04.05 au 31.05 2016

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ISSN 0299 - 0342

CINÉMAS STUDIO : 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS

N°345 • Mai 2016

NUIT DES STUDIO samedi 11 juin (voir page 3)


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Mai 2016 - n° 345

Édito CNP

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Partenariat Cinémathèque : Orson Welles

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6

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Animation Bibliothèque : soirée western Aucard de Tours, soirée Cinéma bis

Pour permettre au public une plus grande fréquentation de ses collections (les plus riches de région Centre), la bibliothèque propose de nouveaux horaires.

Horaires d’ouverture : lundi : de 16h00 à 19h45 mercredi : de 15h00 à 19h45 jeudi : de 16h00 à 19h45 vendredi : de 16h00 à 19h45 samedi : de 16h00 à 19h45 FERMETURE PENDANT LES VACANCES SCOLAIRES

LES FILMS DE A à Z En bref

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Bande annonce, François Tosquelles

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16 17

Cafétéria des Studio gérée par l'association AIR (chantier d'insertion),

accueille les abonnés des Studio tous les jours de 16h00 à 21h45 sur présentation des cartes abonné et cafétéria.

À propos de

Louis-Ferdinand Céline

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19

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22

Festival de Cinéma asiatique de Tours Courts lettrages

Des nouvelles de la planète Mars À propos de

The Revenant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

Tél : 02 47 20 85 77 Les STUDIO sont membres de ces associations professionnelles : EUROPA REGROUPEMENT DES SALLES POUR LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPÉEN

AFCAE

Interférences

Anomalisa/Ce sentiment de l’été . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET ESSAI

À propos de

ACOR

Les Ogres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

ASSOCIATION DES CINÉMAS DE L’OUEST POUR LA RECHERCHE

À propos de

(Membre co-fondateur)

Un vrai faussaire

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À propos de

La Sociologue et l’ourson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Vos critiques

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Jeune Public

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GNCR GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE

ACC ASSOCIATION DES CINÉMAS DU CENTRE (Membre co-fondateur)

FILM DU MOIS : Red Amnesia GRILLE PROGRAMME

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pages centrales

Prix de l’APF 1998

Site : www.studiocine.com page Facebook : cinémas STUDIO

LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS - 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - Mensuel - Prix du numéro 2 €. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Sylvie Bordet, Isabelle Godeau, Jean-François Pelle, Dominique Plumecocq, Éric Rambeau, Roselyne Savard, Marcelle Schotte, André Weill, avec la participation de la commission Jeune Public. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Rambeau – MISE EN PAGES & EN IMAGES : Francis Bordet. ÉQUIPE DEgraphique RÉALISATION contribue : Éric Besnier, Guérineaude – DIRECTEUR : Philippe Lecocq – IMPRIMÉ par PRÉSENCE GRAPHIQUE, Monts (37) Présence à Roselyne la préservation l’environnement et atteste être reconnu IMPRIM’VERT.


éditorial

Clap de lancement pour la 32e Nuit des Studio. Elle aura lieu le samedi 11 juin à partir de 18h et jusqu’à l’aube pour les cinéphiles les plus acharnés !

toute la nuit : des plus drôles aux plus dramatiques, avec un large choix dans les genres cinématographiques, les époques et les pays. Il y en aura pour tous les goûts… Vous découvrirez la programmation complète de cette longue nuit dans les Carnets de juin mais les plus impatients pourront la consulter prochainement sur notre site (www.studiocine.com) ou sur notre page Facebook.

À partir de 18 heures le 11 juin, vous serez alors libres de déambuler dans le complexe, de salle en salle, de film en film, de buffet en buffet, d’animation en animation, d’acquérir l’affiche rare dont vous rêviez depuis longtemps ou de tester vos connaissances cinématographiques en participant au jeu What the movie… Libres également de partir quand vous voulez, de revenir (après un petit somme ?) 1

© FRANCIS BORDET 2016

répartis sur l’ensemble du 15 films complexe se partageront les écrans

Et si vous réussissez à garder votre bonne humeur jusqu’au petit matin, nous vous offrons le p’tit déj !

Côté pratique : les habitués le savent, il studiocine.com n’y aura pas la programmation de la semaine ce soir-là et il Si vous hésitez encore, parlez-en aux est nettement préférable de prendre son inconditionnels qui, année après année, pass à l’avance (1 000 places seulement s’y donnent rendez-vous. Ces derniers disponibles dans le complexe) afin d’évi- évoqueront à coup sûr le plaisir de (re)voir ter la cohue des dernières heures et de des films culte sur grand écran, de décourisquer de manquer la première séance… vrir des perles rares, d’échanger leurs Ces derniers seront mis en vente à l’ac- impressions avec des amis ou de parfaits cueil des Studio dès le mercredi 18 mai inconnus, de goûter les spécialités culiau même prix que les années précédentes naires préparées par les associations par– abonnés aux Carnets : 13 €, non abon- tenaires des Studio à des prix très doux, nés : 19 €. Pour bénéficier du tarif réduit, de partager dans les salles et en extérieur vous pourrez prendre votre carte prin- de vrais moments de convivialité. SB temps/été. Les CARNETS du STUDIO n°345 – Mai 2016 –

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du 25 au 31 mai

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SEMAINE

2016

Prostitution : en marche vers l’abolition 1h35’ VF

SURVIVANTES DE LA PROSTITUTION CNP jeudi 52’

de Hubert Dubois Débat en présence de Claire Quidet, porte parole du Mouvement du Nid

20h00 C

I

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E

KUNG FU PANDA 3 de Jennifer Yuh

1h34’

À suivre.

LE VOYAGE DE FANNY

lundi ZORBA LE GREC 19h30 2h22’ de Michael Cacoyannis

14h15 2h10’ 17h00 19h15 21h45 14h15 1h38’ 17h00 21h15 14h15 19h30

À suivre.

ELLE

de Lola Doillon

1h26’ VF

ROBINSON CRUSOÉ

de Paul Verhoeven

mercredi samedi dimanche

mercredi samedi dimanche

Decheman & The Gardener 18h00 À suivre. 1h20’ VF

CAFÉ SOCIETY de Woody Allen

FLESH GORDON 19h30

de Howard T. Ziehm, Michael Benveniste

1h35’ VF

RE ANIMATOR de Stuart Gordon

A

T

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Q

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Hommage à Orson Welles

1h27’

critique à Critikat après la séance.

14h15 1h44’ THE LADY

IN THE VAN

19h45 14h15 17h45 19h45

MEN & CHICKEN

2h02’

À suivre.

MA LOUTE

de Anders Thomas Jensen

de Bruno Dumont

14h15 20h45

3h10’

IN JACKSON HEIGHTS de Frederick Wiseman

1h50’

KAILI BLUES de Bi Gan

17h15 21h30 17h30 21h30

1h32’

19h15

LA VACHE de Mohamed Hamidi

www.studiocine.com

Le film imprévu www.studiocine.com

Cases orangées : programmation Jeune Public: voir pages 34 et 35

46’ Sans paroles

MINOPOLSKA 2

14h15 SAUF

lundi mardi

16h00 SAUF

de divers réalisateurs

lundi mardi

LES MALHEURS DE SOPHIE

17h15

1h47’

de Christophe Honoré

Mr HOLMES

EVERYBODY WANTS SOME ! de Richard Linklater

14h30 19h45 14h30 19h30

THÉO & HUGO DANS 17h30 LE MÊME BATEAU 21h30 de Olivier Ducastel & Jacques Martineau

1h24’

LES HABITANTS de Raymond Depardon

PAULINA

19h15 14h15 19h15

17h15 21h15

1h37’ 1h57’

14h15

MAGGIE A UN PLAN de Rebecca Miller

de Bill Condon

1h47’

À suivre.

1h44’

Concert : JEUDI

1h38’

de Santiago Mitre

de Sharunas Bartas

14h30 19h30

de Hubert Viel

1h44’

21h45 19h00

LES FILLES AU MOYEN ÂGE

de Nicolas Hytner

1h43’

PEACE TO US IN OUR DREAMS

2016

1h28’

1h28’

1h48’

CHALA UNE 14h30 ENFANCE CUBAINE 19h15 de Ernesto Daranas

M

17h15 21h15

Concert gratuit

1h37’

É

mardi 2h’ CITIZEN KANE 19h30 21h45 LA SPLENDEUR DES AMBERSON

dimanche

de Pedro Almodovar

N

14h15

À suivre.

JULIETA

I

lundi DAME DE SHANGHAI 19h30 LA Rencontre avec Clément Graminies

17h30

de Vincent Kesteloot

C

du 4 au 10 mai

1

SEMAINE

1h30’

MONTANHA

UN ADOLESCENT À LISBONNE de Joao Salaviza

1h29’

1h25’

D’UNE PIERRE DEUX COUPS de Fejria Deliba

SUITE ARMORICAINE 21h00 de Pascale Breton

1h35’

REMEMBER de Atom Egoyan

1h56’

RED AMNESIA de Wang Xiaoshuai

17h45 21h45

2h26’

VENDEUR

de Sylvain Desclous Vendredi 6 rencontre avec le réalisateur après la projection de 19h45

17h30 21h45

21h45

Le film imprévu www.studiocine.com

Toutes les salles des Studio sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Cinémas Studio – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


SEMAINE

CNP jeudi

20h00 C

I

N

lundi 19h30

du 11 au 17 mai

2 60’

de Cécile Denjean

Débat en présence de 2 membres du comité Pièces et Main d’œuvre É

M

2h03’

+

A

T

H

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Q

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E

de divers réalisateurs

46’ Sans paroles

PANDORA

MINOPOLSKA 2

de Albert Lewin

de divers réalisateurs

CAFÉ SOCIETY de Woody Allen

mer-sam dim-lun

MONSTRES PAS SI MONSTRUEUX

16h00

EVERYBODY WANTS SOMES !

mercredi samedi dimanche lundi

mercredi 1h44’ jeudi

17h45 21h45

THE LADY IN THE VAN

de Bill Condon

À partir de vendredi

14h15 17h00 19h15 21h30

2h02’

MA LOUTE de Bruno Dumont

www.studiocine.com

I

N

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M

1h56’

RED AMNESIA de Wang Xiaoshuai

1h38’

JULIETA de Pedro Almodovar

17h15 21h15 mardi

19h45 21h45

1h30’

LES HABITANTS

19h45

1h24’

VENDEUR de Sylvain Desclous

17h45 21h45

1h38’

14h15 MAGGIE A UN PLAN 17h00 de Rebecca Miller Le film imprévu www.studiocine.com

Cases orangées : programmation Jeune Public: voir pages 34 et 35

A

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Carte blanche à l’association Henri Langlois Hommage à Manoel de Oliveira

lundi 35’ EN UNE POIGNÉE DE MAIN AMIES

19h30

14h15

samedi à 14h15

17h45 LE VOYAGE 19h30 + DE FANNY mer-sam-dim

de Lola Doillon

16h00

1h40’ VO

HANA & ALICE MÈNENT L’ENQUÊTE

17h15

de Shunji Iwai

de Manoel de Oliveira et Jean Rouch

L’ÉTRANGE AFFAIRE ANGÉLICA de Manoel de Oliveira Soirée présentée par Jean-Pierre Touati

+

mer-sam-dim

de Fejria Deliba

COURT 14h30 1h56’ (EN INSTANCE) 19h30 de Chaitanya Tamhane

C

2016

1h34’

Débat avec Élodie Vieille-Blanchard, présidente de l’AVF et Hervé Bédouet de l’Association Restons fermes

20h00

14h15 1h38’ 17h45 19h45 21h45

1h25’

D’UNE PIERRE DEUX COUPS

ÉLEVAGE INTENSIF 52’ ATTENTION DANGER de Frédérique Mergey

17h30 21h45

de Raymond Depardon

14h15 19h30

CNP jeudi

1h35’

Mr HOLMES

de Nicolas Hytner

14h30 1h55’ COMME DES LIONS 19h30 de Françoise Davisse

Les Fermes usines : tous victimes !

