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ISSN 0299 - 0342

CINÉMAS STUDIO : 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS

N°313 • juin 2013


S

O

M

M

A

I

R

E

juin 2013

Horaires d’ouverture :

Éditorial

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LES FILMS DE A à Z

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À propos de Pieta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 ans, la nouvelle primée

Le vieux parapluie mauve

18 19

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22

.....................................

24

Les Amants passagers Rencontre

Jérôme Bonnell

9

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Courts lettrages

lundi mercredi jeudi vendredi samedi

3

La cafétéria des Studio

gérée par l'association AIR (chantier d'insertion),

accueille les abonnés des Studio tous les jours de 16h00 à 21h45 sur présentation des cartes abonné et cafétéria.

Tél : 02 47 20 85 77

No/Stories We Tell/Hannah Arendt . . . . . . . . . . . . . 26

28

À propos de

The Grandmaster . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Face à face

Promised Land

......................................

Interférences

....

31

........................................

33

Queen of Montreuil/Le Nom des gens/La Fée

Vos critiques

30

Les STUDIO sont membres de ces associations professionnelles : EUROPA REGROUPEMENT DES SALLES POUR LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPÉEN

AFCAE ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET ESSAI

ACOR

Jeune Public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

ASSOCIATION DES CINÉMAS DE L’OUEST POUR LA RECHERCHE

FILM DU MOIS : MILLEFEUILLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

(Membre co-fondateur)

36

de 14h00 à 19h00 de 14h00 à 17h00 de 14h00 à 17h00 de 14h00 à 19h00 de 14h30 à 17h00

La bibliothèque est fermée les mardis, dimanches et les vacances scolaires.

Interférences

Humeur No . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

: : : : :

GNCR

GRILLE PROGRAMME

...............

pages centrales

GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE

ACC ASSOCIATION DES CINÉMAS DU CENTRE (Membre co-fondateur)

Site : www.studiocine.com et un lien vers notre page Facebook : cinémas STUDIO LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS - 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - Mensuel - Prix du numéro 2 €. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Sylvie Bordet, Éric Costeix, Isabelle Godeau, Jean-François Pelle, Claude du Peyrat, Dominique Plumecocq, Claire Prual, Éric Rambeau, Roselyne Savard, Marcelle Schotte, avec la participation de XXXXXXXXXX et de la commission Jeune Public. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Rambeau – MISE EN PAGES & EN IMAGES : Francis Bordet. ÉQUIPE DE RÉALISATION : Éric Besnier, Roselyne Guérineau – DIRECTEUR : Philippe Lecocq – IMPRIMÉ par PRÉSENCE GRAPHIQUE, Monts (37) PEFC/10-31-1331

Présence graphique contribue à la préservation de l’environnement et atteste être reconnu IMPRIM’VERT.


éditorial

Bertrand Tavernier à la bibliothèque des studio, mars 2013 © Francis Bordet

Des armes de construction massive

A

uthentique fidèle des cinémas Studio, venu de très nombreuses fois y présenter ses films comme ceux d’autres réalisateurs, Bertrand Tavernier nous a fait le grand plaisir d’accepter d’être le parrain de la cérémonie des 50 ans des Studio. Le 9 mars, devant une salle enthousiaste, en vrai amateur de jazz qu’il est, il a improvisé de magnifiques discours. Après ceux des élus, il a repris la parole pour défendre des idées qui lui sont chères. Réfléchissant à l’idée du coût de la culture, il a tenu à rappeler que la culture rapportait (en termes purement économiques) mais aussi, bien sûr, humainement. « Dans un texte absolument remarquable, Victor Hugo luttait contre la diminution de ce qu’on n’appelait encore pas les crédits à la culture en écrivant : “ On dépense de l’argent pour éclairer la voix publique, on dépense de l’argent pour éclairer les squares et les places, pourquoi ne dépenseton pas de l’argent pour éclairer les esprits ? ” Le cinéma, c’est une des manières d’éclairer les esprits. Je pense que le monde est confronté à des menaces de dictatures absolument épouvantables : la dictature de l’argent, de l’intégrisme, quelque bord qu’il soit, et la dictature de l’ignorance. Il y a aussi une autre dictature qui est dangereuse, c’est la dictature du présent…C’est ce qui existe, hélas, dans de nombreux multiplexes : le fait que les films valsent… Le danger de donner à un public jeune le film de la semaine qui sort. Quinze jours et c’est déjà un vieux film ! C’est contre ça que des salles comme les Studio (et c’est pas la seule en France !) essaient de lutter en montrant des films dif-

férents. C’est une bataille qu’il faut mener, une bataille cruciale, le fait de ne pas céder à cette dictature du présent qui est la gangrène de la vie démocratique… » Avec sa programmation mensuelle, avec les Carnets des Studio qui sont un véritable engagement, à la fois au niveau des distributeurs mais aussi de ses spectateurs, les Studio luttent à leur échelle contre cette volatilité des films, contre l’absurdité d’un système où ils n’ont plus le temps matériel de trouver leur public. D’ailleurs, pour de nombreux films fragiles qui n’ont pas les moyens d’avoir une couverture médiatique importante, leur meilleur score national est réalisé aux Studio de Tours ! Parce qu’ici est laissé le temps au bouche à oreille de se mettre en place. Et parce que nous acceptons de continuer à soutenir un film même quand il n’attire pas la foule (pour de bonnes ou de mauvaises raisons). « Je dis souvent, j’ai trouvé cette formule et j’en suis très content : les bons films, les livres, les œuvres d’art, face à toutes ces dictatures, sont des armes de construction massive. Il faut propager ces constructions massives, les préserver ! Ca s’appelle une librairie, par rapport à Amazon et à Google, ça ne peut plus s’appeler un disquaire puisqu’il n’y en a plus, ça s’appelle un cinéma, un théâtre, ce sont des lieux d’utilité publique, d’urgence publique, pour réapprendre une autre manière de gérer le temps. » Espérons que les Studio continueront longtemps à être l’un de ces lieux indispensables. DP

Vous avez été nombreux à signer l'appel à soutien. Et vous êtes également assez nombreux à vous demander ce qu'il en advient… Eh bien, pour l'instant (au 14 mai), nous en sommes à près de 13 000 signatures, tant sur Internet que dans l'urne placée dans le hall des Studio. Toujours à l'heure où nous écrivons, il n'y a rien de nouveau du côté de la Commission départementale d'aménagement commercial. Merci donc à tous ceux qui ont déjà signé. L'appel continue, il est encore temps d'en parler autour de vous ! ER Les CARNETS du STUDIO

n°313

juin 2013

4


du 26 juin au 2 juillet

SEMAINE 4

2013

CNP jeudi

20h00 C

14h15 19h45 + dimanche 16h00

1h30’

14h15 17h45 19h45 + dimanche 16h00

1h33’

14h15 17h30 19h30

1h48’

14h15

LES PARAPLUIES DE CHERBOURG

14h30

21h45

de Wolfgang Reitherman Goûter le mercredi

LES BEAUX JOURS

BEFORE MIDNIGHT de Richard Linklater À suivre.

12 ANS D’ÂGE 1h34’

16h15

19h00

A VERY ENGLISHMAN

17h45

14h30

21h30

19h15

de Rebecca Thomas

de Sofia Coppola

dimanche

58’

BAMBI À suivre.

de Sébastien Lifshitz

1h53’

METRO MANILA de Sean Ellis À suivre.

dimanche

THE BLING RING À suivre.

ELECTRICK CHILDREN

SAUF jeudi-lundi

17h45 21h45

1h30’

À suivre.

+

16h00

21h15 +

dimanche

16h15

1h31’ + court métrage 13’

PEOPLE MOUNTAIN 21h30 PEOPLE SEA de Cai Shangjun

1h27’

NÉ QUELQUE PART de Mohamed Hamidi À suivre.

14h15

de Chris Wedge

de Michael Winterbottom

de Frédéric proust

19h30

14h15

À suivre.

1h25’

+ dimanche 16h00

lundi

+

DU ROYAUME SECRET 1h41’

14h15

N

17h15

EPIC, LA BATAILLE

À suivre.

mercredi samedi dimanche

I

19h30

1h42’ VF

de Marion Vernoux

19h15 17h45

LES ARISTOCHATS

de Jacques Demy

19h45 14h30 17h15 19h15

1h18’ VF

du 5 au 11 juin

SEMAINE 1

Le film imprévu

www.studiocine.com

Toutes les salles des Studio sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

14h30

L’ADN pour ficher la population

PISTÉ PAR NOS GÈNES

53’ de Philippe Borrel & Gilbert Charles FILM + DÉBAT avec P. Darlu É

1h59’

1h32’

19h00 17h00 21h30 17h15 21h45

T

H

È

Q

SOIRÉE DE CLÔTURE

U

1h30’ VF

DES ABEILLES ET DES HOMMES de Markus Imhoof

E

FELLINI ROMA de Federico Fellini

48’ sans paroles

LES AVENTURES DE MIRIAM de divers réalisateurs

LA CAGE DORÉE

1h35’

de Ruben Alvens

2h07’

1h28’

1h45’

17h15

Courts d’écoles

mardi

LA FILLE DU 14 JUILLET

SÉANCE GRATUITE OUVERTE À TOUS

2h10’

LE PASSÉ

MILLEFEUILLE 1h30’

DIAZ

ONLY GOD FORGIVES

17h15

SHOKUZAI,

CELLES QUI VOULAIENT SE SOUVENIR

de Kiyoshi Kurosawa

OH BOY

de Ziad Doueiri

GATSBY LE MAGNIFIQUE

21h00

de Baz Luhrmann

Le film imprévu

de Jan Ole Gerster

www.studiocine.com

2h22’

21h15 17h30 21h30

L’ATTENTAT

de Kiyoshi Kurosawa

17h00 21h15

1h45’

SHOKUZAI,

18h00

de Asghar Farhadi

de Nicolas Winding Refn

CELLES QUI VOULAIENT OUBLIER

2h07’

16h00

de John Ford

de Daniele Vicari

1h59’

mercredi samedi dimanche

de Pascale Diez

UN CRIME D’ÉTAT 2h31’

14h15

L’HOMME TRANQUILLE

de Nouri Bouzid 2h03’

D’UNE ÉCOLE À L’AUTRE

mercredi samedi dimanche

SAUF jeudi lundi mardi

de Antonin Peretjatko

19h15 14h15

A

Soirée présentée par Louis d’Orazio

19h30 14h15

M

2013

www.studiocine.com

Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

Cinémas Studio – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


du 12 au 18 juin

SEMAINE 2

CNP jeudi

20h00

1h27’

Ciné-débat

ANGÈLE ET TONY de Alix Delaporte

19h45 LA DERNIÈRE HEURE Avant première 2h07’ Concert 1h 22h00 14h15 1h30’ THE BLING RING 17h15 19h15 de Sofia Coppola 21h15 2h02’

14h15 SOUS SURVEILLANCE de Robert Redford 19h00

19h00 14h15

2h24’

L’ULTIMATUM DES TROIS MERCENAIRES de Robert Aldrich

1h28’

19h45 14h30

de Pascale Diez

1h35’

37’ sans paroles

de divers réalisateurs

1h30’ VF

DES ABEILLES ET DES HOMMES de Markus Imhoof

40’

de Julien Touati & Cédric Martinelli Vendredi 14 juin, rencontre avec Cédric Martinelli après la séance.

2h31’

1h45’

de Alain Guiraudie

17, rencontre avec le réalisateur 19h45 Lundiaprès la projection de 19h45.

1h45’

L’ATTENTAT de Ziad Doueiri

www.studiocine.com

mercredi samedi dimanche

16h00 17h15 SAUF jeudi lundi

mercredi jeudi vendredi samedi

16h00 21h30

LA FILLE DU 14 JUILLET de Antonin Peretjatko

1h30’

14h15

de Kiyoshi Kurosawa

de Nouri Bouzid 1h28’

mercredi samedi dimanche

17h00

MILLEFEUILLE

ONLY GOD FORGIVES

17h30

DIAZ

UN CRIME D’ÉTAT

CNP jeudi

20h00 14h15 19h45

EN DESCENDANT LA RUE BLANQUI

1h48’

14h15 17h45

17h30

21h45

19h30

EPIC, LA BATAILLE

mercredi samedi dimanche

de Chris Wedge

14h15

DU ROYAUME SECRET 37’ sans paroles

de Sofia Coppola

de divers réalisateurs

21h30

de Daniele Vicari

Le film imprévu

www.studiocine.com

Tous les films sont projetés en version originale (sauf indication contraire).

SAUF jeudi lundi

LES BEAUX JOURS

L’INCONNU DU LAC 17h15 de Alain Guiraudie 21h15

de Marion Vernoux

1h30’ 1h41’

A VERY ENGLISHMAN de Michael Winterbottom

LES PARAPLUIES DE CHERBOURG de Jacques Demy

JUST THE WIND

1h27’

de Benedek Fliegauf

NÉ QUELQUE PART de Mohamed Hamidi

14h30

BAMBI

19h15

de Sébastien Lifshitz

1h31’

14h30 PEOPLE MOUNTAIN PEOPLE SEA 19h15 de Cai Shangjun

17h45 21h45

1h35’

21h15

1h45’

MILLEFEUILLE

58’ + court métrage 15’

21h15

17h15

1h35’ 1h33’

19h30

17h15

1h42’ VF

THE BLING RING

17h30 14h30

2013

DRÔLES DE CRÉATURES

1h30’

19h45 14h15

de Charlie Rojo

Rencontre avec le réalisateur après la projection.

