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du mardi au vendredi de 13h à 20h / samedi, dimanche et lundi de 14h à 20h PAR TÉLÉPHONE du lundi au dimanche de 14h à 18h 05 46 51 54 02 - 05 46 51 54 03 - 05 46 51 54 04 SUR INTERNET www.la-coursive.com horaires consultables et programme téléchargeable MÉDIAS Sud-Ouest • Sud-Ouest Dimanche • Sortir • France Bleu La Rochelle • La Charente-Libre • France 3 Poitou-Charentes et Atlantique • RCF • La Nouvelle République Niort • Le Phare de Ré • Radio Collège • TMV La Rochelle • UBACTO
Tarifs cinéma TARIF NORMAL CARTE LA COURSIVE, PLUS DE 60 ANS LUNDI POUR TOUS MOINS DE 26 ANS, DEMANDEUR D’EMPLOI TARIF JEUNE MOINS DE 18 ANS TARIF GROUPES SCOLAIRES, CENTRES DE LOISIRS CARTE FIDELITE POUR LES TITULAIRES DE LA CARTE LA COURSIVE 10 séances (valable jusqu’au mercredi 29 juin 2016)
7€ 6€ 5€ 5€ 4€ 3,50 € 50 €
TARIFS CARTE LA COURSIVE • Individuel, 13,50 € • Collectivité ou groupe (minimum 10 personnes), 12 € • Plus de 60 ans, 12 € • Moins de 26 ans, Demandeur d’emploi, 7 € Cinéma Art et Essai Recherche et Découverte, Jeune Public, adhérent au Groupement National des Cinémas de Recherche, à l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai, à l’Association des Cinémas de l’Ouest pour la Recherche, à l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion et à l’Agence pour le Développement Régional du Cinéma
Cinéma jeune public Tout film présenté dans le cadre de la programmation du mois peut faire l’objet de séances scolaires (tarif : 3,50€). FILM TOUT PARTICULIEREMENT RECOMMANDÉ
PETITES CASSEROLES 6 films d’animation, Suède/France/Irlande…, 2005-2014, 41’, couleur, version française m à partir de 4 ans m Séances tout public: mercredi 16 sept. 15h30 / samedi 19 sept. 16h / dimanche 20 sept. 16h30 / mercredi 23 sept. 14h30 / samedi 26 sept. 16h30 / dimanche 27 sept. 17h m Séances scolaires : sur demande POUR TOUT RENSEIGNEMENT SERVICE CINEMA : 05 46 51 54 00 Directeur de la publication Jackie Marchand Programmation et rédaction Edith Périn Réalisation maquette, photogravure Brigitte Morisson Impression fabrication Imprimerie IRO Photo de couverture Les Rois du monde (Casteljaloux) de Laurent Laffargue
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Les Mille et Une Nuits / Miguel Gomes «Ô Roi bienheureux, on raconte que dans un triste pays où l’on rêve de baleines et de sirènes, le chômage se répand. La forêt brûle la nuit malgré la pluie et hommes et femmes trépignent d’impatience de se jeter à l’eau en plein hiver…» Et le jour venant à paraître, Shéhérazade se tait…
Le voici donc ce film monstre (As Mil e Uma Noites), ce film monde à l’ambition si folle et à la matière si riche que le long métrage s’est métamorphosé sur la table de montage en trois films distincts qui poursuivent le même projet: mettre en scène l’état d’âme de tout un pays, le Portugal, au travers d’histoires entendues, racontées ou puisées dans les pages politiques ou faits-divers des journaux régionaux ou nationaux. Après La Gueule que tu mérites (2004), Ce cher mois d’août (2008) et Tabou (2012) qui étaient déjà d’une beauté et d’une inventivité sidérantes, Miguel Gomes imagine dans cette nouvelle lecture des célèbres contes orientaux que Shéhérazade puise chaque nuit son inspiration dans la crise économique qui frappe de plein fouet le Portugal. Miguel Gomes parle de son pays aujourd’hui, enregistre un désastre et en rend compte d’une manière inédite, en proposant une foule de récits tragiques, comiques, fantastiques, directement inspirés de la réalité factuelle vécue au Portugal sur une période de douze mois, période qui correspond au tournage itinérant du film. «Des histoires avec des riches et des pauvres, des hommes puissants ou anonymes, des enfants et des vieux, des humains et des animaux.» (Miguel Gomes) Quand la fable rejoint notre société, dans un style et une approche à la fois modernes, archaïques, poétiques et journalistiques (avec des méthodes d’écriture et de tournage très originales), le projet de Gomes rejoint les films enquêtes de Pasolini mixés à sa «trilogie de la vie» version contemporaine (Les Mille et Une Nuits, déjà) et aussi Non ou la vaine gloire de commander, autre chef-d’œuvre monumental, dans lequel Manoel de Oliveira se penchait sur l’histoire et la psychologie du Portugal en racontant ses plus grandes défaites militaires. Le retour cyclique d’une troupe d’acteurs et actrices dans des rôles différents selon les histoires confère également une dimension baroque et théâtrale à ces Mille et Une Nuits qui embrassent le cinéma et la vie, la réalité et l’artifice avec le même élan dénué d’emphase, la même grâce qui n’a pas besoin de souligner ses effets poétiques. Gomes procède à un mélange des genres enivrant, bercé par des chansons et musiques enchanteresses. Chaque film des Mille et Une Nuits possède une tonalité propre, comme l’indiquent les trois sous-titres: L’Inquiet, Le Désolé et L’Enchanté… Olivier Père, www.cinemaarte.tv 3
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Les Mille et Une Nuits Miguel Gomes
L’Inquiet (volume 1)
O Inquieto Portugal / France / Allemagne / Suisse 2015, 2 h 05, scope-couleur, v.o. Scénario Miguel Gomes Mariana Ricardo, Telmo Churro Photo Sayombhu Mukdeeprom, Lisa Persson… Son Vasco Pimentel Montage Telmo Churro Pedro Filipe Marques, Miguel Gomes Avec Crista Alfaiate, Adriano Luz Américo Silva, Rogério Samora Carloto Cotta, Fernanda Loureiro… SOUTIEN GNCR FESTIVALS 2015 : CANNES, QUINZAINE DES RÉALISATEURS / LA ROCHELLE
DU 26 AOÛT AU 13 SEPTEMBRE
