Février 2013

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LA COU RSIVE SCENE NATIONALE LA ROCHELLE

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Information AU BUREAU D’ACCUEIL DE LA COURSIVE

Du mardi au vendredi de 13 h à 20 h. Les samedi et dimanche de 14 h à 20 h, le lundi de 17 h à 20h. PAR TELEPHONE du lundi au dimanche de 14 h à 18 h. Tél. 05 46 51 54 02 / 05 46 51 54 03. SUR REPONDEUR 05 46 51 54 04. SITE INTERNET programme téléchargeable sur www.la-coursive.com MEDIAS Sud-Ouest • Sud-Ouest Dimanche • Sortir • France Bleu La Rochelle • La Charente-Libre • France 3 Poitou-Charentes et Atlantique • RCF • La Nouvelle République Niort • Le Phare de Ré • Radio Collège

Tarifs cinéma TARIF NORMAL CARTE LA COURSIVE, PLUS DE 60 ANS MOINS DE 26 ANS, DEMANDEUR D’EMPLOI LE LUNDI POUR TOUS TARIF JEUNE (– 18 ans), TARIF SEANCES SCOLAIRES ET GROUPES (Centres de Loisirs) CARTE FIDELITE POUR LES TITULAIRES DE LA CARTE LA COURSIVE 10 séances (valable jusqu’au 25 juin 2013)

6,80 € 5,50 € 4,50 € 4,80 € 3,50 € 48 €

TARIFS CARTE LA COURSIVE • Individuel, 13,50 € • Collectivité ou groupe (minimum 10 personnes), 12 € • Plus de 60 ans, 12 € • Moins de 26 ans, Demandeur d’emploi, 7 € Cinéma Art et Essai Recherche et Découverte, Jeune Public, adhérent au Groupement National des Cinémas de Recherche, à l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai et à l’Association des Cinémas de l’Ouest pour la Recherche.

Cinéma jeune public Tout film présenté dans le cadre de la programmation du mois peut faire l’objet de séances scolaires (tarif : 3,50€). FILMS TOUT PARTICULIEREMENT RECOMMANDES

L’OGRE DE LA TAÏGA, 4 contes et merveilles de Russie • Animation, 2004-2010, couleur, version française, durée du programme 52’

m A partir de 4-5 ans m Séances tout public: samedi 16 février 15h / dimanche 17 février 16h45 / lundi 18 février 15h / mardi 19 février 14h30 et 16h / mercredi 20 février 16h30 / jeudi 21 février 14h30 / samedi 23 février 16h45 / lundi 25 février 14h30 / mardi 26 février 16h15 m Séances scolaires possibles jeudi 14 et vendredi 15 février 10h

PINOCCHIO de Enzo d’Alò • Animation, Ital./Luxembourg/Belg./Fr., 2012, 1h20, coul., version française

m A partir de 6 ans m Séances tout public: mercredi 20 février 14h30 / jeudi 21 février 16h/ vendredi 22 février 14h30 / samedi 23 février 15h / dimanche 24, mardi 26, mercredi 27, jeudi 28 février 14h30 / vendredi 1er, samedi 2 mars 14h30 / dimanche 3 mars 16h45 m Séances scolaires possibles : lundi 4 mars matin et après-midi / mardi 5 mars matin POUR TOUT RENSEIGNEMENT SERVICE CINEMA : 05 46 51 54 00

Directeur de la publication Jackie Marchand Programmation et rédaction Edith Périn Réalisation maquette, photogravure Brigitte Morisson Impression fabrication Imprimerie IRO Photo de couverture La Fille de nulle part de Jean-Claude Brisseau


Rendez-vous à Kiruna

/ Anna Novion

Ernest, un architecte renommé, ne vit que pour son travail. Un jour, il reçoit un appel de la police suédoise qui le décide à entreprendre un long voyage jusqu’à Kiruna, en Laponie. Il doit y reconnaître le corps d’un parfait étranger, son fils qu’il n’a jamais connu. Son chemin va croiser celui de Magnus, un jeune homme sensible et perdu que tout oppose à Ernest, autoritaire et méfiant. Ce voyage en compagnie d’un fils possible va révéler à Ernest une part inconnue de lui-même et l’aider à mieux comprendre ce rendez-vous à Kiruna.

Comment est née l’idée de «Rendez-vous à Kiruna»? ANNA NOVION : Depuis longtemps, j’avais envie de réaliser un road-movie. Le genre offre une grande

richesse visuelle, donne beaucoup à filmer, et j’aime la façon dont il permet à un personnage d’évoluer en même temps que les paysages. Pendant le tournage des Grandes Personnes, j’avais vu côte à côte Jean-Pierre Darroussin et le jeune comédien Anastasios Soulis, qui avait un second rôle. J’avais trouvé qu’ils allaient bien ensemble. Ce duo m’inspirait un couple père-fils, il fallait que j’écrive pour eux. D’autre part, je voulais tourner à nouveau en Suède. Ma mère est suédoise, j’y passe depuis toujours une partie de mes vacances. Mon envie de filmer la Suède est pour le moment plus forte que mon envie de filmer la France. En Suède, j’ai moins de repères, et j’aime que mes personnages se retrouvent dans un environnement qui les déstabilise. Quand avez-vous commencé à écrire? A. N. : Très vite, en 2008, après la sortie de mon premier long-métrage. J’ai commencé avec mon père Pierre Novion, qui est aussi mon chef-opérateur, et que l’histoire intéressait. Puis j’ai continué avec le scénariste Olivier Massart. Il m’a apporté beaucoup et, entre autres, une idée décisive: jusque-là, Ernest, le personnage principal, avait connu son fils, Antoine, dont il part reconnaître le corps, jusqu’à l’âge de quinze ans. Olivier m’a fait comprendre que ce n’était pas possible: si l’on voulait que le film ait aussi une part de légèreté, il fallait qu’ Ernest ne l’ait jamais connu. Ernest lui a donné son nom, mais il ne l’a jamais désiré, et cette femme qui a fait un enfant sans son accord a refait sa vie. Ils ne sont plus qu’un souvenir, et Ernest croit –à tort– les avoir oubliés. Pourquoi Kiruna? A. N. : Parce que c’est la ville la plus connue de la Laponie suédoise. C’est une ville minière: à une étape du scénario, il était même question qu’ Antoine travaille dans les mines. Puis j’aime la sonorité de ce nom: il possède à la fois quelque chose d’énigmatique et de féminin. On peut presque penser que c’est un prénom de femme. L’atmosphère de Kiruna a été une inspiration pour l’écriture et pour le tournage. Les peintures d’Edward Hopper m’ont aussi beaucoup aidée pour penser la ville du Nord où se termine le voyage. Cette ambiance de solitude et de mélancolie silencieuses et apaisées colle parfaitement avec ce que j’ai vu de Kiruna. in Dossier de presse