21h45

21h30

de Nicolas Winding Refn

2h03’

du 19 au 25 juin

SEMAINE 3

SHOKUZAI,

CELLES QUI VOULAIENT OUBLIER

14h30 L’INCONNU DU LAC 1h35’

PARTENARIAT CCNT - STUDIO

LA TABLE AUX CHIENS

JUST THE WIND de Benedek Fliegauf

Atelier le mercredi

DRÔLES DE CRÉATURES

OH BOY de Jan Ole Gerster

19h45

17h30

D’UNE ÉCOLE À L’AUTRE

Discussion autour d’un pot après la projection.

Soirée Vague jeune vendredi EN PARTENARIAT AVEC FUNK YOU PRODUCTION ET LES TONTONS FILMEURS

14h15

1h35’

2013

de Nouri Bouzid

21h30

1h40’

VIRAMUNDO de Pierre-Yves Borgeaud

21h30

Le film imprévu

www.studiocine.com

Films pouvant intéresser les 12-17 ans, (les parents restant juges) au même titre que les adultes.

Cinémas Studio – 2 rue des Ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


Vendredi 14 juin - 19h45

Soirée Vague Jeune avec le collectif Funk You Production

jeudi 6 juin - 20h00 Le CNP et le comité de soutien 37 contre le fichage ADN proposent :

L’ADN pour ficher la population ?

Les potentialités de l’ADN, vantées un peu partout, attirent divers intérêts : médecine, sécurité, labos privés, nouveaux eugénistes, généalogistes, généticiens, associations de victimes… Mais cette molécule intime reste méconnue. En même temps le fichage d’individus par leur ADN1 s’étend discrètement. En France, plus de 2,2 millions de personnes sont déjà fichées au FNAEG2. Certaines refusent mais c’est un délit. Des voix s’opposent à la mise en place d’un fichier général de la population, quand des politiques et des professionnels de la sécurité prônent le fichage pour tous. Après le FILM : PISTES PAR NOS GÈNES de Borrel et Charles – 2007 – 53’ – DÉBAT en présence de P. Darlu, généticien, J.P. Susini, avocat (membre du Syndicat des Avocats de France et de la Ligue des Droits de l’Homme) et d’une Tourangelle poursuivie pour son refus (procès le 17 juin). 1 ADN

: Acide désoxyribonucléique : Fichier national automatisé des empreintes génétiques

2 FNAEG

jeudi 13 juin - 20h00 Le CNP propose un CINÉ-DÉBAT :

ANGÈLE ET TONY Film d’Alix Delaporte – 2011 – 1h27 Port en Bessin, dans le Calvados. Un climat économique, social et politique

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Les CARNETS du STUDIO

n°313

juin 2013

Après La Vie en panne et Sham qui ont connu le succès sur la toile, le collectif Funk You Production présente La Dernière heure, un long métrage développé dans un univers sombre qui nous plonge dans la vie d’un jeune homme tiraillé entre deux mondes. Cette fiction nous fait découvrir une nouvelle facette du collectif tourangeau né il y a bientôt deux ans. Malek vient de purger une peine de prison pour un vol de voiture qu’il n’a pas commis et ressort avec la ferme volonté de s’en sortir pour celle qu’il aime. Mais sa vie bascule un soir de décembre lorsqu’il apprend que son petit frère court un grand danger… • En présence de membres du collectif. • Exposition dans le hall des Studio. • Concert à 22 heures.

tendu. L’industrie de la pêche est frappée par la crise. Les travailleurs manifestent leur colère. Tony, marin-pêcheur dont le père a disparu en mer, propose à Angèle, dont il ne sait pas grand-chose, de s’installer dans la maison où il vit avec sa mère. Que cherche la jeune femme ? Tony ne peut pas croire qu’elle soit là pour lui. Mais, peu à peu, ces deux êtres si dissemblables s’apprivoisent et le secret d’Angèle se dévoile. Des acteurs habités… une histoire d’espoir à laquelle on est heureux de croire. Après la projection, le CNP vous invite à partager vos impressions, ressentis, réactions autour d’un pot.

w w w . s t u d i o c i n e . c o m

Sur le site des Studio (cliquer sur : PLUS D’INFOS, pour entrer dans la fiche film), vous trouverez des présentations signées des films que les rédacteurs auront vus après leur sortie en salle. Les fiches non signées ont été établies de manière neutre à partir des informations disponibles au moment où nous imprimons.

Les films de A à Z 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com

jeudi 20 juin - 20h00

En descendant la rue Blanqui France, 2012, 1h48’, de Charlie Rojo. En présence du réalisateur. Le quartier Blanqui à Tours, dit-on, ressemble à un village. Un village aux portes de la Loire et de l’autoroute A10. Sous la forme d’une enquête ludique et haute en couleurs, ce film part à sa découverte à travers récits et témoignages de ses habitants. « J’habite à Tours, rue Lobin, quartier Blanqui. Dans mon quartier, on trouve : un vieux séchoir, un canal devenu autoroute, une mosquée, une église, le dernier poissonnier de la ville, des commerces et 113 chats. Avec celui de ma voisine, ça fait 114... » A l’issue de la projection, Charlie Rojo dialoguera avec les spectateurs. Pour les futures soirées du CNP… rendezvous dans les Carnets de septembre !

AVANT LES FILMS, DANS LES SALLES, AU MOIS DE MAI 2013 : • Tango passion deTrio Yengibarjan (studio 1-2-4-5-6) • Ever After de Stéphane Belmondo (studio 3 et 7). Musiques sélectionnées par Eric Pétry de RCF St Martin.

A

12 ans d’âge

France – 2013 – 1h25, de Frédéric Proust, avec François Berléand, Patrick Chesnais, Anne Consigny…

Deux amis inséparables, Charles et Pierrot, peuvent enfin passer un maximum de temps ensemble, lorsque Charles part en pré-retraite. Si 12 ans d’âge signent équilibre et maturité pour un whisky, pour les deux compères, c’est l’inverse, et leur imagination les embarque dans une transgression de tous les instants. Tandis que leurs épouses considèrent avec bienveillance

leurs débordements, la réalisation de leurs fantasmes pré-adolescents les amène aux confins des limites sociales… Ce premier film de l’acteur Frédéric Proust, en tant que réalisateur, explore avec humour et sensibilité les registres de l’amour et de l’amitié, au seuil de la vieillesse. Quant aux acteurs, on sent leur jubilation à rejouer ensemble, tout en s’inscrivant dans un univers qui n’est pas si souvent le leur, celui de l’émotion. Sources: dossier de presse

Les CARNETS du STUDIO

n°313

juin 2013

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Des abeilles et des hommes Suisse – 2012 – 1h28, de Markus Imhoof

Depuis plusieurs années, les abeilles, indispensables à la pollinisation, sont les victimes d’une véritable hécatombe aux raisons assez mystérieuses mais qui doivent beaucoup à l’usage intensif de pesticides. En partant de la vision idyllique d’une ruche et de la naissance d’une reine, ce documentaire nous fait vite revenir à la triste réalité et notamment au lucratif business que permet cette disparition. Sources: Dossier de presse

Voir pages Jeune Public

A Very Englishman

Grande-Bretagne – 2012 – 1h41, de Michael Winterbottom, avec Steve Coogan, Ana Friel, Imogen Poots…

En 1958, un ambitieux jeune homme, Paul Raymond, lance une revue de spectacles dénudés qui ne peuvent que choquer une Angleterre encore très coincée. Dans la foulée, il démarre For men only, un magazine… pour hommes, comme son nom le laisse entendre! Les affaires tournent bien, si bien même qu’il rachète peu à peu le quartier londonien de SoHo (quartier de la vie nocturne) et devient, en 1992, l’homme le plus riche d’Angleterre… On se doute bien qu’une vie de cet acabit ne peut pas être tout à fait calme et c’est une nouvelle fois à Steve Coogan que le toujours surprenant M. Winterbottom a fait appel pour incarner ce personnage particulièrement controversé. Le tandem a déjà fait des étincelles (Tournage dans un jardin anglais) et l’on peut toujours compter sur le plus prolifique des cinéastes britanniques pour faire qu’un biopic soit un peu plus qu’un biopic !

France, Belgique, Liban, Qatar – 1h45 – de Ziad Doueiri, avec Ali Suliman, Reymond Amsalem, Dvir Benedek…

Dans un restaurant de Tel-Aviv, une femme fait exploser une bombe qu’elle dissimule sous sa robe de grossesse. Appelé sur le théâtre de cet attentat-suicide, le docteur Amine, israélien d’origine arabe, opère les nombreuses victimes. Quand on lui annonce que la kamikaze est sa propre femme, il commence par refuser de croire à cette accusation puis part en Palestine pour tenter de comprendre. Pas de sentiments exacerbés ni de révolte dans L’Attentat (qui a obtenu l’Étoile d’Or au festival de Marrakech), mais une interrogation cruciale tout au long du film: peut-on vivre et s’épanouir sans prendre parti ?

Les CARNETS du STUDIO

n°313

juin 2013

Edwige

Les Beaux jours

Les Aristochats Les Aventures de Miriam Voir pages Jeune Public

Bambi France – 2013 – 1h00, de Sébastien Lifshitz

C’est alors qu’il préparait Les Invisibles, son beau et sensible documentaire sorti en novembre dernier, que Sébastien Lifshitz a rencontré Marie-Pierre/Bambi et que, touché par son parcours et sa personnalité, a eu envie de lui consacrer un film. JeanPierre est né en Algérie dans les années 30 et, tout petit, a senti que son corps et ce prénom qui allait avec, n’étaient qu’une prison dont il lui fallait absolument sortir. À force de volonté, Marie (parce que c’est joli comme elle intitulera un de ses livres) Pierre gagnera sa liberté et aura plusieurs vies: ainsi au début des années 50, elle deviendra Bambi, vedette au Carrousel de

de Mounia Meddour 2011 - 15'

France – 2013 – 1h33, de Marion Vernoux, d’après le roman Une jeune fille aux cheveux blancs de Fanny Chesnel, avec Fanny Ardant, Laurent Laffitte, Patrick Chesnais…

Sources: dossier de presse

Les fiches paraphées correspondent à des films vus par le rédacteur.

6

Paris… Sébastien Lifshitz peint à nouveau, avec empathie et délicatesse, le portrait d’une femme attachante, pudique, pleine d’humour et à l’incroyable appétit de vivre. Quand le film s’arrête, on se dit que nous resterions volontiers plus longtemps en leur compagnie! IG + COURT MÉTRAGE semaine du 19 au 25 juin

L’Attentat

Sources: Imdb.com, dossier de presse

B

Caroline est fraîchement retraitée. Des beaux jours ? Elle n’a que ça devant elle : du temps libre et encore du temps libre. Quand elle pousse la porte d’un club pour retraités dynamiques, elle ne s’imagine pas qu’une nouvelle vie est possible. Faut-il tout réinventer? Succomber aux charmes de Julien, beaucoup plus jeune qu’elle? Ou se contenter d’être dans l’acceptation de ce qui lui arrive? Le thème de ce joli film n’est pas tant la vieillesse que la question de ce que l’on fait, à 60 ans, de sa vie, de son désir… et de son couple. Quant aux admirateurs de Fanny Ardant, ils ne seront pas déçus: étonnante en jean et cheveux teints en blond, elle continue d’assurer avec une classe folle! SB

Before Midnight

USA, Grèce– 2013– 1h48, de Richard Linklater, avec Ethan Hawke, Julie Delpy, Seamus Davey-Fitzpatrick…

Après Before Sunrise (1995) et Before Sunset (2005), on retrouve Céline et Jesse dans Before Midnight. Jesse est toujours un écrivain reconnu. Quant à Céline, elle est à un tournant de sa carrière, prête à accepter un poste au gouvernement. Presque deux décennies après leur première rencontre dans un train en partance pour Vienne, les voilà de retour en Grèce avec

leurs jumelles. Le spectateur va à nouveau suivre leur histoire toujours aussi pleine de rebondissements. Des problèmes de gosses, des problèmes d’ex-femme, des concessions de couple… Bref, tous les ingrédients d’une comédie française générationnelle, ou d’une crise du couple chère à Woody Allen par ce réalisateur indépendant américain salué régulièrement au festival de Sundance. Un cinéaste très attaché aux relations humaines entre les personnages, dont le dernier film est couronné du Prix de la mise en scène à Berlin.

