27/02 26/03 2013

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ISSN 0299 - 0342

CINÉMAS STUDIO : 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS

N°310 • mars 2013


semaine

CNP jeudi

mars

du 20 au 26

4

S’affranchir de la domination financière : des expériences au Sud 2h07’

LA CITY

1h20’

KÉRITY

de Dominique Monfery

LA FINANCE EN EAU TROUBLE de Mathieu Verboud

I

N

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Q

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E

Atelier : mercredi

samedi : 14h15

1h52

21h30 14h15 19h30 14h30

14h30 19h45

sauf lundi

MÖBIUS

19h30

de Éric Rochant

1h35’

WEEK-END ROYAL

19h30

de Roger Michell

sauf jeudi

À suivre. 1h37’

CAMILLE CLAUDEL 1915 de Bruno Dumont

À suivre.

1h15’

À suivre.

17h30

de Sophie Letourneur

À suivre.

lundi 19h30

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E

MAISON SUCRÉE JARDIN SALÉ

PSYCHOSE

L’ARTISTE ET SON MODÈLE de Fernando Trueba

À suivre.

de divers réalisateurs

de Alfred Hitchcock

1h20’ VF

14h30 17h30 19h30 21h30 14h15 17h15 19h15 21h15

1h35’

PINOCCHIO

MÖBIUS

de Enzo d’Alo

ROSE ET VIOLETTE

16h00 17h30

de Roger Michell

1h48’

SYNGUÉ SABOUR

19h45

1h55’

de Atiq Rahimi

1h40’

LES ÉQUILIBRISTES

14h30 19h15

AS IF I AM NOT THERE de Juanita Wilson

ANTIVIRAL

17h15

de Brandon Cronenberg

21h45

LES CHEVAUX DE DIEU

17h15

de Nabil Ayouch

21h15

LORE

17h45

de Cate Shortland

21h45

ELEFANTE BLANCO

21h15

1h48’

de Ivano de Matteo

19h15

16h15

de divers réalisateurs

WEEK-END ROYAL

1h49’

21h45

16h15

50’ VF

21h45 17h45

14h15

de Éric Rochant

1h42’

14h30 17h45

41’ VF

1h49’

1h43’

21h30

1h45’

LES COQUILLETTES

N

PIERRE DE PATIENCE

de Terrence Malick

QUEEN OF MONTREUIL

I

14h15

À LA MERVEILLE

1h27’

1h32’

16h15

1h43’

de Agnès Jaoui

19h45

de divers réalisateurs

1h52’

AU BOUT DU CONTE

de Solveig Anspach

MONSTRES…

mercredi samedi dimanche

PAS SI MONSTRUEUX !

Rencontre avec Gérard Kawka

14h30

sauf jeudi lundi

de divers réalisateurs

vendredi

14h15 1h54’ LA RELIGIEUSE 17h00 19h15 de Guillaume Nicloux 21h30 À suivre. 14h00 2h20’ THE PLACE 16h45 BEYOND THE PINES 19h15 de Derek Cianfrance À suivre. 21h45

14h15

JOURS D’HIVER

2013

LES STUDIO voir page 5 FÊTENT LEURS 50 ANS

17h30

41’

18h00 Les précurseurs du cinéma

mercredi samedi dimanche C

1h05’ VF

lundi LA BAIE DES ANGES 19h30 1h22’ de Jacques Demy

1 du 27 février au 5 mars

2013

LA MAISON DES CONTES

20h00 Débat en présence de M.-F. Beaufils C

semaine

1h45’

de Pablo Trapero 2h27’

SPRING BREAKERS de Harmony Korine À suivre.

Le film imprévu www.studiocine.com

Toutes les salles des Studio sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

19h00 ZERO DARK THIRTY de Kathryn Bigelow

www.studiocine.com

Le film imprévu www.studiocine.com

Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

Cinémas Studio – 2 rue des Ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


semaine

mars

du 6 au 12

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semaine

2013

LES STUDIO voir page 5 FÊTENT LEURS 50 ANS C

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N

lundi 19h30

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LE JEUDI

E

1h45’ VF

14h30 19h30 21h30

1h43’

14h30 17h45 19h45 21h45

1h32’

14h15 17h15 19h15

1h52’

AU BOUT DU CONTE

JASON

Goûter & atelier : mercredi

14h15

ROSE ET VIOLETTE de divers réalisateurs

de Agnès Jaoui

41’ VF

MAISON SUCRÉE JARDIN SALÉ

MÖBIUS de Éric Rochant

de divers réalisateurs

SPRING BREAKERS de Harmony Korine

À LA MERVEILLE

PINOCCHIO

de Terrence Malick

de Enzo d’Alo

mercredi samedi dimanche

16h15

SYNGUÉ SABOUR PIERRE DE PATIENCE

de Pablo Larrain

I

lundi 19h30

mercredi samedi dimanche

16h15 21h15

1h40’

WEEK-END ROYAL de Roger Michell

LES ÉQUILIBRISTES 21h15 de Ivano de Matteo

MONSTRES…

PAS SI MONSTRUEUX ! de divers réalisateurs 10’ + COURTS DE FÊTE (mercredi)

É M 2h11’

A

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Q

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E

1h20’ VF

mercredi samedi dimanche

14h15 et

16h15

17h30 sauf jeudi lundi

PINOCCHIO

LA GRANDE CITÉ

de Enzo d’Alo

de Satyajit Ray Partenariat Studio /

14h15 19h45 21h45

1h52’

AU BOUT DU CONTE de Agnès Jaoui

Soirée Libres Courts COURTS MÉTRAGES DES ANNÉES 60 1h55’

NO

2h29’

14h15

de Pablo Larrain

LINCOLN de Steven Spielberg

1h43’

MÖBIUS 14h30 17h30 21h30

1h32’

14h15 17h30 19h30

1h37’

14h15 17h15 21h30

1h52’

de Atiq Rahimi

1h35’

41’

2013

Débat en présence du réalisateur

N

17h15

SPRING BREAKERS de Harmony Korine

de Éric Rochant

1h35’

WEEK-END ROYAL de Roger Michell

CAMILLE CLAUDEL 1915 de Bruno Dumont

À LA MERVEILLE de Terrence Malick

mercredi

20h00 17h30 21h30 17h45 19h30 17h15 21h45

2h08’

LA MORT EN DIRECT 19h15 de Bertrand Tavernier 1h24’

UN WEEK-END EN FAMILLE

21h30

de Hans-Christian Schmid

1h45’

1h55’

17h45

C

de Jean-Pierre Thorn

19h00

1h42’

NO

19h45

16h15

de Charles Chaplin

1h20’ VF

1h55’

mercredi samedi dimanche

1h25’ sans paroles

LES TEMPS MODERNES

93 LA BELLE REBELLE 73’

20h00

de Don Chaffey

50’ VF

Cinéma engagé, cinéma militant

CNP jeudi mercredi samedi dimanche

ET LES ARGONAUTES

de Dino Risi

1h52’

14h15 17h15 19h15

T

1h45’

14h15 17h15 19h30 21h30

14h15

A

mars

du 13 au 19

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LES CHEVAUX DE DIEU de Nabil Ayouch

www.studiocine.com

Le film imprévu www.studiocine.com

Tous les films sont projetés en version originale (sauf indication contraire).

14h30 19h30

L’ARTISTE ET SON MODÈLE de Fernando Trueba

Le film imprévu www.studiocine.com

Films pouvant intéresser les 12-17 ans, (les parents restant juges) au même titre que les adultes.

Cinémas Studio – 2 rue des Ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


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Éditorial CNP

à propos de Renoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . interférences

L’Homme qui rit

1963-2013

Les Studio fêtent leurs 50 ans . . . . . . . . 5 Animation Bibliothèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

LES FILMS DE A à Z

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en bref . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

8 16

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courts lettrages Foxfire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

20

Europe et démocratie… à propos de

Une histoire d’amour

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Alceste à bicyclette/Wadjda

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27

interférences

rencontre .........................

27

Vos critiques

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Jeune Public

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OF MONTREUIL . . . 36

GRILLE PROGRAMME

Pascal Mérigeau

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La Conquête/Pater/Le Grand retournement . . 28

FILM DU MOIS : QUEEN

rencontre

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interférences

Gérard Mordillat

Bande annonce

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pages centrales

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La cafétéria des Studio

Horaires d’ouverture :

gérée par l'association AIR (chantier d'insertion),

lundi mercredi jeudi vendredi samedi

accueille les abonnés des Studio tous les jours de 16h00 à 21h45 sur présentation des cartes abonné et cafétéria.

Tél : 02 47 20 85 77

: : : : :

de 14h00 à 19h00 de 14h00 à 17h00 de 14h00 à 17h00 de 14h00 à 19h00 de 14h30 à 17h00

La bibliothèque est fermée les mardis, dimanches et les vacances scolaires.

Site : www.studiocine.com et un lien vers notre page Facebook : cinémas STUDIO Les STUDIO sont membres de ces associations professionnelles :

EUROPA

AFCAE

ACOR

GNCR

ACC

REGROUPEMENT DES SALLES POUR LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPÉEN

ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET ESSAI

ASSOCIATION DES CINÉMAS DE L’OUEST POUR LA RECHERCHE

GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE

ASSOCIATION DES CINÉMAS DU CENTRE (Membre co-fondateur)

(Membre co-fondateur)

LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS - 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - Mensuel - Prix du numéro 2 €. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Sylvie Bordet, Éric Costeix, Isabelle Godeau, Jean-François Pelle, Claude du Peyrat, Dominique Plumecocq, Claire Prual, Éric Rambeau, Roselyne Savard, Marcelle Schotte, avec la participation de la commission Jeune Public. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Rambeau – MISE EN PAGES & EN IMAGES : Francis Bordet. ÉQUIPE DE RÉALISATION : Éric Besnier, Roselyne Guérineau – DIRECTEUR : Philippe Lecocq – IMPRIMÉ par PRÉSENCE GRAPHIQUE, Monts (37)

Présence graphique contribue à la préservation de l’environnement et atteste être reconnu IMPRIM’VERT.


éditorial

Anniversaires En novembre 2012, le Petit Faucheux fêtait ses vingt-cinq ans de (programmation) jazz. Un album collectif magnifiquement illustré rendait compte de ce parcours musical d’exception. En mars 2013, c’est au tour des cinémas Studio de fêter leurs cinquante années d’existence. Un livre écrit par Claude du Peyrat retrace lui aussi cette longue histoire cinématographique. Pourquoi avoir choisi dans l’un et l’autre cas, non seulement de marquer l’événement par une semaine festive assez exceptionnelle mais de jeter par écrit un regard en arrière sur les étapes passées ? De la petite salle de 80 mètres carré de la rue du Mûrier, le Petit Faucheux s’est affirmé au fil des ans comme la plus grande salle permanente de jazz de France. De la petite salle en faillite du Myriam cinéma aux sept salles modernes de la rue des Ursulines, les 50 ans de vie des Studio les ont conduits à devenir le plus important complexe indépendant d’art et essai de l’Hexagone avec plus de 25 000 abonnés et 350 000 entrées par an. Comment expliquer cette double réussite plutôt surprenante pour une agglomération somme toute modeste (la 18e par la population) ? Est-elle due à la création d’un fort pôle associatif dans le domaine culturel par opposition à la longue hégémonie de l’ère Royer ? Je ne sais, mais il est passionnant de voir, à l’aide de ces deux ouvrages, comment ces réussites sont à la base des aventures humaines, autour du duo Aimé-Audureau pour le Petit Faucheux et de Henri Fontaine pour les Studio. C’est de ces personnalités marquantes que sont nés ces projets mais rien n’aurait pu être possible s’ils n’étaient deve-

nus, l’un et l’autre, des histoires éminemment collectives. Bien sûr, les deux structures culturelles tourangelles sont très différentes. En s’installant dans le théâtre Jean Vilar, avec une nouvelle équipe, tout en maintenant une originalité de programmation remarquable, le Petit Faucheux est devenu obligatoirement plus institutionnel. Les Studio ont réussi quant à eux à pérenniser leur indépendance, à la fois au niveau de leur programmation mais aussi de leurs finances puisqu’ils ne reçoivent aucune subvention de fonctionnement.* Fêter les anniversaires, c’est bien sûr se pencher vers le passé (espérant ne pas trop verser dans l’autosatisfaction) mais c’est aussi se projeter dans le futur. Parti prenant d’un secteur culturel non concurrentiel, celui du Petit Faucheux semble sans difficultés avérées (même si les diminutions des subventions peuvent modifier la donne, comme on l’a vu avec la suppression des festivals de SaintCosme et de Loches). Comme tous les cinémas d’art et essai de France, les Studio sont dans un domaine culturel où la concurrence s’amplifie d’année en année. Les puissants multiplexes attaquent désormais ce secteur de l’exception culturelle française jusque-là relativement préservé. Les Studio auront-ils un public suffisamment fidèle et un accès aux films porteurs suffisant pour l’attirer dans ses salles, pour continuer à porter devant le plus grand nombre l’offre culturelle la plus riche possible qui est la sienne ? DP * Les Studio sont subventionnés par la communauté d’agglomération, le conseil général, le conseil régional, le ministère de la culture uniquement pour des actions culturelles particulières (festivals, festivités…)

