Février 2016

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ISSN 0299 - 0342

CINÉMAS STUDIO : 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS

N°342 • Février 2016


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Février 2016 - n° 342

Édito CNP

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Soirée Bibliothèque

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Soirée Libres Courts

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Planète Satourne

Pour permettre au public une plus grande fréquentation de ses collections (les plus riches de région Centre), la bibliothèque propose de nouveaux horaires.

Horaires d’ouverture : lundi : de 16h00 à 19h45 mercredi : de 15h00 à 19h45 jeudi : de 16h00 à 19h45 vendredi : de 16h00 à 19h45 samedi : de 16h00 à 19h45 FERMETURE PENDANT LES VACANCES SCOLAIRES

Soirée Vague jeune

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LES FILMS DE A à Z En bref

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6 16

Bande annonce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Cafétéria des Studio gérée par l'association AIR (chantier d'insertion),

accueille les abonnés des Studio tous les jours de 16h00 à 21h45 sur présentation des cartes abonné et cafétéria.

Tél : 02 47 20 85 77

Partenariat Cinémathèque/Studio – Abouna

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Face à face

Taj Mahal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

Les STUDIO sont membres de ces associations professionnelles : EUROPA

Courts lettrages

Béliers

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Rencontre avec

Bouli Lanners

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Pipôl

Philippe Rebbot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Interférences

Le Fils de Saül, Les Premiers, les derniers, Mia Madre

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28

REGROUPEMENT DES SALLES POUR LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPÉEN

AFCAE ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET ESSAI

ACOR ASSOCIATION DES CINÉMAS DE L’OUEST POUR LA RECHERCHE (Membre co-fondateur)

À propos de

GNCR

The Lobster . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE

Interférences

Ixcanul, L’Étreinte du serpent

Jeune Public

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FILM DU MOIS : Le Trésor GRILLE PROGRAMME

32 34

ACC ASSOCIATION DES CINÉMAS DU CENTRE (Membre co-fondateur)

de Corneliu Porumboiu

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pages centrales Prix de l’APF 1998

Site : www.studiocine.com page Facebook : cinémas STUDIO

LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS - 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - Mensuel - Prix du numéro 2 €. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Sylvie Bordet, Isabelle Godeau, Jean-François Pelle, Dominique Plumecocq, Éric Rambeau, Roselyne Savard, Marcelle Schotte, André Weill, avec la participation de la commission Jeune Public. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Rambeau – MISE EN PAGES & EN IMAGES : Francis Bordet. ÉQUIPE DEgraphique RÉALISATION contribue : Éric Besnier, Guérineaude – DIRECTEUR : Philippe Lecocq – IMPRIMÉ par PRÉSENCE GRAPHIQUE, Monts (37) Présence à Roselyne la préservation l’environnement et atteste être reconnu IMPRIM’VERT.


éditorial

Le côté obscur du film P

uisqu’on est forcément dans la métaphore spatiale, il aurait fallu habiter dans une galaxie très lointaine pour ne pas avoir entendu parler de l’arrivée sur les grands écrans du septième épisode de la saga Star Wars ! Il faut dire que la préparation (du consommateur - comme l’on parle de la préparation d’un athlète, dopage y compris !) s’est faite très en amont : depuis un an, une campagne de marketing mondiale s’est mise en branle pour que tout le monde soit dans les starting-blocks, où que l’on vive sur la planète. C’est qu’il y a du record à battre – les fans attendent l’événement depuis une dizaine d’années - et Disney a déboursé 4 milliards pour acheter le fonds de commerce ; celui des préventes l’est depuis des mois : plus de 50 millions de dollars (8 fois plus que n’importe quel autre film) ; mis en vente depuis l’été, les produits dérivés se vendent comme des petits pains (Disney espère plus de 5 milliards de revenus car la saga a déjà rapporté 22,7 milliards, soit 5 fois plus que les entrées en salles) et dès les premières semaines, le box-office explose... Cette communion (parfaitement orchestrée) autour d’une mythologie contemporaine pourrait apparaître fort sympathique si elle ne prenait pas la forme d’une invasion bien réelle : des plateaux télé, des radios, des unes des journaux (un Hors-série de Télérama !) et… des écrans ; un cinquième des 5 600 écrans français étaient occupés par la saga intergalactique. Quand on sait que, chaque année, c’est plus de 650 films inédits, petits et grands, dont 550 fictions, qui cherchent à y avoir un peu de place, la monopolisation rendue possible par la numérisation des supports pose problème. Problème que nous nous sommes posé aux Studio : fallait-il ou non programmer Star Wars dès sa sortie ? Dans un premier temps, Disney France avait annoncé vouloir boycotter les salles art et essai au profit de celles des grands circuits. Nous avions signé la pétition du Scare (1) pour protester contre cette exclu-

