27.11 au 31.12 2013

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ISSN 0299 - 0342

CINÉMAS STUDIO : 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS

N°318 • décembre 2013

THE LUNCHBOX un film de Ritesh Batra N'oubliez pas : séances supplémentaires le dimanche matin à 11 heures !


S

O

M

M

A

I

R

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décembre 2013

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3

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4

Éditorial

CNP

LES FILMS DE A à Z en bref

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5 16

Bande annonce .............

18

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19

Initiatives citoyennes et désobéissance

Horaires d’ouverture : lundi : mercredi : jeudi : vendredi : samedi :

de 14h00 à 19h00 de 14h00 à 17h00 de 14h00 à 17h00 de 14h00 à 19h00 de 14h30 à 17h00

À propos de

Jimmy P.

Cafétéria des Studio gérée par l'association AIR (chantier d'insertion),

Courts lettrages

La Vie d’Adèle

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20

sur présentation des cartes abonné et cafétéria.

À propos de

Grand Central

accueille les abonnés des Studio tous les jours de 16h00 à 21h45

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22

Tél : 02 47 20 85 77

Pages & images

La Centrale & Grand Central

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23

Interférences

Les Beaux jours/Elle s’en va/Gare du Nord Suivez la route de l’animation

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Les STUDIO sont membres de ces associations professionnelles :

25

EUROPA

26

REGROUPEMENT DES SALLES POUR LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPÉEN

Rencontre

David Perraud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Rencontre

AFCAE ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET ESSAI

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30

ACOR

Vos critiques

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33

ASSOCIATION DES CINÉMAS DE L’OUEST POUR LA RECHERCHE

Jeune Public

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34

Bertrand Tavernier

(Membre co-fondateur)

GNCR

FILM DU MOIS : THE LUNCHBOX

GRILLE PROGRAMME

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36

pages centrales

GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE

ACC ASSOCIATION DES CINÉMAS DU CENTRE (Membre co-fondateur)

Site : www.studiocine.com et un lien vers notre page Facebook : cinémas STUDIO Prix de l’APF 1998

LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS - 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - Mensuel - Prix du numéro 2 €. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Sylvie Bordet, Éric Costeix, Isabelle Godeau, Jean-François Pelle, Claude du Peyrat, Dominique Plumecocq, Claire Prual, Éric Rambeau, Roselyne Savard, Marcelle Schotte, avec la participation de Jean-Claude Stoeckel du CNP et de la commission Jeune Public. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Rambeau – MISE EN PAGES & EN IMAGES : Francis Bordet. ÉQUIPE DE RÉALISATION : Éric Besnier, Roselyne Guérineau – DIRECTEUR : Philippe Lecocq – IMPRIMÉ par PRÉSENCE GRAPHIQUE, Monts (37)

Présence graphique contribue à la préservation de l’environnement et atteste être reconnu IMPRIM’VERT.


éditorial

En Amazonie L

ors de la cérémonie anniversaire des 50 ans des Studio, le 9 mars dernier, notre parrain, Bertrand Tavernier, a rappelé, devant un beau parterre d’élus, qu’il était vrai que la culture coûtait de l’argent mais qu’il ne fallait pas oublier aussi qu’elle en rapportait et qu’on pouvait parler en l’occurrence d’une véritable économie. Lors de la rencontre avec le public autour de sa comédie Quai d’Orsay, il s’est emporté contre « ce crétin de ministre du redressement productif » qui s’était félicité de l’installation des entrepôts géants d’Amazon à Chalons-surSaône. Nous recommandant la lecture de la passionnante enquête intitulée : En Amazonie, où le journaliste, Jean-Baptiste Malet, s’est infiltré dans l’occulte société pour en connaître les modes de gestion du personnel. Bertrand Tavernier a rappelé que, scandaleusement, Amazon ne reversait aucun impôt en France. Comme le démontrait J. B. Malet, ces nouvelles sociétés créent certes des emplois (précaires, mal payés, épuisants) mais en détruisant des emplois existants plus qualifiés et plus enrichissants : dans le cas d’Amazon, la disparition des métiers des librairies… pour celui de magasinier intérimaire ! L’un des intervenants du débat organisé

par le Collectif de soutien aux cinémas indépendants tourangeaux, le 11 octobre dernier le rappelait : les conditions de travail dans les salles des multiplexes et dans les salles des cinémas d’art et essai sont radicalement différentes. Il est vrai que nous mettons souvent l’accent sur la vie culturelle et associative des Studio. Pourtant, les Studio sont aussi une entreprise riche du travail de ses 18 salariés. Comme dans tous les cinémas, on y trouve des caissiers, des projectionnistes, des femmes de ménage, un comptable, un directeur, mais les spécificités des cinémas de la rue des Ursulines ont permis le développement d’autres tâches liées au site internet, à l’organisation des séances scolaires ou jeune public, au contact avec les correspondants, dans la bibliothèque, avec les distributeurs des films… Les hommes politiques qui se félicitent de l’ouverture de multiplexes font semblant d’oublier que la création d’emplois (aux horaires fractionnés et peu payés) mettent en péril des métiers existants… et l’une des spécificités des Studio, depuis 50 ans, au-delà de sa richesse culturelle et associative, a été de développer une importante équipe de professionnels au service de spectateurs tourangeaux. DP

En raison des délais de fabrication des Carnets, cet éditorial a été rédigé avant de connaître le résultat de la CNAC (Commission nationale d'aménagement commercial) du 15 novembre. AVIS : La cafétéria AIR sera fermée du 24 décembre 2013 au 1er janvier 2014. Pendant cette période, Indo Emil sera heureux de vous proposer boissons chaudes et spécialités indiennes. Les CARNETS du STUDIO

n°318

décembre 2013

3


SEMAINE

du 25 au 31 décembre

5

2013

Mercredi 25, les séances ne seront assurées qu’à partir de 17 h. Mardi 31 décembre, les dernières séances de 21 h ne seront pas assurées.

14h30 2h00’ 17h00 TEL PÈRE 19h15 TEL FILS 21h30 de Hirokazu Kore-eda dim 11h00

1h20’

LOULOU

L’INCROYABLE SECRET de Éric Omond & Grégoire Solotareff

14h15 2h45’ LE LOUP 17h15 DE WALL STREET de Martin Scorsese 21h00 À suivre. 14h15 1h34’ 17h30 21h45 14h15

À suivre.

1h18’

IL ÉTAIT UNE FORÊT de Luc Jacquet

20h00 C

I

N

Journée Mondiale de Lutte contre les violences faites aux femmes

30’

SUZANNE

L’APPRENTI PÈRE NOËL ET LE FLOCON MAGIQUE

de Katell Quillévéré À suivre.

de Luc Vinciguerra

16h00 dimanche 11h15

de J. C. Chandor

14h15 1h30’ + court métrage 6’ 19h45 2 AUTOMNES 3 HIVERS À suivre. dimanche de Sébastien Betbeder 11h00

1h46’ VF

L’EXTRAVAGANT VOYAGE DU JEUNE ET PRODIGIEUX T.S. SPIVET de Jean-Pierre Jeunet

3D

17h45

1h31’

LE GÉANT ÉGOÏSTE

17h45 21h45

de Clio Barnard À suivre.

1h30

I USED TO BE DARKER de Matthew Porterfield À suivre.

1h52’

LE DÉMANTÈLEMENT de Sébastien Pilote

2h09’

A TOUCH OF SIN de Jia Zhang Ke

21h30 dimanche 11h00

É

M

A

T

H

È

Q

U

21h45

de Guillaume Gallienne de Roman Polanski

dim 11h00

samedi à 14h15

14h15 1h59’ 17h00 19h15 THE IMMIGRANT 21h30 de James Gray dim 11h00 14h15 1h42’ 17h45 19h45 AVANT L’HIVER 21h45 de Philippe Claudel dim 11h00

de Roman Polanski

1h42’

19h30

de Cédric Klapisch

Le film imprévu www.studiocine.com

Toutes les salles des Studio sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

14h30 19h45

11h15

de Max Lang & Jan Lachauer

16h15

Surprise : mercredi 14h15

11h15

1h38’

!

RÊVES D’OR de Diego Quemada Diez

LE DERNIER DES INJUSTES

mer-sam-dim

dimanche

sans paroles

SIDEWALK STORIES 17h15 de Charles Lane

2h19’

VIOLETTE de Martin Provost

17h00

1h45’

INSIDE LLEWYN DAVIS

19h30

de Ethan et Joel Coen

1h53’

QUAI D’ORSAY de Bertrand Tavernier

1h58’

BORGMAN de Alex Van Warmerdam

19h30 17h00 21h15

2h07’

BLOOD TIES

21h30

de Guillaume Canet

1h20’ + court métrage 12’

LA MAISON À LA TOURELLE

21h45

de Eva Neymann

1h40’

LES INTERDITS de Anne Weil & Philippe Kotlarski

www.studiocine.com

mer-sam-dim

14h15

AVANT-PREMIÈRE

de Claude Lanzmann

1h57’

dimanche

LA SORCIÈRE DANS LES AIRS

LA VÉNUS À LA FOURRURE

mardi 19h45 14h30

50’ VF

1h35’

de Ritesh Batra

CASSE-TÊTE CHINOIS

E

14h15 1h25’ LAGARÇONS VÉNUS ET 17h45 LES 21h30 GUILLAUME À TABLE À LA FOURRURE

3h39’

THE LUNCHBOX

de David Soren

lundi BAS LES MASQUES 19h30 de Richard Brooks

1h44’

TURBO

Débat avec Mmes Lorin et Azaria

1h27’

14h30 19h15

1h36’ VF

Un ruban contre les violences

16h00

1h25’

ALL IS LOST

19h45

CNP jeudi

du 27 novembre au 3 décembre 2013

1

mer-sam-dim

À suivre.

17h30

16h15

1h46’

19h45

14h30

samedi à 14h15

À suivre.

14h15 16h00 dimanche 11h15

SEMAINE

Le film imprévu www.studiocine.com

Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

Cinémas Stu d io – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


SEMAINE

CNP jeudi

2

du 4 au 10 décembre

Travail forcé des indochinois en France pendant la 2e guerre mondiale

CONG BIHN, LA LONGUE NUIT INDOCHINOISE

1h56’ de Lam Lê

19h45 Débat avec le réalisateur

TURBO de David Soren

mer-sam-dim

14h15

dimanche

11h15

17h15

50’ VF

jeu-lun LA SORCIÈRE sauf mer-sam-dim BALZAC ET LA PETITE DANS LES AIRS 16h15 TAILLEUSE CHINOISE de Max Lang & Jan Lachauer dim 11h15 1h56’ de Dai Sijie

C I N É M A T H È Q U E

lundi 19h30

1h36’ VF

2013

En présence de Philippe Ouzounian, comédien

14h15 1h59’ THE 17h00 IMMIGRANT 21h00 de James Gray

dim 11h00

jeudi Vente d’affiches de 18h00 aux enchères à 20h30 1h30’

sauf jeudi

LULU FEMME NUE vendredi

À TABLE ! 17h30 de Guillaume Gallienne 19h15

1h25’ 1h35’

LA VÉNUS 19h45 À LA FOURRURE sauf

L’HIVER

21h45 de Philippe Claudel 14h30 1h47’ 17h30 HENRI 19h30 de Yolande Moreau

de Roman Polanski

SNOWPIERCER LE TRANSPERCENEIGE 21h30 de Bong Joon ho

1h58’

14h30 1h17’ + court métrage 9’ 19h30 LA JALOUSIE

+ mer-sam-dim

16h00

jeudi

2h06’

dim 11h00

de Philippe Garrel

de Alex Van Warmerdam

LES INTERDITS 21h45

14h30 RÊVES D’OR 19h45 de Diego Quemada Diez www.studiocine.com

BORGMAN 21h30 1h40’

1h42’

20h00

16h15 EN TRANSITION LE NOËL DE KOMANEKO dimanche de Nils Aguilar 52’

2h08’ LA

VIE lundi EST BELLE

de Frank Capra présentée par les élèves de la 19h30 Soirée section audiovisuel du lycée Balzac

1h30’

AVANT-PREMIÈRE

mercredi 2 AUTOMNES 3 HIVERS

de Sébastien Betbeder 19h45 Rencontre avec le réalisateur

de Anne Weil & Philippe Kotlarski

Le film imprévu www.studiocine.com

14h15 1h57’ 17h15 CASSE-TÊTE CHINOIS 21h15 de Cédric Klapisch 14h15 3D

19h45

dim 11h00

1h31’

GRAVITY de Alfonso Cuaron

14h15 1h46’ 17h30 19h30 ALL IS LOST 21h30 de J C Chandor

dim 11h00

14h15 19h45 14h30 17h45 19h45 dim 11h00

14h30 19h30

de Tsuneo Goda

DÉBAT

C I N É M A T H È Q U E

2D

2013

Transition Energétique : mer-dim 46’ Vision globale, actions locales 14h15 LE PÈRE FRIMAS CULTURES de Youri Tcherenkov mer-sam-dim

et Bastien Bouillon, acteur

19h45 Rencontre avec la réalisatrice 14h15 1h57’ après la séance. 17h00 CASSE-TÊTE mercredi samedi 19h15 CHINOIS LES GARÇONS dimanche 21h30 de Cédric Klapisch ET GUILLAUME 16h15

14h15 1h42’ AVANT 17h45

CNP jeudi

AVANT-PREMIÈRE

de Solveig Anspach

dim 11h00

du 11 au 17 décembre

SEMAINE 3

55’

LOULOU

de Philippe Claudel

1h44’

THE LUNCHBOX de Ritesh Batra

2h09’

A TOUCH OF SIN de Jia Zhang Ke

Tous les films sont projetés en version originale (sauf indication contraire).

mer-sam-dim

16h15

ET AUTRES LOUPS dimanche de Grégoire Solotareff & Serge Ellisalde

11h15

4

du 18 au 24 décembre

TURBO de David Soren

14h15

1h20’ CNP L’ÉCOLE À BOUT DE SOUFFLE LOULOU 16h00 jeudi 52’ L’INCROYABLE SECRET À propos de l’école

20h00

sauf jeu-ven

de Marine Juliette

sauf jeu-ven

Débat avec Jérôme Camus

de Éric Omond & Grégoire Solotareff dim 11h15

C I N É M A T H È Q U E

17h30

1h46’ VO

L’ÉVENTAIL DE LADY L’EXTRAVAGANT VOYAGE 14h15 lundi 1h25’ WINDERMERE DU JEUNE ET PRODIGIEUX 19h15 19h30 de Ernst Lubitsch T.S. SPIVET