Le livre de Claude du Peyrat, Les Studio, 50 ans d’aventure, sera en vente au prix de 18 €, du 25 février au 9 mars dans le hall puis à la bibliothèque des Studio ainsi que à La Boite à Livres. Une façon simple de montrer votre attachement aux Studio. Les CARNETS du STUDIO

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1963-2013 les cinémas Studio fêtent leurs 50 ans D E S E XPOSITIONS jeudi 14 mars - 20h00

jeudi 21 mars - 20h00

Le CNP, la bibliothèque des Studio, la Ligue des Droitsde l’Homme, France Palestine Solidarité, le Collectif Palestine 37 et le Centre d’information sur les Droits des Femmes et des Familles, proposent :

Le CNP, Frères des hommes, l’Association Échanges Développement et Convergences 37, proposent :

Cinéma engagé, cinéma militant Le cinéma militant est-il mort ? A-t-il profondément changé ? Voué dès sa naissance au rôle de portevoix des luttes ouvrières, il met en image l’exploitation, la misère, les grèves, les sans-papiers, la répression. Le cinéma engagé tend aujourd’hui à se diversifier : il aborde les domaines culturels, économiques et sociaux en s’émancipant des structures partisanes. Affirmant son indépendance, il reste fidèle à sa vocation première : apporter une voix différente et contradictoire aux idées convenues… Mais avec quels moyens ? L’échange portera aussi sur la réalisation, la distribution, et la place que les exploitants réservent à ce type de films. FILM : 93 La Belle rebelle de Jean-Pierre Thorn – 73’ - 2010 DÉBAT en présence J-P Thorn, réalisateur, de Fabienne Hanclot, déléguée dénérale de l’Acid* ainsi que des animateurs des festivals et de la programmation des Cinémas Studio. *Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion

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Les CARNETS du STUDIO

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S’affranchir de la domination financière : des expériences au Sud Les pays développés souffrent des échanges de plus en plus mondialisés sur le plan économique et commercial. Les différences de salaires et de charges entre les pays riches et les PVD sont telles que de plus en plus d’usines, d’entreprises, ferment au Nord pour s’installer au Sud. Mais, dans le Sud où la pauvreté est endémique, des populations s’organisent pour produire leur alimentation en marge, et même à l’encontre, de l’ordre mondial. Elles ont l’espoir de pouvoir vivre mieux. C’est peut-être en regardant ce qui avance au Sud que l’on trouvera les solutions pour sauver le Nord. FILM : La City. La Finance en eau trouble de Mathieu Verboud DÉBAT avec la participation de Mme MarieFrance Beaufils, sénatrice, vice-présidente de la commission des finances, ainsi que des représentants des associations. jeudi 28 mars - 20h00

À qui appartient la santé des Français FILM : Les Médicamenteurs de Stéphane Horel – 54’. DÉBAT avec Helena Pasca – fondation Sciences citoyennes – et un médecin.

Du 26 février au 14 avril, trois expositions exceptionnelles vous attendent au 2e étage du Château de Tours. Avec Pour en finir avec les bobines ! 13 artistes plasticiens fêtent les 50 ans des Studio en recyclant, dans des œuvres créées spécialement pour l’occasion, de vieilles bobines de films et des tickets d’entrée désormais obsolètes. Avec Les Ancêtres du cinéma, Bruno Bouchard présente une collection de jouets optiques et de lanternes magiques. L’exposition 50 ans de cinéma, 50 ans de passion… vous permet de retrouver les grandes étapes de l’histoire des Studio sur un mur d’images et des panneaux synoptiques. Le vernissage de ces expositions aura lieu le vendredi 1er mars à 18h30 en présence des artistes et du collectionneur. Samedi 2 mars de 15h à 19h présentation du livre de Claude du Peyrat : CINÉMA STUDIO DE TOURS, 50 ANS D’AVENTURE à La Boite à Livres.

UNE SEMAINE ANNIVERSAIRE Lundi 4 mars-19h30, la Cinémathèque rend hommage à la naissance des Studio en projetant Psychose, le chef d’œuvre d’Alfred Hitchcock, tout premier film projeté dans l’unique salle des Studio, le 9 mars 1963. (tarifs habituels) Mardi 5 mars-18h à 21h Une table ronde est organisée sur l’avenir des salles indépendantes et du cinéma art et essai. Au moment où les multiplexes accentuent leur pression économique en multipliant les écrans et en essayant de pri-

ver les salles indépendantes de l’accès aux films porteurs, des personnalités du monde du cinéma, des distributeurs, cinéastes, représentants du CNC, de l’Afcae, de l’Acor, de l’ACC, du GNCR, de Ciné-off, de Ciclic viennent porter le débat devant les spectateurs des Studio et les élus invités. (entrée gratuite)

Mercredi 6 mars l’après-midi est essentiellement dédié au jeune public. À 14h15 sont annoncés les résultats de Courts de fête et les deux courts métrages primés sont projetés sur grand écran, en avant-programme du célèbre film de 1963 Jason et les Argonautes (lire page 34). À 16h30, un goûter anniversaire est offert aux jeunes spectateurs ainsi qu’un atelier effets spéciaux où les enfants, devenus acteurs, sont projetés dans la magie des images (séance aux tarifs habituels). À 18h30, soirée spéciale correspondants : relais indispensables avec nos abonnés, les 210 correspondants sont conviés à une projection particulière de Psychose et à la présentation du livre Les Studio, 50 ans d’aventure de Claude du Peyrat. (sur invitation) Jeudi 7 mars - 20h : après un rendezvous manqué avec France Inter (mais la promesse de venir présenter le Masque et la Plume aux Studio en 2013), Radio Béton reprend le flambeau et fait son Masque (émission en public et en direct aux Studio). Cette radio associative tourangelle incontournable avec laquelle nous partageons beaucoup d' engagements couvrira les 50 ans (le jeudi et le vendredi sur 93.6).

Attention : pour toutes les soirées anniversaire – comme tout au long de l’année –, il n’y a pas de réservation possible. Jeudi 7, vendredi 8 et samedi 9 mars, les caisses ouvriront une heure avant le début des séances en question. Les CARNETS du STUDIO

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1963 - 2013 les cinémas Studio fêtent leurs 50 ans Vendredi 8 mars C’est la soirée du public. Elle commence à 18h00 avec la remise des prix du concours de nouvelles Fenêtre sur courts. 58 personnes ont écrit une nouvelle dont l’une des scènes se passe aux Studio . Le palmarès est proclamé par l’écrivain Jean-Marie Laclavetine. Le dramaturge Bernard Pico fait ensuite la lecture des nouvelles primées. À 19h30 est projeté La Leçon de Piano, Palme d’or de Jane Campion, film choisi par le public dans une liste de 50 films emblématiques. Après la projection, Thomas Lebrun et les danseurs du Centre Chorégraphique National de Tours se livrent à des improvisations chorégraphiques dans un jeu interactif avec les spectateurs. Dans ce What you want !, le public choisit un danseur et une musique parmi une liste de célèbres bandes originales de films. (soirée aux tarifs habituels) Samedi 9 mars C’est le jour anniversaire A 14h00, le public est accueilli par la Compagnie Off. 14h15 : entrée gratuite pour tous : 1 000 places sont offertes dans nos 7 salles, pour les films de la programmation en cours. 16h00 : la Compagnie Off conduit les spectateurs jusqu’aux expositions du Château de Tours, dans une déambulation haute en couleurs. Puis elle prend possession de la rue des Ursulines où elle met en scène un vrai-faux tournage avec le sens de la démesure dont elle a le secret. 18h00 : l’anniversaire officiel commence, présidé par le réalisateur Bertrand Tavernier. (entrée libre, dans la limite des places dispos) 20h00 : Bertrand Tavernier présente son film coup de cœur au titre emblématique : Que la fête commence !

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Les CARNETS du STUDIO

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Après la projection, le Carole Lebrun sextet a concocté un concert mêlant jazz et cinéma, alors qu’une animation musicale par la Compagnie Off se déroule en extérieur, dans la cour. (soirée aux tarifs habituels)

DES ÉCHOS TOUT AU LONG DU MOIS La Cinémathèque poursuit son travail de mémoire en projetant des films de l’année 1963, tous les lundis du 11 mars au 1er avril (voir le programme de la Cinémathèque disponible à l’accueil). Mercredi 13 mars-20h00 Une soirée Libres courts, en partenariat avec l’agence régionale Ciclic, vous invite à découvrir un florilège de courts métrages des années 1960 (avec notamment des CM de Godard, Polanski, Lynch et Truffaut !) Jeudi 14 mars-20h00 Le CNP organise une soirée spéciale : Cinéma engagé, cinéma militant. Projection et débat en hommage à l’une des spécificités des cinémas Studio depuis leur création. Vendredi 22 mars 2013-18h Rencontre à la bibliothèque des cinémas Studio : De l’image de Lascaux aux frères Lumière, ou les précurseurs du cinéma De la simple capture de l’image fixe à la projection d’images animées, nous parcourrons les siècles en compagnie de ceux qui, par leurs recherches, permirent la naissance du cinéma. Gérard Kawka, ancien Directeur de l’Association artistique culturelle de Villemomble, partagera avec nous, à travers, des éléments visuels, ses réflexions sur le pré-cinéma.

LES FILMS DU CINQUANTENAIRE Psychose USA – 1960 – 1h42, de Alfred Hitchcock, avec Anthony Perkins, Janet Leigh…

Alors qu’elle s’est enfuie avec les 40 000 $ qu’elle devait déposer à la banque, paniquée et sous une pluie battante, Marion Crane s’arrête dans un motel perdu tenu par un sympathique gérant, loin des grands axes routiers… Sans nouvelles de Marion, sa sœur et son amant partent à sa recherche quelques jours plus tard… Le plus gros succès de la filmographie du grand Alfred est devenu un film culte où le suspense et l’horreur tiennent le spectateur en haleine jusqu’au paroxysme de la scène où le mystérieux meurtrier est enfin démasqué.

La Leçon de piano Nouvelle-Zélande – 1993 – 2h01, de Jane Campion, avec Holly Hunter, Harvey Keitel…

Au XIXe siècle, Ada, une jeune femme écossaise est envoyée par son père en Nouvelle-Zélande pour y épouser un colon. Mutique depuis l’enfance, elle ne parle que par le langage des signes. À son arrivée, elle est obligée d’abandonner sur la plage le piano qu’elle adore plus que tout. Le voisin de son mari, Baines, un original qui vit au cœur de la nature et au milieu des Maoris, récupère l’instrument. Commence alors une histoire passionnelle,

faite d’apprivoisements progressifs, où Ada récupère son instrument, touche après touche, en cédant aux caresses de Baines… Un film magnifique, passionnel et bouleversant, sur la découverte du plaisir et l’amour de la musique. La 1re Palme d’or du Festival de Cannes attribuée à une réalisatrice !