VO 17h30

1h44’

de Joao Salaviza

jeudi

16h00

HANA & ALICE MÈNENT L’ENQUÊTE VF 14h15

de Richard Linklater

14h15 1h30’ MONTANHA 19h45 UN ADOLESCENT À LISBONNE mercredi

16h00

mercredi samedi dimanche lundi

1h40’

de Shunji Iwai

mercredi 1h57’ jeudi

mercredi samedi dimanche lundi

du 18 au 24 mai

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SEMAINE

41’ VF

UN HOMME PRESQUE PARFAIT

14h15 1h37’ 17h45 19h45 21h45

14h15

2016

JULIETA de Pedro Almodovar

16h00

Rencontre sur le thème du western Rencontre avec Gilles Menegaldo Dédicace de son livre : Le Western et les mythes de l’Ouest

2h21’

RIO BRAVO

Vendredi

18h00 19h00 19h30

de Howard Hawks

14h15 1h37’ CAFÉ SOCIETY 17h45 de Woody Allen 21h45 14h15 2h02’ MA LOUTE 17h00 de Bruno Dumont 19h15

1h27’

EVA NE DORT PAS 17h15 de Pagblo Aguero

21h30

LES HABITANTS

21h45

1h24’

de Raymond Depardon

2h26’

14h15 LES BOIS DONT LES 19h00 RÊVES SONT FAITS de Claire Simon

1h56’

COURT (EN INSTANCE)

21h30

de Chaitanya Tamhane

14h30 19h15

1h59’

MOBILE ÉTOILE de Raphael Nadjari

1h55’

TRIPLE 9 de John Hillcoat

21h30

1h44’

19h45

Mr HOLMES de Bill Condon

Le film imprévu www.studiocine.com

Tous les films sont projetés en version originale (sauf indication contraire)

Cinémas Studio – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


Partenariat Cinémathèque-Studio

jeudi 12 mai - 20h00 ATTAC, Fondations Sciences Citoyennes, Les Amis du Monde Diplomatique et le CNP proposent :

L’HOMME AUGMENTÉ, POUR QUOI FAIRE ? Cyborg, homme augmenté… un monde nouveau se découvre chaque jour plein de promesses, voire d’espérance lors d’accidents ou de maladie. Le transhumanisme travaille aussi à fabriquer une nouvelle espèce d’homme-machine, sorte de super-humain dit « augmenté », des cyborg échappant à la maladie et à la mort, à la faiblesse et à la faillibilité… Jusqu’à créer un homme aux super capacités intellectuelles et physiques. Pour quoi faire ? Quels dangers ? Après le film Un homme presque parfait de Cécile Denjean (2009 – France - 60’), débat en présence de deux membres du Comité Pièces et Main d’œuvre, de Grenoble.

jeudi 19 mai - 20h00 Le CNP, l’AVF (Association Végétarienne de France) et Restons Fermes proposent :

LES FERMES USINES: TOUS VICTIMES ! « La façon dont une nation s’occupe des animaux reflète fidèlement sa grandeur et sa hauteur morale ». À des années-lumière de la pensée de Gandhi, nos sociétés, emballées dans le gigantisme et le productivisme, invitent les investisseurs voraces du capitalisme globalisé à imposer l’industrialisation de l’élevage, dont le symbole est la ferme usine. Dérive lourde du système fou actuel, elles détruisent l’environnement, les petits éleveurs, induisant une immense détresse paysanne. L’animal-machine, dans ces goulags animaliers où règne le morbide, produit dans la souffrance la nourriture low-cost. Comment justifier l’aspirateur à poulets ou le broyeur de poussins vivants, machines honteuses du tout-profit ? Qui maltraite les animaux maltraitera les hommes. Nous devons revoir le contrat qui nous lie aux animaux que nous mangeons, sortis récemment

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– Les CARNETS du STUDIO

n°345 – Mai 2016

des « biens meubles » dans le code civil. Sortir de l’élevage industriel, retourner aux petites exploitations à circuit court, respectueuses de la vie et de l’environnement, ne serait-il pas la solution ? Film : Élevage intensif : attention danger de Frédérique Mergey (2014 – France – 52’). Suivi d’un débat avec Élodie Vieille-Blanchard, présidente de l’AVF et Hervé Bédouet de l'Association Restons Fermes.

jeudi 26 mai - 20h00 Le Mouvement du Nid, Osez le féminisme ! 37, le CIDFF et le CNP proposent :

PROSTITUTION : EN MARCHE VERS L’ABOLITION. Lorsque clients et proxénètes sont des hommes à 99% et la majorité des personnes prostituées des femmes, il apparaît clairement que le système prostitueur est un pur produit de la domination masculine. Quand on dit «mon corps m’appartient», on se bat pour le droit à disposer de son propre corps. Pourtant au 21e siècle, les clients prostitueurs continuent à disposer du corps d’autrui en toute impunité. En France, l’Assemblée nationale a adopté le 6 décembre 2011 une proposition de résolution qui réaffirme la position abolitionniste de la France, reconnaissant que les personnes prostituées sont dans leur grande majorité victimes d’exploitation sexuelle, et mettant en avant la responsabilité des clients. Cette proposition est actuellement en discussion, à quand l’abolition ? Film : Survivantes de la prostitution d’Hubert Dubois (2014 - France - 52’). Suivi d’un débat en présence de Claire Quidet, porte-parole du Mouvement du Nid

Figure exceptionnelle, après des débuts fracassants à la radio (l’adaptation radiophonique de La Guerre des mondes, c’est lui, à 23 ans) Orson Welles fut successivement une sorte de petit prodige (Citizen Kane, réalisé à 25 ans, fut immédiatement considéré comme un grand film et, aujourd’hui encore, est très généralement décrit comme l’une des œuvres les plus marquantes du 7e art, une de celles qui posent les bases d’un langage) puis un artiste maudit dont les projets, toujours très ambitieux, ne voyaient jamais le jour ou bien n’accouchaient que dans la douleur. Il fut aussi acteur et homme de théâtre et s’est attelé à plusieurs adaptations cinématographiques de Shakespeare (Othello, Falstaff, LUNDI 9 MAI – 19H30

La Dame de Shanghai USA – 1947 – 1h27, de Orson Welles, avec Orson Welles, Rita Hayworth, Everett Sloane

Après qu’il l’a sauvée d’une agression, M. O’Hara est embauchée par la riche et belle Elsa Bannister, dont le mari, riche, vieux et légèrement handicapé semble bien peu se soucier. C’est alors que l’associé de Bannister propose à O’Hara de tuer son patron en échange d’une grosse somme d’argent... Dans La Dame de Shanghai Welles nous offre un superbe tandem avec Rita Hayworth, pour servir une intrigue très noire portée par une mise en scène d’une extrême élégance et invention (ah... la scène du Palais des glaces...) ER Lundi 9 mai, après La Dame de Shanghaï, rencontre avec Clément Graminies, critique à Critikat.

MARDI 10 MAI – 19H30

Citizen Kane USA – 1941 – 1h59, de et avec Orson Welles et Joseph Cotton, Dorothy Comingore, Agnes Moorehead…

Années 40. Dans son manoir de Xanadu, le milliardaire Charles Foster Kane laisse échapper rosebud dans son dernier souffle. Cet ultime mot confère à la fin de ce magnat de la presse un certain mystère. Le journaliste Thompson part à la rencontre de ceux

CINÉ-DÉBAT : FRANCOIS TOSQUELLES 1912 – 1994, PSYCHIATRE, CATALAN, MARXISTE.

21H45

La Splendeur des Amberson USA – 1946 – 1h28, d’Orson Welles, avec Joseph Cotten, Tim Holt, Anne Baxter…

Nous sommes dans une petite ville américaine à la fin du 19e siècle. Isabel Amberson, la fille d’un notable, a épousé un industriel dont elle a eu un fils, George. Devenue veuve, elle retrouve son seul amour, Eugène Morgan, veuf également, qui a fait fortune dans l’automobile. Mais George, jeune homme tyrannique, gâté et arrogant, s’oppose à leur union au nom de l’honneur. Splendeur est le mot qui convient pour ce film sorti un an après Citizen Kane, qui l’aura éclipsé. Mise en scène virtuose et d’une grande modernité, noir et blanc somptueux, intrigue passionnante : Welles traque les faux-semblants, les passions, la noirceur de l’âme humaine. Cette chronique de la décadence, juste et cruelle, est de surcroit interprétée avec une grande classe, Joseph Cotten en tête. SB

Soirée bibliothèque – vendredi 20 mai Rencontre sur le thème du western 18h00 : Rencontre avec Gilles Menegaldo, Professeur émérite de littérature américaine et de cinéma à l’Université de Poitiers ; auteur de plusieurs livres sur la littérature fantastique et de SF anglosaxonne, le cinéma hollywoodien et les films de Woody Allen.

jeudi 2 juin - 20h00 La Bibliothèque Pour la Psychanalyse à Tours et le CNP proposent :

qui ont côtoyé Kane, dressant par flashbacks un portrait croisé de cet homme mégalomane et impressionnant. Un film d’anthologie avec Welles incarnant lui-même Kane ! Un film qui pose toutes les bases du cinéma moderne ! RS

19h00 : Dédicace de son livre Le Western et les mythes de l’ouest. 19h30 : Projection en salle du film Rio Bravo.

Rio Bravo USA – 1959 – 2h21, de Howard Hawks Avec John Wayne, Dean Martin, Ricky Nelson

Un shérif se trouve à devoir arrêter un homme tout aussi méprisable que méprisant. Le frère de cet homme, riche éleveur local, lève alors une sorte de mini-armée pour empêcher qu’il soit jugé. Dans son combat pour la justice, notre héros va devoir compter sur l’aide d’un adjoint alcoolique, un vieil homme peu en forme, une tricheuse professionnelle et un jeune tireur d’élite... Classique d’entre les classiques du western, Rio Bravo est un concentré de tout ce qui fait l’attrait du western ! Les CARNETS du STUDIO n°345 – Mai 2016 –

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Dimanche 29 mai, RADIO BÉTON 93.6 présente

La soirée Cinéma bis du Festival Aucard de Tours avec Nanarland.com 18h • DECHEMAN & THE GARDENER Concert gratuit dans la cour des Studio (duo batterie/orgue garage groovy psychédelique)

Bref, la finesse est au rendez vous de cette parodie incontournable du sérial SF!

19h30 • FLESH GORDON

1985 de Stuart Gordon USA 1h20 VF 35mm

1974 de Howard Ziehm et Michael Benveniste USA 1h20 VF 35mm

Librement adapté d’une nouvelle de Lovecraft, Reanimator est l’histoire d’un étudiant en neuro sciences qui crée une formule permettant de réanimer les morts. Evidemment, tout neuroscientifique qu’il est, il n’a pas lu ses classiques, il ne sait donc pas que les morts vivants se comportent en général tous comme des gros zombies pas très sociables... Reanimator est un classique bien ficelé de la comédie gore, et c’est fou ce qu’on peut faire comme gags avec une tête coupée mort-vivante...

découverte de ce qu’il y a en chacun de ses personnages que ce film est qualifié par Télérama de « film essentiel », « grand bol d’imaginaire » et d’ajouter que Claire Simon « fait du documentaire une expérience de cinéma mille fois plus emballante que bien des fictions qu’on peut voir. »

21h45 • RE-ANIMATOR Quand le maléfique empereur Wang de la planète Porno arrose la Terre de son terrible Rayon Sexuel, tous les terriens deviennent des obsédés sexuels... Pour remédier à cela, le Professeur Jacull, Flesh Gordon et Dale Ardeur décollent à bord d’un godemichet spatial pour Porno, où ils affronteront le terrible Pinosaure (et autres monstres animés à l’ancienne en stop motion), des légions lesbiennes et des robots équipés d’une grosse... vrille...

Chaque séance sera précédée et suivie des cuts Nanarland.com, le pire du cinéma mondial... Le PASS 2 séances: 10€ / 8€ pour les adhérents studios, en prévente aux Studio à partir du 14 mai.

w w w . s t u d i o c i n e . c o m Sur le site des Studio (cliquer sur : PLUS D’INFOS, pour entrer dans la fiche film), vous trouverez des présentations signées des films que les rédacteurs auront vus après leur sortie en salle. Les fiches non signées ont été établies de manière neutre à partir des informations disponibles au moment où nous imprimons.

Les films de A à Z www.studiocine.com AVANT LES FILMS , DANS LES SALLES , AU MOIS DE MAI : Living Being de Vincent Peirani (Studio 1-2-4-5-6) • Doni Doni de de Erik Truffaz Quartet (Studio 3-7) Musiques sélectionnées par Éric Pétry de RFL 101.

Séance Ciné-ma différence : Le Voyage de Fanny (VSTF), samedi 21 mai - 14h15

A

Les Bois dont les rêves sont faits France – 2015 – 2h24, de Claire Simon

Grande documentariste, Claire Simon n’a pas son pareil pour mettre du documentaire dans la fiction (Les Bureaux de Dieu, 2008 ; Gare du nord, 2013) ou de l’émotion dans le documentaire (Récréations, 1993 ; Coûte que coûte, 1995). Cette fois, elle a choisi de porter

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– Les CARNETS du STUDIO

n°345 – Mai 2016

sa caméra dans le bois de Vincennes... Les portes de Paris, on y trouve bien sûr des joggers et des cyclistes ou des familles avec poussettes et piques-niques ; mais aussi des prostituées (l’une d’elles a sa chambre, là, délimitée par quelques arbres), des pêcheurs, des solitaires... bref tout un monde à qui Claire Simon rend justice, dans une image superbe et avec un sens de l’humain et de la

Sources : telerama.fr ; unifrance.com

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Café Society

USA – 2016 – 1h37 de Woody Allen,avec Kristen Stewart, Jesse Eisenberg, Steve Carrel, Blake Lively…

Même s’il est un habitué du festival de Cannes (14e participation), Woody Allen n’aime pas la compétition. C’est donc une nouvelle fois hors compétition que sera projeté en ouverture son dernier film – comme l’avaient été Hollywood ending en 2002 et Midnight in Paris en 2011. Le très prolifique et talentueux réalisateur new-yorkais, nous plonge cette fois ci dans l’univers d’Hollywood dans les années 30. Il raconte l’histoire d’un jeune homme qui débarque dans les célèbres studios alors en plein essor, dans l’espoir de travailler dans l’industrie cinématographique. Bien sûr il tombe amoureux, et se retrouve plongé dans l’effervescence de la Café Society, club d’artistes et de mécènes qui a marqué cette époque. Avec ce flash back évoquant une période que le réalisateur affectionne et un casting de choix, nul doute que ce Café Society sera comme taillé pour l’événement cannois qui se veut le rendez-vous du glamour et du cinéma exigeant. Nous aurons la grande chance de le découvrir en même temps que les spectateurs du festival !