17h15 sauf jeu-lun

14h15 1h46’ 17h15 ALL IS LOST 19h15 de J C Chandor

sauf lun 1h20’

2013

Mardi 24 décembre, les dernières séances de 21 h ne seront pas assurées.

de Jean-Pierre Jeunet

1h36’ VF

AVANT-PREMIÈRE

LOULOU

samedi

de Éric Omond & Grégoire Solotareff

14h00

L’INCROYABLE SECRET Rencontre avec Grégoire Solotareff + GOÛTER

mercredi

LES GARÇONS samedi ET GUILLAUME dimanche 1h25’ À TABLE ! 16h00 de Guillaume Gallienne

19h15

14h15 17h45 SUZANNE 19h30 dim 11h00 de Katell Quillévéré 14h15 1h31’ 17h30 LE GÉANT 19h30 ÉGOÏSTE de Clio Barnard dim 11h00 1h34’

1h28’ + court métrage 8’

1h59’

17h30 THE IMMIGRANT 21h30 de James Gray

1h47’

HENRI

1h42’

AVANT L’HIVER

11h15

SEMAINE

de Yolande Moreau

17h45 21h45

14h30 UNE FEMME 19h45 de DOUCE Robert Bresson

14h30 21h45

2h09’

A TOUCH OF SIN de Jia Zhang Ke

17h45 LA JALOUSIE 21h45 mer-sam-dim de Philippe Garrel 16h15

1h42’ + court métrage 3’

19h45

de Diego Quemada Diez

Le film imprévu www.studiocine.com www.studiocine.com

de James Gray

dim 11h00

LE PÈRE FRIMAS

16h15

46’ de Youri Tcherenkov

sauf

LE NOËL DE KOMANEKO jeu-ven de Tsuneo Goda

1h44’

17h45 THE LUNCHBOX 21h45 de Ritesh Batra

2h33’

PRISONERS

21h30 dimanche

11h00

1h42’

AVANT L’HIVER 1h31’

GRAVITY de Alfonso Cuaron

1h47’

HENRI de Yolande Moreau

1h57’

de Luc Jacquet

21h30

sauf jeu

de Philippe Claudel

THE 19h15 sauf jeu IMMIGRANT

RÊVES D’OR 21h45

IL ÉTAIT 16h00 sauf UNE FORÊT jeu-ven

de Denis Villeneuve

1h59’

1h17’

1h18’

17h15 CASSE-TÊTE 21h15 deCHINOIS Cédric Klapisch

3D

21h30

sauf lun

LES GARÇONS ET GUILLAUME 21h45 1h25’ À TABLE ! de Guillaume Gallienne

Le film imprévu www.studiocine.com

Film proposé à partir de 10 ans, les parents restant juges.

Cinémas Stu d io – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


jeudi 12 décembre - 20h00 jeudi 28 novembre - 20h00 Le CNP, le CIDFF 37, le Collectif Féminisme du PCF 37, le Planning Familial 37, dans le cadre de la journée Mondiale de Lutte contre les violences faites aux femmes, proposent :

Comment combattre réellement les violences faites aux femmes ? Archaïques, sociétales, sociales ? Quelles sont ces violences dont on parle tant ? Transversal et toujours actuel, ce fléau interroge notre société en pointant ses dysfonctionnements : non-application de la loi, manque de moyens, opacité du parcours des victimes… La réalité de ces violences, face au déni et au tabou trop présent, rappelle que la prise de conscience est individuelle et collective, sociale et sociétale. Après le film Un ruban contre les violences, nous échangerons autour d’un état des lieux et débattrons en présence d’acteurs locaux, de M me Lorin (déléguée départementale aux Droits des femmes et à l’égalité) et de M me Azaria de l’association Femmes égalité. jeudi 5 décembre - 19h45 Le CNP, Les Amis du Monde diplomatique et Touraine-Vietnam proposent :

Công Bihn, la longue nuit indochinoise En 1939, 20 000 jeunes Indochinois furent embauchés de force en France, dans les usines d’armement ou à la campagne, pour remplacer les soldats mobilisés. Ces ouvriers, astreints à un travail épuisant, très mal payés, furent considérés à la fois comme des collaborateurs par les Français et comme des traîtres par les Vietnamiens ! Qu’ont vécu ces malheureux ? Que sont-ils devenus après la guerre ? Film : Công Bihn, la longue nuit indochinoise (2013 – 1h56), suivi d’un débat avec le réalisateur Lam Lê.

4

– Les CARNETS du STUDIO

n°318

décembre 2013

Le CNP, ATTAC et le Réseau Sortir du nucléaire 37 proposent :

Transition énergétique : vision globale, actions locales La triple menace de la raréfaction des énergies fossiles, des changements climatiques et de la déchéance imminente de notre système économique nous conduit à l’obligation d’une transition énergétique rapide et profonde. Cette transition peut être subie ou bien choisie et anticipée. Face à l’indifférence des médias dominants et à la quasi-inaction des dirigeants, l’action citoyenne prend toute son importance et peut revêtir de multiples formes. L’important est d’agir. Film :Cultures en transition, de Nils Aguilar. Débat avec la participation de Châteauneuf en transition et Virage-Energie Centre. jeudi 19 décembre - 20h00 Le CNP, la FCPE, ACET, les FRANCAS, les CEMEA, RESF, SPF 37 proposent :

À propos de l’école L’école s’est construite sur quelques grands idéaux qui ont servi de références communes : école laïque, gratuite et obligatoire, accessible à tous au sein d’un service public garanti par l’État. Parler des missions de l’école aujourd’hui, c’est envisager les statuts et les activités de la communauté éducative : personnels, élèves, parents et acteurs entourant l’institution. Qu’espère-t-on de notre école dans ce monde libéral, conduisant à une privatisation rampante des services publics et dans une actualité riche en débats : inégalités territoriales, rythmes scolaires, mixité sociale, théorie des genres... NOUS, citoyens, quelle école voulons-nous ? Film : L’école à bout de souffle de Marine Juliette, 2011, 52’. Débat avec la participation de Jérôme Camus, maître de conférence en sociologie.


Jeudi 5 décembre à 18h30, les Studio accueilleront une vente aux enchères d’affiches de cinéma, dont certaines fort rares… Que vous aimiez 2001, Le Guépard, A bout de souffle, West Side Story, ou bien encore Jour de fête ou Pépé le Moko… vous aurez une chance d’y trouver l’affiche (parfois rare) de votre choix. (Les amateurs de Et Dieu créa la femme, y trouveront aussi de quoi se faire plaisir…) Le catalogue est disponible aux Studio ou à l’étude de Maître Jabot, 246 rue Giraudeau, à Tours. (Attention, les affiches mises en vente ne sont pas celles du fonds appartenant aux Studio.)

w w w . s t u d i o c i n e . c o m Sur le site des Studio (cliquer sur : PLUS D’INFOS, pour entrer dans la fiche film), vous trouverez des présentations signées des films que les rédacteurs auront vus après leur sortie en salle. Les fiches non signées ont été établies de manière neutre à partir des informations disponibles au moment où nous imprimons.

Les films de A à Z 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com AVANT LES FILMS , DANS LES SALLES, AU MOIS DE DÉCEMBRE

2013 :

• Traversées de Guillaume de Chassy (studio 1-2-4-5-6) • Hang With You de Steve Shehan

Musiques sélectionnées par Eric Pétry de RCF St Martin.

2 automnes, 3 hivers

France – 2013 – 1h30, de Sébastien Betbeder, avec Vincent Macaigne, Maud Wyler, Bastien Bouillon...

À trente-trois ans, Arman a décidé de changer de vie. Pour débuter, il se met à la course et, dans un parc, percute, littéralement, Amélie... C’est le début d’une histoire aux multiples chapitres que l’on va suivre, comme le titre l’indique, pendant cinq saisons. Au départ, on craint un film un peu trop branché avec des tics qui envahissent parfois le jeune cinéma français ; le doute disparaît très vite. Deux automnes, trois hivers nous entraîne, nous séduit par sa construction astucieuse, ses personnages attachants et son humour omniprésent. Et plus le film avance, plus il nous emporte, nous touche. Son ton volontiers badin est l’élégance qui permet de traiter sérieusement les moments graves sans y faire peser de l’esprit de sérieux. Jamais lourd mais infiniment poignant et avec des moments de grâce, comme celui qui utilise la

chanson Il est trop tard de Georges Moustaki. On sort de Deux automnes, trois hivers le cœur gros et serré tout en se sentant léger. Sacrée prouesse. JF + COURT MÉTRAGE semaine du 25 au 31 décembre La Mort du Père Noël France – 2012 – 6’, de Laurent Firode, avec Irène Ismailoff, Mustapha Abourachid, Jean-Michel Marnet, Claudine Jacquemard, Bruno Forget…

Mercredi 11 décembre, avant-première et rencontre avec Sébastien Betbeder, le réalisateur, et Bastien Bouillon, acteur, après la séance de 19h45

All Is Lost USA – 2013 – 1h46, de J-C Chandor, avec Robert redford

A

Alors qu’il navigue en solitaire dans l’Océan indien, un homme se réveille pour découvrir que sa coque prend l’eau. Commence alors une lutte de chaque instant pour sauver son embarcation et sa vie en même temps.

Les fiches paraphées correspondent à des textes dont le rédacteur a vu le film Les CARNETS du STUDIO

n°318

décembre 2013 –

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Un homme seul sur un bateau, pas de flashbacks… voilà qui promet un film peu bavard. Oui, mais l’homme en question c’est Robert Redford lui-même et l’homme qui le filme est celui qui nous avait donné l’année dernière l’excellent Margin Call. De quoi attendre avec une certaine impatience ce huis-clos en pleine mer avec l’un des plus grands acteurs qui soient, apparemment au meilleur de luimême. Sources : denverpost.com, theglobeandmail.com

L’Apprenti Père Noël et le flocon magique Voir pages Jeune Public

t’aime, sans oublier le charmant Tous les soleils, le romancier Philippe Claudel revient pour son troisième film à une tonalité plus automnale. Paul, neurochirurgien est marié à Lucie ; ils semblent former un couple idéal qui nage dans le bonheur. Mais un jour, des bouquets de roses commencent à être livrés anonymement chez eux. Au même moment Lou, une jeune fille de vingt ans, ne cesse de croiser le chemin de Paul. Sur fond de secrets de famille et de non-dits enfouis depuis des années, les masques vont tomber. Mais, qui ment ? Quel est le vrai ? Philippe Claudel livre dans une atmosphère ténébreuse, une étude de mœurs pleine de tendresse et à la précision chirurgicale. Sources : dossier de presse

A Touch Of Sin

Chine – 2013 – 2h13, de Jia Zhang Ke, avec Wu Jiang, Wang Baogiang, Tao Zhao...

Un mineur, exaspéré par la corruption, décide de passer à l’acte, un travailleur migrant découvre les possibilités offertes par son arme à feu, une hôtesse d’accueil dans un sauna est harcelée par un client et un jeune ouvrier passe d’un travail à un autre dans des conditions de plus en plus difficiles... Jia Zhang Ke (The World, Still Life, entre autres) est un très grand réalisateur. Avec A Touch Of Sin il revient à la fiction, même si l’aspect documentaire de I Wish I Knew, son précédent film, n’est pas bien loin. Quatre histoires comme quatre reflets de la chine contemporaine, quatre aspects surprenants, glaçants, touchants. Par sa mise en scène, la beauté des images et des cadres (même si le film est parfois rude et que les irruptions de la violence y sont très abruptes), Jia Zhang Ke touche au très haut. Majestueux et sidérant, tragique et passionnant de bout en bout, cette vision assez noire épate par sa maîtrise, son souffle. Un film important de 2013. JF

Blood Ties

France – 2012 – 2h07, de Guillaume Canet, avec Clive Owen, Billy Crudup, Marion Cotillard…

Chris est libéré pour bonne conduite, après neuf ans passés en prison, à New York, dans les années 70. Son frère, Franck, l’attend à la sortie. Il est flic et n’est jamais venu le voir : outre des choix de vie opposés, leur enfance les sépare. Leur père les a élevés seul, en manifestant une préférence nette pour Chris, d’où une rivalité forte entre eux. Malgré cela, Franck espère que son frère a changé. Il le loge, lui procure du travail et l’aide à renouer des liens avec son ex-femme et ses enfants. Chris rencontre Nathalie, mais… son passé le rattrape, et pour Franck, ce sera la dernière trahison, impardonnable. Ce film, remake des Liens du sang, de Jacques Maillot, est un hommage aux polars des années 70. Photo gros grain, lumières douces, vêtements vintage, c’est un film à l’ancienne, basé sur un scénario classique, mais efficace. Il a été présenté hors compétition au festival de Cannes 2013. Sources : dossier de presse

Avant l’hiver

France – 2013 – 1h43, de Philippe Claudel, avec Daniel Auteuil, Kristin Scott-Thomas, Leïla Bekhti, Richard Berry.