Que la fête commence ! France – 1975 – 1h54, de Bertrand Tavernier, avec Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle…

Au début du xVIIIe siècle, pendant la minorité de Louis XV, la régence est assurée par le duc d’Orléans, jouisseur libre-penseur qui vit entouré d’une cour de prostituées et de libertins. En Bretagne, le Marquis de Pontcallec prépare un complot visant à l’indépendance, que doit réprimer l’abbé Dubois, Premier Ministre manipulateur qui cherche à assouvir son goût du pouvoir… Chronique tragi-comique du pourrissement progressif de l’ancien régime (crise morale et financière) le 2e film de Bertrand Tavernier est une réussite totale, emportée par des dialogues jubilatoires et un trio magique (Noiret-Marielle-Rochefort) au meilleur de son inspiration. Et sous la fête annoncée, on sent frémir les prémisses des idées révolutionnaires… Et on peut s’amuser à y reconnaître de tout jeunes comédiens : Nicole Garcia, Brigitte Roüan, Michel Blanc, Christian Clavier, Thierry Lhermitte, Gérard Jugnot… DP

Les festivités des 50 ans des Studio n’auraient pu être organisées sans l’aide de la Ville de Tours, de Tours Plus, du Conseil général d’Indre-et-Loire et de la Région Centre que nous tenons ici à remercier chaleureusement.

Les CARNETS du STUDIO

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w w w . s t u d i o c i n e . c o m

Sur le site des Studio (cliquer sur : pluS d’infoS, pour entrer dans la fiche film), vous trouverez des présentations signées des films que les rédacteurs auront vus après leur sortie en salle. Les fiches non signées ont été établies de manière neutre à partir des informations disponibles au moment où nous imprimons.

Les films de A à Z 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com avant leS filmS, danS leS SalleS, au moiS de marS 2013 : • A Very New Organ Trio de The Best Lines (studio 1-2-4-5-6) • Don’t Cry For No Hipster de Ben Sidran (studio 3 et 7). Musiques sélectionnées par Eric Pétry de RCF St Martin.

A

À la merveille

USA – 2012 – 1h52, de Terrence Malick, avec Ben Affleck, Olga Kurylenko, Javier Bardem…

À la Merveille – Le Mont-Saint-Michel – Neil et Marina, amoureux, se découvrent. Désormais, le couple, installé dans l’Oklahoma avec Tatiana, la fille de Marina, est fragilisé. Dans cette communauté américaine, la femme cherche conseil auprès de Quintana, un prêtre en plein doute spirituel… Marina retournant finalement en France, Neil se console avec Jane, mais reste écartelé. Les deux hommes semblent confrontés aux mêmes questionnements, aux mêmes luttes… The Tree of Life (2011, Palme d’or à Cannes), La Ligne rouge (1998, Ours d’or à Berlin), Les Moissons du Ciel (1978)… les films de T. Malick sont tous des chefs-d’œuvre ! Avec poésie et une nature encensée, des thèmes chers au réalisateur se déclinent : la transcendance et l’amour. Qu’il questionne, crispe ou ravisse, le cinéma de T. Malick poursuit sa quête mystique pour ne jamais laisser indifférent ! Sources : dossier de presse, rfi.fr, lemonde.fr.

Antiviral

Canada – 2012 – 1h44, de Brandon Cronenberg, avec Caleb Landry Jones, Sarah Gadon, Malcolm McDowell…

Il s’appelle Cronenberg, il est fils de et il respecte l’adage « Les chiens ne font pas des chats ». Donc, pour sa première réalisation, Brandon Cronenberg se lance dans une his-

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toire de virus. Soit une époque où l’obsession narcissique et le culte de la célébrité régissent le quotidien et où la communion des fans avec leurs idoles ne connaît plus de limites. Syd March est employé d’une clinique spécialisée dans la vente et l’injection de virus ayant infecté des célébrités. Mais il vend aussi ces échantillons, pour son propre compte, à de puissantes organisations criminelles. Sa méthode pour déjouer les contrôles de la clinique : s’injecter les virus à lui-même… Sous influence paternelle, peut-être, mais capable de trouver sa voie. Cet Antiviral a sa propre personnalité, celle d’un film entre thriller et réflexion sociologique, une œuvre qui pourra marquer par la force de ses images et la peur qu’il diffuse. Sources : dossier de presse.

L’Artiste et son modèle Espagne – 2013 – 1h45, de Fernando Trueba, avec Jean Rochefort, Aïda Folch, Claudia Cardinale…

Été́ 1943, dans la France occupée, non loin de la frontière espagnole. Marc Cros, célèbre sculpteur, vit avec sa femme Léa qui a longtemps été́ son modèle. Fatigué de la vie et de la folie des hommes, il est à la recherche d’une inspiration nouvelle, mais rien ne semble le sortir de la monotonie ambiante. Léa repère Mercé, une jeune espagnole échappée d’un camp de réfugiés, et lui propose de poser pour son mari. Le vieil artiste découvre alors une nouvelle muse et s’attelle à sa dernière œuvre.

Réalisateur de Mientras el cuerpo aguante (1982), Grossel (1983), Belle époque (1992), Two Much (1995), La Fille de tes rêves (1998), Calle 54 (2000), L’Envoûtement de Shanghai (2004), Le Miracle de Candeal (2005), Chico & Rita (2010), Trueba filme en noir et blanc, une histoire, écrite avec le scénariste JeanClaude Carrière, qui raconte le conflit intérieur de Marc Cros, artiste de renom, inspiré de la vie de l’artiste Aristide Maillol. Un film qui a ému le festival de Saint-Sébastien. Sources : www.nouvelobs.com

As If I’m Not There Serbie-Croatie – 2010 – 1h49, de Juanita Wilson, avec Natasha Petrovic, Fedja Stukan, Stellan Skarsgård…

Jeune enseignante, Samira est nommée dans un petit village non loin de Sarajevo, juste avant le début de la guerre. Le village occupé par les forces serbes, les hommes sont tués et les femmes transformées en esclaves sexuels soumis aux traitements les plus dégradants. Mais Samira décide qu’on ne pourra plus lui prendre son humanité par la force et entreprend de négocier ses « services »… Pour son premier long métrage, cette jeune réalisatrice irlandaise a choisi d’aborder son sujet de manière très frontale et très peu psychologisante. Peu de dialogues, peu d’accès aux pensées des personnages, tout est fait pour que le spectateur reste seul face à l’inacceptable… Sources : eyeforfilml.co.uk, bonjourtristesse.net

Au bout du conte

France – 2013 – 1h52, de et avec Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Agathe Bonitzer, Benjamin Biolay…

Les contes commencent toujours par Il était une fois… Il était une fois une jeune fille qui croyait au grand amour, une femme qui rêvait d’être comédienne, un jeune homme qui croyait en son talent de compositeur sans croire en lui-même, une petite fille qui

croyait en Dieu, un homme qui ne croyait en rien mais qui finit par croire la voyante qui lui donna la date de sa mort… Longtemps actrice et scénariste renommée (avec son complice J.-P. Bacri) pour Cédric Klapisch (Un air de famille, en 96) ou Alain Resnais (Smoking-No smoking, en 93 et On connaît la chanson, en 97), Agnès Jaoui est devenue une réalisatrice talentueuse qui arrive à concilier – et ce n’est pas si fréquent – succès critique et succès public (ses trois films ont fait entre 1 et 3 millions d’entrées) avec Le Goût des autres (2000), Comme une image (04) et Parlez-moi de la pluie (08), primé au Festival de Cannes. Après s’être passionnée pour la chanson (avec deux albums remarqués), on a eu le plaisir de la revoir dernièrement en mère possessive dans le formidable Du vent dans mes mollets. Elle revient devant et derrière la caméra avec une nouvelle comédie qui « utilise les grandes figures du conte pour faire un portrait de groupe où chaque personnage cherche un sens à sa vie, de manière plus ou moins rationnelle ». Il était une fois ; on peut le parier… un grand plaisir à venir. Sources : dossier de presse

Camille Claudel 1915 France – 2011 – 1h37, de Bruno Dumont, avec Juliette Binoche, Jean-Luc Vincent, Robert Leroy…

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Hiver 1915. Internée par sa famille, Camille Claudel est emmenée dans un asile du sud de la France – là où elle ne sculptera plus. Le film est la chronique des trente dernières années de sa vie de recluse, surveillée jour et nuit comme une criminelle et dans l’attente d’une visite de son frère, Paul Claudel... On connaît le cinéaste exigeant et atypique, B. Dumont, pour sa radicalité, le refus des conventions et le rejet des comédiens expérimentés. Après La Vie de Jésus (1996), L’Humanité (1999), Flandres (2005) et Hors Satan (2011), le réalisateur fait appel pour la pre-

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mière fois à une professionnelle, Juliette Binoche. Celle ci interprète Camille Claudel, 24 ans après Isabelle Adjani dans le film de Bruno Nuytten, romance tumultueuse avec l’artiste Rodin et son destin tragique. Le film pose ici la question de la création et de l’internement. Camille Claudel en compétition au festival de Berlin 2013 portera les couleurs de la France. Sources : dossier de presse.

Les Maroc Chevaux de Dieu – 2012 – 1h55, de Nabil Ayouch, avec Rachid Abdelhakin, Hamza Souidek, Rachid Abdelilah…

Yachine a dix ans. Il vit avec sa famille dans le bidonville de Sidi Moumen à Casablanca et son quotidien est fait de violence, de misère et de drogue. Un jour, l’un de ses frères ainés, Hamid, se retrouve en prison. Quand il en sort quelques années plus tard, il a changé. Devenu islamiste radical, il persuade Yachine et ses amis de rejoindre leurs frères. Une longue préparation physique et mentale auprès d’un chef spirituel commence alors. Un jour on leur annonce qu’ils ont été choisis pour devenir des martyrs… Inspiré par les attentats de Casablanca du 16 mai 2003, Les Chevaux de Dieu peut être mis en parallèle avec La Désintégration, de Philippe Faucon, au sujet très proche. Mais le traitement n’est pas le même, Nabil Ayouch est moins distancié et son film touche plus immédiatement. Cette très belle réussite à la réflexion sociale profonde va bien au-delà du contexte marocain. Fluide et nerveuse la mise en scène nous attache aux personnages et nous tient en haleine. Pas une comédie, c’est sûr, mais l’assurance tout de même de voir un beau film. JF

rer d’une situation traumatisante, c’est qu’il faut la garder en mémoire pour améliorer l’avenir, » déclarait Pablo Trapero à Cannes. Il nous prouve une nouvelle fois après les films de Carlos Sorin, Pablo Giorgelli, Maria Victoria Menis, l’excellente santé du cinéma argentin.

Les Coquillettes France – 2013 – 1h15, de Sophie Letourneur, avec Sophie Letourneur, Camille Genaud, Carole le Page…

Trois jeunes femmes dissemblables, dont Sophie Letourneur, sont conviées au festival de Locarno, ce qui va leur servir de prétexte pour explorer leurs petits désordres amoureux et se confronter à leur rêve de grand amour contrarié. Sophie tente de séduire un acteur sexy (Louis Garrel, hilarant), Carole prétend ne chercher qu’une aventure charnelle, Camille penche vers le romantisme… Bref, cette comédie explore les aventures glamour et burlesques de trois filles en pleine régression affective. Cette histoire se raconte en voix off, ce qui rajoute une dimension volontairement artificielle au récit.

Sources : agoravox.fr – laterna-magica.fr – dossier de presse

Filmographie : Mundo grua (99) – El Bonaerense (02) – Leonora (08) – Carancho (10)

Les Équilibristes Italie – 2012 – 1h53, de Ivano de Matteo, avec Valério Mastandrea, Barbara Bobuleva…

Sources : dossier de presse.