sion. Malgré le changement de position de Disney, nous avons choisi de ne pas programmer ce film en sortie nationale 2 car les conditions d’exploitation de celui-ci (de très nombreuses séances quotidiennes pendant de longues semaines) nous semblaient incompatibles avec ce qui est au cœur de la raison d’être des Studio : présenter à ses spectateurs l’offre culturelle la plus riche et la plus diversifiée possible (avec près de 450 films par an venant de tous les horizons cinématographiques). Maximiser les profits en minimisant les risques, notamment en alimentant les sagas, c’est la nouvelle stratégie des studios américains : le calendrier des sorties Marvel (également racheté par Disney) dans les 5 ans à venir est déjà prêt avec des super héros en ordre de bataille. Dans Mars attacks de Tim Burton, les créatures venues de l’espace criaient : « Ne courez pas, nous sommes vos amis ! »… avec une séductrice et destructrice bienveillance. DP & JF PS : Alors, direz-vous, n’est-il pas contradictoire de programmer Le Réveil de la force dès le mois de février ? D’une part, n’oublions pas que nous avons déjà projeté et apprécié les précédents films du réalisateur, J.J. Abrams, dont le superbe Super 8 en 2011. De plus, pourquoi ne serions-nous pas, nous aussi, sensibles à l’univers créé par George Lucas ? D’autant que ce nouvel épisode s’avère très réussi. Les Studio ont toujours eu la vocation, tout en résistant aux exigences économiques des distributeurs, de présenter des films de tous les horizons géographiques, qu’ils soient plus ou moins difficiles d’accès. Nous avons toujours tenu à ne pas nous cantonner à des catégories trop restrictives. En tant que spectateur, on peut, aux Studio, prendre du plaisir à regarder un film expérimental ou un blockbuster, à condition que l’un et l’autre soient de qualité. 1 Syndicat des cinémas d’art de répertoire et d’essai 2 Contrairement à ce qui était annoncé dans la Nouvelle

République

Les CARNETS du STUDIO

n°342 •

février 2016

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SEMAINE

CNP jeudi

19h45 C

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du 24 février au 1er mars

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Révolutions arables : quels espoirs ? 1h18’ THE UPRISING É

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samedi

Soirée Vague jeune

19h00

2 x 30’ de courts métrages de jeunes réalisateurs

et les Studio proposent :

19h45

Soirée Libres courts

16h00 mer sam-dim

19h30

L’AVENTURE CONTINUE

de Christian Duguay samedi à 14h15

45’ VF

LES ESPIÈGLES de J. Cimermanis, M. Brinkmanis et E. Lacis

L’HISTOIRE DU GÉANT TIMIDE de Dagur Kari

À suivre.

samedi dimanche

16h00 mercredi samedi dimanche

17h45

1h25’ VF

WALLACE ET GROMIT mercredi

LE MYSTÈRE DU LAPIN GAROU samedi dimanche de Nick Park & Steve Box 1h50’

LES INNOCENTES 17h15

Suivie d’une rencontre

14h15 2h31’ THE REVENANT 17h00 de Alejandro Gonzales Inarritu 19h45 À suivre. 14h15 1h45’ AVE, CESAR ! 17h00 de Ethan et Joel Coen 19h15 À suivre. 14h15 1h34’

SEMAINE

BELLE ET SÉBASTIEN 14h15 mercredi

de Peter Snowdon et Bruno Tracq Débat avec Julien Salingue, docteur en sc. polit.

lundi LE PRIX D’UN HOMME 19h30 2h14’ de Lindsay Anderson

mercredi

1h37’

2016

CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ de Mikhaël Hers

20h00 C

I

N

17h15 21h15

SLEEPING GIANT 17h45 21h45 de Andrew Cividino

2h01’

21h15

14h15 1h29’ TEMPÊTE de Samuel Collardey 19h15 À suivre. 14h30 1h44’ 19h15

1h29’

LE TRÉSOR

21h15

de Flo Laval débat avec Mickael Lacklé

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Soirée Bibliothèque

18h00 Rencontre avec Giacomo Abbruzzese 1h47’ ŒDIPE ROI de Pier Paolo Pasolini 19h45

FREE LOVE

21h30

de Ida Panahandeh

www.studiocine.com

À suivre.