Après le succès d’Il y a longtemps que je Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

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Borgman

Pays-Bas/Belgique/Danemark – 2013 – 1h53, de Alex Van Wamerdam, avec Jan Bijvoel, Haslewych Minis, Alex Van Wamerdam…

Un homme, enfin… ce qui semble être un homme, surgit de terre. Camiel Borgman, puisque tel est son nom, erre dans les rues d’une banlieue cossue et finit par sonner au portail d’une demeure bourgeoise. Malmené par le propriétaire, Borgman parvient tout de même à s’introduire et à s’installer dans la maison grâce à la commisération de son épouse. Mais qui est véritablement Borgman ? « Un rêve, un démon, une allégorie ou l’incarnation bien réelle de nos peurs ? » L’enfer sera, en tous les cas, pavé de mauvaises intentions. Van Wamerdam, défini par certains comme un héritier sombre de Tati, propose donc à la suite, entre autres de Pasolini ou de Haneke, sa vision du mal : « J’ai voulu montrer comment le mal se glisse dans le quotidien. Comment il s’incarne dans des hommes et des femmes ordinaires, normaux, bien élevés… » Filmographie sélective: Abel (1986), La Robe et ses effets sur les femmes qui la portent et les hommes qui la regardent (1996), Les Derniers jours d’Emma Blank (2009)

pour la baby sitter de son fils… Un casse tête réjouissant ! Sources : dossier de presse

Le Démantèlement Canada – 2013 – 1h52 – de Sébastien Pilote, avec Gabriel Arcand, Gilles Renaud, Lucie Laurier…

D

Gaby est éleveur de moutons dans une ferme qu’il a héritée de son père. Il y vit seul depuis que ses filles sont parties s’installer à Montréal. Quand l’aînée lui demande de l’aider financièrement, Gaby, chez qui le sentiment de paternité s’est développé jusqu’à la déraison, décide, contre l’avis général, son intérêt et même son intime conviction, de vendre sa propriété. C’est dans les paysages immenses superbement filmés de la région de Saguenay, que l’on contemple un homme qui se défait, sans rien dire et encore moins montrer. Cette variation du Père Goriot de Balzac, transposée de nos jours au Québec, région où tout le milieu agricole est en danger, est magnifique et poignante. Quant à l’interprétation de Gabriel Arcand, toute en émotion contenue, elle est impressionnante. SB

Sources : dossier de presse, telerama.fr

C

Le Dernier des injustes Casse-tête chinois

France – 2013 – 1h54, de Cédric Klapisch, avec Romain Duris, Kelly Reilly, Audrey Tautou, Cécile de France…

Tout a commencé en 2002, à Barcelone, avec L’Auberge espagnole puis a continué en Russie, en 2005, avec Les Poupées russes. Cette fois-ci, destination New York où Xavier a destiné de s’installer pour continuer à voir ses enfants après sa séparation d’avec Wendy. Généralement, au cinéma, les suites sont assez calamiteuses. Avec Klapisch, le spectateur a l’impression de prendre des nouvelles d’amis qui lui sont chers. Ils ont désormais la quarantaine et Klapisch filme le temps des illusions perdues, de l’aspiration à l’apaisement et au bonheur, même s’il passe par des péripéties rocambolesques : Xavier doit se marier avec une Chinoise pour lui permettre d’obtenir la nationalité française, Martine profite d’un rendez-vous de boulot pour reconquérir un ex, Isabelle qui a un coup de foudre

France – 2013 – 3h38, de Claude Lanzmann, avec Claude Lanzmann.

En 1975, Lanzmann filme le dernier président du conseil juif du ghetto de Theresienstadt, ville dont Hitler disait qu’il en avait fait cadeau aux juifs. Benjamin Murmelstein était chargé administrativement d’organiser l’émigration forcée des juifs d’Autriche. Rabbin à Vienne, après 1938, il lutta pied à pied avec Eichmann, fit émigrer 121 000 juifs et réussit ainsi à ne pas faire disparaître le ghetto. En 2012, Lanzmann exhume et met en scène ces entretiens de Rome en revenant à Theresienstadt, le « ghetto modèle ». On découvre la personnalité fascinante de Benjamin Murmelstein. Le film éclaire comme jamais auparavant la genèse de la solution finale, démasque le vrai visage d’Eichmann et dévoile les contradictions sauvages des Conseils Juifs. Ce film nouveau et admirable est un témoignage exemplaire sur le génocide perpétré entre Les CARNETS du STUDIO

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1942 et 1945 contre les juifs par les nazis. Filmographie succincte : Pourquoi Israël (1972), Shoah (1985), Tsahal (1994), Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures (2001). Sources : dossier de presse.

E

L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet France/USA – 2013 – 1h45, VO/VF, 2D/3D, de Jean-Pierre Jeunet,avec Callum Keith Rennie, Helena Bonham Carter, Judy Davis, Dominique Pinon…

Dans la famille de T. S. Spivet, il semblerait qu’être farfelu corresponde à la normalité : le père se veut cow-boy, la mère, entomologiste, s’intéresse davantage aux coléoptères qu’à ses enfants, tandis que la sœur se rêve Miss America ! Heureusement, il y a Layton son faux jumeau qui, selon T. S., aurait pris les muscles tandis que lui a eu les neurones ! Et des neurones, T. S. n’en manque pas et s’en sert brillamment. Passionné par les sciences, il a inventé, entre autres, une machine à mouvement perpétuel. Peu de temps après la disparition accidentelle de Layton, le jeune prodige se voit invité par le prestigieux musée Smithsonian afin d’être récompensé pour son invention. Sans prévenir personne, il décide de quitter son Montana natal pour rejoindre Washington. Muni d’une valise plus grande que lui, d’un télescope, de quatre compas et d’un squelette de sansonnet, le génial inventeur certes, mais néanmoins gamin de 10 ans, T. S. Spivet peut entamer son voyage, extravagant, forcément ! Le livre de Reif Larsen, grand succès de librairie de 2009, était indéniablement fait pour Jean-Pierre Jeunet, passionné par les personnages atypiques, et créateur d’univers singuliers et poétiques. Filmographie : Delicatessen (1991), La Cité des enfants perdus (1995), Alien, la résurrection (1997), Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2001)… Sources : Première.fr, Marianne.net

Voir pages Jeune Public

G Les Garçons et Guillaume, à table ! France – 2013 – 1h25, de Guillaume Gallienne, avec Guillaume Gallienne, André Marcon, Françoise Fabian...

« Quand j’étais enfant, ma mère disait : Les garçons et Guillaume. Ce et m’a fait croire

que, pour rester unique aux yeux de cette Maman, pour me distinguer de cette masse anonyme qu’étaient les garçons, il ne fallait surtout pas que j’en sois un. J’ai tout fait pour être une fille, donc, et quel meilleur modèle que ma mère ? Peu à peu, j’ai pris la même voix qu’elle, les mêmes gestes, les mêmes expressions. Je ne suis pas devenu efféminé, mais féminin, m’appropriant Maman ». Devant la caméra, Guillaume Gallienne joue à la fois le rôle de sa mère et son propre rôle. À partir d’un one man show où il jouait comme un acteur de théâtre, Guillaume Gallienne a réussi le tour de force de réaliser un film en adoptant une autre voix plus naturelle et sans qu’il y ait de répétition. C’est à la fois un film comique et profond qui se nourrit de l’identification à sa mère et de sa propre existence. Guillaume Gallienne considère son premier film comme une déclaration aux femmes. En ces temps où la grisaille domine, laissezvous offrir humour, tendresse et sincérité ! Film récompensé à la Quinzaine des Réalisateurs et au festival de Deauville. MS

Le Géant égoïste

Grande-Bretagne – 2013 – 1h31, de Clio Barnard, avec Conner Chapman, Shaun Thomas, Sean Gilder...

Arbor et Swifty, deux adolescents, vivent à Bradford, une ville défavorisée du nord de l’Angleterre. Exclus de l’école, ils décident de gagner de l’argent. Avec une carriole et un cheval, ils collectent du métal pour le compte de Kitten, le ferrailleur. Si Arbor est fasciné par l’argent et en veut toujours plus, Swifty lui est attiré par les chevaux et prend part à des courses clandestines organisées par Kitten. Comme aucun des deux adolescents ne sait agir sans excès, leur amitié s’en trouve écartelée… jusqu’au drame. Pour cette libre adaptation d’un conte d’Oscar Wilde, Clio Barnard donne une vision très dure de la société britannique, dans la veine de l’école réaliste anglaise à la Ken Loach. Vous ne pourrez qu’être émus et bouleversés par le ton violent, poignant et juste des deux jeunes protagonistes du Géant égoïste qui a reçu quatre prix et deux nominations aux festivals de Cannes et Dinard 2013. MS

Film proposé à partir de 10 ans, les parents restant juges.

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Gravity USA & Grande-Bretagne – 2013 – 1h30, 2D, 3D, de Alfonso Cuarón, avec Sandra Bullock, George Clooney, Ed Harris…

Pour sa première expédition à bord d’une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu’il s’agit apparemment d’une banale sortie dans l’espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l’univers. Le silence assourdissant autour d’eux leur indique qu’ils ont perdu tout contact avec la Terre – et la moindre chance d’être sauvés. Réalisateur de Y tu mamá también (2001), Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban (2004), La Petite Princesse (1995) et Les Fils de l’homme (2006), Alfonso Cuarón est considéré comme l’un des cinéastes mexicains les plus prometteurs de sa génération. Deuil, perte, couple séparé par la mort, Gravity multiplie les prouesses visuelles et techniques. Indépendamment de son héritage filmique flamboyant. Alfonso Cuarón offre au spectateur rien de moins que d’éprouver le temps infini de l’espace. Sources : lemonde.fr

H

Henri

Belgique/France – 2013 – 1h47, de Yolande Moreau, avec Pippo Delbono, Candy Ming, Jackie Berroyer, Yolande Moreau, Lio…

La Cantina, petit resto aux alentours de Charleroi, est tenue par Rita et Henri. Peu bavard, Henri, d’origine italienne, cultive l’amitié arrosée avec Bibi et René, copains parfois un peu lourds. Henri partage aussi avec ces piliers de bar le goût pour les pigeons voyageurs. Mais le décès brutal de Rita plonge notre homme dans la solitude. Pour l’aider à La Cantina, sa fille lui suggère de faire appel à un papillon blanc, l’un des résidents déficients mentaux du foyer proche. C’est ainsi que Rosette, qui rêve d’amour et de normalité, débarque dans le quotidien d’Henri… Après Quand la mer monte (2004), Yolande Moreau nous propose la rencontre improbable de deux êtres en marge, l’un, mou et éteint, et

l’autre, bien vivante (superbes Pippo Delbono et Candy Ming). Avec ce film sensible et humaniste, la réalisatrice nous parle d’amour et de condition humaine avec son regard toujours aussi généreux. Superbe ! RS

Il était une forêt Voir pages Jeune Public

I

Inside Llewyn Davis

États-Unis – 2013 – 1h44, de Ethan et Joel Coen, avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake, Garret Hedlund, John Goodman…

Dans les années 60, à Greenwich Village, Llewyn Davis, guitare à la main, tente de gagner sa vie comme musicien folk. Aides des amis, petits boulots dans le Village new-yorkais… Llewyn squatte aussi les canapés pour survivre. Espérant peut-être une audition décisive, un jour… Ce nouveau « frères-Coen » ne se situe pas dans la veine noire et saignante de Fargo ou Sang pour sang. Avec cette comédie dépressive (un genre que les Coen pourraient presque avoir inventé) on est plus du côté de A serious man. L’humour, toujours très présent, ne s’y pratique jamais au détriment de la proximité d’avec les personnages : loser extraordinaire, Llewyn Davis accumule les ennuis et tout ce qui pourrait sembler lui sourire à un moment ou un autre se retourne finalement contre lui (même le chat qu’il perd puis finit par retrouver (mais, chut, n’en disons pas trop) et, comme la mise en scène n’en rajoute jamais (ou presque), on demeure dans un récit presque réaliste, chronique très douce et très amère d’une non-success story finalement assez anti-américaine. ER

Les Interdits

France – 2012 – 1h40, de Anne Weil et Philippe Kotlarski, avec Soko, Jérémie Lippmann…

En 1979, Carole et Jérôme, 20 ans, partent a Odessa, en URSS. Cousins, ils se disent fiancés. Simples touristes le jour, ils faussent compagnie à leur groupe le soir pour rencontrer clandestinement des refuzniks, ces Juifs désireux de s’exiler, harcelés par le régime

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soviétique. Ils découvrent un monde inconnu, brutal et absurde. Carole a le goût du risque et veut s’engager alors que Jérôme est surtout fasciné par sa compagne… On retrouve dans ce premier film intrigant et ambitieux, la jeune chanteuse Soko, découverte dans À l’origine, de Xavier Giannoli, et exceptionnelle dans Augustine de Alice Winocour. Il a reçu le Prix de la critique au Festival International du Film indépendant de Bordeaux. Sources : dossier de presse

I Use To Be Darker

USA – 2013 – 1h30, de Matt Porterfield, avec Deragh Campbell, Hannah Gross, Ned Oldham, Kim Taylor...

Taryn fuit l’Irlande pour aller se réfugier, à Baltimore, chez Kim et Bill, son oncle et sa tante musiciens. Mais ces derniers sont en pleine séparation... On a découvert Matt Porterfield il y a deux ans avec l’étrange et beau Putty Hill. S’éloignant toujours des codes convenus, il part d’une intrigue qui refuse constamment d’en être une au sens habituel du terme. Dégagé d’artifices et grâce à l’attention portée aux personnages, on a l’impression, rare, que ceux-ci sont réellement écoutés. Est-ce grâce au mélange, comme dans Putty Hill, de fiction et de réel ? Car l’oncle et la tante sont joués par Kim Taylor et Ned Oldham, musiciens professionnels et reconnus. I Used To Be Darker mérite vraiment que l’on s’y attarde. N’ayez pas peur d’être déconcertés, soyez curieux, en bonus, vous aurez même droit, dans la première scène, à l’apparition d’une certaine AE, avant qu’elle n’explose. JF

J

La Jalousie

France – 2013 – 1h17, de Philippe Garrel, avec Louis Garrel, Anna Mouglalis, Rebecca Convenant…

Louis quitte Clothilde pour Claudia (superbe A. Mouglalis). Louis et Claudia font tous deux du théâtre, mais lui enchaîne les rôles quand elle les attend. Amoureuse de Louis, elle a peur qu’il la quitte. Un soir, elle rencontre un architecte pour un travail. Louis aime Claudia et maintenant, il redoute qu’elle le quitte. Il y a aussi Charlotte, l’enfant de Clothilde et de

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Louis… Sur une BO de Jean-Louis Aubert et servi à l’image par un superbe N & B mis au point par le chef opérateur Willy Kurant, La Jalousie porte à l’écran l’histoire d’un amour que Maurice, le père du réalisateur – incarné ici par le petit-fils, Louis – a vécu avec une femme, que Philippe Garrel, alors enfant, admirait. Comme l’évoque le réalisateur des Amants réguliers (2004) : « La jalousie est une énigme, à laquelle tout le monde a eu affaire ». La Jalousie, loin d’être superficiel, répand presque un parfum de légèreté. RS + COURT MÉTRAGE semaine du 4 au 10 décembre La Femme-squelette France – 2009 – 9’, Animation, de Sarah Van Den Boom