Elefante blanco Argentine – 2012 – 2h, de Pablo Trapero, avec Ricardo Darin, Jérémie Renier, Martina Gusman…

Au cœur du bidonville de la Vierge, dans la banlieue de Buenos Aires, l’éléphant blanc est le nom d’un hôpital jamais fini où deux prêtres tiers-mondistes luttent contre la corruption, la pauvreté et les narcotrafiquants qui gangrènent la vie du quartier. Leur mission les amène à s’opposer aussi bien aux pouvoirs policiers et mafieux qu’à la hiérarchie ecclésiastique… Caméra au poing, dans de longs plans séquences, avec un travail d’orfèvre sur la lumière, et trois interprètes magnifiques, Pablo Trapero nous plonge avec émotion dans la misère d’un monde livré à la violence. Dans ce film foisonnant, en suivant ceux qui s’attachent à préserver le tissu social, il ne cède jamais au désespoir. « Je crois qu’il faut se retourner en permanence sur son passé et l’utiliser comme un miroir. Ce que l’on peut reti-

E

Giulio a quarante ans et une vie bien installée : un travail, deux enfants et une femme, Elena, qu’il aime. Mais il la trompe un soir. Le départ de son épouse va faire basculer la vie de Giulio et lui faire découvrir la frontière infime entre l’aisance et la pauvreté… Ivano de Matteo est un jeune réalisateur italien à suivre. Son précédent film, La Bella gente, les gens biens avait su se faire remarquer. C’est à nouveau avec Valentina Ferlan (sa femme avec qui il a fondé la compagnie Il Cantiere dans les années 90), qu’il a écrit le scénario. Toujours dans la même ligne sociale qui ausculte les rapports de classe, de pouvoir et d’argent, il offre avec Les Équilibristes une œuvre qui a, semble-t-il, particulièrement touché ceux qui ont déjà eu la chance de le voir. Sources : dossier de presse

Jason et les Argonautes Jours d’hiver Kérity, la maison des contes Voir pages Jeune Public.

L

Lincoln

USA – 2012 – 2h29, de Steven Spielberg, avec Daniel Day-Lewis, Sally Field, David Strathairn…

Le film raconte les derniers mois tumultueux du seizième – légendaire – président des États-Unis. Alors que la nation est déchirée par la guerre civile et secouée par le vent du changement, Lincoln, d’une détermination et d’un courage moral exceptionnels, va tout mettre en œuvre pour résoudre le conflit, réunifier le pays et convaincre la Chambre des Représentants de voter le treizième amendement qui vise à interdire l’esclavage… Le film met les projecteurs sur les coulisses de la politique américaine à un moment clé de son histoire. Daniel Day Lewis donne littéralement vie à Lincoln et chacun des acteurs nous livre une excellente performance. Lincoln a été porté aux nues par la critique américaine. Courons voir ce film aux quatre prix et 32 nominations dans les festivals ! Sources : dossier de presse.

Lore

Allemagne/Australie/UK – 2013 – 1h48, de Cate Shortland, avec Saskia Rosendahl, Kai Malina, Ursina Lardi…

En 1945, à la fin de la guerre, Lore – une jeune adolescente, fille d’un haut dignitaire nazi – traverse l’Allemagne avec ses frères et sœurs. Livrés à eux-mêmes, au milieu du chaos, leur chemin croise celui de Thomas, un jeune rescapé juif. Pour survivre, Lore n’a d’autre choix que de faire confiance à celui qu’on lui a toujours désigné comme son ennemi… D’après la nouvelle La Chambre Noire de Rachel Seiffert, par l’une des meilleures réalisatrices australiennes actuelles, qui a déjà réalisé Somersault (2003). Prix du public à Locarno et remarqué au festival de Toronto,

les fiches paraphées correspondent à des films vus par le rédacteur. film proposé au jeune public, les parents restant juges.

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entre autres, ce film australien a été tourné en langue allemande. Un film sur la perte de l’innocence à l’adolescence, une réflexion sur l’identité et la découverte de la sexualité. Sources : dossier de presse.

M

Möbius

France – 2012 – de Eric Rochant, avec A. Gorbunov, C. De France, J. Dujardin, E. Dequenne, T. Roth…

Lioubov, un officier des services secrets russes, est expédié en mission à Monaco pour y espionner un homme d’affaires. Son équipe recrute alors une jeune femme experte en finances mais il la soupçonne vite de jouer un double jeu. Pour en avoir le cœur net, il lui faudra entrer en contact avec elle, entamant ainsi une liaison très peu professionnelle qui risque fort de mettre en péril bien plus que la seule mission pour laquelle il a été envoyé là. Eric Rochant qui avait commencé très fort avec Un monde sans pitié (dans lequel il révélait simultanément H. Girardot et Y. Attal !) nous avait ensuite donné quelques belles réussites (Les Patriotes) mais semblait somnoler un peu depuis quelques années. Le voici de retour aux commandes d’un film de luxe avec un casting impressionnant et une intrigue assez balisée dont on peut lui faire confiance pour tirer le meilleur avec une grande élégance. Sources : dossier de presse.

La Mort en direct Grande Bretagne,/Allemagne/France – 1980 (ressortie 2013) – 2h08, de Bertrand Tavernier, avec Romy Schneider, Harvey Keitel, Harry Dean Stanton…

Katherine, qui n’a plus que trois semaines à vivre, s’enfuit pour « mourir libre » loin des médias qui la traquent. Elle ignore qu’elle est aidée dans sa fuite par celui-là même qui la filme par l’intermédiaire d’une caméra greffée dans son cerveau. Tavernier l’éclectique s’est donc essayé à

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la science fiction il y a plus de 30 ans, et son film, tourné en Ecosse dans des décors sobres et sans les gadgets habituellement réservés à ce type de production, est à la fois intemporel et prémonitoire. Il dénonce avant qu’elles n’aient connu le succès que l’on sait, la manipulation et le voyeurisme malsain des émissions de téléréalité. Et comme plus c’est dramatique, plus l’audience est à son comble, offrir une agonie en pâture aux téléspectateurs est un spectacle de choix ! Romy Schneider est bouleversante et Harvey Keitel tout en délicatesse. La Mort en direct est un film fort et troublant à (re)découvrir. SB

bouillard travaillant dans la morgue de Santiago pendant le coup d’état), il a été longuement applaudi lors de la Quinzaine des réalisateurs du dernier festival de Cannes (prix Cicae). Il a choisi de filmer avec la caméra qu’utilisaient les publicitaires en 1983 et qui donne une texture métallique aux images et permet de mélanger images de fiction et archives. Porté par deux acteurs subtils, Gabriel Garcia Bernal et son acteur fétiche Alfredo Castro, son propos déborde le cas chilien pour interroger les sociétés capitalistes modernes et le devenir publicitaire de la politique : ces images « aux antipodes de l’esthétique vintage et du chantage à la nostalgie qu’elle impose. Décapant le vernis sucré de la pub, elles en révèlent la logique nihiliste, purement prédatrice. »

Maison sucrée, jardin salé

Sources : le monde.fr – critikart.fr – laterna-magica.fr

Monstres… pas si monstrueux !

P

Voir pages jeune public

No

Chili – 2012 – 1h55, de Pablo Larrain, avec Gabriel Garcia Bernal, Alfredo Castro…

Sous la pression de la communauté internationale, le dictateur Pinochet finit par organiser un référendum en 1988. Pendant 27 jours, chaque camp disposera des mêmes quinze minutes d’antenne. Personne ne croit possible la défaite de Pinochet mais un jeune publicitaire, René Saavedra, pur produit immature de la société de consommation, décide de mener la campagne du Non en la vidant de son contenu politique : logo en forme d’arc en ciel, jingle et la joie comme mot d’ordre… Pablo Larrain confirme son talent à part avec ce troisième volet sur la dictature chilienne. Après Tony Manero (centré sur un sosie chilien de John Travolta) et Santiago 73, post mortem (qui racontait le quotidien d’un scri-

N

Q

Pinocchio Voir Carnets de février

Queen of Montreuil Film du mois, voir au dos des Carnets

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La Religieuse

France – 2012 – 1h40, de Guillaume Nicloux, avec Pauline Etienne, Isabelle Huppert, Marc Barbé, Pascal Bongard, Agathe Bonitzer, Louise Bourgoin…

À seize ans, Suzanne aurait bien aimé vivre sa vie mais se retrouve contrainte d’entrer dans les ordres. Confrontée à une hiérarchie religieuse intraitable, Suzanne s’y trouve des appuis, les perd, s’affronte à une mère supérieure encore plus intraitable (Louise Bourgoin !) tente un procès… Guillaume Nicloux, amateur d’ambiances polar souvent poisseuses (La Clef, Une affaire privée, Le Poulpe), signe donc ici une nouvelle adaptation du roman de Diderot, 47 ans

après Rivette, son scandale et sa censure. Il se défend d’avoir tenté une charge anticléricale et se dit plus intéressé par l’« ode à la liberté » qu’il a sentie chez Diderot… le tout emballé dans un travail d’images très soigné, des éclairages aux cadrages en passant par les costumes et les décors. Sources : dossier de presse

Rose et Violette Voir pages Jeune Public

Spring Breakers

USA – 2013 – 1h32, de Harmony Korine, avec Ashley Benson, Vanessa Hudgens, Selena Gomez…

S

Pour financer leur Spring Break (vacances délurées et alcoolisées propres aux étudiants américains), quatre filles aussi fauchées que sexy décident de braquer un fast-food. Et ce n’est que le début… Lors d’une fête dans une chambre de motel, la soirée dérape et les filles sont embarquées par la police. En bikini et avec une gueule de bois d’enfer, elles se retrouvent devant le juge, mais contre toute attente leur caution est payée par Alien, un malfrat local qui les prend sous son aile… Scénariste de Larry Clark (Kids, 1995, Ken Park, 2003), Harmony Korine a réalisé son premier film : Gummo, en 1997, devenu culte depuis, puis – entre autres – Julien DonkeyBoy (1999), adoptant le style du dogme de Lars Von Trier, et Mister Lonely (2007). Présenté à la Mostra de Venise 2012, son dernier film renoue avec les charmes du cinéma indépendant américain. Sources : dossier de presse.

Syngué Sabour-Pierre de patience France/Allemagne/Afghanistan – 2013 – 1h42, de Atiq Rahimi, avec Golshifteh Farahani, Hamidreza Javdan, Hassina Burgan…

Au pied des montagnes de Kaboul, une guerre fratricide déchire la ville. Une femme

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veille son mari dans le coma et prie pour le ramener à la vie. Après avoir mis ses enfants à l’abri, elle retourne seule au chevet du gisant qui devient malgré lui, sa syngué sabour, sa pierre de patience – une pierre magique que l’on pose devant soi pour lui souffler tous ses secrets, ses malheurs, ses souffrances… Peu à peu, dans un long monologue, elle se révèle, prend conscience de son corps, libère sa parole pour confier à l’homme qui ne l’a jamais aimée et encore moins comprise ses souvenirs, ses peines, ses désirs les plus intimes… jusqu’aux plus inavouables. Adapté de son roman éponyme (prix Goncourt 2008) avec la complicité de Jean-Claude Carrière, Atiq Rahimi a réalisé un film d’une force inouïe. Magistralement interprété par Golshifteh Farahani – actrice révélée dans À propos d’Elly – ce qui pourrait n’être qu’une litanie de souffrances devient presque un thriller. On est suspendu à ses paroles qui mettent fin à des années de silence et d’hypocrisie, ébloui par ses sourires, ému par ses larmes et par la force avec laquelle elle déjoue, un par un, les pièges auxquels la condamne sa destinée de femme dans un pays qui les nie et les avilie. Bouleversant, magnifique, lumineux, Syngué Sabour n’a pas fini de vous hanter. SB

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Les Temps modernes Voir pages Jeune Public

The Place Beyong The Pines USA – 2013 – 2h30 – de Derek Cianfrance, avec Ryan Gosling, Bradley Cooper, Eva Mendes…

Cascadeur à moto, Luke fait un show de ville en ville dans une Boule de la mort. Alors qu’il passe dans une petite ville près de NewYork, il découvre qu’il est père d’un enfant qu’il a eu avec un de ses anciens amours, la belle Romina. Pour subvenir aux besoins de sa nouvelle famille, il décide de se poser et

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Le réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill (1988) s’inspire pour cette comédie de faits réels dont Daisy Suckley a été le témoin privilégié. Sa correspondance avec le président et ses journaux intimes inédits sont à l’origine du film.

devient mécanicien dans le garage de Robin. Quand ce dernier découvre les talents de pilote de Luke, il lui propose de s’en servir pour braquer des banques. Un ancien policier devenu politicien se lance alors sur ses traces. Si l’on ajoute un jeune flic ambitieux, confronté à un service de police largement corrompu, tous les ingrédients d’un thriller sont réunis, servi, qui plus est, par des acteurs de premier choix.