Chala, une enfance cubaine Cuba – 2014 - 1h48, de Ernesto Darana, avec Armando Valdes Freire….

Chala raconte les tribulations d’un garçon que l’alcoolisme de sa mère met en danger, seul dans une ville où les inégalités se creusent (La

Havane) et qui ne peut compter que sur les efforts d’une institutrice, Carmela, qui semble bien seule à revendiquer encore les idéaux de Fidel et du Che, héros d’une révolution oubliée… Derrière ce portrait d’un enfant de 12 ans, le réalisateur dessine en filigrane celui d’une dictature à bout de souffle, d’un pays coincé entre misère, émigration et pesanteurs bureaucratiques. Plutôt que la noirceur et le désespoir, il choisit la gouaille et l’énergie de son jeune héros, « le bouillonnement de l’enfance, ce torrent de promesses qui déborde des salles de classe dans les rues… On pense sans cesse à L’Argent de poche, de Truffaut : même vivacité, même relation salvatrice entre un gosse malmené et son prof, même fraîcheur naturaliste, des frasques entre copains aux amours naissantes. Et surtout même réponse ouverte, impertinente, gorgée d’espoir, à la violence du monde des adultes. » Chala a été couvert de prix dans de nombreux festivals. Sources : télérama.fr – lemonde.fr

Comme des lions France – 2015 – 1h55, de Françoise Davisse

En 2011, l’usine PSA d’Aulnay emploie 3 000 personnes dont 400 intérimaires lorsque la direction décide la fermeture de l’usine. Parmi ces salariés, bien peu pourraient prétendre au titre d’expert en économie et pourtant, tous ensemble, ils vont lutter pour y voir clair dans les déclarations de la direction. C’est à cette lutte exemplaire que Françoise Davisse nous convie, c’est là qu’elle est allée porter sa caméra, dans les AG, les manifs, partout où, pendant deux ans de lutte et quatre mois de grève, ces hommes et ces femmes se sont organisés, ont réfléchi et tenté d’infléchir le cours des choses. Un documentaire exemplaire pour une lutte qui l’a été tout autant. Sources : dossier de presse ; lesinrocks.fr ; telerama.fr

Les CARNETS du STUDIO n°345 – Mai 2016 –

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Court (en instance) Inde – 2015 – 1h56, de Chaitanya Tamhane, avec Vivek Gomber, Geetanjali Kulkarni , Pradeep Joshi…

Dans les égouts de Bombay, on retrouve, noyé,

le corps d’un ouvrier municipal. La police arrête alors Narayan Kamble. Chanteur contestataire intouchable, il est accusé d’avoir incité l’homme au suicide par l’une de ses chansons politiques. Le procès qui s’ensuivra, véritable dédale kafkaïen en Inde sera l’occasion de faire apparaître au grand jour les tensions qui déchirent l’Inde moderne. Arrestations arbitraires, témoins sous pression, corruption, conditions de travail... le tout jeune réalisateur (27 ans) n’épargne rien ni personne. Sources : themoviewaffler.com, abusdecine.com

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D’une pierre deux coups

Algérie – France – 2014 – 1h23, de Fejria Deliba, avec Milouda Chaqiq, Brigitte Roüan, Myriam Bella, Zinedine Soualem, Slimane Dazi et Samir Guesmi...

À 75 ans, Zayane n’est jamais sortie de sa cité depuis son arrivée en France. Lorsque Zayane, 75 ans, apprend la mort d’un homme qu’elle a connu longtemps auparavant et s’entend dire que l’homme a laissé une boîte pour elle, cette vieille femme (qui n’est jamais sortie de sa cité depuis son arrivée en France) s’échappe le temps d’une journée pour aller chercher la boîte en question. En attendant qu’elle revienne de cette mystérieuse expédition, ses enfants (tous les 10!) se réunissent et, petit à petit, découvrent que leur mère n’a peut-être pas toujours mené la vie qu’on lui imaginait... Actrice (chez J. Rivette, Ducastel et Martineau, A. Vitez ou bien encore M. Charef), F. Deliba a voulu réaliser « le portrait d’une famille française d’origine algérienne (…) entre road movie et quête initiatique (…) une journée qui va remodeler tout l’équilibre de cette famille. Sources : dossier de presse, franceculture.fr, unifrance.org

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– Les CARNETS du STUDIO

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Elle

France 2016 2h10, de Paul Verhoeven, avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny, Virginie Efira, Charles Berling...

rue, continue de vivre dans les idéaux de milliers de personnes qui l’ont adoptée comme une mère de l’insurrection. C’est le cauchemar vivant des militaires et des néolibéraux. Elle est l’oiseau Phénix qui revient éternellement pour nous rappeler que tant qu’il n’y a pas de justice sociale, il n’y aura pas de paix possible. »

E

Peu de films peuvent s’enorgueillir de faire couler beaucoup d’encre avant même leur diffusion. Elle est de ceux-là. Il faut dire que la personnalité de son réalisateur est horsnormes et qu’il a eu l’habitude de défrayer la chronique, de ses premiers films en Hollande (Spetters, Le Quatrième homme), à sa reconnaissance internationale aux États-Unis (Basic instinct, Total recall). Et comme on était sans nouvelles de lui depuis le superbe Black book en 2006, c’est dire si l’attente est grande. Elle est adapté de Oh... de Philippe Djian et porté par une magnifique distribution avec à la clé un nouveau rôle marquant pour Isabelle Huppert. Le synopsis annonce effroi et sensualité à travers le personnage de Michèle, une femme à la main de fer, patronne d’une grande entreprise, dont la vie bascule le jour où elle se fait agresser chez elle. Retrouvant le mystérieux inconnu elle se met alors à le traquer en retour. Un jeu trouble et qui peut facilement dégénérer s’installe alors...

Sources : dossier de presse.

Everybody wants some USA – 2016 – 1h56, de Richard Linklater, avec Blake Jenner, Glen Powell, Tyler Hoechin.

Il y a un an, on pouvait découvrir Boyhood, un film unique sur la famille et le temps qui passe, en suivant pendant 12 ans, entre son enfance et sa majorité, le jeune Mason, sa sœur et sa mère. Si Everybody wants some est comme la suite spirituelle de Boyhood, il s’apparente d’avantage à l’un des films devenus « culte » du réalisateur, Génération rebelle, qui racontait les aventures d’étudiants dans leur université en 1975. Nous sommes maintenant en 1980 et allons suivre les tout derniers jours de vacances de Jake, qui va entrer en fac, dans une équipe de base-ball. Alcool, filles, musique et drogues sont au menu des derniers jours avant la rentrée universitaire. Ils ne sont pas toujours très futés, aiment bien arborer des moustaches assez ridicules, mais, visiblement, le réalisateur les aime beaucoup... Et vous ? Vont-ils vous toucher ou vous irriter ? ER

Sources : dossier de presse

Éva ne dort pas

Argentine – 2016 – 1h27, de Pablo Agüero, avec Gabriel Garcia Bernal, Denis Lavant…

En 1952, à 33 ans, la femme du président argentin Eva Perón meurt d’un cancer. Eva est un véritable mythe, à la fois haïe et adulée. Un spécialiste est chargé de l’embaumer. Mais les coups d’état se succèdent et les militaires enlèvent son corps (qui sera caché par le Vatican) car ils veulent détruire jusqu’au souvenir d’Evita. Le film de Pablo Agüero, comme une sorte de Vertigo politique, raconte l’âme et la politique argentine à travers les yeux d’une morte. Le film commence le jour de sa mort et finit 25 ans plus tard… lors de son enterrement. « C’est une femme qui, même morte et dispa-

F H

Les Filles au Moyen Âge Voir pages Jeune Public

Les Habitants

France – 2015 – 1h24, de Raymond Depardon, avec les habitants des villes...

Du nord au sud, de Charleville - Mézières à Nice, de Sète à Cherbourg, je pars à la ren-

contre des Français pour les écouter parler. J’ai aménagé une vieille caravane et j’invite des gens rencontrés dans la rue quelques minutes auparavant à poursuivre leurs conversations devant nous, en toute liberté. C’est ainsi que le célèbre photographe et documentariste Raymond Depardon parle de son dernier documentaire. Après Reporters (1981), Faits divers (1983), Urgences (1988), Délits flagrants(1994), 10ème chambre(2004), La Vie moderne(2008), Depardon donne la parole aux habitants des villes sur leurs préoccupations, la famille, le chômage, l’amour. Des thèmes éternels. Gageons que nous passerons un beau moment en leur compagnie !

Hana et Alice mènent l’enquête Voir pages Jeune Public

In Jackson Heights USA – 2015 – 3h10, de Frederick Wiseman.

I

C’est à Jackson Heights, l’un des quartiers les plus cosmopolites de New York (167 langues y sont parlées, nous dit-on) que Frederick Wiseman, vétéran du cinéma documentaire (il est né en 1930), est allé poser sa caméra pour y révéler les lignes de tension qui traversent et les solidarités qui soudent ce qui pourrait être vu comme un laboratoire de mixité (« Nous sommes le quartier le plus diversifié du monde », dit un Monsieur bien habillé, responsable du centre communautaire local avant de préciser que, lorsque la première Gay Pride (baptisée Queens’ Parade) y fut organisée il y a 22 ans, c’était le seul quartier new yorkais à pouvoir accueillir ces différences. Comme toujours, il refuse le commentaire et la voix off et préfère se fier au montage et aux personnes filmées pour donner forme et sens à son film. Et ça marche ! ER

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J

Julieta

Espagne – 2016 – 1h38, de Pedro Almodovar, avec Emma Suarez, Adriana Ugarte, Rossy de Palma…

Julieta, professeure âgée de 55 ans, décide d’écrire à sa fille Antia tout ce qu’elle a gardé secret depuis 30 ans. Des années 80 qui furent les meilleures de sa vie à sa vie actuelle, catastrophe sans solution où elle tente de survivre au bord de la folie… Une fois sa confession écrite, Julieta ne sait pas quoi en faire car elle est sans nouvelle de sa fille depuis 12 ans, depuis qu’elle l’a quittée à 18 ans… Elle continue à la chercher par tous les moyens mais ne finit par découvrir que la distance qui les sépare… Pour son 20e long-métrage, le réalisateur madrilène revient à un drame sombre et intimiste, moins baroque que certains de ses films précédents. Julieta (qui s’est longtemps appelé Silencio) « parle du destin inéluctable, du complexe de culpabilité et de ce mystère insondable qui fait que nous abandonnons les personnes que nous aimions, que nous les effaçons de notre mémoire comme si elles n’avaient jamais rien signifié. Et de la douleur que cet abandon engendre chez la personne qui en est victime. » Les deux actrices Adriana Ugarte et Emma Suarez joueront Julieta en 1985 et en 2015. Sources : dossier de presse

Filmographie sélective : Matador (85), Talons aiguilles (91), La Fleur de mon secret (95), Tout sur ma mère (99) Volver (06), La piel que habito (11)

K

Kaili Blues Chine – 2015 – 1h50, de Bi Gan, avec Feiyang Luo, Lixun Xie, Yongzhong Chen ...

À Kaili, dans la province chinoise du Guizhou, le médecin Chen Seng décide de quitter la clinique dans laquelle il travaille. Il veut accomplir le dernier vœu de sa mère décédée : retrouver le fils que son frère a abandonné. Il s’embarque pour un long périple et passe par Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

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– Les CARNETS du STUDIO

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la curieuse ville de Dangmai. Là, il fait l’expérience de vivre son passé, le présent et l’avenir... Bi gan, le réalisateur, est aussi poète et c’est ce traitement poétique de la vie qui renverse. Kaili Blues parle beaucoup de personnages qui remontent le temps, retrouvent le passé, lui font des offrandes. C’est un film surprenant, étrange, onirique et pourtant ancré dans la réalité. Premier film du jeune Bi Gan pas encore trentenaire, il a été doublement primé au festival de Locarno et au Festival des 3 Continents.

Les Malheurs de Sophie France – 2016 – 1h46, de Christophe Honoré, avec Anaïs Demoustier, Golshifteh Farahani, Muriel Robin, Caroline Grant…

Sources: dossier de presse.

Kung Fu Panda 3 Voir pages Jeune Public

Maggie a un plan

USA – 2013 – 1h32, de Rebecca Miller, avec Greta Gerwig, Ethan Hawke, Julianne Moore…

Maggie, célibataire new-yorkaise en mal d’enfant, pense avoir tout prévu : à cause de son incapacité à rester longtemps en couple, elle aura recours à l’insémination artificielle. Mais elle rencontre John, professeur d’anthropologie et écrivain, dont elle tombe éperdument amoureuse bien qu’il soit déjà père de deux enfants et mal marié avec l’excentrique Georgette. L’enfant viendra, mais Maggie a alors un autre plan… Le cinquième film de Rebecca Miller rompt avec le sérieux de ses œuvres précédentes – The ballad de Jack and Rose (2006), Les vies privées de Pipa Lee (2010). On nous annonce une tranche de vie irrévérencieuse de membres de l’intelligentsia de la côte est américaine parfaitement névrosés, servie par d’excellents acteurs et qui adopte un ton moqueur dans la veine de Woody Allen. Sources : dossier de presse.