Loulou et autres loups Voir pages Jeune Public

Loulou, l’incroyable secret France – 2013 – 1h23, dessin animé de Éric Omond

On retrouve dans ce 1er dessin animé d’Eric Omond, venu de la BD, en collaboration avec Grégoire Solotareff, le créateur des personnages, Loulou et son ami Tom le lapin, les héros de Loulou et autres loups. Mais ils ont grandi et Loulou, qui se croyait orphelin, apprend que sa mère est vivante, dans la principauté de Wolfendberg, le pays des Loups. L’amitié de Loulou et Tom survivra-t-elle dans ce pays où les herbivores finissent esclaves ou au menu du jour ? Inspiré par l’expressionnisme allemand et les grands films en technicolor, ce Loulou a suffisamment de niveaux de lecture pour séduire grands et petits. DP Voir pages Jeune Public

Le Loup de Wall Street

USA – 2013 – 2h45, de Martin Scorsese, avec Leonardo Di Caprio, Margot Robbie, Mathew McConaughey, Jonah Hill, Jean Dujardin…

À 26 ans, Jordan Belfort est un peu triste : l’année passée, il n’a pas tout à fait gagné un million de dollars par mois… Voilà… tout ou presque est dit : arriviste et cynique, le per-

L


sonnage central n’inspire pas vraiment une sympathie sans bornes… D’autant plus que, bien sûr, il est difficile de gagner autant d’argent sans tricher un minimum et sans en devenir un peu fou. Pour cette nouvelle collaboration avec L. Di Caprio, M. Scorsese nous livre donc une histoire de fous, de faux, de tricheurs mais aussi de drogue et peut-être même un peu de sexe pour faire bonne mesure. Tous domaines dans lesquels Scorsese a déjà maintes fois prouvé qu’il excelle. Tous les espoirs sont donc permis pour nous, spectateurs, avant l’arrivée très attendue de ce loup de la finance. Un dernier détail tout de même : cette fiction s’appuie sur les mémoires d’un certain Jordan Belfort qui brilla au firmament de Wall Street avant d’aller faire un petit séjour en prison. Sources : imdb.com

Lulu femme nue France – 2013 – 1h30, de Solveig Anspach, avec Karin Viard, Bouli Lanners, Corinne Masiero…

Après un entretien d’embauche raté, Lulu quitte tout, son mari et ses trois enfants, et s’octroie quelques jours de solitude et de liberté au bord de l’Atlantique. Elle y rencontrera des personnages tout simples et hors du commun qui vont l’aider à retrouver une ancienne connaissance qu’elle a perdu de vue : elle-même. Auteure de nombreux documentaires (dont Made in USA qui lui avait valu le Prix François Chalais), Solveig Anspach avait déjà travaillé avec Karin Viard dans le magnifique Haut les cœurs ! (99) avant de tourner plusieurs films entre la France et l’Islande : Stormy Weather (03), Back Soon (07) et le très réussi Queen of Montreuil (13). Elle a choisi d’adapter une bande dessinée d’Etienne Davodeau, l’un des plus brillants auteurs de la nouvelle BD, couvert de prix, lui aussi entre les récits documentaires (Les Mauvaises gens, Les Ignorants) et les récits de pure fiction. Sources : dossier de presse

Vendredi 6 décembre, avant-première et rencontre avec Solveig Anspach, la réalisatrice, après la projection de 19h45

La Maison à la tourelle Ukraine – 2012 – 1h20, de Eva Neymann, avec Katerina Golubeva, Albert Filozov...

M

Hiver 1944. Une mère et son fils de huit ans traversent la Russie en train pour rejoindre leur famille. La mère tombe malade et doit être hospitalisée. L’enfant se retrouve seul et livré à lui même dans une ville inconnue, tout à la fois hostile et indifférente... On sort de La Maison à la tourelle fortement impressionné par la puissance des images. Le film sidère par sa beauté : images paisibles, et pourtant vibrantes, dont le noir et blanc renforce l’aspect mystérieux et magnétique. Il nous transporte dans un monde au temps suspendu, hypnotique et cotonneux tout en évoquant l’univers des contes et en frôlant, par moments, le fantastique. Ce jeune garçon pris dans la tourmente, si fragile et si fort à la fois, vous n’allez pas l’oublier de si tôt. JF

+ COURT MÉTRAGE

Bao France – 2012 – 12’, Animation, de Sandra Desmazières.

Le Père Frimas Le Noël de Komaneko

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Prisoners

USA – 2013 – 2h33, de Denis Villeneuve, avec Jake Gyllenhall, Hugh Jackman, Viola Davis…

Anna et Joy, deux fillettes, viennent de disparaître, peut-être enlevées en pleine rue. Non loin de là, on avait repéré un van étrange, conduit par un homme tout aussi bizarre. Peut-être un peu simplet, incapable de s’expliquer clairement, tout le désigne comme coupable, mais l’absence de preuves concrètes oblige la police à le relâcher, à la fureur des parents. L’un d’eux, d’ailleurs, semble bien décidé à prendre la justice entre ses mains alors même que le temps commence à manquer pour retrouver les petites disparues. Auteur du stupéfiant Incendies (2010), Denis Villeneuve s’est vu confier les moyens de réaliser un film américain à budget conséquent. À lire les critiques, il semblerait bien qu’il n’ait Les CARNETS du STUDIO

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en rien renoncé à la complexité de ses situations et à l’ambiguïté de ses personnages pour nous livrer ici un thriller tendu à bloc, dans lequel l’humain ne le cède jamais au suspense. Sources : dossier de presse

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Quai d’Orsay

France – 2013 – 1h53 – de Bertrand Bertrand Tavernier, avec Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz, Niels Arestrup…

Avis de tempête au quai d’Orsay ! En s’inspirant de la BD à succès de Blain et Lanzac (ce dernier a participé au scénario), Bertrand Tavernier nous mène tambour battant dans les pas de Villepin du temps de Chirac. Le personnage est flamboyant, charismatique, arrogant et… très agité. Autour de lui, énarques et technocrates rivalisent en joutes verbales pour s’attirer les faveurs du prince qui parcourt son palais en brandissant Les Fragments d’Héraclite. De quoi déstabiliser le jeune Arthur Vlaminck juste nommé conseiller au langage et qui doit se plier à des concepts débiles et aux caprices du maître des lieux. Cette parodie des hautes sphères de l’état est caustique et hilarante. Et ça n’arrête jamais : entre les feuillets qui volent, les portes qui claquent, les coups bas, les stabilos qui peluchent, Bertrand Tavernier, au meilleur de sa forme, nous offre un film explosif et réjouissant, un moment de pur bonheur. SB

R

Rêves d’or

Mexique/Espagne – 2013 – 1h48, de Diego Quemada-Diez, avec Brando Lopez, Rodolfo Dominguez, Karen Martinez…

Originaires du Guatemala, Juan, Sara et Samuel rêvent de se rendre aux États-Unis. Pendant la traversée du Mexique, ils rencontrent Chauk, un indien du Chiapas ne parlant pas l’espagnol et qui se joint à eux. Mais, lors de leur voyage dans des trains de marchandises ou le long des voies de chemin de fer, ils devront affronter une réalité violente … Pour son premier film, ce réalisateur espagnol

vivant au Mexique, est parvenu à faire de cette odyssée un film sans excès mélodramatique « où le suspense n’est pas le fait des caprices du scénario, mais l’effet naturel de l’histoire banale et terrible qu’on vous raconte. » Très bien accueilli au Festival de Cannes, ce Rêves d’or (dont le titre original est La Cage dorée !) « parvient à une justesse irréprochable, nourrie de sa colère d’artiste et de témoin. » Sources : lemonde.fr

+ COURT MÉTRAGE semaine du 11 au 17 décembre Lapsus Argentine – 2007 – 3’, Animation, de Juan Pablo Zaramella.

AVANT PREMIÈRE de Rêves d’or : mardi 3 décembre à 19h45

Sidewalk Stories USA – 1989 – 1h37, de Charles Lane, avec Charles Lane, Nicole Alysia, Sandye Wilson…

New York, l’hiver, un jeune artiste noir tente de gagner sa vie en dessinant le portrait de passants sur les trottoirs et squatte des immeubles abandonnés pour se loger. Et puis, un soir, ayant assisté malgré lui à l’assassinat d’un homme dans la rue, il recueille sa petite fille et va se débrouiller pour la nourrir, l’habiller, la loger… Avec ces Histoires de trottoir en noir et blanc et quasiment muettes, Charles Lane, en suivant le quotidien difficile, mais plein d’humour et de tendresse de ce drôle de couple, rend ouvertement hommage au Kid de Chaplin. Le réalisateur a voulu saisir la vie des sans-abri, leur donner une voix et transmettre un message de générosité et d’amour : « Je souhaite que lorsque le public verra mon film, il commence par rire, mais qu’il finisse par assimiler l’envie de regarder différemment les sans-abri. Tout homme est le gardien de son frère ». Le film a reçu moult prix, à Cannes et à Chamrousse notamment, et bénéficie pour cette ressortie d’une version restaurée. Rareté à ne pas manquer. Sources : carlottavod.com/film, enfants-de-cinema.com

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La Sorcière dans les airs Voir pages Jeune Public

Snowpiercer , Le Transperceneige Corée du Sud – 2013 – 2h06, de Bong Joon Ho, avec Chris Evans, Song Kang-Ho, Ed Harris…

2031. Une nouvelle ère glaciaire. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s’est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d’hommes tente de lutter… Il s’agit d’une adaptation d’une bande dessinée française créée par Jean-Marc Rochette et Jacques Lob en 1984, une allégorie futuriste dont le cinéaste n’a gardé que le principe général tout en transformant le déroulement et la nature du récit. Bong Joon-ho, que The Host (2006) et Mother (2009) ont imposé comme l’un des cinéastes asiatiques les plus excitants, reprend l’esprit de la BD, sa noirceur et quelques trouvailles. Ce qui risquait d’être une lourde et plate métaphore politique est devenu une œuvre cinématographique à la fois divertissante, spectaculaire et foncièrement abstraite. Sources : lemonde.fr, telerama.fr

Suzanne

France – 2013 – 1h34, de Katell Quillévéré, avec Sara Forestier, François Damiens, Adèle Haenel...

Depuis la mort de leur mère, Suzanne vit avec son père camionneur et sa sœur. Un jour elle tombe amoureuse et abandonne tout… Le destin de Suzanne est celui d’une amoureuse, aveuglée, peut-être, mais toujours sincère, jamais calculatrice, jamais manipulatrice. Pour elle, trouver sa place, un équilibre, est un chemin difficile. Katell Quillévéré l’accompagne, elle reste proche de son personnage tout en se gardant de prendre parti pour ou contre elle. Ce très beau film confirme tout le bien que l’on pouvait penser de sa réalisa-

trice après Un poison violent, qui posait déjà la question de l’engagement en amour. Et la distribution est hors pair. Autour des excellents François Damiens et Adèle Haenel, Sarah Forestier contredit tous ceux qui voudraient la réduire à une jeune actrice tchatcheuse et énervante. Après avoir été déjà incroyable dans Mes séances de lutte de Jacques Doillon le mois dernier, elle montre ici une capacité à l’introspection, à la sobriété, très impressionnantes. JF

Tel père, tel fils

Japon – 2013 – 2h00, de Hirokazu Kore-Eda, avec Masaharu Kukuyama, Machiko Ono, Lily Franky, Keita Ninomiya…

T

Au départ, une famille aisée à qui tout semble réussir : le père, architecte, très pris par son travail, délègue à la mère l’éducation de Keita, garçon de cinq ans. Mais une nouvelle bouleverse le cours des choses : la maternité dans laquelle est né l’enfant annonce que deux bébés ont été échangés à la naissance. Keita n’est pas leur enfant biologique. Tous les repères s’effondrent. L’autre famille, d’origine modeste, comporte plusieurs enfants. Quelle attitude adopter vis à vis d’elle ? Un échange doit-il à nouveau se faire ? Kore-Eda aborde la question de la paternité avec beaucoup de sensibilité : est-ce le fait de partager son sang qui fait d’un homme un père ? Ou est-ce le temps qu’un père et son enfant passent ensemble ? Allez, sans hésitation, voir ce film magnifique qui a remporté le Prix du Jury à Cannes 2013. MS Filmographie sélective : I wish (2011), Still walking (2008), et Nobody knows (2004)

The Immigrant

USA – 2013 – 1h57, de James Gray, avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner…

1921, Ewa et sa sœur Magda ont quitté leur Pologne natale pour accéder à une nouvelle vie à New-York, la terre de tous les espoirs. Mais d’abord, il leur faut, comme pour tous les immigrants, passer par Ellis Island et affronter le risque, entre autres, d’être mise

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en quarantaine. Magda, atteinte de tuberculose, ne continuera pas la route avec Ewa. Cette dernière, alors, désemparée, perdue, tombe sous la coupe de Bruno, un souteneur, et se prostitue, persuadée qu’elle réussira à sauver sa sœur et qu’elles pourront se retrouver. Orlando, un cousin illusionniste de Bruno, s’éprend d’elle : on pourrait croire qu’enfin la vie va tenir quelques promesses, mais ce serait faire fi de Bruno, de sa jalousie et de sa violence. Si James Gray s’attache de nouveau au thème de l’immigration, il le situe pour la première fois dans le passé, et s’inscrit dans la grande tradition du mélo (il confie d’ailleurs que le visage de Marion Cotillard lui rappelle celui de Lillian Gish, figure emblématique des mélodrames muets). Il s’est inspiré de l’histoire de sa propre famille venue de Russie dans les années 20, mais aussi du lieu même d’Ellis Island, traversé de tant de trajectoires, de drames et porteur de tant d’espoir !

désargentée était curieuse de tout, enthousiaste, insatiable ; lui, était froid, réservé, dur. Le film offre en outre un incroyable document sur le Paris des années 60, ses tonalités, ses lumières, ses voitures, ses néons et ses mœurs ; Bresson joue en permanence de l’affrontement entre la prospérité insolente de l’époque et la douleur de son héroïne. « Quel que soit le chemin que l’on prenne pour aimer et admirer Une femme douce, on n’épuisera jamais le puissant mystère humain qui s’y noie sous nos yeux, et l’on n’évitera jamais de se blesser à sa modernité acérée ». Olivier Siguret (Libération). SB + COURT MÉTRAGE semaine du 18 au 24 décembre Merci mon chien

Filmographie : Little Odessa (1994), The Yards (2000), La Nuit nous appartient (2007), Two Lovers (2008)

Film du mois, voir au dos du carnet.