Sources : dossier de presse.

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Sources : Dossier de presse.

UnAllemagne week-end en famille – 2013 – 1h28, de Hans Christian Schmid, avec Lars Eidinger, Corinna Harfouch, Sebastien Zimmier…

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Zero Dark Thirty

USA – 2012 – 2h29, de Kathryn Bigelow, avec Jessica Chastain, Reda Kateb, Joel Edgerton, Chris Patt…

Après Les Démineurs, le nouveau film de Kathryn Bigelow a déjà énormément fait parler de lui. On sait de quoi il s’agit : les dix années que dura la traque de Oussama Ben

Tableau d’une famille où tout ce qui ne s’est jamais dit explose brutalement et se dénoue de façon inattendue, lorsque la mère, Gitte, annonce à tous qu’elle a cessé de prendre les médicaments qui lui permettaient de se maintenir psychologiquement, lors d’un week-end de retrouvailles organisé par elle. Regard, comme toujours acéré, d’un réalisateur sur la société occidentale, auteur de Au loin les lumières, Requiem et La Révélation.

Laden vues au travers du regard obstiné de Maya, agent de la CIA, persuadée que tout le monde se trompe sur l’endroit où se cache le chef d’Al Qaida. Seule, poussée par la conviction d’avoir raison, elle va devoir résister à tous… On connaît aussi la polémique qui entoure le film : apologie de la torture ou non ? grand film ou simple thriller gonflé à la testostérone (avec tout de même un personnage féminin dans le rôle principal…) ? Une chose est sûre : il n’est pas besoin d’être très curieux pour être piqué d’une envie d’aller se faire sa propre idée. Sources : imdb.com

08 92 68 37 01 studiocine.com

Sources: dossier de presse.

Week-end Royal GB – 2013 – 1h35, de Roger Michell, avec Bill Murray, Laura Linney, Samuel West…

Juin 1939. Le Président Franklin D. Roosevelt attend la visite du roi George VI et de son épouse Elizabeth, invités à passer le week-end dans sa propriété à Hyde Park on Hudson. C’est la première visite d’un monarque britannique aux États-Unis et l’étrange mode de vie du président étonne les souverains. La Grande-Bretagne, qui se prépare à entrer en guerre contre l’Allemagne, a besoin du soutien de l’Amérique. Mais lors de ce Week-End Royal, Roosevelt, marié, se montre plus attiré par sa relation avec sa cousine Daisy que par les affaires internationales…

W

lundi 4 mars

danS le cadre du cinquantième anniverSaire deS cinémaS Studio

19h30

Psychose

lundi 18 mars 19h30

La Grande cité

de Alfred Hitchcock (1960) USA Noir et blanc 1h49

de Satyajit Ray (1963) Inde Noir et blanc 2h11

lundi 11 mars 19h30

lundi 25 mars 19h30

Le jeudi de Dino Risi (1963) It. Noir et blanc 1h45

Le Corbeau

de Roger Corman. USA, 1963, couleurs, 86 minutes

Soirée préSentée par louiS d'orazio. programme détaillé dans le dépliant disponible à l'accueil et sur www.cinematheque-tours.fr

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FILM DU MOIS

QUEEN OF MONTREUIL France – 2011 – 1h27 de Solveig Anspach, avec Florence Loiret-Caille, Didda Jónsdóttir, Eric Caruso, Samir Guesmi…

A

gathe est complètement perdue. Elle vient de récupérer les cendres de son mari, mort brutalement d’un stupide accident de moto en Thaïlande. De retour chez elle, à Montreuil, elle essaie de se raccrocher à ce qu’elle connaît et aime, son métier de réalisatrice. Mais comment faire pour tenir debout ? Elle ne parvient pas à ne pas transporter, partout avec elle, l’urne funéraire, et à déterminer ce qu’elle doit faire des cendres. Mais, même quand on touche le fond, la vie peut réserver des rebondissements. Ainsi, un couple d’Islandais en transit, entre la Jamaïque et leur île nordique ; une otarie dépressive et son gardien moustachu ; un grutier sympathique et un voisin jusque-là ignoré… vont faire irruption dans sa vie. Et un raton laveur ? En tous les cas, cette drôle d’énumération va être à l’origine pour Agathe, si ce n’est d’un nouveau départ, au moins d’une nouvelle façon d’appréhender sa vie. Après une quinzaine de documentaires et trois longs métrages de fiction, Solveig

Anspach, avec ce Queen of Montreuil, renoue d’une certaine façon avec la veine du réalisme poétique chère au cinéma français des années 30/40, tout en signant une comédie d’aujourd’hui : en effet, elle s’ancre dans la réalité de la crise, du chômage, filme une ville de banlieue, Montreuil (cadre qu’elle connaît bien, puisqu’elle y réside), un melting-pot de cultures, des personnages délirants, avec à la fois douceur, réalisme et loufoquerie, et crée un univers digne du trio belge Abel, Gordon et Romy (il y a pire comme référence !). En optimiste qu’elle demeure, envers et contre tout, la réalisatrice rappelle que si pour sortir de l’impasse, on ne peut compter que sur soi, savoir saisir les mains tendues, c’est aussi vivre. De tels messages, par les temps qui courent, sont forcément bons à prendre ! Sources : dossier de presse, première.fr, christoblog.net, pariscinema.org

FILMOGRAPHIE SUCCINCTE : Haut les cœurs ! (1999), Stormy Weather (2003), Les Européens (2004), Back Soon (2007)

LES CARNETS DU STUDIO – n°310 mars 2013 – 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - CPPAP n°0214 G 84305

www.studiocine.com – 08 92 68 37 01


En bref…

Ici. . . ` l’ÂGe de raiSon C’est LE réalisateur français capable du meilleur (si, si par exemple La Bonne année, Itinéraire d’un enfant gâté) comme du pire (ses dix derniers films n’ont pas laissé un souvenir impérissable), et sa personnalité, autant que son cinéma peuvent provoquer des allergies, néanmoins Claude Lelouch, envers et contre tous ses détracteurs, continue de faire tourner sa caméra. Avec Salaud, on t’aime !, il retrouvera Johnny Hallyday, quarante après L’Aventure c’est l’aventure. Le chanteur devra interpréter Jacques Kaminsky, photographe de guerre, qui aura préféré son métier à ses enfants, et qui, en vieillissant, finira par le regretter. Des nouveaux venus dans l’univers Lelouchien lui donneront la réplique : Eddy Mitchell, Sandrine Bonnaire, Christa Théret (Renoir), Irène Jacob et Valérie Kaprisky ! De bon augure pour classer ce film dans la liste des réussites du réalisateur ? ` l’acmé de l’acné Tout individu, plus ou moins précocement, entre dans l’adolescence et subit avec plus ou moins de bonheur les transformations et autres pics hormonaux caractéristiques de cette période. Tout le monde sauf Arnaud Mustier, sémillant avocat ET philosophe de 34 ans qui n’a jamais eu à subir les affres de l’âge ingrat ; enfin, jusqu’au jour où entre poussées d’acné et pulsions inconnues, il décide d’aller consulter un médecin et découvre qu’il est atteint de Late Teen Crisis Disorder, maladie rare, à l’origine chez les hommes d’une crise de puberté tardive. C’est Laurent Lafitte (dont le talent singulier est enfin considéré à sa juste démesure depuis ses prestations comme présentateur de la Nuit des Molières et comme médecin du « corps » sur France Inter dans À votre écoute, coûte que coûte) qui sera L’Adulescent emporté par ce tourbillon hormonal sous l’œil bienveillant de Tristan Séguéla. ` l’Homme moBile François Cluzet fait partie des rares comédiens sachant allier quantité et qualité ! Il peut tout jouer : jaloux morbide (L’Enfer), imbécile touchant (Quatre Étoiles), ex-taulard en proie à ses démons (Les Liens du sang), escroc magistral et pathétique (À l’origine), alcoolique en rémission (Le Dernier pour la route) ou tétraplégique (Intouchables), pour ne citer que quelques unes des prestations les plus marquantes du comédien. Mais pas d’inquiétude, il n’a pas utilisé toutes les cordes de son arc puisqu’on le verra prochainement dans l’uniforme de Toni Musulin, le convoyeur de fonds ayant détourné la bagatelle d’un peu plus de onze millions d’euros ; puis arborant ciré et barbe de loup de mer pour participer au Vendée Globe, dans En solitaire de Christophe Offenstein. ` prÊte-moi ta plume, pour écrire… auX mortS Suite à un drame personnel, Paul ne parvient

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plus à écrire de romans et décide de mettre sa plume au service de commanditaires pour des oraisons funèbres. Quand une jeune veuve lui demande de mettre en mots la vie de son défunt mari pour son petit garçon, Paul se rendra compte que les mots ont un pouvoir qu’il ne soupçonnait pas… Les Âmes de papier sera interprété par Nicolas Bedos (Populaire), Laura Smet et Jonathan Zaccaï et réalisé par Vincent Lanoo. (Au nom du fils).

et ailleurs. . . ` la raiSon du pluS flou Après le récent et fort bien accueilli À perdre la raison, Joachim Lafosse va de nouveau s’appuyer sur un fait ayant réellement eu lieu pour son prochain projet : la désastreuse affaire de l’Arche de Zoé fomentée au Tchad en 2007. Les Chevaliers blancs reviendra sur le projet (sincère, délirant ou malhonnête) de cette association humanitaire ayant organisé le départ d’une centaine d’enfants prétendument orphelins, pour les faire adopter en France. Peu d’informations circulent actuellement sur le sujet, mais on peut compter sur l’esprit incisif et sans concessions du réalisateur belge. ` Gentlemen camBrioleurS Excusez du peu, Louis Leterrier (Le Choc des Titans), réussit la prouesse de réunir sur la même affiche les noms de Woody Harrelson, Morgan Freeman, Michael Caine (un habitué des rôles de voleur et de magicien), Mark Ruffalo, Mélanie Laurent et José Garcia pour Insaisissables : une histoire de magiciens, surnommés Les Quatre Cavaliers, maîtres ès illusion et larcins de haute voltige, distribuant le fruit de leurs exploits au public. En passe d’atteindre le tour ultime de leurs braquages, tout en narguant les forces de l’ordre, ils vont devoir compter avec Interpol et le FBI et surtout un certain Thaddeus, éminent expert en magie, engagé pour mettre fin à leurs exactions. Suspense garanti ! ` famille nomBreuSe Dans l’échelle de la vie chez Wes Anderson, Mathieu Amalric commença par être un renard ; enfin pas n’importe lequel et pas n’importe comment puisqu’il prêta sa voix au Fantastic Mister Fox. The Grand Budapest Hotel va lui permettre de gravir un nouveau degré de cette échelle, en intégrant la grande et atypique famille de comédiens du réalisateur, et rejoindre : les piliers comme Bill Murray, Jason Schwartzman et Owen Wilson ; les habitués : Adrien Brody, Tilda Swinton (LA femme selon Anderson ?), Edward Norton, Harvey Keitel Willem Dafoe et Jeff Goldblum; mais aussi d’autres nouveaux venus tels que Jude Law, Ralph Fiennes et F. Murray Abraham ! Quant au thème de cette grande réunion de famille, c’est un peu plus flou ; on sait juste que cela se passera entre les deux guerres. IG

