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7 jours sur 7

AU BUREAU D’ACCUEIL DE LA COURSIVE

du mardi au vendredi de 13h à 20h / samedi, dimanche et lundi de 14h à 20h PAR TÉLÉPHONE du lundi au dimanche de 14h à 18h 05 46 51 54 02 - 05 46 51 54 03 - 05 46 51 54 04 SUR INTERNET www.la-coursive.com horaires consultables et programme téléchargeable MÉDIAS Sud-Ouest • Sud-Ouest Dimanche • Sortir • France Bleu La Rochelle • La Charente-Libre • France 3 Poitou-Charentes et Atlantique • RCF • La Nouvelle République Niort • Le Phare de Ré • Radio Collège • TMV La Rochelle • UBACTO

Tarifs cinéma TARIF NORMAL CARTE LA COURSIVE, PLUS DE 60 ANS LUNDI POUR TOUS MOINS DE 26 ANS, DEMANDEUR D’EMPLOI TARIF JEUNE MOINS DE 18 ANS TARIF GROUPES SCOLAIRES, CENTRES DE LOISIRS CARTE FIDELITE POUR LES TITULAIRES DE LA CARTE LA COURSIVE 10 séances (valable jusqu’au mercredi 29 juin 2016)

7€ 6€ 5€ 5€ 4€ 3,50 € 50 €

TARIFS CARTE LA COURSIVE • Individuel, 13,50 € • Collectivité ou groupe (minimum 10 personnes), 12 € • Plus de 60 ans, 12 € • Moins de 26 ans, Demandeur d’emploi, 7 € Cinéma Art et Essai Recherche et Découverte, Jeune Public et Patrimoine et Répertoire, adhérent au Groupement National des Cinémas de Recherche, à l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai, à l’Association des Cinémas de l’Ouest pour la Recherche, à l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion et à l’Agence pour le Développement Régional du Cinéma. Salle Europa Cinémas.

Cinéma jeune public Tout film présenté dans le cadre de la programmation du mois peut faire l’objet de séances scolaires (tarif : 3,50€). FILMS TOUT PARTICULIEREMENT RECOMMANDÉS

MA PETITE PLANÈTE VERTE, programme de 5 courts-métrages Animation, Mexique/Belgique/Canada…, 1995-2015, 36’, couleur, sans paroles m à partir de 4 ans m Séances tout public: samedi 5, dimanche 6, mercredi 9 mars 16h30 / jeudi 10 mars 17h / samedi 12 mars 16h30 / dimanche 13 mars 17h15 / mercredi 16 mars 14h30 / samedi 19 mars 16h15 / dimanche 20 mars 16h30 m Séances scolaires sur demande, semaine du 16 au 22 mars

E.T. L’EXTRATERRESTRE de Steven Spielberg • USA, 1982, 1h55, couleur, version originale m à partir de 7-8 ans m Séances tout public: mercredi 9 mars 14h15 / mardi 15 mars 18h m Séances scolaires réservées aux élèves du dispositif national «Ecole et cinéma» POUR TOUT RENSEIGNEMENT SERVICE CINEMA : 05 46 51 54 00 Directeur de la publication Jackie Marchand Programmation et rédaction Edith Périn Réalisation maquette, photogravure Brigitte Morisson Impression fabrication Imprimerie IRO Photo de couverture Suite Armoricaine de Pascale Breton


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Un jour avec, un jour sans Hong Sang-soo

[…] Outre son style limpide, non tapageur, enraciné dans le cinéma des origines, la singularité du cinéma de Hong Sang-soo réside dans cette obstination à ne filmer que les premières heures d’une rencontre, le processus de cristallisation amicale ou amoureuse entre deux êtres, ces instants où tout se joue dans l’incertitude la plus aiguë. L’épaisseur de la conjugalité, le long cours des relations, les temps longs ne l’intéressent pas, du moins pas comme sujet de cinéma. Seuls le motivent le pur présent, les promesses du neuf, ces premières fois sans cesse recommencées. L’art sophistiqué de conteur de Hong Sang-soo à son sommet. Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 17 février 2016

Corée du Sud, 2015, 2 h 01, couleur, v.o. Scénario Hong Sang-soo Avec Jung Jaeyoung, Kim Minhee… SOUTIEN GNCR / ACOR LOCARNO 2015: LÉOPARD D’OR PRIX D’INTERPRÉTATION MASCULINE

MARDI 1er MARS 14H et 20H15 SORTIE NATIONALE

Les Innocentes / Anne Fontaine […] Des nonnes d’un couvent de bénédictines se retrouvent enceintes, il s’agit de religieuses violées à l’arrivée de l’Armée rouge en Pologne. Au dilemme de la naissance d’enfants de viols s’ajoute le drame de ces religieuses qui ont fait vœu de chasteté. Un magnifique huis clos dans ces paysages de neige polonais qui font penser au film Ida. Tous deux parlent de l’après-guerre en Pologne, et des femmes. Ida sur les terribles secrets polonais autour des persécutions des juifs, Les Innocentes pour cacher les crimes des hommes de l’Armée soviétique. Annette Lévy-Willard, Libération, 10 février 2016

France, 2015, 1 h 50, couleur Scénario Sabrina B. Karine, Alice Vial Avec Lou de Laâge, Agata Buzek Agata Kulesza, Vincent Macaigne… MARDI 1er MARS 18H SORTIE NATIONALE

Tempête / Samuel Collardey

Breton exubérant de trente-sept ans, Dom matelot divorcé risque de perdre la garde de ses enfants adolescents… Il est souvent reproché aux jurys des grands festivals internationaux lorsqu’ils récompensent des acteurs non professionnels de jouer la complaisance, voire d’éviter de devoir primer des consœurs ou des confrères concurrents de certains jurés. Et pourtant le Prix Orizzonti du meilleur interprète a été décerné à juste titre à Dominique Leborne pour l’exceptionnel Tempête, le troisième long métrage de Samuel Collardey. L’acteur non professionnel ayant été ovationné à la fin de la projection par le public de la 72e Mostra de Venise, il ne souffre aucun doute que son histoire personnelle, jouée par lui-même dans le cadre d’une fiction tirée du réel, a une dimension qui transcende le naturalisme. Samuel Collardey a su ainsi créer ce style où le réalisme se mêle au lyrisme. Eithne O’Neill, Positif, février 2016

France, 2015, 1 h 29, scope-couleur Scénario Catherine Paillé, S. Collardey Avec Dominique Leborne Matteo Leborne, Maïlys Leborne… SOUTIEN AFCAE FESTIVALS 2015 : LA ROCHE-SUR-YON (PRIX DU PUBLIC) /

VENISE (PRIX ORIZZONTI

DU MEILLEUR ACTEUR) /

NAMUR (GRAND

PRIX et PRIX DU MEILLEUR ACTEUR)

