient défendre son film devant le comité de lecture qui « vous bombarde de questions pour savoir où vous allez. » Christophe Sahr aime que le scénario reste vivant lors du tournage. D’ailleurs la fin a été trouvée seulement une semaine avant. « Je voulais une fin lumineuse. Alex réussit enfin à lâcher un je t’aime à sa copine. Je voulais choisir les mots les plus simples. Je ne croyais pas que ce serait avec

JOHAN LIBEREAU aux Studio © Roselyne Guérineau

CHRISTOPHE SAHR aux Studio © Dominique Plumecocq

et surtout la nécessité de devoir convaincre d’autres financeurs…

communication entre eux dans la douleur. On a tourné un long plan séquence dans une concentration extrême, comme dans une transe. »

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Rencontre Jean-Xavier Delestrade

Le 28 juin 2012, la rencontre avec le réalisateur JeanXavier de Lestrade a eu lieu à l’occasion de l’avant première de son long métrage La Disparition. Il était accompagné de l’actrice Alix Poisson. Jérôme Parlange de Ciclic* menait le débat.

quête policière… Si le réalisateur a pris cette histoire, c’est parce que le mari incriminé était un professeur de droit connu du réalisateur, que c’était un homme passionné de cinéma, un agrégé très brillant, un notable donc, une cible intéressante pour les policiers. Le film est une fiction car on ne sait pas ce qui s’est passé cette nuit là. On ne sait pas ce qu’il est advenu de cette femme. Pour le film, la logique était de ne pas donner de coupable afin que chaque spectateur trouve, imagine une fin.

On se demande d’abord si le film s’appuie sur un fait réel ? – Il est en effet inspiré largement et librement d’un fait qui s’est passé entre 2000 et 2008, à Toulouse. Il s’agissait d’un mari, professeur de droit et de sa femme qui, un jour, a disparu. Elle avait un amant qui s’est inquiété de sa disparition et a porté plainte. Le mari, lui, pensait que sa femme allait revenir et ne faisait cela que pour l’embêter. Le mari a ensuite été pris dans l’en-

Le film ne donne pas une bonne image de la police – Je n’ai rien ni pour, ni contre. On est en deçà des faits réels. L’amant communiquait sans arrêt avec la police et il a finalement été écarté de l’enquête. En construisant le personnage du capitaine de police, quand il n’y a pas d’indices évidents, on se retrouve avec des policiers qui se construisent leur propre coupable. Dans l’enquête à Toulouse, les policiers

JEAN-XAVIER DE LESTRADE aux Studio © Nicole Joulin

Pour Jean-Xavier de Lestrade, c’est avec grand plaisir qu’il revenait à Tours car c’est dans la ville et la région (à Amboise, Montlouis/Loire et Rochecorbon) que son film a été tourné. Il reconnaît dans la salle des personnes, des techniciens, des figurants, des familles, un jeune comédien, un régisseur… qu’il remercie pour leur aide et leur accueil très chaleureux. La séparation raconte l’histoire d’un couple dont la femme disparaît mystérieusement. Le mari ne déclare pas sa disparition alors que l’amant s’inquiète et informe la police...

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ont été encore plus violents. Alix Poisson, capitaine de police formidable dans le film, est intervenue : « Quand il n’y a pas de preuves concrètes, chacun projette. Il est impossible d’échapper à ça. Quand on est face à quelqu’un de mutique, on se dit que ce n’est pas normal. Et pourquoi ce ne serait pas normal ? Les sentiments et les émotions peuvent rattraper les policiers. » Des phrases importantes ont été dites. La première : « Une mère n’abandonne pas ses enfants », implique que la mère n’a pu disparaître de son fait. C’est une accusation portée contre le mari, sous entendu : c’est lui qui a tué. Autre phrase prononcée à la fin du premier interrogatoire : « Le mari n’a pas pleuré. Il est donc coupable. » Quand Alix Poisson a fait un stage dans la police judiciaire, elle a rencontré des gens extrêmement consciencieux, extrêmement humains. « Dans le film, on le voit que la police manipule, mais c’est très marginal ! » Y a-t-il une différence entre la gestion des comédiens adultes et celle des comédiens enfants ? – Jean-Xavier de Lestrade répond que ce n’est pas la même approche. Les adultes ont une technique, l’expérience du jeu. Pour les enfants, on essaie d’accéder au naturel. Il faut que l’enfant se laisse aller au milieu d’une équipe de tournage, avec un déplacement à exécuter, un texte à dire à un moment donné… Pour les enfants, les scènes difficiles ne sont pas celles que l’on croit. Le plan le plus difficile a été le dernier où tous les personnages dorment. C’est difficile pour un enfant de faire semblant de dormir !

Un spectateur fait remarquer qu’il a fait un parallèle entre le personnage de Gaillon (le mari) et Meursault, héros de L’Étranger de Camus. Le réalisateur s’étonne de cette remarque car, lors d’une représentation en Chine, un même rapprochement avait été fait avec le personnage d’un autre film. Sans doute est-ce dû au côté absent du personnage, comme s’il était dans une autre réalité, comme s’il était étranger à ce qui se passe… Ce qui permet de se projeter. L’homme ne réagit pas, donc les autres prennent l’espace. Gaillon comme Meursault n’a pas pleuré après la disparition de sa femme. Meursault n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère. Comme la fin du film reste ouverte, on ne sait pas si cette femme est morte, si elle est vivante… si le mari est coupable, si c’est l’amant… Avez vous une idée à titre personnel de ce qui s’est passé ? demande un spectateur. – J’ai un peu de mal à imaginer qu’elle soit véritablement partie. J’ai rencontré les enfants de cette femme disparue. Ils pensent qu’elle est peut-être vivante quelque part. Mais après dix ans, ça paraît absurde de penser qu’elle est vivante. J’ai un petit faible pour l’amant criminel. Il s’est comporté de manière tellement parfaite, très attendue, très émue, prêt à donner son concours… Il a pleuré. A Toulouse, il y a eu deux procès. Ce qui est étonnant, c’est qu’à la fin, on se dit : comment se fait-il qu’il y ait eu un tel aveuglement entre le mari condamné et l’amant écarté ?