Sources : dossier de presse, Studio Ciné Live n° 54

France –2011 – 8’, Animation, de Nicolas Bianco-Levrin, Julie Rembauville.

The lunchbox

La Vénus à la fourrure France – 2013 – 1h36, de Roman Polanski, avec Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric...

Turbo Voir pages Jeune Public

U

Une femme douce

France – 1969 – 1h28 – de Robert Bresson, avec Dominique Sanda, Guy Frangin, Jane Lobre.

Invisible depuis 30 ans, Une femme douce sort en version restaurée. Cest un évènement et une grande chance pour tous les cinéphiles adeptes de ce réalisateur hors pair et de la fabuleuse Dominique Sanda. Inspiré d’une nouvelle de Dostoïevski, le film commence par la disparition d’un corps, qu’on n’a pas le temps de voir basculer par-dessus un balcon. On retrouve ce corps sur un lit, veillé par un homme, le mari, et sa vieille servante qui l’écoute raconter leur union désastreuse. Elle,

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Après des auditions de comédiennes décevantes, Thomas s’apprête à quitter le théâtre sans avoir trouvé Wanda, le rôle principal de sa pièce. Survient alors une femme à l’allure vulgaire, s’exprimant sans retenue, l’obligeant à rester pour qu’il l’auditionne, elle. Thomas accepte à contre cœur et lui donne sa chance. Il va devenir le spectateur de la transformation de Vanda la stupide en Wanda l’héroïne. Elle a tous les accessoires pour jouer, connaît le texte par cœur… S’ensuit une formidable performance d’acteurs entre Mathieu Amalric et Emmanuelle Seigner, un jeu d’inversion entre eux, doublé d’érotisme et de comique. Plus le film avance, plus on se demande qui est l’auteur ? Le metteur en scène ? L’acteur ? Qui fait l’œuvre ? Polanski travaille là sur le théâtre en adaptant une pièce, (transposition

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de celle de David Ives), dans un lieu unique, une œuvre intime, féroce, irrévérencieuse qui se joue de ceux qui lui ont fait la morale. Une belle réussite ! MS Filmographie sélective : Carnage (2011), The ghost writer (2010), Oliver Twist (2005), Le Pianiste (2002), Lunes de fiel (1992), Le Locataire (1976), Rosemary’s baby (1968), Le Bal des vampires (1967), Répulsion (1965)

Violette

France, Belgique – 2013 – 2h19 – de Martin Provost, avec Emmanuelle Devos, Sandrine Kiberlain, Olivier Gourmet, Jacques Bonnafé, Catherine Hiégel…

Après Séraphine, Martin Provost rend un bel hommage à Violette Leduc, écrivaine oubliée au talent exceptionnel. Laide, bâtarde, ni sympathique, ni séduisante, elle se dit « seule,

toujours seule »… La relation intense qu’elle va nouer avec Simone de Beauvoir, basée sur la quête de la liberté, par l’écriture pour Violette, et la conviction pour Simone d’avoir entre les mains le destin d’un écrivain hors norme, va être déterminante. Provost signe un film rigoureux, à la mise en scène parfaitement maitrisée. Et quel bonheur de croiser dans le Paris d’après guerre minutieusement reconstitué, des personnages haut en couleur, de l’écrivain canaille Maurice Sachs à Jean Genet en passant par Louis Jouvet et le parfumeur Jacques Guérin ! Violette est un film fort et brillant mené par deux actrices époustouflantes qui vous donnera envie de plonger au plus vite dans l’œuvre de Violette Leduc. SB

08 92 68 37 01 studiocine.com

lundi 2 décembre -19h30 Bas les masques de Richard Brooks (1952) USA Noir et Blanc 1h27

lundi 9 décembre -19h30 EN ÉCHO À LA RÉOUVERTURE DE LA BIBLIOTHÈQUE CENTRALE

Balzac et la petite tailleuse chinoise de Dai Sijie (2002) Chine-France Couleurs 1h56, avec Zhou Xun, Chen Kun…

Soirée introduite par Philippe Ouzounian, comédien.

lundi 16 décembre -19h30 La Vie est belle de Frank Capra (1946) USA Noir et Blanc 2h08, avec James Stewart, Donna Reed…

Soirée proposée et présentée par les élèves de la section cinéma et audiovisuel du lycée Balzac. Tout public à partir de 10 ans.

lundi 23 décembre -19h30 CINÉ-CONCERT Mis en musique par Gaël Mevel, violoncelliste

L’Éventail de Lady Windermere de Ernst Lubitsch (1925) USA Noir et Blanc 1h25, avec May McAvoy, Irene Rich…

Programme détaillé dans le dépliant disponible à l'accueil et sur www.cinematheque-tours.fr

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FILM DU MOIS

The Lunchbox Inde – 2013 – 1h44, de Ritesh Batra, avec Irrfan Khan, Nimrat Kaur, Lillete Dubey…

À

Bombay, les Dabbwallahs sont des livreurs de repas (les lunchbox du titre) faisant partie d’un système sans équivalent, encore assez mal compris par les occidentaux. 175 000 clients par jour sont ainsi livrés pour un taux d’erreur estimé à 1 pour 16 millions ! The Lunchbox est l’histoire de cette erreur. Ila, une jeune femme un peu délaissée par son mari, se met en quatre pour tenter de le reconquérir en lui préparant un délicieux déjeuner qui est livré accidentellement à Saajan, un homme solitaire proche de la retraite. Ce dernier, comprenant qu’une méprise s’est produite, laisse un mot dans le panier repas. Ila répond. Un flirt épistolaire s’engage…

The Lunchbox donne à voir une image de l’Inde de tous les jours sans noirceur et sans misérabilisme. Nous sommes plus, ici, dans le registre de la comédie romantique fluide et plaisante mais sans aucune mièvrerie. Évidemment, un vieil ours ronchon qui s’humanise et une jeune épouse délaissée qui se met à

rêver, on a déjà vu ça ailleurs. Pourtant, Ritesh Batra, par son talent, arrive à s’éloigner des clichés et à créer de l’originalité. Il nous offre une œuvre aérienne, très douce, dans laquelle ce sont les mots qui séduisent et qui permettent l’épanouissement des personnages. Ila et Saajan, bien sûr, mais aussi Shaikh, le futur remplaçant de Saajan, qui est peut-être la figure la plus touchante et la plus originale du film. Ce trio gracieux évolue dans un univers où les saveurs, les odeurs de la nourriture, les sons d’ambiance (qui recréent la vitalité, l’énergie de la ville) concourent à l’éveil des sens et procurent une mélancolie euphorisante qui donne du baume au cœur. Ce premier long métrage très réussi est l’exemple parfait de ce que l’on appelle au États-Unis un feel good movie, un film qui donne du bonheur. Une fin d’année réjouissante à Bombay vous attend pour le prix d’une place, ça vaut le coup, non ? JF

LES CARNETS DU STUDIO – n° 318 décembre 2013 – 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - CPPAP n°0214 G 84305

www.studiocine.com – 08 92 68 37 01


La Sorcière dans les airs

Suède/Lettonie/GB – 2013 – 50 mn, trois courts métrages de divers réalisateurs.

Partie camper avec son chat près d’un lac, une gentille sorcière réveille accidentellement un dragon alors qu’elle concoctait des potions magiques dans son chaudron. Par les créateurs du Gruffalo.

À partir de 4 ans

VF

Mercredi 27 novembre, pour la séance de 14h15, des surprises attendent les sorcières et sorciers déguisés à l’entrée de la salle !

SIDEWALK Stories

Tout public à partir de 8 ans

sans paroles

USA – 1989 – 1h37, de Charles Lane.

Tourné dans l’esprit des films de Charlie Chaplin, Sidewalk stories relate avec malice et tendresse l’histoire d’amitié entre un vagabond et une fillette.

Turbo

USA – 2013 – 1h36, film d’animation de David Soren.

VF

Tout public à partir de 6 ans

Turbo l’escargot rêve de devenir la voiture de course la plus rapide du monde !

Le Père Frimas

Le Noël de Komaneko

France – 2012 – 26 mn, de Youri Tcherenkov.

Japon – 2009 – 20 mn, de Tsuneo Goda. Sans paroles

Deux histoires pleines de douceur et de fantaisie ! À partir de 3 ans

Loulou et autres loups…

À partir de 4 ans

France – 2003 – 55 mn, de Serge Elissalde.

Cinq films d’animation dont Loulou, moyen métrage de 27 mn, véritable petit bijou adapté du célèbre album de Grégoire Solotareff.

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Loulou, l’incroyable secret France – 2013 – 1h20, film d’animation de Grégoire Solotareff et Éric Omond.

Tout public à partir de 6 ans

Loulou, parti à la recherche de sa mère avec Tom le lapin, découvre le monde cruel des carnassiers. Quel secret cachet-il aux deux amis ?

Une histoire au graphisme et au scénario très aboutis, pour tous les publics… Après les séances de 14h15 : making of de 10 mn. Samedi 14, avant-première suivie de la rencontre avec Grégoire Solotareff et du goûter de Noël, offert à tous les enfants.

L’Apprenti Père Noël et le flocon magique France – 2013 – 1h25, film d’animation de Luc Vinciguerra.

Nicolas, sept ans, nouveau Père Noël, voit disparaître la magie de Noël en voulant grandir trop vite... Tout public à partir de 8 ans

À partir de 5 ans

Il était une forêt

Ce documentaire révèle sept siècles de vies interactives entre les animaux et la forêt tropicale restée dans son état originel.

2D 3D VO

VF

France – 2013 – 1h18, de Luc Jacquet et Francis Hallé.

L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet France/Canada – 2013 – 1h45, de Jean-Pierre Jeunet.

T. S. Spivet, jeune garçon surdoué vivant dans le Montana, gagne un prix scientifique de renommée mondiale. Il traverse seul les États-Unis afin de recevoir sa récompense... Tout public à partir de 10 ans

• Amazonia de Thierry Ragobert • La Reine des neiges de Chris Buck et Jennifer Lee • Sur la terre des dinosaures de Neil Nightingale et Pierre De Lespinois Les CARNETS du STUDIO

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En bref…

Ici… ` LES AVIS D’ABDELLATIF : CHAPITRE 1 Rarement le cinéma français aura servi de cadre à un tel déballage ; pourtant il semblerait que ce qui en constitue la source profonde ne soit pas dit et fasse remonter chez les deux protagonistes, Léa Seydoux et Abdellatif Kechiche, de très intimes blessures. Néanmoins dans une de ses récentes communications (provocations ?), le réalisateur a annoncé qu’il travaillait sur une version… longue de La Vie d’Adèle ! La durée idéale du film ne devrait pas être « beaucoup plus longue, même pas une heure », ah bah nous voilà rassurés ! Autre révélation : Abdellatif Kechiche envisagerait de suivre le personnage d’Adèle jusqu’à un âge avancé, en espaçant les différents épisodes de quatre ou dix années ! On ne sait s’il s’est déjà entretenu de ce projet avec son interprète, l’époustouflante Adèle Exarchopoulos et, si c’est le cas, si cette dernière a manifesté son enthousiasme pour un nouveau tournage Festenesque ! ` LES AVIS D’ABDELLATIF : CHAPITRE 2 Adèle n’est pas la seule figure féminine qui hante l’imaginaire d’Abdellatif Kechiche : en effet, elle le partage avec Marilyn Chambers, star du X américain des années 70, pour sa prestation, en particulier, dans Derrière la porte verte. Il précise à Télérama que le projet de biopic de cette actrice constitue « une histoire magnifique, qui raconte l’Amérique moderne et montre comment des hommes et des femmes exerçant un métier que tout le monde regarde de travers ont fait bouger les mentalités. (Parleraitil également de lui ?) On m’encourage à la réaliser aujourd’hui, mais je crois que je vais dire non. Je n’ai plus envie de cinéma, j’ai besoin de calme. » Jusqu’à de prochaines interventions médiatiques. ` SUR LES QUAIS

Après ses tribulations de « chargé de Langage » au Quai d’Orsay, sous la houlette de Bertrand Tavernier, Raphaël Personnaz va devoir traverser le Pont Neuf pour rejoindre, à son tour, le mythique 36 Quai des orfèvres ! Dans SK1, la Traque de Guy Georges, il incarnera un policier pistant le tueur en série ayant sévi dans les années 80-90. Frédéric Tellier, pour cette première réalisation, a également choisi de travailler avec Olivier Gourmet, Nathalie Baye, Thierry Neuvic, Michel Vuillermoz, Christa Theret et Louise Monot. Rassurant. ` PETIT TAILLEUR DEVIENDRA GRAND

Louis Garrel, récemment admiré dans Un château en Italie de Valéria Bruni Tedeschi, pour son passage à la réalisation d’un long métrage, a choisi d’adapter un de ses courts, La Règle de trois : l’histoire d’un homme, qu’il interprétera, partagé entre son amitié pour un type complètement largué incarné par le comédien qui monte, Vincent Macaigne

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(La Bataille de Solférino) et la femme qu’il aime Golshifteh Farahani (À propos d’Elly). Espérons que Les Deux amis recevra un aussi bon accueil que le court qui l’a inspiré, puisque ce dernier fut le lauréat du Prix Jean-Vigo du court métrage en 2012 !