France, 2012, 1 h 37, couleur Scénario Olivier Massart, Anne Novion avec la participation de Pierre Novion Photo Pierre Novion Son Cédric Deloche, Anne Gibourg Emmanuel Croset Musique Pascal Bideau Montage Anne Souriau Avec Jean-Pierre Darroussin Anastasios Soulis, Claes Ljungmark Kim Bodnia, Judith Henry Lia Boysen…

DU 30 JANVIER AU 12 FEVRIER SORTIE NATIONALE

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Etre là

/ Régis Sauder

Elles sont psychiatres, infirmières ou ergothérapeutes à la maison d’arrêt des Baumettes à Marseille et reçoivent des détenus devenus patients le temps du soin. Elles sont là pour aider des hommes en souffrance, fussent-ils incarcérés. Etre là, c’est rejoindre cet espace unique –celui de l’écoute– une poche d’air derrière les murs de la prison. Son existence est conditionnée par la détermination des soignants à continuer de venir pratiquer la psychiatrie ici… à quel prix? Sophie travaille là depuis dix ans et questionne aujourd’hui sa place en prison, la possibilité d’y accomplir son métier de psychiatre, véritable acte de résistance. Elle convoque les souvenirs de ces années d’enfermement pour faire un choix: continuer à «être là», ou partir?

En se situant sur cette brèche de l’univers carcéral, regardant les combattantes de ce front trop ignoré par-dessus l’épaule de ces hommes en souffrance, ce film de Régie Sauder (réalisateur de Nous, Princesses de Clèves, 2011) fait œuvre, une œuvre nécessaire. C’est d’abord en fondant son dispositif, en trouvant la seule place possible dans cet univers où les prisonniers sont interdits d’image, que le film s’affirme. Il prend appui sur les contraintes pour y puiser une énergie formelle très prégnante, mais qui ne fait jamais écran à la vérité nue de ce qu’il montre. C’est un film qui bouleverse, qui coupe le souffle souvent, qui fait mal, et qui ne passe pas à côté de toute la complexité de la situation: il ne tait ni la trivialité ni la pauvreté âpre des échanges ni la profondeur inaccessible des douleurs. Il ne tait rien de cet harassant combat contre le chaos et la barbarie. Comme elles, ces femmes fatiguées et si belles, le film assume une certaine forme de séduction sans jamais être complaisant. En exposant clairement son dispositif –l’intrusion d’un micro sensible, le retrait d’une caméra qui s’incline sans jamais se détourner– il donne à penser la question même de l’image, de l’irruption d’un regard extérieur dans ce terrible huis clos; en mettant hors champ les prisonniers, il nous renvoie à la destruction institutionnelle; en faisant face à ces femmes, il dit la fragilité de leur combat. L’expérience très forte que ce film propose au spectateur fait écho à cette question qui les taraude: être là, être le témoin –le complice?– de ce qui est à l’œuvre entre ces murs, y faire face, autant qu’on le peut, résister à l’envie de fuir, c’est toute la question. Sylvaine Dampierre, cinéaste de l’ACID (Agence du cinéma indépendant pour sa diffusion) 4


CATHERINE PAULET (chef du service médico-psychiatrique régional des Baumettes): Au fond, en

venant interroger notre dispositif soignant, tu as interrogé ce qui nous fait tenir, ce qui nous fait avancer, ce qui nous fait soigner. PHILIPPE HAGUÉ : Vous avez été la première à voir le film avec votre collègue psychiatre Sophie Sirere qui dit ses textes face à la caméra de Régis.

cadre». J’ai donc visionné le film en me demandant ce qui, du point de vue de la déontologie, voire de l’éthique, pourrait ne pas être acceptable. C’est-à-dire: «Est-ce que la dignité des personnes est respectée?» à la fois celle des soignants et celle des personnes qu’on entend ou qu’on voit. Et il m’a semblé que tel était le cas. J’ai également, du coin de l’œil, vu le film dans sa dimension artistique, sa beauté formelle et la nécessaire subjectivité du regard «porté sur». Nécessaire subjectivité parce qu’à mon sens, l’objectivité du documentaire n’existe pas… Le chercheur change l’objet de son étude… Il y a une dimension artistique de subjectivité, de créativité, a fortiori dans un documentaire qui vise à montrer le «sensible». RÉGIS SAUDER : Ça, je crois que c’est très important car, face à l’objet documentaire, certains ont envie de se réfugier derrière la vérité, la vérité de ces femmes qui résistent dans l’institution, et qui ne «pourrait» être montrée que dans une restitution austère, la plus fidèle possible à une certaine forme de «réalité». Ce qui m’intéresse, c’est quand tu dis qu’il y a nécessairement de la subjectivité. La volonté que j’ai eue, ce n’était pas de magnifier, mais de travailler sur une représentation personnelle de cet espace singulier. La forme ne nous éloigne pas de la «vérité» mais elle permet, justement, de mettre en avant la subjectivité du regard. CATHERINE PAULET : Ton regard curieux sur ce qui constitue le soin… C’est comme ça que j’ai entendu ton travail. Ce qui est montré, vu, témoigne de notre travail au sein de l’institution pénitentiaire qui constitue le fond sonore du documentaire et la réalité à laquelle se confrontent, se cognent parfois, soignants et soignés. Car le soin est inscrit dans la cité, dans la citoyenneté, dans la façon dont les gens vivent les uns avec les autres. Nous ne sommes pas détachés du contexte sociétal et politique. La surpopulation pénale et la promiscuité insupportable qu’elle engendre, l’augmentation des incarcérations, l’allongement des peines, la vétusté et l’insalubrité des locaux, auxquels s’ajoutent des discours violents et stigmatisants, ont un impact sur notre travail, notre «vécu»; nous ne pouvons pas être indifférents à cela. Mais ce n’est, me semble-t-il, que la toile de fond du film qui s’est centré sur l’espace intemporel du soin, comme lieu de la rencontre. J’ai aimé l’insertion des textes de Sophie, forts et pleins d’humanité, parfois révoltés, qui rythment le film. Et de fait, j’ai vu s’entrecroiser, non seulement des relations soignants-soignés, mais également des relations interhumaines. Il y a de l’humanité dans le film. C’est aussi la façon dont tu filmes et dont tu saisis quelques moments d’intimité de la relation, où quelque chose se dit, qui n’est pas banal, et où la façon de l’entendre n’est, elle non plus, pas banale. Evidemment, les protagonistes s’adressent aussi à la caméra pour témoigner de quelque chose. RÉGIS SAUDER : Pendant le tournage, on a toujours dit aux patients qu’on était dans une situation

