Carnets octobre 2017

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SEMAINE

C

I

N

du 25 au 31 octobre

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H

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Q

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E

1h40’

lundi LA FOLLE INGÉNUE de Ernest Lubitsch 19h30 Soirée présentée par Guy Schwitthal

14h00 1h55’ 17h00 AU REVOIR LÀ-HAUT 19h15 de Albert Dupontel 21h30 À suivre. 14h00 2h22’ 17h00 THE SQUARE 21h15 de Ruben Östlund À suivre. 2017

2h23’

14h15

UN CONTE PEUT EN 10h15 CACHER UN AUTRE 16h00 de Jakob Shuh, Jan Lachauer 17h30 Conte et film mercredi 16h00 SAUF

DES TRÉSORS PLEIN MA POCHE 1h20’

ZOMBILLENIUM de Arthur de Pins

de Kathryn Bigelow de Kaouther Ben Hania

CORPS ET ÂME

L’ASSEMBLÉE

de Ildiko Enyedi

de Mariana Otero

17h30 21h45

21h15

1h53’

L’ATELIER

de Joshua Z Weinstein

de Laurent Cantet

17h00 21h45 À suivre.

À suivre. 1h48’

1h50’

19h30

14h15 16h00 19h30 + mercredi 10h00 + mardi 17h30

À suivre.

19h30 14h15

16h30

1h39’

BROOKLYN YIDDISH

NUMÉRO UNE de Tonie Marshall

À suivre.

TOUS LES RÊVES DU MONDE

21h45

de Laurence Ferreira Barbosa

Le film imprévu : www.studiocine.com www.studiocine.com

Partenariat Bibliothèque/Sans Canal Fixe

dimanche LA CIGALE, LE CORBEAU ET LES POULETS

documentaire de Olivier Azam 11h00 Rencontre avec Pierre Blondeau, buraliste de La Cigale.

Séance gratuite suivie d’un pot.

1h42’

14h15

LE REDOUTABLE

Cases orangées : programmation Jeune Public: voir pages 34 et 35

14h30 17h15 19h30 21h45

3 jours de ciné concerts Partenariat Cinémathèque/Ciné ma-différence/Studio

Charlot Festival

CHARLOT PATINE - CHARLOT POLICEMAN - L’ÉMIGRANT 1h16’ sans paroles de Charlie Chaplin

de Noémie Lvovsky

LE PETIT FRÈRE de Lewis Milestone

L’INHUMAINE de Marcel l’Herbier

2h12’

Ces 3 séances seront accompagnées en direct dans la salle par le pianiste Jacques Cambra.

14h15 2h07’ 17h00 LE CHÂTEAU DE VERRE de Destin Cretton 19h15

1h20’ sans paroles

14h00 1h34’ 17h45 UN 19h45

1h19’ VF

+ mer-sam-dim

16h00

BEAU SOLEIL INTÉRIEUR

samedi

14h15

samedi à 14h15

1h35’

DEMAIN ET TOUS LES AUTRES

2017

MÉLODIES EN NOIR ET BLANC

1h25’

de divers réalisateurs

LA BELLE ET LA MEUTE

1h56’

du 27 septembre au 3 octobre

1

de Michel Hazanavicius

1h40’

1h22’

14h30

mardi

35’ sans paroles

À suivre.

14h30 17h15 19h30

SEMAINE

mercredi

1h01’ VF

DETROIT

19h15

2017

dimanche

17h00 lundi

19h30

mercredi LE MÉCANO DE LA GÉNÉRALE 14h15 de Buster Keaton

dimanche

NÉS EN CHINE de Chuan Lu

de Claire Denis

14h15

mer-sam-dim

17h15

mercredi Mr CHAT samedi ET LES SHAMMIES dimanche de Edmunds Jansons 16h15 36’ VF mercredi 14h30 1h58’ samedi POLICHINELLE LE JEUNE KARL MARX ET LES CONTES MERVEILLEUX dimanche 19h15 de Raoul Peck de Giulio Gianini, Emanuele Luzzati 16h15

14h00 2h08’ FAUTE D’AMOUR 21h15 de Andrey Zvyagintsev

34’ VF

17h00 2h00 A CIAMBRA de Jonas Carpignano 21h30

1h43’

17h30 1h42’ 21h30

1h18’

NOS ANNÉES FOLLES

SAUF dim

de André Téchiné

21h45

GAUGUIN

KISS & CRY

de Édouard Deluc

de Lila Pinelle & Chloé Mahieu

1h40’

1h40’

19h30

17h45

GOOD TIME de Joshua et Ben Safdie

ÔTEZ-MOI D’UN DOUTE

mer-sam-dim

16h15

19h45 21h30

de Carine Tardieu

Le film imprévu : www.studiocine.com Toutes les salles des Studio sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Cinémas Stu d io – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – www.studiocine.com


SEMAINE

CNP jeudi

20h00

2

du 4 au 10 octobre 2017

Regards croisés sur l’isolement 32’ de la personne âgée

MICHELINE, JACQUES, YVES 70’ ET LES AUTRES de Caroline Le Roy et Franck Lecardonnel Débat avec deux assistants sociaux

C I N É M A T H È Q U E Hommage à Louis Delluc

lundi 19h30 Soirée présentée par Guy Schwitthal 50’ LE CHEMIN D’ERNOA 1h05’ LA FEMME DE NULLE PART 43’ FIÈVRE

EN SORTANT DE L’ÉCOLE

de divers réalisateurs

34’ VF

mercredi

Mr CHAT ET samedi LES SHAMMIES dimanche de Edmunds Jansons 16h00 sam-dim

1h52’ VF

14h00 1h47’ 17h00 HAPPY END 19h15 de Michael Haneke 21h30

Séance Cinélangues 1h28’ VO mercredi

1h43’

LOU ET L’ÎLE 14h15 AUX SIRÈNES mer-sam-dim 17h15 de Yuasa Masaaki RARA

Pepa San Martin

17h00

Bimestriel du cinéma africain de Tours – BCAT n°8

1h30’ + court métrage

PIM PIM TCHE- dimanche TOAST DE VIE ! de Jean Odoutan

En présence du réalisateur. Suivi d’un brunch africain offert.

11h30

19h45

GAUGUIN de Édouard Deluc

1h37’

1h58’

LE JEUNE 17h00 KARL MARX 21h15 de Raoul Peck

1h34’

14h30 LATIFA LE CŒUR UN BEAU SOLEIL 17h45 INTÉRIEUR 21h45 AU COMBAT 19h15 de Olivier de Claire Denis Peyron et Cyril Brody 14h30 19h30

1h34’

VA TOTO ! de Pierre Creton

2h08’

FAUTE D’AMOUR

21h15

de Andrey Zvyagintsev

Le film imprévu : www.studiocine.com www.studiocine.com

1h01’ VF

mer-sam

dim IL ÉTAIT UNE UN CONTE PEUT EN 14h15 FOIS… LE HAVRE CACHER UN AUTRE mer-sam Alan Smithee dim jeudi Débat endeprésence de membres d’équipes de Jakob Shuh, Jan Lachauer 16h15 responsables de la programmation 20h00 et de la gestion des Studio.

CNP

50’

C I N É M A T H È Q U E Festival Concerts d’automne

lundi TOUS LES MATINS DU MONDE 19h30 1h55’ de Alain Corneau

1h52’ VO

mercredi samedi dimanche

LOU ET L’ÎLE AUX SIRÈNES 17h15 de Yuasa Masaaki

Séance Cinélangues Soirée présentée par Alessandro Di Profio 1h49’ VO 1h53’ mercredi

14h30 17h00 L’ATELIER 19h15 de Laurent Cantet 21h30

EGON SCHIELE de Dieter Berner

1h35’

17h30 DEMAIN ET TOUS 19h30 LES AUTRES JOURS de Noémie Lvovsky

INTÉRIEUR

de Raoul Peck

TÉHÉRAN TABOU

de Régis Sauder

Aleksandra Cheuvreux, 19h45 débat avec productrice du film.

C I N É M A T H È Q U E

de divers réalisateurs

1h01’ VF

SAUF jeudi vendredi

16h15

UN CONTE PEUT EN SAUF lundi LA RUÉE VERS L’OR CACHER UN AUTRE jeudi vendredi 1h12’

19h30

de Charlie Chaplin

de Jakob Shuh, Jan Lachauer

Soirée présentée par Laurent Givelet 1h20’

samedi à 14h15

Ciclic et les Studio proposent

mercredi

19h45

Une soirée Libres courts En présence de Lucrèce Andreae, réalisatrice de Pépé le morse.

ZOMBILLENIUM de Arthur de Pins

14h15 SAUF jeu-ven

16h15 SAUF jeu-ven

17h45

1h53’

14h00 L’ATELIER 17h00 de Laurent Cantet 21h45

21h30 17h30 21h45

2017

L’ASSEMBLÉE de Mariana Otero

1h40’

14h00 LA BELLE LA MEUTE 19h15 deETKaouther Ben Hania

1h35’

DEMAIN ET TOUS 19h30 LES AUTRES JOURS de Noémie Lvovsky

1h36’

TÉHÉRAN TABOU

21h30

de Ali Soozandeh

1h39’

2h07’

LE CHÂTEAU 19h15 DE VERRE de Destin Cretton

Le film imprévu : www.studiocine.com

Cases orangées : programmation Jeune Public: voir pages 34 et 35

35’ sans paroles

16h00 DES TRÉSORS CNP RETOUR À FORBACH PLEIN MA POCHE jeudi 1h58’

1h36’

de Ali Soozandeh

14h00 2h23’ 17h00 DETROIT 19h15 de Kathryn Bigelow 21h15

Les fruits amers de la casse sociale

19h30

1h47’

de Michael Haneke

4 du 18 au 24 octobre 2017

14h15

19h45

de Claire Denis

HAPPY END

SEMAINE

14h00 2h22’ 17h00 19h15 THE SQUARE 1h34’ 21h15 de Ruben Östlund UN BEAU SOLEIL INTÉRIEUR 17h30 2h23’ 14h00 de Claire Denis DETROIT 17h00 1h50’ 21h15 de Kathryn Bigelow NUMÉRO UNE 17h15 19h30 de Tonie Marshall 1h39’ 21h45 14h15

LATIFA LE COEUR 14h00 AU COMBAT 21h45

1h58’

LE JEUNE 14h15 KARL MARX

17h15

1h37’

14h30 17h00 NUMÉRO UNE de Olivier Peyron et Cyril Brody 19h15 de Tonie Marshall 1h34’ UN BEAU SOLEIL 21h30 1h50’

2h07’

ANNÉES LE CHÂTEAU 17h00 14h15 NOS DE VERRE 21h15 FOLLES de Destin Cretton de André Téchiné 1h42’

3 du 11 au 17 octobre 2017

Cinéma d’auteur, quelle diffusion ?

mercredi 14h15

14h00 1h35’ DEMAIN ET TOUS 19h30 LES AUTRES JOURS 21h30 de Noémie Lvovsky

14h15 1h36’ 17h30 TÉHÉRAN TABOU 19h30 de Ali Soozandeh

SEMAINE

14h30 TOUS LES RÊVES 19h45

1h47’

DU MONDE HAPPY END 21h45 de Laurence Ferreira Barbosa

Vendredi, rencontre avec la réalisatrice après la séance de 19h45

de Michael Haneke

Le film imprévu : www.studiocine.com

Tous les films sont projetés en version originale (sauf indication contraire)

Cinémas Stu d io – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – www.studiocine.com


ISSN 0299 - 0342

CINÉMAS STUDIO : 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS

N°360 • Octobre 2017

de Kaouther Ben Hania

3 CINÉ-CONCERTS 30 septembre, 1er et 2 octobre

voir page 5 En parteriat avec la Cinémathèque et Ciné ma-différence


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Octobre 2017 - n° 360

Édito

3

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CNP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 ..............

4

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6

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7

Partenariat Bibliothèque/Sans canal fixe

Libres courts Cinélangues

LES FILMS DE A à Z

..................................

7

Pour permettre au public une plus grande fréquentation de ses collections (les plus riches de région Centre), la bibliothèque propose de nouveaux horaires.

Horaires d’ouverture : lundi : de 16h00 à 19h45 mercredi : de 15h00 à 19h45 jeudi : de 16h00 à 19h45 vendredi : de 16h00 à 19h45 samedi : de 16h00 à 19h45 FERMETURE PENDANT LES VACANCES SCOLAIRES

En bref

................................................

16

Cafétéria des Studio Bande annonce

Gérée par l'association AIR (chantier d'insertion), .....................................

17

..........................................

18

Les eaux potables À propos de

Song To Song

elle accueille les abonnés des Studio tous les jours de 16h00 à 21h45 sur présentation des cartes abonné et cafétéria.

Tél : 02 47 20 85 77

À propos de

On The Milky Road

....................................

19 Les STUDIO sont membres de ces associations professionnelles :

Courts lettrages

120 battements par minute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

EUROPA

Hommage à

REGROUPEMENT DES SALLES POUR LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPÉEN

Jeanne Moreau

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22

AFCAE

À propos de

Dunkerque

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24

Interférences

Premier contact/La Région sauvage . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Interférences

Memories Of Murder/Les Filles d’Avril

...............

28

ACOR ASSOCIATION DES CINÉMAS DE L’OUEST POUR LA RECHERCHE (Membre co-fondateur)

GNCR

À propos de

L’Amant double . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Compte-rendu

Soirée de l’horreur

Jeune Public

ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET ESSAI

...................................

..........................................

GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE

33

ACC

34

ASSOCIATION DES CINÉMAS DU CENTRE (Membre co-fondateur)

Film du mois d’octobre : LA BELLE ET LA MEUTE

(voir au dos des Carnets)

GRILLE PROGRAMME

................

pages centrales

Prix de l’APF 1998

Site : www.studiocine.com page Facebook : cinémas STUDIO

LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS - 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - Mensuel - Prix du numéro 2 €. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Sylvie Bordet, Isabelle Godeau, Jean-François Pelle, Dominique Plumecocq, Éric Rambeau, Roselyne Savard, Marcelle Schotte, André Weill, avec la participation de Jérémie Monmarché et de de la commission Jeune Public. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Rambeau – MISE EN PAGES & EN IMAGES : Francis Bordet. ÉQUIPE DEgraphique RÉALISATION contribue : Éric Besnier, Guérineaude – DIRECTEUR : Philippe Lecocq – IMPRIMÉ par PRÉSENCE GRAPHIQUE, Monts (37) Présence à Roselyne la préservation l’environnement et atteste être reconnu IMPRIM’VERT.


éditorial

Ouverture de nombril

O

n reproche souvent au cinéma français d’être nombriliste, de fonctionner en circuit fermé endogame. À en croire ses détracteurs, il n’y serait question que de psychanalystes du 16e arrondissement, de cadres de Saint-Germain-des-Prés, d’artistes bobos...

Le reproche n’est probablement pas dénué de tout fondement et il est possible que les raisons en tiennent à ce que les auteurs aient logiquement tendance à ancrer leurs univers fictifs dans le monde qu’ils connaissent le mieux. Il n’en reste pas moins qu’une partie importante (de plus en plus importante ?) de la production nationale sort très largement de ce cadre étriqué. Parmi les films récents on pourrait ainsi citer (en vrac, sans ordre aucun) Crash test Aglaé, Les Combattants, Visages, villages, Ni le ciel ni la terre, Ava, Louise Wimmer, la totalité des films de Philippe Faucon... Il se trouve que, en septembre de cette année, une coïncidence fait arriver sur nos écrans, la même semaine, deux fictions écrites et réalisées par deux cinéastes qui, statistiquement, ne partaient pas dans la vie programmés pour devenir des créateurs d’un art particulièrement onéreux comme l’est le cinéma, ou consanguin comme il est censé l’être... Les deux films en question sont Le Prix du succès, deuxième film de Teddy LussiModeste et Petit paysan, première réalisation longue d’Hubert Charuel. Ces deux films ont en commun de porter à l’écran des personnages dont l’origine sociale n’est ni bourgeoise ni intellectuelle : une famille d’immigrés dont le père travaillait dans le bâtiment (Le Prix du succès) et la

petite paysannerie pour… Petit paysan. Ils ont également en commun, je l’évoquais cidessus, d’être les œuvres de cinéastes qui ne sortent pas du sérail. T. Lussi-Modeste est né chez ce qu’il est convenu d’appeler les gens du voyage et H. Charuel est fils de paysans. Et ils sont tous deux passés par la très prestigieuse, sélective et élitiste Fémis, l’une des rares écoles de cinéma de France qui aient une réputation internationale (et l’on pourrait préciser : école publique si l’on voulait enfoncer le clou pour montrer l’importance de la préservation de formations... publiques). Il n’est pas question ici d’avancer l’idée qu’un milieu social ne saurait être décrit que par celui qui en est issu, ou même que cette seule origine des cinéastes en question confèrerait une qualité intrinsèque à leurs films. Alors, pourquoi revenir ainsi sur ces deux parcours ? Eh bien tout simplement pour montrer que les déterminismes ne sont pas toujours... déterminants... pour se réjouir de ce que la parole ne soit pas toujours confisquée par les mêmes... Parce que c’est très précisément là l’un des idéaux fondateurs des Studio ! Donner de la place aux paroles différentes, laisser entendre d’autres voix, montrer des films qui ne bénéficient pas toujours d’une grande exposition médiatique (à ce sujet on ne peut que se réjouir de ce que Petit paysan et Le Prix du succès aient pu bénéficier d’un certain soutien de la presse ! Pour les Studio, ER PS : Évoquant sa carrière et le tournage du Prix du succès, Roschdy Zem semblait aller dans le même sens : « Quand je retourne dans ma cité, je ne parle pas comme je vous parle. Il y a quelque chose d’ancré en moi, qui ne partira jamais et que j’assume totalement. Ce truc sanguin, que j’ai mis dans le personnage de Mourad. Sauf qu’aujourd’hui c’est du jeu (...) »

Les CARNETS du STUDIO n°360 – Octobre 2017 –

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FILM DU MOIS

La date de validité de votre carte d’abonnement figure... sur chaque ticket qui vous est remis en caisse. N’oubliez pas qu’il est également possible de se réabonner en ligne, sur le site des Studio !

La Belle et la meute Tunisie, France, Suède, Qatar… – 2017 – 1h40, de Kaouther Ben Hania, avec Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli, Noomane Hamda…

E

n sortant d’une soirée entre étudiants à Tunis, Mariam est violée par des policiers. Youssef, un jeune homme qui était avec elle à ce moment, la rattrape dans la rue et entreprend de l’aider en commençant par l’emmener dans une clinique faire constater le viol. (Viol qui ne nous sera jamais montré car le film n’a pas besoin de cela pour frapper fort... et, surtout, frapper juste !) Commence alors pour Mariam ce qui va s’avérer être une vraie nuit d’horreur. Personne ne veut prendre la responsabilité d’incriminer des policiers et, comme s’il fallait enfoncer le clou un peu plus, c’est finalement au commissariat du quartier où a eu lieu le viol qu’elle doit se rendre... commissariat où, évidemment, travaillent ses agresseurs. Inspiré d’une histoire réelle (publiée sous le

titre Coupable d’avoir été violée), La Belle et la meute est certes un film témoignage, mais c’est aussi une œuvre à la construction imparable, faite de longs plans séquences d’une virtuosité époustouflante. C’est aussi un véritable thriller qui vous visse à votre siège et vous coupe le souffle. Seule contre tous, ou presque, Mariam chancelle mais ne cède pas. En butte aux vexations, menaces, intimidations ou tentatives pour l’amadouer, elle semble parfois hésiter (et on la comprend, tant le film rend parfaitement le sentiment qu’il n’y a pas d’issue possible pour elle !) mais finit toujours par reprendre le dessus. Salué à Cannes (section Un certain regard) par une très longue standing ovation amplement méritée, La Belle et la meute restera dans vos mémoires avec son cortège de lâchetés et de cruautés. ER

LES CARNETS DU STUDIO – n° 360 – Octobre 2017 – 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - CPPAP n°0219 K 84305

www.studiocine.com – 08 92 68 37 01


jeudi 5 octobre - 20h00 L’association Sans Canal Fixe et le CNP proposent :

REGARDS CROISÉS SUR L’ISOLEMENT DE LA PERSONNE ÂGÉE L’un des maux récurrents dont souffrent les personnes âgées est l’isolement relationnel lié principalement à la perte d’autonomie, qui agit tant sur leur vie sociale que familiale. Confrontés à cette situation au sein de leur travail, deux assistants sociaux ont eu envie d’approfondir le sujet en demandant à deux documentaristes de s’emparer de ce thème. Leur film retrace le quotidien de trois protagonistes, Micheline 81 ans, Jacques, 95 ans, Yves 94 ans. FILM : Micheline, Jacques, Yves…et les autres de Caroline Le Roy et Franck Lecardonnel de Sans Canal Fixe (2017 –France – 1h10), suivi d’un débat animé par Sonia Samuelson et Thibaut Renaudin, assistants sociaux.

jeudi 12 octobre - 20h00 Le CNP propose :

CINÉMA D’AUTEUR, QUELLE DIFFUSION ? « Le cinéma est un art, et par ailleurs une industrie », disait André Malraux. Ce par ailleurs est lourd d’implications économiques. Certes, la politique française de soutien à toutes les étapes de la vie d’un film favorise l’existence d’un cinéma indépendant parmi les plus réputés au monde. Pourtant les

grands groupes capitalistes de production, de distribution et d’exploitation sont aux aguets pour capter à leur seul profit cette florissante diversité culturelle. Comment se préparer à l’arrivée imminente d’un 3e exploitant (futur cinéma de Tours Nord) qui bouleversera l’équilibre fragile de l’exploitation indépendante à Tours et ses environs (les Studio, Ciné-Off, le Balzac à Château-Renault) ? FILM : Il était une fois… Le Havre d’Alan Smithee (2014 – France – 50’) (Documentaire sur le tournage du film de Aki Kaurismäki : Le Havre). Débat en présence de membres d’équipes responsables de la programmation et de la gestion des Studio.

jeudi 19 octobre - 19h45 Les associations Sud solidaires , Les Amis De Demain Le Grand Soir et le CNP proposent :

Samedi 30 septembre - 14h15

LES FRUITS AMERS DE LA CASSE SOCIALE Forbach, ville minière où se sont succédé des vagues d’immigration : Italiens, Polonais, Algériens, Marocains. La ville ouvrière a vu ses usines fermer les unes après les autres, ses magasins disparaître, les maisons se fragiliser du fait du non-entretien des galeries en soussol. Elle a vécu un grand abandon : celui des pouvoirs publics, celui des politiques sauf… ceux du Front National qui sont venus semer leurs graines de haine et de peur. Au-delà des discours moralisateurs, autopsie d’une ville envahie par la peste brune… FILM : Retour à Forbach de Régis Sauder (1h58 – France – 2017) Suivi d’un débat animé par Aleksandra Cheuvreux, productrice du film.

Dimanche 1er octobre, 11h00

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– Les CARNETS du STUDIO

n°360 – Octobre 2017

Mélodies en noir et blanc amedi 30 septembre, dimanche 1er octobre et lundi 2, La Cinémathèque de Tours, Les Cinémas Studio et Ciné Ma Différence proposent trois ciné-concerts lors desquels des chefs d’œuvre du cinéma muet seront accompagnés en direct au piano. Il s’agit d’un événement qui s’adresse à tous les publics, des plus jeunes (avec deux programmes burlesques), aux plus avertis avec l’emblème du cinéma français, L’Inhumaine de Marcel L’Herbier. À noter que la séance du samedi après-midi est organisée dans le cadre de Ciné Ma Différence, où un accueil particulier est réservé aux personnes dont le handicap entraîne des troubles du comportement ou un isolement social.

Partenariat Bibliothèque/Sans canal fixe Pour lancer la thématique de l’année (la comédie documentaire), SCF vous invite aux Studio (la projection est gratuite) avec La Cigale, le corbeau et les poulets, documentaire de Olivier Azam qui revient de manière acide et décalée sur la série de lettres anonymes qui, en 2009, a visé plusieurs hommes politiques français... et abouti à l’arrestation (calami-

3 JOURS DE CINÉ-CONCERTS à Tours

teuse) de quelques personnes qui se rencontraient dans un lieu éminemment suspect puisqu’il s’agissait de La Cigale, un bureau de tabac/librairie. Le tout sera suivi d’une rencontre avec Pierre Blondeau, le buraliste de La Cigale... et d’un verre qui sera offert !

S

CHARLOT FESTIVAL Programme de trois films de Charles Chaplin de 1916 et 1917 Durée : 1h16 CHARLOT PATINE – Serveur catastrophique dans un grand restaurant, Charlot est un virtuose de patin à roulettes CHARLOT POLICEMAN – Après avoir assisté à une opération de sauvetage dans un quartier mal famé où un policier succombe toutes les heures, Charlot décide de rejoindre les troupes de la police… L’ÉMIGRANT – À bord d’un paquebot pour l’Amérique, Charlot rencontre une jeune fille qui émigre comme lui. Réservations nécessaires pour les personnes restant dans leur fauteuil et souhaitant une place de parking. Tarifs de 3,20€ à 5,20€

Dimanche 1er octobre - 17h00

LE PETIT FRÈRE

l’argent collecté par la population pour la construction d’un barrage, a disparu… Le petit Frère est un film mené tambour battant et ponctué de gags rocambolesques. Il met en scène l’agilité acrobatique et tout le talent du grand Harold Lloyd, l’une des vedettes les plus populaires du cinéma muet. Tarifs de 3,20€ à 9€

Lundi 2 octobre - 19h30 Soirée d’ouverture de la saison de la Cinémathèque.

L’INHUMAINE France – 1923 2h12, de Marcel L’Herbier.

Claire Lescot est une cantatrice qui ne vit que pour son art. Elle est aimée et admirée de tous mais n’aime personne. Véritable manifeste du style art-déco, L’Inhumaine comporte un générique prestigieux avec des décors signés de Robert Mallet-Stevens, Fernand Léger, Jean Lurçat et Claude Autant-Lara et les costumes du grand couturier de l’époque Paul Poiret. L’Herbier signe ici un film Art déco rarissime, véritable joyau du septième art. Tarifs : de 3 € à 8,80 € Ces trois films sont accompagnés au piano par Jacques Cambra Après une formation classique de piano, Jacques Cambra commence à travailler pour diverses formations musicales dans lesquelles il s’initie à l’improvisation. Il découvre la technique du ciné-concert en 1996 et consacre depuis tout son talent au cinéma muet. Pour lui, « Il ne s’agit plus de jouer d’après une partition classique mais avec une partition visuelle ». Jacques Cambra intervient dans de très nombreux festivals qui programment des films muets, mais aussi à la Cinémathèque française et à la Cinémathèque de Tours où il était venu accompagner le chef-d’œuvre de Murnau L’Aurore.

1926 – de Lewis Milestone – 1h25, avec Harold Lloyd.