Les fiches paraphées correspondent à des films vus par les rédacteurs.

M

Incapable de résister à la tentation de l’interdit, Sophie adore faire des bêtises avec son cousin Paul et ses deux amies, les petites filles modèles. Mais un départ à l’étranger se transforme en tragédie, la vie de Sophie ne sera plus jamais la même... L’histoire est connue, la surprise c’est d’en voir une nouvelle adaptation signée Christophe Honoré (Les Chansons d’amour, Non ma fille tu n’iras pas danser). À la fois relecture et fidèle transcription, comptons sur lui pour avoir réalisé un film étonnant et s’adressant à tous. Il a pour cela convoqué un casting haut de gamme et assez détonant, Anaïs Demoustier, Golshifteh Farahani et Muriel Robin en horrible Madame Fichini. Et, chic, à la musique on retrouve le fidèle et talentueux Alex Beaupain. Sources : Dossier de presse

Voir pages Jeune Public

Ma Loute

France – 2015 – 2h, de Bruno Dumont, avec Juliette Binoche, Valeria Bruni-Tedeschi, Fabrice Luchini…

Dans la baie de la Slack, en cette année 1910, les habitants de cette région du Nord ont peur : les disparitions se multiplient. Et le fait que l’enquête soit confiée à l’Inspecteur Machin n’est pas fait pour les rassurer, ce dernier donnant manifestement des signes de… démence ! Suite à la disparition de Billie, benjamine de la famille Van Peteghem, grands bourgeois lillois, et celle de Ma Loute, fils aîné d’une famille de pêcheurs, deux mondes n’ayant, a priori, rien en commun vont se rencontrer… Qui l’eut cru ? Bruno Dumont, le réalisateur de L’Humanité, réalise une comédie et pour ce grand changement, a mitonné un scénario aux allures de conte horrifique, drolatique et grinçant Pour interpréter cette partition burlesque, il a choisi de s’entourer de pointures du cinéma (alors que générale-

ment, il préfère travailler avec des comédiens non professionnels) : dans les images disponibles du film, F. Luchini, V. Bruni-Tedeschi et J. Binoche sont méconnaissables. Jamais on ne les a vus, jusqu’alors, dans un registre aussi délirant ! Et c’est jubilatoire ! Sources : dossier de presse, premiere.fr, lavoixdunord.fr

Filmographie sélective : La Vie de Jésus (1997), L’Humanité (1999), Twentynine Palms (2003), Camille Claudel 1915 (2013)

Men and Chicken

Danemark – 2015 – 1h44, de Anders Thomas Jensen, avec Mads Mikkelsen, David Dencik, Nicolas Bro…

Après la mort de leur père, deux frères, Elias, impulsif et obsédé, et Gabriel, plutôt craintif, découvrent qu’ils ont été adoptés. Malgré leurs différences et leurs désaccords, ils décident de partir ensemble rencontrer leur père biologique, Evelio Thanatos. Celui-ci est un généticien qui mène ses expériences loin de tous, sur une île mystérieuse. À leur arrivée, Elias et Gabriel découvrent une étrange fratrie et des origines familiales qui ne le sont pas moins ! Anders Thomas Jensen, réalisateur des films Adam’s apples (2005) et Les Bouchers verts (2003), est aussi scénariste, notamment pour Lars von Trier et Suzanne Bier. Avec Men and chicken, il nous propose une comédie dramatique noire et très décalée, empruntant au monstrueux et au fantastique, provoquant bien des rires grinçants, mais pas seulement. À découvrir, un Mads Mikkelsen inattendu ! Source : dossier de presse, critique-film.fr, avoiralire.com, lejournaldessorties.com.

MinoPolska 2 Voir pages Jeune Public

Mobile étoile

France/Canada – 2016 – 1h59, de Raphaël Nadjari, avec Géraldine Pailhas, Luc Picard, Felicia Shulman

Hannah est une Française vivant à Montréal avec son pianiste de mari, Daniel, et son fils. Les CARNETS du STUDIO n°345 – Mai 2016 –

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Passionnée de musique liturgique, elle dirige avec Daniel une chorale spécialisée dans l’exhumation et l’interprétation de chants sacrés juifs oubliés du XVIe au début du XXe siècle. Mais les difficultés s’accumulent : subventions qui tardent, mécène quittant le Canada, menaces d’expulsion du local de répétitions… Surviennent alors deux événements qui vont tout remettre en question : le recrutement d’Abigail, jeune chanteuse douée mais fragile, et l’arrivée de Samuel, l’ancien professeur d’Hannah, avec une partition très rare. Après un début un peu austère, quasi documentaire, le film se construit peu à peu autour du magnifique personnage d’Hannah, qui donne apparemment à Géraldine Pailhas le plus beau rôle de sa carrière. Sources : dossier de presse.

continuer à croire à l’humanité malgré les risques encourus dans sa vie et son corps. »

Mr Holmes

GB/USA - 2015 - 1h43, de Bill Condon, avec Ian McKellen, Milo Parker, Laura Linney…

Sources : next-liberation.fr – arte.com – culturaelpais.com

En 1947, cela fait bientôt quarante ans que Sherlock Holmes a pris une retraite tranquille dans le Sussex. Ses seules compagnies sont sa gouvernante et le fils de celle-ci, et des abeilles dont il prend soin avec le perfectionnisme qu’on lui connaît. Une retraite tranquille, donc. Enfin apparemment, car à 93 ans, même si son cerveau n’est plus aussi véloce et que son cher ami Watson n’est plus là pour le seconder, il ne veut pas mourir sans avoir trouvé la clé d’une affaire remontant à plus de cinquante ans. Des pièces de ce puzzle non résolu continuent à le hanter… Bill Condon adapte le roman de Mitch Cullin, Les Abeilles de Monsieur Holmes, et nous donne à voir une face méconnue du fameux détective.

Peace to us our dreams

Lituanie – 2015 – 1h47, de Sharunas Bartas, avec Ina Marija Bartaité, Lora Kmieliauskaite, Sharunas Bartas...

Un père, sa fille et sa compagne partent dans leur maison de campagne située entre forêts et lacs, au cœur d’une nature luxuriante. L’harmonie recherchée va être troublée par un jeune garçon et d’étranges voisins... Le cinéma de Sharunas Bartas (Few of us, Indigène d’Eurasie, The house) en effraie beaucoup, et pourtant Peace to us in our dreams vaut sacrément le détour. Le réalisateur n’a pas abandonné son exigence mais il se fait nettement plus narratif que précédemment. Du coup, si le film reste aussi picturalement somptueux que les précédents, il se suit beaucoup plus facilement et, de plus, se montre très touchant. Il contient aussi un magnifique hommage à Katerina Golubeva, la compagne et muse disparue qui était la mère de la jeune actrice du film dont le père n’est autre que... le réalisateur lui même. JF

Sources : dossier de presse, cinenews.be, cinebel.be

Montanha, un adolescent à Lisbonne Portugal – 2015 – 1h30, de João Salaviza, avec David Mourato, Maria João Pinho, Rodrigo Perdigão...

Canicule à Lisbonne, David, 14 ans cherche un peu de fraîcheur, il cherche aussi comment faire face à un monde qui lui est très contraire : son grand-père va mourir, sa mère vit à Londres, ses résultats scolaires sont mauvais et la fille qu’il aime est convoitée par un autre... De fait, David de vra se retrouver dans le rôle de « l’homme de la maison »... Livré un peu à lui-même, il a tout devant lui pour que les semaines qui s’annoncent soient celles de la liberté ; mais les choses ne sont jamais simples... Pour son premier long métrage, très largement salué par la critique, J. Salaviza n’a pas choisi la facilité mais une certaine forme d’âpreté et, surtout, la beauté, beauté et poésie des images et des cadres qui nous aspirent dans le quotidien de David.

Monstres… pas si monstrueux Voir pages Jeune Public

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– Les CARNETS du STUDIO

n°345 – Mai 2016

Paulina

Argentina – 2015 – 1h43, de Santiago Mitre, avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez…

À 28 ans, Paulina décide de renoncer à une brillante carrière d’avocate pour aller enseigner au fin fond de l’Argentine, malgré l’opposition de son petit ami et de son père, un juge puissant de la région. Peu de temps après son arrivée, elle est violemment agressée par une bande de jeunes… qui se révèlent être certains de ses élèves. Malgré l’ampleur du traumatisme, Paulina va-t-elle rester fidèle à ses idéaux ? Scénariste aguerri, notamment pour Pablo Trapero, Santiago Mistre a été révélé grâce au succès de son premier long-métrage autoproduit El Estudiante, remarqué à Locarno en 2011 et couvert de prix autour du monde. Il continue à interroger le militantisme estudiantin et l’obstination de son personnage principal tout en refusant tout didactisme. Il a reçu le Prix de la semaine de la critique au dernier festival de Cannes et la présidente du jury Ronit Elkabetz a déclaré qu’il les avait impressionnés « avec les questions qu’il posait et la façon qu’avait la protagoniste de

P R

Red Amnesia Film du mois voir au dos du carnet

Remember

Canada/Allemagne - 2015 - 1h35, d’Atom Egoyan, avec Christopher Plummer, Martin Landau, Bruno Ganz…

Zev a 90 ans et réside dans une maison de retraite. Il souffre de démence sénile et alterne périodes de lucidité et pertes de mémoire. Se réveillant en appelant sa femme, on lui apprend, de nouveau, qu’elle vient de décéder. Lors de ses obsèques, Max, un de leurs vieux amis, lui remet une lettre destinée à lui rappeler la promesse qu’il a faite à la défunte : retrouver l’ultime Nazi, encore en vie, responsable du massacre de leur famille. Quatre per-

sonnes aux États-Unis sont répertoriées sous le nom de Rudy Kurlander, la nouvelle identité d’Otto Wallisch. Zev prend la route pour exécuter sa vengeance… Dans ce film relevant, à la fois, du thriller psychologique, du road movie et du drame métaphysique, Christopher Plummer est absolument exceptionnel ! Sources : dossier de presse, abusdecine.com, culturebox.francetv.info.fr

Filmographie : Exotica (1994), De beaux lendemains (1997), Ararat (2002), Captives (2014)

Robinson Crusoé Voir pages Jeune Public

Suite armoricaine

France – 2015 – 2h26, de Pascale Breton, avec Valérie Dréville, Kaou Langouët, Elina Löwensohn...

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Suite armoricaine est le récit d’une année universitaire à Rennes vécue par deux personnages, Françoise, enseignante en histoire de l’art, et Ion, étudiant en géographie, dont les destins s’entrelacent. Leurs vies parfois s’entrecroisent, et ils cheminent côte à côte, puis se séparent à nouveau pour se recroiser, peutêtre un peu plus loin... Le film, bâti à la manière d’un thriller philosophique, multiplie les énigmes et les coïncidences. Il va vers un dénouement bouleversant, conduit par cette proposition heureuse : « L’énigme est peut-être la seule langue à pouvoir dire la réalité ». Suite armoricaine a reçu les Prix Fipresci et Boccalino au festival du film de Locarno 2015. Sources : dossier de presse.

The Lady in The Van

Grande-Bretagne – 2015 – 1h44, de Nicolas Hytner, avec Maggie Smith, Jim Broadbent, Alex Jennings...

T

Elle est sale, elle sent très fort et très mauvais, elle est mal embouchée et elle vit dans un camion pourri garé dans un chic quartier londonien... Elle, c’est Mrs Shepherd (interprétée par la grande Maggie Smith ) une très atypique clocharde qui vécut effectivement plusieurs années devant la maison de Alan Bennett, le Les CARNETS du STUDIO n°345 – Mai 2016 –

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scénariste du film (mais aussi de La Folie du RoiGeorge ou Prick up your ears). Elle a fui un passé trouble et semble considérer que le monde se doit de l’aider sans même qu’elle éprouve le besoin de remercier qui que ce soit. C’est cette relation qui oscille entre répulsion, fascination et amitié qui nous est contée ici avec humour et cynisme. Sources : rogerebert.com

Théo et Hugo dans le même bateau

France – 2016 – 1h37, de Olivier Ducastel et Jacques Martineau, avec Geoffrey Couet, François Nambot...

un « code 999 » qui dans le jargon policier américain signale qu’un policier a été abattu ; l’idée étant bien entendu de détourner l’attention des forces de polica à l’autre bout de la ville d’Atlanta, où le hold up doit avoir lieu. John Hillcoat (The Proposition), signe ici un polar nerveux, tendu, qui ne repose pas uniquement sur des scènes d’action mais sait les utiliser et les réaliser de manière particulièrement convaincante. Sources : imdb.com

La Vache

Tourné en dehors des circuits habituels, de façon presque pirate, afin d’éviter toute restriction économique et morale, Olivier Ducastel et Jacques Martineau, dont on était sans nouvelles de puis bien trop longtemps, frappent très fort avec leur nouveau film. Située dans un sex-club, la scène d’ouverture est incroyable. Quinze minutes, bon poids, de musique, d’ombres et de couleurs hypnotisantes pour du sexe cru, non feint, et un coup de foudre entre Théo et Hugo filmé avec brio, sans honte ni morale. Le film bascule ensuite et nous emmène, en temps réel, dans un Paris nocturne et désert transformé en terrain de jeu et de séduction, en nouvelle carte du tendre. Du Canal Saint Martin à La Place de Stalingrad en passant par l’Hôpital Saint Louis, le film nous emporte dans son élan par ses longs et superbes travellings et par sa formidable énergie. Cette course poursuite emplie de peur, de doute, de désir et d’amour est l’histoire d’une immense envie de vivre qui parle de et à tous. JF

Le film conte d’abord la vie de Fatah dans un petit village algérien, entouré de ses deux filles et de sa femme Naïma, qu’il a cependant tendance à négliger au profit de Jacqueline. La Jacqueline en question est une vache qu’il rêve depuis longtemps de présenter à Paris, au Salon de l’Agriculture de la Porte de Versailles ! Quand enfin arrive l’invitation se pose un vrai problème : les frais de voyage ne sont pas pris en charge. Qu’à cela ne tienne, les villageois se cotisent mais cela ne pourra payer que le prix du bateau. Arrivés à Marseille, Fatah et Jacqueline entament une traversée de la France à pied, qui ménagera bien des surprises. Les critiques insistent sur la drôlerie, la poésie, le caractère touchant et attachant de ce road movie d’un genre un peu particulier. Apparemment un film vachement bien.