particulière. Dans une triangulation, on ne faisait pas semblant de faire une consultation comme d’habitude. Le patient savait que cet échange serait restitué, et que c’était en quelque sorte une consultation publique. Et pour autant, l’écoute existait, mais avec la conscience qu’on était trois. Et ça, dès l’écriture, c’est quelque chose que j’ai voulu indiquer et préciser. C’est-à-dire que ma place était discutée avec les patients. ll ne s’agissait pas de faire «comme si la caméra n’existait pas». Etre là, c’est évidemment le choix des soignants, ce que ça signifie de pratiquer dans cet espace-là, mais c’est aussi mon choix de me positionner avec eux. Et ça a, tout de suite, été compris, c’est pour ça que Catherine a accepté que le film puisse se faire, on faisait cette expérience ensemble, patients et soignants. Et on essayait de préserver cette relation humaine dont tu parles. Propos recueillis par Philippe Hagué in Dossier de presse

© Miguel Bueno

CATHERINE PAULET : Je l’ai regardé tout d’abord et surtout en tant que chef de service «garante du

La séance du lundi 4 février à 20 h 15 sera suivie d’une rencontre avec Régis Sauder.

France , 2012, 1 h 37, noir et blanc Scénario, photo Régis Sauder Son Pierre-Alain Mathieu Musique Gildas Etevenard Montage Florent Mangeot Avec Sophie Sirere, Aude Daniel Marion Ternaux, Anne Bacci Séverine Grégoire, Catherine Paulet Corinne Corona Marie-Pascale Chenesseau… SOUTIEN ACID FID MARSEILLE 2012 : SÉLECTION OFFICIELLE

DU 31 JANVIER AU 5 FEVRIER EN EXCLUSIVITE

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Yossi

/ Eytan Fox

Exemple rare, d’une suite donnée à un film intimiste, le très généreux «Yossi» permet à l’Israélien Eytan Fox d’illuminer le destin d’un personnage qu’il avait lui-même condamné au malheur il y a dix ans. «Le monde change pour le meilleur comme pour le pire, et un des rôles du cinéma est de le refléter… Si Yossi apparaissait devant moi, je lui dirais que sa vie ne m’appartient plus, qu’il est libre, et je lui souhaiterais bonne chance du fond du cœur.»

Israël, 2012, 1 h 23, couleur, v.o. Scénario Itay Segal Photo Guy Raz Son Ronen Nagel Musique Keren Ann Montage Yosef Grunfeld Avec Ohad Knoller, Lior Ashkenazi Orly Silbersatz, Oz Zehavi Ola Schur Selektar…

DU 30 JANVIER AU 5 FEVRIER

De documentaires en fictions, le cinéma israélien a depuis longtemps pris en charge la question autrefois sensible de l’homosexualité dans l’Etat hébreu. Eytan Fox lui-même en a fait l’une de ses préoccupations majeures depuis son film Yossi & Jagger (2002), histoire d’amour entre deux militaires qu’il complète aujourd’hui d’une suite indirecte et harmonieuse inscrite en période de paix. Revoilà donc Yossi, trente ans passés et un certain embonpoint, désormais loin du champ de bataille libanais où nous l’avions découvert, mais toujours condamné au placard : il vit son homosexualité en secret honteux et cuve le deuil de son premier amant en petites baises sans passion organisées sur internet. Tout chez lui n’est que regret et tristesse, jusqu’à ce qu’il décide de fuir vers le Sinaï et croise sur sa route un jeune éphèbe engagé dans l’armée, son Tadzio, aux côtés duquel il réapprendra le sens du désir et s’assumera enfin. De cette rencontre entre les âges, Eytan Fox tire un beau récit de réconciliation qui enregistre sur le mode d’une confrontation amoureuse ce qui, depuis dix ans, s’est profondément libéré en Israël, où l’homosexualité n’est plus un motif transgressif, où les mœurs ont (presque) achevé leur révolution. Le film s’éloigne alors de sa pente naturaliste aux tons uniformément gris des débuts, pour adopter l’humeur délicate et le charme évanescent d’une passion balbutiante, tandis qu’il opère le rapprochement érotique de ces amants dissemblables (superbe scène nocturne de déshabillage collectif). C’est la plus grande vertu de ce Yossi, qui répudie toute forme de tragique jusqu’à sa conclusion radieuse, où Eytan Fox subvertit avec malice la fin de son modèle avoué, Mort à Venise. Romain Blondeau, Les Inrockuptibles, janvier 2013

EN EXCLUSIVITE

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El Estudiante ou récit d’une jeunesse révoltée

/ Santiago Mitre

Un jeune homme vélléitaire et tombeur, Roque, monté à Buenos Aires de sa province, s’engage en politique pour draguer Paula, une jolie militante. Il va y apprendre les stratégies plus ou moins licites utilisées par les adultes (les profs qui ont un passé gouvernemental) pour acquérir le pouvoir. Pour pasticher une célèbre formule de François Truffaut, on pourrait écrire que Santiago Mitre, dont «El Estudiante» est le prometteur premier long métrage, filme la politique comme un film d’espionnage, ce qui le rend passionnant. Les Inrockuptibles