Harold, le plus jeune fils du shérif est le souffre-douleur de la famille. Un jour, il revêt l’insigne de son père et autorise un spectacle itinérant à s’installer en ville. Mais la troupe est tenue par deux escrocs et le lendemain

Renseignements : Ciné-Ma Différence : tours@cinemadifference.com et cmd@studiocine.org ou 02 47 88 50 31 Cinémas Studio : 02 47 20 27 00 Cinémathèque de Tours : 02 47 21 63 95 Les CARNETS du STUDIO n°360 – Octobre 2017 –

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8e BIMESTRIEL DU CINÉMA AFRICAIN DE TOURS Dimanche 8 octobre, 11h30 – Ciné-brunch Pour débuter sa deuxième saison, le BCAT est heureux de vous retrouver avec :

LONG MÉTRAGE :

PIM-PIM TCHE, TOAST DE VIE

DIOP

de Paulin Soumanou Vieyra

Birago Diop, pionnier des lettres africaines, a connu le long cheminement des poètes de la négritude à partir des années 1930 et adopté comme mode d’expression le conte et le roman. Birago Diop évoque ses souvenirs. Issu de la vieille bourgeoisie de SaintLouis, il achève ses études secondaires au lycée Faidherbe à Dakar, avant de venir en France.

Horreur ! Olivier ne peut plus cacher sa calvitie à sa femme !

Dans la forêt africaine, Bene est un jeune enfant qui survit sous la coupe de chasseurs sanguinaires.

France - 2017 - 5’, de Ru Kuwahata et Max Porter

Toujours en voyage d’affaires, un père apprend à son fils à faire sa valise de manière efficace.

Pim Pim Tché, Toast de vie se déroule au Bénin. Cette comédie de mœurs raconte l’histoire d’une fille de 17 ans séduisant les hommes pour trouver de quoi payer sa laborieuse scolarité. Un sujet grave abordé avec humour et tendresse.

LA CHASSE France - 2017 - 5’, d’Alekseev Alexey

Les déboires d’un chasseur myope qui a pris un lapin à la place de son chien.

ALPHONSE S’ÉGARE France - 2016 - 14’, de Jean-Luc Greco et Catherine Buffat

Dans le couloir de son école, Alphonse rattrape Milou, une fille qui s’évanouit sous ses yeux. Il tente stupidement de l’embrasser...

EN PRÉSENCE DE JEAN ODOUTAN, réalisateur de Pim-Pim, toast de vie. Nous nous retrouverons ensuite autour du brunch africain offert à la fin de la projection.

CINÉ-LANGUES

PÉPÉ LE MORSE France - 2017 - 14’, de Lucrèce Andreae

Sur la plage sombre et venteuse, Mémé prie, Maman hurle, les frangines s’en foutent, Lucas est seul. Pépé était bizarre, maintenant il est mort.

VENT DE FÊTE France, Suisse - 2017 - 10’, de Marjolaine Perreten

Sur la place d’un petit village suisse, une grande fête se prépare.

Les films de A à Z

ESPAGNOL Mercredi 4 octobre 17h00

ALLEMAND Mercredi 11 octobre 17h15

RARA

EGON SCHIELE :

Musiques sélectionnées par Éric Pétry de RFL 101.

Chili – 2017 – 1h28 - de Pepa San Martín, avec Mariana Loyola, Julia Lübbert…

Autriche – 2017 – 1h49, de D. Berner, avec N. Saavedra, M. Riegner, V. Pachner...

Séance Ciné-ma différence : Charlot festival - samedi 30 septembre - 14h15 (voir page 5)

Sara et sa sœur vivent dans la jolie station balnéaire de Viña del Mar. Mais à 13 ans, même si l’ambiance familiale est pleine de complicités, pas facile d’assumer socialement qu’après le divorce de ses parents, sa mère Paula s’est mise en couple avec une femme… Voyant les doutes de sa grande fille, son père décide de récupérer la garde de ses enfants. Après Une femme fantastique, un nouveau film chilien qui s’efforce de faire bouger les mentalités, cette fois-ci sous la forme d’une comédie. Réussie. DP

Au début du XXe siècle, Egon Schiele est l’un des artistes les plus provocateurs de Vienne. Ses peintures radicales scandalisent la société viennoise tandis que les artistes audacieux comme Gustav Klimt les jugent exceptionnelles. Egon Schiele, artiste prêt à dépasser sa propre douleur et à sacrifier l’Amour et la Vie pour son Art, guidé depuis toujours par son amour des femmes. Mais cette vietouche à sa fin.

Séance gratuite pour les enseignants d’espagnol. (réservation : monmarche@studiocine.com). Séances scolaires possibles les matins sur réservation.

Séance gratuite pour les enseignants d’allemand. (réservation: monmarche@studiocine.com). Séances scolaires possibles les matins sur réservation.

Fêter le cinéma d’animation Mercredi 18 octobre, 19h45 La Fête du cinéma d’animation est un événement international et chaque année, Ciclic, les Studio et les salles de cinéma de la région célèbrent dignement ce genre cinématographique plein d’invention pas fait que pour les enfants. En 2017, le programme propose 7 courts

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L’HORIZON DE BÉNÉ France - 2016 - 13’, de Jumi Yoon et Eloïc Gimenez

NEGATIVE SPACE

de Jean Odoutan (1h25)

COURT MÉTRAGE : BIRAGO

TÊTE D’OLIV… France - 2017 - 11’, d’Armelle Mercat

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n°360 – Octobre 2017

métrages tous accueillis en résidence à Ciclic. L’occasion de faire de ces projections des temps de découverte du genre « sous toutes ses formes ». En présence de Lucrèce Andreae, réalisatrice de Pépé le Morse.

AVANT LES FILMS, DANS LES SALLES, AU MOIS D’ OCTOBRE : Nefeyaide de Nefeyaide (Studio 1-2-4-5-6) et Ballads de John Coltrane Quartet (Studio 3-7).

Séance Ciné-ma différence : Zombillénium - samedi 21 octobre - 14h15 (voir page 14)

A

A Ciambra

Italie/USA/France – 2017 – 2h00, de Jonas Carpignano, avec Damiano Amato, Iolanda Amato, Pio Amato…

Pio, 14 ans, vit en Calabre dans une famille rom affiliée à la très redoutable ‘Ndrangheta. Très tôt initié aux petites arnaques, il voudrait passer à l’échelon supérieur de la délinquance, autrement dit devenir un homme. Mais voilà que son père et son frère sont arrêtés et emprisonnés, l’obligeant à prendre prématurément des responsabilités trop lourdes pour son âge. Soutenu par Martin Scorsese, tourné avec des acteurs non professionnels constituant une authentique famille de Roms calabrais, A Ciambra confirme le talent de Jonas Carpignano, révélé par son premier long métrage, Mediterranea. Plus attaché à la profondeur des regards qu’à l’environnement des personnages, il réus-

sit à marier un réalisme quasi documentaire à des scènes romanesques et poétiques qui signent un « indéniable et très prometteur talent ». Sources : dossier de presse

L’Assemblée France – 2017 – h36, documentaire de Mariana Oter

Printemps 2016 : après de nombreuses manifestations contre le projet de réforme du code du travail (loi El Khomri), une nouvelle forme d’assemblée citoyenne et démocratique, sans représentant ni chef, tente, sur la place de la République, de redonner la parole à chacun, loin de celle des partis politiques. C’est la naissance du mouvement Nuit debout. Mariana Otero, dont on avait aimé les

Les CARNETS du STUDIO n°360 – Octobre 2017 –

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magnifiques films Histoire d’un secret (03) ou Entre nos mains (10), filme ces nuits comme un grand théâtre de la parole, celle de quelques têtes connues (Pinçon-Charlot, Ruffin, Lordon) et de très nombreux anonymes. « L’assemblée de Nuit debout, c’est le mythe de Sisyphe. Un chantier immense, toujours inachevé : la réinvention de la démocratie. Rien de moins. » Source : lemonde.fr – politis.fr – telerama.fr

L’Atelier

France 2017 1h53, de Laurent Cantet, avec Marina Foïs, Matthieu Lucci, Warda Rammach...

La Ciotat, de nos jours, en été. Olivia, romancière reconnue, arrive de Paris pour animer un atelier d’écriture, destiné à des jeunes en insertion, ayant pour but d’écrire collectivement un roman noir. Dans le groupe Antoine se démarque rapidement par sa violence... Nouveau film de Laurent Cantet (Entre les murs, Ressources humaines, L’Emploi du temps), on retrouve dans L’Atelier beaucoup des thèmes qui parcourent son cinéma comme, entre autres, les rapports de classes, l’adolescence, l’étude d’un groupe. Le résultat est une belle réussite qui mêle monde actuel et nostalgie d’un passé révolu à travers l’histoire de La Ciotat et de son chantier naval fermé depuis longtemps. Il mêle aussi brillamment une comédienne chevronnée (superbe Marina Foïs) et acteurs débutants. Écrit avec Robin Campillo (le talentueux réalisateur de 120 battements par minute), le résultat est aussi touchant que passionnant. JF

Au revoir là-haut

France – 2017 – 1h55, de et avec Albert Dupontel, Laurent Lafitte, Nahuel Pérez Biscayart…

Quelques jours avant l’Armistice de 1918, dans l’enfer des tranchées, deux hommes, Édouard Péricourt (incarné par l’excellent interprète de Sean dans 120 battements par minute de R. Campillo) et Albert Maillart (Dupontel luimême) vont se trouver liés, irréversiblement, par un événement qui les marquera à jamais,

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n°360 – Octobre 2017

dans leur chair et leur psyché. Un an plus tard, le dessinateur prodige rejeté par son milieu bourgeois et le modeste comptable ont bien compris que s’ils ne voulaient pas demeurer des laissés-pour-compte de cette société qui ne veut plus d’eux, ils n’allaient devoir compter que sur eux-mêmes. Ils mettent alors au point une escroquerie de génie autour de la vente de monuments aux morts auprès des municipalités… Le nouveau film d’A. Dupontel est ce qu’on peut appeler un film événement : adaptation du roman de Pierre Lemaître, récompensé par nombre de prix dont le Goncourt en 2013, la distribution est exceptionnelle même pour les seconds rôles, avec les excellents Niels Arestrup, Émilie Dequenne et Mélanie Thierry ! Et puis, tous ceux qui ont vu le film évoquent, avec enthousiasme, une fresque exubérante, baroque, poétique, d’une grande maîtrise plastique ! Alléchant, on vous dit !

La qualité de la photographie apporte une dimension presque documentaire à cette histoire filiale. Le duo père-fils, complice, est remarquablement interprété au sein de cette communauté très réglementée, où la femme, à l’image de la mère, semble presque absente… RS

C

Sources : écranlarge.com, europe1.fr, dossier de presse.

La Belle et la meute Film du mois, voir au dos du carnet

Brooklyn Yiddish

USA – 2017 – 1h22, de Joshua Z. Weinstein, avec Menashe Lustig, Yoel Falkowitz, Ruben Niborski…

À Borough Park, dans le quartier juif ultraorthodoxe de Brooklyn. Menashé, veuf, souhaiterait pouvoir élever seul Ruben, son jeune et unique enfant. Or la tradition hassidique ne le lui permet pas. Le garçon doit vivre dans une famille et c’est donc chez son oncle paternel qu’il réside au quotidien, tandis que son père doit se contenter de quelques moments partagés. Pourtant Menashé ne désespère pas de récupérer la garde. Simple employé dans une épicerie, il essaie de joindre les deux bouts et de prouver au rabbin qu’il peut être un père capable d’éduquer son enfant selon les règles de sa communauté.

B

Le Château de verre USA – 2017 – 2h07, de Destin Daniel Cretton,

l’Ours d’or du dernier festival de Berlin. Corps et âme est un film étonnant, qui commence comme un drame qui pourrait tomber dans le sinistre mais qui va se révéler tout autre. Histoire de la rencontre entre deux solitaires jusque-là un peu malmenés par la vie, le film navigue à la limite du fantastique mais est surtout plein de délicatesse et de poésie. Doux et chaleureux. JF

avec Brie Larson, Woody Harrelson, Naomi Watts…

Inspiré de l’autobiographie de Jeannette Walls – Le Château de verre, éditions Babelio – le film narre l’enfance chahutée de celle qui est devenue une chroniqueuse mondaine connue du tout-New-York. Elevée par un père charismatique et loufoque qui rejette la société de consommation et une mère artiste fantasque et irresponsable, elle a dû très tôt prendre en charge ses frères et sœurs au gré des errances de la famille dans le pays. Poursuivis par les créanciers et refusant de scolariser leurs enfants, les Walls ont fait le choix de mener une vie proche de la nature mais pleine d’amour, de poésie et de rêves inaccessibles. Si des liens très forts se sont noués dans la fratrie, ils sont dus aussi aux épreuves traversées : la faim, la fuite permanente, l’alcool dévastateur… et la honte.

Corps et âme

Hongrie 2017 1h56, de Ildiko Enyedi, avec Alexandra Borbély, Géza, Zoltan Schneider...

Dans l’entreprise de Endre, directeur financier, arrive Maria, nouvelle responsable du contrôle de qualité. Très vite elle se révèle solitaire, très timide et extrêmement pointilleuse dans son travail. Chaque nuit, elle rêve d’un paysage enneigé dans lequel un cerf et une biche se rencontrent. De son côté, Endre rêve exactement de la même chose... Ildiko Enyedi est une réalisatrice hongroise qui a obtenu en 1989 la Caméra d’or au festival de Cannes pour Mon XXe siècle et dont on n’avait plus de nouvelles. Pour son retour, elle a obtenu

Demain et tous les autres jours France – 2017 – 1h31, de Noémie Lvovsky, avec Noémie Lvovsky, Luce Rodriguez, Mathieu Amalric, Anaïs Demoustier, India Hair...