Réinitialisant la trame des fameux contes arabes, Shéhérazade / Gomes nous raconte les petites histoires de la grande crise qui a mis à genoux les Portugais. D’abord, un long prologue, qui mixe la fin des chantiers navals de Viana do Castelo avec le problème des guêpes tueuses d’abeilles qui menacent l’apiculture locale. Dans une apparition hilarante, Gomes lui-même s’interroge sur la pertinence de mêler ces deux sujets qui n’ont a priori rien à voir. Mais les voix off s’entremêlent, un coup sur le chômage des dockers, un coup sur les techniques d’extermination des guêpes, si bien qu’on pourrait prendre les insectes prédateurs pour les financiers et grands patrons qui font grimper le chômage et baisser les prestations sociales. Puis on entre de plain-pied dans les Mille et Une Nuits et ses mille et un registres. Bouffonnerie autour des négociations entre la troïka européenne et le gouvernement portugais perturbées par un marabout africain aussi avisé qu’hilarant, conte ado avec les amours contrariées entre un garçon, une jeune fille pyromane et une autre de la brigade des pompiers, conte fantastique avec un coq qui chante au milieu de la nuit pour prévenir des risques d’incendie, documentaire avec des syndicalistes et des chômeurs… Gomes déroule sa riche pelote avec une liberté, une aisance, une générosité et une inspiration confondantes, sortant sans cesse des rails supposés de son film. Il épice ses histoires de mille détails inventifs: un mélange d’époques et de lieux avec ces chameaux et personnages d’antan qui déambulent sur les côtes portugaises, un dialogue amoureux en SMS qui s’incruste dans l’écran, des tubes lusitaniens qui hantent la BO, des blocs de retour au muet qui nous réapprennent la puissance d’émotion inouïe du silence complet dans une salle de cinéma, passages en douceur de l’humour maximal à la tristesse la plus poignante ou à la colère la plus noire… Ces temps-ci, le mot «peuple» est dans toutes les bouches … Miguel Gomes, lui, filme vraiment le peuple, comme savait le faire Pasolini, avec sa trivialité mais aussi son honneur, sa dignité, hissant ses pêcheurs, dockers, lavandières, mères de famille à hauteur de mythe. La troïka merkelienne peut continuer de tout écraser, tant qu’il y aura des Miguel Gomes, nous serons sauvés par la poésie, vengés par les forces de l’esprit. Et c’est ainsi aussi qu’un seul film suffit pour sauver tout le cinéma. Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 16 mai 2015
EN EXCLUSIVITÉ
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Les Mille et Une Nuits Miguel Gomes
Le Désolé (volume 2) Le volume central des Mille et Une Nuits conjugue sur le mode de la mélancolie la magie du vaste projet de Miguel Gomes à travers trois contes et trois univers différents, soit une narration plus recentrée que les volumes 1 et 3, mais qui permet d’apprécier la richesse de la palette du cinéaste. Plutôt que de choisir Gomes préfère embrasser tous les possibles du cinéma. La parole lui sied autant que le silence, l’épure que la profusion. Ici Shéhérazade nous raconte comment la désolation a envahi le cœur des hommes. Le film débute par la chronique d’un criminel en fuite, surnommé «sans tripes», vieux chacal jouisseur et anarchiste qui va narguer la police pendant quarante jours dans les terres intérieures du Portugal, devenant une figure de brigand légendaire aux yeux de la population locale. Le style contemplatif et la sauvagerie de « sans tripes » sont en rupture avec la prolifération d’images baroques des autres contes. A l’opposé, «Les larmes de la juge», reconstitution d’un procès dans un théâtre antique, hyper stylisé et hyper dialogué à la manière d’un film de Guitry ou de Ford place le cinéma de Gomes sur le plan de la dialectique. «Les Maîtres de Dixie» appartient à sa veine lyrico mélancolique, beau à pleurer comme une chanson de variétés, avec les petites misères et grandes tragédies des habitants d’une cité populaire, entre drogue, chômage et suicide vues à travers le regard doux d’un petit chien blanc nommé Dixie. Moments de «saudade» à l’état pur, sublimés par le sens du cadre et de la mise en scène, le génie de l’accompagnement musical et les trouvailles poétiques. L’émotion esthétique de cette partie se rapproche de l’envoûtement ressenti à la vision de Tabou, précédent film de Gomes. Olivier Père, www.cinemaarte.tv
O Desolado Portugal / France / Allemagne / Suisse 2015, 2 h 11, scope-couleur, v.o. Avec Crista Alfaiate, Chico Chapas Luísa Cruz, Gonçalo Waddington Joana de Verona, Teresa Madruga… DU 30 AOÛT AU 14 SEPTEMBRE EN EXCLUSIVITÉ
L’Enchanté (volume 3) Volume le plus libre et poétique des Mille et Une Nuits, à la fois tristes et dionysiaques de Miguel Gomes, L’Enchanté nous emmène d’abord dans un Bagdad des calanques, avec l’eau et la lumière méditerranéennes où s’ébrouent de jeunes corps insouciants, plongeurs et pécheurs marseillais, Adonis au physique de surfeur, sirènes aux allures de cagoles, et Shéhérazade (magnifique Crista Alfaiate) qui apparaît enfin dans toute sa sensualité et sa suprême sagesse. Avec ses allures de péplum de Luna Park, où personnages en costumes orientaux évoluent dans des décors contemporains, Gomes donne libre cours à toute sa fantaisie musicale, comme si Pasolini croisait Wes Anderson dans une utopie cinématographique inventée par le magicien portugais. Cet univers coloré et paradisiaque cède la place à une partie documentaire qui n’en est pas moins dépaysante, « Le Chant enivrant des Pinsons », immersion dans la communauté des «pinsonneurs», ces hommes marqués par la mauvaise vie d’un bidonville de Lisbonne dont la passion, héritée des vétérans de la guerre de 14-18, consiste à attraper des pinsons et à organiser des concours de chants entre les différents oiseaux. Rituel aussi farfelu que méticuleusement préparé, oasis de délicatesse dans une zone industrielle dévastée, qui explicite la relation entre l’homme et l’animal qui traverse les trois volumes de Gomes. On retrouve le génie ethnologique du cinéaste qui filme la réalité de son pays avec acuité, révélant des coutumes insoupçonnées comme autant de poches de résistance à la fureur et à la dureté de l’époque. Olivier Père, www.cinemaarte.tv
O Encantado Portugal / France / Allemagne / Suisse 2015, 2 h 05, scope-couleur, v.o. Avec Crista Alfaiate, Américo Silva Carloto Cotta, Jing Jing Guo Chico Chapas, Quitério… DU 31 AOÛT AU 15 SEPTEMBRE SORTIE NATIONALE
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Hill of Freedom / Hong Sangsoo Un bijou de fraîcheur, d’humour et de mélancolie. Les Inrockuptibles
Corée du sud, 2014, 1 h 06, couleur, v.o. Scénario Hong Sangsoo Photo Park Hongyeol Son Kim Mir Musique Jeong Yongjin Montage Hahm Sungwon Avec Ryo Kase, Moon Sori, Seo Younghwa Kim Euisung… SOUTIEN GNCR FESTIVALS 2014 : VENISE / NANTES, MONTGOLFIÈRE D’OR
DU 26 AOÛT AU 1er SEPTEMBRE