C

Sources: dossier de presse La Cage dorée France – 2012 – 1h30, de Ruben Alves, avec Rita Blanco, Joaquim De Almeida…

Maria et José vivent depuis 30 ans dans la petite loge d’un bel immeuble haussmannien: elle est concierge, il est maçon et ils sont devenus, au fil du temps, indispensables à la vie des Français qui les entourent. Aussi, lorsqu’ils envisagent de rentrer au Portugal, personne ne veut les laisser partir… Après le succès du film de Le Guay, Les Femmes du 6e étage (où l’on découvrait le monde des chambres de bonnes espagnoles), voici celui des loges portugaises! Mais le point de vue est radicalement différent: chez Le Guay, on suivait le bourgeois Lucchini alors que dans le film d’Alves, qui a justement passé son enfance dans une loge, le point de vue vient de l’intérieur. D’ailleurs, il a tenu absolument à ce que les deux rôles soient joués par des acteurs portugais, excellents, qui ont trouvé en Roland Giraud et Chantal Lauby d’irrésistibles faire-valoir. Jouant avec les clichés, Alves a privilégié l’émotion (le film est dédié à ses parents) et la délicatesse. Prix du public au festival de l’Alpe d’Huez. Sources: lemonde.fr – francetv.fr – critikat.com

Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

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Diaz - Un crime d’État Italie – 2013 – 2h03, de Daniele Vicari, avec Davide Iacopini, Claudio Santamaria, Jennifer Ulrich…

En 2001, pendant la dernière journée du G8 de Gênes, quelques instants avant minuit, plus de 300 policiers prennent d’assaut l’école Diaz, devenu le centre de communication pour les journalistes non accrédités, à la recherche des militants altermondialistes du Black Bloc. Dans l’établissement, se trouvent quatre-vingt-dix activistes, dont la plupart sont des étudiants européens accompagnés de quelques journalistes étrangers, qui s’apprêtent à passer la nuit à même le sol de l’école. Les forces de l’ordre font irruption et se livrent à des exactions préméditées d’une violence inouïe, frappant indifféremment jeunes et vieux, hommes et femmes. L’objectif du film est de soulever dans la conscience du spectateur une question radicale et violente qui ne concerne pas uniquement les gouvernements d’Italie ou d’Europe. La construction en aller-retour permet de conter l’histoire sous de multiples angles, avançant un peu plus dans l’intrigue à chaque boucle. À voir absolument. Sources: dossier de presse

Drôles de créatures Voir pages Jeune Public

D’une école à l’autre France – 2013 – 1h35, documentaire de Pascale Diez.

Quelle belle idée de faire se rencontrer les élèves de 2 CM1: l’un situé à Belleville, l’autre au cœur du quartier latin. Pendant un an, ils vont s’apprivoiser, apprendre à se connaître, et créer ensemble un spectacle

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avec l’aide d’un plasticien et des animateurs de la cité de la danse. Au-delà de l’exercice pédagogique, voilà une belle leçon de civisme dont devraient s’inspirer parents et élus pour surmonter les inégalités causées par la carte scolaire. Et puis un film qui parle d’éducation et est porteur d’espoir, c’est rare et ça fait du bien! SB

avec Julia Garner, Rory Culkin, Liam Aiken…

Rachel a 15 ans, elle a grandi dans une communauté mormone de la plus stricte obédience et ne connaît pas grand-chose du monde et des choses de la vie. Une nuit, elle découvre une cassette de rock dans un sous-sol… et s’aperçoit, juste après l’avoir écoutée, qu’elle est enceinte. Elle n’a jamais douté du mythe de l’Immaculée Conception, aussi, pour elle le doute n’est plus possible: c’est la musique écoutée qui lui a apporté cet enfant. Elle en doute d’autant moins que sa mère lui a toujours raconté être tombé enceinte après avoir rencontré un Mustang dans les plaines… Pour la communauté, le doute n’est tout de même pas permis: Rachel a fauté, et la faute est grave. En butte aux reproches des siens, Rachel s’enfuit vers Las Vegas avec son frère… Electrick children n’a rien d’une dénonciation de la culture mormone mais relève plutôt du conte, un conte haut en contrastes et en poésie. Sources: abusdecine.com, cinevue.com, screendaily.com

Epic, la bataille du royaume secret Voir pages Jeune Public

avec Grégoire Tachnakian, Vimala Pons, Vincent Macaigne…

La fille du 14 juillet, c’est Truquette qui, alors qu’elle visite le musée du Louvre, fait la connaissance d’Hector qui, lui, occupe sans grand enthousiasme un poste de gardien ; mais, en même temps, Hector est du genre motivé par rien, sauf par l’idée de séduire Truquette, même s’il ne voit pas trop comment faire. Pator, son meilleur copain, a une idée qui lui semble brillante et pleine de promesses, surtout si Truquette peut se faire accompagner par sa meilleure amie, Charlotte: un séjour au bord de la mer ! Le projet va s’avérer moins idyllique que prévu quand le frère de Charlotte se joint au petit groupe et que le gouvernement décide d’avancer la rentrée d’un mois pour des raisons économiques. Avec ce premier long métrage, A. Peretjatko revendique le côté «foutraque», non formaté de sa comédie faite de bric et broc et pourtant extrêmement écrite. Perfectionniste dans l’imperfection et dans ses choix esthétiques, il revendique les faux raccords, les dérapages et ne tourne qu’entre 21 et 23 images par seconde au lieu des 24 habituelles, ce qui a évidemment des conséquences sur les mouvements des personnages mais également sur le son.

Voir pages Jeune Public

Electrick Children USA – 2012 – 1h36, de Rebecca Thomas,

LaFrance Fille du 14 juillet – 2013 – 1h28, de Antonin Peretjatko,

E

Sources: dossier de presse, cinemas-utopia.org

G

Gatsby le magnifique USA – 2013 – 2h22 de Baz Luhrman, avec Leonardo di Caprio, Carey Mulligan, Tobey Maguire…

L’Amérique des années 20, déferlante de fêtes, de musique, d’alcool… A New-York, Nick Carraway, apprenti écrivain, débarque du Middle West et se trouve

plongé dans l’univers de son voisin millionnaire, Jay Gatsby. Il écrira l’histoire fascinante des riches, leurs rêves d’absolu, leurs illusions, leurs amours impossibles et leurs tragédies intimes. Le réalisateur australien, (auteur de Moulin Rouge,Roméo et Juliette, Australia) reprend, après Coppola entre autres, le roman de Scott Fitzgerald et en offre un film à gros budget, en 3D, qui fera l’ouverture du festival de Cannes. Nul doute que le casting et la bande son de JayZ emporteront l’adhésion d’un très large public. Sources: dossier de presse.

H

L’Homme tranquille USA – 1952 – 2h09, de John Ford, avec John Wayne, Maureen O’Hara, Barry Fitzgerald…

Après avoir tué son adversaire au cours d’un combat, un boxeur décide de rentrer dans son pays natal, l’Irlande. Il épouse Mary-Kate Danaher malgré le frère de sa belle, opposé à ce mariage… Au-delà d’une vision idyllique de l’Irlande, une description bienveillante d’une petite communauté villageoise et de personnages pittoresques, L’Homme tranquille est pour le réalisateur d’origine irlandaise l’occasion de filmer l’un des plus beaux couples de sa carrière. Influencé par l’expressionnisme allemand, notamment au début de sa carrière dans le cinéma muet, il est devenu très célèbre avec la réalisation de westerns et ses acteurs favoris que sont John Wayne, James Stewart et Henry Fonda. Pour les plus connus, ce sont La Chevauchée fantastique (1939), La Poursuite infernale (1946), Le Massacre de Fort Apache (1948), La Prisonnière du désert (1956), L’Homme qui tua Liberty Valance (1962)… Toutefois, il

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s’éloigne parfois des sentiers battus du western en s’illustrant avec ce chefd’œuvre, à la fois succès public et critique, qui a reçu deux Oscars. Sources: dossier de presse

I

L’Inconnu du lac France – 2013 – 1h35, de Alain Guiraudie, avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou…

L’été. Un lieu de drague pour hommes, au bord d’un lac. Franck tombe amoureux de Michel. Un homme beau et mortellement dangereux. Franck le sait (il l’a vu noyer son amant précédent) mais il veut vivre cette passion jusqu’au bout… Après Pas de repos pour les braves (03), Voici venu le temps (05) et Le Roi de l’évasion (09), voici le 4e long-métrage d’un réalisateur dont la singularité ne cesse de se confirmer depuis Ce vieux rêve qui bouge (Prix Jean Vigo en 2001). Ce film, magnifiquement filmé par un cinéaste «qui n’a peur de rien et ne triche pas avec ses désirs », a été formidablement accueilli au festival de Cannes. Avec ses scènes de sexe explicite qui pourront choquer, ce «thriller métaphysique », « huit clos tragicomique à ciel ouvert », semble être un vrai chef-d’œuvre. Sources : telerama.fr - lemonde.fr

Lundi 17 juin, rencontre avec le réalisateur Alain Guiraudie, après la séance de19h45

J

Just the Wind

Hongrie, France – 2013 – 1h35, de Bence Fliegauf, avec Katalin Toldi, Gyöngyi Lendvai, Lajos Sárkány…

Anna vit avec sa mère, Mari, son frère, Rio, et leur grand-père infirme. Ils habitent à l’écart d’un village hongrois, dans une sorte de no man’s land boisé où sont réparties dans des maisons isolées et sans confort d’autres familles rom. Anna va à l’école mais peine à s’intégrer, Rio sèche

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les cours, et Mari accumule les petits emplois pour survivre. Mais dans une Hongrie de plus en plus fascisante, il faut rester vigilant, car depuis quelques jours, des milices armées assassinent sauvagement des familles Roms de la région… C’est avec une caméra très mobile qui suit dans une succession de cadres serrés les personnages en mouvement (un peu comme les frères Dardenne collaient au parcours de Rosetta), que nous vivons pendant 24 heures le quotidien fait de brimades et de discriminations de la famille. Dans cette atmosphère pesante, se dégagent un sentiment d’appréhension, une menace invisible qui pourrait surgir dans le cadre sans qu’on puisse l’anticiper… Just the wind est un film impressionnant qui a fait sensation au Festival de Berlin où il a obtenu le Grand prix. SB

Metro Manila

Grande-Bretagne / Philippines – 2012 – 1h50, de Sean Ellis, avec Jake Macapagal, Althea Vega, John Arcilla…

Petit paysan incapable de nourrir sa famille en raison de la chute des cours du riz, Oscar part s’installer avec sa famille à Manille. Mais, comme trouver du travail et de l’argent n’est guère plus facile dans la capitale qu’à la campagne, Oscar se retrouve vite à «faire des affaires» avec des gens peu recommandables. L’avenir semble s’éclaircir un peu lorsqu’il trouve un emploi de convoyeur de fonds… mais, à Manille, c’est un travail très risqué qui vous place au milieu de bien des dangers et bien des convoitises… Filmé très près des personnages, Metro Manila est tout autant un film social qu’une manière de polar sans concessions. Et, comme le dit le proverbe philippin déformé qu’Oscar cite au début du film: « Naître pour être pendu, c’est éviter la noyade… » ER

Millefeuille Film du mois, vois au dos du Carnet

N

Né quelque part France – 2013 – 1h27, de Mohamed Hamidi, avec Tewfik Jallab, Jamel Debbouze…

Alors qu’il n’a jamais traversé la Méditerranée, Farid, un jeune Français de 26 ans, doit aller en Algérie pour aider son père. Il y découvre une famille chaleureuse dont la simplicité le touche et notamment son cousin, un jeune homme débrouillard qui rêve de rejoindre la France. Pour son premier film, Mohammed Hamidi a réussi à convaincre Jamel Debbouze de jouer le rôle du cousin. « Ce film parle de ce retour utopique au bled. Nos parents ont tous construit une maison dans notre pays d’origine pour que l’on y retourne un jour, mais on n’y retourne jamais.Né quelque part aborde donc la question de la densité humaine et celle relative à notre relation avec nos pays d’origine. »

M

Sources: dossier de presse

O

Oh Boy

Allemagne – 2013 – 1h28, de Jan Ole Gerster, avec Tom Schilling, Friederike Kempter, Marc Hosemann…

Éternel étudiant et rêveur incorrigible, Niko vit dans l’insouciance malgré son statut grandissant de marginal jusqu’au jour où sa copine le quitte, son père lui coupe les vivres, un psychiatre confirme son « déséquilibre émotionnel » et une étrange fille réapparait dans sa vie. Si seulement Niko pouvait se réconforter avec une bonne tasse de café ! Mais là encore, le sort s’acharne contre lui… Tourné en noir et blanc dans les rues de Berlin, Oh Boy est un film drôle et rêveur qui équilibre avec

justesse l’humour et la tragédie, l’ombre et la lumière. Il met en scène une galerie de portraits plus pittoresques les uns que les autres, avec une délicatesse digne de Truffaut. Ce premier film indépendant a raflé la mise aux Lola du film allemand (l’équivalent de nos Césars) en remportant la quasi-totalité des prix. Si l’on ajoute ses récompenses au festival Premiers plans d’Angers – Prix spécial du jury et Prix du public –, nul doute que Old boy soit une valeur sûre! Dossier de presse, festival premiers plans d’Angers.