DU 1er AU 8 MARS SORTIE NATIONALE

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en avant-première

Jodorowsky’s Dune / Frank Pavich C’est l’histoire d’un artiste qui transforme une déconvenue en grand succès, qui va de l’avant en suivant un flot ininterrompu d’idées et de pulsions créatrices, bien après l’âge de 80 ans. C’est un film sur une ambition unique: celle de changer le monde avec l’art. Frank Pavich

USA / France , 2013, 1 h 30, couleur, v.o Réalisation Frank Pavich Photo David Cavallo Musique Kurt Stenzel Montage Alex Ricciardi, Paul Docherty Avec Alejandro Jodorowsky Michel Seydoux, H.R. Giger Chris Foss, Brontis Jodorowsky Jean-Paul Gibon Nicolas Winding Refn… FESTIVALS : CANNES / TORONTO / TELLURIDE

 film présenté en avant-première VENDREDI 4 MARS 14H et DU 16 AU 29 MARS

Jodorowsky’s Dune est à la fois passionnant, émouvant et hilarant. Et la plupart du temps les trois à la fois. Passionnant car le film raconte une histoire complètement dingue: les longues années passées par Alejandro Jodorowsky à préparer en vain son adaptation du roman culte de Frank Herbert. Or, dès le départ, le cinéaste admet lui-même que ce projet ne pouvait être que pharaonique, Jodorowsky parle même d’«objet sacré». A l’époque (après 2001, l’Odyssée de l’espace mais avant Star Wars), la popularité de Jodorowsky était alors à son comble, la carte blanche qui lui est laissée sur ce projet colle à sa démesure : budgets colossaux, casting de stars ridiculement cher (d’Orson Welles à Salvador Dalì, Mick Jagger en passant par… Amanda Lear!), durée envisagée de douze heures… C’est cette folie, cachée derrière chaque décision et chaque détail du film, qui rend rétrospectivement l’entreprise aussi dingo, et ce documentaire aussi hallucinant. Mais le film ne se contente pas de raconter platement une course aussi folle. Frank Pavich a passé trois ans à interviewer Jodorowsky et son équipe, et a eu accès à des documents d’époque rarissimes, tel que le storyboard intégral imaginé par Moebius et les dessins préparatoires de Hans-Ruedi Giger. Si Jodorowsky’s Dune n’est pas un documentaire figé, c’est aussi évidemment grâce à son humour… […] Malgré les regrets et les années de recul (qui lui permettent de se moquer un peu de sa propre folie des grandeurs), Jodorowsky fait preuve d’un enthousiasme encore très vif et contagieux. Et pourtant le documentaire de Frank Pavich est aussi émouvant. D’une part par l’impression d’immense gâchis qui se dégage de tout cela. Le projet se trouvait à un état de préparation particulièrement avancé lorsqu’il fut abandonné au bout de plusieurs années: les décors étaient quasi-construits, les interprètes choisis et les contrats prêts à être signés. Emouvant, le documentaire l’est aussi dans sa manière de prendre malgré tout son sujet très au sérieux. Le Dune de Jodorowsky est un film qui n’existe pas et pourtant il a bel et bien eu une influence, une descendance cinématographique, et même des fans. Paradoxalement, le film est peut-être même plus aimé que la version définitive confiée à Lynch! Ce que Pavich parvient à prouver avec son film, c’est que finalement Jodorowsky a presque réussi son coup: il a bel et bien créé une œuvre monstre et culte… Passionnant du début à la fin. Gregory Coutaut, www.filmdeculte.com, 3 décembre 2015

SORTIE NATIONALE

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en avant-première

Marie et les naufragés Sébastien Betbeder

«Marie est dangereuse», a prévenu Antoine. Ce qui n’a pas empêché Siméon de tout lâcher, ou plus exactement pas grand chose, pour la suivre en secret. Oscar, son colocataire somnambule et musicien, et Antoine, le romancier en mal d’inspiration, lui ont vite emboîté le pas. Les voilà au bout de la Terre, c’est-à-dire sur une île. Il est possible que ces quatre-là soient liés par quelque chose qui les dépasse. Peut-être simplement le goût de l’aventure. Ou l’envie de mettre du romanesque dans leurs vies…

La séance en avant-première du mercredi 30 mars à 20 h 30 sera suivie d’une rencontre avec Sébastien Betbeder.

Comment est né le projet de «Marie et les naufragés»? SÉBASTIEN BETBEDER: J’ai commencé à y penser pendant la post-production de 2 automnes 3 hivers. Le

déclencheur a été cette envie, un peu utopique, de construire un film dont les personnages feraient eux-mêmes avancer le récit… J’ai écrit le scénario dans cette attitude de retrait un peu étrange, en me laissant porter par eux. Ce désir des personnages de vivre une histoire devient le sujet du film luimême. D’un film à l’autre est resté le principe de «l’adresse caméra». Dans les premières versions du scénario, c’était classiquement une voix off. Mais au tournage, je me suis rendu compte que pour lancer chacun des destins individuels, il fallait que le personnage déroule un fragment de sa biographie face caméra. J’ai confiance en la capacité du spectateur à créer des images: en écoutant un personnage raconter des faits, des lieux, des scènes, il peut les imaginer et le récit devient plus dense par la parole que par la prise de vue. S’il s’agissait bien de faire une comédie, je tenais à ce qu’elle contienne des éléments de romanesque, ce dispositif y contribuait. C’est-à-dire? S. B.: Par la puissance du récit, la vie de chaque personnage devient, en la racontant, du romanesque. Une interview d’Alain Resnais m’a beaucoup marqué: il expliquait qu’il écrivait des biographies complètes des personnages, qu’il donnait à ses comédiens. Ils n’en parlaient jamais pendant le tournage, mais c’était un acquis, une façon de «remplir» le comédien. J’ai cette idée en tête depuis que j’ai commencé à faire du cinéma, comme un fantasme: pourquoi ne pas faire un film où les personnages se libèreraient de leur passé, l’offriraient au spectateur, pour créer avec lui un lien si fort que celui-ci les suivrait désormais n’importe où? […] Je souhaitais que, sans rupture, le passé des personnages fasse progresser leur présent. Peut-être que, parfois, mieux vaut se débarrasser des choses primordiales de sa vie pour vivre l’instant. Que voulez-vous dire par le mot «naufragé»? S. B.: Chez tous ces personnages, il y a une forme d’inadéquation au monde moderne. Mais du coup il s’agit, pour les trois principaux, Marie, Siméon et Antoine de prendre des risques, de partir en quête du bonheur… Et même si leur expédition est un «naufrage», elle les mène au moins quelque part, sur l’île de Groix. Il y aura une vie à vivre… in Dossier de presse

France , 2016, 1 h 44, couleur, v.o Scénario et dialogues Frédéric Betbeder Photo Sylvain Verdet Son Jérôme Aghion Musique originale Sébastien Tellier Montage François Quiqueré Avec Pierre Rochefort, Vimala Pons Eric Cantona, Damien Chapelle André Wilms, Emmanuelle Riva Wim Willaert, Didier Sandre…  film présenté en avant-première MERCREDI 30 MARS 20H30 et DU 13 AU 26 AVRIL SORTIE NATIONALE