Vous avez coécrit les scénarios de «Leonera» et de «Carancho» avec Pablo Trapero. On retrouve dans «El Estudiante» la même manière de s’immerger dans un univers très particulier, ici l’université (la UBA). Et comme dans les films de Trapero, la fiction et le thriller se nourrissent du documentaire. SANTIAGO MITRE : Je voulais développer une fiction dans ce lieu la UBA qui est une institution centrale dans la vie de Buenos Aires et que le cinéma argentin n’avait pas beaucoup filmé. J’ai donc commencé par écrire une histoire qui s’est transformée en investigation politique. Je ne voulais pas seulement parler de la politique universitaire mais de la politique en général. A partir d’une hypothèse narrative relativement classique (l’ascension politique d’un personnage), j’ai tenté de trouver dans la réalité les éléments qui me permettraient d’élaborer un récit vraisemblable. Je n’ai absolument pas voulu faire un film de dénonciation (type journalistique) envers la UBA. Le film s’intitule «El Estudiante» mais on ne voit jamais le personnage étudier. S. M. : C’est un film sur l’apprentissage. Au début, rien n’intéresse Roque, qui part étudier à la capitale sans enthousiasme et va découvrir peu à peu un monde qui va le passionner. Il passe tout son temps à apprendre. Mais cet apprentissage n’est pas le fruit de ses études. Roque apprend à se comporter comme un homme politique. C’est ce que raconte le film: comment un individu n’ayant aucune prédisposition ni formation idéologique finit par être complètement habité par la politique. On est tenté de faire le rapprochement avec «Un prophète» de J. Audiard quant au parcours initiatique de Roque. Mais Roque n’est pas aussi innocent au départ, il sait ce qu’il veut et comment l’obtenir. S. M. : C’est un film que j’ai montré à l’acteur Esteban Lamothe. Je voulais obtenir une transformation subtile du personnage, tant dans sa manière de parler que de se déplacer et de regarder. Ce que les deux films ont en commun, c’est de présenter la transformation d’un personnage complètement ingénu en quelqu’un de puissant… C’est un personnage qui, au début, a un rapport compulsif aux femmes. Et c’est par elles que ce désir amoureux va se transformer en désir politique. Cette logique de construction du personnage était une des questions les plus importantes au moment de construire le récit politique qui repose sur la tension entre les idées et la pratique. De la pratique ou de l’idéologie, laquelle de ces deux facultés est la plus importante pour devenir un dirigeant politique ? Dans ce domaine, peut-on, sans formation idéologique ni aucun intérêt pour le social, réussir par une simple capacité de séduction? in Dossier de presse

Argentine, 2011, 1 h 50, couleur, v.o. Scénario Santiago Mitre Photo Gustavo Biazzi, Soledad Rodríguez Frederico Cantini, Alejo Maglio Son Santiago Fumagalli Musique Los Natas Montage Delfina Castagnino Avec Esteban Lamothe, Romina Paula Ricardo Félix, Valeria Correa… LOCARNO 2012 : PRIX SPÉCIAL DU JURY CARTHAGÈNE 2012 : MEILLEUR FILM MEILLEUR ACTEUR

DU 6 AU 12 FEVRIER EN EXCLUSIVITE

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La Fille de nulle part

/ Jean-Claude Brisseau

Bonne nouvelle, le meilleur film que nous ayons vu cette année à Locarno, «La Fille de nulle part» de Jean-Claude Brisseau, a été récompensé par Le Léopard d’or. Un récit incroyable, d’une forme d’expression fantastique et d’une originalité absolue dans le paysage du cinéma français. Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles L’auteur de Oncle Boonmee, Apichatpong Weerasethakul –Palme d’or à Cannes– ne pouvait qu’être sensible au mélange de quotidien et de surnaturel, à la présence de fantômes et de réincarnations qui composent La Fille de nulle part, film fauché (soixante mille euros) mais riche de sa croyance dans les puissances du cinéma. La croyance est d’ailleurs le sujet principal, avec son corollaire, le doute, de ce film écrit, réalisé, monté et mixé dans son propre appartement par Jean-Claude Brisseau. Celui-ci joue le rôle d’un professeur de mathématiques, retraité et veuf, qui occupe ses jours à l’écriture d’un essai sur les croyances et qui se voit ébranlé par l’arrivée d’une jeune fille, Dora. Avec elle, c’est la tendance Méliès qui déboule dans le cinéma Lumière. La part documentaire qu’offre le corps massif de Brisseau dans ses propres murs et la dimension autobiographique procurent une force nouvelle aux apparitions qui ont toujours peuplé son cinéma. Leur simplicité et leur beauté (et la terreur qui nous assaille à la vision de la première) participent de ce retour aux sources qu’effectue La Fille de nulle part. Nicolas Azalbert, Stéphane Delorme, Cahiers du cinéma

Comment est venue l’idée du film? JEAN-CLAUDE BRISSEAU : Le film a été fait à la demande de Virginie Legeay. Comme je venais de

toucher un peu d’argent suite au passage de Noce Blanche à la télévision, j’ai décidé de faire un tout petit film. Je souhaitais depuis longtemps revenir aux conditions «amateur» de mes débuts. J’avais la nostalgie des films Nouvelle Vague, comme Tirez sur le pianiste, par exemple, où pendant les cinq

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premières minutes, on ne voit pas grand-chose à l’image, mais c’est le film de Truffaut qui m’a le plus touché. De la même manière, dans les films de Godard, ce dernier s’efforçait de faire le contraire de ce que faisaient les autres metteurs en scène, en particulier, en ce qui concerne l’image. J’ai donc décidé de faire un film avec rien au niveau des moyens, c'est-à-dire d’aller à la simplicité absolue. Les travellings étaient réalisés avec une poussette sur laquelle on avait fixé une planche horizontale et sur laquelle on avait posé le pied de la caméra. J’ai alors acheté une caméra vidéo et un ordinateur permettant de faire le montage et je me suis lancé. Vous jouez dans votre film? J-C. B. : Oui, à la demande de plusieurs personnes. A l’origine, ce n’était pas moi qui devais interpréter

le rôle principal masculin, mais mon ami Claude Morel qui joue le médecin dans le film. Virginie Legeay, Lisa Heredia, mon épouse, et Claude Morel, m’ont poussé et j’ai accepté. Mais ce travail a été très pénible car je devais apprendre tous les jours des textes par cœur, souvent très longs, et en même temps, jouer et faire la mise en scène. N’étant pas comédien, j’ai joué à moi-même, comme si le personnage, c’était moi; en fait, tous les comédiens étaient des amateurs sur ce film. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le fait de faire ce film? J-C. B. : Comme je l’ai dit précédemment, d’abord de faire le film pour la jeune femme que j’avais rencontrée à La fémis et qui a été mon assistante sur Les Anges exterminateurs. Puis faire un film un peu atypique en mêlant plusieurs genres, le fantastique, le filmage de la vie quotidienne, et mélanger à cela la philosophie et des éléments mélodramatiques mais aussi comiques. Avez-vous eu des surprises pendant le tournage? J-C. B. : Oui, pendant le tournage, j’ai réalisé que des séquences avaient disparu et il a fallu les

retourner. Je découvrais l’informatique à laquelle je n’avais jamais été confronté. Pendant le montage que nous faisions dans ma maison de campagne, nous avons failli perdre la totalité du tournage. Là-bas, personne n’était capable de trouver une solution, et j’ai donc été obligé de retourner à Paris rencontrer un informaticien spécialisé dans le cinéma. Dans ma tête, ce film était un tout petit film, je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il soit sélectionné à Locarno et encore moins à ce qu’il reçoive le Léopard d’or. Pourquoi les phénomènes paranormaux dans votre film? J-C. B. : Je me suis inspiré de phénomènes que j’ai vécus ; ces thèmes qui renvoient à des éléments