D

Ses parents sont séparés et Mathilde, 9 ans, vit seule avec sa mère. La situation serait banale si sa mère, particulièrement instable, ne risquait sans cesse de se voir internée tant le monde extérieur la juge inapte à élever sa fille... Le monde extérieur, oui, mais pas Mathilde ellemême qui veut à tout prix préserver et garder sa mère. Lorsque cette dernière lui offre une chouette, Mathilde découvre que l’oiseau est capable de lui parler et qu’il va constituer un sérieux allié dans un monde difficile. Le cinéma de N. Lvovsky regorge de personnages limite, de situations entre le loufoque, le burlesque et le drame profond. Avec Demain et tous les autres jours, il est bien possible que cette réalisatrice (doublée d’une des meilleures actrices qui soient!) ait trouvé le moyen de creuser encore plus chacune des veines qui parcourent l’ensemble de ses films (Camille redouble, Faut que ça danse, La Vie ne me fait pas peur...)

Detroit

USA – 2017 – 2h23, de Kathryn Bigelow, avec John Boyega, Will Poulter, Algee Smith…

Au cours de l’été 1967, les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. Le climat de contestation est nourri par la ségrégation raciale ainsi que par le contexte de la guerre du Vietnam vécue comme une intervention néocoloniale. Depuis deux jours, l’insurrection règne à Detroit. Les forces de l’ordre

Les CARNETS du STUDIO n°360 – Octobre 2017 –

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encerclent l’Algiers Motel, d’où semblent provenir des coups de feu. Bafouant toute procédure, trois policiers racistes contraignent à d’insoutenables interrogatoires des clients de l’hôtel pour leur extorquer des aveux. Plusieurs hommes, non armés, seront abattus à bout portant, sans compter de très nombreux blessés… La réalisatrice de Démineurs (2008) aborde un événement dramatique et violent des années soixante. La polémique soulevée lors de la sortie de Detroit aux États-Unis témoigne de la sensibilité du sujet. Source : dossier de presse.

Des trésors plein ma poche Voir pages Jeune Public.

E

En sortant de l’école

F

Faute d’amour (Loveless) Russie/France/Belgique – 2017 – 2h08, de Andreï Zviaguintsev,

Voir pages Jeune Public.

avec Mariana Spivak, Alexeï Rozin, Matveï Novikov, Marina Vassilieva…

Zhenia et Boris ne s’aiment plus. Ils sont en instance de divorce et chacun est déjà prêt à refaire sa vie. Seul problème : qui est prêt à prendre la garde d’Alyosha, leur fils de douze ans ? Après une dispute entre ses parents, l’enfant renié, ballotté comme une poupée de chiffon, disparaît. Le couple se lance malgré lui aux trousses de l’enfant fugueur… Faute d’amour mêle l’intime et le politique. Le climat glaçant autour de ce couple en crise est à l’image du climat politique d’un pays déliquescent et de la météo de l’hiver russe. Faute d’amour nous séduit par la photographie froide et majestueuse, reflet du drame qui se développe dans un environnement glacial, déshumanisé, jouant des zones d’ombre aussi bien dans les cadrages de paysages urbains que de forêts. Ne manquez pas Faute d’amour qui, après Elena et Leviathan primés à Cannes en 2011 et 2014, a obtenu le Prix du jury cette année ! MS

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– Les CARNETS du STUDIO

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Gauguin

France – 2017 – 1h42, d’Édouard Deluc, avec Vincent Cassel, Thuïé Adams…

En 1891 le peintre Gauguin quitte l’Europe et veut trouver sa peinture en homme libre, en sauvage, dans son exil à Tahiti loin des codes moraux, politiques et esthétiques de la civilisation. Bravant la solitude, la pauvreté, la maladie, il s’enfonce dans la jungle où il rencontrera Tehura, qui deviendra sa femme et la muse qui inspirera ses plus belles toiles... Après Lindon en Rodin, Gallienne en Cézanne, Canet en Zola, c’est Vincent Cassel, « spécialiste en mecs tordus », qui interprétera Gauguin. En s’inspirant de son journal intitulé Noa Noa, avec son co-scénariste Thomas Lilti (Hippocrate, Médecin de campagne), le réalisateur a voulu, au travers de l’histoire du peintre célèbre qui n’est qu’un prétexte, « raconter l’histoire des Polynésiens, le choc des civilisations, l’histoire de l’art moderne, la quête de la liberté… Il arrive à Tahiti à un moment clé, au moment où le dernier roi Ma’ohi meurt. Et il peint ce qu’il voit comme l’humanité dans l’enfance, parce que c’est ce qu’il venu chercher. Il peint à un moment où quelque chose est en train de disparaître… » Sources : dossier de presse

Filmographie : Mariage à Mendoza (2013)

Good Time

USA – 2017 – 1h39, de Benny et Joshua Safdie, avec Robert Pattinson, Jennifer Jason Leigh, Barkhad Abdi…

Connie est une petite frappe qui vit de combines minables pour entretenir sa compagne et un frère handicapé avec lequel il rêve de partir en Virginie. Quand ce dernier est arrêté à l’issue d’un braquage raté, il a le choix entre réunir la caution qui lui permettra de sortir ou organiser son évasion. S’ensuit une longue nuit sous adrénaline dans les bas-fonds de New York. Troisième long métrage des frères Safdie - après Lennie and the Kids (2009) et Mad Love in New York (2014) – Good Time, thriller nerveux et dynamique, fit sensation à Cannes, en particu-

lier pour la performance impressionnante de Robert Pattinson dans le rôle de Connie, bras cassé et loser mais prêt à tout...

G

Sources : dossier de presse Cannes

H

Happy End France, Autriche – 2017 – 1h47, de Michael Haneke, avec Isabelle Huppert, Jean-Louis Trintignant, Mathieu Kassovitz…

On ne présente plus Michael Haneke, deux fois Palme d’or à Cannes (Le ruban blanc – 2009, Amour – 2012). Dans ce dernier opus il observe désabusé une famille bourgeoise de Calais où tout le monde veut en finir avec la vie, avec les autres, avec l’amour filial ou paternel… La famille vit repliée sur elle-même alors que tout près les migrants affluent : « Tout autour le monde et nous au milieu, aveugles ». Happy end se présente comme une comédie noire dans laquelle pièce par pièce un puzzle se met en place. Nous y retrouverons toutes les obsessions du cinéaste : l’enfance sadique, la passion dans la douleur, l’oppression familiale, l’approche de la mort… mais sans doute avec un peu plus de décontraction. Tant mieux ! Sources : dossier de presse

J

Le Jeune Karl Marx France/Allemagne/Belgique – 2017 – 1h58, de Raoul Peck, avec August Diehl, Stefan Konarske, Vicky Krieps, Olivier Gourmet…

1844. L’Europe est en ébullition : les ouvriers, premières victimes de la Révolution industrielle, commencent à s’organiser face à un capitalisme effréné. Un jeune journaliste et philosophe allemand – Karl Marx – rejoint Paris avec sa femme Jenny cherchant à échapper à la censure. Leur rencontre avec Friedrich Engels, fils révolté d’un riche industriel, va être décisive. Selon eux, « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, alors que le but est de le changer ». Entre débats passionnés et nuits d’ivresse, la rédaction du Manifeste du Parti Communiste, se dessine… Raoul Peck, réalisateur de documentaires dont I am not your negro (2017), propose une fiction sur un personnage historique rarement abordé

au cinéma, documentée et passionnante, avec en plus, Olivier Gourmet en Proudhon ! RS

Kiss and Cry

France – 2017 – 1h18, de Chloé Mahieu et Lila Pinell, avec Sarah Bramms, Xavier Dias...

K

À 15 ans Sarah est un espoir du patinage artistique et, à ce titre, sacrifie sa vie personnelle à cette ambition... Enfin... les choses ne sont pas si simples parce que, de retour à Colmar, Sarah se retrouve sous les ordres d’un entraîneur tyrannique, en même temps que ses désirs d’adolescente la tirent vers de tout autres choses que les entraînements impitoyables auxquelles elle doit se soumettre. Avec son scénario qui doit beaucoup à l’aléatoire et aux improvisations des comédiens, Kiss and Cry n’est pas du tout un film à la gloire de la souffrance sportive, mais plutôt une fiction aux qualités quasi-documentaires qui prend résolument le parti de la liberté de son personnage principal. Sources : filmdeculte.fr ; liberation.fr

Latifa, le cœur au combat France – 2017 – 1h37, documentaire de Olivier Peyon et Cyril Brody.

L

Latifa Ibn Ziaten est la mère de Imad Ibn Ziaten, le premier militaire assassiné par le terroriste Mohammed Merah en mars 2012, à Toulouse. Après la mort de son fils, elle a créé l’association Imad pour la Jeunesse et la Paix afin de donner de l’amour en réponse à la haine. Elle part à la rencontre des jeunes, des familles, parcourt les quartiers, les écoles, les prisons. Elle dépasse sa douleur de mère et tend la main pour tenter de faire bouger les choses. Latifa est devenue un symbole de la lutte contre la radicalisation, n’hésitant pas à s’adresser aux politiques qui sont en échec face à une génération abandonnée. Son langage est simple, direct. Elle parle avec son cœur donnant ainsi de l’espoir et une formidable leçon de vie. MS

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LouJaponet– 2017 l’île aux sirènes – 1h52, de Masaaki Yuasa, avec Shôta Shimoda, Kanon Tani, Akira Emoto…

Kai, un jeune Tokyoïte, en pleine crise d’adolescence, s’exile dans un petit village de pêcheurs après le divorce de ses parents. Pour occuper son temps, il compose de la musique électronique et rejoint deux camarades de lycée, Yûho et Kunio, pour aller répéter avec eux sur une île. La rencontre inopinée d’une sirène sur fond de musique et de danse va lui attirer des ennuis avec les habitants… Le film de Yuasa est foisonnant car il fait coexister des mondes très différents les uns des autres : le traditionnel, le contemporain, le merveilleux. Masaaki Yuasa nous parle ici de jeunesse, d’amitié, de passion, du fait de grandir, de trouver sa voie. À travers Kai, il dresse un très beau portrait d’adolescent. Le film a remporté le Cristal du long métrage au Festival international du film d’animation d’Annecy 2017. Sources : senscritique

Voir pages Jeune Public.

M N

Le Mécano de la Générale Monsieur Chat et les Shammies Nés en Chine Voir pages Jeune Public.

Nos années folles

France – 2017 – 1h43, d’André Téchiné, avec Céline Sallette, Pierre Deladonchamps, Grégoire Leprince-Ringuet, Michel Fau…

L’horreur des tranchées de 14-18. Après deux années au front Paul Grappe n’en peut plus… au point de se mutiler pour ne pas y retourner et finalement de déserter. Louise, son épouse, se fait complice en le travestissant en femme pour le cacher. Dans le Paris des Années Folles, il devient Suzanne. En 1925, enfin amnistié, Suzanne tentera de redevenir Paul… Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

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– Les CARNETS du STUDIO

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Inspiré d’un fait divers et adapté de l’essai La Garçonne et l’assassin. Histoire de Louise et de Paul, déserteur travesti, dans le Paris des années folles, de F. Virgili et D. Voldman, le scénario d’André Téchiné et de Cédric Anger conte les amours de ce couple très épris et horsnorme. Une histoire dramatique fascinante et « vraie d’une passion fatale, du Téchiné à son meilleur ».

géniteur : Joseph, un vieil homme des plus attachants, pour qui il se prend d’affection. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Erwan croise en chemin l’insaisissable Anna... Imaginez qu’en plus sa fille, enceinte, refuse de lui dire qui est le père de l’enfant qu’elle attend et vous comprendrez aisément que tout est en place pour une comédie à imbroglios nombreux... Ajoutez que les dialogues et les situations fonctionnent parfaitement et vous imaginerez facilement qu’avec d’excellents acteurs il n’y aura aucune raison de bouder son plaisir devant une comédie qui multiplie les niveaux de réaction et n’hésite pas à vous faire passer du rire au questionnement ! ER

Sources : dossier de presse, telerama.fr.

Filmographie sélective : Les Roseaux sauvages (1994), Les Témoins (2007), Quand on a 17 ans (2016).

Numéro Une

France - 2017 - 1h50, de Tonie Marshall, avec Emmanuelle Devos, Suzanne Clément, Richard Berry, Benjamin Biolay…

Brillante et volontaire, Emmanuelle Blachey a mené sa carrière d’ingénieure de main de maître(sse), jusqu’à siéger au comité exécutif de son entreprise de pointe dans le domaine de l’énergie en France, tout en réussissant à construire une vie familiale. Un jour, elle est contactée par un réseau de femmes d’influence, qui lui suggèrent de prendre la tête d’un géant de l’industrie coté au CAC 40. Emmanuelle sait pertinemment que, dans ces hautes sphères, le pouvoir appartient à une élite composée majoritairement d’hommes, peu disposés à le partager et à se muer en parangons de l’égalité hommes-femmes. Galvanisée par cette conquête, la jeune femme va très vite réaliser que pour lui faire barrage, tous les coups vont être permis, tous. Et si finalement l’enfer se situait dans les sommets ?

P R

Sources : dossier de presse

Filmographie sélective : Pentimento (1989), Vénus beauté (institut) (1998), Au plus près du paradis (2002), Passepasse (2008).

Ôtez-moi d’un doute

France – 2017 – 1h40, de Carine Tardieu, François Damiens, Cécile de France, André Wilms, Guy Marchand…

Erwan est démineur mais sa vie s’apprête à exploser lorsqu’il apprend que son père n’est pas son père. Malgré toute la tendresse qu’il éprouve pour l’homme qui l’a élevé, Erwan enquête discrètement et retrouve son véritable

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Polichinelle et les contes merveilleux Voir pages Jeune Public.