Et ailleurs… ` LA GRANDE CATHERINE

L’impériale Cate Blanchett passe à son tour à la réalisation. Pour ce faire, elle a choisi d’adapter le roman de Herman Koch, The Dinner, occasion pour cette spécialiste du théâtre d’expérimenter la règle des trois unités au cinéma. Deux couples se retrouvent au restaurant : leur conversation va s’orchestrer parallèlement au menu, avec la volonté que ce qui devrait être le point d’orgue de leurs échanges soit soigneusement évité. Mais le dessert réserve parfois des surprises et il faudra forcément, à un moment, payer l’addition. Nous pouvons gager que celle qui est à l’origine de la résurrection Allenienne, avec son interprétation toute en nuances dans Blue Jasmine, passera à la mise en scène avec maestria ! ` PIÈGE À MYTHES

C’était à prévoir : insaisissable de son vivant, le cinéma se devait de fixer l’image de Salinger maintenant qu’il n’était plus là pour mettre son veto. Un chef-d’œuvre, L’Attrape-cœurs, universellement plébiscité, puis le silence, absolu jusqu’à la fin. Le mystère, le mythe : pendant cinquante ans, curieux, fanatiques et journalistes chercheront à capturer une image, un écrit, une information quelconques sur l’homme invisible. Ils s’y casseront les dents. Pour ce biopic, Shane Salerno, déjà auteur d’un récent documentaire sur Salinger, dans lequel il annonce la publication d’œuvres inédites du maître, verrait bien Daniel Day-Lewis endosser le costume passe-muraille du mythique écrivain. La légende continue. ` REFLET DANS UN ŒIL D’OR*

Les titres de ses films racontent une histoire, d’une certaine façon la sienne : Les Anges marqués, La Ville écartelée, Une place au soleil, La Loi du silence, Le Bal des maudits, Coeurs brisés, Soudain l’été dernier, Les Désaxés, Freud, passions secrètes… Montgomery Clift demeure dans la mémoire de ceux qui ont pu voir son travail, un immense comédien ayant influencé, par la subtilité et l’intensité de son jeu, James Dean et Marlon Brandon entre autres. Il mourra à quarante-six ans, usé par ses démons, l’alcool et les médicaments. Espérons que Larry Moss soit à la hauteur et lui rende justice dans le biopic qu’il veut lui consacrer ! IG (*film de John Huston dans lequel il aurait dû tourner en compagnie d’Elizabeth Taylor, sa partenaire de prédilection).

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Bande annonce

Initiatives citoyennes et désobéissance

S

elon les mots de Lacordaire : « C’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »

Un exemple ? L’abolition de la peine de mort, largement admise maintenant, a été promulguée contre l’opinion publique française majoritaire d’alors. Inversement, prenons les cinquante dernières années : des citoyen(ne)s , collectivement ou individuellement, ont légitimement et vigoureusement combattu des lois démocratiquement voulues par nos élus. Certes, le refus par tout agent de la fonction publique, tout soldat, tout(e) citoyen(ne) d’exécuter un ordre qu’il apprécie illégal ou contraire aux Droits de l’homme est un droit reconnu. Mais la conscience citoyenne reste seule pour légitimer la subversion contre l’injustice sociale ou le mépris de l’humain : telle celle des Justes sous l’Occupation falsifiant l’identité et cachant des enfants juifs contre les lois Pétain, telle aujourd’hui celle des simples citoyen(ne)s hébergeant, nourrissant et protègeant les sans-papiers dans la jungle de Calais. Tout récemment encore, un juré d’assises tenu au secret absolu du délibéré a osé dénoncer les manipulations de la présidente de la Cour empêchant un verdict équitable.

En 1967, lors de la dure et longue grève des Rhodia à Besançon, un collectif d’ouvriers s’intitulant Groupe Medvedkine est né des animations et des exigences culturelles accompagnant les revendications traditionnelles, véritable acte d’éducation populaire. Ces ouvriers ont créé une bibliothèque, ont organisé des spectacles (Colette Magny, Ariane Mnouchkine…) Formés sur le tas par Chris Marker et d’autres cinéastes, ils sont devenus autonomes pour écrire, réaliser et monter des films, affichant leurs luttes. Un membre fondateur se souvient : « Tout est parti de cette idée que, la culture étant ce qui nous manquait, elle représentait pour nous un besoin, elle [...] devait nous permettre d’exister dans la dignité. » La désobéissance légitime d’un(e) ou de plusieurs citoyen(ne)s ne se justifie que par l’intérêt général : les préceptes – par exemple religieux – fussent-ils majoritaires, ne peuvent s’mposer comme modèle de vie sociale. Alors, jusqu’où respecter la légalité ? Si les citoyens prennent l’initiative légitime de s’organiser contre la loi, quelles en sont les limites ?

NOUS EN REPARLERONS PROCHAINEMENT…

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J-C S, pour le CNP


À propos de Jimmy P.

Une place où le faux est roi *

O

n peut voir Jimmy P. comme un film sur la psychanalyse, sur l’anthropologie, l’ethnopsychiatrie ou encore sur Georges Devereux. Ce qu’il est, bien sûr. Mais on peut aussi le voir comme un film tout simplement. Un film magnifique, porté par deux grands acteurs et réalisé par un cinéaste inspiré. On peut même voir Jimmy P. comme une œuvre dont l’objet serait le cinéma luimême et qui mettrait en parallèle le travail du réalisateur et celui du psychanalyste. C’est peu de dire que le cinéma est un art du mensonge (voir l’article de D P dans les précédents Carnets), c’est évidemment un art de la manipulation. Le but est de créer avec les artifices qui lui sont propres (décors, jeu des acteurs, montage…) une réalité plus juste que la vraie, celle de l’art. Cela semble bien loin de la psychanalyse, dont on pourrait dire de manière simplifiée qu’elle a pour but de guérir le sujet en lui faisant découvrir sa vérité. La maîtresse de Devereux est d’ailleurs surprise que celui-ci ait triché sur son identité et ait caché ses origines juives et roumaines, ainsi que son nom primitif. Mais Devereux juge que la Vérité n’est pas nécessaire pour son travail. Le patient Jimmy P. livre une version de sa vérité à Devereux. Il est (dit-il) lâche, dangereux pour les femmes, voire peu moral. Il se pense comme

un parasite. C’est sa vérité première, qui l’empêche de vivre. Puis a lieu sa thérapie. Tout comme un cinéaste crée son personnage en l’incarnant dans un acteur, le psychanalyste va créer un nouveau Jimmy P. à partir de l’ancien : celui-ci est humain, il mérite de vivre et d’être respecté. Il suffit (presque) qu’il accepte sa nouvelle vérité. Mais, de ces deux Jimmy P., quel est le vrai ? Au choix : les deux ou aucun. Autant dire qu’il n’y a pas de vérité absolue. Des bribes, multiples, éclatées, qu’il nous faut recoller ensemble pour vivre. Qu’il nous faut accepter, les bonnes comme les mauvaises, pour construire notre humanité. D’ailleurs, Jimmy, qui est indien, doit se faire passer pour mexicain quand il va au café : son identité est brouillée, et l’apparence l’emporte sur la réalité (Benicio del Toro est par ailleurs portoricain !) C’est peut-être ainsi que thérapie psychanalytique (manière Devereux) et création cinématographique se rejoignent : l’un et l’autre créent à partir du faux (le sujet malade pour l’un, l’acteur pour l’autre) de nouveaux personnages dont on ne peut affirmer qu’ils sont vrais ! Mais ils sont terriblement humains ainsi. CdP * Le titre de cet article est une citation tirée de l’article de Nicolas Bauche dans la revue Positif de septembre 2013, p.13.

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Courts lettrages Les rédacteurs ont vu : LA VIE D’ADÈLE de Abdellatif Kechiche

Ce qui fait l’intérêt du cinéma de A. Kechiche, c’est que l’on voit très bien où il veut en venir avec ses séquences très longues et très réussies. On comprend bien la tentative (réussie !) de faire confiance à ses acteurs, de les laisser aller au bout de leurs retranchements. Et ça marche. L’ennui, c’est que tout cela ne suffit pas à faire un film et que la très grande confiance (justifiée) qu’il a en ses acteurs en arrive à se retourner contre le résultat final. D’où le paradoxe qui veut que ce qui fait l’intérêt du cinéma de A. Kechiche en fait aussi (pour l’instant) ses limites. A. Kechiche est probablement capable de nous livrer, un jour, un vrai grand film. On continue de l’attendre avec impatience. Et c’est ce qui fait de A. Kechiche un cinéaste passionnant à suivre ! ER

La Vie d’Adèle a du souffle. Cette fresque, qui s’étale sur une dizaine d’années, suit l’éveil sentimental et charnel, le passage de l’adolescence à l’âge adulte

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de son personnage sans un moment de lassitude. À la fois flamboyant et raisonné, Abdellatif Kéchiche bouscule en mêlant les émotions, le trivial et le cru comme on le voit rarement. JF Abdellatif Kechiche nous livre un film fort. On se croit embarqué dans du cinéma tranche de vie, comme le titre l’annonce d’ailleurs. Et puis on voit Adèle en classe, avec ses camarades, ses parents, et on sent s’installer une fêlure, on sent qu’Adèle est en décalage, qu’elle est ailleurs et que le monde lui échappe. S’installent gros plans échevelés, étourdissants : ou on craque, étourdi, ou on accroche à cette histoire superbement filmée. Et on est alors fasciné, entraîné, bouleversé. D’autant que les actrices y sont remarquables. CdP Il faudrait inventer, pour Adèle, non pas un court lettrage mais un court imagé avec peu ou pas de mots, mais des


regards, des grains de peau, des bouches, des sexes, à la limite du possible… dans une intimité révélée si troublante que je me sens lasse, après trois heures de projection, comme si j’avais été voyeuse d’un vol charnel. MS 1er chapitre passionnant sur les tourments de l’adolescence et la naissance d’une passion amoureuse : Kechiche a un formidable talent pour filmer la jeunesse (réelle ou rêvée). Le 2e chapitre m’a moins plu peut-être parce que j’avais préféré l’histoire racontée par l’excellente bande dessinée de Julie Maroh et que les scènes de rupture et l’aigreur sociale m’ont moins touché. Quant aux scènes de sexe ? Interminables ? Poignantes ? Trop crues ? Bouleversantes ? Voyeuses ? Y aurait-il autant d’avis que de spectateurs parce que chacun les voit avec sa propre expérience, ses propres désirs, sa sensibilité… à fleur de peau ? DP

On signale l’apparition d’un alien dans le cinéma français : il revêt l’aspect d’une toute jeune femme dont la caméra, comme notre regard, ne peut se détacher dès qu’elle est à l’écran. Peu nous chaut de savoir si elle est belle, elle est mieux que ça : elle est. Elle peut pas tomber, y’a rien qui la protège… À minuit quand tous ses bracelets sonnent, elle est comme personne. Adèle Exarchopoulos est à ce point exceptionnelle qu’elle a dû inspirer ce texte à Jean-Patrick Capdevielle des années avant même sa naissance. IG La princesse de Clèves, Antigone, Marianne… la littérature et la mythologie viennent éclairer les méandres de l’amour et du désir chez la jeune Adèle questionnant la Carte de Tendre. L’initiation est rude, l’émotion très palpable à l’écran. Comment Adèle Exarchopoulos, elle, vat-elle pouvoir émerger de ce rôle sublime et incandescent après cette expérience de la caméra amoureuse et exigeante de Kechiche ? RS

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À propos de Grand Central

De la mesure en toutes choses S

i l’adage : « Le temps, c’est de l’argent » existait avant le développement du capitalisme et du travail salarié comme norme de nos existences, il n’en reste pas moins vrai qu’il en a pris une réalité de plus en plus criante et que l’heure de travail, le nombre de trimestres travaillés, et le nombre d’annuités accumulées sont devenus une sorte de cadre de référence permanent, pratiquement indépassable pour une énorme majorité des populations contemporaines. Ils rythment nos existences, allant parfois jusqu’à déterminer la « valeur » d’un individu et déterminant sans ambigüité possible la « valeur » d’un travail (une heure du travail d’un ouvrier valant x % de celle d’un cadre, d’un prof, d’un médecin ou autre, sans référence à l’utilité sociale du travail en question). Le débat autour de la pénibilité des métiers et de sa prise en compte dans le calcul des retraites illustre bien cette difficulté à comptabiliser des carottes et des choux, du temps de vie et de l’argent. Or, le temps de vie est cruellement au centre du nouveau film de Rebecca Zlotowski, Grand Central, qui nous emmène faire un tour chez les galériens intérimaires de l’entretien des centrales nucléaires. Ici, le temps de travail se mesure aussi à une aune différente, celle de l’exposition aux radiations. Plus vous passez de temps dans une zone contaminée, plus cette zone est contaminée et plus votre durée de vie réelle va s’en prendre un grand coup dans les os (on ne parle pas ici de vie de loisirs opposée à une vie salariée, mais bien du temps qui va 1

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vous rester à demeurer en vie, tout court). La dose, métaphore permanente au sein du film pour exprimer les ravages de l’amour et la dégradation de votre santé, est une expression couramment débattue et utilisée : « Ça fait quoi la dose ? » « C’est quoi la dose ? ». À tel point que n’est jamais expliqué ce que la dose est en réalité, de manière scientifique, comment elle est calculée… Et pourtant… Pourtant un moment du film vient remettre tout cela en place : alors que le jeune protagoniste du film, Gary, vient de suivre sa rapide formation aux mesures de radioprotection, un de ses collègues lui explique pourquoi il convient de travailler vite. Il a pour cela une formule lapidaire et d’une efficacité redoutable : « Le temps c’est de la dose ». En disant cela, il réactive la vieille expression : « Le temps, c’est de l’argent »1, court-circuite le passage de leurs vies par la case argent pour en arriver directement à l’essentiel : le temps passé à ce travail, c’est de la mort qui avance, c’est de la vie qui fiche le camp. Ces travailleurs du suicide quotidien ont dépassé la seule mise en rapport du temps avec l’argent, pour illustrer, en un raccourci saisissant, que le temps passé au travail est, pour eux tout au moins, de la non-vie. ER NB : L’ironie pressante de Grand central veut que, parallèlement à cela, parallèlement à cette mise en évidence, plusieurs des protagonistes trouvent dans le milieu des soutiers du nucléaire, une famille, une solidarité, bref… une vie…

D’ailleurs, on nous dit sans ambages que ces galériens sont particulièrement mal payés…

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Pages & images La Centrale/Grand Central