Triple 9

France – 2016 – 1h30, de Sylvain Desclous, avec Gilbert Melki, Pio Marmai, Pascal Elso…

France/Maroc – 2016 – 1h31, de Mohamed Hamidi, avec Fatsah Bouyahmed, Jamel Debbouze, Lambert Wilson…

Sources : dossier de presse

Vendeur

USA – 2015 – 1h55, de John Hillcoat, avec Casey Affleck, Chiwetel Ejiofor, Kate Winslet, Woody Harelson...

Un ex-agent des forces spéciales qui a mal tourné braque des banques avec d’autres malfrats (dont des policiers...) très déterminés. Pour leur prochaine opération, ils décident de lancer

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– Les CARNETS du STUDIO

n°345 – Mai 2016

V

ses amis et surtout son fils qu’il ne voit jamais. Lorsque ce dernier vient lui demander de l’aide alors que son restaurant a coulé, Serge, d’abord réticent, lui trouve un boulot de vendeur dans lequel contre toute attente il s’avérera excellent. Premier long métrage d’un jeune réalisateur remarqué pour la qualité de ses courts (Le Monde à l’envers entre autres, avec Myriam Boyer), Vendeur est un film d’hommes dans un univers d’hommes qui traite aussi et surtout de la relation père-fils... Outre le plaisir de retrouver Gilbert Melki dans un rôle à sa mesure et un Pio Marmai inattendu, nous aurons aussi celui de nous promener en Touraine où le film fut majoritairement tourné : du Pyms au New 80 à Saint-Pierre-des-Corps en passant par Preuilly-sur-Claise… Vendredi 6 mai Ciclic et les Cinémas Studio proposent une rencontre avec le réalisateur après la séance de 19h45

1943. La France est occupée par les Allemands. Du haut de ses 12 ans, Fanny est déjà une jeune adolescente courageuse. Cachée dans un foyer éloigné de ses parents, elle s’occupe de ses deux petites sœurs. Devant fuir précipitamment face à l’occupant, Fanny va prendre la tête d’un groupe de huit enfants. Livrés à eux-mêmes, traqués par l’ennemi, ils vont tenter de gagner la frontière Suisse. Commence alors, au risque de leurs vies, un périlleux voyage à travers la France, ponctué de pièges mais aussi de rencontres inattendues. Animé de peurs et de fous rires aussi, le groupe d’enfants découvre la solidarité, l’amitié et expérimente l’indépendance… Après Et toi, t’es sur qui ? (2007) et Contre toi ((2011), la photographe et actrice Lola Doillon se confirme comme réalisatrice et scénariste. Sources : dossier de presse, telerama.fr.

Voir page Jeune Public

Lundi 16 mai – 19h30

Pandora

de Albert Lewin (1951) USA – GB Couleurs 2h03, avec James Masson et Ava Gardner

Lundi 9 mai – 19h30 Partenariat Cinémathèque/Studio avec Orson Welles et Rita Hayworth

Lundi 23 mai– 19h30 Carte blanche à l’Association Henri Langlois Hommage à Manoel de Oliveira

Rencontre avec Clément Graminies, critique à Critikat après la séance.

documentaire de Manoel de Oliveira et Jean Rouch (1997) 35'

La Dame de Shangaï de Orson Welles (1946) USA Noir et blanc 1h27,

Mardi 10 mai UNE

SOIRÉE , DEUX FILMS

19h30 - Citizen

Kane

de Orson Welles (1940) USA Noir et blanc 2h, avec Orson Welles

Depuis 30 ans, Serge va de zones commerciales en grands magasins pour vendre des cuisines. Considéré comme l’un des meilleurs vendeurs de France, il a tout sacrifié pour sa carrière : sa santé, sa femme,

Le Voyage de Fanny

Belgique/France – 2016 – 1h34, de Lola Doillon, avecLéonie Souchaud, Cécile De France, Stéphane De Groodt, Fantine Harduin…

21h45 - La

Splendeur des Amberson

de Orson Welles (1941-42) USA Noir et blanc 1h28, avec Orson Welles, Anne Baxter et Richard Benett

En une poignée de mains amies L’Étrange affaire Angelica de Manoel de Oliveira (2010) 1h35

Soirée présentée par Jean-Pierre Touati

Lundi 30 mai – 19h30

Zorba le Grec

de Michael Cacoyannis (1964) Grèce / USA / GB Noir et blanc 2h22, avec Anthony Quinn, Alan Bates, Lila Kedrova.

Programme détaillé dans le dépliant disponible à l'accueil et sur www.cinematheque.tours.fr

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FILM DU MOIS

Red Amnesia Chine 2014 1h56, de Wang Xiaoshuai, avec Lü Zhong, Feng Yuanzheng, Qin Hao...

P

ékin, de nos jours. Quotidiennement, Deng se rend chez son plus jeune fils pour y faire la cuisine même si elle réprouve son mode de vie (il est homosexuel). Elle fait ensuite les courses (accessoirement la cuisine aussi) pour son aîné et s’occupe de son petit-fils même si sa belle-fille apprécie cela moyennement. Il lui reste encore du temps pour rendre visite à sa propre mère qui vit en maison médicalisée et pour, de retour chez elle, dialoguer avec son mari défunt. Le quotidien si bien rôdé de cette retraitée aussi active qu’envahissante se détraque peu à peu quand elle commence à recevoir de mystérieux appels téléphoniques anonymes... Wang Xiaoshuai commence à être un peu connu en France, auteur d’une œuvre qui compte plus d’une dizaine de longs-métrages et dont on a déjà pu voir les beaux Beijing Bicycle, Une famille chinoise, Shanghai dreams ou 11 fleurs.

Red amnesia dit quasiment tout dès son titre, et pose une question fondamentale ;

une société, un pays peuvent-ils être amnésiques et prôner l’oubli ? Car c’est bien ce à quoi Deng se confronte, elle qui se retrouve obligée de replonger au cœur d’années peuplées de souvenirs enfouis au plus profond et qu’elle a mis une vie entière à tenter d’effacer. À travers elle, c’est toute l’histoire de la Chine contemporaine qui est retracée. Mais jamais de façon didactique, pas de discours ou d’idées toutes faites : on ne trouve guère de bons et de méchants et la narration de la fiction est toujours prépondérante. Du coup cela rend le film assez universel et les questions qu’il suscite s’adressent vraiment à tout le monde. Ce conte moderne qui parle de culpabilité convoque les fantômes du passé et suscite les surprises. Le film part d’une atmosphère quasi-inquiétante pour ensuite proposer de nombreux changements de ton qui n’excluent même pas les pointes d’humour. Et, si Deng vit symboliquement un véritable chemin de croix, le spectateur, lui, se régale. JF

LES CARNETS DU STUDIO – n° 345 –Mai 2016 – 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - CPPAP n°0219 K 84305

www.studiocine.com – 08 92 68 37 01


France – 2016 – 1h28, de Hubert Vien, conté par Michael Lonsdale, avec Chann Aglat, Léana @Doucet, Malonn Lévana...

Belgique – 2016 – 1h30, film d’animation de Vincent Kesteloot et Ben Stassen.

VF JEUNE PUBLIC

JEUNE PUBLIC

Robinson Crusoé

Après une violente tempête, Robinson échoue sur une plage où il est découvert par le perroquet Mardi et ses amis, une bande d’animaux étranges n’ayant jamais vu d’homme. Cette première rencontre promet des moments épiques…

Grâce à un livre extraordinaire, des enfants sont envoyés en pleine époque médiévale pour rejouer des saynètes symboliques. Ainsi, ils se retrouvent dans le rôle de personnages comme le Christ, Clovis, Jeanne d’Arc ou des amants courtois... Deuxième long métrage d’Hubert Viel, cette comédie est librement inspirée d’un ouvrage de l’historienne Régine Pernoud : La Femme au temps des cathédrales. Tout public à partir de 9 ans

À partir de 6 ans

L’histoire de Robinson Crusoé racontée par les animaux de l’île (pas si) déserte.

Jeudi 5 mai : petit concert de musique médiévale en salle, avec chant, luths, guiterne, vièle, flûtes par le Brioude Consort de la classe d'ensemble du Département de musique ancienne du Conservatoire de Tours.

USA – 2016 – 1h35, film d’animation de Jennifer Yuh et Alessandro Carloni.

VF

À partir de 6 ans

Pologne – 2015 – 46 mn, film d’animation de divers réalisateurs. À partir de 3 ans

La Souris et le chaton Au fond des bois Le Petit Corniaud Petite mie Rexy polyglotte

sans paroles

France – 2016 – 1h46, de Christophe Honoré, avec Anaïs Demoustier, Caroline Grant, Muriel Robin, Golshifteh Farahani…

Po retrouve son père ; ensemble ils rejoignent le village des pandas. Pour combattre Kaï le maléfique, Po doit transformer des pandas maladroits en experts d’arts martiaux…

Humour, action, tendresse à partager en famille !

Japon – 2016 – 1h38, film d’animation de Shunji Iwai.

Tout public à partir de 11 ans

VO

Tout public à partir de 7 ans

Voir page 11

VF

Alice intègre un nouveau collège où circule une étrange rumeur concernant un meurtre. Avec son amie Hana, elle décide de mener son enquête...

France/Belgique – 2013 – 41mn, courts métrages d’animation de divers réalisateurs. Samedi 21 mai 14h15

À partir de 6 ans

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• Citrouille et vieilles dentelles • Cul de bouteille • Duo de volailles, sauce chasseur • Monstre sacré • Bye bye Bunny France – 2016 – 1h34, de Lola Doillon, avec Cécile de France, Léonie Souchaud, Fantine Harduin, Juliane Lepoureau... Tout public à partir de 9 ans

Cinq petites histoires drôles et pas effrayantes du tout !

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Bande annonce

Ici…

« La folie n’est pas une affaire personnelle » François Tosquelles 1912-1994, psychiatre, catalan, marxiste

` AU COEUR DE LA BATAILLE Dans 120 battements par minute, Robin Campillo (Les Revenants, Eastern Boys), va revenir sur les débuts d’Act Up, en 1989 : sa lutte contre le SIDA, et le rejet des malades, les actions chocs pour se faire entendre… Philippe Mangeot, ancien président de l’association a apporté son point de vue sur le scénario du film qui se présentera comme un « autoportrait intime du groupe activiste, avant les trithérapies ». La très active Adèle Haenel (Les Combattants, Les Ogres) et Nahuel Pérez Biscayart (Au fond des bois, Grand Central) mèneront le combat ! ` DJANGO UNCHAINED Banjoïste exceptionnel, son handicap de la main, suite à un incendie en fera un guitariste unique, inimitable, créateur d’un nouveau style musical, le jazz manouche. Il s’appelait Jean dit Django Reinhardt, traversa la vie et la musique en météore puisqu’il mourut à 43 ans ! C’est Reda Kateb (Hippocrate, Les Chevaliers blancs) qui aura la lourde charge de nous donner l’illusion qu’il possède le jeu de doigts du virtuose. Cécile de France sera sa partenaire dans ce Django Melodies d’Etienne Comar, producteur et scénariste, notamment Des hommes et des dieux, passant à la réalisation.

et ailleurs… ` DU HASH AU X Une scène de plongeon dans une cuvette de toilettes bien répugnante, ça vous rappelle forcément quelque chose ! Il s’agit de l’étape la plus emblématique du parcours d’Ewan McGregor alias Renton, jeune Écossais accro à l’héroïne, dans Trainspotting de Danny Boyle. Mais ça c’était avant qu’il ne fausse compagnie à ses copains de déroute. Vingt ans après, pour lui, Spud, Sick Boy et Begbie, finie l’immersion dans les égouts, et les mauvais trips : il est même temps de s’embourgeoiser. Et si l’industrie du X devenait leur nouveau terrain d’expérimentation ? Avec Porno, Danny Boyle adapte de nouveau Irvine Welsh, et retrouve à cette occasion, outre Ewan McGregor, Robert Carlyle, Johnny Lee Miller et Ewen Bremner. ` SAINT GRAAL Pour Indy, ils ont dit oui ! Steven Spielberg et Harrison Ford, pour la cinquième fois, vont ranimer l’inoxydable archéologue au lasso ! Il est clair que l’aventure à hauts risques entretient la forme car le sieur Jones fêtera son soixante-dix-septième anniversaire lors de la sortie du film, en 2019. IG

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T

osquelles, militant du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, commence sa carrière comme psychiatre sur le front d’Aragon de la guerre civile espagnole. Exilé en France en 1939, il organise des soins dans le camp de réfugiés de Septfonds et rejoint l’hôpital de Saint Alban en Lozère de 1940 à 1962, il travaillera ensuite dans différents hôpitaux français. Principal initiateur du mouvement de psychothérapie institutionnelle, qui, ditil, marche sur deux jambes, l’une politique, d’essence marxiste et l’autre s’appuyant sur la pratique psychanalytique. Pour lui, « Les maladies nerveuses sont essentiellement des troubles des rapports de ce qui constitue le « contact » des uns avec les autres ». Il faut « soigner l’hôpital pour soigner les malades ». Il participe au grand mouvement de refondation des soins psychiatriques en France après la deuxième guerre mondiale. Certains des internes qu’il a formés sont devenus

célèbres, Jean Oury, Frantz Fanon, Roger Gentils, Yves Racine, etc. Son œuvre monumentale est en cours de réédition, des professionnels, des universitaires s’en emparent actuellement, parmi eux un des groupes de travail de la Bibliothèque Pour la Psychanalyse à Tours, un autre en psychiatrie A à l’hôpital Trousseau à Chambray-lès-Tours. Tosquelles n’est pas seulement un psychiatre, il est un philosophe, un poète, un artiste, un cinéaste. Toute son attention reste cependant focalisée sur la vie quotidienne à l’hôpital : « En plus des piqûres, analyses et d’autres méthodes dites scientifiques, nous essayons de faire vivre un hôpital qui vise à la vie, au travail, au jeu et à la joie». Pour lui les patients, comme n’importe quel soignant, sont au cœur du processus de soins. « Au fond, on n’est pas si différents que ça les uns des autres ».