Le Redoutable

France – 2016 – 1h47, de Michel Hazanavicius, avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Bejo…

En 1967 tout réussit à Jean-Luc Godard : il réalise les films dont il a envie, est reconnu par le public et la critique, et tourne La Chinoise avec celle qui est à la fois sa muse et son épouse, Anne Wiazemsky, rencontrée sur le tournage de Au hasard Balthazar de Robert Bresson ! Mais lors de sa sortie le film est très mal accueilli. Cet échec professionnel et les grands bouleversements sociétaux engendrés par Mai 68 vont provoquer chez le réalisateur une remise en cause définitive dans ses choix artistiques, politiques et personnels… Pour adapter l’ouvrage autobiographique d’Anne Wiazemsky, Un an après, comme à son habitude M. Hazanivicius (les deux opus d’OSS et The Artist) a travaillé le fond et la forme pour être en cohérence avec son sujet : certains adorent, d’autres crient au sacrilège ! Le mieux ? Aller voir ! Sources : lesinrocks.com, telerama.fr

Téhéran tabou

Allemagne/Autriche – 2017 – 1h36, film d’animation de Ali Soozandeh

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Corruption, débauche, duplicité… le pamphlet tourné par un réalisateur iranien exilé en Allemagne entend dénoncer avec insolence les travers cachés et les hypocrisies de la société iranienne. Il le fait sous une forme détonante, en utilisant la rotoscopie, un procédé qui consiste à filmer des comédiens en prises de vues réelles (sur fond vert) et les redessiner image par image pour en faire des personnages animés aux traits et aux gestes réalistes (comme dans le génial Valse avec Bachir d’Ari Foldman). Présenté à la Semaine de la critique à Cannes, « le caractère inédit et explosif des situations mises en scènes lui confère la valeur d’un témoignage captivant. » Sources : télérama.fr, lemonde.fr

The Square

Suède/Danemark/France – 2017 – 2h22, de Ruben Oslund, avec Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West…

Christian est conservateur d’un musée d’art contemporain. Il prépare une exposition baptisée The Square autour d’une installation incitant les visiteurs à la tolérance et la solidarité : « Si l’on se trouve à l’emplacement du Carré, il est de son devoir d’agir –et de réagir – si quiconque a besoin d’aide. » Christian a des principes humanistes et fait partie de la classe intellectuelle aisée. Le vol de son portefeuille et de son portable, ainsi qu’un coup de pub provocateur concernant l’exposition, vont provoquer des dérèglements dans sa vie professionnelle et personnelle. Il va s’efforcer de sauver la face… Le réalisateur offre un miroir moqueur des vanités, des affectations, des hypocrisies bourgeoises, notamment dans le milieu de l’art. Il fait exploser les apparences polies avec férocité et cynisme. On est choqué, surpris. On rit, on est mal à l’aise. Tout comme Snow Therapy (2014), The Square nous bouscule tout en nous

Les fiches paraphées correspondent à des films vus par les rédacteurs. Les CARNETS du STUDIO n°360 – Octobre 2017 –

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divertissant. Venez sans hésitation découvrir la Palme d’or de Cannes 2017 ! MS

Tous les rêves du monde France – 2017 – 1h48, de Laurence Ferreira Barbosa, avec Pamela Constantino-Ramos, Rosa Da Costa…

« Porter un nom étranger a déterminé, que je le veuille ou non, une part de mon identité… » (L. Ferreira Barbosa). Pour parler de la communauté portugaise qui vit en France et est restée le plus souvent très attachée à son identité et à ses valeurs, la réalisatrice a choisi de faire le portrait d’une jeune femme de la deuxième génération dont les parents ont émigré à la fin des années 80. Elle s’appelle Pamela, est empêtrée dans ses contradictions, ses échecs et l’amour de sa famille. Pour vivre sa vie et trouver son chemin entre la France et le Portugal, elle va choisir, sous l’influence d’une ado intrépide et rebelle, de faire un pas de côté… On avait aimé les précédents films de L. Ferreira Barbosa, dont le très beau Les Gens normaux n’ont rien d’exceptionnel (1993). Et un film qui parle de la communauté portugaise rarement évoquée au cinéma ne peut qu’attiser notre curiosité… Sources : dossier de presse.

Vendredi 20 octobre, rencontre avec la réalisatrice, après la séance de 19h45

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Un beau soleil intérieur

France 2017 1h34, de Claire Denis, avec Juliette Binoche, Xavier Beauvois, Philippe Katerine, Nicolas Duvauchelle, Valeria Bruni-Tedeschi, Gérard Depardieu...

Claire Denis n’est pas n’importe qui, Trouble every day, 35 rhums, Beau travail, White material, J’ai pas sommeil, entre autres, sont là pour témoigner d’une carrière importante et pleine de magnifiques réussites. Un beau soleil intérieur ne déroge pas à la règle et pourtant la cinéaste nous surprend en abordant avec légèreté et énormément d’humour un sujet qui aurait pu être traité tout autrement. Isabelle, la cinquantaine, divorcée, un enfant, rompt avec son amant banquier. Mais elle n’a

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identité de ses employés, le vampire directeur du parc doit l’embaucher. Pour revoir sa fille, Hector fera tout pour échapper à ses collègues zombies, loups-garous et vampires. Ce père désespéré deviendra-t-il l’attraction phare de Zombillénium ? En adaptant sa bande dessinée, Arthur De Pins tenait à en conserver la dimension sociale (la

pas renoncé à trouver l’amour... Avec brio, fluidité et élégance, Claire Denis évite tous les écueils. Tout à la fois ceux de son sujet, qui aurait pu virer à la caricature, et de sa forme qui aurait pu ressembler à un film à sketches sans cohérence. Et elle a trouvé en Juliette Binoche une alliée de choix. Elle est exceptionnelle en Isabelle, qui, de rencontre en rencontre, va croiser les chemins de Nicolas Duvauchelle, Alex Descas, Philippe Katerine, Xavier Beauvois, Bruno Podalydès, Josiane Balasko, excusez du peu, jusqu’à atterrir face à Gérard Depardieu dans une scène finale absolument grandiose. JF

lutte des classes) tout en développant un nouveau thème qui frappe juste : le ridicule de certaines modes vendues au consommateur par des actionnaires bien plus inhumains que des zombies. Un premier film très bien accueilli au dernier festival d’Annecy. Source : dossier de presse.

Voir pages Jeune Public.

PROCHAINEMENT : • Jeune femme de Léonor Serraille • D'après une histoire vraie de Roman Polanski • Mise à mort du cerf sacré de Yorgos Lanthinos • Carré 35 de Eric Caravaca • A beautiful Day de Lynne Ramsay

• Prendre le large de Gaël Morel • En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui • Le Musée des merveilles de Todd Haynes • Marvin de Anne Fontaine • La Lune de Jupiter de Kornel Mundruczo

Un conte peut en cacher un autre Voir pages Jeune Public.

Lundi 9 octobre, 19h30 HOMMAGE À LOUIS DELLUC

Va Toto !

France – 2017 – 1h34, de Pierre Creton, avec Pierre Creton, Vincent Barré, Raymonde Leroux…

V

Artiste formé aux Beaux-Arts et très attaché à sa Normandie (pays de Caux), Pierre Creton a progressivement glissé, avec l’arrivée des petites caméras numériques, du dessin vers le cinéma, tout en continuant à enchaîner les petits boulots campagnards : apiculteur, saisonnier, vacher… Ses films ont été projetés dans les festivals les plus exigeants. Avec Va Toto, il nous propose une flânerie entre Bolbeck et Vattretot ; il y a Madeleine, Monette, Pierre, Vincent, mais aussi Joseph et sa machine à rêver/cauchemarder, un psychanalyste tibétain, des singes et des chats… et Toto, le marcassin. Surprenant… SB

Zombillénium Belgique – 2017 – 1h20 film d’animation

Samedi

21 octobre 14h15

d’Arthur de Pins et Alexis Ducord.

Tout le monde l’ignore (en particulier les visiteurs) mais le parc d’attraction Zombillénium est peuplé de vrais monstres. Pour éviter qu’Hector, un humain, ne révèle la véritable

Le Chemin d’Ernoa 1921 – 50 mn MÉLODIES EN NOIR ET BLANC Trois jours de ciné-concerts

Samedi 30 septembre, 14h15 Charlot Festival

La Femme1922de nulle part – 1h05 Fièvre

1921– 43 mn, avec Ève Francis et Gaston Modot

Charlot patine - Charlot policeman - L’Émigrant

Soirée présentée par Guy Schwitthal.

En partenariat avec les cinémas Studio et Ciné-ma différence.

Lundi 16 octobre, 19h30

Renseignements et réservations pour cette séance : tours@cinemadifference.com et cmd@studiocine.org ou 02 47 88 50 31

Tous les matins du monde

Dimanche 1er octobre, 17h00

de Alain Corneau – 1991 – 1h55. avec Jean-Pierre Marielle, Gérard Depardieu, Anne Brochet, Guillaume Depardieu…

Le Petit Frère

Soirée présentée par Alessandro Di Profio.

1926 – USA – 1h25, de Lewis Milestone, avec Harold Lloyd.

En partenariat avec les cinémas Studio

Z

FESTIVAL CONCERTS D’OCTOBRE

Lundi 23 octobre, 19h30

Lundi 2 octobre, 19h30

La Ruée vers l’or

SOIRÉE D’OUVERTURE DE LA SAISON DE LA CINÉMATHÈQUE.

Soirée présentée par Laurent Givelet.

L’Inhumaine 1923 – France – 2h12, de Marcel L’Herbier

Lundi 30 octobre, 19h30

Ces trois séances sont accompagnées en direct dans la salle, par le pianiste Jacques Cambra.

1946 – USA Noir – 1h40, de Ernst Lubitsch avec Jennifer Jones, Charles Boyer…

Voir page 5

Soirée présentée par Guy Schwitthal.

1925 – USA – 1h12,de Charlie Chaplin

La Folle ingénue

Programme détaillé dans le dépliant disponible à l'accueil et sur www.cinematheque.tours.fr

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VF

Et si on revisitait un peu nos contes classiques ? Imaginons... si le Petit Chaperon Rouge et Blanche-Neige étaient copines ? Si le loup n’avait soudain plus envie de croquer les petits cochons ? À partir de 6 ans LE QUART D’HEURE DU CONTEUR Mercredi 25 octobre au début de la séance de 16h, Gaël Prioleau viendra nous dire l’un de ses contes...

VF

Sur les terres sauvages de l’Empire du Milieu, les destins de trois familles d’animaux s’entrecroisent : le Panda majestueux, l’astucieux Singe Doré et l’insaisissable Panthère des Neiges.

USA – 2017– 1h16, documentaire de Lu Chuan avec John Krasinski et Zhou Xun.

Tout public à partir de 7 ans

À partir de 3 ans

sans paroles

Les Shammies, petites créatures rigolotes en patchwork, se posent toujours des questions au quotidien. Heureusement Mr Chat est là…

USA – 1926 – 1h29, film en version restaurée de Clyde Bruckman et Buster Keaton avec Buster Keaton, Marion Mack…

Idéal pour nos tout-petits, une ode à la petite enfance !

Tout public à partir de 7 ans

En Géorgie, la guerre de Sécession vient de commencer. Pour prouver son amour à sa bien-aimée, Johnnie, conducteur de locomotive veut s’engager dans l’armée…

Séance tout public ouverte aux enseignants inscrits à École et cinéma.

France – 2014 – 32 min, film d’animation de Marie Larrivé et Camille Authouart.

VF

Des courts métrages inspirés des poèmes de Prévert, mis en musique et interprétés par Renan Luce.

VF

VF

Lettonie – 2017 – 33mn, courts métrages d’animation de Edmunds Jansons.

À partir de 5 ans

JEUNE PUBLIC

JEUNE PUBLIC

Grande-Bretagne – 2017 – 1h01, de Jakob Schuh et Jan Lachauer.

VO

Décors sylvestres, inventivité et humour accompagnent chacun de ces courts métrages.

Japon – 2017 – 1h47, film d’animation de Yuasa Masaaki. Tout public à partir de 11 ans

Séance tout public ouverte aux enseignants inscrits à École et cinéma. Tout public à partir de 7 ans

USA – 1916 et 1917 – 1h16, films en version restaurée de Charlie Chaplin.

VF

Voir page 11

Samedi 21 octobre 14h15

sans paroles

Ces trois chefs d’œuvre du cinéma burlesque seront accompagnés au piano par Jacques Cambra.

Voir page 5

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Tout public à partir de 8 ans

Pour fêter Halloween, des petites surprises attendront les enfants...

Samedi 30 septembre 14h15

À partir de 3 ans

Suisse – 2017 – 36 mn, courts métrages d’animation de Giulio Gianini et Emanuele Luzzati.

VF Russie – 2017 – 35 mn, six courts métrages d’animation de divers réalisateurs.

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Ces quatre histoires dont les personnages sont en papier découpé vont emmener les enfants dans un monde haut en couleurs où se mêlent magie des contes et aventures merveilleuses.

sans paroles

À partir de 5 ans

Un homme miniature, une araignée couturière, un dragon mélomane, une fillette qui veut voler, un écureuil amoureux partent à la rencontre du monde… Six jeunes réalisatrices emmènent les plus petits dans leurs univers tendres, drôles et poétiques.