Centr les C

’est une armée invisible. Casquée, masquée, caparaçonnée, peu payée, nomade, qui disparait derrière le sidérant décor où elle travaille, dans l’ombre. Le grand public ne la connaît pas vraiment même si on en a tous entendu parler au détour d’une enquête sur l’état de santé du parc nucléaire hexagonal. L’armée des vacataires qui, de chantier en chantier, hors statut EDF, permet l’entretien des centrales. À trois ans de distance semblent se répondre le passionnant premier roman d’Elisabeth Filhol intitulé La Centrale, paru en 2010 et l’intense deuxième long métrage de Rebecca Zlotowski intitulé Grand Central. Dans l’un et l’autre, le personnage principal est un jeune homme qui accepte une mission lors d’un arrêt de tranche, Loïc à la centrale de Chinon puis du Blayais et Gary à celle du Tricastin. Le film comme le livre ne sont absolument pas militants. Ils décrivent, sous forme d’une narration à la première personne, plutôt factuelle, ou sous la forme d’une histoire d’amour, le quotidien des travailleurs du nucléaire, dans et hors de l’enceinte. Les mots de la romancière semblent faire écho aux images du film : « Métiers à risques. Pourquoi certains franchissent le pas et d’autres non ? Il y a la nécessité, l’urgence, mais pas seulement. Ce qui est à l’œuvre là-bas, au cœur de la centrale, en fascinera d’autres après nous, ce mélange des genres. Comme d’avoir une

tension en soi, une crainte sourde, ça n’enlève rien… pour aller jusqu’au bout, pour atteindre ce point vers lequel tous les désirs convergent dans leur ambiguïté, ce point central d’où tout part, d’où toute l’énergie primaire est issue. S’en approcher au plus près, sentir son souffle. D’une telle puissance. Dont on connait bien les effets dévastateurs. » Dans un décor de sciencefiction, aux gestes totalement ritualisés, le danger totalement invisible, toujours là. « Vous intervenez sur le circuit primaire. Chacun sait à quoi s’en tenir. Des particules radioactives se déposent sur le métal. Il faut faire équipe à trois ou quatre pour se répartir la dose, et limiter à deux ou trois minutes les temps d’intervention. Après huit jours de maquette, on vous lâche en zone contrôlée sous la silhouette tutélaire du générateur à vapeur qui vous domine du haut de ses vingt-deux mètres d’acier, tel un sous-marin de poche de l’ère soviétique planté à la verticale, la tête en bas. À la base la boîte à eau. Et un trou d’homme de quarante-cinq centimètres de diamètre. Vous entrez, vous avez quelques minutes pour faire ce que vous avez à faire, c’est serré, vous le faites, vous sortez, un autre prend la relève, etc. Techniquement, ça n’est pas difficile, mais au moindre souci, à la moindre complication, vous prenez un coup de chaud, parce que le compteur, là sur votre poitrine s’emballe, le dosimètre, et en dessous, ça s’emballe

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Pages & images La Centrale/Grand Central

aussi, et la respiration sous le heaume se cale sur un autre rythme. Point chaud. Ou comment ce qui est simple dans son principe devient compliqué dans la conscience qu’a chacun d’être exposé aux radiations et la communication du stress à l’intérieur de l’équipe. » Travail d’équipe, histoire de doses partagées, de communautés provisoires qui vivent dans des caravanes pour diminuer les frais, soudées un temps par le partage du danger, tribu d’intouchables, mis à l’écart par la présence des rayons. Si le roman raconte une histoire d’hommes en route vers la solitude, au cœur du film brûle une passion dévorante. Tout son scénario repose sur la correspondance poétique entre la contamination radioactive des corps et la contamination amoureuse des cœurs, la radiation du désir. Le schématisme du parallèle pourrait être artificiel mais il fonctionne d’entrée grâce au jeu intense des acteurs. Et à la mise en scène qui oppose systématiquement les scènes d’intérieur (l’enfer du nucléaire, confiné, à la fois glacial et étouffant) et l’extérieur (l’île du Rhône où Gary

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et Karole se cachent, havre de paix lumineux à l’opulence naturelle paradisiaque). Dès l’arrivée de Gary dans le groupe, la correspondance s’installe : pour lui expliquer ce qu’est la dose, la pulpeuse Karole l’embrasse fougueusement, dangereusement, sous le regard de son homme et dans les rires du groupe. « On en prend la mesure à ce moment-là dans le bombardement des atomes au cœur du réacteur, l’exacte mesure d’une énergie de liaison quand le noyau se casse, une brèche s’est ouverte, un tabou est tombé par le geste d’un seul, et c’est la réaction en chaîne. » Au départ, les deux mondes fonctionnent en parallèle : le danger permanent du travail, strictement régi par des gestes précis et des durées contrôlées, soude le groupe et s’oppose à l’insouciance des soirées interminables, chaleureuses et enjouées. On veut croire à la stricte séparation entre les deux circuits, comme dans la centrale. Mais la contamination est déjà là, le stress du travail désagrège la belle entente du groupe et le danger du désir, invisible, détruit tout. Au-delà de certaines doses, plus rien n’est maitrisable… DP


Les beaux jours, elle s'en va Gare du Nord

Interférences Les Beaux jours/Elle s’en va/Gare du nord

Q

uand une figure inattendue se répète dans plusieurs films, sur une courte période, est-ce l’effet du hasard ou l’indice d’un changement dans les représentations collectives ? Souvent, j’ai tendance à penser que le cinéma n’est pas tendre avec les actrices, qu’il ne les aime que radieuses, jeunes et jolies et que, pour toute comédienne, vieillir est un véritable défi professionnel, les propositions se raréfiant, la palette des rôles se recentrant autour de la figure de la grand-mère. Mais les mamies ne sont plus ce qu’elles étaient ! C’est du moins ce que l’on peut se dire après avoir vu les personnages joués par Fanny Ardant dans Les beaux jours, Nicole Garcia dans Gare du nord et Catherine Deneuve dans Elle s’en va. Aucun de ses trois films n’essaie de cacher l’âge des personnages, mais à 64, 67 et 69 ans, elles sont vues à la fois comme des mères, des grands-mères mais aussi comme des femmes. Désirables. Dans les bras de Laurent Laffite, de Reda Kateb et de Paul Hamy. Si les trois magnifiques actrices ne font plus partie des séductrices, ces trois rôles inventent des personnages de femmes séduites (avec de touchantes timidités d’adolescentes – c’est Nicole Garcia qui répète plusieurs fois que son cœur s’af-

fole comme celui d’une fille de quinze ans.) Remarquons que dans les trois histoires, elles le sont par des hommes beaucoup plus jeunes qu’elles. Comme s’il restait toujours un tabou difficilement franchissable : l’amour entre deux personnages âgés (même si nous avons pu voir en 2008 le très beau film allemand intitulé 7e ciel, d’Andreas Dresen, l’histoire d’un coup de foudre entre une femme de 60 ans et un homme de 76 ans). Notons également que ces trois films ont été réalisés par… des femmes : Marion Vernoux, Claire Simon et Emmanuelle Bercot. Est-ce qu’un réalisateur homme aurait pu avoir ce genre de regard sur ces trois magnifiques actrices ?

Est-ce qu’au travers du regard que ces trois réalisatrices s’expriment le désir (forcément un peu teinté d’inquiétude) que l’amour et le désir restent possibles malgré le temps qui passe ? Peu importe finalement : réjouissons-nous du plaisir d’avoir une nouvelle fois pu voir ces femmes remarquables dans des rôles de premier plan, belles, toujours. DP

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À propos de Suivez la route de l’animation

L’Abbaye de Fontevraud accueille régulièrement des réalisateurs de films d’animation. Xavier KawaTopor, son directeur, a mis en place cette action pour que ces auteurs aillent à la rencontre des spectateurs de la région. Dimanche 6 octobre : Rencontre avec Éric Omond pour l’avant-première de

Loulou l’incroyable secret.

L

e réalisateur était ému parce qu’au bout de deux ans de travail, c’était enfin la rencontre avec le réel : le public. Après 15 ans derrière sa planche de BD avec son Toto l’ornithorynque, il a eu envie de voir autre chose. Il a travaillé sur L’Illusionniste, sur Zarafa avant de réaliser son 1er film. « J’étais au service de l’univers de Grégoire Solotareff, mais celui-ci était très à l’écoute de ce que je pouvais apporter. Il n’y a pas eu de tension car nous avions énormément de goûts communs », mais aussi au niveau du cinéma (expressionnisme allemand avec ses cadrages, ses ombres portées et l’imagerie technicolor des grands films hollywoodiens). « Je me suis retrouvé dans (…) cet univers entre les mondes des hommes et des animaux… » C’est la suite de Loulou : les personnages sont devenus Éric Omond aux Studio © Nicole Joulin adolescents. « Loulou a été élevé dans le pays des lapins. C’est un monde naïf. Il va au pays des loups sans idée derrière la tête ». Un film très beau visuellement, à la fois comique et plein d’actions et qui joue sur différents niveaux de lecture (« Le festival de carnes ! ») Il a semblé beaucoup plaire aux 140 participants, petits et grands, de ce Ciné p’tit déj’ organisé par la commission Jeune Public. DP

Lundi 7 octobre : panorama chinois

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a Cinémathèque proposait un programme de courts-métrages d’animation chinois réalisés entre 2006 et 2013. L’un d’eux, Chen Chen, actuellement en résidence à Fontevraud, est venu évoquer son parcours et celui du cinéma d’animation de son pays. Il explique qu’en Chine, malgré l’absence de studios pour travailler en groupe, le manque de distributeurs et de producteurs… les jeunes créateurs parviennent à conjuguer créativité et références aux anciennes techniques. Ainsi, Zhiyi Zhang a su créer des impressions de lavis animé à partir d’un ordi-

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nateur pour Quête, un bijou de poésie aquatique. Tandis que Chen Xi rend hommage à la Chine de 1910 à 1940, dans Mahjong et Winter Solstice, et que Lei Lei, en tandem avec Thomas Sauvin, propose, dans Recycled, un montage de milliers d’images vraisemblablement prises par des photo-filmeurs (photographes professionnels sur les lieux touristiques). On a pu découvrir aussi la relecture par Cheng Ming d’un texte du quatrième siècle, Legend of the Peach Garden, mêlant techniques informatiques et techniques traditionnelles du théâtre d’ombres et du lavis,


son regard : une mise en dessins du sentiment de honte vécu par un homme confronté au regard d’un… poulet. L’animation chinoise semble avoir, de nouveau, un futur et c’est tant mieux ! IG

Kristian Andrews & Céline Devaux © Fontevraud

ainsi que Double Fikret, de Haiyang Ming, étonnant maraboutdeficelle surréaliste au pastel. Chen Chen quant à lui, élève à l’école de La Poudrière à Valence, jusqu’en 2010, présente son film de fin d’études, M’échapper de

Mardi 8 octobre : soirée courts métrages

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e soir, projection de courts métrages réalisés par de jeunes cinéastes en résidence à l’abbaye de Fontevraud. Le principe de ces résidences Écriture et recherche est simple : offrir aux sélectionnés un mois de totale liberté. Un mois pour se poser, afin de favoriser les interactions et stimulations avec les autres résidents. Deux de ces privilégiés sont présents, Kristian Andrews, anglais, réalisateur de Rabbit punch et Céline Devaux, auteure de Vie et mort de l’illustre Grigori Efimovitch Raspoutine. Il se dégage des films, la plupart en noir et blanc, une grande créativité et aussi de la violence, comme dans Rabbit punch. K. Andrews met en avant l’aspect autobiographique de son film, il a vécu tous les faits qu’il y relate. L’ani-

mation lui a permis de prendre de la distance. « Norfolk est un endroit très peu stimulant », dit-il, et le noir et blanc l’a aidé à en exprimer toute la morosité. Pour C. Devaux, la violence est inhérente à l’histoire qu’elle raconte (la vie de Raspoutine), son utilisation du noir et blanc est liée à une volonté de rappeler l’esthétique de l’époque. Mais tous deux précisent aussi que le noir et blanc allie, de façon plus pragmatique, deux avantages : il est plus économique et permet d’aller deux fois plus vite. Ce mois à l’Abbaye de Fontevraud est pour eux un moment privilégié. Passionnés par leur art, ils comptent bien pouvoir continuer à le pratiquer longtemps et réussir à en vivre. C’est tout le mal qu’on leur souhaite. JF

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David Perrault aux Studio © Roselyne Guérineau

Rencontre avec David Perrault

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Ce vendredi 25 octobre David Perrault est venu parler avec le public de son très beau film : Les Héros sont morts ce soir. C’est son premier long métrage.

’emblée le contact est établi. David Perrault est un cinéaste cinéphile. Il définit la cinéphilie tout simplement comme l’amour du cinéma. Et il le connaît à fond. Les personnages principaux de son film sont deux catcheurs des années 60. Mais le cinéaste avertit le public : ce n’est pas un film sur le catch, mais sur le passé, la nostalgie du passé qui est souvent celle du cinéma. Il espère avoir porté un regard moderne sur cette époque. Il ajoute qu’il faut prendre le film comme un plaisir chorégraphique, comme un immense rêve éveillé (ce qu’est le cinéma selon lui). Le point de départ a été une photo de catcheur de 1960, qui portait un masque blanc. Il était un peu ridicule sur la photo, qui dénotait un mauvais goût bien français. C’était bien sûr la photo de l’Ange blanc. David Perrault est tenté de l’oublier, puis une question chemine dans son esprit : que sont devenues ces célébrités du passé, brusquement disparues et oubliées ? Qu’est-ce qu’être un héros ? Puis ne plus l’être ? Être dans la lumière, puis dans l’ombre ? S’y ajoute alors une interrogation de cinéphile : que sont deve-