dont on n’a pas conscience sont une constante dans mes films. Votre héros écrit un livre sur les illusions humaines, et en même temps, il vit dans un appartement entouré de souvenirs du passé et d’illusions… J-C. B. : Je réalise d’ailleurs que l’illusion ou le factice sont un thème récurrent dans pratiquement tous mes films ainsi que le corollaire de l’illusion, l’attachement. Attachement qui mène à la souffrance, voire à la mort, au moment où l’on est séparé de son objet. N’y a-t-il pas une contradiction entre cette dénonciation de l’attachement et de l’illusion et le côté fantasmatique de votre film? J-C. B. : Je pense que nous vivons le fantastique sans jamais en prendre conscience vraiment. L’attachement qui unit les deux personnages du film dépasse peut-être la limite de la vie et de la mort. Peut-être aussi, est-ce une illusion de ma part de m’intéresser, voire de croire à ces choses? Par contre, un ami m’a dit que les cinq minutes du film où le héros passe en revue les illusions sociales, politiques et humaines en répondant aux questions de la jeune femme (ce passage se termine par les quelques mots du héros, à savoir qu’un jour de détresse, il s’est réveillé face au vide de la condition humaine, et s’est mis à prier un dieu auquel il ne croit pas), cet ami m’a donc dit que ce moment était un résumé de la condition humaine. A-t-il raison ou tort ? Je ne sais pas. Peut-être aussi que la fille de nulle part, avec son intuition des phénomènes paranormaux, renvoie, d’une certaine manière, elle-aussi, à la recherche d’un amour sans attachement et du travail artistique, même sans récompense, qui en même temps, renvoie essentiellement à une recherche de la lucidité qui nous manque tragiquement à tous. in Dossier de presse

France, 2012, 1 h 31, couleur Scénario Jean-Claude Brisseau Photo et son David Chambille Montage Maria-Luisa Garcia, Julie Picouleau Assistante à la réalisation Virginie Legeay Avec Virginie Legeay Claude Morel Jean-Claude Brisseau Lise Bellynck… SOUTIEN RECHERCHE LOCARNO 2012 : LÉOPARD D’OR

DU 6 AU 19 FEVRIER SORTIE NATIONALE

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Ici et là-bas

Aquí y allá Espagne / USA / Mexique, 2012, 1 h 50 couleur, v.o. Scénario Antonio Mendez Esparza Photo Barbu Balasoiu Son Luis Argüelles Martinez Musique Copa Kings, Bertin y su Condesa Montage Filippo Conz Avec Teresa Ramírez Aguirre Pedro De los Santos Juárez Lorena Guadalupe Pantaleón Vázquez Heidi Laura Solano Espinoza Néstor Tepetate Medina… SOUTIEN RECHERCHE CANNES 2012 : SEMAINE DE LA CRITIQUE / GRAND PRIX LA ROCHELLE 2012 : FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM

DU 13 AU 19 FEVRIER

/ Antonio Mendez Esparza

Antonio Mendez Esparza, l’auteur de Aquí y allá, remarquable premier long-métrage, est un voyageur. Né et élevé à Madrid, il est allé vivre plusieurs années à New York, où il a étudié le cinéma à l’université de Columbia, puis à Mexico. Coproduit aux Etats-Unis et en Espagne, tourné au Mexique, son film lui ressemble, en étant à la fois, comme son titre l’indique, «ici et ailleurs». […] Le film a ceci d’original qu’il ne filme pas, comme tant d’autres, l’aller d’un douloureux voyage, mais son retour, dont on ne sait s’il sera provisoire ou définitif. Cette incertitude est l’enjeu-même du film. Pedro, un paysan mexicain, revient dans son village de montagne, après de longues années passées aux Etats-Unis. Il y rejoint sa femme, et ses deux filles, des adolescentes qu’il doit apprendre à connaître, comme elles-mêmes doivent se familiariser avec ce père resté trop longtemps absent… Il fait un rêve: vivre désormais avec ce qui lui est le plus cher au monde –sa famille– et assouvir sa passion de jeunesse en montant un groupe destiné à jouer dans les bals locaux, baptisé les Copa Kings. La tension entre cet idéal et la réalité, nourrit la fiction d’une œuvre qui reste par ailleurs fermement ancrée dans le réel, les acteurs tenant pour la plupart le même rôle à l’écran que dans la vie. Pedro de los Santos est bien un musicien, sa femme est bien sa femme, idem pour les villageois. Quant aux péripéties du film, elles sont inspirées de la vie de cet homme, tel que le réalisateur a commencé de la filmer à New York, dans un précédent court-métrage. Ce parti-pris explique sans doute l’incroyable justesse du film, sa façon de faire naître l’émotion à partir de situations les plus triviales. L’amour profond qui lie cet homme à cette femme, les ruses du père pour reconquérir le regard que portent sur lui ses filles, adolescentes pudiques et facétieuses qui lui font gentiment payer la souffrance de son éloignement, tout cela est rendu avec une délicatesse et une simplicité presque miraculeuses. L’endettement de Pedro pour faire exister son groupe de musiciens, le drame qui se noue autour de la nouvelle grossesse de sa femme, l’obligation de régler un traitement onéreux de ses propres deniers, vont rapidement avoir raison du bonheur des retrouvailles. A cette trame mélodramatique, Esparza a l’élégance de ne rajouter aucun pathos. L’art de l’ellipse et le sens du détail, un simple geste et les paroles d’une chanson lui suffisent à créer l’émotion, avec une dignité qui est à la hauteur de celle dont les pauvres gens accueillent le sort qui les accable. Jacques Mandelbaum, Le Monde, 23 mai 2012

SORTIE NATIONALE

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Elefante blanco

/ Pablo Trapero

Grande figure du jeune cinéma argentin, habitué des festivals les plus prestigieux et en particulier du rendez-vous cannois, Pablo Trapero (Leonera, Carancho…) a fait son retour au Festival 2012 en sélection «Un certain regard». Traversé, comme ses autres films, de problématiques sociales très âpres, «Elefante Blanco» évoque le travail de deux prêtres, l’un argentin (Julian, incarné par la star sud-américaine Ricardo Darin) et l’autre belge (Nicolas, auquel Jérémie Rénier prête ses traits), engagés au quotidien auprès des habitants d’un immense bidonville de Buenos Aires…