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Bande annonce

à propos de Une histoire d’amour

Europe et démocratie :

entre bureaucratie et dictature financière l’opacité : c’est ce qui caractérise dans cette période la gouvernance de l’Europe, dont les décisions ne permettent pas à la démocratie et aux peuples de se faire entendre. Les décisions prises fin septembre 2012 par le parlement européen sur les propositions législatives de gouvernance économique de la Commission européenne («six pack»), en lien avec le Pacte pour l´euro, sont un véritable déni de démocratie en accordant de nouveaux pouvoirs à la Commission et au Conseil pour sanctionner les États membres qui appliqueraient trop timidement ces mesures. Des règles et institutions bureaucratiques décideront de l’avenir des services publics, des retraites, des salaires... Ces propositions sont d´autant plus injustes que les acteurs financiers (notamment les banques) et les contribuables les plus riches, qui ont largement bénéficié des interventions des États pendant la crise financière, seront tout simplement dispensés de payer les coûts de la crise : elle rend nécessaire une réponse commune. Mais une telle coordination doit mettre les intérêts des habitants de l’europe, des salarié-e-s, et la protection de l´environnement au cœur

des décisions. Au lieu de cela, ce sont des mesures néo-libérales encore plus radicales qui sont aujourd’hui prises au service des intérêts financiers. Ces mesures conduisent dans tous les pays à l’aggravation de la situation économique, à la montée du chômage, à la mise en cause des acquis sociaux (services publics, protection sociale, droits des salariés,...). Le risque est de voir l’Europe basculer dans des dérives nationalistes et xénophobes, avec un repli sur des positions qui n’iront certainement pas vers plus de solidarité et de luttes contre les inégalités: les signes en sont tangibles, en l’absence de perspectives politiques qui offrent de véritables alternatives à la cupidité des marchés. Il faut d’urgence réformer les traités européens pour réduire l’importance des marchés financiers, desserrer l’étreinte qu’ils font peser sur les peuples et construire une véritable solidarité entre les pays, qui repose sur la coopération et l’harmonisation pour des politiques de progrès social. Thierry Foullon pour ATTAC

U

n homme, riche et puissant financier. Une femme, belle, peut-être vénale. Ils sont amants, à moins qu’il ne soit son client… Elle se révèle vite assez douée dans le rôle de la dominatrice, mais, en définitive, c’est tout de même lui qui tire les ficelles et qui, peut-être, domine leur relation de bout en bout, mais nous ne saurons jamais grandchose de plus sur eux ou sur leur relation, si ce n’est qu’elle finit par le tuer. On voit bien qu’il y a là tout ce qu’il faut pour faire un très mauvais film racoleur : du sexe (« du sexe pervers » de surcroît), de la mort, de la violence et de l’argent. Tout ce qu’il faut pour coincer le spectateur dans une position de voyeur, sommé d’assister aux turpitudes d’un (très) grand bourgeois aux mœurs somme toute quelque peu différentes de la majorité. Ce film, Une histoire d’amour, a souverainement déplu à une grande partie de la critique et les invités du Masque ont été, je crois, unanimes à le fusiller, formulant certaines critiques qui m’ont laissé très perplexe. Examinons-en deux. Les plus remarquables d’entre elles portaient sur le fait que Une histoire d’amour ne sente pas le soufre, le stupre ou je ne sais quoi d’autre, tandis qu’une autre regrettait que les personnages ne portent pas de nom (jusqu’au générique, où Laetitia Casta et Benoît Poelvoorde, sont nommés comme « La femme » et « L’homme ». Si, pour sa première réalisation cinématographique, Hélène Fillières a choisi d’adapter l’affaire Stern qui défraya la chronique en 2005, elle a délibérément refusé le sensationnel pour un sujet qui risquait pourtant de

bien s’y prêter. Pour ce faire, elle a adopté un point de vue presque clinique, structurant son récit éclaté autour de plans extrêmement soignés, à la fois glacés et glaçants, jouant de l’obscurité et du flou avec virtuosité. Les personnages n’ont donc pas de nom ! La belle affaire ! Ils en ont effectivement moins d’existence à quoi le spectateur pourrait s’identifier, sont ainsi tenus à bonne distance de nos affects, pour mieux nous permettre de les observer. De là découle également la seconde critique : l’absence de soufre ou de stupre. Mais ce choix est ici parfaitement logique et s’inscrit totalement dans cette idée décrite plus haut que ce récit nous tienne à distance, pour mieux nous laisser le temps de nous interroger ; car c’est précisément cela qui ressort du visionnement de Une histoire d’amour : nous repartons avec des questions bien plus que des réponses. Et, là encore, cela est totalement cohérent avec cette entrée de plainpied dans l’univers de ces personnages qui, peut-être, ne vivent pas leur relation comme une chose spécialement sulfureuse mais tout bonnement comme une histoire d’amour pas forcément plus « tordue » qu’une autre. En effet, aucune forme de moralisation ici, les mécanismes de la domination et d’une certaine forme de jalousie sont mis à nu sans aucune manière de jugement. Nous l’avons déjà dit : le spectateur repart avec pas mal de travail à faire pour s’efforcer de reconstituer les tenants et les aboutissants de l’histoire, une histoire qui risque de rester présente dans sa mémoire un certain temps… ER

NOUS EN REPARLERONS PROCHAINEMENT…

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Courts lettrages Foxfire de Laurent Cantet

Un gang ? Non, enfin pas au début, mais des filles insoumises, volontaires, idéalistes, qui ont précocement conscience que si elles veulent une place, il leur faudra la prendre : combat toujours d’actualité soixante après pour certaines femmes. C’est quand elles appliqueront à la lettre l’adage : « La fin justifie les moyens », qu’elles se perdront, dans tous les sens du terme. Si ces comédiennes non professionnelles sont toutes bluffantes, la magnétique Legs/Raven Adamson mérite une mention spéciale. IG Ces adolescentes contestataires m’ont touché au cœur. Leur rébellion contre le machisme et l’injustice sociale dans l’univers fictionnel des années 50 est toujours malheureusement d’actualité. Ces « sœurs de sang » sont aussi les miennes. MS

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Souvent jubilatoire, jamais ennuyeux, toujours très bien filmé, Foxfire continue à explorer l’un des thèmes préférés : les fonctionnements et dysfonctionnements des groupes. Ici, il y ajoute une solide dose d’énergie et d’humour, même si l’espoir n’est pas encore vraiment au rendez-vous. ER Ce nouveau film de Laurent Cantet m’a surpris. Après Entre les murs, je m’attendais à un opus consensuel sur les jeunes, les filles, la société, avec toute la morale de circonstance. Et puis non : le film est sobre, maîtrisé, se refuse à moraliser ou à insister lourdement. Comme les jeunes héroïnes, il reste léger, malgré la gravité du sujet. Les actrices sont remarquables de spontanéité tout en jouant très juste, on est vite conquis. Une belle réussite ! CdP

Laurent Cantet raconte que, dans les rencontres qu’il a faites avec son public, les femmes sont souvent enthousiastes, les hommes gênés. Et pourtant, quelle jubilation de suivre la magnétique Legs quand elle en met plein la tête aux machos, majeurs ou mineurs, violents ou violeurs ! Bien sûr, on sait la violence sans issue et c’est sans doute le destin des utopies de finir, hélas, dans un cul de sac et/ou dans le sang. DP

Changement de pays et de langue pour Laurent Cantet mais toujours le collectif et le dépassement des intérêts individuels pour un projet commun. Mais où le film est passionnant, c’est pour les questions qu’il pose et les réponses que ni les personnages, ni le réalisateur ne donnent. À savoir, le rapport à la sexualité de ce groupe de jeunes filles qui choisissent de vivre ensemble en n’acceptant aucun homme parmi elles. JF

Elles sont jeunes et en révolte contre l’Amérique blanche et machiste des années 50. Après Entre les murs, Laurent Cantet dissèque une nouvelle fois la dynamique d’un groupe d’ados en but à une société hostile. Le contexte et les protagonistes ont beau être éloignés, l’efficacité est toujours de mise. SB

Laurent Cantet filme la marginalisation de jeunes adolescentes exclues du système. Tel un entomologiste, il nous les montre sans les juger dans leur dérive sectaire (même si leur attitude est justifiée au départ) et leur descente aux enfers, victimes de leurs propres aspirations, dans cette grande tradition du cinéma naturaliste français. EC

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rencontre Pascal Mérigeau

Pascal Mérigeau aux Studio © Danièle lagaillarde

MONUMENTALISATION

avec Pascal MÉRIGEAU auteur du PORTRAIT SANS CALFATAGE* D’UN CAMÉLÉON

UN

CAMÉLÉON SUR UNE COUVERTURE ÉCOSSAISE OU COMMENT L’IDÉE D’UNE BIO-

Ceux qui ont osé affronter le frimas, en ce 18 janvier glissant et frigorifiant, se sont réchauffés en écoutant, avant et après la projection de La Règle du jeu, Pascal Mérigeau, conteur intarissable, critique de cinéma au Nouvel Observateur et écrivain, auteur de ce qui semble bien être la biographie définitive sur Jean Renoir. Cet ouvrage qui a nécessité plus de cinq années de travail, l’analyse d’une centaine de boîtes d’archives dont certaines totalement inédites, la rencontre avec les derniers témoins de la vie du Patron, ne constitue pas une énième hagiographie du Maître, mais dresse avec lucidité et affection, le portrait d’un homme pétri de contradictions et de mensonges, qui appliqua à la lettre la théorie de son Auguste de père : « Il faut se laisser porter dans la vie tel le bouchon au fil de l’eau ». Comme le souligne Pascal Mérigeau, si les films de Renoir sont ce qu’ils sont c’est que l’homme était ce qu’il était !

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GRAPHIE SUR JEAN RENOIR VINT À PASCAL MÉRIGEAU « Tous les portraits dessinés de lui sont séduisants mais quand on les rapproche, ça ne colle pas du tout. Quel était le bonhomme qui a fait des films si différents les uns des autres ? Il existe, concernant Jean Renoir, un fond d‘archives très important, pratiquement pas exploité, et finalement beaucoup de choses à découvrir, car il a tout le temps menti et ceux qui ont jusque-là écrit sur lui, se sont appuyés sur ses erreurs et ses mensonges. Son fils unique, Alain, décédé en 2008, s’étonnait que son père puisse déjeuner avec Maurice Thorez, puis dîner avec ses amis des Croix de Feu ! Vouloir être d’accord avec tout le monde, c’est ne pas avoir d’opinions. »

« Renoir a vécu avec trois femmes. Seule la dernière l’a connu vedette : elle en a tout gard ou presque. Grâce aux brouillons des mémoires de Renoir, on voit ce qu’on lui a fait couper, comme Truffaut, la phrase concernant le fait que Renoir cédait aux producteurs, aux acteurs, au public. Cette affirmation allait contre la politique de l’auteur défendue par les Cahiers du Cinéma. Renoir et Truffaut se rencontrent en 1954 : Renoir est au sommet, Truffaut n’est rien ; en 1973, c’est l’inverse. Truffaut est comme un second fils pour Renoir. Il veut se faire une place dans le cinéma. Renoir est toujours d’accord avec son interlocuteur. Pour des jeunes loups, c’est extraordinaire. La profession considérait que Renoir avait été grand dans les années 30 (cf La Chienne, Toni, Le Crime de monsieur Lange, La Grande Illusion, La Bête humaine, La Règle du jeu, ses chefs d’œuvre ont tous été tournés pendant cette décennie) mais pas depuis son installation aux EtatsUnis. Les Cahiers vont dire le contraire. Il était prêt à tourner avec n’importe quel acteur et n’importe quel sujet, ce qui est à l’inverse de l’image que l’on a de l’auteur de cinéma. Personne ne le dit car cela ne servait pas les intérêts de l’époque. »

DUVRAI À PARTIR DU FAUX ET DU FAUX À PARTIR DUVRAI « Jean Renoir a fabriqué toutes les anecdotes de sa vie. contrairement à ce que veulent faire croire ses admirateurs, il n’a jamais eu la double nationalité. Moins de six mois après son arrivée aux États-Unis, il parle de la France comme

son ex-pays. Il a découvert le cinéma par le cinéma américain (Chaplin, Griffith, Stroheim) et n’aime pas le cinéma européen. En 1940, il veut partir pour Hollywood mais écrit à Alfred Greven, responsable du cinéma pour le Reich, et dénonce violemment les producteurs juifs. Quand après la guerre, il expliquera les raisons son départ, il se calera sur la version de Fritz Lang et racontera qu’il est parti parce que les propositions des Allemands lui faisaient peur. Un réalisateur est un opportuniste, Renoir est le plus grand des opportunistes donc le plus grand des réalisateurs. Il faisait faire ce qu’il voulait aux acteurs, en appliquant ce que son père pensait des chevaux: « Tu les laisses faire ce qu’ils veulent, comme cela, ils font ce que tu veux ! » Jean aurait voulu être acteur, il va donc construire un personnage dans sa vie et devenir l’acteur de sa vie. »