Only God Forgives Allemagne – 2013 – 1h28, de Jan Ole Gerster, avec Tom Schilling, Friederike Kempter, Marc Hosemann…

Dix ans après avoir tué un policier et s’être enfui des USA, Julian dirige une salle de boxe à Bangkok, salle de boxe qui n’est en fait qu’une façade pour un réseau de trafic de drogue. Le jour où le frère de Julian tue une prostituée, un vieux flic sort de sa retraite, retrouve l’assassin, laisse le père de la victime le tuer à son tour… Débarque alors la mère de Julian, venue chercher le corps de son plus jeune fils et bien décidée à se venger à son tour… puisque, c’est bien connu : «Seul Dieu pardonne». Deux ans après Drive (Prix de la mise en scène à Cannes), N. Winding Refn retrouve celui sur qui son film reposait en grande partie, le beau et ténébreux R. Gosling. On notera avec curiosité la présence de K. Scott Thomas dans le rôle de la mère assoiffée de vengeance… Qui a vu les précédents films de Refn (Le Guerrier silencieux, Pusher…) aura facilement compris qu’il ne s’agit pas là d’un film pour âmes trop sensibles. Ça va bouger

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vite et fort, saigner et s’avérer probablement très stimulant pour les nerfs. D’autant plus que Refn comme Gosling semblent revendiquer que cette nouvelle œuvre est encore plus extrême que la précédente… «C’est un peu le même rêve que Drive, mais c’est plus un cauchemar…» Sources: imdb.com

P

Les Parapluies de Cherbourg France – 1964 – 1h30, de Jacques Demy, avec Catherine Deneuve, Nino Castuelnovo, Anne Vernon, Marc Michel…

L’air est connu : «Non jamais je ne pourrai vivre sans toi....», l’histoire d’amour entre Guy et Geneviève sur fond de guerre d’Algérie, aussi, Les Parapluies de Cherbourg est maintenant un classique. Mais ce chef d’œuvre nous revient comme à son premier jour, et grâce à la restauration numérique présentée aujourd’hui, il a retrouvé son aspect d’origine. C’est loin d’être négligeable tant l’utilisation des couleurs y est importante et étonnante. Tout comme l’est l’ensemble de cette œuvre en état de grâce, dont la modernité et l’audace continuent de surprendre. Sans conteste, c’est Le film à ne pas manquer ce mois-ci. JF

Le Passé

France – 2012 – 2h10 de Asghar Farhadi, avec Bérénice Béjo, Tahar Rahim…

Après quatre années de séparation, Ahmad revient à Paris, à la demande de Marie, son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Marie, qui a déjà eu deux enfants, avec lesquels Ahmad s’entend fort bien, partage son temps et sa maison avec Samir qui est marié, également père d’un jeune garçon… et s’entend particulièrement mal avec Lucie, la fille aînée de Marie. Au milieu

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de cela, Ahmad se trouve plus ou moins sommé de servir de médiateur entre les uns et les autres. Lors de son séjour parisien, ses rencontres avec Samir, Marie, les enfants de cette dernière, et deux ou trois autres personnes (dont un restaurateur iranien particulièrement attachant), vont nous amener à lever les voiles successifs de mensonges aux conséquences dramatiques. Le Passé prolonge l’œuvre de A. Farhadi et de ses très remarqués A propos d’Elly et Une séparation (un million d’entrées en France, un record pour un film iranien!): il s’agit pour lui de creuser les secrets et non-dits qui minent la vie quotidienne. Il a pour cela deux outils d’une très grande efficacité: un scénario implacable et une mise en scène qui ne lâche jamais ses acteurs (tous excellents), une mise en scène dont la grande fluidité n’empêche en rien le spectateur de se sentir, lui aussi, prisonnier de ce filet de mensonges. ER

People Mountain, People sea Chine – 2011 – 1h31, de Shangjun Cai, avec Jian Bin Chen, Tao Hong…

Dans le sud-ouest de la Chine, Province de Guizhou. Dans une carrière d’exploitation un homme est assassiné. Le meurtrier s’étant échappé, le frère de la victime, Lao Tie, décide de partir sur ses traces, motivé autant par la vengeance que par la perspective de toucher une récompense qui lui permettrait d’honorer une partie de ses dettes. Les pérégrinations de Lao Tie, homme pas forcément sympathique, nous amènent à traverser avec lui différentes contrées rurales et urbaines où le quotidien des habitants incarne un personnage à part

entière. L’âpreté du monde social décrit atteint son apogée avec l’univers doublement sombre de mineurs… Ce drame, inspiré d’un fait divers et primé du Lion d’argent au Festival de Venise 2011, ne laissera personne indifférent notamment en raison de sa force descriptive et de sa mise en scène (parfois elliptique). De quoi rejoindre Jacques Mandelbaum : «Sidérant! » (Le Monde). RS + COURT MÉTRAGE semaine du 19 au 25 juin Fleuve rouge, Song Hong de François Leroy - 2012 - 13’

S Shokuzai

, celles qui voulaient oublier

Japon – 2012 – 2h31, de Kiyoshi Kurosawa, avec Yu Aoi, Eiko Koike, Kuôko Koizumi…

Quinze années ont passé depuis qu’Emiri, la camarade de classe de Sae, Maki, Akiko et Yuka, a été retrouvée violée et assassinée. Choquées, elles avaient été incapables d’aider à l’identification du criminel. Depuis, Asako, la mère de la fillette, les culpabilise et leur rappelle sa demande d’expier leur faute, à leur manière. Mais contrairement à Sae et Maki, Akiko et Yuka, elles, veulent oublier. Y parviennentelles ? Kurosawa maintient avec un brio délicat le suspense dans ce deuxième et dernier volet du thriller adapté d’un roman de Kanae Minato. Chaque personnage y détient sa part obscure, y compris la mère, mystérieuse et intrigante, qui est à l’image de l’œuvre de ce cinéaste prestigieux : élégante, sobre et profondément troublante. RS

Shokuzai , celles qui voulaient se souvenir Japon – 2012 – 1h59, de Kiyoshi Kurosawa, avec Yu Aoi, Eiko Koike, Kuôko Koizumi…

Quatre écolières – Sae, Maki, Akiko et Yuka – sont témoins de l’enlèvement de leur camarade Emiri, qui sera retrouvée

violée et assassinée. Choquées, elles sont incapables d’aider à l’identification du criminel. Asako, la mère de la fillette, leur demande d’expier leur faute, à leur manière. Quinze années passent. Que deviennent Sae, Maki… et certaines poupées (françaises) volées? D’abord conçu en cinq épisodes pour la télévision, ce thriller criminel adapté d’un roman de Kanae Minato arrive au cinéma en deux volets. Avec un suspense haletant, le brillant réalisateur de Cure et de Tokyo Sonata nous emporte littéralement. Histoire où il est question de deuil, de perversité, de traumatisme… Pourtant, vous vous précipiterez afin de découvrir la suite avec Shokuzai, Celles qui voulaient oublier. Assurément! RS

Sous surveillance

USA – 2012 – 2h05, de Robert Redford, avec Robert Redford, Shia LaBoeuf, Susan Sarandon, Julie Christie…

Robert Redford revient et comme réalisateur et comme comédien, dans un genre qu’il affectionne particulièrementdes deux côtés de la caméra : le thriller politique. Cette fois, avec Sous surveillance, il ouvre le dossier de la guerre du Vietnam. En 1969, les membres du Weather Underground organisaient des attentats pour protester contre le conflit armé. Certains de ces activistes furent arrêtés et condamnés, tandis que d’autres réussirent à disparaître sans laisser de traces. Quarante ans plus tard, l’arrestation de Sharon Solarz éveille la curiosité d’un jeune journaliste ambitieux, Ben Schulberg. Utilisant ses relations au sein du FBI, et parvient à retrouver la piste de certains de ces anciens militants. Son enquête le conduit auprès de Jim Grant, un tranquille avocat septuagénaire.

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Ce dernier, tout en assumant ses choix et ses erreurs passés, choisit la fuite pour tenter de retrouver celle qui pourra attester de son innocence quant à la mort d’un policier lors du braquage d’une banque par les Weather Underground. Redford ne vieillit donc pas dans ses convictions et continue à assumer ce qu’il est moralement et physiquement et à ce titre, notamment, ce film, intelligent, est également émouvant et impressionnant. Sources: Ouest-France, Télérama

Filmographie succincte: Des gens comme les autres (1980), Quiz Show (1994), Lions et Agneaux (2007), La Conspiration (2011)

T

La Table aux chiens

France – 2010 – 40’, de Cédric Martinelli et Julien Touati.

Un réalisateur et un comédien et photographe nous emmènent à leur suite dans une école de danse kathakala, dans le Kerala (sud de l’Inde), à la découverte de l’enseignement de cet art hautement codifié. Entre théâtre et danse, l’enseignement impose aux élèves une totale rupture d’avec le monde extérieur et les amène à une étonnante maîtrise de leur corps et de leur visage. Rien de didactique ici, il s’agit plutôt de nous immerger dans le quotidien de ces élèves par le biais d’images d’une saisissante beauté. Sources: dossier de presse

FILM PRÉSENTÉ EN PARTENARIAT AVEC LE CCNT DANS LE CADRE DU FESTIVAL TOURS D’HORIZON. Vendredi 14 juin, rencontre avec Cédric Martinelli, l’un des réalisateurs, après la séance de16h00

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Cette version du film rétablit les coupes initiales, notamment sur la vision de R. Aldrich concernant l’état de la démocratie américaine. Avec ce remarquable thriller politique des années 1970, il dépeint une Maison-Blanche où des hommes de l’ombre cyniques sont prêts à tout pour masquer leur exercice corrompu du pouvoir.

The Bling Ring USA – 2012 – 1h30, de Sofia Coppola, avec Emma Watson, Israel Broussard, Leslie Mann, Taissa Farmiga…

Cinquième opus de Sofia Coppola après Virgin suicides (1996), Lost in translation (2002), Marie-Antoinette (2006) et Somewhere (2010), The Bling Ring s’inspire d’un authentique fait divers. Il suit les aventures, à Los Angeles, d’un gang de jeunes braqueurs californiens qui traquent les déplacements de stars holywoodiennes pour dévaliser leurs demeures. Paris Hilton, Lindsay Lohan, Orlando Bloom et Rachel Bilson en furent les victimes. Ils subtiliseront pour plus de trois millions de dollars d’objets de luxe : bijoux, vêtements, chaussures, etc. Les médias ont surnommé ce gang : le Bling Ring. Sofia Coppola revient avec une nouvelle histoire mêlant ses thèmes favoris : l’adolescence, l’ennui, la perte des illusions et le miroir aux alouettes de la célébrité. Elle est à nouveau à l’honneur dans la section Un certain regard au festival de Cannes 2013, son film en faisant l’ouverture.

Sources : dossier de presse, telerama.fr

Filmographie succincte :Vera Cruz (1955),Qu’est-il arrivé à Baby Jane? (1962),Les Douze salopards (1967).

V

Viramundo

France, Suisse – 2013 – 1h40, documentaire de Pierre-Yves Borgeaud, avec Gilberto Gil, Vusi Mahlasela, Peter Garrett.

Gilberto Gil, le maître de la musique brésilienne, n’a jamais cessé de militer pour un monde plus équilibré, dans lequel Noirs et Blancs auraient les mêmes chances, et

où les nouvelles technologies et les moyens de communication pourraient dessiner des territoires ouverts à tous. Après avoir connu la prison sous le gouvernement militaire et été pendant quatre ans ministre de la culture dans le gouvernement de Lula, il est reparti pour une tournée d’un nouveau genre à travers l’hémisphère sud. De Bahia, aux territoires aborigènes d’Australie, des townships d’Afrique du Sud au cœur de l’Amazonie brésilienne, il continue avec la même passion à promouvoir la diversité culturelle dans un monde globalisé. Au fil des rencontres et des concerts se dévoile sa vision d’un futur pluriel et interconnecté, riche d’espoirs, d’échanges… et bien sûr de musique ! Sources: dossier de presse

08 92 68 37 01 studiocine.com

Sources : dossier de presse.

L’Ultimatum des 3 mercenaires Allemagne/USA – 1977 – 2h24, de Robert Aldrich, avec Burt Lancaster, Richard Widmark, Charles Durning…

Lawrence Dell, un ancien général de l’US Air Force condamné pour meurtre, s’évade de prison avec deux comparses afin de s’infiltrer sur une base militaire dans le Montana. Il informe l’état-major de ses conditions et menace du lancement de fusées nucléaires : de l’argent, une extradition de lui et de ses hommes… et une révélation – très embarrassante – par le Président sur la réalité de l’engagement américain au Vietnam.

U lundi 10 juin -19h30 SOIRÉE DE CLÔTURE présentée par Louis d’Orazio

Fellini Roma

Italie/France – 1971 – 1h59, de Federoco Fellini

Fellini rend un hommage baroque à Rome qu’il imagine telle une femme mystérieuse, nourricière, mythique. Il casse la linéarité temporelle, évoquant tantôt les souvenirs

d’un petit provincial qui débarque, les impressions de l’enfant devenu adulte ou encore la Cité en 1971. Fellini passe sans effort, et parfois sans transition, de la nostalgie à la satire, de la truculence à l’insolite.

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FILM DU MOIS

Millefeuille

Tunisie – 2012 – 1h45, de Nouri Bouzid, avec Souhir Ben Amara, Nour Mziou, Bahram Aloui...