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Rencontre Jean-Xavier Delestrade

Avez vous un autre projet en route ? – En 2004, j’ai créé une série documentaire : Soupçons. C’est un pur documentaire avec un rebondissement qui a eu lieu l’automne dernier. Il y aura donc une suite. Je fais beaucoup de films traitant de la justice, des tribunaux, comme dans Le Coupable idéal sorti à l’automne 2000. C’était l’histoire en Floride d’un jeune noir, adolescent de quinze ans, qui a quitté ses parents et va postuler pour un travail d’été. Il croise une voiture de police qui l’arrête. Une femme a été tuée tout près. Il monte dans la voiture de police, est menotté. Le mari de la victime va le désigner comme coupable. Il est accusé à tort, incarcéré, frappé et il signera des aveux ! Qu’est ce qui donne envie de passer du documentaire au long métrage ? – Ce qui m’intéresse, c’est de raconter des histoires sur la recherche de la vérité. Dès qu’on est dans le réel, en suivant le fil dramaturgique, ça permet de poser les questions.

Vos critiques

Dans le prochain long métrage, je vais partir d’un fait divers : un adolescent de 14 ans qui avait pris le fusil de chasse de son père et a abattu son père, sa mère, et tiré sur sa sœur sans la tuer. Comment après avoir fait 15 ans de prison va-t-il pouvoir se reconstruire ? Que se passe-t-il dans la réinsertion ? Que peutil se passer entre sa sœur survivante et lui ? Je me demande : qu’est ce que la vérité ? Qu’est ce que la culpabilité ? En fait, qu’est ce que c’est qu’être humain ? Après un détour sur l’aspect stylistique, l’utilisation des flash-back et le montage, le débat se clôt après qu’une intervenante ayant travaillé avec le réalisateur l’a remercié pour toute l’humanité qu’il donne autour de lui. MS *Ciclic (nouvelle agence régionale du Livre, de l’Image et de la Culture numérique) : la Région Centre demande à intervenir sur la production de long métrage, court métrage, documentaire. Pour le choix, a lieu une réunion de professionnels qui lisent les scénarios et décident de récompenser ou non d’un point de vue artistique.

les saPHirs de Wayne Blair Et pendant ce temps là, Joan Baez… Bien sûr, ce film utilise les recettes, pour ne pas dire les ficelles, propres au genre : (mini) intrigues sentimentales et générosité des personnages, happy end… Mais il ne le fait pas plus mal que bien d’autres et surtout il fait remonter à la surface les souffrances causées au peuple aborigène […] par le pouvoir colonial. Ceci n’est pas sans nous rappeler que le gouvernement de Michel Debré se livrait, quasiment à la même époque, aux mêmes manœuvres indignes en enlevant à leurs familles des enfants Réunionnais. Une pratique que l’on retrouvait aussi au Canada au détriment des Amérindiens. […] Monsieur HR tHe PlaGue doGs de Martin Rosen La guerre que les Humains livrent aux animaux est, comme l’écrit Jacques Derrida, «une guerre à mort» ; guerre qui pourrait aboutir à un monde sans animaux ou sans animaux dignes de ce nom c.à.d. vivant en vue d’autre chose que de devenir moyen pour l’Homme, bétail, outil, viande, corps ou vivant expérimental… Beau film qui donne à réfléchir sur notre rapport à l’animal, à l’autre. Marcel adrienn PÀl de Agnes Kocsis Oui, je sais, le petit exercice qui consiste à attaquer un film pour en défendre un autre n’est guère honnête, surtout s’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre, mais il

n’empêche, quand je vois que nous n’étions que trois dans la salle où passait Adrienn Pàl, l’un des plus beaux films qu’il m’a été donné de voir cette année, à la fois triste et comique, étrange et réaliste, parvenant à combiner des moments presque contemplatifs avec une intrigue véritablement prenante, quand je vois, donc, que nous n’étions que trois alors que, dans la salle d’à côté, il y avait sans doute six fois plus de spectateurs pour voir ou revoir cette sombre crétinerie au scénario et aux effets plus qu’attendus qu’est Drive, eh bien, je ne ressens plus le moindre scrupule à verser dans ce travers que je reproche habituellement aux autres. Chieuvrou HolY motors de Leos Carax

Allégorie troublante du métier d’acteur, et, tout compte fait, de la vie de chacun et de ses petits rôles, jusqu’au final inéluctable… Film dérangeant, fascinant, dont on sort avec une jubilation mêlée d’effroi… À voir, assurément. EB laurence anYWaYs de Xavier Dolan

Dolan m’avait déjà éblouie avec Les Amours imaginaires […] le son est dingue, l’image est superbe, la thématique de la différence entre deux êtres très bien développée, bravo, bravo ! Big ciné-fille […] Sur le même sujet plus correctement traité : L’Année des treize lunes de R. W. Fassbinder. no_dolan Rubrique réalisée par RS

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