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1+1=3 PROGRAMMER MONTER
L’Agence du court métrage lance une nouvelle collection intitulée One + one. Deux courts métrages assemblés en un seul programme ou l’infini pouvoir du montage.
L
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a règle essentielle du mon-
Anspach a cherché à appliquer ciné-
tage, disait Jean-Luc Godard
matographiquement la règle de vie
à la suite d’Eisenstein, c’est
que s’est fixée Cyril Brody en rendant
“1+1=3”. Deux images côte à côte font
des services à ceux qui l’entourent.
naître chez le spectateur une troisième
Anne et les tremblements est lui aussi
image, invisible, qui dépasse la somme
un service filmé, ou bien un film-ser-
des deux premières. Les images ne
vice, comme on voudra : un film qui,
s’ajoutent pas seulement entre elles,
comme un ami, soutient les requêtes
elles donnent aussi naissance à d’autres
de ses proches.
images qui se multiplient à leur tour
jeux de miroirs
de manière exponentielle. Plus tard Godard signait un film sur les Rolling
alors de poser une hypothèse majeure:
fréquemment, s’approchent des
Nada a ver de Florence Bresson et
Stones dont le titre One + one sug-
un film se transforme-t-il au contact
soixante minutes et ne trouvent aucune
Elisabeth Gonçalves, filmé dans une
gérait qu’un film serait toujours davan-
des œuvres et des images qui gravi-
case de diffusion, ni celles des longs,
prison brésilienne, se trouve quant à
tage que la simple addition – ou
tent autour de lui? La complexité des
ni celles des courts. En les ajoutant à
lui associé à On ne mourra pas d’Amal
confrontation – de la puissance ciné-
lois gravitationnelles nous empêche
un court métrage plus court, on obtient
Kateb (voir Bref n° 96), tourné en
matographique de l’objet filmé et de
d’énoncer une règle définitive. Seule
alors un programme d’une durée habi-
Algérie. Leurs images, venues de deux
la force du regard de celui qui le filme.
certitude: la collection One + one pro-
tuelle et les films peuvent enfin trou-
continents différents, résonnent entre
L’Agence du court métrage s’amuse
pose, à chaque nouveau programme,
ver le chemin des salles.
elles d’une autre façon. Elles disent la
à reprendre ce titre – et la règle impli-
une nouvelle démonstration de l’in-
Les habiles calculs des programma-
séparation des corps et accordent à
cite qu’il porte en lui – pour désigner
fini pouvoir du montage. À la fin de la
teurs de l’Agence du court métrage
chacun une parenthèse à la violence
une nouvelle collection de pro-
séance nous avons donc vu trois films
ont ainsi permis de réunir le très beau
qui semble pourtant sans issue. Le
grammes associant deux films. L’un
et ce troisième film, le plus précieux
film de Cyril Brody En service (voir Bref
plaisir de chanter, de rêver, de s’aimer
plus l’autre, l’un avec l’autre, l’un contre
car le plus subjectif, c’est notre regard
n° 80 et le DVD# 5 de la Petite collec-
fait un pied de nez à la mort et à l’en-
l’autre, l’un compte tenu de l’autre et,
qui, avec la complicité savante des pro-
tion) et Anne et les tremblements de
fermement.
pourquoi pas, l’un multiplié par l’autre?
grammateurs, l’a inventé.
Solveig Anspach (voir infra p. 27).
D’autres jeux de miroirs sont bien sûr
Anne et Cyril, personnes et person-
possibles entre chacun des films et
En réalité, toutes les opérations mathématiques sont permises. Qu’on ajoute
dialoguer entre eux
nages de ces deux films qui se jouent
l’intelligence des programmateurs est
un film à l’autre ou bien qu’on fasse
L’opération One + one est aussi la solu-
des frontières entre documentaire et
d’avoir veillé à ce que ces relations ne
la différence entre eux, certains fac-
tion à un problème bien connu des
fiction, peuvent, dans le troisième film
soient jamais évidentes mais enga-
teurs communs demeurent tandis
programmateurs de courts: quels élé-
qui s’est créé dans l’esprit du specta-
gent toujours l’interprétation et la
que des écarts confirment l’unité indi-
ments additionner pour obtenir les
teur, dialoguer entre eux. Chacun pour-
sensibilité de chaque spectateur.
visible de chacun. Un film peut être
quatre-vingt-dix minutes posées
rait très bien être l’un des personnages
aussi le multiplicateur de l’autre, et
comme norme à la diffusion ? Cette
du film voisin tant leur malice et la
l’un de ses plans l’inconnue qui le
nouvelle collection de programmes
galerie de portraits que fait naître leur
donne à voir sous un angle nouveau.
permet de défendre et de diffuser des
quête entêtée se ressemblent. Et l’on
Ces multiples opérations permettent
courts métrages qui, de plus en plus
pourrait même penser que Solveig
Amanda Robles
Renseignements à l’Agence du court métrage : Fabrice Marquat, f.marquat@agencecm.com