M

illefeuille est le nouveau film du cinéaste tunisien Nouri Bouzid. À soixante-huit ans, il poursuit une œuvre dans laquelle il se bat inlassablement contre les projets obscurantistes, et ce, depuis 1986, date de la sortie de son premier long métrage, L’Homme de cendres. Le titre original, Manmoutech signifie : « Je ne mourrai pas », et c’est aussi le titre d’un poème écrit par Nouri Bouzid lors d’un séjour en prison dans les années soixantedix. Il faisait alors partie du mouvement de gauche Perspectives, interdit sous Bourguiba. De plus, en se mettant en scène dans le rôle d’un vieil accordéoniste aveugle agressé (comme il le fut réellement, un intégriste lui ayant asséné un coup sur la tête), il montre son implication profonde dans cette histoire brûlante. Tunis, décembre 2010. Zaïneb est fiancée à Brahim, qui vit en France, et dont la mère veut qu’elle porte le hijab. Aïcha, son amie, travaille dans une pâtisserie et son patron voudrait, lui, qu’elle enlève le voile pour donner une image plus attirante. Les deux jeunes femmes vont devoir, au rythme de la révolution, affirmer leur soif d’émanci-

pation et imposer leurs propres volontés... Si les événements de la révolution tunisienne constituent l’arrière-plan de Millefeuille, le thème central du film c’est le port du voile. Ce sujet toujours épineux a été peu traité, rien que pour cela, Nouri Bouzid franchit une étape et livre une œuvre importante. Il s’empare de la question à travers les deux itinéraires de ses héroïnes, aux prises, chacune à leur façon avec les diktats de la domination masculine.

Millefeuille est frontal, direct dans son discours, il dit les choses clairement, sans faux semblants. C’est un vibrant plaidoyer contre le patriarcat, un portait sans concessions de son pays et une dénonciation de l’intégrisme. Mais le simplisme n’est pas de mise ici, Nouri Bouzid est trop fin pour traiter son sujet avec des stéréotypes. Le film est complexe, Zaïneb et Aïcha, ses héroïnes, évoluent, quitte à mettre à jour leurs contradictions. Avec son rythme soutenu et son intensité permanente, Millefeuille est un appel à la vie, à la résistance, à l’émancipation. JF

LES CARNETS DU STUDIO – n°313 juin 2013 – 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - CPPAP n°0214 G 84305

www.studiocine.com – 08 92 68 37 01


VF Suisse – 2013 – 1h28, documentaire de Markus Imhoof, avec la voix de Charles Berling.

Les abeilles disparaissent de façon inquiétante depuis quinze ans. Markus fait le tour du monde de l’élevage des abeilles. Il introduit sa caméra à l’intérieur des ruches, révélant les reines et les ouvrières au travail. Tout public à partir de 10 ans

Des images merveilleuses, un film passionnant et essentiel, un très beau message pour toutes les générations.

France – 2013 – 1h35, documentaire de Pascale Diez. Tout public à partir de 8 ans

Deux classes parisiennes que tout oppose se retrouvent autour d’un projet artistique commun de soundpainting. La mixité sociale est au cœur de ce documentaire attachant : les enfants aux différences sociales ou ethniques se découvrent, s’apprivoisent et font voler en éclats les préjugés. Divers pays – 2013 – 37 mn, programme de sept courts métrages d’animation de plusieurs réalisateurs.

À partir de 3 ans

sans paroles

Ce film aborde pour les plus petits le thème de la différence. Voilà une occasion idéale pour faire ses débuts dans une salle de cinéma…

Mercredi 12, après la séance, vos enfants pourront rejoindre l’atelier et dessiner leurs propres créatures ! 34

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Estonie – 2013 – 48 mn, courts métrages d’animation de divers réalisateurs… sans paroles

À partir de 3 ans

Miriam est une petite fille comme beaucoup d’autres, mais sa meilleure amie est… une poule gaffeuse !

Une belle façon pour les plus petits de découvrir le cinéma d’animation réalisé avec des marionnettes.

2D 3D

USA – 2013 – 1h42, film d’animation de Chris Wedge.

Tout public à partir de 8 ans

Mary-Kate, réduite à la taille d’une fourmi, va tenter de sauver le monde secret de la forêt. Epic est adapté d’un roman de William Joyce.

VF

USA – 1971 – 1h18, film d’animation de Wolfgang Reitherman.

VF

Tout public à partir de 5 ans

Duchesse et ses trois chatons vivent heureux auprès de Madame de Bonnefamille qui a décidé de leur léguer sa fortune. Mais son cupide majordome Edgar, qui serait l’héritier de tous les biens à la mort des chats, décide de se débarrasser de toute la famille féline…

Mercredi 26, après la projection, les enfants seront invités à nous rejoindre pour un goûter sur la terrasse. Nous fêterons avec eux le cinéma bien sûr, l’été, les vacances, la fin de nos ateliers de la saison… en attendant le mois de septembre pour les retrouver tous !

FESTIVAL COURTS D’ÉCOLES* De jeunes réalisateurs, de la maternelle jusqu’à la terminale, ont présenté leurs courts métrages aux autres classes du 23 au 31 mai. Pour le plaisir de les encourager, venez nombreux à la projection gratuite du mardi 11 à 18h. * en partenariat avec l’Inspection académique d’Indre-et-Loire.

Le Roi et l’oiseau de Paul Grimault (version restaurée) Jour de fête de Jacques Tati (version restaurée) Moi, moche et méchant 2 de Chris Renaud et Pierre Coffin Monstres academy de Dan Scanlon Les CARNETS du STUDIO

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En bref…

Ici. . ` LE BON OR EST DANS LE PRÊT Mais oui, on le sait: «l’argent ne fait pas le bonheur», mais que celui qui n’a jamais imaginé ce qu’il ferait s’il touchait le pactole jette la premièrepierre ! Dans La Liste de mes envies de Didier Le Pêcheur (Des nouvelles du bon Dieu) en tous les cas, Jocelyne, mercière (NB: métier en voie de disparition) de son état et récente gagnante du gros lot au Loto, a l’intention de bien en profiter. C’est Mathilde Seigner qui incarnera cette nouvelle enrichie, forcément très courtisée. Marc Lavoine, Patrick Chesnais, Frédérique Bel, Julien Boisselier et Michel Vuillermoz l’aideront, sans aucun doute, à gérer? dépenser? cette manne financière. ` L’HOMME DE FLAIR Cyril Mennegun a indéniablement du flair: en 2005, il a repéré Tahar Rahim/ Un prophète, alors étudiant pour un docu-fiction qui s’inspirait en grande partie de la vie du jeune homme. En 2010, pour son premier long métrage de fiction, il choisit, pour être sa Louise Wimmer, Corinne Masiero, une comédienne atypique, qui explosera littéralement, par sa prestation bluffante, aux yeux de tous et même à ceux des professionnels du cinéma qui l’avaient jusque là ignorée. Louise Wimmer se verra couronné des lauriers du César pour la Meilleure première oeuvre, alors que son réalisateur travaille à son adaptation pour le théâtre avec, toujours, Corinne Masiero dans le rôle titre, et travaille aussi sur le scénario de La Rencontre: une histoire d’obsession amoureuse entre Céline Sallette et Alexandre Guansé. Si on se fie aux exemples précédents, ce dernier ne devrait pas tarder à se faire une certaine réputation. ` DEUX SŒURS POUR UN BENOÎT Il y aura bien des sœurs dans le prochain film de Benoît Jacquot, Trois cœurs, mais uniquement deux, dont l’une sera interprétée par Léa Seydoux, la lectrice de MarieAntoinette dans le précédent film du réalisateur, et l’autre par Charlotte Gainsbourg, nouvelle venue dans son univers. Quant au troisième cœur, il battra dans la poitrine de Benoît Poelvoorde, qui, vraisemblablement, ne saura à quel «sein» se vouer. Dans le rôle de la mère des deux jeunes femmes, le réalisateur retrouvera son interprète de Princesse Marie, l’impériale Catherine Deneuve.

et ailleurs. . . ` VIVRE VITE et MOURIR JEUNE… Après le récent La Religieuse, Sylvie Pialat va de nouveau produire un film de Guillaume Nicloux. Le réalisateur travaille, cette

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fois, sur l’adaptation de l’ouvrage, Le Pirate du delta, d’Erwan Bergot, auteur qui connaissait pratiquement son sujet, puisqu’il avait été officier parachutiste pendant la guerre d’Indochine. Les Confins du monde, titre choisi pour le film, concernera une période particulièrement méconnue du conflit, entre 1945 et 1947, et la trajectoire fulgurante de Roger Vandenberghe, considéré comme le meilleur soldat de France par le Général de Lattre de Tassigny, et prendra la tête d’un commando de partisans vietnamiens pour mener une guérilla contre Le Viêt Minh au Tonkin. Guillaume Nicloux a choisi Guillaume Gouix (Jimmy Rivière) pour interpréter ce jeune homme assassiné par un de ses hommes à l’âge de 24 ans. ` LES MALHEURS D’ALFRED La manne hitchcockienne ne semble pas prête de se tarir! En effet, après un biopic qui ne laissera pas un grand souvenir, on annonce les remakes de (Attention: prenez votre souffle!): Les Oiseaux avec George Clooney, le Cary Grant des temps modernes, Rebecca par Nikolaj Arcel (Royal Affair), une Main au collet avec plein de gadgets dixit Josh Stolberg le futur réalisateur, sans oublier Soupçons avec Will Smith! Pas sûr que cet engouement soit réjouissant. ` DES NOCES FUNÈBRES Aussi étonnant que cela soit, Tim Burton ne parvient pas à trouver le duo de comédiens prêt à incarner le couple Keane, peintres renommés des années 50, dont la marque de fabrique était les yeux disproportionnés dont ils affublaient les enfants qu’ils représentaient. Si on comprend bien ce qui a pu interpeller le réalisateur dans ce sujet, on comprend moins sa difficulté à boucler le casting. Aux dernières nouvelles, Christoph Waltz (Inglourious Basterds) et Amy Adams (The Master) seraient partants pour le meilleur et pour le pire: l’engouement rencontré par leur œuvre commune et conséquemment, l’échec de leur vie intime. ` MISE EN ABYME À quoi correspond le titre Sils Maria, choisi par Olivier Assayas pour son prochain film, et qui résonne comme le nom d’un groupe pop-rock-catho? Et bien, c’est le nom d’un village suisse, où se déroulera, en partie, l’histoire. Le réalisateur de Carlos s’intéressera aux tourments d’une actrice, confrontée à la pièce qui l’a révélée vingt ans auparavant. Désormais, son rôle est celui d’Helena, femme mûre qui se suicide par fascination pour une jeune femme, Sigrid, rôle qui était donc le sien à ses débuts. Seulement, pour Maria Enders fiction et réalité semblent devoir se confondre. C’est la toujours passionnante Juliette Binoche qui donnera corps à ce complexe personnage et Chloë Moretz (Kick-Ass) qui interprétera la jeune comédienne.. IG

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à propos de

La nouvelle primée

Pieta

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uel étrange réalisateur, Kim Ki Duk, personnalité complexe et fascinante, qui nous donne à voir tourments intérieurs et questionnement spirituel, au fil de ses œuvres. Une enfance dans un milieu modeste en Corée du Sud, quelques années aux Beaux-arts à Paris, le choix d’être réalisateur plutôt que peintre, très rapidement des films récompensés, voilà déjà un parcours étonnant et dont se ressentent ses productions. D’emblée, cela donne deux pistes: d’une part, une connaissance intime des pauvres gens, artisans, ouvriers, condamnés à une survie de chaque instant dans un pays en rapide mutation, d’autre part, un sens esthétique qui sublime la moindre scène, la serre au plus près, la cerne d’ombres et de lumières, comme un tableau de Vermeer. C’est peut-être cela la force de Kim Ki Duk, ce contraste entre une vérité crue et sa re-présentation: aucune scène n’est obscène lorsqu’elle est ainsi transfigurée par la beauté. Et l’on en vient au cœur du sujet de Piéta, car rarement un film a transgressé ainsi tous les tabous, surtout ceux de l’occident chrétien. Le film débute sur une longue scène d’onanisme à laquelle s’adonne, sous les draps, Kang-Do, homme sans foi ni loi, qui se livre

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quotidiennement à la mutilation, ou à son incitation, envers de pauvres hères. Cela permet à son commanditaire de récupérer l’argent qu’ils doivent, via leurs assurances. Puis, surgie de nulle part, une femme, qui prétend être sa mère et l’avoir abandonné à la naissance. Prête à tout pour expier sa faute, elle se laisse frapper et cela va jusqu’au viol, en réalité, un inceste. Cette séquence est insoutenable en ce qu’elle touche très clairement au mythe de la vierge Marie et de sa virginité. Et là, l’histoire s’inverse, cette mère retrouvée touche enfin le cœur de ce monstre, ce barbare: il découvre l’amour, tandis qu’elle, parvenue à ses limites, bascule dans la haine et «tricote», sans métaphore, sa vengeance ultime. On l’aura compris, ce film est extrêmement dérangeant, car sans concessions et en même temps sans voyeurisme, posant une question fondamentale, celle de l’évolution de l’homme, quand il n’a pas été élevé par sa mère. Le problème de l’abandon avait déjà été ébauché dans un précédent et magnifique opus, Printemps, Eté, Automne, Hiver… et Printemps, où un enfant posé sur la rive gelée d’un monastère est recueilli et élevé par un moine Bouddhiste. Dans cette œuvre, d’une grande sérénité et d’une grande beauté formelle, la tentation pour le héros de basculer dans la barbarie est rapidement jugulée et, devenu adulte, il reprend le chemin de la spiritualité et de valeurs en harmonie avec le monastère. Dans Piéta, il n’en est rien, seule la mort trace en marques sanglantes sur une route, la voie de la rédemption. Faut-il alors, pour advenir au monde, opter pour l’une des approches spirituelles: bouddhiste ou chrétienne, ou choisir entre deux conceptions du monde: mystique ou matérialiste, ou encore parmi deux modes de vie: campagnard ou urbain, trop tard dorénavant, semble dire Kim Ki Duk… CP

Anaïs Cros recevant le prix des mains de Jean-Marie Laclavetine © Léa Couty

Lors des festivités des 50 ans de mars dernier, 58 écrivains ont participé au concours de nouvelles intitulé Fenêtres sur Courts dont la principale contrainte était de créer une nouvelle comportant une scène aux Studio. Le jury, présidé par Jean-Marie Laclavetine, a décerné le Prix des moins de 17 ans à Anaïs Cros dont voici le texte. Un recueil regroupant les 13 nouvelles sélectionnées pour le deuxième tour est empruntable à la bibliothèque et téléchargeable sur le site des Studio.