Tout a commencé Le Jour où le cochon est tombé dans le puits. Ce jour-là (on était en 1996), le Sud-Coréen Hong Sangsoo réalisait ce premier long métrage au titre saugrenu, où l’on se surprenait à découvrir, en plein Pays du Matin calme, d’improbables réminiscences rohmériennes. Depuis lors, tout le monde s’est pris au jeu. Enfin, presque tout le monde. Le cinéaste, en premier lieu, qui n’a cessé de nous envoyer ses subtiles variations éthylicosentimentales, où le sens du récit partage ses prérogatives avec un goût très honorable de la mélancolie. Et le groupe relativement stable de cinéphiles qui, de par le monde, attendent régulièrement de ses nouvelles, un peu comme on attendrait le signe d’un ami très cher et très facétieux, qui aurait fait le pari de toujours nous surprendre en tournant toujours autour du même pot. De film en film, la question que se pose le spectateur est de savoir comment il va se faire rouler dans la farine et par quel type de dispositif le cinéaste va mettre en forme l’anarchique absurdité de la valse des sentiments. Soit dans ce nouvel opus, tout d’abord un lieu central où les danseurs vont incessamment tourner, le mal nommé «Hill of Freedom» («La Colline de la liberté»), café coquet de Séoul. Là, Mori un étudiant japonais, échoue un soir, revenant en Corée et espérant y revoir Kwon, une fille qu’il a silencieusement aimée durant un précédent séjour. Mais la fille, qui habite à côté, n’y est pas. Elle se tient ailleurs dans le temps, quelque part dans un futur proche, puisqu’on la voit prendre à la poste le journal intime que Mori a écrit au cours de son séjour infructueux et lui a adressé. Hélas, la maladroite chute dans un escalier mécanique, fait tomber la liasse de feuillets, les ramasse, puis les rassemble dans un ordre aléatoire. Cet ordre sera donc celui du film lui-même, mis en scène selon la reconstitution hasardeuse du journal à laquelle la jeune fille a procédé. Beau manifeste du cinéma comme art du lâcher-prise et du raccord funambulesque, en cela propre à transmettre l’éclat brisé des désirs, la lancinante douceur des amours incertaines, la désynchronisation inexorable de nos vies avec l’état du monde. Art néanmoins non dépourvu d’une puissance propre, capable de faire coexister à l’écran, comme si de rien n’était, deux réalités prises dans des temporalités différentes, celle de la fille qui lit ce que le jeune homme lui a écrit, et celle du jeune homme qui vit ce qu’il va bientôt écrire, et qui ne devient montrable qu’à la condition que la jeune fille le lise. On reconnaît dans ce chiasme la figure familière par laquelle l’auteur aime à semer le trouble dans nos esprits. Mori se réfugie donc aussi souvent qu’il peut au café japonais à l’enseigne de «La Colline de la liberté». Là, il se fait draguer très directement par la serveuse de l’établissement, Yougsun, en compagnie de laquelle il partagera un dîner abondamment arrosé de soju, quelques considérations relativistes tendant à nous rappeler que c’est bien «notre cerveau[qui] invente la continuité temporelle», et quelques autres affinités plus loin dans le film. La suite se déroule au demeurant dans un désordre relatif et un enchaînement de causes mis délibérément cul par-dessus tête. De sorte que les causes se mettent à ressembler aux effets, et vice versa… Quant à savoir si les temps de Mori et de Kwon finissent ou non par se rejoindre, c’est là une interrogation qu’il convient naturellement de laisser sans réponse, dans ce temps suspendu de la rêverie que Paul Verlaine nommait «l’heure exquise». Jacques Mandelbaum, Le Monde du 8 juillet 2015
EN EXCLUSIVITÉ
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Les Secrets des autres / Patrick Wang C’est à la fructueuse sélection de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion que l’on doit la présence à Cannes de ce film si puissant, si obsédant…
C’est avec un ravissement ébloui que l’on découvrait à l’ACID le second film endeuillé (après In the Family) du trop discret cinéaste américain d’origine taïwanaise Patrick Wang. Il y est question du décès d’un nouveau-né des suites d’une déformation cérébrale, dont le premier plan aveuglant du récit pourrait être le point de vue au seuil de la mort. Cette onde de choc se répercute au cours des mois suivants sur les parents, John et Ricky, couple de quadras occupant dans l’Etat de New York la maison familiale avec leurs deux enfants, Biscuit, abonnée à l’école buissonnière, et un teenager dodu, Paul, chahuté au collège. Jess, fille d’un premier mariage de John, rejoint la maisonnée, et l’annonce de sa grossesse catalyse des émois refoulés. Dans cette somptueuse composition d’ensemble à la dérive, «chaque personnage garde son secret», confirmait le cinéaste à l’issue de la projection… Confectionné à l’issu de deux mois de répétitions et d’un tournage express en deux semaines seulement, le film a été tourné dans un Super 16 délavé par le chef opérateur Frank Barrera, et ce sans retour sur moniteur, c’est-à-dire quasiment à l’aveuglette et sans informer les comédiens du cadre, que ceux-ci traversent et débordent allègrement. «Je ne me pose pas la question de ce qui se fait, de ce qui est ou non professionnel», reconnaît Patrick Wang avec candeur. «Un personnage entre dans le champ et se révèle», résume-t-il, ajoutant que «c’est l’enjeu principal du cinéma, que regarde-t-on, quel est l’espace entre les corps?» Une délicate liberté est laissée aux visages et aux êtres d’évoluer dans le cadre et de venir l’habiter. Ce faisant, la tension plastique créée par ces longs plans-séquences installe ce drame familial dans la durée. Cette adaptation d’un roman éponyme de Leah Hager Cohen s’agrège dans un espace psychologique dont le film vient épouser la forme et auquel il adjoint plusieurs niveaux de lecture. Sa narration diffractée se répercute dans tout un système d’échos et de superpositions de voix franchement osé. Ses images qui convergent vers un dernier plan réconciliateur assez sidérant confirment ce cinéaste de premier plan, qui devrait être incessamment promu en bonne place dans des sélections de plus en plus prestigieuses. Clémentine Gallot, Libération du 20 mai 2015
The Grief of Others USA, 2014, 1 h 43, couleur, v.o. Scénario Patrick Wang d’après le roman de Leah Hager Cohen The Grief of Others (La Peine des autres) Photo Frank Barrera Son Johnny Marshall Musique Aaron Jordan, Anniversaire Andy Wagner Montage Elwaldo Baptiste Avec Wendy Moniz, Trevor St. John Oona Laurence, Jeremy Shinder Sonya Harum… SOUTIEN ACID / GNCR FESTIVALS 2015 : CANNES / LA ROCHELLE
DU 26 AOÛT AU 8 SEPTEMBRE SORTIE NATIONALE
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Cemetery of Splendour Apichatpong Weerasethakul
Cinq ans après sa Palme pour «Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures », le génial Apichatpong Weerasethakul revient pour une nouvelle féerie spectrale sidérante. Un merveilleux feu d’artifice.