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Bande annonce

Ici…

` OLIVER TWIST Décidément Olivier Assayas a fort apprécié sa collaboration avec ses deux interprètes de Sils Maria, puisqu’il a déjà retravaillé avec Kristen Stewart pour Personal Shopper et qu’il retrouvera Juliette Binoche pour E-Book, une histoire qui « mettra en scène des conversations intimes entre personnes qui tentent de s’adapter à un monde qui change ». Outre Juliette Binoche, les personnes en question seront interprétées par Guillaume Canet, Vincent Macaigne, Christa Théret et Pascal Greggory ! Avec ce projet le réalisateur affirme que « Sils Maria était une sorte de comédie. C’est un pas supplémentaire dans cette direction ». ` UN AIR DE FAMILLE Après Il est plus facile pour un chameau, Actrices et Un château en Italie, la quatrième réalisation de Valéria Bruni-Tedeschi, Les Estivants, devrait de nouveau relever de l’autofiction aussi bien pour les questions concernant la création (interprétation, écriture…) que pour celles concernant la famille ! Anna (interprétée par la réalisatrice qui incarnera une… réalisatrice en train d’écrire un scénario), en pleine rupture amoureuse, va passer quelques jours de vacances dans une magnifique propriété de la Côte d’Azur, parmi sa famille et des amis. Sous le vernis de l’insouciance et du farniente, Anna va se confronter aux questionnements existentiels de chacun, et bien évidemment aux siens ! La réalisatrice a réuni autour d’elle Pierre Arditi, Valeria Golino, Noémie Lvovsky (qui a participé à l’écriture du scénario), Yolande Moreau, Laurent Stocker et Marisa Borini, sa mère, qu’elle a déjà fait tourner dans ses précédents longs métrages.

et ailleurs… ` D’AUTRES SALOPARDS Si, pour la première fois de sa carrière, Quentin Tarantino va écrire un scénario à partir de faits réels, c’est un drame particulièrement sanglant sur lequel il va travailler : celui des meurtres commandités par Charles Manson et perpétrés par ses disciples à Los Angeles en 1969. Huit personnes, a minima, tomberont sous leurs coups, dont Sharon Tate, l’épouse de Roman Polanski enceinte de huit mois. Brad Pitt pourrait interpréter un des inspecteurs enquêtant sur les crimes, mais d’autres sources indiquent qu’il pourrait incarner le gourou sanguinaire. Le nom de Jennifer Lawrence est également cité, mais on ne sait pas pour quel personnage. Quant à Samuel L. Jackson, il devrait collaborer pour la septième fois avec le réalisateur des Huit Salopards ! ` TOUT POURLA MUSIQUE Après Velvet Goldmine en 1998 et I’m Not There en 2006, Todd Haynes confirme son goût pour la création musicale. En effet il s’apprête à réaliser un documentaire sur le Velvet Underground : il utilisera les films d’Andy Warhol mais également du cinéma expérimental. La gageure est de taille car il existe très peu de documentation sur le groupe mythique. IG

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C

omme les terres bénies de Mésopotamie, la Touraine jouissait d’une bonne réputation pour ses ressources en eaux : quantité et qualité étaient au rendez-vous au Jardin de la France. Caesarodunum s’alimentait aux sources de l’Herpenty à Bléré ; Le Plessis de Louis XI aux sources de l’Épend. Il y a encore peu chacun se vantait de l’abondance ligérienne, notre bien commun. Tout semblait baigner. Un aveuglement certain. Du 6 au 9 Juin 1988, Tours fut privée d’eaux potables suite à l’explosion de l’usine Protex à Auzouer-en-Touraine. Ce n’est que par ignorance de faits graves — relargage de plutonium dans la Loire — que des précédents n’aient pas eu lieu en 1969 et 1980. Si les autres cours d’eau peuvent apparaître abondants, depuis plusieurs décennies les restrictions d’usages se multiplient en s’accompagnant d’une dégradation qualitative notoire. Mêmes constats pour les ressources souterraines, abondantes et propres il y encore 30 ans. Les nappes de surface (phréatiques) sont toutes altérées par les méfaits de notre société de consommation. Les nappes captives, notamment

celles contenues dans les craies de Touraine (entre 20 et 60 m de profondeur), sont en berne et apparaissent toutes polluées, même loin des centres d’activités ; l’agriculture est certes dans le collimateur, mais d’autres agressions se profilent encore : carrières, puisards, puits privés non protégés, activités industrielles, etc. En dernier recours la seule ressource restante — la nappe captive profonde dite des sables verts du Cénomanien — présente elle aussi de nombreux signes de faiblesse. En cause de cet état dégradé, assurément l’absence totale de politique concertée des responsables administratifs et élus, l’égoïsme croissant de chaque entité distributrice, ainsi que la confiance accordée aux sociétés de gestion dont l’intérêt réside dans la surconsommation… voire la dégradation, celle-ci impliquant un devoir de traitement et donc des surcoûts. Que peut et doit faire le citoyen devant de tels constats ?

Sépant (Société d’étude, de protection et d’aménagement de la nature en Touraine).

NOUS EN REPARLERONS PROCHAINEMENT…

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À propos de Song To Song

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out spectateur l’aura compris : depuis The Tree Of Life, Terence Malick a décidé de saborder la narration classique dont son cinéma ne garde qu’un infime fil narratif, une histoire minuscule, et propulse ses personnages en équilibre sur ce fil dans un maelstrom d’images qu’il brasse avec un indéniable talent : même ses plus féroces détracteurs ne peuvent lui dénier cette puissance, cette intensité visuelle ! Son cinéma veut embrasser non seulement les problèmes sentimentaux et/ou philosophiques d’un quatuor de personnages mais élargir la perspective au cosmique, mettre en scène l’univers tout entier, dans une sensualité à fleur de peau. On se rappelle que dans l’un de ses derniers films, Voyage Of Time, il s’agissait ni plus ni plus moins que de célébrer la vie, depuis la naissance de l’univers jusqu’à sa fin ! Ici, comme le dit le titre en toute simplicité, le film se balade d’une musique à l’autre, d’un rock à une mélodie classique, d’un air planant à celui d’un opéra, accompagné comme il se doit des voix off des personnages, car la bande son est un curieux cocktail de dialogues et de pensées, chaque personnage commentant sans cesse ce qu’il fait, voulait faire ou aurait dû faire. La littérature nous a habitués à ces jeux entre les différentes voix d’un récit, mais ici le récit s’étiole. Et le temps s’allonge : cependant le film aurait pu durer dix fois plus longtemps et quitter la salle obscure tant il ressemble à une

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Àpropos de On The Milky Road

expérience d’art contemporain. Avec le même propos un peu creux qu’on y cultive souvent. On l’imagine projeté du sol au plafond dans un vaste espace d’exposition, pendant des heures, tandis que les spectateurs déambuleraient parmi les personnages, baignés dans le son. Il a choisi quatre très beaux acteurs pour incarner ses personnages en quête du vrai amour, de la vraie vie, Ryan Gosling et Nathalie Portman, Michael Fassbender et Rooney Mara, avec la caméra qui danse sans cesse autour d’eux. Bien que la mise en scène veuille capter l’énergie de la scène rock d’Austin, la ville de Malick, avec Iggy Pop, Johnny Rotten ou Patti Smith en guest stars, les jeux amoureux entre les protagonistes sont assez plan-plan, et les couples semblent prendre une suite de poses pour un magazine de mode. Il manque de la chair et de l’engagement à ce ballet qui veut saisir la sensualité du monde. Les étreintes sont toujours d’une parfaite pudeur. D’une retenue très comme il faut. Et que dire de la fin ? La simplicité du monde au soleil couchant, assis devant un champ de maïs. Parce que toute la philosophie qui soutient le propos tient dans le Mercy chanté par la grande Patti : entre la miséricorde et la pitié… et un merci au créateur de l’univers. Un hallucinant poème visuel pour un discours tout juste bon pour les publications gnan gnan des millénaristes de tout poil. DP

I

l existe de rares cinéastes dont on reconnaît les films aussitôt, dès les premières images. Emir Kusturica est incontestablement de ceux-là : je me rappelle avec émotion la découverte émerveillée du Temps des gitans à la fin des années 80 ! Quelle folie, quelle démesure, quels personnages hallucinants, un réalisme magique foutraque porté par les rythmes endiablés d’une musique qui n’était pas encore à la mode, ce groove balkanique qui emportait tout avec lui et en premier lieu la bienséance et la vraisemblance ! Par la suite, j’ai aimé me replonger, de loin en loin, dans ce Macondo adriatique, de Underground à La Vie est un miracle en passant par Chat noir, chat blanc. Allais-je m’engager sur cette Milky Road avec quelques réticences, sachant que le double palmé d’or semblait s’être fourvoyé ces derniers temps, notamment dans un long clip à la gloire d’un ancien Ballon d’or obèse et cocaïno-guévariste ? D’emblée tout répond présent, l’excès de cris, de tirs, d’animaux envahissants, de personnages caricaturaux… et le plaisir, pourquoi le nier, de retrouver le petit monde d’Emir, ses rites, ses rimes, son rythme. Quand le monde d’un auteur devient-il un carcan, une prison où l’enferment les codes qu’il a lui-même érigés en dogmes ? Je balançai donc, comme la démentielle et vorace horloge austro-hongroise dont les énormes mécanismes deviennent presque le symbole du projet

tout entier, entre le plaisir et l’agacement. Mais pour les beaux yeux d’une belle Italienne et d’un faucon, on est prêt à endurer toutes les folies du muletier qui arpente la voie lactée… pour que le moine en fasse son fromage. Et puis brutalement, méchamment, le petit monde du joueur de cymbalum explose ! Oublions les relents douteux d’un nationalisme qui ne dit pas son nom mais ne cache pas ses symboles (drapeau serbe, refrain conspuant Big Brother qui attaque la tribu attachée à sa montagne, soldats anglophones venant tout dévaster) ! Commence alors une inénarrable course poursuite qui a le mérite d’avoir pour cadre les magnifiques paysages de la Bosnie-Herzégovine (publicité grand écran sur fond de massacres). Une course-poursuite interminable ! Dire que le montage initial durait trois heures ! Par monts et par vaux, les héros épris louvoient entre les balles… Jusqu’au clou du spectacle, au milieu d’un troupeau de moutons, relecture tarantinesque de l’Odyssée et surenchère viandarde… où mon amour de son cinéma, victime collatérale, ne semble pas avoir survécu ! Mais il restait encore l’épilogue. Prêtre entièrement dévolu à l’amour (de son cinéma grandiloquent ou excessif, selon), saint Emir s’y transforme en un véritable Sisyphe orthodoxe, pavant son paradis terrestre de bonnes intentions … dans un dernier plan aérien assez magique. DP

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Les rédacteurs ont vu :

120 battement par minute de Robin Campillo

Amour à mort. Mort à vie. Quelle énergie dans les combats menés contre la maladie et l’injustice ! Lorsque le générique défile, on ressent une profonde tristesse mais aussi une colère ravivée qui nous incite à passer à l’action. MS D’abord, une leçon de démocratie directe filmée « 120 » à la minute dans un amphi survolté : débats houleux, luttes d’influence… C’est parfois exaspérant tant on a du mal à tout cerner. Puis les opérations coups de poing du groupe d’activistes menées au même rythme dicté par l’urgence : colères, espoirs… On reprend enfin son souffle quand l’aventure collective cède la place ; la caméra se fait alors caressante : amour, désir, souffrance, dignité… Hymne à la mort ou hymne à la vie ? Pathétique et poignant. SB

120 battements par minute a tout pour être un grand film et c’est un grand film, puissant par son sujet, brillant par

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sa facture. Mais quand même… à quoi bon étirer pesamment, sans utilité dramatique ou émotionnelle, des scènes d’amour ou de chagrin ? Le spectateur est-il donc si totalement dépourvu d’intelligence, de sensibilité et d’imagination qu’il faille en faire le voyeur des amours, des douleurs et des larmes ? Le pathos est l’ennemi de l’émotion. AW

« Des molécules pour qu’on s’encule... et du latex pour nos gros sexes... » Deux slogans proposés par Act Up pour redynamiser une Gay Pride jugée trop mollassonne... Ça fait du bien là où ça passe ! ER Robin Campillo, par sa remarquable mise en scène des débats hebdomadaires d’Act Up, nous fait découvrir la qualité du fond conceptuel (et pragmatique...) des projets, comme celle de la forme démocratique des échanges. Le tout défile en images, regards et voix sub-

tilement croisés, en nous transmettant la force vive et créative de cette jeunesse pourtant meurtrie, mue par l’urgence violente de la menace macabre dans une société sourde, voire hostile. Il parvient alors, entre autres, à redonner à chacun de ses personnages une dignité humaine que trop ont voulu blesser ne serait-ce déjà qu’en les ignorant. Une dignité qui rejaillit même jusque dans le monde réel. Respect !!! RS Pas vu aussi puissant depuis longtemps. Politiquement, émotionnellement, 120 battements par minute nous renvoie à la figure une époque qui n’est pas révolue. Entre témoignage brûlant et fiction emballante, le film allie brillamment la mort et la joie de vivre. Il nous rappelle aussi le génie d’Act-Up pour les slogans, allez rien que pour le plaisir, et entre autres, « Sur la prévention le pape est un con », « Amour, gloire et beauté pour les LGBT », « Des molécules pour qu’on s’encule ». JF

Avec ce 3e long métrage, Robin Campillo nous plonge dans une histoire à la fois totalement collective et profondément intime. C’est ce qui m’a passionné, cette double articulation entre l’histoire d’une lutte contre les pouvoirs publics et privés (avec des méthodes d’une redoutable efficacité) et les débats contradictoires qui nourrissent l’action et qui l’analysent a posteriori… et une histoire d’amour incandescente et funèbre. Une œuvre qui entremêle puissamment émotion et réflexion. DP Des cœurs qui battent, qui s'emballent, qui finissent par s'arrêter… Un film qui réveille nos mémoires, nous retourne un miroir, nous interroge, nous bouscule, nous fait pleurer, mais n'oublie pas de nous faire rire. Un film nécessaire ? Non, indispensable. IG

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Hommage à Jeanne Moreau

Au son des banjos je l’ai reconnu. Ce curieux sourire qui m’avait tant plu. Sa voix si fatale, son beau visage pâle M’émurent plus que jamais. (Le Tourbillon de S. Rezvani, in Jules et Jim de F. Truffaut)