LA RÈGLE DU JEU « C’est un des plus grands films de l’histoire du cinéma. À maints points de vue, il repose sur des mensonges : le film n’a pas été démoli à sa sortie et s’il y a eu échec commercial, c’est parce qu’il est sorti en juillet 1939 ! Quand Jean Renoir s’est rendu compte, lors des premières projections, que les spectateurs détestaient son jeu dans le rôle d’Octave, il a fait couper le film de dix à quinze

* Cf L’Aventure de Madame Muir de Joseph L. Mankiewicz : Mme Muir (Gene Tierney) écrit les mémoires d’un vieux loup de mer dont le fantôme qui hante sa maison l’exhorte à le faire « sans calfatage ». Gene Tierney et Mankiewicz ont chacun fait l’objet d’une biographie de Pascal Mérigeau. Les CARNETS du STUDIO

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rencontre Jacques et Lou Doillon

minutes, ce qui l’a rendu incompréhensible. Ce qui n’a pas plu non plus, c’est le côté « confessions intimes » du film : Renoir parle de son monde pour la première fois, celui de l’aristocratie dans lequel Octave évolue mais dont il n’est pas issu. Il était très fier d’avoir engagé une vraie princesse pour le rôle de la marquise de la Chesnaye. Fils de famille nantie, il n’avait pas besoin de travailler et menait une vie mondaine : ses fréquentations renforceront ses idées d’extrême droite. Renoir, comme dans La Grande illusion, déplore la fin d’un monde, celui du XIXe siècle. Le malentendu, c’est d’en faire un homme moderne. Ce film est aussi un bon descriptif de la société de l’époque : on continue à danser, alors que ça brûle ! Les personnages ne sont plus que des ombres sur les murs du château. Il parle de l’insouciance de cette société juste avant la guerre, ce qui n’est pas sans rappeler l’atti-

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à propos de Renoir

tude de la noblesse avant la Révolution ! La séquence de la fête, du point de vue de la mise en scène, relève de la virtuosité. Elle a été tournée en quinze jours, ce qui est proprement ahurissant. On a l’illusion de l’improvisation alors que tout était écrit.» S’il n’est pas possible de rendre compte dans ces pages de l’intégralité des propos de Pascal Mérigeau, on peut néanmoins écouter la captation de la première partie de son intervention, sur l’ « espace » Bibliothèque de notre site. Ces Rencontres depuis leur création, nous permettent de partager la passion de journalistes, critiques de cinéma, mais aussi de découvrir des affiches, des photos, des livres et autres documents savamment mis en évidence par l’équipe de la Bibliothèque ! IG

É

blouissement de la lumière méditerranéenne. Ivresse des couleurs. C’est ce qui saute aux yeux au premier abord : la beauté des images. Des femmes. De ce havre de paix, gynécée hors du temps, où débarque Andrée un beau jour. Elle est radieuse sur sa bicyclette, dans ses longues robes rouges. Nue, dans l’insolente beauté de son corps plein, de ses seins arrogants. Elle sera le modèle du vieux peintre Renoir et l’égérie du fils Jean qui cherche encore ce que pourrait être sa vie. L’arrivée au domaine de la belle Andrée donne le ton du film : dans l’insolence de ses vingt ans, elle se dit recommandée par la femme de Renoir… qui est morte depuis plusieurs années. Eros et Thanatos. L’ombre et la lumière. Le corps somptueux des femmes jeunes et celui, cacochyme, du vieillard qui les peint, tremblotant, dans la lumière dorée du jour et qui, la nuit, plonge dans l’horreur de sa prison de chairs déformées par l’arthrose. (« La chair, il n’y a que ça ! Si tu ne comprend pas, tu ne comprendras jamais rien ! » dit le vieil homme à son fils). La douceur de vivre dans une propriété hors du temps et des contingences où le vieillard pavane dans son trône portée par quatre femmes altières comme le chef d’une tribu ignorée et l’horreur de la première guerre mondiale, en arrière plan

monstrueux, avec ses soldats jetés sur les routes, ses cohortes d’éclopés, ses disparus, ses monceaux de cadavres pourrissant dans la boue d’un nord lointain. Les forces de la création contre celles de la destruction. Chacune des apparitions de Christa Théret est une illumination. Michel Bouquet est forcément parfait dans son rôle de patriarche bourru, accroché à son pinceau comme une vigie à son gouvernail. Vincent Rottiers, est subtil, en jeune homme démobilisé, que l’amour peu à peu remobilise. Pourquoi alors cette impression vague d’ennui persistant ? Parce que le récit manque singulièrement et paradoxalement de corps, d’affects, de nœuds narratifs ? Qu’une fois mis en place ce petit monde finissant, il ne se passe pratiquement rien ? Que le seul événement notable, la disparition d’Andrée, retrouvée par Jean au fond d’un lupanar, donne une scène qui manque pour le moins d’intensité dramatique (qu’on pense à la force vénéneuse des salons convoqués par Bertrand Bonello dans son Apollonide). Malgré les antinomies qui structurent le film, il se révèle plutôt lisse et assez plat. « Ma peinture ne s’explique pas, elle se regarde ! » s’exclame Auguste. Mais il faut bien avouer que je déteste sa peinture, ses natures, ses nus. DP

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interférences L’Homme qui rit

interférences Wadjda/Alceste à bicyclette

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i on ne peut que comprendre l’envie forcenée de Jean-Pierre Améris de procéder à une nouvelle adaptation du grand œuvre de Victor Hugo, L’Homme qui rit, on a davantage de difficulté à comprendre ce que sa lecture et ses choix esthétiques en ont fait. S’il revendique avoir voulu traiter l’histoire de Gwynplaine comme un conte gothique à la Tim Burton, le procédé ne fonctionne pas. Pourtant les images, les décors, les costumes sont beaux, mais contrairement à Edward aux mains d’argent ou à Batman : Le Défi, Jean-Pierre Améris ne parvient pas à provoquer l’émotion, à nous faire éprouver de l’empathie pour sa créature ; constat d’autant plus étonnant et regrettable, que c’est le même réalisateur qui est l’auteur des si sensibles C’est la vie ou Les Émotifs anonymes. Pourquoi au lieu de nous prendre aux tripes comme le Gwynplaine de Conrad Veidt dans la version muette de Paul Leni, en 1928, et faire réfléchir à la question, universelle, de la monstruosité, comme Freaks de Browning ou King-Kong de Cooper et Schoedsack, on en reste à l’anecdotique, au beau livre d’images, froides, plates, sans âme ? Est-ce le traitement numérique de la photo, les mouvements de caméra rappelant ceux du Pacte des loups de Gans ou du Vidocq de Pitof, la musique trop présente de S. Moucha (qui, par son inspiration « Elfmanienne », renforce, et pas à l’avantage du film, la réfé-

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rence à l’univers de Burton) ? Un peu de tout cela sans doute, mais il me semble que la raison véritable relève de la volonté de ne pas trop défigurer Marc-André Grondin, et de passer à côté de la figure emblématique de l’Homme qui rit, au sens propre du terme ! Certes ce Gwynplainelà arbore une cicatrice prolongeant la commissure de ses lèvres, mais il reste beau, à peine déformé. En conséquence, le grotesque de son visage n’est pas manifeste, et les moqueries, le rejet sous toutes ses formes ne sont pas crédibles ; il devient juste une sorte de poupée que l’on anime, maquille, coiffe, désire. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le talent du comédien : il fait avec ce qu’on lui donne à jouer ! Mais il est vrai, aussi, que lorsque l’on a vu la prestation de Veidt, il semble difficile voire impossible de l’égaler. Il y a quelque chose dans son regard, ses expressions qui est au delà de la performance d’un comédien : il devient l’image de la Souffrance, de l’Injustice, incarne le mythe de l’Innocence bafouée ! Ah les larmes dans les yeux de Gwynplaine et cette bouche qui continue à afficher cet insupportable sourire ! On souffre avec lui, comme on souffrira avec Elephant Man/John Hurt. L’humanité dans le film d’Améris nous est heureusement offerte sans compter par Depardieu/Ursus et Christa Théret/Déa, et cela fait du bien ! IG

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ans l’histoire du cinéma, le vélo a toujours été synonyme de liberté. Souvent anecdotique, il devient parfois un élément capital du film : qu’il soit la clé de l’intrigue – Le voleur de bicyclette –, le principal ressort comique – Jour de fête –, ou qu’il représente le bien le plus précieux au monde – Le gamin au vélo –… Deux films très récents mettent à nouveau le vélo à l’honneur : Wadjda et Alceste à bicyclette. Superbe image dès les premières minutes de Wadjda que celle de ce vélo vert flambant neuf filant en haut d’un mur. La jeune adolescente court et poursuit la voiture porteuse sur son toit de l’objet de ses rêves. Mais dans une société où une femme ne saurait faire du vélo – son honneur et sa vertu le lui interdisent – elle devra tout mettre en œuvre pour satisfaire son désir, qui n’est autre que celui de la conquête de sa liberté. Avec quelle détermination touchante elle s’entraine, chute et recommence sur la bicyclette de son jeune camarade Abdullah, à l’abri des regards adultes ! Elle gagnera même, grâce à sa formidable obstination, le concours de psalmodie du coran, livre qui selon l’interprétation qu’en fait la société dans laquelle elle vit, lui interdit précisément de faire du vélo. C’est également dés le début du film de Philippe Le Guay, qu’apparait juché sur un vélo, Serge, le reclus de l’île de Ré. Fabrice Lucchini incarne un comédien de théâtre classique, perfectionniste, fatigué du milieu complaisant du spectacle. C’est le vélo qui lui permet de fuir sa colère, sa lassitude, son ennui… et ses problèmes de tuyauterie !

Quand débarque Gauthier, vedette cathodique adulée, pour proposer à Serge de reprendre Le Misanthrope, ce ne sont pas seulement deux grands acteurs qui s’opposent dans des joutes verbales en alexandrins. Malgré la légèreté apparente des balades à bicyclette, la confrontation est aussi cycliste. Dans un premier temps, Serge est Alceste. Il s’attribue le bon vélo, celui qui a des freins, et tente de surpasser son rival sur les voies cyclables de l’île de Ré. Mais quand les rôles s’inversent, Gauthier devenu Alceste revendique de changer de monture. Cette fois, c’est Serge qui termine sa course dans l’eau, qui plus est sous les yeux de la belle Francesca. Indissociables de cet univers de coups bas, voire de sadisme, ces scènes prennent valeur de symbole. Elles témoignent de la férocité avec laquelle chacun successivement tente de prendre le pouvoir. Gauthier s’est donc vengé, mais sa jubilation sera de courte durée puisqu’incapable d’assumer sa haine, il s’écroulera de son incapacité à dire son texte devant un parterre de première… Et Serge reprendra son vélo pour dire « l’effroyable » face à la mer. C’est bien également, non seulement de liberté mais aussi de revanche dont il s’agit dans le film de Haifaa Al mansour. La dernière image furtive montre Wadjda rayonnante sur son vélo en train de doubler Abdullah dans la course qui les oppose. Elle s’est vengée de sa directrice qui « a donné à la Palestine » l’argent du vélo si durement acquis, de l’humiliation subie par sa mère et au-delà de toutes celles dont les femmes de son pays sont victimes. Même si tout laisse supposer que cette victoire sera, comme celle de Gauthier, éphémère. SB

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interférences La conquête/Pater/ L’Exercice de l’État/ Les Saveurs du palais/ Le Grand retournement

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Les zo ms du président D

eux nouveaux présidents seront sur les écrans américains cet automne, un Abraham Lincoln (par Spielberg) et un Franklin Roosevelt (joué par Bill Murray). Il faut dire que le cinéma made in USA a toujours eu un amour particulier pour les personnages présidentiels : plus de 650 films depuis le début de l’histoire de son septième art ! En tête, Lincoln avec 130 apparitions, suivi de Washington 70, Grant 47, Jefferson 46… les deux derniers totalisant déjà 36 apparitions pour George Bush Jr et 26 pour Barack Obama !1

Pendant longtemps, la fonction présidentielle n’a pas semblé intéresser la fiction hexagonale. Il aura peut-être fallu attendre l’hyper présidentialisation de l’ère Sarkozy pour voir en 2011 deux films aussi différents que La Conquête de Xavier Durringer et Pater de Alain Cavalier – tous les deux en compétition officielle au Festival de Cannes – convoquer comme figure centrale celle du président de la République française. Le film de Cavalier est une sorte d’Ovni, répétition d’un film qui ne se fera jamais entre le réalisateur/président et l’acteur/premier ministre et une réflexion enjouée sur le pouvoir, sur la représentation (politique et de la réalité). La Conquête voulait retranscrire au plus près de la réa-

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lité de l’élection de Nicolas Sarkozy ; malgré la très convaincante composition de Denis Podalydès, le film de Xavier Durringer s’est avéré particulièrement décevant, sans doute parce qu’il refuse de prendre parti et que, enfilant les petites phrases dont les média se nourrissent, il finit par devenir une sorte de variation sentimentale sur la solitude au sommet de l’État. L’excellente surprise venait du deuxième long-métrage de Pierre Schoeller, lui aussi sur la Croisette ; L’Exercice de l’État, un brillant exercice de style mené sur un rythme de polar et où Olivier Gourmet, en ministre des transports, nous faisait pénétrer tout en subtilité dans les arcanes du pouvoir. Ou comment il faut abandonner une à une ses convictions successives pour arriver enfin tout en haut. La séance initiale, hypnotique, restera longtemps dans les mémoires des spectateurs citoyens : une jeune femme arrive nue sous les ors de la République puis s’avance, à quatre pattes, vers la bouche ouverte d’un crocodile.