Cases orangées : programmation Jeune Public: voir pages 34 et 35

CINÉ P’TIT DÉJ’

dimanche

14h15 1h36’ 19h30 LES PREMIERS, 16h00 LES DERNIERS SAUF

de Bouli Lanners

jeu-ven

14h15 17h15 19h30

2h03’

14h30 19h30

2h08’

14h15 19h30

1h37’

14h30 19h45

1h45’

16h00

de divers réalisateurs

1h28’ VF

SNOOPY

ET LES PEANUTS 1h53

LES DÉLICES DE TOKYO

17h30 21h45

de Naomi Kawase

1h27’

45 ANS 2h47’

LA TERRE ET L’OMBRE

LES HUITS SALOPARDS

17h45 21h30 21h00

de Quentin Tarantino

SPOTLIGHT de Thomas McCarthy

SAUF

de Steve Martino

de Andrew Haigh de Danny Boyle

17h45 jeudi vendredi

STEVE JOBS

1h52’

LES CHEVALIERS BLANCS

21h15

DANISH GIRL

21h45

de Joaquim Lafosse

2h

de César Acevedo

de Tom Hooper

PRÉJUDICE de Antoine Cuypers

de Peter Sollett

Le film imprévu www.studiocine.com

jeudi vendredi

SAUF

SAUF LES FABLES DE jeudi MONSIEUR RENARD vendredi

de Cornéliu Porumboiu

1h44’

14h15 15h45

de Rémi Chayé

39’ VF

14h15 1h30’ 17h15 ANOMALISA 19h15 16h00 de Charlie Kaufman & Duke Johnson

1h58’

CAROL

21h45

de Todd Haynes

2h34’

NAHID

TOUT EN HAUT DU MONDE

10h15 lundi HORIZONS PERDUS LES VOYAGES DE GULLIVER film 1h58’ de Frank Capra 1h25’ VF de Dave Fleischer 10h45 19h30 Soirée présentée par Guy Schwitthal

de Hong Sang-Soo

14h30 JE NE SUIS PAS 1h51’ UN SALAUD 19h30 de Emmanuel Finkiel À suivre.

55’

2016

1h20’

jeu-ven

1h29’

UN JOUR AVEC UN JOUR SANS

Libérez vos ordinateurs !

LES GARDIENS DU NOUVEAU MONDE

SAUF

de Anne Fontaine

1h46’

CNP jeudi

du 3 au 9 février

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DERNIER JOUR 17h00 LE D’YITZHAK RABIN de Amos Gitaï

Le film imprévu www.studiocine.com

Toutes les salles des Studio sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Cinémas Studio – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


SEMAINE

C

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N

du 10 au 16 février

2 É

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1h28’ VF

SNOOPY

lundi Mr SMITH AU SÉNAT 19h30

2h05’

SAUF

jeudi

de Steve Martino

1h20’

ANOMALISA

de Charlie Kaufman & Duke Johnson

21h15 14h15 1h50’ 17h15 LES INNOCENTES 19h30 de Anne Fontaine 21h45 14h15 1h29’ LE TRÉSOR 16h00 de Cornéliu Porumboiu 19h45 14h30 2h03’ SAUF

TOUT EN HAUT DU MONDE de Rémi Chayé

de Danny Boyle 19h15 14h15 1h44’ FREE LOVE 17h45 de Peter Sollett 19h45

2h

PEUR DE RIEN

14h15 + mercredi 10h00 16h00 17h30 + mardi 10h00

LES FABLES DE 16h15 MONSIEUR RENARD SAUF jeudi

de divers réalisateurs

45’ VF

lundi 19h30

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1h27’

A

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Luis Garcia Berlanga

14h15 1h45’ AVE, CESAR ! 17h15 19h15 de Ethan et Joel Coen 21h15 2D 2h16’ STAR WARS 14h15 LE RÉVEIL DE LA FORCE 3D de J.J. Abrams 19h15 1h50’