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Mad Love in New York Josh et Benny Safdie

USA / France, 2014, 1 h 37, couleur, v.o. Scénario Josh Safdie, Ronald Bronstein d’après le roman Mad Love in New York City de Arielle Holmes Photo Sean Price Williams Musique originale Ariel Pink, Paul Grimstad Musiques additionnelles Isao Tomita Headhunterz, Burzum Montage Benny Safdie, Ronald Bronstein Avec Arielle Holmes, Caleb Landry Jones Buddy Duress, Necro Eléonore Hendricks…  film interdit aux moins de 12 ans avec avertissement FESTIVALS 2014 : TORONTO / VENISE / NEW YORK

DU 3 AU 8 MARS

Les frères Josh et Benny Safdie, ses figures de proue de la «jeune scène indépendante newyorkaise», comme on a pris l’habitude de la nommer se penchent sur une jeune vagabonde, Harley, qui erre sur les trottoirs de New York et titube dangereusement entre deux amours incandescentes. Le premier, c’est le bel Ilya (Caleb Landry Jones, repéré dans Antiviral de Brandon Cronenberg), le prince noir des rues, maître hautain au visage exsangue, dont le mépris affiché pour Harley la pousse à se mutiler. Le second, c’est la drogue, maîtresse exigeante, qu’on s’injecte dans les toilettes des fast-foods, pour laquelle Harley s’accroche aux basques de n’importe quel pourvoyeur de passage, que ce soit le dealer Mike (Buddy Duress), qui la prend sous son aile, ou l’essaim des junkies qu’il saupoudre. Comment filmer, sans sombrer dans le social-glauque, ce monde des sans-abri, si rare à l’écran, et d’une telle rugosité qu’il semble devoir ne tolérer aucun artifice? Le film est, avant tout, né d’une rencontre, celle d’Arielle Holmes, une véritable SDF qui, à la demande des frères Safdie, écrivit un livre sur sa propre vie. C’est ce texte qu’ils ont adapté (avec leur complice Ronald Bronstein), faisant jouer à Arielle son propre rôle, et l’entourant d’un casting de non-professionnels piochés dans la rue (à l’exception d’Ilya). Ainsi, la frontière entre la fiction et le documentaire, bien que clairement délimitée, reste mince et assure au récit un champ perméable à l’expérience de ses interprètes. A la caméra Sean Price Williams signe une image fluente, d’une incroyable mobilité. L’usage du téléobjectif écrase les perspectives, brouille les lieux et plonge les êtres dans un amalgame indifférencié de béton, de bitume et de crasse. Les cadres serrés sur les gestes, surtout sur les visages, dessinent une symphonie de faciès abîmés, de passions et de stigmates, substituant à l’urbanité réelle, un espace strictement subjectif, voire égotiste, dont on ne sort quasiment pas. Cette focalisation, à la fois étouffante et envoûtante, estompe l’environnement, le réduit à ses échos lointains, ou a d’importunes irruptions dans le parcours chancelant de son héroïne… […] Harley ment, négocie, réclame, contourne, brode, parce qu’elle a besoin de se réchauffer, parce qu’elle a besoin de brûler. A travers elle, et le ressac passionnel qui la ramène toujours vers l’orageux Ilya, le cinéma des frères Safdie résonne d’une tonalité nouvelle : celle d’un romantisme brutal et halluciné, qui peut rouler dans le caniveau, brûler d’une fièvre intense et, la seconde d’après, s’évanouir dans la douceur d’une caresse. Mathieu Macheret, Le Monde, 2 février 2016

EN EXCLUSIVITE

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Dans ma tête un rond-point Hassen Ferhani

«Dans ma tête un rond-point», de Hassen Ferhani, qui met en scène les tripiers d’un grand abattoir d’Alger, parle de toute autre chose que de viande. Ses héros préfèrent discuter d’amour ou résumer la situation politique à travers la vie des footballeurs, des prophètes et des oiseaux. Par le jeu des libres conversations, dans la danse du repos et du travail, par le miracle des rencontres avec eux, par le hasard de quelques plans prodigieux, l’abattoir devient un pays, l’Algérie aujourd’hui, et un monde entier aux portes ouvertes, traversé de drames, de mille récits légendaires et quotidiens, de mille jeunesses sans horizon mais pas sans avenir. Le plus grand film du FID (Festival international du Film de Marseille) est beau comme les larmes d’espoir des hommes quand ils se surprennent à dire ce qu’ils voient. Luc Chessel, Libération, 7 juillet 2015 […] Soit un abattoir de la périphérie d’Alger. Dans ce microcosme, il y a beaucoup à filmer. Avec l’assurance des impétrants, Hassen Ferhani, trente ans, ne prend pas tout. Dans ce fragment d’humanité, il taille. Et sa coupe nette, tout en plans fixes et anguleux, finit par absenter le fait industriel qui préside à ce lieu, pour n’en garder que quelques vaches comme égarées, certaines couchées au sol ligotées par un pied, et de rares carcasses dûment pendues à leurs crochets. Une évocation, guère plus. Un documentaire ne crée pas moins qu’une fiction. Dans ma tête un rond-point crée un abattoir où l’on n’abat rien… […] Si le film épouse une cause, c’est celle des hommes ; c’est avec eux qu’il passe du temps. Pourtant saisis exclusivement sur leur lieu de travail, ces hommes monologuent, discutent, méditent en fumant, fument en méditant, chantent a cappella ou sur une musique jouée par leur portable, badinent avec une fille au téléphone, se lancent dans une série de pompes, alignent des dominos, règlent une parabole, se tiennent debout main dans le dos en regardant on ne sait quoi, et jamais ne travaillent. Comme si éviter le cœur d’activité avait été un principe de cadrage puis de montage. Quand d’aventure Ferhani les saisit occupés à une tâche, il a cette décision de sculpteur d’en dérober un aspect à la vue du spectateur, en sorte que l’information demeure incomplète. Dès le premier plan, le jeune Youcef s’échine sur la manivelle d’un câble sans qu’on sache ce qu’il s’agit d’élever ou baisser, et alors le grincement devient une plainte, ou un rire narquois. D’autres tâches tronquées jalonneront l’heure quarante à suivre: peaux qu’on étale, replie, étale encore – pour les préparer à la tannerie faut-il croire; énorme marmite fumante où bouillonne on ne sait quoi brassé à la fourche par deux hommes que cette opacité fait ressembler à des alchimistes de jadis ; têtes qui s’encadrent dans une lucarne qu’on devine celle d’un guichet; et les carcasses, encore, coulissant sans but, vrillant dans le vide, fantômes de barbaque. La chaîne de travail s’en trouve diffractée en une somme de gestes évidés de leur fonction, et les hommes rendus à la nudité de leur condition, à leur fondamentale étrangeté. La paradoxale improductivité confine à l’absurdité beckettienne. Le « qu’est-ce qu’on fabrique?» devient un: «qu’est-ce qu’on fout sur cette terre?». Insistons-y : cette réinvention du lieu, cette fictionnalisation de l’espace s’obtient sans recoloration des murs, ni bidouillage de plasticien, ni retouches numériques, ni lumières ajoutées à celles, fantasmagoriques en soi, de l’abattoir. Juste des choix simples: cadrer ci, ne pas cadrer ça. Juste une partition libre entre le champ et le hors champ. Ainsi purgé de ses repères, l’espace s’ouvre… François Bégaudeau, Transfuge n° 96, mars 2016