C

’était un dimanche pluvieux du mois de novembre. Une jeune femme venait de sortir de son immeuble, un parapluie à la main. C’était un vieux parapluie, prune ou plutôt aubergine, aux baleines d’ivoire et au manche de bois orné à son extrémité d’une tête d’oiseau en argent. Elle le détestait ce parapluie, il lui rappelait de mauvais souvenirs, des promenades silencieuses et austères, des chaussures mouillées, des pulls inconfortables. Pourtant c’est lui qu’elle avait choisi ce jour-là, pour se rendre dans l’endroit où elle se réfugiait quand les dimanches se faisaient trop humides.

Il continuait de tomber des cordes, quoiqu’à ce niveau de puissance on pouvait

tout aussi bien dire des hallebardes ou même des missiles thermo-nucléaires. Les gouttes, comme autant de carreaux d’arbalète dégoulinants, manquaient de percer la toile dont le coloris douteux se délavait à vue d’oeil. Voilà, ses pieds étaient trempés. Ils évitaient les flaques sans grandes conviction à présent. C’était comme s’ils se disaient que ça ne valait plus la peine, l’eau ayant déjà atteint les chaussettes. Enfin les pieds foulèrent le sol bleu tant espéré, un linoléum des plus banal pourtant, et en ce jour de pluie quelque peu détrempé. Elle leva les yeux vers le plafond peint, jeta un regard vers les affiches aux murs. Elle était arrivée, elle était en terre connue. Qu’allait-elle voir ? Elle ne le savait pas et n’en avait que faire.

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La nouvelle primée

La nouvelle primée

Quel film allait-elle choisir? N’importe lequel. Peut-être celui-ci, l’affiche était attirante… Sûrement pas celui-là, cette actrice lui donnait de l’urticaire… Et pourquoi pas ce film d’aventure ? Va pour l’aventure ! Elle acheta un billet, non sans prendre le temps de regarder attentivement l’affiche de Fenêtre sur cour imprimée au dos. Elle ne l’avait pas encore celle-là. Ses pieds toujours mouillés, elle s’avança vers la salle 2, celle qu’elle préférait, elle lui faisait penser à un minuscule sous-marin, à une machine de Jules Verne. Il n’y avait personne. La séance débutait dix minutes plus tard. Elle se blottit avec délice dans un des fauteuils rouges et doux et ferma les yeux, pour ne les ouvrir que lorsqu’une voix s’adressa à elle. Elle se redressa pour trouver devant elle un homme. Ce qui la frappa le plus c’était sa consistance. Il avait l’air extraordinairement diaphane, étrangement impalpable. Sa peau pâle, ses cheveux blond clair, ses yeux bleus fatigués. Même ses vêtements paraissaient clairs et presque lumineux par rapport à l’obscurité chaude de la salle. Il la fixa un moment, puis s’assit au bout de la rangée, près du mur, sans lui accorder un regard. Une toux sèche, un babillage d’enfant et la musique retentit. Ses yeux s’accrochèrent à l’écran pour ne plus le quitter. Les séances de cinéma étaient pour elle l’occasion de réflexions et de questionnements profonds sur le sens de la vie. Grâce

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au cinéma elle pouvait faire le point sur les pensées des hommes en quelques heures et sans bouger de son siège moelleux. On dit que l’art est un reflet de ce que l’humanité est ou pense être, mais plus la jeune femme y songeait, plus elle se disait que c’était le cinéma qui correspondait le mieux à cette définition. Il rassemble à lui seul toutes les formes d’art, visuelle, sonore, même l’écriture a sa place dans un film. On sent parfaitement les mots lorsqu’on va au cinéma car un bon réalisateur doit savoir les manier. C’est là, pensait-elle, la différence la plus flagrante entre le théâtre et le cinéma. Au théâtre les mots ont besoin d’être dits pour exister alors que dans les salles obscures, ils peuvent exister sans être dits, être chuchotés, murmurés, criés par des personnages inconscients qu’on les regarde et qui sont d’autant mieux compris par les spectateurs. C’est ce qu’il y a de magique dans le cinéma et cette magie, elle la ressentait à chaque fois qu’elle venait, renforcée qu’elle était par les salles sombres et secrètes aux allures de bathyscaphes.

tion que le temps s’était arrêté était délicieuse! La vie reprenait calmement son cours, comme se réveillant d’un long sommeil. Elle prit une inspiration et commença à marcher joyeusement, la pluie ayant laissé place à un soleil timide et mouillé mais extraordinairement doux. Elle tournait au coin de la rue, se délectant du parfum dont une glycine trempée embaumait les trottoirs, quand elle se rendit compte qu’on la suivait. Une ombre claire marchait à quelques mètres d’elle, et au même rythme. Elle essaya d’accélérer, de prendre un chemin détourné en coupant par le parc, rien n’y faisait, l’ombre la suivait toujours. Se retournant, elle aperçut avec terreur un objet long et pointu dans la main de son poursuiveur. Un mélange noir et blanc de scènes des films d’Hitchcock lui envahit l’esprit et, sans plus réfléchir, elle se mit à courir. L’ombre la suivit en courant également et brandissant devant elle l’objet. Le bruit de ses pas s’imprimait dans la tête de la jeune femme, calquant leur rythme sur celui des battements affolés de son cœur.

Le film était fini. Elle réfléchissait, comme à chaque fois, à l’identification au héros. Comment expliquer qu’après ce film d’aventure elle ait une furieuse et dévorante envie de chasser le crocodile ? Elle sortit en y songeant, par la petite porte qui menait directement de la salle à la rue. Le soleil rasant de cette journée d’automne l’éblouit, l’obligeant à garder les yeux fermés quelques minutes. Que cette sensa-

À bout de souffle elle atteignit enfin la porte de son immeuble, secoua la poignée, essaya de taper le code de ses doigts tremblants. Elle ne s’en souvenait plus. Le code s’était évaporé de sa mémoire. Elle avait beau chercher, se remémorer les moyens mnémotechniques qu’elle avait inventés pour s’en souvenir, Bouvines et Borodino ou Cher, Aveyron, Aveyron, Calvados, rien n’y faisait, elle ne

se le rappelait pas. Bouvines, mince, elle devrait s’en souvenir et Borodino, elle avait lu Guerre et Paix pourtant. Et le Cher, ses parents habitaient dans le Cher ! Sa tête se faisait lourde, tandis que les chiffres dansaient derrière ses paupières à demi fermées. Un voile tomba sur ses yeux. Elle vit comme à travers un brouillard l’ombre s’approcher, cette ombre diaphane et ces yeux bleus fatigués, elle la vit brandir l’objet et retint son souffle, attendant elle ne savait quoi. Le sang lui battait les tempes, ses paupières tombaient d’elles-mêmes. L’ombre était à sa hauteur, un éclat argenté au-dessus de sa tête. L’homme était à quelques centimètres d’elle, elle sentait maintenant son parfum, un mélange de cuir et de vieux papier, comme un livre oublié, mêlé à une légère senteur de feuilles de thé. Elle ne voulait pas être tuée par quelqu’un qui sentait aussi bon. Elle ferma les yeux totalement, cela ferait peutêtre moins mal. Elle attendait maintenant le dernier coup, l’ultime éclair d’argent qui lui déchirerait la poitrine. Une main se posa sur son épaule et son agresseur se mit à la secouer. Qu’est- ce qu’il voulait ? Elle n’en pouvait plus de cette attente interminable, il fallait que cela se termine. Elle ne respirait plus, attendant encore, les oreilles bourdonnantes. L’homme la lâcha, il allait frapper : – « Mademoiselle, mademoiselle ! Votre parapluie, vous l’avez oublié au cinéma ! » Anaïs Cros

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Courts lettrages Les Amants passagers

de Pedro Almodovar

Amour et mort, musique et danse, les ingrédients de base des 44 films d’Almodovar, cette fois dans un registre comique. On réchappe de ce huis clos dans un avion qui bat de l’aile, après de violents règlements de comptes entre partenaires homo ou hétéro sexuels, aussi secoués que la téquila omniprésente. Ambiance hystérique dans la classe affaire, magistralement interprétée par des acteurs à fort tempérament, mais… le film ne tient pas la distance et l’humour s’essouffle par moments. CP

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gers sont sacrement culottés et, aujourd’hui, peu de films parlent aussi frontalement et aussi simplement de sexe. Une rupture pour mieux prendre de l’élan pour les œuvres à venir? C’est tout ce que l’on souhaite. JF

Que sont Les Amants passagers ? Un film sorti de derrière les fagots, fidèle à Almodovar Ier, au style affiché à la fois ringard, kitsch, caricatural, burlesque, irrévérencieux… Bien que déboussolée par tant de théâtralité frisant la vulgarité, j’ai quand même ri ! MS

Il y a des avions qu’on se réjouit de ne pas avoir pris et d’autres que l’on regrette d’avoir manqués… En temps de crise, Almodovar semble suggérer l’incartade avec L’Embarquement pour Cythère sur les traces de l’ardente Aphrodite (Cythérée) et de ses amis… Le sexe n’y est ni fort, ni faible, il permet juste quelques pas de deux entre trous d’air et ronds d’ailes au-dessus de l’océan avant de revenir sur une Terre guère plus stable. Mais l’effet s’émousse pour finalement se diluer dans le tropde répétitions ! Juste une parenthèse donc. RS

Après avoir enchaîné les films magnifiques, Pedro Almodovar rompt le cycle et s’octroie une pause légère, régressive et très amusante. De plus, ces Amants passa-

Pour son retour à la comédie, Almodovar nous convie au théâtre. Dans l’espace réduit d’un avion éclopé, les sketchs menés tambours battant par un équipage

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en délire pour des passagers déjantés se succèdent à un rythme trépidant. Sur fond de sexe et de mort, c’est excessif, sans tabou, provocant et trash à souhait. Et au milieu de cette franche rigolade, un moment de grâce et d’émotion pure, quand un téléphone en correspondance avec le ciel tombe dans le panier du vélo de la belle Blanca Suarez… SB Enfin, Almodovar renoue avec les comédies libertaires du début de sa carrière, loin des scénarios alambiqués de ses dix dernières années, provoquant des céphalées à la vision de chacun de ses films. EC Mauvais goût ? Oui, bien sûr ! Facile ? Oui, tout autant ! Mais qu'est-ce que ça fait du bien de voir un bon réalisateur se lâcher complètement dans une pochade point trop ambitieuse. Et, quoi qu'en disent les grincheux, le travail de mise en scène est tout aussi abouti que dans les films « sérieux » de M. Almodovar. (D'ailleurs, avec un film comme ça, on a plus envie de l'appeler « Pedro » que « M. Almodovar… » ER

Après ces débuts baroques et loufoques, Pedro Almodovar nous avait presque habitués à nous étreindre le cœur dans des mélodrames bouleversants avant de nous surprendre avec le terrible et implacable La piel que habito. Le pensionsnous vraiment être encore capable de nous faire rire? À bord des Amants passagers, il y parvient tout à fait dans un film faussement foutraque et complètement déjanté où l’on s’envoie en l’air à coup de tequila, de blagues sous la ceinture et de danses plus ou moins lascives alors que la tour de contrôle a complètement perdu le nord! DP Almodovar est grand, on ne le dira jamais assez. Il le prouve encore dans cette pochade qui a peu de chance de figurer sur le podium des chefs-d’œuvre du mæstro: son trio de stewards, à la fois chœur antique, et « folles-band » so excited (comme il le chante et danse avec fougue), en est la preuve manifeste! IG

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Rencontre Jérôme Bonnell

Jérôme Bonnell aux Studio © Nicole Joulin

Le Temps de l’aventure raconte « une journée, un train, deux inconnus. Des échanges de regard, le cœur qui bat. Le regarder partir, le perdre à tout jamais ou s’offrir le temps de l’aventure ? Et si la vie d’Alix (Emmanuelle Devos) basculait… » Le film a été très applaudi ainsi que son jeune réalisateur qui, ravi, venait aux Studio 12 avril pour la troisième fois, après La Dame de trèfle en 2008 et J’attends quelqu’un en 2007.