14h30 19h30

LA TERRE ET L’OMBRE de César Acevedo

1h53’

LES DÉLICES DE TOKYO

17h15 21h30 21h30

de Naomi Kawase

2h08’

SPOTLIGHT

17h00 21h30

1h45’

PRÉJUDICE

21h45

14h15 19h30

SLEEPING GIANT

de Bouli Lanners

www.studiocine.com

1h25’ VF

WALLACE ET GROMIT

14h15 SAUF

LE MYSTÈRE DU LAPIN GAROU lundi mardi de Nick Park & Steve Box 45’ VF

LES ESPIÈGLES de J. Cimermanis, M. Brinkmanis et E. Lacis

1h20’

TOUT EN HAUT DU MONDE de Rémi Chayé

16h15 SAUF

lundi mardi

17h15 SAUF

lundi mardi

2h

PEUR DE RIEN

17h00

de Danielle Arbid

1h29’

de Andrew Cividino

1h46’

CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ 2h01’

17h30 21h30

1h44’

UN JOUR AVEC UN JOUR SANS

de Peter Sollett

17h45 21h15

2h03’

STEVE JOBS

19h15

de Danny Boyle

2h08’

SPOTLIGHT de Thomas McCarthy

de Hong Sang-Soo

FREE LOVE

LE TRÉSOR de Cornéliu Porumboiu

de Mikhaël Hers

14h30 19h15

21h30

1h30’

ANOMALISA

21h45

de Charlie Kaufman & Duke Johnson

1h36’

19h15

2016

1h29’

de Antoine Cuypers

LES PREMIERS, LES DERNIERS

E

PLACIDO

1h37’

1h27’ de Andrew Haigh

N

14h15 LES INNOCENTES 21h30 de Anne Fontaine

de Thomas McCarthy

17h45

I

16h15 LES ESPIÈGLES + de J. Cimermanis, M. Brinkmanis et E. Lacis mercredi 10h00 Atelier le mercredi après-midi

de Danielle Arbid

45 ANS

C

du 17 au 23 février

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SEMAINE

39’ VF

STEVE JOBS

mercredi

14h30 19h15

ET LES PEANUTS

de Frank Capra

Soirée présentée par Guy Schwitthal

14h15 1h30’

2016

1h36’

Le film imprévu www.studiocine.com

Cases orangées : programmation Jeune Public: voir pages 34 et 35

17h30

LES PREMIERS, LES DERNIERS de Bouli Lanners

Le film imprévu www.studiocine.com

Tous les films sont projetés en version originale (sauf indication contraire)

Cinémas Studio – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


jeudi 25 février - 19h45 Le CNP, le Collectif Palestine 37, le NPA et Osez le féminisme 37 proposent :

jeudi 4 février - 20h00 Le MFRB (Mouvement Français pour un Revenu de Base), l’ADETI (Association de Développement des Technologies de l’Information), le CRE-SOL et le CNP proposent :

LIBÉREZ VOS ORDINATEURS ! Vous qui surfez sur le web ou, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, parlez avec vos proches et le monde entier, récemment encore vous pensiez le faire en toute liberté… Mais des mots tels que Wikileaks, Prism ou Snowden vous ont peut-être mis la puce à l’oreille : que connaissez-vous du fonctionnement d’Internet ? À l’instar des hackers il s’agit, à notre tour, de saisir les enjeux politiques et économiques qui se cachent derrière nos écrans. Les Gardiens du nouveau monde nous raconte l’émergence d’une nouvelle génération de militants « hacktivistes » tels que Anonymous, qu’il devient chaque jour plus indispensable d’écouter. Film : Les Gardiens du nouveau monde de Flo Laval (2014 – France – 55’), suivi d’un débat avec Mickaël Lacklé du MFRB.

Vendredi 5 février Soirée autour du cinéma de Pasolini •18h : Rencontre avec Giacomo Abbruzzese •19h 45 : Projection en salle du court-métrage Stella Maris de Giacomo Abbruzzese Présentation par le réalisateur. Projection du film de Pasolini Œdipe Roi suivie d’un échange avec le public

Œdipe roi Italie – 1967 – 1h44, de Pier-Paolo Pasolini, avec Franco Citti, Silvana Mangano, Alida Valli...

Cette adaptation très pasolinienne du célèbre mythe grec promène le spectateur entre le 20e siècle et une reconstitution fantaisiste de la Grèce antique.