[…] En deux heures denses, sans halte, Trapero peint une fresque prompte, souvent palpitante, qui aligne d’impressionnantes séquences de bruit, de fureur, d’action et de foule. Le dédale de la favela, que domine la structure inachevée d’un gigantesque hôpital dont les travaux ont cessé il y a vingt ans, formera le décor presque unique d’Elefante blanco. Le chantier fantôme donne son titre au film, mais il s’applique aussi à son héros : le blond père Nicolas (auquel Jérémie Renier donne une surface solaire et une intimité sourde) se repère comme le nez au milieu de la figure parmi l’exubérant petit peuple latino. Entre les violences permanentes du narcotrafic, les descentes militaires, les vendettas (sidérante scène de l’enterrement du petit caïd Cruz, après récupération de son cadavre tuméfié sur une brouette à travers la zone ennemie), les manifs de soutien, les maisons à bâtir, le cas particulier du jeune Esteban qu’il faut arracher à son destin de sniffeur de colle et encore mille autres activités, les travailleurs sociaux de tous bords sont au charbon nuit et jour. Parmi ceux-ci, la jeune et intrépide Luciana, pour laquelle Nicolas va éprouver des désirs très peu chastes, et les consommer… […] Trapero sait que la charité n’a jamais fait de bon cinéma, et il ne tombe dans aucun des panneaux de la piété, de la pitié, de la compassion… La meilleure part du film peut s’identifier à un ressac sud-américain de La Messe est finie de Nanni Moretti: le bilan pas brillant d’une religion autrefois dominante et dominatrice, aujourd’hui déclassée et dépassée par l’ampleur des problèmes. Nicolas, comme les autres, est voué à ne panser les maux qu’à la marge, avec dévouement et sensibilité, avec le respect des populations (même les plus dangereuses) et une popularité certaine auprès des plus indigents, mais sans espoir d’améliorer durablement les choses… Olivier Séguret, Libération, mai 2012

Argentine / France / Espagne, 2012, 1 h 45, couleur, v.o. Scénario Pablo Trapero Photo Guillermo Nieto Son Carlos Lidon Musique Michael Nyman Montage Nacho Ruiz Capillas, Pablo Trapero Santiago Esteves Avec Jérémie Renier, Ricardo Darín, Martina Gusmán… CANNES 2012 : UN CERTAIN REGARD

DU 20 FEVRIER AU 5 MARS SORTIE NATIONALE

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Syngué sabour

– Pierre de patience —

Atiq Rahimi Quelque part en Afghanistan, durant une guerre qui ne dit pas son nom, une femme –d’une trentaine d’années– veille son mari paralysé par une balle dans la nuque. Abandonnée par ses proches, elle prie pour ramener son époux à la vie et s’occupe de ses deux filles. Un massacre chez les voisins la contraint à abandonner son mari pour se réfugier avec ses enfants, dans une maison close tenue par sa tante qui lui apprend comment vivre sous la barbarie des hommes. Elle retourne auprès de son mari, ses prières se transforment en confessions intimes… jusqu’au dévoilement de son secret inavouable.

ENTRETIEN AVEC ATIQ RAHIMI

«Syngué Sabour –Pierre de patience« est votre deuxième long métrage. Il est l’adaptation de votre roman. L’idée d’en faire un film était pour vous une évidence? ATIQ RAHIMI : Lorsque j’ai fini d’écrire Syngué Sabour, mon éditeur l’a envoyé à différentes personnalités. Jean-Claude Carrière m’a appelé depuis sa maison du sud en plein été: «Je trouve ton roman formidable, ça peut faire un beau film!» Dans le même temps, Jeanne Moreau que je ne connaissais pas, m’adresse un mail: «Votre éditeur m’a envoyé votre livre, j’ai adoré, ça pourrait donner un beau film!» Le huis clos n’était pas un frein? A. R. : C’est une idée fausse de croire que tout ce qui est a priori clos est théâtral. Il y a dans l’histoire du cinéma beaucoup de films qui prouvent que la question du confinement n’est pas un obstacle mais un vrai atout cinématographique. Qu’est-ce qu’un film pouvait apporter de plus à votre roman? A. R. : L’adaptation cinématographique pose d’emblée un problème moral, éthique. L’idée de me répéter était évidemment exclue. Je suis persuadé que chaque art révèle une dimension particulière d’une histoire. Ce que le cinéma peut raconter, un roman ne peut le faire. Un verre selon qu’il est photographié, dessiné, décrit ou filmé n’a pas la même réalité. Le cinéma est avant tout une affaire de temps. Dans Terres et Cendres, je filmais l’attente durant le deuil. Pour Syngué Sabour –Pierre de patience, j’ai dit à Jean-Claude Carrière dès le début de l’écriture du scénario: «Je veux filmer la parole!» Jean-Claude m’a tout de suite répondu par cette phrase magnifique d’Ingmar Bergman: «Une histoire racontée n’est pas celle qui est entendue.» Le champ des possibles est donc énorme.

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Comment filmer la parole? A. R. : Filmer la parole comme acte et non pas comme information. Le cinéma est le seul art où vous

pouvez montrer une infinité de situations en même temps. La parole mais aussi la pensée, les gestes. Dans Syngué Sabour –Pierre de patience, il y a cette séquence où la femme caresse l’homme; son regard est d’abord tourné vers l’extérieur puis elle se tourne vers le visage de son mari et lui dit: «Pourvu qu’une balle perdue t’achève!» Cette parole cruelle entre en contradiction avec la tendresse de son regard et de son geste. L’ambiguïté de l’être humain se révèle alors à l’écran. En littérature, j’aurais dû tout expliquer et le texte aurait perdu toute la force de suggestion. Outre la parole, le corps permet aussi la libération… A. R. : La femme afghane, comme toutes les femmes du monde, a un corps, des rêves, des désirs, des plaisirs… Dans une société phallocrate, tout lui est retiré. Nous sommes ici en Afghanistan avec les barbus, les talibans, et au milieu de tout ça, il y a une femme qui ressent des choses. Pour qu’un être opprimé dans un pays comme l’Afghanistan puisse enfin prendre la parole, il fallait d’abord paralyser ce système dictatorial. A travers le corps inerte du mari, c’est tout le système qui est paralysé, blessé… Celui de l’héroïne peut enfin s’ouvrir et s’épanouir. Prenez le jeune soldat: il se croit supérieur –comme tous les hommes– mais lorsqu’il découvre l’amour et la faiblesse de son corps, tout change en lui. Plus que d’une femme, je parle ici d’un être opprimé sexuellement, religieusement, politiquement, culturellement, socialement… La femme n’est pas idéalisée non plus. Comment et pourquoi avez-vous choisi Golshifteh Farahani? A. R. : Un producteur m’avait proposé de faire le film en langue anglaise avec Penelope Cruz. JeanClaude Carrière et moi étions bien décidés à le tourner dans la langue afghane, en persan. Alors quelle actrice afghane? D’autant que mon héroïne est tout le temps présente dans le cadre. Il fallait quelqu’un de fort, capable de captiver le spectateur. J’ai auditionné des actrices afghanes et iraniennes. J’ai vu alors A propos d’Elly et j’ai trouvé Golshifteh formidable. Jean-Claude Carrière a organisé une rencontre chez lui. Sa beauté m’a fait un peu peur au début. J’avais peur qu’elle emporte tout. Nous avons fait des essais et j’ai tout de suite vu que c’était elle et pas une autre. Je l’ai filmée sans maquillage et j’ai vu comment elle absorbait la lumière puis la diffusait. Il ne fallait surtout pas que cette beauté reste céleste mais au contraire ait une dimension charnelle. ENTRETIEN AVEC JEAN-CLAUDE CARRIÈRE