Fi Rassi rond-point Algérie / France / Qatar…, 2015, 1 h 40 couleur, v.o. Réalisation, photo Hassen Ferhani Son Djamel Kerbar Montage Myriam Aycaguer, Narimane Mari Hassen Ferhani, Corentin Doucet Avec Youcef, Hocine, Ali Bey, Ali et Madame Dalila, Halim Sadek, Amine… SOUTIEN ACID / GNCR FESTIVALS 2015 : CARTHAGE / TURIN MARSEILLE / AMIENS / BELFORT / ALGER

DU 2 AU 8 MARS EN EXCLUSIVITE

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The Assassin / Hou Hsiao-hsien Si ce film était un fleuve, ou plus exactement un torrent, je m’intéresserais au cours de ce torrent, à sa vitesse, à ses méandres, ses tourbillons, beaucoup plus qu’à sa source ou à son embouchure. Le spectateur, je le vois comme assis sur la berge du torrent, à guetter tout ce qui se passe, les remous comme les moments de calme. Mais je l’espère aussi plongé dans le courant du torrent, littéralement dans le bain, emporté par les tourbillons de sa propre imagination. Hou Hsiao-hsien Après l’extraordinaire Mountains May Depart de Jia Zhang-ke, voici donc The Assassin du Taïwanais Hou Hsiao-hsien. Une pure merveille visuelle (et sonore), une sorte d’offrande aux sens et à l’imagination comme il n’en advient pas souvent dans une vie de spectateur. Chef de file du nouveau cinéma taïwanais apparu au début des années 1980, Hou Hsiaohsien fait aujourd’hui figure de grand maître, et est d’ailleurs reconnu comme tel par de nombreux cinéastes, à commencer par Jia Zhang-ke lui-même. Le rapprochement voulu par la programmation cannoise est d’autant plus passionnant que ces deux immenses artistes suivent ici des parcours en directions opposées. Tandis que Jia accroît la dimension narrative de son cinéma, Hou privilégie plus que jamais l’expérience émotionnelle que procure la composition des plans, leur durée, les grâces surnaturelles des présences humaines et des mouvements dans des cadres larges, qui prennent en charge à la fois les visages, les corps, les paysages ou les architectures, la lumière et le vent. Le quinzième long métrage de maître Hou Hsiao-hsien depuis Les Garçons de Fengkuei s’ouvre sur deux séquences en noir et blanc. Leur rôle est à la fois dramatique –présenter l’héroïne, aristocrate du IXe siècle formée à l’art de combattre et de tuer–, et plastique


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dans le format ancien d’une image presque carrée (le 1/33), souligner la proximité avec la peinture chinoise classique, où l’encre, le pinceau et le blanc du papier font naître un monde à la fois naturaliste et métaphysique. La suite du film sera en couleurs, mais sans s’éloigner de cette référence décisive. Situé dans un contexte historique marqué par une grande confusion, à l’époque d’une des innombrables rébellions des potentats locaux contre le pouvoir central de l’empereur, The Assassin est un film d’arts martiaux. Mais c’est un film d’arts martiaux qui ne ressemble à aucun autre. Et qui, ne ressemblant à aucun autre, dit pourtant la vérité du genre tout entier. Son ressort principal est le dilemme de la maîtresse guerrière Yinniang, déchirée entre son devoir d’accomplir sa mission meurtrière et la tentation de céder aux sentiments qui la lièrent à son cousin, aujourd’hui gouverneur irrédentiste, et qui lui a été désigné comme cible. Ce fil principal est enrichi de plusieurs intrigues secondaires, dont on ne saurait prétendre que la lisibilité est la qualité majeure. C’est que l’enjeu n’est pas là. Il est dans le déploiement d’une recherche d’écriture cinématographique qui atteint des sommets rarissimes. Si Jia est le Balzac de la Chine contemporaine, Hou est le Mallarmé de la mise en scène. La beauté des plans, leur richesse et leur élégance de composition sont à couper le souffle – et d’ailleurs la grande salle du Festival de Cannes en est restée bouche bée. Mais Hou est loin de se contenter de cette splendeur visuelle, dont l’incarnation la plus évidente est la sublimement belle Shu Qi, à nouveau actrice principale après l’avoir été de Millennium Mambo et de Three Times, mais splendeur qui se manifeste d’innombrables manières, forêts et montagnes, jades et soies, ombres et lumières. A cette splendeur répond d’ailleurs un travail tout aussi sophistiqué et délicat sur le son et, avec l’aide des habituels acolytes de Hou, le chef opérateur Mark Lee Ping-bing et l’ingénieur du son Tu Duu-chin, le rapport entre image et son. Le cinéaste travaille de manière inventive, et riche de significations et de questionnements, la matière même de ses plans. Il alterne les cadres larges et les cadres extrêmement larges (qui modifient la perception des premiers). Il sature ses images de composants hétérogènes, mais qui se combinent de manière suggestive, tissus, végétaux, visages et costumes, éléments de mobiliers, pour littéralement engendrer une nouvelle matière visuelle, qui ne peut exister qu’au cinéma. Il multiplie les mouvements de caméras lents comme des caresses, qui accompagnent des circulations qu’on dirait dansées ou décrivent des environnements qui reconfigurent le sens même des actions. Il organise des passages harmonieux, ou au contraire en rupture, mais toujours d’une grande puissance, entre intérieur et extérieur et entre jour et nuit. Surtout, il radicalise à l’extrême le ressort rythmique du cinéma d’arts martiaux, s’inspirant ici davantage des classiques du film de sabre japonais que du cinéma de genre hongkongais. La mise en scène orchestre un jeu de contrastes foudroyants entre suspens du geste et passage à l’acte ultra-rapide, expectative et pure explosion de violence réglée par un savoir supérieur qui est à la fois celui du combat et celui de la réalisation. Outre ces vertus «musicales», la composition rythmique de The Assassin se révèle aussi analyse lumineuse du principe même du cinéma d’arts martiaux. Ainsi, les aventures guerrières, les idylles, les complots et les manœuvres se doublent d’une véritable enquête sur le genre lui-même, enquête menée avec les moyens de la mise en scène, recherche du chiffre secret d’un cinéma tout entier tendu vers l’utopique horizon commun du spectacle et de la beauté, de la tradition et de la modernité. Jean-Michel Frodon, www.slate.fr, 22 mai 2015