L’idée qui a amené à ce film riche et complexe… Ce film est né d’une obsession : la naissance d’un désir... dans un train... une rencontre accompagnée d’obstacles naturels... Le cœur survient ensuite... A partir de cette envie est née une histoire d’amour. J’étais dans la surprise comme les personnages. Dans le scénario, les choses étaient très écrites à cause du dispositif de la journée unique. Par contre, les acteurs pouvaient s’emparer du texte. J’attends les surprises. Ça me plaît ! J’avais eu beaucoup de plaisir à travailler avec Emmanuelle Devos dans J’attends quelqu’un. Donc, je voulais l’avoir, de manière ludique. J’adore le mystère qu’elle dégage, son côté romanesque, son côté espiègle. Pour moi, il n’y avait pas de meilleure actrice pour jouer une actrice. Emmanuelle a un côté clown dans la vie. Elle est très rieuse. Ça a été un mouvement naturel d’écrire un film pour elle. Quant à Gabriel Byrne, je l’avais vu, ren-

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contré en vrai, dans un festival. C’est important pour moi. C’est un homme chargé d’un mystère. Il s’est décidé sur la lecture du scénario et tout était très simple. Alors qu’Emmanuelle invente, s’abandonne, Gabriel est plus précis, plus économe, dans ses marques. On le voit bien au montage. Parler la langue anglaise permettait un jeu, comme de porter un masque, pour oser se dire certaines choses de manière moins affectée que le français. Pour Emmanuelle par exemple, c’était lui permettre d’être plus elle même, de surmonter sa pudeur... Le choix de l’anglais pouvait laisser supposer aussi qu’ils avaient peu de chance de se revoir. La musique avait plusieurs dimensions : une certaine mélancolie, comme Vivaldi qui m’a accompagné durant l’écriture... puis Verdi, qui se rapproche du sacré, donc d’une certaine sensualité. La musique appuyait, faisait corps avec les personnages.

Pour revenir au film, aux deux protagonistes, le personnage d’Emmanuelle est dans une période de sa vie pas folichonne. Elle n’est pas gaie et pourtant elle rayonne. Elle est d’une grande vitalité même dans le fond de ses problèmes. La scène du casting (Emmanuelle joue la fille qui se retrouve sur son palier, enfermée dehors, sans clé, en petite tenue, sous les yeux de son voisin qui lui prête son téléphone afin qu’elle joigne son petit ami qui ne veut pas l’aider...) s’intègre bien, est une entrée en matière. Elle a été faite en une seule prise, avec beaucoup de trac. Plus l’effort est grand, plus Emmanuelle se trouve elle même. C’est un peu le préambule du film. C’est un peu l’écho de ce qui arrive par la suite. Elle se retrouvera sans argent, sans téléphone. Ce sont les obstacles posés sur sa route : qu’est ce qui se passe quand on ôte le téléphone mobile, la carte bancaire ? Ça offre une part de liberté ! Quand on se pose l’idée du hasard, celui de la rencontre, des obstacles... il n’y a pas vraiment de hasard. Chacun a ses tourments. L’amour leur tombe dessus. Ça aurait pu ne pas arriver. Je ne voulais pas d’un film psychologique. Je ne voulais pas que ça passe par la tête, mais par le corps, le cœur. Il y a aussi des moments drôles avec un prof de philo raseur qui parle de la crise alors que ça n’a rien de comique, des groupes de musique dans la rue, une scène entre deux sœurs qui prouvent une fois de plus qu’entre sœur on ne se remet jamais de ne pas être pareil ! Le tournage a duré sept semaines. Le film

a été tourné en partie le 21 juin, jour de la fête de la musique. On le découvre à la sortie de la chambre d’hôtel quand la mélancolie s’est installée. La musique était un contrepoint intéressant par rapport à leur intimité. Nous avons tourné dans la vraie foule, sans figurants, avec une certaine exaltation, de la rapidité. Il en a été de même dans le métro. C’était un peu éprouvant. Il y avait aussi une véritable harmonie au tournage qu’il a fallu retrouver au montage. C’était un travail très minutieux. Jérôme Bonnell a parlé de son film avec bonheur, des acteurs avec beaucoup de cœur, comme si, le temps du film, ils lui avaient permis de se mettre à leur place, de vivre ce qu’ils vivaient. MS

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Interférences No Stories We Tell Annah Arendt

fait croire, mais sont joués par des acteurs. Dans les deux cas, ce que l’on prenait pour une image ancienne n’est est pas une et ce que l’on prenait pour une réalité n’en est pas une non plus. L’effet, dans un cas comme dans l’autre, est très perturbant, la prouesse technique épate, mais comme elle est réussie, elle s’efface, devient invisible.

N

o, Stories We Tell, Hannah Arendt, ces trois films se proposent de mêler passé et présent. Pablo Larrain, dans No, intègre des images d’actualités des années 80 (sans que cela se voie) dans une fiction se déroulant en 1988. Sarah Polley dans Stories We Tell, crée des images des années 70 et 80 (que l’on croit authentiquement anciennes) pour les insérer dans un vrai/faux documentaire. Ces deux défis ont été résolus grâce à une technique bluffante: en utilisant du matériel d’enregistrement d’époque, en recréant la patine du temps, le grain des images passées. Mais la technique, aussi brillante soit-elle, ne suffit pas à la réussite d’un film. Il faut le regard d’un cinéaste derrière l’œuvre, une ambition, un désir. Il faut de l’humain dans la machine. No et Stories We Tell provoquent tous les deux le même trouble. Face à eux, nous sommes déstabilisés. On ne sait plus ce que l’on voit vraiment. On ne peut faire la différence entre, pour No, ce que l’on imagine être la réalité (les images documentaires, les images du passé) et les images de fiction (celles réalisées aujourd’hui); ou, pour Stories We Tell, entre ce qui est censé être deux réalités (le passé et le présent).

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Dans les deux cas, on perd ses repères, on réalise, peu à peu, que nous ne pouvons être sûrs de rien. Deux scènes (une dans chaque film) sont assez révélatrices de cette perte. Dans No, c’est lors d’une scène de foule, une manifestation de 1988, que l’on regarde, on en est certains, comme une image d’archive, un témoignage du passé. Jusqu’à ce que la caméra pivote et nous montre, dans le même plan, le personnage principal joué par Gael Garcia Bernal (qui, lui, n’avait que dix ans en 1988) : ce que l’on vient de prendre pour une image d’archive n’en est pas une. Dans Stories We Tell, c’est une séquence dans laquelle Sarah Polley, qui doit alors avoir entre dix et quinze ans, parle et rit avec ses frères et sœurs. Ces derniers, que l’on a vus précédemment dans des séquences d’interviews, on les reconnaît tout de suite et on est amusés de les voir avec une bonne vingtaine d’années en moins. Jusqu’à ce que, là aussi, la caméra pivote pour nous montrer, toujours dans le même plan, Sarah Polley aujourd’hui (qui a pris un très rapide coup de vieux) au milieu de sa famille de fiction. On réalise alors que tous les protagonistes du film, quand on les voit jeunes, n’ont pas été filmés par le père, comme on nous l’a

Ce que n’a pas réussi Margarethe Von Trotta dans Hannah Arendt. Elle opte pour une très académique reconstitution du procès d’Adolf Eichmann où tous les participants sont joués par des acteurs. Ici pas de doute, on fait très facilement la différence entre réalité et fiction, car quand Adolf Eichmann intervient, ce sont les images d’archive, les images de l’époque que l’on voit. Et pourtant, même si on sait que la réalité est là, que ce sont ces images qui sont «vraies», ça ne fonctionne pas. On a le sentiment d’être dans quelque chose de bancal mais pas du tout déstabilisant. Du coup, dans ce déséquilibre gênant, les images reconstituées paraissent terriblement factices. Sur ce passionnant sujet, Margarethe Von Trotta a fait

un choix frileux, son film y perd de la force et de la crédibilité. No et Stories We Tell, bien plus que Hannah Arendt, nous rappellent que les images ne se divisent pas seulement (pour aller vite) entre réel (vérité) et imaginaire (mensonge), entre documentaire et fiction. Ils bousculent nos perceptions, ils nous demandent de lâcher nos certitudes, d’accepter que ce que l’on voit puisse être un leurre. Ces deux œuvres nous remettent aussi en mémoire que, assis dans un fauteuil, deux possibilités s’offrent à nous. Soit on reste passif et on gobe ce qui est projeté, soit on est actif et on se questionne sur ce que l’on voit. Si la première proposition n’est pas forcément désagréable (qui ne s’est jamais «avachi» devant un navet en y prenant quand même du plaisir ?), la seconde est bien plus satisfaisante, bien plus stimulante. Et puis, de toute façon, être vigilant face à ce que l’on regarde, c’est bien la mission du spectateur, non? JF

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Humeur No

À propos de The Grandmaster

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e Chilien Pablo Larrain est un cinéaste dérangeant. Bien qu’il filme l’histoire récente de son pays (la dictature de Pinochet), il le fait sur un mode narratif inhabituel: d’un cinéaste chilien, on attend une dénonciation frontale des horreurs de la dictature et celle-ci a donné d’ailleurs d’excellents films, que ce soient des documentaires (comme ceux de Patricio Guzman Salvator Allende et Nostalgie de la lumière ou Carmen Castillo Rue Santa Fe) ou des fictions (Mon ami Machuca d’Andres Wood)… alors que, dans la trilogie de Larrain, la grande histoire est à la marge, excentrée. Tony Manero raconte l’histoire d’un fan de La Fièvre du Samedi soir qui vit sa passion pour le disco alors que la dictature règne. Santiago 73 post mortem celle d’un humble fonctionnaire de l’institut médicolégal de Santiago dont le boulot consiste à retranscrire les rapports d’autopsie. Les cadavres de la répression s’accumulent autour de lui jusqu’à celui du président de la république S. Allende. No, son dernier film, est peut-être encore plus déboussolant car il raconte une page d’histoire ignorée de l’immense majorité des spectateurs (même ceux qui s’intéressent à l’Amérique du sud): Pinochet a été renversé en 1988 lors d’un référendum. Les supporters du Non (au dictateur) ont gagné non parce que l’immense majorité des Chiliens en avaient assez de la répression, de la torture, des disparitions, de l’absence de démocratie… mais grâce à une habile campagne publicitaire menée par un jeune loup du marketing René Saavedra (joué par Gabriel Garcia Bernal). Est-il vraiment contre le régime? Sans doute. Mais ce n’est absolument pas un militant! Et c’est parce qu’il n’est pas l’un d’entre eux qu’il parvient à faire gagner le Non, en utilisant des slogans dévas-

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tateurs (pour le pouvoir) de la joie de vivre, avec hymnes souriants, clips frais et joyeux, absence totale de réflexion politique. No, dans un sens, est un film qui fait du bien (on danse parce que Pinochet est battu) mais qui fait également mal: quels compromis faut-il accepter pour porter ses idées au pouvoir? Sans compromis, pas d’exercice du pouvoir. Sans pouvoir, aucune chance d’appliquer ses idées. Mais les compromis modifient les idées, les dénaturent et quand on arrive au pouvoir, il ne reste plus rien des idées qu’on pensait y défendre. C’est ce que racontait avec beaucoup de force le film de Georges Clooney Les Marches du pouvoir, à travers l’opposition entre Clooney lui-même, fidèle et politiquement battu et son jeune poulain, Ryan Gosling, qui finit par gagner… en acceptant les règles de ce jeu de dupes. Avec son pessimisme coutumier, CdP concluait le mois dernier ici même: «Les hommes politiques ont partout déserté le champ politique. ». Partout? En Amérique du sud en tout cas (puisque nous sommes partis du Chili), des hommes politiques ont osé réinvestir le champ politique avec un bel enthousiasme. Ils ont pour noms Lula, Kirchner, Correa, Morales, Chavez… La mort de ce dernier a été accompagnée en Occident d’un véritable lynchage médiatique (Le New York Times titrait : Le petit caïd vénézuélien Chavez est mort) alors que tout le continent latin pleurait sa disparition*. Le prix à payer, sans doute, médiatiquement, pour avoir osé d’autres politiques… DP

* Pour les médias un homme à abattre, Le Monde diplomatique avril 2013 - L’Amérique latine dit Adieu à Hugo Chavez, Americas, Blog du Monde diplomatique.

ong Kar-wai est un immense artiste. Maître de l’image, maître du temps, maître du mouvement. Maître de son cinéma. Grand maître. The Grandmaster en est la preuve. Voir ce début somptueux, sous la pluie torrentielle. Cette grille qui nous barre l’espace et nous livre sans défense à la caméra. L’art des cadrages, de la couleur, bleutée, grise, feutrée, obsédante. Tableaux de maître, qui se multiplient à l’infini, et ces figures de kung-fu comme de multiples variations du mouvement. Griserie, sans saturation. Car Monsieur Ip Man garde imperturbablement son sang-froid. Presque glacial, mais avec un tel appétit de mouvement, de coups redoublés, réinventés à chaque instant. Le temps sans cesse menaçant, le temps décomposé, fractionné puis recomposé par chaque figure nouvelle, par chaque coup donné. Le cinéma devenu un art total. Les images, picturales, immenses, malgré les plans serrés. Visages, corps à la fois offerts et distants. Si loin, si près. Et le temps, le rythme: accélérations, ralentissements, arrêts sur image. Maîtriser l’histoire: l’histoire, individuelle ou collective, violente, sans concession. L’histoire qui nous broie. Le son omniprésent, nécessaire, magnifique : bruit des coups, musiques, sons obsédants, voix qui martèlent leurs aphorismes sur des visages hiératiques, silencieux. Si: silencieux malgré tout, comme la femme de Monsieur Ip. Et puis le cycle de la vie : le maître, Ip, qui recueille Bruce Lee pour lui transmettre l’héritage du Kung-fu comme l’avait fait maître Gong avec «La lame», son fils adoptif. Sans espoir: l’histoire a tourné. Et les corps vieillissent: regarder en arrière ne peut bloquer la mort. Vivre, lutter, rester vertical. Le Kung-fu métaphore de la destinée. Horizontal, le sort de beaucoup: abattus, éliminés, broyés par la vie. Rester debout, vertical: avancer. Le temps qui

finalement nous dévore. Lutter, et puis l’amour qu’on tait, qu’on oublie, qu’on étouffe. Qu’on rate, comme le train. L’émotion, qu’il faut étrangler. Rester maître de soi, vertical. Echec néanmoins. Le cinéma art total (bis): contenant tout notre existence. Voir en littérature Le Grand Œuvre (tentative avortée de Mallarmé), Le Bateau Ivre (Rimbaud), Zone (Appolinaire), beaucoup d’autres. Figer et arrêter le temps, éterniser l’instant, donner enfin un sens à l’existence: la dernière rencontre de Monsieur Ip et de Gong Er. Faire que la vie passe du désordre au destin, accéder à l’éternité. Le cinéma art total (ter). Terrence Malick n’y est pas parvenu, trop grandiloquent, trop simpliste avec son Dieu inique (et unique); Wong Kar-wai le fait magistralement, théâtralement, sans l’aide d’aucun dieu. «La volonté des dieux, c’est moi » affirme Gong Er. Envoûtant. Une somme. Poétique, violente, poignante.