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’est vrai qu’elle avait une voix fatale, Jeanne Moreau ! Un timbre très particulier qu’on identifiait sans peine, qu’elle parlât ou qu’elle chantât. Mais à bien y réfléchir, tout était particulier chez Mademoiselle Moreau… D’abord pensionnaire de la ComédieFrançaise en 1946, puis membre du TNP de Jean Vilar, lorsqu’elle débute au cinéma en 1950 elle n’a pas le physique flamboyant et pulpeux d’une Martine Carol, minois dont raffolent les producteurs de l’époque. Pourtant, quand elle est devant la caméra, la magie opère, notamment dans Touchez pas au grisbi de Jacques Becker, où elle reçoit quelques gifles de la part d’un Gabin expert en mornifles ! Prestation qui lui vaudra son premier rôle-titre dans La Reine Margot de Jean Dréville, en 1954. Mais il faudra encore attendre trois ans pour que la révélation ait véritablement lieu, avec Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle : l’attente et le questionnement amoureux auront à jamais le visage nu et mouillé de Jeanne Moreau, errant nuitamment dans Paris au son de la trompette de Miles Davis. À peine un an plus tard ce sera la déflagration des Amants, du même réalisateur : en donnant à voir à tous le visage sans fard de

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la jouissance féminine, ils créeront le scandale, certes, mais elle, elle deviendra à jamais l’incarnation de la femme amoureuse et libre, mais aussi une icône du cinéma ne ressemblant à aucune autre, apportant quelque chose d’unique et d’indéfinissable au 7ème art. Elle en paiera le prix, comme elle l’expliquera à Marianne Gray (in Mademoiselle Jeanne Moreau) : « Je savais que si je jouais les scènes d’amour exactement comme Louis le voulait, il m’aimerait comme actrice et me haïrait comme femme. Je ne pouvais pas les jouer sans le trahir… ». Elle aura tout joué, et pour les plus grands : Truffaut, Antonioni, Godard, Losey, Welles, Demy, Buñuel, Renoir, Mazursky, de Broca, Duras, Blier, Téchiné, Kazan, Fassbinder, Mocky, Besson, Wenders, Angelopoulos, Varda, Ozon, Gitaï, de Oliveira… Pour Truffaut, avec lequel elle tournera trois fois (la première, dans Les 400 coups, en chercheuse de chien se faisant draguer par un séducteur interprété par Brialy), elle sera Catherine, Circé n’aimant que passionnément et fatalement Jules puis Jim et revendiquant haut et fort sa liberté. Elle sera aussi sa Julie Kohler, à jamais mariée en noir, implacable Diane vengeresse. Elle tournera à trois reprises également avec Losey, et quatre avec Welles et Malle, acceptant même de petits rôles tant elle les admirait. Une autre de ses particularités d’ailleurs, c’est que même lorsqu’elle ne participait qu’à quelques scènes, elle marquait les esprits ; ainsi qui d’autre qu’elle aurait pu interpréter Jeanne

Pirolle dans Les Valseuses ? Qui aurait pu avec autant de naturel et d’élégance expliquer à une restauratrice qui n’en demandait pas tant les conséquences d’une incarcération de dix ans, sur la physiologie d’une femme : « Je voudrais que vous compreniez la chance que vous avez de saigner tous les mois régulièrement. Même si ça vous met un peu de mauvaise humeur. Tout ça, c’est pas grave, la mauvaise humeur, la nervosité, les ovaires douloureux, c’est rien tout ça, c’est non, c’est rien. Non tout ça c’est pas grave. Ce qui est grave, c’est de plus saigner, vous comprenez. Au revoir madame. » Personne d’autre qu’elle, car comme l’expliquait le réalisateur Bertrand Blier dans l’émission Secrets de Tournage en 2015, il avait pensé à elle au moment où il rédigeait son roman : « le personnage ne pouvait que se nommer Jeanne, alors, quand il a été question d’en faire un film, il ne pouvait être interprété que par la seule et unique Jeanne : Jeanne Moreau ! » Cette scène est sans aucun doute la plus bouleversante du film. Magnifique, inoubliable ! Même en tournant énormément, Jeanne Moreau a toujours manifesté curiosité et

engagement pour des projets atypiques et pas forcément populaires : ainsi, depuis 2003, elle soutenait inconditionnellement et activement le Festival international de jeunes réalisateurs Premiers Plans d’Angers ; de même, en 2010, elle enregistrera puis interprétera à Avignon l’intégrale du Condamné à mort de Jean Genet, en compagnie d’Étienne Daho, initiateur de ce projet. En 1963, Jeanne Moreau interpréta des textes de Serge Reznavi, pour l’album Jeanne Moreau chante 12 chansons de Cyrus Bassiak, disque qui se verra couronné du Prix de l’Académie Charles Cros ; et en 1966, le duo enregistra douze nouvelles chansons, dont l’une intitulée Adieu ma vie… IG

Adieu ma vie tracée d’avance Ce petit ch’min qui va tout droit À moi les horizons immenses Respirer en ouvrant les bras Pouvoir chanter, pouvoir chanter Aimer sans plus penser à rien Sans lendemain, sans aucun lien D’un jour à l’autre, tout comme ça vient Adieu ma vie, je fais la belle Adieu ma vie et ses tracas Moi, je me tire pour toujours

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À propos de Dunkerque

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uand un film est prenant on ne fait pas trop attention aux détails, quand on s’ennuie on ne voit qu’eux. Dunkerque n’est certes pas un film ennuyeux, il est même tout à fait passionnant, mais il est difficile quand même de ne pas s’agacer à certaines petites choses comme la musique, envahissante, ridicule à la fin dans son triomphalisme patriotique à trois pence. On s’étonnera également de l’étroitesse du point de vue narratif, strictement et exclusivement britannique, comme si Français et surtout Allemands (totalement invisibles dans le film) n’avaient tout simplement pas leur place dans ce panégyrique à la gloire des valeurs morales éternelles des sujets de Sa Majesté : ténacité, ferveur nationaliste, flegme, héroïsme, sens du sacrifice etc. Et ne parlons pas du discours final vraiment too much, d’une grandiloquence tout à fait inutile au vu de ce que le film a montré. On le pardonnera à Christopher Nolan pour les mêmes raisons qu’on le pardonne à Chaplin à la fin du Dictateur.

Car ce ne sont là finalement que broutilles qui ne peuvent gâcher le plaisir profond qu’on prend devant un beau moment de cinéma. Outre une reconstitution historique impressionnante, certainement d’une grande exactitude, ce qui frappe surtout c’est le projet même du film : non pas donner une leçon d’histoire mais nous faire ressentir intimement, à travers les images autant qu’à travers les bruits, les sensations brutes de ces hommes confrontés à l’horreur. On est aux antipodes des sempiternelles explosions

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esthétisées des blockbusters américains. C’est au cœur même du calvaire de ces jeunes gens qui ne veulent pas crever, au plus profond de leur épouvante, que le spectateur se trouve plongé. Film quasiment sans paroles, les scènes parlent d’elles-mêmes. Le premier quart d’heure d’Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg est encore dans toutes les mémoires. Dunkerque dure une heure 48. Expérience puissante de la sensation brute, le film distille aussi des séquences marquantes, des moments terribles transcendés par une mise en scène magistrale : survivants de bateaux coulés qui nagent pour tenter de grimper dans des canots bondés et qui sont rejetés à la mer ; chaloupes de soldats désespérés tentant, à la faveur de la nuit, de rejoindre des bateaux d’évacuation qui s’éloignent inexorablement ; cargo échoué dans lequel une quinzaine d’hommes se sont réfugiés en attendant que la marée monte et lui fasse regagner le large, mais que les Allemands prennent pour cible, leurs balles percent la coque, l’eau s’infiltre et envahit la cale, noyant des soldats au moment même où ils croyaient être sauvés ; la mer qui se colore de rouge autour d’un navire bombardé en train de sombrer ; les grappes d’hommes dans l’eau, tentant de surnager, futurs cadavres comme dans le Titanic de James Cameron. On pense aussi inévitablement, si on a la chance de l’avoir lue, à la géniale nouvelle de Boris Vian, Les Fourmis. Le tempo et l’intensité du récit ne laissent,

tout du long, aucun répit. Mais Dunkerque ne se contente pas d’être un film redoutablement efficace. Il fait aussi preuve de finesse dans ses choix scénaristiques et ses partis pris de mise en scène. Ce n’est certes pas par hasard que le début et la fin du film surprennent visuellement par des couleurs saturées vintage, très Technicolor des années 40. Loin d’être une simple coquetterie, ce choix replace le prologue et l’épilogue dans un passé révolu, historicisé, alors que toute la partie centrale est au présent de narration, avec des couleurs beaucoup plus réalistes, plus conformes à notre regard actuel, et qui nous placent sans la moindre distanciation au cœur des événements. L’effet est saisissant. À mesure que le film avance sa structure se raffine, de plus en plus suggestive. Au départ l’action se répartit sur trois théâtres bien séparés, trois milieux élémentaires : la terre, l’eau, l’air, en l’occurrence la plage où les soldats attendent, la mer d’où doivent venir les bateaux d’éva-

cuation, le ciel où combattent bombardiers et chasseurs Heinkel contre Spitfires anglais. Ces trois lieux alternent, symbolisés par trois personnages ou groupes de personnages principaux qu’on suit pas à pas grâce à un montage d’une impeccable fluidité. La succession de plans larges et de gros plans sur les visages imbrique consubstantiellement grande histoire et destins individuels, qui s’enrichissent et se transcendent mutuellement. Petit à petit cependant les trois lieux s’interpénètrent et il ne reste plus à la fin qu’un champ de bataille où la mort vient de partout et va partout, sur terre, sur mer et dans les airs. Doit-on avoir mauvaise conscience d’avoir apprécié ce film de guerre cru et cruel, d’en vanter la force émotionnelle et les qualités artistiques ? La question mérite sans doute d’être posée mais, sans vouloir faire de comparaison hasardeuse, qui songerait à avoir honte d’admirer Les désastres de la guerre de Goya ou GuerAW nica de Picasso ?

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Interférences Premier contact La Région sanvage

« En exigeant du spectateur l’immobilité, la suspension de ses investissements d’objets habituels et la prise de distance par rapport à la projection, en le réduisant à un pur regard ou à l’immédiateté d’un acte de perception, le cinéma favorise des facteurs inconscients ou fantasmatiques qui, dans la vie courante, ne viennent pas à la surface. » (Christian Metz). Soit, dès la naissance de cet art nouveau, à la fois l’observation du monde tel qu’il se donne à voir devant l’œil de la caméra, ici et ailleurs, et la propulsion dans un imaginaire sans limite, en même temps les frères Lumière et leur façon de « donner le monde au monde » (comme le montrait récemment le délicieux Lumière, l’aventure commence ! de Thierry Frémaux ) et les fantasmagories loufoques de Georges Méliès. Art du monde industriel triomphant, il était incontournable que le cinéma s’empare de la science-fiction, de cette anticipation d’un avenir radieux où les progrès mécaniques permettraient à l’homme d’explorer (et exploiter) les mondes qui l’entourent. C’est fait dès 1902 avec le Voyage dans la Lune où a lieu pour la première fois une rencontre avec des êtres qui vivent sur notre satel-

lite, ces Sélénites composites, bec de rapace et pattes de crustacés, buste squelettique et pattes d’oiseau marin, tête hérissée de piques. Le premier Alien de l’histoire du cinéma. Ce jeu d’assemblage baroque, digne des cabinets de curiosité, continuera de film en film, sous une version plutôt sympathique à l’instar d’E.T. ou faussement gentille comme les extra-terrestres de Mars Attacks, mais dans de très nombreux films les monstres venus de l’infini de l’espace ont remplacé ceux, venus du fond des temps, des contes, tels l’inoubliable créature inventée par le peintre suisse H.R. Giger dont on pouvait voir une impressionnante rétrospective au Lieu unique de Nantes, l’été dernier, et qui continuait à se reproduire jusque dans la 6e mouture d’Alien de Ridley Scott. Un extra-terrestre cauchemardesque dont on retrouvait un cousin très proche, lors de la Nuit des Studio, dans le terrifiant The Thing, de John Carpenter (avec l’idée troublante d’une créature qui prend l’apparence des êtres – humains ou non – qu’elle phagocyte pour assurer sa survie).

Dernièrement, deux fictions mettaient à l’écran des formes de vie beaucoup plus ambiguës. Dans Premier contact, Denis Villeneuve racontait l’arrivée, en de multiples lieux de la planète, de vaisseaux spatiaux. Un premier contact dont les gouvernants n’arrivent pas à cerner la nature. Est-ce une agression, un début d’invasion, un geste amical ? Faut-il leur faire la guerre ? Que sont-ils venus faire ici ? répétait le slogan de l’affiche. L’essentiel du propos était d’ailleurs une forme d’enquête linguistique menée patiemment par une professeure d’université et qui emportait le récit vers une sorte de rêverie poétique : gigantesques céphalopodes, les Aliens projettent grâce à leurs tentacules, sur l’écran qui les sépare des humains, des messages d’une très grande beauté calligraphique, qu’on pourrait imaginer issus d’une enthousiasmante installation d’art contemporain : la même troublante et esthétique sensation ressentie pour Under the skin de Joanathan Glazer, dans lequel Scarlett Johansson, hypnotisant E.T., faisait disparaître ses proies dans un miroir d’huile… Dans La Région sauvage le réalisateur mexicain Amat Escalante nous confronte une nouvelle fois à un extra-terrestre qui

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ressemble à un poulpe géant, caché au fond d’une cabane, dans un coin reculé de la campagne mexicaine. À la fin de ce véritable objet visuel non identifié, mélange entre un récit social amer et un récit fantastique bizarre, le spectateur se demande quelle région est réellement sauvage : le lieu qui abrite la créature ou ce que celle-ci suscite chez les humains qu’elle enlace ? Car ce monstre transgenre a un pouvoir clairement sexuel : celui d’amener ses proies, homme ou femme, toutes volontaires, vers une extase totale, un orgasme d’une puissance inouïe, dont un plan, très court, révèle la nature fascinante, jubilatoire et angoissante. Un plaisir extrême qui se révèle être, d’ailleurs, extrêmement dangereux puisque plusieurs personnages ressortent de ces intenses copulations avec des blessures qui peuvent mener du coma à la mort… Jouir sans entraves… mais pas sans risques… DP

En 2015, dans la très sérieuse revue scientifique Nature, des neurobiologistes de l’université de Chicago ont publié les résultats du séquençage ADN de la pieuvre pour arriver à une étonnante conclusion : avec 33 000 gènes alors que l’homo sapiens n’en a que 25 000, cette espèce apparue il y a 270 millions d’année est le premier génome… qui s’apparente à celui d’un alien !