Nie yinniang Taïwan, 2015, 1 h 45, couleur, v.o. Scénario Chu Tien-wen, Hou Hsiao-hsien Photo Mark Lee Ping-bing Son Tu Duu-chin Décors Hwarng Wern-Ying Musique Lim Giong Montage Liao Ching-Sung Pauline Huang Chih-Chia Avec Shu Qi, Chang Chen, Zhou Yun Tsumabuki Satoshi, Juan Ching-Tian Hsieh Hsin-Ying, Sheu Fang-Yi… SOUTIEN AFCAE FESTIVALS 2015 : CANNES, PRIX DE LA MISE EN SCÈNE / LA ROCHELLE, HOMMAGE À HOU HSIAO-HSIEN

DU 9 AU 22 MARS SORTIE NATIONALE

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Keeper / Guillaume Senez Avec une délicatesse remarquable, le jeune réalisateur franco-belge Guillaume Senez offre une variation subtile sur le canevas d’un couple d’adolescents qui s’aiment d’amour tendre… et qui deviennent parents. Présidé par Arnaud Desplechin, le film a remporté le Grand Prix du jury au Festival «Premiers Plans» d’Angers. Bruno Icher, Télérama, 22 janvier 2016

France, 2015, 1 h 35, scope-couleur Scénario Guillaume Senez, David Lambert Photo Denis Jutzeler Son Eric Ghersinu Montage Julie Brenta Avec Kacey Mottet Klein, Galatea Bellugi Catherine Salée, Sam Louwyck Laetitia Dosch, Aaron Duquaine… FESTIVALS 2015 : LOCARNO TORONTO / TURIN ANGERS

(GRAND PRIX DU JURY)…

DU 23 MARS AU 5 AVRIL

Maxime, à peine sorti de l’enfance, tente par tous les moyens de convaincre Mélanie de ne pas abandonner leur enfant. Au-delà d’une histoire qui m’anime, j’ai ressenti ce besoin de filmer l’adolescence, dans sa beauté, sa complexité. J’ai voulu montrer toute la fragilité de ces adolescents, leur légèreté, leur insouciance, et leur amour par dessus tout. C’est par le prisme de Maxime que nous suivons cette histoire touchante. C’est la trajectoire de la paternité que j’ai choisi ici de filmer, car c’est celle qui intrinsèquement, en tant que père de deux enfants, me parle le plus. Au travers ces jeunes adolescents, je cherche à partager une émotion, à faire ressentir les choses comme elles existent sans pour autant les expliquer. Loin de moi donc l’idée de faire un film à revendication ou militant, juste cette envie de filmer des personnages, de les suivre, de s’y attacher… Je ne recherche pas l’originalité mais la justesse. La justesse d’un point de vue sur cette trajectoire masculine et adolescente. Mais aussi la justesse de jeu dans une forme cinématographique réaliste. Je ne donne pas le scénario à mes comédiens, nous partons ensemble à la recherche d’une authenticité émotionnelle. Je ne dirige pas mes comédiens, je les accompagne. J’essaie de ne pas construire des personnages à l’intérieur d’un cadre mais les révéler bien au-delà. Révéler une histoire émanant de la vie. Cette honnêteté de la vie si rare à capturer. «Keeper», en Belgique et dans bien d’autres pays anglophones, signifie «gardien de but». Je trouvais intéressant de confronter Maxime à ce poste assez ingrat qui en terme d’impuissance fait ici écho au non-pouvoir de Maxime face à la grossesse de Mélanie. «A keeper can’t win a game. He can only save it.» («Un gardien de but ne peut gagner un match. Il peut seulement le sauver.») Partant d’une situation d’impuissance, Keeper est, au final, un film sur l’envie. Guillaume Senez in Dossier de presse

SORTIE NATIONALE

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Suite Armoricaine / Pascale Breton Le film inattendu du Festival de Locarno s’appelle «Suite armoricaine». Il est l’œuvre de Pascale Breton, qui avait réalisé, en 2004, «Illumination» et dont on était sans nouvelle depuis. Elle revient avec un long film (deux heures et demie) qui s’écoule gracieusement au rythme d’une année universitaire. Autour du personnage central, une enseignante qui a choisi de retourner en Bretagne, à Rennes, s’organise une recherche éperdue du passé. Les amours mortes, la langue bretonne éradiquée et ressuscitée, les pulsions destructrices des années post-punk ressurgissent sous les lumières changeantes du ciel breton. Cet enracinement dans un espace généralement ignoré par le cinéma français n’est pas le moindre charme du film. Thomas Sotinel, Le Monde, 13 août 2015

Par leurs parcours très différents, leurs expériences et leurs âges respectifs, Françoise et Ion ne cherchent pas la même chose: Françoise revient là d’où elle s’était «échappée». Ion, lui, cherche à s’échapper de ce qui lui rappelle une enfance amochée par une mère immature… PASCALE BRETON: Les deux personnages sont comme le recto et le verso d’une même médaille: Françoise, professeure d’histoire de l’art, débarque à Rennes comme une somnambule à la recherche d’elle-même, ayant oublié le pays de son enfance au profit d’une contrée imaginaire dont elle a fait son objet d’étude: l’Arcadie; et Ion, incomplet tel un ion, enfant incertain d’une mère en exil, étudie la géographie pour conjurer la menace du « no man’s land ». Tous deux ont occulté leur enfance. Françoise pour s’épargner la nostalgie, et Ion la honte que lui inspire sa mère devenue SDF. Et chacun, au moment de choisir l’objet de ses études, a opté pour la matière qui pouvait lui masquer le plus agréablement possible son origine douloureuse: Françoise l’histoire du paysage italien derrière lequel elle a pu escamoter ceux de son enfance, et Ion la géographie pour se situer dans l’espace, lui qui a partagé l’errance de Moon, sa mère. Démultipliées, les voix se répondent, s’opposent, s’annulent, se fondent. S’agit-il d’un film choral? P. B. : Oui, même si un film choral compte généralement plus de deux personnages principaux. Mais dans Suite Armoricaine, chaque figurant, et presque chaque arbre, a le droit à son point de vue. La complexité d’un film choral consiste justement à manier les changements de points de vue. Ici, j’ai écrit les retours en arrière pour faire avancer le récit comme par vagues. Chacune des rencontres de Françoise et de Ion est considérée de leurs deux points de vue à la faveur d’une remontée dans le temps. Ainsi le spectateur est convié à une dérive maritime dont on ne mesure jamais à quel point elle nous éloigne du point de départ. L’attention devient flottante et, paradoxalement, cette légère déréalisation accentue les sensations de réalité. Vers le milieu du film (le chapitre «Miz Kerzu»), Françoise et Ion sont rattrapés l’un et l’autre par leurs passés et contraints de s’y confronter. Sans doute pour le meilleur si l’on en croit Albert Camus, qui disait que rien ne se paie plus cher que le mépris des origines. in Dossier de presse