Thaïlande / Royaume-Uni / France… 2015, 2 h 02, couleur, v.o. Scénario Apichatpong Weerasethakul Photo Diego Garcia Son Akritchalerm Kalayanamitr Montage Lee Chatametikool Avec Jenjira Pongpas Widner Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram Petcharat Chaiburi… SOUTIEN GNCR
FESTIVALS 2015 : CANNES, UN CERTAIN REGARD / LA ROCHELLE
DU 2 AU 15 SEPTEMBRE
Une vieille femme qui boite (Jenjira Pongpas Widner, actrice présente dans le cinéma de Weerasethakul depuis Blissfully Yours) se dirige vers l’école qu’elle a fréquentée enfant. On vient de la transformer pour en faire un hôpital destiné à accueillir des soldats tombés dans un sommeil étrange. Elle va très vite s’attacher à un jeune soldat sans famille. Au fil de rencontres romanesques improbables –une jeune femme capable de visiter la vie antérieure des malades, deux princesses mortes depuis des milliers d’années, son mari américain, etc.– et dignes des Sept boules de cristal d’Hergé, Jenjira va découvrir la raison pour laquelle ces soldats ne guériront jamais: l’école, puis l’hôpital, sont construits sur les restes d’un charnier, où des rois morts continuent à venir puiser l’énergie nécessaire aux batailles qu’ils mènent dans le passé… On retrouve dans Cemetery of Splendour l’univers désormais familier de l’auteur d’Oncle Boonmee: la fascination pour la médecine, la présence vivante des mythes, des fantômes, un humour attendrissant, une saine approche de la sexualité, pleine de vie, de santé, de fraîcheur. C’est pourtant peut-être son film le plus triste: on y ressent sans cesse la peur de la violence, la présence de la dictature terrible instaurée depuis trois ans en Thaïlande. A sa manière, avec son art, sa malice, sans attaquer de face la tyrannie, ce nouveau film magnifique, hallucinatoire (de longues scènes d’éclairages au néon multicolore où l’on tente de soigner les soldats –et les spectateurs?– à l’aide de la luminothérapie), livre avec une extrême douceur le portrait d’un pays en déséquilibre, entre tradition et modernité, religion et médecine du futur, imagination débridée de l’individu et une population politiquement opprimée, battue. Humilité, amour du quotidien et des petites gens, drôlerie et fantastique (un protozoaire soudain apparaît dans le ciel) continuent à être les armes de paix d’un artiste libre et majestueux. C’est déchirant et magique. Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles, 27 mai 2015
SORTIE NATIONALE
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Les Rois du monde (Casteljaloux) Laurent Laffargue
A Casteljaloux, village du Sud-Ouest de la France, entre amitié, ivresse et plaisir du verbe, les hommes sont les rois du monde. Mais quand Jeannot sort de prison, il n’a qu’une seule idée en tête: reconquérir Chantal, l’amour de sa vie, qui s’est installée en son absence avec le boucher du village. La tragédie grecque prend alors des allures de western.
La séance du lundi 14 sept. à 20 h 30 sera suivie d’une rencontre avec Céline Sallette et Laurent Laffargue.
Racontez-nous la genèse de ce projet… LAURENT LAFFARGUE: Au départ, j’ai écrit en 2010 une pièce, Casteljaloux, librement inspirée par mon
enfance passée dans cette commune du Lot-et-Garonne et certains de ses habitants. J’y jouais tous les personnages. C’était la toute première fois que je me mettais à l’écriture et j’ai tout de suite imaginé ce projet comme un triptyque avec deux pièces et un long métrage. En 2011, j’ai donc créé sur scène à La Rochelle Casteljaloux II, une pièce écrite cette fois-ci pour dix comédiens et dont j’assurais simplement la mise en scène. Puis je me suis attelé à l’écriture du film… Que vouliez-vous raconter à travers cette histoire, largement inspirée de votre vie? L. F. : Les Rois du monde (Casteljaloux) est clairement une autofiction. Mais pour autant la quasi-totalité de ses personnages n’existent pas en tant que tels dans la «vraie vie»: ils sont le fruit d’un mélange de divers hommes et femmes que j’ai côtoyés depuis l’enfance. Même si évidemment, Romain, l’adolescent qui rêve de théâtre et de partir de ce village, représente celui dont je suis le plus proche. J’ai choisi le terrain de l’autofiction car j’ai toujours pensé que, pour un premier film, je devais parler d’événements, de gens, de sentiments et de lieux qui me soient proches. Or je connais par cœur ce coin de province d’où je viens et ses habitants. Et je voulais transformer ces gens dits ordinaires en héros tragiques. Car Jeannot, Jacky et Chantal sont bel et bien ici les héros d’une tragédie en plein soleil. Hector et Achille revisités en quelque sorte… Et pourquoi avoir eu l’idée de Sergi López pour incarner Jeannot qui sort de prison avec une seule idée en tête : récupérer la femme de sa vie, désormais en couple avec un autre? L. F. : Jeannot est bipolaire. Il passe en permanence d’un extrême à l’autre. Quand j’ai commencé à écrire cette histoire, j’avais en tête le Patrick Dewaere de Série noire. Et quand j’ai cherché le comédien d’aujourd’hui qui possèderait cette même capacité à passer en un clin d’œil de la tendresse protectrice à la violence angoissante, Sergi m’est apparu comme une évidence. Les Rois du monde (Casteljaloux) raconte une histoire d’amour au pluriel, dont le personnage central est celle des trois qu’on voit le moins à l’écran: Chantal. Celle qui est au centre de toutes les discussions. Chantal constitue le lien entre le monde adulte et celui des adolescents qu’elle met en scène dans ses ateliers théâtre mais aussi et surtout entre Jeannot et Jacky. Une femme prise en étau entre deux hommes. in Dossier de presse Entre Laurent Laffargue et La Coursive, c’est une belle histoire inscrite dans le temps. Chacune de ses mises en scène y a été présentée, certaines y furent créées, à l’image d’Après la répétition avec Didier Bezace, de Casteljaloux ou de Molly Bloom, irradiée par Céline Sallette. Du 3 au 5 novembre, le Grand Théâtre accueillera sa dernière création, Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux.