Lorsque vous avez lu le roman «Syngué Sabour –Pierre de patience» d’Atiq Rahimi, l’idée d’un film est apparue immédiatement, pourquoi? JEAN-CLAUDE CARRIÈRE : Je connaissais bien Atiq. Nous venions d’écrire ensemble un scénario. En lisant son livre, j’ai été d’emblée frappé par le climat de crise qui se dégageait de cette histoire. Et dans toute crise, il y a une tragédie. Syngué Sabour –Pierre de patience, possède une vraie progression dramatique. L’action se développe sans cesse, ne reste jamais sur une même note. La multiplicité des personnages permet cette évolution. Outre la femme et son mari gisant, il y a des enfants, deux groupes de soldats, une voisine, un mollah, la tante, l’amant… Sans oublier les personnages présents dans les flashbacks! De plus, l’héroïne sort à plusieurs reprises pour aller chercher le médicament, visiter sa tante. Plus que les mots d’Atiq, c’est la situation qui m’intéressait ici. Un couple qui se connaît depuis longtemps. L’un a envie de dire quelque chose à l’autre sans jamais y parvenir. Et puis un jour, l’homme revient de la guerre blessé, inerte et la femme se met enfin à parler. Ça m’a beaucoup frappé. Comment s’est déroulé votre collaboration avec Atiq Rahimi? J-C. C. : Atiq m’a demandé de rédiger une première version tout seul dans mon coin. J’ai donc construit et développé l’histoire telle que je l’imaginais. Nous avons ensuite retravaillé ensemble mais notre version est restée assez proche de l’originale. En écrivant, je n’étais animé que par une chose: la pulsion dramatique de cette histoire. Même si l’action est intérieure, je me demandais sans cesse: «Qu’est-ce qui s’ouvre chez cette femme et lui permet d’aller toujours un peu plus loin?» Elle teste la résistance de cette pierre jusqu’à son explosion. J’avais donné à Atiq l’image d’un ballon que l’on gonfle… Cette femme est obligée de se débarrasser de tout ce qu’elle porte en elle pour faire éclater ce ballon. in Dossier de presse

France / Allemagne / Afghanistan, 2012 1 h 42, couleur, v.o. Scénario Jean-Claude Carrière, Atiq Rahimi adapté du roman de Atiq Rahimi Syngué Sabour – Pierre de patience Ed. POL, prix Goncourt 2008. Photo Thierry Arbogast Son Dana Farzanehpour, Noemi Hampel Lars Ginzel Musique Max Richter Montage Hervé de Luze Avec Golshifteh Farahani Hamidreza Javdan, Massi Mrowat Hassina Burgan…

DU 20 FEVRIER AU 5 MARS SORTIE NATIONALE

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L’Ogre de la Taïga 4 contes et merveilles de Russie Après «La Balade de Babouchka» présenté en décembre dernier, ce second volet des studios Pilot s’adresse aux enfants un peu plus grands. Quatre contes slaves aux techniques variées et à l’univers foisonnant qui font la part belle à la ruse et à l’intelligence. LE CHAT ET LA RENARDE de Konstantin Bronzik (2004, couleur, version française)

Abandonné dans les bois par son maître, un chat fait la connaissance de la renarde. Pour obtenir d’elle le gîte et le couvert, il lui fait croire qu’il est le gouverneur de Sibérie LES TROIS CHASSEURS de Sergeï Merinov (2010, couleur, version française)

Animation, Russie, 2004-2010, couleur, v.f. > durée totale du programme : 52 ’

tarif enfant : 3,50 € / tarif adulte : 4,50 €

• à partir de 4-5 ans •

Trois chasseurs, attrapés par le géant de la forêt, doivent raconter chacun leur tour une histoire au sujet d’un animal sans jamais prononcer son nom. Ils auront la vie sauve seulement si le géant ne trouve pas l’animal dont il s’agit… LA PETITE KHAVROSHKA de Inga Korjnera (2007, couleur, version française)

Khavroshka, la petite orpheline, est considérée comme une domestique par la marâtre et ses trois filles. Heureusement, son amie la vache veille sur elle.

SOUTIEN AFCAE JEUNE PUBLIC

GARE AUX LOUPS ! de Natalia Berezovaya (2005, couleur, version française)

DU 16 AU 26 FEVRIER

Un bélier et une chèvre fuient leur propriétaire à la recherche d’une vie meilleure… Ils se cachent dans un bois et se réchauffent auprès d’un feu de camp à l’ambiance un peu particulière…

SORTIE NATIONALE

Pinocchio

/ Enzo d’Alò

Nouvelle adaptation des célèbres aventures du petit garçon en bois de Carlo Collodi par Enzo d’Alò, le réalisateur de «La Mouette et le Chat», sur une musique de Lucio Dalla et avec la collaboration artistique du dessinateur Lorenzo Mattoti, auteur d’un album jeunesse éponyme.

Animation, Italie / Luxembourg / Belgique / Fr. 2012, 1 h 20, couleur, v.f. d’après Pinocchio de Lorenzo Mattoti (Edition française chez Albin Michel) • à partir de 6 ans •

DU 20 FEVRIER AU 3 MARS

Geppetto, un pauvre menuisier italien, fabrique dans un morceau de bois un pantin qui pleure, rit et parle comme un enfant. Une marionnette qu’il nomme Pinocchio et qu’il aime comme le fils qu’il n’a pas eu. Désobéissant et volontiers menteur, Pinocchio va se trouver entraîné dans de nombreuses aventures: il rencontrera Mangefeu, le montreur de marionnettes, le Chat et la Renarde qui se révéleront ne pas être les bons amis qu’ils prétendent; il partira au Pays des Jouets, un endroit merveilleux où l’école n’existe pas… Car ce petit pantin a horreur du travail, se moque des bons conseils et adore faire des bêtises. Heureusement la Fée aux cheveux bleus veille sur lui.