France, 2015, 2 h 28, couleur Scénario Pascale Breton Photo Tom Harari Son Paulin Sagna Musique Eric Duchamp Montage Gilles Volta, Joseph Guinvarc’h Camille Lotteau Avec Valérie Dréville, Kaou Langoët Elina Löwensohn, Manon Evenat Laurent Sauvage, Klet Beyer… SOUTIEN GNCR LOCARNO 2015 : PRIX FIPRESCI

DU 9 AU 15 MARS et DU 23 AU 29 MARS SORTIE NATIONALE

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Les Ogres / Léa Fehner Ils vont de ville en ville, un chapiteau sur le dos, leur spectacle en bandoulière. Dans nos vies ils apportent le rêve et le désordre. Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangé du théâtre et des kilomètres. Mais l’arrivée imminente d’un bébé et le retour d’une ancienne amante vont raviver des blessures que l’on croyait oubliées. Alors que la fête commence! D’où vous est venu le désir de réaliser ce film? LÉA FEHNER: Quelques années après ma naissance, mes parents se sont lancés dans l’aventure du

théâtre forain. Caravanes et permis poids lourds dans leur besace, les mots du théâtre à offrir au plus offrant, ils ont arpenté la France de villes en villages, entre averses et canicules, accueil triomphal et volets fermés. Cela peut paraître aujourd’hui absurde, inconscient, mais quand j’ai voulu moi aussi enchanter, raconter des histoires, projeter mon regard, je crois que j’ai fait du cinéma parce que j’avais la trouille. Mais récemment, tout s’est inversé. Là où je voyais des galères, je me suis mise à voir du courage, cette proximité avec le spectateur m’a fait envie. Les débordements se sont mis à s’inscrire pour moi dans la fête, dans la vie. Mon premier film (Qu’un seul tienne et les autres suivront) était sérieux, grave et j’ai eu envie d’offrir autre chose au spectateur. J’ai eu envie de faire un film solaire et joyeux, mais joyeux avec insolence et âpreté. J’ai eu envie de filmer ces hommes et ces femmes qui abolissent la frontière entre le théâtre et la vie pour vivre un peu plus fort, pour vivre un peu plus vite. Vous parlez de votre désir d’un film solaire, mais la vitalité qui se dégage du film est puissante certes, mais pas uniquement gaie. Elle brasse la vie dans tous ses aspects. L. F. : Peut-être, parce que je ne m’intéresse pas à l’âge d’or d’une compagnie mais plutôt à ce que l’âge a pu faire de cette compagnie. Je ne suis pas dans l’enfance de leur désir mais quand le désir rame pour être toujours là, quand il faut le provoquer pour qu’il reste vivant… Juste avant que j’écrive ce film, la compagnie de mes parents a fêté ses vingt ans. L’année avait été très rude, d’une violence inouïe. Un des membres de la compagnie avait perdu son fils de dix-huit ans. Mon père, lui,

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atteignait cet âge où on hésite entre le désir et l’abandon. Cet âge où la fatigue de faire ce métier commence à se faire sentir. Mais la fête a été maintenue et elle fut folle, incroyable, débridée. En traversant ce jour avec eux, je me suis dit que c’était de ça dont on avait besoin, qu’il fallait raconter: cette façon de dire merde à la mort et à la douleur par le rire, la musique, les excès; cette énergie qui purge la tristesse dans le débordement et qui fait un pied de nez à la violence de la vie. L’âge et les drames avaient érodé l’arrogance et la démesure des ogres de mon enfance et pourtant je les voyais toujours pétris de cette volonté de continuer, de vivre, de croquer le présent. Mais comment continue-t-on avec nos morts? Comment continue-t-on avec ce qui est mort en nous? C’est cette question plus large, plus commune à nous tous qui m’a poussée dans l’écriture de ce film. Les ogres… vos personnages portent bien leur nom! L. F. : Ce titre fut comme une colonne vertébrale dans notre écriture pour ne pas se laisser aller à la

facilité, pour ne pas se faire séduire par la vitalité de nos personnages. Nous avions envie de parler d’un appétit de vivre éclatant et puissant. Mais il fallait absolument ne pas nous cacher la part de monstruosité ou de violence qui résidait dans cet appétit. Nos personnages devaient être de ceux dont on pourrait se dire «j’aimerais bien les connaître, boire des coups avec eux» mais il fallait le faire sans complaisance, en regardant sous le tapis de leur voracité. Ces ogres de vie sont aussi capables de bouffer les autres et de prendre toute la place ! Mais c’est aussi ça qui peut devenir passionnant: donner à voir des êtres puissants et drôles, indignes et inconséquents, foutraques et amoureux. Traquer l’ambivalence. D’une certaine manière, parler des ogres c’est aussi se rendre compte que cette question de la démesure a autant à voir avec le théâtre itinérant qu’avec l’intimité des familles: comment certains y occupent toute la place, comment l’amour peut être dévorant… Vous saviez d’emblée que vos parents et votre sœur joueraient dans le film? L. F. : Non, c’est vraiment l’aboutissement d’un processus, lié à des séances d’improvisations, pendant

lesquelles le noyau familial s’est livré avec une intensité qui m’a questionnée. Ils étaient généreux sans être impudiques, fiévreux sans tomber dans le psychodrame. Petit à petit, il m’est apparu comme une évidence qu’il fallait que j’accepte de jouer avec le feu. C’était la chose la plus cohérente à faire, et en même temps complètement folle. Pourquoi folle? L. F. : Car c’était mettre en danger des relations qui sont vivantes et fragiles. C’était mettre mon père

dans la position d’être dirigé par sa fille. C’était s’amuser à écrire à partir d’une histoire qui est encore en train de s’écrire. C’était prendre le risque tout d’un coup que quelque chose d’intime m’empêche de me sentir le droit d’aller trop loin. Mais je crois que j’avais besoin de cet inconfort de la réalité qui se mélange à la fiction pour ce film-là. Sur le tournage, j’ai été troublée par leur abandon. Et troublée par leur capacité à se trahir, à se réinventer un personnage. De toutes façons, est-ce si compliqué que ça de filmer ses proches? Le plus fragile et le plus difficile, c’est d’aimer ses acteurs et que cet amour ressurgisse dans le film. Là d’une certaine manière, on peut dire qu’une grande partie du travail était déjà faite… Et Adèle Haenel? L. F. : C’est un soleil, avec autant de lumière que de puissance et de danger potentiel. D’ailleurs, on

pourrait penser que le terme «les ogres» désigne les hommes dans mon film. Mais c’est complètement faux. Les femmes sont aussi des ogresses en pleine puissance, capables de coucher avec le premier venu enceinte jusqu’au cou, de se lancer dans une course de voiture ou de se vendre aux enchères. Elles ne sont pas en reste… alors il fallait la puissance de comédiennes comme Adèle mais aussi comme Lola Dueñas, Marion Bouvarel, Inès Fehner, pour porter ces personnages de femmes. Il faut aussi dire que chez Adèle, le désir de collectif est très puissant. Elle fait du théâtre et aime plus que tout se mettre au service d’une œuvre. Là où j’ai eu beaucoup de chances, c’est qu’Adèle, Lola et Marc Barbé sont des saltimbanques dans leur manière d’être au cinéma. Ils n’ont pas du tout été pollués par la question de la reconnaissance, de la notoriété. Sur le plateau, ils se sont complètement fondus dans la troupe. Leur engagement était physique, entier, total, sans gardefou… à l’image de ce que j’ai pu voir dans le théâtre itinérant. in Dossier de presse