France , 2015, 1 h 40, scope-couleur Scénario Laurent Laffargue, Frédérique Moreau Photo Fabrice Main Son Philippe Welsh, Philippe Deschamps Olivier Guillaume Musique Joseph Doherty Montage Marie-Julie Maille Avec Sergi López, Céline Sallette Eric Cantona, Romane Bohringer Guillaume Gouix, Victorien Cacioppo Roxane Arnal, Jean-Baptiste Sagory… DU 9 AU 15 SEPTEMBRE et DU 23 AU 29 SEPTEMBRE EN AVANT-PREMIÈRE
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Les Chansons que mes frères m’ont apprises / Chloé Zhao Song My Brothers Taught Me est l’une des découvertes les plus sensibles de cette édition cannoise 2015. Difficile de ne pas être happé par le détachement très doux de son récit, et par les vibrations sans doute improvisées de son scénario. Rapidement, tels les Indiens de cette réserve qui hoquètent entre alcoolisme, christianisme et rodéos, on se laisse flotter. Certes, rien de bien nouveau n’est dit, ni sur l’adolescence (le héros a dix-sept ans) ni sur le sort poignant des Amérindiens d’aujourd’hui. Qu’importe: Chloé Zhao, jeune réalisatrice américaine d’origine chinoise se distingue par son regard et son approche, formidables d’empathie, de pudeur, de proximité. Son film, unique, s’apparente à une mélopée ouatée et entêtante, qu’un chamane charmeur viendrait nous chuchoter à l’oreille. Une ode gracieuse et pourtant rude, puisque dédiée à une poignée de personnages en difficulté : une mère à la dérive, un grand frère taulard, un père récemment disparu (absent depuis longtemps de toute façon), une petite sœur rêveuse… et puis Johnny, frère cadet et figure centrale de ce beau récit initiatique en forme de rêve éveillé. Ariane Allard, Positif n°653-654, juillet-août 2015
Songs My Brothers Taught Me USA, 2015, 1 h 34, couleur, v.o. Scénario Chloé Zhao Photo Joshua James Richards Son Bob Edwards Musique Peter Golub Montage Alan Canant Avec John Reddy, Jashaun St. John Taysha Fuller, Eleonore Hendricks Travis Lone Hill, Cat Clifford… SOUTIEN GNCR FESTIVALS 2015 : SUNDANCE / DEAUVILLE / CANNES: QUINZAINE DES RÉALISATEURS/LA ROCHELLE
DU 9 AU 22 SEPTEMBRE
Lorsque les gens entendent parler de la Réserve de Pine Ridge, ils se demandent souvent: «Pourquoi ne partent-ils pas, si la vie y est si dure?» J’avoue que je me suis posée la même question. J’ai souvent déménagé sans jamais me fixer dans un seul endroit. Après avoir passé pas mal de temps dans la réserve au milieu des Indiens Lakotas, j’ai été presque jalouse de leur attachement à leur maison, leur famille, leur communauté et leur terre et à leur «chez eux». C’est un sentiment que j’ai véritablement admiré et envié. Mais cet attachement profond a également des désavantages. J’ai pu voir les combats qu’ils doivent mener à cause de cette dépendance. J’ai fait le film pour répondre à cette question difficile: «Comment quitte-t-on le seul endroit qu’on a jamais connu?» J’ai tourné dans ces paysages désertiques et rudes des Badlands et des grandes plaines du DakotaSud. Le film est également un poème dédié à mon amour du splendide et sauvage grand Ouest américain… La plupart des acteurs que j’ai choisis ne sont pas des professionnels. Ce sont des Lakotas qui sont nés, ont grandi et habitent dans la réserve. Tous nous ont fait confiance et nous ont accueillis dans leurs maisons et leurs vies… J’espère qu’en sortant de la projection, les spectateurs auront le sentiment d’avoir rencontré un groupe de personnages complexes et qu’ils verront que les Lakotas ont chacun leur personnalité et leur caractère, contrairement aux stéréotypes bidimensionnels d’usage… Chloé Zhao in Dossier de presse
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Fou d’amour / Philippe Ramos 1959. Coupable d’un double meurtre, un homme est guillotiné. Au fond du panier qui vient de l’accueillir, la tête du mort raconte : tout allait si bien! Curé admiré, magnifique amant, son paradis terrestre ne semblait pas avoir de fin.
L’affaire dite du curé d’Uruffe, sordide fait divers survenu dans les années 50, était déjà la source d’inspiration de l’un de vos courts métrages. Pourquoi avoir à nouveau retravaillé sur ce sujet? PHILIPPE RAMOS: Dans Ici-bas, j’avais mis sur les épaules du curé toutes les angoisses du monde, faisant du film un objet empreint d’une gravité asphyxiante: toute la part très vivace et séductrice du meurtrier avait été mise de côté. Cela m’a laissé un goût d’inachevé. Avec Fou d’amour, j’ai retravaillé «ma toile»: cette fois, bonheur et plaisirs volubiles allaient précéder la folie ravageuse. Il s’est donc agi de placer le film sous un ton léger, voire humoristique, avant de changer progressivement les couleurs par petites touches pour créer une sorte de dégradé d’atmosphère… Dans votre travail d’adaptation, êtes-vous resté très proche du fait divers? P. R.: J’en ai gardé certains éléments comme le double meurtre, le club de foot, le petit théâtre… Puis, après avoir changé l’ensemble des noms des protagonistes et des lieux, j’ai laissé aller mon imaginaire: dans la réalité, la jeune victime n’était pas aveugle, le curé n’a pas été guillotiné… etc. Peut-on dire que le conteur, la tête du mort, est le personnage central du film? P. R. : Oui… Et pour que cela fonctionne, le talent de Melvil Poupaud lors du travail de la voix off aura été fondamental. Sa diction très soyeuse, cette manière bien à lui de rendre les mots goûteux à nos oreilles, participent pleinement au fait que le spectateur se laisse si facilement charmer. Nous avons enregistré toutes les voix off «in situ», pendant le tournage. Melvil était donc absolument imprégné de son personnage lorsqu’il disait les textes. Souvent l’enregistrement avait lieu le week-end. En début de semaine, il repassait la soutane et nous nous replongions dans le petit monde du curé. Pour incarner ce personnage aux multiples facettes, Melvil a su être beau et ridicule, intelligent