Romanesque ? Oui, voir Richard Powers, Le Temps où nous chantions. Une somme romanesque. L’art total? Peut-être! CdP

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Face à face Promised Land

Amérique blanche, faux pays

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us van Sant est un virtuose du cinéma. Maîtrise de l’image, du cadrage, du montage, maîtrise du rythme, du temps, de l’espace. Art de la mise en scène, particulièrement dans Promised Land. Gus van Sant sait, comme beaucoup de grands cinéastes avant lui (Hitchcock, Lubitsch, Resnais, j’en passe), qu’au cinéma tout est forcément factice, joué, fabriqué. Dans Promised Land, rien, aucun personnage n’est vraiment ce qu’il paraît être. Jouons avec les mots: Promised Land est du «vrai» cinéma. Tout y est faux. Les situations, les êtres, les images. Selon la formule d’un critique à propos du peintre Edward Hopper, nous sommes dans une «réalité fictive ». Prenons le personnage qui semble le plus authentique, le vieux professeur. Il apparaît au début comme un vieux paysan qui a du mal à soulever ses sacs trop lourds. Mais il est en fait professeur au lycée voisin. Et finalement, ce n’est qu’une occupation de retraité: c’est un ancien chercheur scientifique de haut niveau au MIT. Prenons ensuite le héros, Steve Butler: il se croit choisi par Global pour ses qualités. Mais il a beau recevoir une promotion, il

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n’est qu’un larbin chargé de faire signer les contrats. Il se croit libre de ses choix, mais il n’a épousé la cause de Global que parce qu’il fuit une enfance qu’il ressent comme un échec. Il joue à celui qui veut défendre les intérêts bien compris des paysans, il les regarde avec franchise et candeur, droit dans les yeux, mais il triche et manipule les négociations. Et à la fin, quand il se range dans le camp des victimes, le fait-il parce qu’il a changé et trouvé le chemin du bien ou le fait-il parce qu’il vient de découvrir que Global l’a lui-même manipulé? Vient la figure forte: Dustin Noble, l’écologiste de l’association Athena, en apparence un militant pur et dur. Lisons bien: Athena, favorite de Zeus (le pouvoir absolu) et déesse de la guerre? Quel pouvoir, quelle guerresinon de Global contre les autochtones: en fait, Dustin est un bien un militant, mais de Global. Il manipule tout le monde, pour le compte de la Direction (D majuscule!) Et puis: quelle est cette terre promise par le titre? La terre qui constitue le trésor de ces ruraux pourtant prêts à le vendre? Ou la terre que veut racheter Global pour la dévaster et en tirer d’énormes profits financiers? Ou encore tout simplement l’Amérique blanche ? Cette terre des ancêtres fondateurs, où n’apparaît bien sûr aucun Indien, ni aucun Noir? Une Amé-

rique de gros bras, blancs, descendants des colons? Ceux qui, comme Dustin Noble, le faux militant écologiste salarié de Global, ont fait du Born in the USA de Bruce Springsteen leur hymne personnel? L’Amérique de Gus van Sant, même dans Elephant ou d’autres de ses films, est une Amérique de blancs, pure, immaculée, sans souillure noire ou rouge (ou jaune). L’Amérique blanche serait ainsi le pays du mensonge, de la manipulation. Le pays du faux. Je me trompe? En tout cas Gus van Sant nous mystifie: sa mise en scène nous montre une histoire lisse mais trompeuse: comme un lac au fond duquel règnent boue, déchets, cadavres… Je pense à celui de Délivrance, tout à la fin. Il n’y a pas de terre promise. CdP

These boots are made for walking

A

u début, sa collègue lui dit de s’acheter de nouvelles chaussures, «Ça risque pas » répond Steve. Ces chaussures ce sont celles de son grand-père, des chaussures de travail, des chaussures qui vous ancrent à la terre, qui vous relient à vos origines. Si j’avais été plus attentif à cette réplique, j’aurais pu deviner tout de suite comment se conclurait Promised land. J’aurais compris que ce Steve ne pourrait continuer son travail même si pour lui «les gens ont besoin d’aide et je leur en donne». Steve Butler c’est Matt Damon que l’on a l’impression de voir dans son premier vrai rôle adulte, comme si on retrouvait Rudy Baylor, le personnage qu’il incarnait dans

L’Idéaliste de Francis Ford Coppola en 1997. De plus, que le film soit signé Gus Van Sant, lui qui l’a découvert dans Will Hunting, est très touchant; car le film parle aussi de ça, de transmission, de filiation. Ce n’est pas par une prise de conscience écologiste (les dangers du gaz de schiste) que Steve décide de dénoncer la machination de la Global, l’entreprise qui l’emploie. C’est par attachement à sa terre, par amour des gens, de tous les gens. Le film ne condamne personne, ni sa collègue qui va prendre sa place, ni le faux activiste écolo et encore moins ceux qui, en acceptant ses contrats, vendent leur terre. Promised land reprend ainsi l’adage formulé par Jean Renoir dans La Règle du jeu : «Sur cette terre y’a quelque chose d’effroyable c’est que tout le monde a ses raisons». Avec ce film, Gus Van Sant rejoint les grands classiques et renoue avec un grand thème du cinéma américain, cher à John Ford entre autres, celui de la croyance au groupe. Ce qu’il montre dans une magnifique scène de karaoké où tous, quels qu’ils soient, chantent/communient en reprenant avec Steve la chanson de Bruce Springsteen Dancing in the dark. Dans ce bar, la communauté se serre à nouveau les coudes, le groupe retrouve sa cohésion. Promised land est un western à l’envers. Après la conquête de l’ouest, la terre promise du titre, arrive la reconquête. Reconquérir son identité, sa place, sa dignité; les derniers mots du discours final de Steve le disent : «Vive les pionniers». Le film est typiquement américain, bien sûr, mais il fait chaud à tous car il dit qu’une nouvelle page peut s’écrire, que les lendemains chanteront peut-être. JF

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Vos critiques

Interférences Queen of Montreuil Le Nom des gens La Fée

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ur la côte normande. Une femme lance, désespérée, une rose, vers l’océan, dans un geste d’amour posthume. Mais la fleur reviendra sans cesse, portée par le vent, refusant burlesquement l’hypothèse du deuil… Bahia a décidé de dédier sa jeune vie à lutter contre les fachos et toutes les contraintes: comme pour le prix d’une langouste, elle peut acheter quatre tourteaux, ce sont eux à qu’elle ira rendre à la liberté des vagues normandes. C’est Fifi, l’otarie dépressive qui squatte sa salle de bain, qu’Agathe, accompagnée de son étrange famille recomposée (franco-islando-jamaïcaine), ira remettre dans le sens du courant. Rumba et La Fée (de Abel-Gordon-Romy), Le Nom des gens (de M Leclerc), Queen of Montreuil (de S Anspach), despetits films qui ont une proximité et pas seulement géographique. Passablement irréalistes, utopistes, ils ont cependant un ancrage certain dans la réalité du moment (la chasse à l’immigration clandestine, la grippe aviaire, l’obsession du principe de précaution, le racisme ordinaire, la faillite islandaise…) et topographique (le Havre, Paris ou Montreuil). Chez ses auteur(e)s, il y a une façon voisine de réenchanter le réel, grâce à la présence de personnage féminin hors norme: la fée (catastrophe) jouée par Fiona Gordon, Bahia (la révolutionnaire tête en et fesses à l’air) jouée par Sara Forestier et Anna (la poétesse fumeuse de pétards) jouée par l’actrice islandaise Didda Jonsdottir qui, du haut de sa grue et de sa cinquantaine, est le vrai effet spécial du dernier film d’Anspach. Même s’ils sont

loin d’être des chefs d’œuvre, ces films miniatures font un bien fou. En convoquant des galeries de personnages extravagants et en nous faisant rire (jamais à leurs dépends) sur un vrai fond de mélancolie d’un quotidien qui nous ressemble, il nous apporte parfois beaucoup plus d’émotions et de réflexions que certains films à la renommée plus imposante. On sait l’économie de ce cinéma français de plus en plus difficile: des budgets réduits, des durées de tournage raccourcis, des équipes payées au minimum. C’est cette absence de moyen que dénonce Pierre Murat (Télérama du 20 mars) en chroniquant Queen of Montreuil. Mais il le fait d’une façonqui m’a semblé choquante dans sa formulation : «ce type de production minuscule pose un problème, car la misère à ce degré-là, même dissimulée sous l’enthousiasme, finit par devenir un piège. De deux choses l’une : ou l’on juge la démarche de Sólveig Anspach passionnante, digne de s’inscrire dans la variété du cinéma français, et on l’aide plus et mieux ; sinon, on encourage cette cinéaste douée à passer à autre chose.» Etrange manière de défendre la diversité culturelle propre à la cinématographie hexagonale que de proposer aux décideurs de choisir entre donner plus de moyens aux films fragiles ou pousser des réalisateurs (mêmes doués) à ne plus faire de films. C’est la deuxième solution qui a prévalu dans de nombreux pays européens, réduisant leur production à une vraie peau de chagrin. Pas de grands films en chantier… sans petits films enchanteurs! DP

QUEEN OF MONTREUIL de Solveig Anspach Vraiment très joli film, euphorisant et émouvant, léger, mais qui aborde en même temps la crise en Islande, le chômage à Montreuil et ailleurs, la solidarité malgré tout et le pouvoir de la fantaisie et du rêve pour ré-enchanter le monde. Tristan AH ! Quelle bouffée… de fraîcheur, de chaleur… léger et aérien comme les volutes de fumée : Queen of Montreuil. Alors à quand Queen of Tours ? … sans doute plus lourd… Marcel LA RELIGIEUSE de Guillaume Nicloux Un film magnifique qui ne semble pas rencontrer auprès du public le succès qu’il mérite. Pourtant, comme toutes les œuvres classiques, il traite de sujets fondamentaux et éternellement actuels : la liberté, l’oppression sociale des femmes, l’obscurantisme… Imaginez le brûlot quand Diderot a écrit La Religieuse. Le Siècle des Lumières… G Si les costumes et l’ambiance du 18e siècle sont très réalistes, le film souffre malheureusement d’une lenteur et d’une platitude consternantes : il dure presque deux heures, ce qui est très long car l’histoire ne contient pas vraiment de rebondissements et d’action. La jeune actrice interprétant Suzanne peut de plus un peu agacer, car elle lutte beaucoup moins que le personnage du livre contre son destin, et n’est pas très émotive. […] Jo À voir. L’actrice principale est magnifique dans le rôle qu’elle tient à merveille. Quelques longueurs au début mais pour mieux nous mettre dans l’ambiance d’un

environnement austère qui rend le film poignant. PL QUARTET de Dustin Hoffman […] Une bande son très bien dosée, un ton très «british» avec l’humour qui va avec, des situations cocasses, de très belles réparties, et une émotion permanente et parfaitement bien dosée du début à la fin du film. Ce n’est pas un mélo, ça ne tombe pas dans le pathos mais ça dit des choses très justes sur la difficulté de vieillir […] Ludo Que du bonheur ! On sort heureux de la leçon d’optimisme que donnent ces musiciens aux corps vieillis mais aux doigts aux voix et aux cœurs toujours disponibles prêts à s’enflammer de nouveau. […] Bravo Dustin Hoffmann pour ce très joli film ! Alain Pasticier STORIES WE TELL de Sarah Polley J’ai été bouleversée par ce film et je crois que tout un chacun peut l’être. Sarah Polley va à la recherche de son père, à la recherche de la vérité. Sous nos yeux, elle développe une leçon de cinéma. C’est un film à défendre […] MBS […] rare de réussir ce mélange de recherche formelle et d’émotion brute… Jérémie Aka Très beau travail de recherche sur l’histoire d’une famille… qui pourrait concerner tout le monde ; beaucoup de pudeur, d’émotion, de finesse dans cette quête pleine d’amour, excellente maîtrise du montage où documents d’archives et scènes de fiction s’enlacent au plus près… à voir, assurément. EB Rubrique réalisée par RS

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