France, 2015, 2 h 25, scope-couleur Scénario Léa Fehner, Catherine Paillé Brigitte Sy Photo Julien Poupard Son Julien Sicart Musique originale Philippe Cataix Montage Julien Chigot Avec Adèle Haenel, Marc Barbé François Fehner, Marion Bouvarel Inès Fehner, Lola Dueñas Philippe Cataix, Christelle Lehallier… SOUTIEN AFCAE

DU 16 AU 29 MARS SORTIE NATIONALE

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Ma petite planète verte 5 courts métrages d’animation

Une poule de batterie qui décide de fuir son usine et de rejoindre un coin de nature, un Inuit à la recherche d’une nouvelle maison, un oisillon qui organise le tri des déchets oubliés dans les sousbois, une petite capricieuse qui décide de ne plus gaspiller l’eau, un ours réfugié loin des villes: des personnages astucieux et des histoires touchantes qui permettront aux enfants de comprendre qu’au quotidien, les actes de chacun pourront sauver la planète! AU PROGRAMME BIENVENUE CHEZ MOI de Moon Suehyun (Corée du Sud, 2015, 5’30”, coul.) • S’IL VOUS PLAÎT,

GOUTTELETTES! de Beatriz Herrera (Mexique, 2013, 5’, n.&b.) • PAOLA, POULE PONDEUSE de Louise-Marie Colon et Quentin Speguel (Belgique, 2008, 6’, coul.) • PRENDS SOIN DE LA FORÊT, PIKKULI de Metsämarja Aittokoski (Finlande, 2015, 5’, coul.) • LE BAC À SABLE de Jo Dee Samuelson (Canada, 1995, 13’, coul.)

Animation, Mexique / Belgique / Canada…, 1995-2015, 36 ’, couleur, sans paroles • à partir de 4 ans • tarifs : enfant 4 € / adulte 5 € DU 5 AU 20 MARS SORTIE NATIONALE

E.T. l’extraterrestre / Steven Spielberg

USA, 1982, 1 h 55, couleur, v.o. Scénario Melissa Mathison avec Henry Thomas, Drew Barrymore Robert MacNaughton, Dee Wallace… • à partir de 7-8 ans • MERCREDI 9 MARS 14H15 MARDI 15 MARS 18H

[…] E.T. l’extraterrestre est présenté en avant-première mondiale lors du dernier jour du Festival de Cannes 1982. Le film reçoit alors un accueil extraordinaire, « standing ovation» de plus de dix minutes, Spielberg a trente-cinq ans, il pleure de joie et avoue que cet accueil est le plus beau souvenir de sa carrière, avant d’ajouter, désarmant de sincérité, qu’il est dans le même état d’esprit que lorsqu’il a eu sa première bicyclette pour ses huit ans. Oui, Spielberg a huit ans et aura toujours huit ans. Il ne sait pas encore que son film va devenir un phénomène mondial considérable, restant plus de dix ans en tête du «box office», pulvérisant tous les records d’entrées enregistrés jusque-là. Le projet de Spielberg ne pouvait pourtant pas laisser présager un tel engouement, défiant toutes les règles et critères habituellement nécessaires pour parvenir à un tel succès. E.T. n’est pas l’adaptation d’un best-seller, il n’est porté par aucune vedette prestigieuse. On ne cessera donc de s’interroger sur cette vedette inconnue, ce petit être difforme et repoussant capable cependant d’attirer et de fasciner tous les publics de la terre, et l’on se demandera bien évidemment, dans la foulée, quel nom peut bien porter ce best-seller qui n’a jamais été écrit. Certains iront alors jusqu’à avancer un nom qui n’est autre que celui de la Bible quand d’autres formuleront, sans craindre de semblables contradictions, des interprétations pseudo-psychanalytiques des plus scabreuses. Bref, ce film restera encore pour longtemps comme un point insondable, un phénomène étrange, capable, à l’image de la relation magico-mentale entre Elliot et E.T. de relier avec la plus grande évidence la terre entière à un jeune américain. On ne saura donc jamais vraiment mesurer ni nommer l’espace qui en vérité sépare ce E. de ce T. Camille Girard in Cahier de notes sur… E.T. l’extraterrestre, Ed. Les enfants de cinéma

ECOLE ET CINÉMA

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SPECTACLES

Marcel,

DE ET AVEC

JOS HOUBEN ET MARCELLO MAGNI

EN

MARS

THEATRE tous publics à partir de 12 ans

Dans le genre du duo burlesque, Marcel est une perle. Il faut dire que ces deux-là ont une longue pratique théâtrale dans les classiques, l’absurde et les aventures novatrices. mardi 1er, mercredi 2, vendredi 4 mars 20 h 30 / jeudi 3 mars 19 h 30

Alexis HK,

“GEORGES ET MOI ”

MARCEL

CHANSON

C’est avec la collaboration de François Morel qu’il est allé glaner, avec soin, chez Brassens, pour un bonheur partagé. jeudi 3 mars 20 h 30

Insula Orchestra, DIRECTION LAURENCE EQUILBEY / 47 MUSICIENS

MUSIQUE

Le prestige auquel elle a conduit son chœur Accentus l’a incitée à renouveler l’aventure avec un orchestre qu’elle a créé et qu’elle dirige en cette soirée Beethoven. lundi 7 mars 20 h 30

Novecento,

DE ALESSANDRO

BARICCO

ALEXIS HK

THEATRE MUSICAL

Il joue, danse, virevolte entre les mélodies d’un quartet, s’envole en pastichant la trompette. André Dussollier mène ce grand bal théâtral avec une classe inimitable. «La mise en scène marie très bien récit et musique, théâtre et music-hall. L’acteur, tel un funambule, parvient à rendre palpable l’atmosphère un peu hors du monde d’un transatlantique. II bouge et danse avec une jeunesse étonnante. Le spectacle est joyeux et savoureux.» (TÉLÉRAMA) avec André Dussollier / Elio di Tanna piano / Sylvain Gontard trompette Michel Bocchi batterie, percussions / Olivier Andrès contrebasse mercredi 9, jeudi 10 mars 20 h 30 DEUX REPRÉSENTATIONS SUPPLÉMENTAIRES : dimanche 13 mars 15 h 30 et 18 h 30