et médiocre, gracieux et pitoyable… Tous ces contrastes dont nous avions beaucoup parlé lors de nos rencontres d’avant tournage, il les a fait renaître sur le plateau avec subtilité et générosité. A ses côtés, nous retrouvons des acteurs de «votre petite troupe», Dominique Blanc notamment. P. R. : Oui, comme pour Jean-François Stévenin ou Jacques Bonnaffé, j’ai tenu à retravailler avec elle. Une phrase de la voix off, coupée au montage, disait à propos du personnage que Dominique interprète: «Comment ai-je pu abandonner une femme d’une telle élégance d’esprit?» Cette expression, «élégance d’esprit», résume parfaitement ce que je pense de cette grande actrice et du raffinement de son jeu. Au sein des phrases d’un quotidien le plus banal, avec discrétion, l’air de rien, Dominique est capable de donner une énorme intensité à chaque geste, à chaque intonation. A mes yeux, ce mélange d’apparente nonchalance et de force fait toute l’intelligente beauté de son travail. in Dossier de presse
France , 2015, 1 h 47, couleur Scénario, photo, montage Philippe Ramos Son Philippe Grivel Avec Melvil Poupaud, Dominique Blanc Diane Rouxel, Lise Lamétrie Jean-François Stévenin Jacques Bonnaffé… DU 16 AU 29 SEPTEMBRE SORTIE NATIONALE
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Le Prince de Hombourg Marco Bellocchio
On ne sait pas, on ne sait plus pourquoi ce film de 1997 n’est pas sorti à l’époque… Il faut aller le voir, vingt ans après ou presque, ça ne change rien pour un tel film. «Le Prince de Hombourg» était aussi un des joyaux présentés dans le cadre du Festival de La Rochelle. Jean-Michel Frodon, www.slate.fr
Il Principe di Homburg Italie, 1997, 1 h 25, couleur, v.o. Scénario Marco Bellocchio d’après la pièce de Heinrich von Kleist Photo Giuseppe Lanci Son Maurizio Argentieri Musique Carlo Crivelli Montage Francesca Calvelli Avec Andrea Di Stefano, Barbora Bobulova Toni Bertorelli, Anita Laurenzi Fabio Camilli… LA ROCHELLE 2015 : HOMMAGE À MARCO BELLOCCHIO
DU 16 AU 21 SEPTEMBRE
Avec Le Prince de Hombourg, présenté à Cannes en 1997, Marco Bellocchio trouvait dans la pièce de Kleist un terreau romantique et onirique idéal pour donner vie à son thème de prédilection: l’autorité paternelle et politique dans ce qu’elle a de plus dévastateur. Le jeune prince de Hombourg, commandant de cavalerie, sort du rang malgré lui. Somnambule, il erre la nuit et ressemble à une créature des bois shakespearienne sous l’éclairage de la lune, œil suprême qui guide ses pas. Ses sublimes égarements nous ouvrent les portes d’un territoire intime, mystérieux et hypnotique totalement étranger à la cour qui, une nuit, l’observe de près alors qu’il tresse une couronne de laurier. D’abord flous, les hommes et femmes qui approchent le bel endormi semblent se fondre dans la matière douce et ouatée d’un songe, mais quand leurs expressions intriguées, amusées et méprisantes se précisent autour du visage du rêveur, c’est toute une réalité hostile, presque obscène qui fait surface et promet d’attendre le prince à l’issue de son enchantement. Toute la suite sera vue à travers le prisme de ce théâtre mental, envahi par les ombres et traversé comme une arrière-chambre de la conscience. Amoureux de la princesse Natalia, dont il a trouvé le gant lors d’une de ses errances nocturnes, le prince se sent pousser des ailes et, sur le front, prend des initiatives qui mènent son camp à la victoire mais ne sauraient être tolérées par son oncle et supérieur, le Grand Electeur. La sentence est alors sans appel: le héros est condamné à mort. Au rêve se substitue un cauchemar éveillé auquel le prince ne croit pas, avant de s’effondrer puis d’accepter son sort. Ainsi, deux formes d’absolu se confrontent tragiquement, ironiquement (la fin est très buñuelienne), l’une liée à la ferveur romantique, l’autre à la folie du pouvoir… Tout ce qui fait la force magnétique et critique du cinéma de Bellocchio est là, éclatante, et annonce ces autres magnifiques plongées dans les confins de la conscience et de l’histoire que seront Buongiorno, notte et Vincere. Amélie Dubois, Les Inrockuptibles, 1er juillet 2015
INÉDIT AU CINÉMA
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La Vanité / Lionel Baier David Miller veut mourir et choisit l’euthanasie assistée. Il a tout planifié : le lieu, la date et le mode. Mais rien ne se passe comme prévu. Avec Esperanza, membre de l’association, et Tréplev, jeune prostitué, David entame alors son ultime nuit avec de parfaits inconnus.
Un vieil architecte hautain et orgueilleux prend une chambre dans un motel quasi désert. Une femme le rejoint. Un jeune homme se prostitue dans la chambre mitoyenne. Sur un mur se trouve la reproduction des Ambassadeurs d’Holbein le Jeune, double portrait de deux amis dans lequel figure une forme étrange: un crâne en anamorphose qui n’est visible qu’à la faveur d’un déplacement permettant de regarder l’image de biais. C’est une Vanité –une peinture qui exprime la vacuité de la vie. La jubilation du film tient au même déplacement de regard progressif qu’opère la mise en scène, précise, virtuose et inspirée de Lionel Baier. De rebondissements en retournements, où chacun se révélera à lui-même et aux autres, où les lourds rideaux ouvriront sur un ailleurs utopique, le film forme un trio improbable et uni, et mène une variation méditative et ironique sur l’existence. Les éléments visuels et les motifs des Ambassadeurs se déploient dans l’univers du film qui emprunte aussi explicitement à Hitchcock et à Lynch: nulles citations pour initiés, mais une matière filmique que Lionel Baier agence avec gourmandise pour produire son propre cinéma. Il parvient ainsi à composer une «Vanité en cinéma», où l’amitié redevenue possible, la foi envers la création et les puissances du cinéma sont une affirmation souveraine face à la vacuité de l’existence. Christophe