La Bibliothèque pour la psychanalyse à Tours

NOUS EN REPARLERONS PROCHAINEMENT…

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Rencontre À propos de Louis-Ferdinand Céline

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ouis-Ferdinand Céline – Deux Clowns pour une catastrophe, d’Emmanuel Bourdieu, réussit un tour de force paradoxal : traiter d’un sujet original et passionnant, être courageux, fin, intelligent et… raté.

La rencontre dans son exil danois de l’écrivain génial mais antisémite forcené et de son admirateur américain juif, Milton Hindus, est féconde par nature en infinies variations dramatiques, psychologiques, philosophiques et littéraires. Sujet captivant donc, mais d’autant plus casse-gueule que l’épisode et les protagonistes sont parfaitement authentiques. Difficulté supplémentaire : éviter le théâtre filmé malgré le statisme des situations et l’évidente pauvreté en péripéties spectaculaires. À toutes ces embûches le film d’Emmanuel Bourdieu échappe avec brio, servi par deux acteurs en état de grâce, la troublante Géraldine Pailhas et le très convaincant Philip Desmeules. Grâce à eux se noue entre leurs personnages une relation très digne, délicatement sensuelle, d’une profondeur subtile, en un mot d’une complexité humaine dont on aurait aimé voir le protagoniste éponyme pourvu. Car c’est là que le bât blesse. Ce qui devait être le meilleur atout du film est aussi ce qui le plombe. C’est peu dire pourtant qu’on aime Denis Lavant, qu’on admire l’acteur

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exigeant, au charisme puissant, aux choix artistiques éminemment respectables. Voilà un acteur hors normes capable, au théâtre comme au cinéma, de jouer de façon inoubliable les personnages les plus divers, de l’amoureux transi au clodo pitoyable, de M. Merde à Charlie Chaplin.

Vendredi 18 mars Rencontre avec Zhao Dayong

Qui donc mieux que lui pouvait a priori incarner un personnage aussi ambigu, aussi déséquilibré, aussi oppressant que Céline ? Le choix semble évident, il est pourtant la cause de l’échec. Là où les autres comédiens, par la finesse de leur jeu, donnent à leur personnage crédibilité et densité psychologique, Denis Lavant multiplie gesticulations et jeux de physionomie caricaturaux, se goberge d’un expressionnisme exacerbé dont les excès minent complètement la crédibilité du personnage. Le génie monstrueux devient un pantin désarticulé, un clown grimaçant, un piètre guignol. Excessif il l’était sans aucun doute, hystérique peutêtre, stupide sûrement pas. On ne confond pas impunément théâtre et cinéma. Au théâtre il faut être vu et entendu distinctement partout dans la salle, d’où une scénographie et un jeu de comédiens qui grossissent volontiers le trait. Le cinéma au contraire montre les personnages de très près, il est donc nécessairement un art de la subtilité et de la litote. La maldonne est ici malheureusement rédhibitoire. AW

V

endredi 18 mars, la projection de Shadow days de Zhao Dayong s’achève. Le public est un peu sonné après la fin assez brutale du film et tout le monde se demande comment ce dernier a pu se tourner en Chine, tant il pose un regard critique sur les années de la politique de l’enfant unique. Le réalisateur explique que ni le sujet ni le titre n’étaient ceux donnés aux autorités, d’ailleurs Zhao Dayong n’envi-

sage même pas une diffusion de son film dans son pays tant les chances y sont nulles, « C’est 100% de censure garanti, » nous dit-il. Shadow days a été tourné à la frontière entre le Yunnan et la Birmanie dans des paysages grandioses et une ville étonnante, quasi-fantôme. Un endroit que Zhao Dayong connaît bien, car, entre 2005 et 2009, il y a souvent séjourné pour filmer un documentaire. Il a ainsi sympathisé avec des habitants qu’il a engagés pour jouer de petits rôles. C’est à cause d’une catastrophe (un éboulement de la montagne) que la ville s’est désertifiée et peu de villageois y habitent encore, d’où l’aspect fantomatique et les architectures restées telles qu’en 1985, l’époque du film. Un cadre étonnant, magnifié par des images superbes. Citant Wang Bing (À l’ouest des rails, Les Trois sœurs du Yunnan) et Jia Zhang-Ke (Au-delà des montagnes, A touch of sin) parmi les cinéastes dont il se sent proche, Zhao Dayong donne très envie de voir ses autres œuvres (c’est sa deuxième fiction et il a réalisé plusieurs documentaires). Bonne nouvelle, il pense que dans trois mois, il aura terminé son nouveau documentaire sur les expulsions immobilières en Chine. Espérons qu’il soit distribué en France. JF

Dimanche 20 mars Après la projection de Riz Cantonais, une rencontre a eu lieu avec la réalisatrice, Mia Ma. Les CARNETS du STUDIO n°345 – Mai 2016 –

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Compte rendu Ficat 2016

L

e film présente la grand-mère de Mia Ma dans son salon. Le père de la réalisatrice assure les traductions des questions posées par sa fille… Peu à peu, le film se centre davantage sur cet homme digne et pudique, qui délivre peu à peu ses choix passés en lien avec le contexte de l’époque. Au départ, Mia Ma a eu l’idée de réaliser un film portrait de sa grand-mère dont elle était séparée par la langue, une femme de caractère qui n’était pas allée à l’école et qui regrettait son pays. « C’était en 2007 et elle n’avait pas souhaité être filmée. Entre-temps j’avais donné des cours de français à des Chinois voulant apprendre la langue et comme le contact s’était bien passé, ça m’a donné la confiance de tourner avec ma grand-mère et là, j’ai eu la révélation : faire le film avec mon père ! ». Volontairement, la réalisatrice a donné un ton de légèreté à son œuvre. « C’était très naturel de faire ce choix en partie comique car je me suis tellement retrouvée dans des situations si particulières, si drôles ». Le père de Mia Ma n’a pas transmis à sa fille le cantonais, langue parlée dans le sud de la Chine. « La transmission de sa culture par rapport à la filiation, il ne s’y positionne toujours pas. C’est plutôt moi qui me questionne […] Mon père, c’est un personnage. Il se sent bien quand il est seul. Il trouve une part de liberté avec sa vraie passion [la brocante]. Son grand regret ce sont les études qu’il n’a pu faire ». Le seul lien culturel qui relie Mia Ma à son père, ce sont les goûts, via la cuisine. Riz cantonais, « c’est aussi un film sur la paternité » et Mia Ma, qui tourne magnifiquement, à juste distance de ses personnages, devrait bien penser à reprendre la caméra comme le public, comblé et touché, l’y a incitée. RS

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Lundi 21 mars Tout un monde lointain d’Alain Mazars

E

n donnant la parole aux seuls personnages birmans et en la refusant aux personnages européens, Alain Mazars choisit un point de vue narratif déstabilisant qui amène à s’interroger sur l’ « énigme » de l’autre mais aussi de soi-même. Toute la démarche du film repose sur la différence fondamentale entre la pensée occidentale et la pensée bouddhiste. Pour celle-ci l’ego n’existe pas, à chaque instant on est quelqu’un d’autre, entité spirituelle en route, de réincarnation en réincarnation, vers l’ « éveil ». Ce substrat philosophique irrigue un récit fictionnel qui fait la part belle également aux notations sur l’état d’esprit de la jeunesse birmane au sortir (encore inachevé) d’une longue période de dictature militaire.

Patrick Laurent, acteur du film également présent ce soir-là, nous apprend qu’Alain Mazars ne leur expliquait rien de ce qu’il avait en tête mais donnait de simples indications matérielles. Le résultat est ce cinéma que l’acteur qualifie de « chamanique », en ce qu’il arrive à « capter l’imaginaire », à concrétiser cette « aventure spirituelle » avec un réel « pouvoir d’envoûtement ». AW

Mardi 22 mars Rencontre avec Philippe Rostan, réalisateur de Le Dragon de Guyane.

L

e film est une commande pour l’émission Archipels de France Ô. Il raconte l’histoire de l’ethnie hmong qui, après avoir aidé les Américains sur le sol

laotien, s’enfuit en Thaïlande pour échapper au Pathet Lao. C’est de là, à la fin des années 1970, que cette communauté part pour la Guyane, sous l’impulsion de l’état français. Les Hmongs sont arrivés sans rien, juste quelques noyaux d’arbres fruitiers pour démarrer leur nouvelle vie. Ils se sont implantés avec une force de survie considérable, sont devenus agriculteurs. Actuellement ils sont les principaux producteurs de fruits et légumes en Guyane. Le pitaya, fruit étrange et coloré d’un cactus, est devenu le symbole de leur réussite. On observe un début de métissage entre Créoles et Hmongs. Les familles, des grands-parents aux petits-enfants, travaillent dur dans les champs. Les enfants suivent des études et certains partent pour Cayenne ou Kourou. L’adaptation s’est vite faite. Exemple : un Hmong est à la tête de la Chambre d’agriculture. Philippe Rostan dresse un tableau idyllique. Il a espoir en l’homme et a envie de montrer l’aspect positif, la réussite plutôt que les difficultés trop souvent pointées dans les films. MS

Rencontre avec Vanja d’Alcantara – 22 mars

C

’est devant un Studio 7 bondé que s’est achevé le festival de cinéma asiatique. Après la remise des Prix du jury et Prix du public, tous les deux couronnant le film Red Amnesia de Wong Xiaoshuai, Vanja D’Alcantara s’est adressée au public avec la voix pleine d’émotion au soir des attentats qui ont secoué son pays. Le Cœur régulier : 4 ans et demi de travail découlant de la fascination de la cinéaste pour le Japon et sa culture découverte à

travers les livres et les films. Puis il y a eu la lecture du roman d’Olivier Adam, et la magnifique rencontre avec Yukio Shige, cet ancien policier installé sur une île au bord de falaises qui veille et sauve les candidats au suicide. Le personnage principal du livre étant une femme française qui mêle ses pas à ceux de son frère aimé qu’elle n’a pas su préserver, la légitimité de réaliser un film francophone parlant du Japon s’est trouvée renforcée. Après un long métrage tourné au Kazakhstan – Beyond the steppes –, Vanja d’Alcantara s’est efforcée d’ancrer Le Cœur régulier dans l’univers d’harmonie et de silence propre au Japon. Sa mise en scène est fluide et légère : il n’y a pas un plan fixe mais une caméra en permanence dans un mouvement régulier qui évoque le trajet d’Alice, sa démarche et sa quête, adopte un rythme contemplatif malgré la tension sous-jacente. Esthétiquement, le choix de couleurs froides – l’environnement bleu gris du début qui se teinte de plus en plus vers le vert du Japon associé au bleu plus soutenu de la mer – met en lumière le rouge des falaises et celui de Nathan, le personnage disparu porteur d’énergie. Beaux partis pris pour parler du rapport à la vie, à la mort et au temps. SB

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Les rédacteurs ont vu :

DES NOUVELLES DE LA PLANÈTE MARS de Dominik Moll

On l’avait un peu perdu de vue, voici donc des nouvelles de la planète Moll : heureux de retrouver cet univers étrange qui flirte avec le fantastique, même si le trouble est moins fort que

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dans son excellent Harry un ami qui vous veut du bien. Et pourtant François Damiens est très convaincant en père sans repère devant un monde qu’il ne comprend pas plus que ses deux grands enfants. DP Damiens coincé dans la posture du salarié étriqué et du papa trop gentil ; Macaigne déjanté, voire psychopathe, qui en fait des tonnes ; dialogues qui accumulent les poncifs… Quelques trop rares moments de plaisir dus à la spontanéité d’une adolescente rebelle et à l’impayable chauffeur de Giscard. SB Philippe Mars est un solide gaillard qui a les pieds bien sur Terre. Mais comment résister au parasitage

concomitant, intensif et déstabilisant de tout votre entourage familial et professionnel, qui vous sollicite, vous entame, vous grignote jusqu’à l’os ? Sur un thème on ne peut plus conventionnel Dominique Moll nous offre une comédie sympathique, bien jouée, oubliable. AW

sérieux à l’école ou trop peu concernés par les problèmes de société, les rejetons de François Damiens dans Des nouvelles de la planète Mars vous font penser que, bof, finalement, c’est peutêtre pas plus mal comme ça... ER

Une question s’installe au fil des images et des événements : Philippe Mars finira-t-il par basculer hors du cadre, par perdre l’équilibre, rejoignant ainsi cette galerie décalée de personnages souvent fantasques, parfois agaçants, mais tous attachants ? Avec un François Damiens remarquable dans le rôle, l’embarquement dans l’univers marsien tient – presque – la route ! RS

Il est petit et pas très beau, il fait du bruit et dérange votre quotidien depuis que votre sœur vous l’a confié contre votre volonté. Vous ne savez qu’en faire ? La solution : appeler Philippe Mars à la rescousse qui osera, lui, ce dont vous rêvez secrètement, s’en débarrasser en le jetant du haut d’un pont. Un des plaisirs de Des nouvelles de la planète Mars, jolie comédie iconoclaste. JF *

Lorsque l’on regrette que ses propres enfants ne soient pas assez

* Pour ceux qui n’auraient pas vu le film, il s’agit... d’un chien.