SORTIE NATIONALE

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S P E C TA C L E S

E N

F E V R I E R

> DANSE INTERACTIVE

Le Sacre du printemps

spectacle de Roger Bernat à partir de la chorégraphie de Pina Bausch

Le spectateur est plutôt acteur-danseur d’un Sacre qu’il découvre pas à pas… samedi 2 février : 16 h / 18 h / 20 h

Grand fracas issu de rien

>CABARET SPECTRAL

spectacle de Pierre Guillois à partir de textes de Valère Novarina

Une sorte de cabaret, autour de la langue virtuose de Novarina et d’une fière équipe, mardi 5 février 20 h 30 loufoque et joyeuse.

Géraldine Laurent,

Grand fracas…

>JAZZ

“Around Gigi ”

Elle a une fougue, une agilité inventive, un phrasé fulgurant et elle a toujours su s’entourer des plus grands talents. Géraldine Laurent, saxophone / Yoni Zelnik, contrebasse / Pierre de Bethmann, piano Franck Agulhon, batterie mercredi 6 février 20h30 >DANSE

Come, been and gone chorégraphie de Michael Clark / 8 danseurs

Ce chorégraphe majeur de Grande-Bretagne a le goût du classique et l’attirance pour la jeudi 7 février 20h30 fêlure iconoclaste, au style très physique. >MUSIQUE

Orchestre des Champs-Elysées

direction, Philippe Herreweghe / violoncelle, Marie-Elisabeth Hecker

La soliste Marie-Elisabeth Hecker dans le Concerto pour violoncelle de Haydn et ce superbe orchestre pour la Symphonie Héroïque. Programme : JOSEPH HAYDN Concerto pour violoncelle en ut LUDWIG VAN BEETHOVEN Symphonie Héroïque

vendredi 8 février 20h30 >THEATRE

La Locandiera de Carlo Goldoni, mise en scène Marc Paquien

Come, been and gone

Le choix lumineux de Dominique Blanc pour jouer Mirandola, charismatique tenancière d’hôtel à Florence dont tous les clients tombent amoureux fous… sauf un chevalier misogyne, excellent André Marcon… mardi 12, mercredi 13 février 20h30 / jeudi 14 février 19h30

PinKpunK CirKus

>THEATRE JEUNE PUBLIC

de Joël Jouanneau, mise en scène Joël Jouanneau, Delphine Lamand

Dans un univers de vieux cirque ambulant, on jongle avec les mots, on fait des cabrioles avec jeudi 14 février 19h30 la grammaire et du saut à l’élastique avec le subjonctif.

Malia,

“Black Orchid”, hommage à Nina Simone

>JAZZ BLUES

PinKpunK CirKus

Voix de miel ou de rocaille, éclatante ou feutrée, Malia rend hommage à une grande icône du jazz. Malia, voix / Alexandre Saada, piano / Jean-Daniel Botta, contrebasse / Laurent Sériès, batterie vendredi 15 février 20h30 / dimanche 17 février 16h

Réservation des places mOuverture 1 mois avant la représentation pour les spectateurs titulaires de la CARTE LA COURSIVE. u u u

Ouverture 15 jours avant la représentation pour les spectateurs NON titulaires de la CARTE LA COURSIVE. Ouverture exceptionnelle des réservations au guichet et par internet:

TABAC ROUGE • WU-WEI • CYRANO DE BERGERAC

Tous les spectacles sont, dans la limite des places disponibles, accessibles aux spectateurs qui ne souhaitent ni prendre un abonnement, ni prendre la Carte La Coursive.

Malia


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SAM 2

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MAR 5

YOSSI de Eytan Fox Israël, 2012, 1h23, couleur, v.o. RENDEZ-VOUS À KIRUNA de Anna Novion France, 2012, 1h37, couleur ETRE LÀ de Régis Sauder France, 2012, 1h37, noir et blanc

14H30 18H15 16H15 20H15

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20H30

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DU 6 AU 12 FEVRIER

MER 6

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SAM 9

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LUN 11

MAR 12

LA FILLE DE NULLE PART de Jean-Claude Brisseau France, 2012, 1h31, couleur EL ESTUDIANTE OU RÉCIT D’UNE JEUNESSE RÉVOLTÉE de Santiago Mitre Argentine, 2011, 1h50, couleur, v.o. RENDEZ-VOUS À KIRUNA de Anna Novion

16H30 20H30 18H15

16H15

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MER 13

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MAR 19

15H

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14H30 16H 17H30

DU 30 JANVIER AU 5 FEVRIER

18H

DU 13 AU 19 FEVRIER

L’OGRE DE LA TAÏGA, 4 courts métrages Animation, Russie, 2004-2010, couleur, v.f. / durée totale: 52’ ICI ET LÀ-BAS de Antonio Mendez Esparza Espagne/USA/Mexique, 2012, 1h50, couleur, v.o. LA FILLE DE NULLE PART de Jean-Claude Brisseau

DU 20 AU 26 FEVRIER

PINOCCHIO de Enzo d’Alò Animation, Italie, 2012, 1h20, couleur, v.f. L’OGRE DE LA TAÏGA, 4 courts métrages SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE de Atiq Rahimi France/Allemagne/Afghanistan, 2012, 1h42, couleur, v.o. ELEFANTE BLANCO de Pablo Trapero Argentine/France/Espagne, 2012, 1h45, couleur, v.o. DU 27 FEVRIER AU 5 MARS

PINOCCHIO de Enzo d’Alò SYNGUÉ SABOUR – PIERRE DE PATIENCE de Atiq Rahimi ELEFANTE BIANCO de Pablo Trapero

16H 20H15 14H 18H15

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MER 20

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14H30

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16H45 20H15

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MER 27

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SAM 2

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14H30 16H15 20H15 18H15

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14H30 16H15 20H30 18H15

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16H45 14H30 20H30 18H30

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18H

16H15 20H30

16H15 20H30

20H

MAR 26

14H30 14H30 15H45 20H15 18H

16H15 17H30

LUN 4

MAR 5

18H

16H 20H15 14H 18H

20H15

20H

Etre là sera suivi d’une rencontre publique avec Régis Sauder, lundi 4 février à 20h15. (Pré-vente billetterie à partir du lundi 28 janvier) Le programme cinéma est consultable sur : www.la-coursive.com LA COURSIVE SCENE NATIONALE /// 4, RUE SAINT-JEAN-DU-PEROT /// 17025 LA ROCHELLE CEDEX 1 /// TEL. 05 46 51 54 00


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