Cognet cinéaste membre de l’ACID, www.lacid.org Pourquoi le film a-t-il été tourné intégralement en studio? D’abord par goût de l’artifice. Plus on essaie d’être concret et réaliste en studio, plus on produit de l’étrangeté. Il était important pour moi que La Vanité ne soit pas un drame, un film tire-larmes sur l’euthanasie. Je voulais que la mort ne soit qu’un prétexte à parler de la circulation du désir dans la vie de trois personnages. C’est ce qui me fascine chez Tchekhov : refuser la tragédie afin de laisser le choix au personnage d’être tragique ou pas. Le nom de Tréplev et la citation finale du film sont d’ailleurs empruntés à La Mouette. J’aime le studio, parce que c’est un lieu dévolu à un seul usage, celui de la représentation. Comme l’est une scène de théâtre. Il faut donc amener la vie à cet endroit et la traiter avec égard. Étonnamment plus que lorsqu’on tourne en décors naturels. C’est comme faire un pas de côté pour mieux appréhender la situation. Lionel Baier in Dossier de presse
Suisse / France, 2015, 1 h 15, couleur Scénario Julien Bouissoux, Lionel Baier Photo Patrick Lindenmaier Son Vincent Kappeler Musique Dimitri Chostakovitch, Claude Nougaro Montage Jean-Christophe Hym Avec Patrick Lapp, Carmen Maura Ivan Georgiev… SOUTIEN ACID
DU 16 AU 22 SEPTEMBRE EN EXCLUSIVITE
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Les Deux Amis / Louis Garrel Clément, figurant de cinéma, est fou amoureux de Mona, vendeuse dans une sandwicherie de la Gare du Nord. Mais Mona a un secret, qui la rend insaisissable. Quand Clément désespère d’obtenir ses faveurs, son seul et meilleur ami, Abel, vient l’aider. Ensemble, les deux amis se lancent à la conquête de Mona…
Les Deux Amis est le premier long métrage très réussi de Louis Garrel, acteur de cinéma et comédien de théâtre, déjà réalisateur d’une poignée de courts. C’est aussi une fable de La Fontaine qui écrivait, dans une autre fable (Parole de Socrate) «Ami, rien n’est plus commun que le nom, rien n’est plus rare que la chose.» Même si La Fontaine est cité dans le film, c’est surtout Musset (Les Caprices de Marianne) dont s’inspirent librement Louis Garrel et son coscénariste Christophe Honoré. Cet argument de départ est loin de transformer Les Deux Amis en objet culturel guindé ou en film littéraire. C’est vers une forme joyeusement lyrique, contemporaine et parfois franchement foutraque que s’oriente Garrel dès les premières scènes, en alliant vitesse, humour et tendresse. «La beauté, ça complique tout» entend-on dans le film. C’est aussi quand les choses deviennent compliquées qu’elles sont belles semblent penser Garrel qui multiplie péripéties et rebondissements sentimentaux en seulement trois jours et trois nuits autour de trois personnages qui n’ont que leurs sentiments pour être heureux (un peu) et (beaucoup) souffrir. Il y a surtout dans Les Deux Amis une justesse de chaque instant que l’on retrouve aussi bien dans les situations que dans le jeu, admirable, des trois comédiens principaux. Golshifteh Farahani, sublime, n’a jamais été aussi bien filmée et dirigée. Pour une fois on ne contemple pas que sa photogénie, mais sa (belle) personne et la subtilité de son interprétation. En quatre-vingt-dix minutes Louis Garrel nous offre aussi, l’air de rien, une balade poétique et buissonnière à travers nos souvenirs du cinéma français. Contre toute attente il ne convoque pas exclusivement la Nouvelle Vague et ses héritiers mais plutôt Claude Sautet – pour le triangle amoureux et les ambiances parisiennes – et certaines comédies populaires reposant sur des duos masculins antagonistes, à la fois inséparables et mal assortis. Comme si César et Rosalie marchaient à l’ombre… Olivier Père www.cinemaarte.tv, 18 mai 2015 14
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Trois jours, trois nuits, une fille, deux garçons et de nombreuses péripéties tragicomiques, c’est ainsi que l’on pourrait présenter votre premier long métrage. LOUIS GARREL: J’ai réalisé un moyen métrage qui s’appelle La Règle de trois et tourné dans un film de Jacques Doillon qui s’appelle Le Mariage à trois (encore plus extrême). Je ne sais plus qui me disait que c’est à partir du moment où l’on est trois que les choses se dérèglent. A deux c’est bien mais c’est en faisant entrer un troisième personnage qu’on commence à s’amuser. C’est une méthode narrative plutôt classique… Le film est une adaptation libre des «Caprices de Marianne» de Musset. L. G.: Oui. Un jour je suis allé voir une chorégraphie de Roland Petit présentée ainsi : musique Bach, chorégraphie Roland Petit et argument Jean Cocteau. On pourrait dire à propos des Deux Amis argument Musset. C’est le même point de départ que Les Caprices de Marianne, une pièce dont j’ai joué une scène à l’âge de quinze ans et qui m’a accompagné tout au long de mon parcours au théâtre. C’est avec cette scène que je suis entré au Conservatoire et que j’ai rencontré un de mes grands amis. Plus tard j’ai découvert que cette pièce avait inspiré un des plus beaux films français, La Règle du jeu de Jean Renoir. C’est l’histoire d’un homme qui demande de l’aide dans une situation amoureuse compliquée à un ami, et ce dernier va se retrouver piégé par ses propres sentiments et par le sentiment adverse (si on peut l’appeler ainsi) de la femme. C’est un point de départ qui peut mener à plein d’endroits différents. À la fin de la pièce il y a un malentendu qui débouche sur une tragédie, comme dans le film de Jean Renoir. Avec Christophe Honoré nous avons éteint la tragédie pour traiter l’argument de manière plus légère. C’est un film sur la culpabilité, et également sur la rupture entre deux amis. L. G.: Cela a toujours été le but du film… L’amitié est un sentiment aussi profond, et qui provoque autant de jalousie et de désir que l’amour. Avec Christophe Honoré nous avons eu envie d’écrire une scène de rupture comme si les deux amis formaient un couple. in Dossier de presse