Ballet du Grand Théâtre de Genève

NOVECENTO

DANSE

LUX, chorégraphie de Ken Ossala / 22 DANSEURS GLORY, chorégraphie de Andonis Foniadakis / 22 DANSEURS

Deux pièces, vingt-deux danseurs pour mettre en valeur ce grand Ballet tout en perfection. mardi 15, mercredi 16 mars 20 h 30

The Amazing Keystone Big Band

JAZZ

“LE CARNAVAL JAZZ DES ANIMAUX ” D’APRÈS L’ŒUVRE DE CAMILLE SAINT-SAËNS

Après le décoiffant Pierre et le Loup jazzy, les dix-huit intrépides musiciens traduisent Le Carnaval des animaux dans leur phrasé où chaque animal aura son swing identitaire. lundi 21 mars 19 h 30

Gregory Porter, “LIQUID SPIRIT”

SOUL / JAZZ

Chanteur rare au groove sensuel, il fait sonner chaque note comme une caresse lumineuse. Doux géant au sourire contagieux, il triomphe sur les plus grandes scènes internationales.

BALLET DE GENÈVE

jeudi 24, vendredi 25 mars 20 h 30

Les affaires sont les affaires DE

THEATRE

OCTAVE MIRBEAU / MISE EN SCÈNE CLAUDIA STAVISKY

Œuvre politiquement incorrecte et libertaire de la Belle Epoque, la pièce dénonce l’argent roi, l’individualisme obstiné, l’injustice sociale, ce qui fit son triomphe. Heureuse reprise de ce pamphlet politique et pure comédie de mœurs. mer 30 mars, ven 1er avril 20 h 30 / jeu 31 mars 19h30

GREGORY PORTER

Réservation des places m u Ouverture 1 mois avant la représentation pour les spectateurs titulaires de la CARTE LA COURSIVE. u u

Ouverture 15 jours avant la représentation pour les spectateurs NON titulaires de la CARTE LA COURSIVE. Ouverture exceptionnelle des réservations pour tous publics sur les spectacles suivants:

LES AFFAIRES SONT LES AFFAIRES • ON ACHÈVE BIEN LES ANGES (ELÉGIES), Zingaro • JAMES THIERRÉE, nouveau spectacle : LA GRENOUILLE AVAIT RAISON

Tous les spectacles sont, dans la limite des places disponibles, accessibles aux spectateurs qui ne souhaitent ni prendre un abonnement, ni prendre la Carte La Coursive.


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M

A

MARDI 1er MARS

R

S

2

0

1

6

14H / 20H15 UN JOUR AVEC, UN JOUR SANS de Hong Sang-soo • Corée du Sud, 2015, 2h01, couleur, v.o. 16H15 TEMPÊTE de Samuel Collardey • France, 2015, 1h29, scope-couleur 18H LES INNOCENTES de Anne Fontaine • France, 2015, 1h50, couleur MER 2

DU 2 AU 8 MARS

MA PETITE PLANÈTE VERTE, 5 courts métrages d’animation Mexique/ Belgique…,1995-2015, 36’, couleur, sans parole DANS MA TÊTE UN ROND-POINT de Hassen Ferhani Algérie/France/Qatar…, 2015, 1h40, couleur, v.o. TEMPÊTE de Samuel Collardey France, 2015, 1h29, scope-couleur MAD LOVE IN NEW YORK de Josh et Benny Safdie USA/France, 2014, 1h37, couleur, v.o. JODOROWSKY’S DUNE de Frank Pavich USA/France, 2013, 1h30, couleur, v.o.

JEU 3

VEN 4

DIM 6

16H30

16H30

LUN 7

MAR 8

14H 18H 20H

18H30

16H

20H

14H30

17H30

20H30

14H 18H 20H

18H15

20H

14H30

14H45 20H30 16H45

16H15

17H30

20H

18H30

16H

SAM 12

DIM 13

LUN 14

MAR 15

14H*

DU 9 AU 15 MARS

MER 9

E.T. L’EXTRATERRESTRE de Steven Spielberg USA, 1982, 1h55, couleur, v.o. MA PETITE PLANÈTE VERTE, programme de 5 courts métrages THE ASSASSIN de Hou Hsiao-hsien Taïwan, 2015, 1h45, couleur, v.o.

14H15 16H30 17H30

17H 18H 20H

SUITE ARMORICAINE de Pascale Breton France, 2015, 2h28, couleur

19H30

14H

14H 16H 18H 20H

MER 16

JEU 17

VEN 18

DU 16 AU 22 MARS

SAM 5

JEU 10

VEN 11

18H 16H30 14H30 20H15

17H15 18H 20H

20H30

14H 16H

17H30

14H30

15H 17H45

20H15

SAM 19

DIM 20

LUN 21

MAR 22

16H15 20H

16H30 17H30

20H15

17H

14H30

14H 18H15 21H

MA PETITE PLANÈTE VERTE, programme de 5 courts métrages LES OGRES de Léa Fehner France, 2015, 2h25, scope-couleur THE ASSASSIN de Hou Hsiao-hsien

14H30 19H30

15H45

15H30

18H30

JODOROWSKY’S DUNE de Frank Pavich USA/France, 2013, 1h30, couleur, v.o.

17H30

14H 20H30

16H30

14H30

20H15

14H30 18H15 16H30

MER 23

JEU 24

VEN 25

SAM 26

DIM 27

LUN 28

MAR 29

21H

14H 18H30 20H30

18H30

20H15

17H15

20H30

14H

14H 15H45 20H30

14H30 17H30

19H 20H45 14H30

15H 17H45

18H45 16H 20H30

DU 23 AU 29 MARS

KEEPER de Guillaume Senez France, 2015,1h35, scope-couleur JODOROWSKY’S DUNE de Frank Pavich SUITE ARMORICAINE de Pascale Breton LES OGRES de Léa Fehner MERCREDI 30 MARS

*

20H30 *

14H 15H45 18H30

15H45

14H 18H15 21H

16H30

MARIE ET LES NAUFRAGÉS de Sébastien Betbeder • France, 2016, 1h44, couleur

Films présentés en avant-première. «Le Printemps du cinéma», dimanche 20, lundi 21, mardi 22 mars. Tarif unique à toutes les séances 4€ Rencontre publique avec Sébastien Betbeder, mercredi 30 à 20h30 à l’issue de la projection de son film. (Pré-vente billetterie à partir du mer 23 mars.)

LA COURSIVE SCENE NATIONALE / 4, RUE ST-JEAN-DU-PEROT / 17000 LA ROCHELLE / 05 46 51 54 00 / www.la-coursive.com


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