Weber dans le mystérieux Fais-moi plaisir d’Emmanuel Mouret). C’est au tour du politiquement jamais correct Gérard Mordillat avec Le Grand retournement de nous donner à voir sa comédie du pouvoir. Pouvoir politique intimement lié au pouvoir économique dans une mise en scène décapante. Dans le décor changeant d’une usine désaffectée pour cause de délocalisation, un petit monde s’agite : un quatuor de banquiers, un actionnaire, un trader, des conseillers, un président. Le propos est à la farce et le ton est féroce mais limpide, la démonstration, en alexandrins, grand détournement de la langue de la bourgeoisie. A quoi ça rime ? La crise enrichit les riches et ruine les pauvres. Pourquoi filmer le pouvoir en action(s) ? Mordillat pourrait reprendre les propos des PinçonCharlot : « La suprématie aérienne de la haute finance, bien au-dessus de l’économie réelle, empêche d’identifier l’ennemi, puissant mais insaisissable. Ce sont les marchés qui

attaquent. Mais qui sont les marchés ? La force de frappe est impressionnante, mais on ne sait d’où vient le coup. Ce combat incertain exige que soient dévoilés les moyens et les méthodes de l’adversaire. Pour le vaincre, ne faut-il pas le connaître ? »2. La fascination pour les intrigues des palais est peut-être aussi le symptôme du gouffre grandissant entre le peuple et ceux qui le représente dont il nous parlait dernièrement.3 Cette exploration des figures du pouvoir ne va pas s’arrêter là puisque Bertrand Tavernier, le talentueux réalisateur qui nous fera l’honneur de parrainer les 50 ans des Studio vient de finir de tourner Quai d’Orsay, adaptation d’une bande dessinée de Blain et Lanzac. Le ministre des affaires étrangères y aura les traits de Thierry Lhermitte. DP 1 Slate.fr 2 Le

Président des riches (La Découverte – 2011). la rencontre avec G. Mordillat pages 30-31

3 Voir

Puis la galerie de figures présidentielles a continué du côté de la comédie avec le peu attendu Jean d’Ormesson dans Les Saveurs du palais de Christian Vincent (après un non moins surprenant Jacques

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Rencontre Gérard Mordillat

était-ce une volonté d’Être pédaGoGique ?

Ce samedi 12 janvier, le Studio 7 était plein : qui eût cru qu’un film en alexandrins puisse ainsi déplacer un tel public ? Le réalisateur, en tout cas, n’a pas boudé son plaisir, précisant que, si c’était la première fois qu’il venait aux Studio, ce ne serait certainement pas la dernière. Puis il a souhaité aux nombreux spectateurs une bonne année et que 2013 puisse rimer avec (17)93 ! Après avoir lu une introduction versifiée (en parlant d’ « un humour qui raillait les puissants de la thune »), il nous a souhaité une bonne projection, précisant que tout le débat qui suivrait devrait avoir lieu… en alexandrins !

pourquoi avoir cHoiSi touS ceS aleXandrinS pour parler de la criSe, deS BanquierS SouverainS ? Pour une raison très profonde selon Gérard Mordillat, une idée empruntée à Frédéric Lordon (Son ami économiste qui a écrit la pièce de départ) : « Nous vivons dans la prison du langage qu’a imposé le système néo-libéral. Une novlangue digne d’Orwell : un plan de licenciement devient un plan pour sauver l’emploi, on parle de coût du travail comme si le travail ne rapportait rien, les responsables syndicaux sont devenus des “partenaires sociaux” ! Nous vivons dans la réalité d’un langage imposé par les média et qui nous étouffe. Clausewitz le disait déjà : il ne faut jamais parler avec la langue de l’adversaire. Toute révolution invente son langage.

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Utiliser l’alexandrin permet de retourner la langue de la bourgeoisie pour se donner des armes. Aucun des nombreux écrits de Frédéric Lordon n’avait la force de ce léger décalage. Je l’ai lu avant qu’il soit publié et je lui ai dit tout de suite qu’aucun sagouin ne ferait l’adaptation pour le cinéma, sauf moi ! Il était également extrêmement tentant de prendre quelque chose d’aussi peu cinématographique… il faut alors forcément s’en échapper, réinventer ! La forme de départ était faite pour être lue avec de très longs monologues. J’ai fait une adaptation avec des rôles puis j’ai retravaillé avec les acteurs pour retrouver leur parole. Il fallait que ce soit un plaisir d’acteurs pour devenir un plaisir de spectateurs. Comme toujours avec moi, il y a eu de nombreuses lectures, de nombreuses répétitions. »

« Une des vertus de l’alexandrin est que nous le comprenons mais nous ne le parlons pas. Le léger décalage affute notre écoute. Pour mieux comprendre, il fallait rendre la chose la plus souple et la plus élégante possible. La matière de Lordon était magnifique, un coffre aux trésors dans lequel nous pouvions puiser. » avez-vouS eu BeSoin d’emprunter auX BanquierS ? « C’est la première fois que la productrice, Véra Belmont, a investi son propre argent. Nous savions qu’aucune filiale télévisuelle n’investirait dans ce film. Il y avait là une adhésion à la fois politique et artistique. Le film s’est fait avec un tout petit budget de 450 000 €. Tous les acteurs ont tourné avec le minimum syndical. Ils étaient prêts à travailler pour rien… J’ai été touché par vos applaudissements car une nouvelle aventure commence : nous ne sommes soutenus par personne. C’est un film de combat avec de l’humour. » eSt-ce que l’uSine en ruineS S’eSt impoSée d’emBlée ? G. Mordillat avait pensé à une tour moderne, brillante, par exemple à la Défense, mais cela le rendait très dépendant des conditions météos alors qu’il voulait donner tout le temps aux acteurs. « L’usine en ruines fonctionnait sur le plan

Gérard Mordillat aux Studio © Nicole Joulin

métaphorique mais ce décor permettait également de maîtriser l’esthétique du film… Il montrait aussi le vase clos du monde de la politique et de la finance. Du gouffre qui s’élargit sans cesse entre le peuple et ses représentants. » un Spectateur S’eSt dit jouer leS trouBle-fÊte face au plaiSir priS devant le froid cyniSme de ce monde d’enfoiréS :

« Ce qui m’intéresse, c’est de filmer les responsables de la misère sur laquelle se penchent les documentaires et qui les enferment dans une économie de misère. Mon premier film avec Nicolas Philibert s’appelait La Voix

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Rencontre Gérard Mordillat

de son maître et interrogeait 12 dirigeants d’entreprises. La vertu des films qui s’occupent du pouvoir, c’est qu’ils permettent aux spectateurs d’exercer leur esprit critique. Le cinéma sur les exclus devient vite compassionnel ; soit on pense qu’on a de la chance, soit on se sent coupable. Face aux banquiers, face au pouvoir politique, chacun de nous est sommé de prendre position. Si cela advient, j’ai réussi mon coup. » avez-vouS fait pour cHoiSir leS acteurS ?

comment

Le critère fondamental était de savoir dire des alexandrins (ce qui n’est pas donné à tout le monde !) Mais c’était avant tout un

Vos critiques

engagement artistique, intellectuel, politique : « Tous ensemble, comme on dit dans les manifestations. » Et quelle manifestation : Weber, Morel, Baer, Mille, Murillo ! Avant d’aller signer son tout dernier roman : Ce que savait Jennie, boire un verre dans le hall (le Fouquet’s a brûlé devant les émeutiers !), Gérard Mordillat a donné la réponse à cette devinette qu’il avait proposée à tous les spectateurs en début de soirée : trouver l’alexandrin boiteux… de onze pieds et qui est bien… de lui ! Personne n’a trouvé : c’était le tout début des vœux présidentiels présents dans le film : « Française, français, coucou me revoilà. » DP

le roi du curlinG de Ole Endresen Burlesque et loufoque, filmé au grand angle, c’est bien de commencer l’année par une franche rigolade qui ne sera pas forcément du («bon») goût de tout le monde. Monsieur HR populaire de Régis Roinsard J’ai adoré ce petit bijou de cinéma plein de fraicheur et de finesse avec une Déborah François éblouissante et un Romain Duris excellent. […] NT Le film joue allégrement avec les stéréotypes de l’époque et rend aussi hommage à la modernité de la société d’aprèsguerre. […] Populaire est un film qui enchante : par sa reconstitution des années 60, sa légèreté, sa justesse dans les rapports humains (de pouvoir, d’influence, de force, de courage, de tendresse, d’ambigüité amoureuse… ). […] Tristan leS BÊteS du Sud SauvaGe de Benh Zeitlin Un film surprenant, déroutant, on se trouve en permanence à surfer sur des vagues d’ennui et des ondes de bonheur. Cette enfance plongée dans la dureté de l’existence et sa perpétuelle insécurité heurte la sensibilité de chacun. Trop facilement à mon goût. On a parlé de Terrence Malick à son sujet, pas d’accord, le lyrisme de l’américain est bien plus porteur. Au final, plutôt déçu mais content de l’avoir vu… Gugalène

On se laisse emporter par ce «conte». Les personnages sont épatants. On nous parle d’amour, d’amitié, de la vie et de la mort, d’écologie… en mêlant émotions, poésie, fantaisie. Atmosphère un peu surréaliste avec une musique envoûtante. CP tHe maSter de Paul Thomas Anderson Merci à Paul Thomas Anderson de nous avoir épargné une énième reconstitution biographique en faisant l’économie d’une explication sociologique et historique. Sa mise en scène, seule suffit à nous faire voir et ressentir cette relation ambigüe qui sous-tend tout le film: non réduite à une simple relation maître-disciple, celle-ci se révèle éminemment plus complexe au sein d’une secte dont on nous laisse finalement peu voir hormis à travers le regard des deux hommes qui retiennent toute l’attention. A cet égard, Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman (aussi !) crèvent tous deux l’écran et c’est lorsqu’ils se partagent la réplique que le film atteint une intensité rare (cf. la scène de «l’interrogatoire»). Les deux personnages, qui tour à tour se déchirent ou s’attirent, restent finalement en proie à une profonde solitude : l’un à cause de sa névrose et l’autre de sa mégalomanie. Il est difficile de savoir alors lequel des deux domine l’autre ou s’ils ne l’ont jamais été. LN Des scènes longues, des scènes incommodantes, des scènes inutiles (ou obscures) et des scènes longues, incommodantes et inutiles. Beaucoup trop long pour le peu qui y est dit. Gros travail de Joaquin Phoenix, néanmoins. Rubrique réalisée par RS

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