France, 2015, 1 h 40, couleur Scénario Louis Garrel, Christophe Honoré Photo Claire Mathon Son Laurent Benïm, Léo Banderet Benjamin Jaussaud, Mélissa Petit Jean Musique Philippe Sarde Montage Joëlle Hache Avec Golshifteh Farahani, Vincent Macaigne Louis Garrel, Mahaut Adam Pierre Maillet, Laurent Laffargue… FESTIVALS 2015 : CANNES, SEMAINE DE LA CRITIQUE / LA ROCHELLE
DU 23 SEPT. AU 6 OCT. SORTIE NATIONALE
Petites casseroles / 6 courts d’animation Dougal rêve de voler, Aston de fêter son anniversaire et Anatole de se faire des copains mais, pour eux, les choses ne sont pas toujours aussi simples. Avec courage et humour, nos héros vont pourtant trouver le moyen de dépasser leurs peurs ou leurs singularités qu’ils trainaient comme des petites casseroles. Ce programme est l’occasion de découvrir en salle et en famille ces six histoires d’enfance tendres, souvent drôles et parfois rocambolesques. AU PROGRAMME
LES CADEAUX D’ASTON de Uzi Geffenblad et Lotta Geffenblad (Suède, 2012, 9 ’) Aston a hâte de fêter son anniversaire! En attendant, il empaquette tout ce qui lui tombe sous la main. Le jour tant attendu arrive enfin mais rien ne se passe comme il l’espérait… PEUR DE VOLER de Conor Finnegan (Irlande, 2012, 9’) Dougal aimerait passer l’hiver au chaud avec les autres oiseaux migrateurs, mais il ne sait pas voler… LA PETITE CASSEROLE D’ANATOLE de Eric Montchaud (France, 2014, 6 ’) Anatole traîne toujours derrière lui sa petite casserole. Elle se coince partout et l’empêche d’avancer jusqu’à ce que quelqu’un lui dise quoi en faire. LA TAUPE AU BORD DE LA MER de Anna Kadykova (Russie, 2012, 5 ’) La taupe aimerait, comme tout le monde, passer un moment tranquille à la plage. Mais comment faire avec toute cette agitation? PROMENADE D’UN DISTRAIT de Beatrice Alemagna et Giuseppe Bianchi (France, 2005, 7 ’) Avec Giovanni, ce petit garçon très distrait, une simple promenade devient une véritable aventure… LES AGNEAUX de Gottfried Mentor (Allemagne, 2013, 5’) Les parents de l’agneau sont désespérés car il ne bêle pas correctement…
Animation, Suède / France / Irlande… 2005-2014, couleur, version française
durée totale du programme : 41’ • à partir de 4 ans • tarif enfant : 4 € / tarif adulte : 5 € SOUTIEN AFCAE JEUNE PUBLIC
DU 16 AU 27 SEPTEMBRE EN AVANT-PREMIÈRE
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26 AOÛT AU 29 SEPTEMBRE 2015 DU 26 AOÛT AU 1er SEPTEMBRE
LES MILLE ET UNE NUITS de Miguel Gomes Portugal/France/Allemagne/Suisse, 2015, scope-couleur, v.o. L’INQUIET (volume 1) • 2h05 LE DÉSOLÉ (volume 2) • 2h11 L’ENCHANTÉ (volume 3) • 2h05 HILL OF FREEDOM de Hong Sangsoo Corée du sud, 2014, 1h06, couleur, v.o. LES SECRETS DES AUTRES de Patrick Wang USA, 2014, 1h43, couleur, v.o. DU 2 AU 8 SEPTEMBRE
CEMETERY OF SPLENDOUR de Apichatpong Weerasethakul Thaïlande/Royaume-Unis/ France…, 2015, 2h02, couleur, v.o. LES SECRETS DES AUTRES de Patrick Wang USA, 2014, 1h43, couleur, v.o. L’INQUIET (volume 1) de Miguel Gomes • 2h05 LE DÉSOLÉ (volume 2) de Miguel Gomes • 2h11 L’ENCHANTÉ (volume 3) de Miguel Gomes • 2h05
ME 26/08 JEU 27
17H30
20H
VEN 28 SAM 29
14H
14H30 17H 20H45 19H30
15H30 18H 14H
16H30
18H30
16H30
14H30
15H30 20H
14H30 18H
16H30 20H
14H30 18H
16H
MER 2
JEU 3
VEN 4
SAM 5
DIM 6
LUN 7
MAR 8
14H 21H
14H 18H45 21H
16H30 21H 19H
16H30
16H45
18H45
14H30
19H
14H30 21H 16H45
14H30
18H45
16H15 18H30
16H15 14H
DU 9 AU 15 SEPTEMBRE
MER 9
JEU 10
18H45
16H30
20H30
18H30
14H 21H 18H15*
16H30
14H
20H15*
DU 16 AU 22 SEPTEMBRE
18H 20H30
LUN 31 MA 1er/09
14H
LES CHANSONS QUE MES FRÈRES M’ONT APPRISES de Chloé Zhao USA, 2015, 1h34, couleur, v.o. LES ROIS DU MONDE (CASTELJALOUX) de Laurent Laffargue France, 2015, 1h40, scope-couleur CEMETERY OF SPLENDOUR de Apichatpong Weerasethakul L’INQUIET (volume 1) de Miguel Gomes • 2h05 LE DÉSOLÉ (volume 2) de Miguel Gomes • 2h11 L’ENCHANTÉ (volume 3) de Miguel Gomes • 2h05
20H
DIM 30
21H 18H45
VEN 11 SAM 12
14H30 18H30 16H30 20H30 15H* 20H*
16H 20H30 14H MER 16
18H30 JEU 17
VEN 18 SAM 19
14H 18H45 16H30 20H30* 18H15*
16H15
20H15
18H* 20H15*
DU 23 AU 29 SEPTEMBRE
MER 23 JEU 24
PETITES CASSEROLES, programme de 6 courts métrages LES DEUX AMIS de Louis Garrel France, 2015, 1h40, couleur
14H30 15H30 20H
FOU D’AMOUR de Philippe Ramos
17H30
LES ROIS DU MONDE (CASTELJALOUX) de Laurent Laffargue France, 2015, 1h40, scope-couleur
18H* 20H15*
14H 18H15 20H30
DIM 13
LUN 14 MAR 15
16H45 20H30 18H30
18H
16H
20H30
14H30
18H15*
14H 18H 18H15* 20H30*
15H* 17H30* 20H*
15H
DIM 20
20H LUN 21 MAR 22
16H30
18H15 20H30* 14H 20H15 16H15
14H30 19H 17H 20H30 15H*
18H 20H 17H30*
15H 20H30 20H15* 18H30
18H30*
17H30* 20H*
14H30 20H15* 15H*
VEN 25 SAM 26
14H 18H15
18H30* 20H30*
16H 20H15 18H30* 20H30*
16H 20H15 14H 18H15
16H30 14H30 17H30 20H30 15H* 18H* 20H*
21H
14H 16H30
21H
16H
15H30
PETITES CASSEROLES, programme de 6 courts métrages Animation, Suède/France/Irlande…, 2005-2014, 41’, couleur, v.f. LA VANITÉ de Lionel Baier Suisse/France, 2015, 1h15, couleur FOU D’AMOUR de Philippe Ramos France, 2015, 1h47, couleur LE PRINCE DE HOMBOURG de Marco Bellocchio Italie, 1997, 1h25, couleur, v.o. LES CHANSONS QUE MES FRÈRES M’ONT APPRISES de Chloé Zhao
17H30*
20H30
DIM 27
17H* 15H* 18H* 20H* 16H30 20H30 14H30 18H30
16H30 18H*
14H 20H15 15H30 18H
18H30* 20H30*
LUN 28 MAR 29
18H30* 20H 17H30 15H 20H30*
14H 18H15 20H30* 16H 20H15 18H30*
Rencontre publique avec Céline Sallette et Laurent Laffargue, lundi 14 septembre à 20h30 à l’issue de la projection du film Les Rois du monde (Casteljaloux) de Laurent Laffargue. (pré-vente billetterie à partir du lundi 7 septembre) *
Projections dans le Grand Théâtre Le programme cinéma est consultable sur : www.la-coursive.com
LA COURSIVE SCENE NATIONALE /// 4, RUE SAINT-JEAN-DU-PEROT /// 17025 LA ROCHELLE CEDEX 1 /// TEL. 05 46 51 54 00