Dans ce dernier opus de Dominik Moll, on retrouve son goût récurrent pour les mécaniques (apparemment) bien huilées qui se dérèglent, jusqu’à exploser. Ici c’est l’imprévisible Jérôme, (Vincent Macaigne, qui révèle, de rôle en rôle, une palette pleine de nuances) qui vient perturber le système. Si les déboires de Philippe Mars (François Damiens tout en retenue) nous font parfois rire, on éprouve malheureusement un sentiment de déjà vu. Ce n’est pas désagréable, mais on attend davantage du réalisateur d’Harry, un ami qui vous veut du bien ! IG

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À propos de The Revenant

sont mus que par l’appât du gain et par le désir de se venger. Et il fallait cette plongée, dégradante et extrême, pour renaître victorieux, auréolé de la récompense suprême !

La Chasse aux

Q

u’est-ce qu’il ne faut pas faire pour réussir dans la chasse aux Oscars au cœur des forêts hollywoodiennes ? Errer interminablement dans des solitudes glacées, plonger dans des eaux gelées et se laisser emporter par des flots tumultueux, fétu hagard, mordre à pleines dents dans un poisson encore frétillant, se repaître de viande crue, se rouler dans la boue, laper dans les flaques, être le jouet des éléments, sous des trombes de pluie glaciale, dans la tourmente, se traîner sur la glace, s’enfoncer jusqu’aux cuisses dans de la poudreuse, picorer, avide, des herbes sèches, se gaver de lichen et de mousse, éviscérer un cheval à pleines mains, crouler sous les tripes fumantes, puis se lover, nu, dans son cadavre encore chaud, avoir le corps roué de coups, déchiré de plaies vives sous les griffes d’une ourse furibonde… ! Bien sûr, on sait pertinemment

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que c’est du cinéma et qu’une grande partie des affres dont souffre Leonardo di Caprio dans The Revenant, ne sont pas réelles, que son corps est le jouet d’effets numériques troublants de réalisme, il n’empêche, on sent bien que le couple qu’il forme avec le réalisateur Alejandro Gonzalez Iñárritu a écrit une nouvelle page des relations sadomasochistes qu’entretiennent acteurs et réalisateur sur certains tournages particulièrement éprouvants. Car ce que le réalisateur mexicain a proposé à l’acteur vedette c’est à proprement parler un calvaire, le chemin de croix d’un mort-vivant, mi-homme déjà mis à mort, mi- bête increvable, dont on suit en gros plans les multiples souffrances, accompagnées d’une suite de grognements inarticulés, au milieu d’un monde à la dérive, à la fois splendide et cruel, totalement indifférent, un monde abandonné de Dieu où les hommes ne

L’usine à rêves hollywoodienne continue à revisiter ses mythes mais, contrairement à Ave César des frères Coen ou à Les 8 salopards de Tarantino, Iñárritu le fait ici sans la distance que procure la parodie ou l’ironie. Dans ce mixte entre revenge et survival movies, il le fait frontalement, au premier degré. Dans les vastes espaces sauvages, nous assistons à la fois à un film funèbre, une sorte de long parcours fantomatique dans ces étendues septentrionales où errent des groupes humains qui semblent perdus, mais c’est aussi le récit d’une (re)naissance : violé par la mère nature symbolisée par une grande ourse déchaînée, dont la colère paraît inextinguible, l’homme nouveau revient progressivement à la vie, d’abord sous une forme assez primitive, vagissante ; après plusieurs scènes où des cavités, des niches, et enfin le ventre d’un cheval mort lui tiennent lieu de succédanés maternels, il retrouve la station verticale, l’usage de ses jambes et de la parole. Dans cet univers où se mélangent des rêveries flottantes à la Terrence Malik, à base d’images à couper le souffle et de voix off murmurées, et un film d’ac-

tion aux images d’une redoutable efficacité spectaculaire, une certaine mélancolie semble persister, la nostalgie d’une autre Amérique encore possible, celle où se seraient métissés les coureurs de bois venus d’Europe et les Autochtones. Ceuxci, comme dans tous les nouveaux westerns dressent leurs statures hiératiques, à la fois dignes et cruels. Désespérés. Des spectres qui hantent leur royaume définitivement perdu. À la sortie de ce film impressionnant, deux détails me questionnaient : pourquoi avoir fait des trappeurs français les méchants de l’histoire, ceux qui torturent, violent, ceux qui assument « Nous sommes tous des sauvages » ? Pendant les plus de deux heures de son calvaire, le héros est mu par le seul besoin impérieux de se venger. Vengeance qu’il n’accomplira finalement pas, une fois avoir réussi à retrouver et à capturer le meurtrier de son fils. Pourquoi ? Par lassitude ? Parce que la vengeance n’appartient qu’à Dieu, comme il le murmure avant de pousser le corps dans le torrent ? Pourquoi alors le réalisateur-scénariste a-t-il choisi de faire exécuter cette vengeance par le couteau d’un des Indiens qui passaient par là ? Pour faire des victimes d’une page tragique de l’histoire les derniers représentants d’une divinité absente ? DP

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À propos de The Revenant

A

vec une puissance extraordinaire The Revenant offre des lumières, des paysages, des temps forts qui époustouflent et captivent. On voit le héros échapper à un épouvantable déferlement de dangers mortels, de situations normalement fatales, d’épreuves inhumaines. On en reste cloué tant le tournage a été visiblement très dur, périlleux même, dans lequel l’engagement exceptionnel de Leonardo di Caprio a fait merveille pour habiter littéralement le personnage de Hugh Glass et incarner au plus près ce qu’il a pu endurer. Super-Leo a amplement mérité son Oscar de meilleur cascadeur.

The Revenant semble nous offrir une version modernisée des travaux d’Hercule, sauf que ça ne colle pas : avec sa ridicule petite douzaine d’épreuves Hercule joue petit bras et n’a vraiment pas de quoi bomber le torse : en termes de prouesses extraordinaires il ne fait tout simplement pas le poids. La volonté, le courage, la force, l’énergie indomptable… Si Donald Trump a vu le film, il a dû être emballé.

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L’histoire est véridique mais évidemment hollywoodisée. Sur le malheureux Hugh Glass s’abat un tombereau de catastrophes dont il se sortira par autant de miracles mais avec de cruels stigmates, sous l’œil bienveillant, toujours présent en plan de coupe, du soleil ou de la lune. Après avoir vu l’âme de son épouse pawnee s’envoler vers le ciel comme un petit oiseau, il perd son fils Hawk, victime de la trahison d’un de ses compagnons, l’ignoble Fitzgerald. Flash-back : une église en ruine où subsistent des fragments de fresques, en particulier une Crucifixion (musique d’orgue). Retour au présent : dans une situation désespérée (une de plus), la providence le sauve en la personne d’un Pawnee qui lui inculque en prime une de ces vérités transcendantes qui vous changent un homme : « la vengeance appartient au créateur ». Ce sera à la fois la conclusion et la belle leçon tirée de toute l’aventure par notre héros luimême.

en l’occurrence le soleil. Et lorsqu’à la fin le capitaine lui demande de renoncer à traquer le traître Fitzgerald car, vu son état de faiblesse, il risque fort d’y laisser la peau, le trappeur répond : « Je n’ai pas peur de mourir, je l’ai déjà fait une fois ». Conclusion : on a vraiment fait fausse route en pensant aux travaux d’Hercule. Miracles, stigmates, trahison, crucifixion, providence, créateur, résurrection… : il s’agit là bel et bien d’une parabole biblique ! Mais si l’aspect christique du personnage est indiscutable il reste relativement subliminal et cela est très gênant, pour ne pas dire faux-jeton. La dernière image nous montre le visage de HughLeo en gros plan. Il nous regarde fixement, l’air de dire : « Vous avez tout bien compris, j’espère ? » Reste quand même la question la plus importante : est-ce un bon film ? C’est là que les choses se compliquent : on ne peut le regarder d’un œil blasé en pensant à autre chose. Indiscutablement le savoirfaire d’Inarritu produit des séquences d’une beauté et d’une force exceptionnelles. Mais l’histoire ? Il y en a bien une, sorte de KohLanta paroxystique, mais si pauvre ! Le scénario suit une dramaturgie paresseusement cumulative de jeu vidéo, se contentant — avec maestria certes — d’empiler mécaniquement les moments de bravoure bien calibrés. On a déjà vu plus inventif. Et si Super-Leo a très justement décroché l’Oscar du meilleur cascadeur,

pouvait-il concourir pour celui du meilleur acteur ? Lui-même aurait probablement été surpris et gêné de la suggestion.

The Revenant sollicite exclusivement les sensations et les émotions brutes du spectateur, jamais sa réflexion. Et de quoi s’agitil finalement sinon d’une énième resucée d’histoire de super-héros ? Certes il ne soulève pas de gratte-ciel, ne vole pas à travers les airs, ne vainc pas de super-méchants psychopathes, mais il multiplie les exploits impossibles. Increvable le type, que ce soit par balles, flèches, grizzli, choc thermique, noyade, faim, froid, fièvre, gangrène, chute, on en oublie sûrement ! Le vrai Hugh Glass en a évidemment bavé mais même lui serait mort au bout d’une demi-heure de film. Au bout du compte The Revenant est une oeuvre inclassable, très difficile à évaluer : sa virtuosité est éclatante mais elle aggrave en même temps le reproche qu’on pouvait déjà faire à Birdman, le film précédent d’Inarritu : la virtuosité est vaine, elle devient procédé quand elle prend le pas sur la force du scénario ou des personnages. Encore Birdman montrait-il une réelle ambition intellectuelle. The Revenant n’a pas ce souci, il en reste à une imagerie naïve insatisfaisante, purement sensationnaliste. Mais quand, en plus, cette virtuosité sert de faux-nez à un discours prosélyte crypté, elle devient un procédé des plus douteux. AW

Son odyssée aura amené Hugh Glass de l’enfer jusqu’au salut, guidé par une étoile,

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Interférences Anomalisa Ce sentiment de l’été

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uand on rencontre Michael Stone on découvre un homme à l’apparence banale. On ne se doute pas de sa célébrité (il est l’auteur d’un best-seller de développement personnel Comment puis-je vous aider à les aider ?) Il faut dire qu’il a l’allure de monsieur Tout-le-monde, ce que l’utilisation de figurines en plastique et de la technique du stop-motion renforcent considérablement. Car dans le monde d’Anomalisa, tous se ressemblent un peu et mis à part les deux personnages principaux, Michael et Lisa doublés respectivement par David Thewlis et Jennifer Jason Leigh, tous les autres parlent d’une même voix, celle de Tom Noonan. L’effet de masse est fort, Michael et Lisa s’en trouvent d’autant plus isolés, encore plus à la toute fin quand sur le générique les voix envahissent l’espace sonore pour ne plus faire qu’un seul bruit fort et oppressant. On pense à 1984 de George Orwell,

et au fameux « Big brother is watching you ». Comment définir le sentiment de solitude ? Anomalisa en donne une superbe illustration. Paradoxalement, si les figurines imposent une distance (difficile, a priori, de s’identifier), elles permettent aussi, par leur étrangeté, d’accentuer le malaise. Elles finissent par prendre corps et deviennent très réalistes (la scène de sexe assez crue est là pour en témoigner). Tout comme les personnages en terre cuite de L’Image manquante de Rithy Panh, elles nous émeuvent. Anomalisa n’est peut-être pas immédiatement séduisant mais il nous envahit peu à peu d’une prégnante mélancolie. Il sait aussi nous donner le frisson, entre autres quand Jennifer Jason Leigh chante à capella Girls just want to have fun de Cindy Lauper, « My mother says when you gonna

live your life right / Oh mother dear, we’re not the fortunate ones / And girls they want to have fun ». Le film serait français, on jurerait qu’elle aurait repris, « Elle sent venir une larme de son cœur / D’un revers de la main elle efface / Des fois on sait pas bien c’qui s’passe » (Ultra moderne solitude d’Alain Souchon). Se sentir seul parmi les autres, gêné au milieu d’une foule, en compagnie d’un groupe de personnes inconnues, ce n’est, bien sûr, pas quelque chose de nouveau. Dans Notes de chevet (écrit au XIe siècle tout de même), Sei Shonagon décrivait ce sentiment ainsi au chapitre Choses peu rassurantes. « On arrive à la tombée de la nuit, dans une maison où l’on n’a pas l’habitude d’aller. Comme on ne soucie pas de se mettre en évidence, on ne fait pas de lumière ; on va pourtant s’asseoir à côté des gens qui sont là, sans les connaître. » Les siècles passent mais les émotions perdurent et ce sont les mêmes que l’on ressent à la vision du film de Michael Kaufman et Duke Johnson, tout comme on les ressent aussi devant le magnifique Ce sentiment de l’été (quel beau titre) de Mikhaël Hers. Dans les deux films, on se trouve dans

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des univers étonnamment ouatés, très ancrés dans une réalité parfois difficile mais pourvus d’une étrangeté décalée du réel. Quelque chose un peu hors du temps qui rend universelle la portée de ces deux œuvres.