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Interférences Memories Of Murder Les Filles d’Avril

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l a plu. On glisse dans la boue. La campagne n’est ni belle ni laide, tellement banale qu’on la voit à peine. La petite ville, bâtie de bric et de broc, est d’une cafardeuse médiocrité. Le cadre, les gens, la vie quotidienne, tout stagne dans une triste grisaille. Avec Memories of Murder de Bong Joon-ho bienvenue dans la Corée du sud telle que vous ne l’avez jamais rêvée… Il pleut. À l’autre bout du monde Les Filles d’Avril de Michel Franco baigne à l’inverse, au moins au début, dans une atmosphère solaire. Au cœur de la station balnéaire mexicaine de Puerto Vallarta, dans une maison lumineuse ouverte sur la mer, vivent Clara et sa sœur cadette Valeria, 17 ans, enceinte du beau Mateo, 17 ans lui aussi. On est en pleine ambiance sea, sex and sun.

Le village coréen est secoué par une vague de viols suivis de meurtres. L’enquête échoit à deux policiers dont la compétence et les méthodes sont plus que discutables. Dépassés par les événements, ces losers stupides et brutaux se voient adjoindre un crack de la police venu tout exprès de Séoul. Ténébreux, intelligent, efficace, il débroussaille rapidement l’affaire, élimine de trop flagrantes impasses. Il est l’homme de la situation. L’assassin n’a qu’à bien se tenir… Avril, la mère de Clara et Valeria héberge gratuitement ses deux filles dans sa mai-

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son de Puerto Vallarta mais n’habite pas avec elles. Elle a son propre appartement à Mexico. Étonnamment Valeria n’avait pas voulu avertir sa mère de sa grossesse, pourtant déjà très avancée. Elle finira par avouer que c’était par peur. Alertée cependant par Clara, Avril débarque chez elles, débordante d’amour. Mais pourquoi une future jeune maman devrait-elle redouter d’annoncer la chose à sa mère, d’autant plus que celle-ci fut enceinte au même âge ? Les trois hommes soupçonnés dans l’enquête coréenne sont des êtres pitoyables. Pas de génie du mal, de monstre flamboyant, de sadique implacable. L’enquête piétine. La voiture qui doit prendre en filature un suspect refuse de démarrer. Ce qu’on apprend de l’assassin se réduit finalement à peu de chose : il n’attaque que la nuit, uniquement des jeunes femmes vêtues de rouge et seulement lorsqu’il pleut, indices d’un probable traumatisme originel dévoyé en pulsion meurtrière. Les crimes sont en outre toujours associés à une chanson intitulée Lettre triste et à une carte postale qui dit la profonde solitude de l’assassin. Avril s’est installée chez ses filles et a pris les choses en main. Femme encore très séduisante, rayonnante dans sa maturité épanouie, elle est la fée qui règle tous les problèmes de la vie quotidienne. Enfin l’enfant paraît : Karen, petite crevette rose à jolie frimousse et pleurs puissants. Sans demander son avis à Valeria ni

même l’en informer, Avril manœuvre pour confier le bébé à une nourrice, empêche ses deux parents de la voir, finit par l’adopter et l’emmène avec elle à Mexico. Il s’agit là, sous des apparences légales, d’un véritable kidnapping. Le crack de Séoul s’y est lui aussi cassé les dents et on ne saura jamais lequel des suspects est le violeur-assassin, ni même s’il figure parmi eux. L’enquête n’aboutira pas. Le film se conclut même, des années plus tard, par un épilogue à la cruelle ironie qui laisse le mystère entier. Le sentiment dominant est celui, terriblement amer, d’un énorme gâchis. Décidément sans scrupules, Avril prend le sympathique et séduisant mais faible et passif Mateo pour joujou sexuel, l’autorise à voir Karen à condition que Valeria soit strictement tenue à l’écart. Après avoir volé à sa propre fille son enfant, la voilà qui lui vole son compagnon ! Mais ce n’est pas tout. Toujours sans consulter ni informer ses filles, Avril met à présent sa maison de Puerto Vallarta en vente, les jetant ainsi à la rue. Il ne s’agit même plus d’indifférence à leur sort mais d’une

haine destructrice qui dépasse l’entendement. Passons sur les péripéties finales pour ne retenir que la dernière image d’Avril : après avoir chassé l’inconsistant Mateo elle se retrouve enfin l’unique propriétaire du bébé, qu’elle abandonne définitivement et sans autre forme de procès dans un café ! Personnage énigmatique, déstabilisant par ses motivations et agissements incompréhensibles, Avril est-elle folle ? névrosée ? dévorée par le mal d’enfant, par la jalousie, le refus de vieillir, une haine aux causes inconnues ? On se perd en conjectures. Voilà en tout cas une forme particulièrement perverse de vampirisme qui donne le vertige sur les pulsions les plus inavouables de l’âme humaine. Il n’est pas question de mettre sur le même plan les deux histoires mais on se prend à douter : en termes de comportements pervers la belle, sympathique et rayonnante Avril n’est-elle pas, dans son apparente normalité, un monstre plus incompréhensible et terrifiant qu’un violeur-assassin visiblement détraqué ? AW

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À propos de L’Amant double

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rançois Ozon est un réalisateur énervant pour ses confrères : depuis Sitcom, son premier long métrage en 1998, il aura tourné 16 autres films, en enchaînant parfois deux tournages à quelques mois d’intervalle comme en 2000 avec Gouttes d’eau sur pierres brûlantes et Sous le sable, ou en 2010 Le Refuge et Potiche ! Aucun genre ne lui fait peur, surtout s’il peut, en sale gosse qu’il est, faire s’enrayer les rouages parfaitement codés du genre concerné en semant quelques grains de sable bien à propos et insuffler, quand c’est possible, une petite note de fantastique, se moquant de ce que son film soit aimable ou ses person-

nages attachants : il n’est pas le réalisateur de l’empathie. Les machines qui ronronnent, parfaitement huilées, n’ont jamais stimulé son imaginaire : si on scrute sa filmographie, on se rend compte que quasiment tous ses films, mis à part Le Refuge, nous embarquent nous et leurs protagonistes, hors des sentiers rebattus. Directeur d’acteurs efficace, il entraîne également ses comédiens, aussi chevronnés soient-ils, vers d’autres espaces d’interprétation sans doute pas toujours confortables pour eux, mais en tous les cas inédits : Charlotte Rampling, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Jérémie Renier entre autres sont particulièrement formidables dans ses films. On le sait, François Ozon admire particulièrement Sirk, Mankiewicz, Fassbinder et Truffaut, mais celui auquel il rend le plus volontiers hommage, c’est Hitchcock, maître incontesté et incontestable de la manipulation ; et la manipulation, que ce soit dans le fond ou dans la forme, c’est la grande affaire d’Ozon : à l’instar de ce vieux matois d’Hitch, avec un sadisme comparable, il se délecte à jouer avec le spectateur comme un chat avec une souris, ainsi que le montre, entre autres, Dans la maison : force est de constater qu’avec Ozon on ne peut jamais être sûr du film que l’on va voir, la démonstration étant particulièrement magistrale avec le subtil et magnifique Frantz, à l’affiche l’automne dernier. Avec

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L’Amant double (on a vu meilleur titre, il faut bien le reconnaître), il poursuit ses variations énigmatiques autour du double et du trouble (brillamment amorcées avec Swimming Pool), de l’illusion des apparences, de ce qu’on tait, de ce qu’on montre, volontairement ou pas : Chloé, l’héroïne, va mal. Les premières d’image que l’on découvre d’elle sont celles où elle se fait couper les cheveux. On ne perçoit pas chez elle la curiosité, le plaisir d’une femme se voulant une nouvelle « tête ». On a plutôt le sentiment d’un renoncement, d’une volonté d’effacement de toute manifestation de féminité ; d’ailleurs ses vêtements sont fonctionnels, sans recherche esthétique particulière, elle ne se maquille pas, et son corps est comme replié sur lui-même. Il faut dire que Chloé souffre du ventre, elle est comme absorbée psychologiquement et physiquement par ce qui se passe à l’intérieur d’elle. Alors elle consulte une gynécologue qui ne trouve pas de raisons physiologiques à l’origine de ces symptômes et lui conseille d’aller voir un psychothérapeute. C’est alors que le réalisateur ose un plan plus que surprenant : au plus près de l’examen gynécologique, soudain, un œil

(nous) regarde de l’intérieur du vagin de la jeune femme. Ce plan, étrange s’il en est, ne pourra être compris que lorsque l’on aura suivi Chloé au bout de son parcours : de la progressive réincorporation de son corps, au fur et à mesure que ses séances de thérapie se muent en rendezvous amoureux, à son emménagement avec Paul devenu son compagnon. Mais assez rapidement, nombre de signes nous indiquent que cette restauration n’est que superficielle, que les démons n’ont pas été terrassés, tout juste un temps amadoués : Chloé, c’est Alice au pays des cauchemars ! À peine installée dans sa nouvelle vie, entre papiers qui mentionnent un autre patronyme et frère jumeau caché, elle commence à douter de Paul, et de sa sincérité. De même, si elle trouve enfin un emploi, très vite elle apparaît comme engloutie dans le réseau presque labyrinthique des salles d’exposition, où les œuvres semblent de plus en plus imposantes, de plus en plus organiques, inquiétantes, phagocytantes. Et puis il y a aussi ses mauvais rêves, comme celui où Paul devient un gynécologue qui lui charcute les entrailles (on ne peut alors que penser à Faux-Semblants de D. Cronenberg et à ses inquiétants jumeaux

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Compte-rendu Soirée de l’horreur

obstétriciens), et l’environnement privé, tout aussi inquiétant : un chat qui se volatilise, une voisine étrange pour ne pas dire effrayante dont la fille a disparu… Chloé est perdue, que ce soit intérieurement ou extérieurement, alors qu’importe que ce qu’elle découvre ou croit découvrir au cours de son questionnement, de son enquête, ne soit que délire ou fantasme ou déformation de la réalité : c’est son moyen à elle pour exprimer ainsi le mal qui la ronge ! Elle ne sait pas ce qu’elle cherche, mais elle sait qu’il lui manque quelque chose, qu’elle est amputée d’une part d’elle-même. À la fin du film, elle est prise de violentes douleurs abdominales. Soudain une sorte d’alien lui jaillit du ventre. Expulsion grotesque, certes, voire monstrueuse, mais révélatrice de ce que Chloé ressentait depuis toujours : cette sensation de ne pas exister, de ne pas savoir qui elle est, d’être étrangère à elle-même et au monde, alors qu’on apprend qu’elle a, in utero, absorbé

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sa jumelle (phénomène rarissime d’ischiopagus, l’enfant restant étant qualifié de « jumeau cannibale »). L’œil était dans la tombe et regardait Caïn, Chloé en l’occurrence, bien involontaire Caïn ! Comme la Marnie d’Hitchcock (voleuse, menteuse et frigide), hantée par les traumas liés aux conditions de sa conception, de sa naissance, de son enfance, Chloé fait disparaître, symboliquement, sa mère, qui ne peut réapparaître qu’au moment où la vérité sur ses origines peut enfin voir le jour et lui permettre de réintégrer, enfin, son corps et sa vie ! Si, comme dit plus haut, Ozon ne cherche pas à faire un cinéma aimable, consensuel, que l’on y adhère ou pas, nul ne peut lui contester sa capacité à se remettre en cause et à explorer l’espace cinéma dans tous ses recoins, même les plus sombres ! IG

Vendredi 18 août, dans la torpeur estivale, les Studio ont été le théâtre d’une invasion de zombies sanguinolents mais néanmoins serviables en bière et autres gourmandises.

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’idée de cette soirée était justement d’animer cette période de l’année réputée calme, voire endormie, et de réveiller les âmes errantes à coups de films d’horreur, en proposant un événement sur une thématique finalement peu abordée. Pari réussi puisque 150 spectateurs sont venus frissonner devant Shaun of the Dead puis La Colline a des yeux tout en se délectant de salades Tarantula (on ne dira pas ce qu’il y avait dedans…), sang-ria de l’horreur (et ses yeux flottants, beurk !), sandwichs, cupcranes et autres doigts de zombies. Déco de circonstance également avec draperies sanglantes, exposition d’affiches de films d’horreur et masques de personnages

marquants de l’histoire du cinéma d’épouvante (les avez-vous tous reconnus, les avez-vous essayés ?) La soirée, annoncée par un teaser mettant en scène une maintenant célèbre caissière des Studio dans un rôle de totale composition, a permis à l’équipe organisatrice de constater que le public était très varié, enthousiaste, visiblement comblé et qu’il était demandeur d’autres rendez-vous de la sorte. Qu’à cela ne tienne, nous irons piocher (en souvenir des premières minutes du deuxième film de la soirée) quelques bonnes idées horrifiques… Alors, on recommence ? Nous, même pas peur ! Et vous ? JM

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