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nues les grandes figures du cinéma de ces années-là ? D’où la nécessité de mettre en parallèle forme et sujet : par exemple noir et blanc comme célébrité et oubli, ombre et lumière. En se documentant, le cinéaste a découvert qu’il y avait eu au moins sept Anges blancs. Le vrai, l’original, était italien et il a bien enlevé un jour son masque pour se faire connaître : ça a été la fin de sa carrière, le rêve avait disparu. À une question d’un spectateur sur le masque noir dont veut se défaire Victor, David Perrault répond que c’est un rêve central. Victor vit dans un cauchemar dont il ne peut se débarrasser. Sur scène, le rôle noir qu’il doit tenir (l’Étrangleur de Belleville) l’étouffe. C’est pourquoi, dans le cauchemar des masques noirs, il y a son copain Simon. Simon, c’est son double de lumière : Victor ne peut accéder à la rédemption qu’en l’éliminant et en le remplaçant. C’est un transfert de personnalité : pour sortir du cauchemar, il doit sacrifier son meilleur ami. Leur amitié est d’ailleurs étrange. Ils se font écho sans tout-à-fait se confondre. Un spectateur fait remarquer que le film est truffé de références cinéphiliques (on


pense à Tarantino, mais dans un tout autre style). Le cinéaste assume ce côté cinéphile. Mais pour faire bouger les lignes, les frontières des genres, pas pour reproduire fidèlement. Ainsi la scène de la chambre, avec Simon et Anna : c’est une citation de la scène de À bout de souffle, qui réunit Belmondo et Jean Seberg. Mais détournée, portant sur le passage du passé (l’après-guerre pour Simon) à la modernité défendue par Anna avec son disque de Gainsbourg. David Perrault s’explique ensuite sur la scène, près de la fin, où les statues de cire sont incendiées. Ce ne sont pas des images numériques, le cinéaste n’aime pas y recourir. Les décors ont vraiment été brûlés. D’où une scène cauchemardesque (on pense à Franju, cinéaste de l’époque). Le réalisateur a trouvé magnifiques ces masques qui fondent réellement, ces images terrifiantes. Mais il fallait tout filmer en une seule prise : le décor disparaissait avec l’incendie. Le

tournage avait quelque chose d’infernal, avec la chaleur et les odeurs étouffantes, sans compter les émanations asphyxiantes du plastique en train de fondre. La séquence où apparaissent les archives de l’Ina et où Pierre Dumayet interviewe un catcheur auteur d’un livre iconoclaste sur son sport a été un élément déclencheur : cet homme à qui on a imposé un rôle, celui d’Étrangleur juif, pose le problème de l’identité et des rôles qu’on nous force à jouer : c’est aussi un sujet du film. David Perrault revient sur l’épilogue qu’il a choisi. La scène se passe dix ans après, dans un cabaret non identifiable. On ne sait rien du spectacle. Victor est enfin l’Ange blanc, mais dans un spectacle de cabaret (pas au catch, qu’il a dû abandonner). Il veut aller vers la lumière, alors qu’il a sacrifié son meilleur ami. Le spectacle est sans gloire. C’est une fin déstabilisante, que le cinéaste a voulu poétique plutôt que narrative. Elle ne s’inscrit pas, précise-t-il, dans une continuité narrative, mais dans une sorte de fantasme poétique. Une belle soirée d’échange, avec un jeune réalisateur convaincu et convaincant. Et un très beau film. CdP

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Rencontre avec Bertrand Tavernier

Rencontre avec Bertrand Tavernier le mercredi 9 octobre 2013 Bertrand Tavernier aime les Studio ! Après avoir tenu avec fougue et passion le rôle de parrain à l’occasion de nos cinquante ans, il était de retour près d’un mois avant la sortie officielle de Quai d’Orsay pour rencontrer nos publics : les étudiants et lycéens l’aprèsmidi, les spectateurs le soir. Est-il besoin de préciser que la grande salle était remplie plus d’une demi-heure avant le début de la séance ? Comme d’habitude le réalisateur s’est prêté avec bonheur au jeu des questions réponses, apportant une foule de détails et précisions, n’hésitant pas à déborder sur tout ce qui a trait à la culture avec un franc-parler et une vision critique que nous partageons… Sur la préparation du film, le contexte et les conditions de tournage : « Le personnage de Vlaminck et auteur de la BD – Antonin Baudry (alias Abel Lanzac) – connaissait parfaitement le ministère et ses rouages… Ce sont les personnages qui m’intéressaient ; je n’ai pas cherché à rencontrer Dominique de Villepin ; la vérité on la prend ailleurs, en s’imprégnant des lieux, en posant des questions… Il y a dans le film des choses qui ne sont pas dans la BD mais que nous avons découvertes comme, par exemple, les questions posées à l’assemblée qui, comme les réponses, sont préparées à l’avance par les conseillers… Nous avons tourné onze jours au quai d’Orsay : ce sont des décors de style Napoléon 3, parmi les plus beaux de la République. Quand on avait des pauses, on passait notre temps à visiter les lieux et on nous a laissé nous promener partout… Il y a une grande disparité entre les espaces immenses de certains bureaux et les mansardes étriquées où sont la plupart des conseillers. Ça crée des rancœurs et des jalousies. Pour le bureau de Claude Maupas que nous ne pouvions occuper (Arestrup dans le rôle du premier conseiller), nous avons tourné à l’ambassade de Suisse dont le décor a exactement le même style ».

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Sur le personnage de Taillard de Worms (le ministre) et la politique étrangère de la France : « Dès qu’il est seul cinq minutes, il s’ennuie, donc il est en déplacement perpétuel – contrairement à l’actuel occupant du lieu, Fabius, qui ne sort guère de son bureau. Pour retrouver le langage de la BD (le personnage se dédouble en marchant), nous avons opté pour les portes qui claquent et les feuilles qui volent ; il fallait que ses apparitions soient tonitruantes : nous les avons précédées d’un gigantesque courant d’air. Les effets spéciaux mis au point ont demandé une longue préparation ». (Il est question de soufflerie difficile à orienter…) Taillard a une réelle vision de la France, même s’il exprime tout d’une manière extravagante. J’ai du respect pour son courage, sa sincérité et sa conviction absolue… Le personnage est peut-être léger, il n’empêche qu’il sort de sa voiture pour affronter les manifestants en Afrique et qu’on lui doit le fameux discours de l’Onu Sur les deux dossiers vus dans le film (l’Afrique et l’engagement de la France en Irak), ses prises de position progressistes sont remarquables. Elles sont pourtant nées dans la folie du ministère : ça reste une énigme !


Tony Blair en prend aussi pour son grade : « Il a manipulé l’info, a menti. C’est un individu méprisable, pourtant bien propre sur lui, à l’apparence démocrate. » Malgré l’admiration qu’il porte à la personne du ministre, Bertrand Tavernier ne se prive pas de souligner ses travers avec malice : « Il ne donne pas, mais jette. Sa secrétaire est en permanence bombardée de livres, feuilles… Il ne sait pas répondre à un téléphone portable, est en véritable état de panique devant un ordinateur d’où le “papier collé” ou le

“regarder plus haut” qui le fait chercher au dessus de l’écran… Il parle tout le temps d’écrire mais il se contente de “stabiloter”. C’est Thierry Lhermitte qui endosse le costume du ministre : « Au début j’ai eu un peu peur. L’acteur s’était semi-retiré, voulait casser l’image qui l’avait fait connaître et ne jouait plus qu’avec beaucoup de réserve. Je craignais qu’il ne veuille plus interpréter des rôles de “dingo”. En fait, ça a été un bonheur : dès qu’il a lu le scénario, il a donné son accord et foncé ». Sur les autres protagonistes (acteurs et personnages) : Raphael Personnaz (Arthur, le « langage » du ministère) : « Il joue très finement. J’ai voulu lui offrir un rôle très différent de celui qu’il tenait dans La princesse de Montpensier. Progressivement il arrive à tenir tête à son ministre avec la complicité de Maupas. Anaïs Demoustier (Marina) : « Le personnage qu’elle interprète, la compagne d’Arthur, est très différent de celui de la BD où elle est geignarde et véhicule le cliché de la femme délaissée par la carrière de son compagnon. J’avais peu de femmes dans le film ; Je voulais qu’elles existent. Marina est vive, sexy, intelligente et remet en cause l’admira-

Bertrand Tavernier aux Studio, le 9 octobre 2013 © Nicole Joulin

Le quai d’Orsay a gardé le même cap, quelques soient les gouvernements, de gauche comme de droite, depuis De Gaulle : une ligne d’indépendance vis-à-vis des USA, entre Israël et la Palestine… Le film se situe à un moment très fort de notre histoire… Dans le discours aux Nations Unies, Villepin a défendu la notion de “vieux pays” décriée par tout le monde, y compris par Chirac. Il a tenu bon… C’est le sujet de mon film : comment un ministère, complètement libre, arrive à faire passer une politique malgré les autres ? Le changement est venu avec Sarkozy, hyper atlantiste et sioniste. On a du mal à se remettre de cette rupture très forte ».

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Rencontre avec Bertrand Tavernier

tion d’Arthur pour son ministre. Son métier d’institutrice en banlieue permet de montrer un autre monde ». Niels Arestrup (Claude Maupas, premier conseiller) : « J’ai croisé cet homme une fois. C’est quelqu’un de formidable qui a servi l’État (premier conseiller de plusieurs ministres des affaires étrangères) pendant de longues années ; il a aussi été ambassadeur et a soutenu Obama. Il fallait être comme lui face à Villepin : il réussit à faire tout passer sans s’opposer frontalement… Aujourd’hui en poste à Bruxelles, il s’ennuie… J’ai de l’admiration pour ces serviteurs qui travaillent dans l’ombre et ne vont pas “jacqueter” à la télé sur n’importe quoi. S’ensuit une grosse colère sur « ce crétin de Montebourg » qui se vantait sur les médias de l’installation d’Amazone dans sa région au mépris des libraires qui ferment et des conditions de travail inacceptables des employés ; « Une entreprise qui ne paie pas d’impôts en France ! » À ce sujet, Tavernier nous conseille de lire : En Amazonie, infiltré dans le meilleur des mondes, de Jean-Baptiste Malet. Jane Birkin (Molly Hutchinson, prix Nobel de littérature) : « La scène narrée est authentique. C’est une des légendes du quai d’Orsay : le ministre s’est lancé dans un monologue interminable jusqu’à ce que son chef du cabinet lui glisse un petit mot. Quand il finit par lui donner la parole, elle ne parle pas de littérature mais de politique ! Thierry était fou de joie de jouer avec Jane : ils avaient été partenaires au théâtre et s’entendaient très bien ». Julie Gayet (Valérie Dumontheil, conseillère Afrique) : « Cette femme est hyper connue au ministère où elle est qualifiée de “salope”. Mais on la sait bosseuse et courageuse ». Sur Héraclite : « Les titres chapitres sous la référence du philosophe sont des phrases souvent incompréhensibles mais formidables pour leur beauté ! Il n’y a pas de rapport avec ce qui précède et ce qui suit… Le ministre

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croit dans la force des mots et attache de l’importance à la culture ». Comme d’habitude, le cinéaste a été soucieux du moindre détail : les costumes, par exemple : « Très conformes à ceux portés au ministère – tissu épais mais souple, ni tweed, ni tergal. Je m’en suis fait faire un ; ça m’a beaucoup amusé… » Quant aux chaussures : « Elles sont glacées ». Sur la diversité de ses films et cette nouvelle expérience : « J’ai besoin de m’épater moi-même, de faire chaque fois un premier film, que mes films ne soient pas seulement du savoir-faire. J’aime découvrir des univers que je ne connaissais pas. Chaque fois ce sont des rencontres inédites. Avec Quai d’Orsay, toutes m’ont plu : des créateurs de la BD aux fonctionnaires du ministère… Nous avons tous eu plaisir à jouer, à tourner… Le générique de fin montre quelques uns des nombreux fous rires pris pendant le tournage. Les acteurs étaient heureux. Je n’ai pas eu besoin de les “doper” pour qu’ils soient énergiques… Rien n’est accéléré : le rythme est celui qu’amène le ministre et qu’il impose à Arthur ». Quai d’Orsay a été très favorablement accueilli au sein du ministère lors des différentes pré-projections. Les occupants du lieu ont confirmé « l’ambiance lubrique dans les bureaux et la folie de l’ère Villepin »… Décidément, à 72 ans, Bertrand Tavernier a toujours une sacrée pêche ! Son film tonique, drôle et riche a continué à faire parler, dans le hall, les nombreux spectateurs qui ne se résolvaient pas à quitter les lieux. Il était tard et le réalisateur continuait à échanger avec les uns et les autres. Merci une nouvelle fois, Monsieur Tavernier de nous transmettre vos passions, nous faire partager vos coups de gueule salutaires, d’être aussi disponible et généreux. Pourtant, vous nous avez avoué : « J’ai eu souvent des désillusions, surtout avec les hommes politiques ». SB


Vos critiques

LA VIE DOMESTIQUE de Isabelle Czajka

Effroyables jardins aurait pu être le titre du film, tant les espaces verts aseptisés de cette banlieue chic, illustrent avec justesse l’ennui quotidien des femmes au foyer qui y vivent. Isabelle Czajka nous montre une journée de la vie de Juliette, fraîchement débarquée dans le quartier, et de ses voisines toutes faussement heureuses, qui cachent leur vide intérieur derrière des sourires polis et des maisons exemptes de toute trace de vie. […] Juliette ne trouve pas sa place et voudrait retrouver sa vie d’avant, celle où elle travaillait encore, avait un statut social et le droit de parole à table. […] Julie Ferrier [est] méconnaissable dans son rôle de bobo au bord de la dépression pour une tache sur son canapé blanc. Avec ce film, Isabelle Czajka parvient parfaitement à nous retranscrire l’ennui de ces vies sans but… à tel point qu’à la sortie de la salle, il m’a été difficile de distinguer si l’ennui que je ressentais était le fruit d’un film parfaitement réussi ou le résultat d’un manque de finalité dans cette histoire. Christel G. LA VIE D’ADÈLE – Chapitres 1 & 2 de Abdellatif Kechiche […] rien n’abolit cette différence [de classe], pas même la passion. […] La lucidité de Kechiche mérite d’être saluée. Il a perçu le cri du monde ou plutôt le fracas produit par sa

dérive et nous le clame en filmant l’incandescence des corps pour nous permettre de supporter l’idée de l’errance de notre monde sur l’océan des faux-semblants et du trompe-l’œil. Jean-Pierre L. […] Abdelatif Kechiche est un metteur en scène qui sait mettre en avant les corps, les visages et gestes du quotidien. […] C’est un cinéaste de l’intime et les scènes dites de sexe ne sont absolument pas gênantes car parfaitement intégrées dans l’histoire d’amour des deux héroïnes. […] Adèle Exarchopoulos [qui] se donne sans aucune limite. Elle m’a fait penser à Sandrine Bonnaire dans À nos amours de Pialat. Un des plus beaux films de ces dernières années. Christophe L. On frôle le film érotique par moment (pour moi ce film devrait être interdit aux mpoins de 16 ans) et ces scènes crues, sans pudeur, gâchent tout. C’est très bien tourné, quoi que parfois un peu long et les actrices sont sublimes mais je reste déçue par le malaise engendré par les scènes à mon avis déplacées qui n’apportent rien au film. On peut filmer de l’intime et de la passion sans tomber dans le voyeurisme malsain. L.P. C’est un beau film… Adèle Exarchopoulos est magnifique dans le rôle de cette jeune fille qui se cherche. Nous la voyons sortir de l’adolescence et devenir une jeune femme sûre de ses désirs mais qui se confronte à la réalité. […] M.B. Rubrique réalisée par RS

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