Ce sentiment de l’été est douloureux et débute par la mort subite de Sasha. Trois étés, trois villes (Paris, Berlin, New-York) vont nous permettre d’accompagner Lawrence, son compagnon, dans son apprentissage du deuil et son retour à la lumière. Le film est d’une douceur déchirante tant elle cherche à masquer une douleur si profonde. Les personnages s’y déplacent en groupes dans des mouvements quasi chorégraphiques, très beaux et dans un élan flottant qui semble échapper à toute temporalité. Tout comme les figurines d’Anomalisa finissent par paraître plus vraies que de vrais humains, les humains un peu désincarnés de Ce sentiment de l’été deviennent des figures immensément touchantes. Contrairement à Michael et Lisa, englués dans une banalité sclérosante et une tristesse sans fond, Lawrence, lui, trouvera le chemin et sortira du noir. La lumière et le bonheur retrouvés, y-a-t-il plus belle fin ? JF Les CARNETS du STUDIO n°345 – Mai 2016 –

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À propos der Les Ogres

À propos de Un vrai faussaire

L’horizon Nous condamne au cercle

Guillevic

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ien que le père ne cesse de revendiquer avec une fatuité certaine qu’il dirige une troupe de théâtre, qu’il met en scène du Tchekhov, le spectacle présenté tient plutôt du cirque à la fois matériellement avec son chapiteau, sa scène centrale, ses gradins arrondis, son numéro de voltige et dans le bordel plus ou moins organisé qui règne au sein de sa troupe sur et hors de scène. Alors que le théâtre est un spectacle orienté, avec une cour et un jardin, son texte et ses prétextes, le cirque ne cherche pas à aller de l’avant, à faire sens. Il est du domaine de la ronde, du manège, de l’enfance. Comme le plaisir, il est d’essence tautologique, il tourne sur lui-même et se referme. C’est lui qui impose sa forme au récit, qui tourne en rond (de la mort d’un enfant à un accouchement), à la manière qu’a Léa Fehner de filmer : il faut que ça circule, que ça tourne, les Ogres entraînent acteurs et spectateurs (ceux du théâtre et ceux du film), dans une ronde jubilatoire et excessive. Dès les premières scènes, le tourbillon ne cesse d’emporter la caméra à l’épaule, d’un côté et de l’autre, dans les coulisses et au milieu de la pièce en train d’être montée (la pièce montée d’un mariage) : c’est bruyant, drôle, exalté, tragique aussi. Et monsieur Déloyal, incarné par un génial Marc Barbé, provoque la chute de l’ange… l’accident qui va semer au sein de

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la tribu la graine de la discorde. Des désirs. De la jalousie. On reproche parfois au cinéma français de manquer de souffle. Reconnaissons à cette jeune réalisatrice de n’avoir pas froid aux yeux ! Elle met en scène et en musique un véritable cyclone émotionnel qui brasse une foule de sentiments contradictoires, amours, haines, passion, joies, rancœurs, amertume, deuil, désespoir… avec un goût que l’on sent amusé pour la provocation et la démesure. On pourrait lui reprocher un certain nombrilisme, mais il est proclamé et assumé : il s’agit d’une histoire de famille, famille élargie, biologique et de comédiens jetés sur les routes comme un défi au quotidien. Au temps qui use. Un portrait en cercle d’une tribu hallucinée, joyeuse et joueuse, qui roule droit devant, sans s’arrêter, pour toujours revenir au point de départ. Le souffle coupé, entre rires et larmes, dans mon fauteuil, je me disais que certaines scènes resteraient inoubliables : notamment, celle particulièrement osée de la mise à l’encan du corps de la vieille mère, une nuit répudiée par son égoïste de mari-metteur en scène, une scène admirable, obscène et cruelle parce qu’elle dure, et qui, au-delà de la gêne et de la tristesse, finit dans les bleus de la nuit, dans l’extrême douceur-douleur d’une étreinte partagée. DP

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endant 30 ans les œuvres de Guy Ribes, signées Picasso, Matisse, Chagall, Degas ou Léger ont envahi le marché de l’art : des centaines de faux pourtant authentifiés par les experts dont beaucoup circulent encore et figurent dans les catalogues raisonnés. Arrêté en 2005 suite à la saisie de plus de cent œuvres factices, Ribes fut condamné en 2010 à trois ans de prison dont un ferme. Le documentaire de Guy Léon qui laisse la parole aux protagonistes de l’affaire est passionnant. Mené comme un thriller on y croise des personnages hauts en couleurs :

semblable que dans le réel. Et notre acteurfaussaire aime se donner en spectacle, parle beaucoup avec une truculence savoureuse, en rajoute sans qu’on lui redemande… il aurait pu faire partie de ces gueules si populaires qui ont bercé notre cinéma : Bernard Blier, Pierre Richard et consorts… Rien ne manque, ni les répliques géniales : « C’est pas le motif qui est le plus difficile, c’est l’âme », ni un indéniable don d’imitateur quand il parle avec l’accent suisse du client berné. Mais il y a aussi des moments magiques dans le film de Jean-Luc Léon : ceux où l’on

collectionneur trompé, fausse veuve, héritiers bidons, pigeon Suisse, marchands sans scrupules… L’expert judiciaire et le policier enquêteur font figure d’exception dans cet incroyable bal de menteurs. Celui qui en mène la danse est incontestablement Guy Ribes, vrai faussaire – il réalise de vraies œuvres et pas des copies – mais également vrai acteur. Silhouette lourde, visage rondouillard à l’expression pleine de malice, la pipe en permanence vissée entre les lèvres, on le dirait sorti d’un scénario de Michel Audiard. Si l’on ajoute un phrasé inimitable, une gouaille venue des faubourgs où il a grandi au milieu des voyous, on est souvent plus dans l’invrai-

voit l’œuvre en train de se faire, entre deux histoires rocambolesques et les récits d’une vie de flambeur. Devant nos yeux admiratifs se dévoile alors un Guy Ribes serein, concentré, au geste sûr et la technique hors pair : des grosses paluches aux doigts d’or pour créer des œuvres de génie ! Et très vite le bonhomme roublard reprend le dessus ; quand on lui demande ce qu’il va faire d’un superbe vrai-faux Matisse tout juste achevé, il répond « Je vais le signer, et après je le détruirai » puis tourne un regard coquin vers la caméra : on n’y croit pas un instant, mais on est fasciné par tant de talents : celui du faussaire ou de l’acteur ? SB

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À propos de La sociologue et l’ourson

L

e film documentaire pose depuis toujours de nombreuses questions qui peuvent avoir trait aussi bien à la confiance que l’on peut lui accorder qu’à la supposée objectivité de leurs auteurs.* C’est ainsi que, voici quelques années, les documentaristes américains se sont inquiétés du travail de certains d’entre eux, qui semblaient allègrement franchir toutes les lignes jaunes du monde. On peut ainsi citer à titre d’exemple : un documentaire sur le mouvement des droits civiques... qui contenait des séquences purement et simplement jouées par des acteurs, sans que le spectateur en soit averti ; un film sur les pratiques douteuses d’une entreprise américaine au Guatemala... dans lequel l’un des principaux personnages interviewés n’était pas qui il disait être et mentait sur nombre d’autres points. Mon anecdote préférée est tout de même celle d’un documentaire animalier pour lequel le fournisseur d’animaux, à l’insu du réalisateur, avait cassé une patte à un lapin pour que le prédateur l’attrape plus vite et que la prise soit dans la boîte plus rapidement. Lorsqu’il est question de faire une deuxième prise, l’homme demande au cinéaste « et celui-là, je lui casse la patte aussi ? » On imagine la tête du réalisateur... qui finit par dire... « OK, vas y... » Or, un documentaire vient tout juste de sortir sur nos écrans, qui choisit précisément de nous montrer, on ne peut plus explicitement, que les images qu’il nous propose sont fausses, qu’il ne peut s’agir d’images correspondant à la réalité. Il s’agit de La Sociologue et l’ourson, de E. Chaillou et M. Théry,

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Vos critiques

qui met en scène une partie importante des débats, discussions et invectives qui ont monopolisé l’attention avant l’adoption de la loi sur le mariage pour tous. Sauf que là, une part importante des images ne nous montre pas les hommes politiques ou les intervenants de ce débat pour de vrai mais nous les donne à voir incarnés (interprétés, en fait !) par des peluches ou des figurines sur lesquelles on a rajouté des enregistrements de leurs vraies voix... Ce choix délibéré permet, s’il en est encore besoin, de bien marquer que les documentaires font toujours l’objet de choix artistiques (en leur absence, il s’agira tout bonnement de mauvais documentaires !) L’effet comique est bien sûr imparable mais, finalement, n’est peut-être que secondaire... En effet, la distance induite par ces images nous amène en fin de compte à faire plus attention à ce qui est dit, à le détacher de sa source, à entendre les arguments et les invectives pour ce qu’ils sont, sans le parasitage qui nous fait automatiquement dire « Ah... bien sûr... c’est untel, unetelle qui dit cela, rien d’étonnant là-dedans. » On pourrait dire que, à défaut d’images documentaires, il s’agit d’images documentées, des images indiscutablement fabriquées mais parfaitement enracinées dans le réel, et qui nous parlent avec autant de force que des images prises sur le vif... ER * Au-delà de ces problèmes éthiques, son statut artistique même pose souvent question. Il a ainsi été courant d’entendre des interrogations du type : « C’est un documentaire ou un film ? »

BELGICA de Félix Van Groeningen […] Peu de moments de respiration entre les scènes de fêtes (Brueghel contemporain?) et une bande son saturée et omniprésente. On est pris d’emblée dans cette histoire de trajectoires. Celle des 2 frangins aux prises avec le fantôme du père, l’ange cyclope et le diable entreprenant, qui finiront par échanger leurs rôles. Celle du projet alternatif qui dérape et vire à la gueule de bois, pour finir en triste business avec vigiles et vidéosurveillance et la fuite ou l’expulsion des copains. Au bout du compte (et des comptes) tous perdants ? Pouvait-il en être autrement ? Le jeu en valait-il la chandelle ? HH […] s’il y a des scènes cruelles, elles ne sont jamais vulgaires car elles sont portées par les personnages qui sont riches d’humanité et par la caméra qui sait saisir ce café et la faune qui s’ y presse sans s’ y appesantir, comme en virevoltant au rythme de la musique. Un film qui est aussi fort que les autres films de ce réalisateur sur les relations conflictuelles et fusionnelles à la fois entre deux frères. CF THE REVENANT de Alejandro González Iñárritu Du grand cinéma Hollywoodien avec ses qualités et ses défauts. Les paysages sont grandioses. On se rend parfaitement compte de l’extrême rudesse de cette époque

dans une contrée libre et sauvage. Par contre, c’est Hollywood, ils ne peuvent pas s’empêcher d’en faire des tonnes (Leonardo se prend pour le James Bond ou le Rambo du XVIIIIe siècle) : il se fait sauvagement agresser par un ours, évite des centaines de flèches indiennes, chute d’une falaise de 30 mètres, dort nu dans le cadavre d’un cheval et remet ses vêtements sortis du pressing… Je pense que son Oscar mérité d’interprétation récompense l’ensemble de sa carrière. Patgir THE ASSASSIN de Hou Hsiao-Hsien […] Le film est superbe sur le plan des images qui crèvent littéralement l’écran : beauté picturale des costumes, des coiffures, des objets, des mouvements, des paysages, des intérieurs de palais… C’est un peu comme si une succession de tableaux défilaient devant l’œil ébloui du spectateur. Le rythme du film est lent et met en valeur la perfection de la mise en scène aux détriments peut-être de l’histoire dont les enjeux ne sont pas toujours clairement définis. Mais l’histoire personnelle des personnages reste compréhensible et émouvante : la princesse, The Assassin, se libère certes de sa mission criminelle mais elle ira sans doute toujours vêtue de noir, solitaire et sacrifiée. Il faut en fait se laisser porter par les images et accepter que la fiction résiste quelque peu à la compréhension ! CF Rubrique réalisée par RS

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