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– Les CARNETS du STUDIO

n°342 – Février 2016

RÉVOLUTIONS ARABES : QUELS ESPOIRS ? Les espoirs suscités par les révolutions arabes depuis 2011 semblent retombés : le retour de bâton a sanctionné les demandes démocratiques. Les détenteurs du pouvoir ou leurs successeurs ont réprimé, ne tolérant aucune remise en question et utilisant les enjeux géopolitiques et confessionnels soulevés par Daech. Mais les problèmes ne sont pas réglés, et les mêmes causes finissent par produire les mêmes effets. Des luttes jaillissent ça et là. La démocratie tunisienne, quoique fragile, tient bon. Le processus révolutionnaire est imprévisible. La projection de The Uprising (6 États, 7 jours, 1 révolution) de Peter Snowdon et Bruno Tracq (2013 – Belgique – 1h18) sera suivie d’un débat avec Julien Salingue, docteur en sciences politiques, Université Paris 8.

Giacomo Abruzzese : né en 1983 à Tarente, il a été entre 2008 et 2009 directeur artistique pour la chaîne publique palestinienne AQTV et a enseigné l’écriture de scénario et le montage à l’École de cinéma de Bethléem. Diplômé du Fresnoy avec Mention spéciale du jury en 2011, ses court-métrages ont été sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux dont Viennale, Clermont-Ferrand, Tampere, Indielisboa, Nouveau cinéma de Montréal, Leeds. Ils ont été aussi diffusés sur plusieurs chaînes télé (Canal Plus, France3, Sky Art Italia). Il a reçu de nombreux prix, dont le Prix du meilleur courtmétrage à Turin et Kustendorf, plus une mention aux Nastri d’Argento, Prix de la critique italienne. Récemment, il a été invité à Clermont-Ferrand à une résidence d’écriture. Il développe actuellement son premier long-métrage. Pot offert par les Studio après la séance.

Soirée Libres courts– Mercredi 24 février, 19h45 Bal de Famille – programme de courts métrages Ciclic et les cinémas Studio de Tours proposent, à l’occasion de 4 rendez-vous dans l’année, des séances dédiées au court métrage et intitulées Libres courts. Qu’est-ce qu’un court métrage ? Un film de moins d’une heure, tout simplement. C’est souvent par ce format que les réalisateurs font leurs premiers pas. Famille, je vous aime ? Les liens du sang laissent entendre une ambivalence des sentiments, entre tendresse et férocité. La projection sera suivie d’une rencontre et du traditionnel verre de l’amitié.

La Fin du Dragon

En Août

France - 2015 - 27’ de Marina Viaby

Suisse, de Jenna Hasse - 2014 - 9’, de Jenna Hasse

Marianne, Mike et Angèle sont réunis autour de leur mère. D’ici dix jours, après l’arrêt des machines qui la maintiennent dans le coma, Claudine sera morte. Dix jours ? Marianne n’a jamais compris qu’il faudrait compter aussi longtemps, et pourtant elle comprend très bien d’habitude.

Margaux, six ans, se réveille tôt en ce matin d’août. Elle s’approche de la fenêtre et voit son père ranger des objets et des cartons dans la voiture. Cette matinée d’été s’annonce particulière pour la petite fille qui s’apprête à vivre un moment important de sa vie.

Bal de famille France - 2015 – 23’ de Stella Di Tocco

Aujourd’hui, Julie est forte. Elle est indépendante. Elle peut retourner chez elle. Toute sa famille l’attend, sa famille qui l’aime : sa mère, son frère, sa sœur et son père.

Pitchoune France -2015 -24 ‘ de Reda Kateb.

Deux frères, Mathias et Karim, tiennent un espace animation-garderie dans un Salon Porte de Versailles. Depuis des années, ils vivent de spectacles pour enfants, mariages, arbres de Noël... Mais Karim en a marre de faire le clown.

PLANÈTE SATOURNE – dimanche 7 février C’est parti pour une cinquième édition de Planète Satourne, petit festival culturel dédié aux enfants, qui illumine les vacances de février. Sur le thème du voyage, il permet une jolie balade dans la ville et ouvre les portes de l’imaginaire avec des formes variées : ciné p’tit déj’, ciné-lecture, ciné-concert, spectacle, ciné-surprise…

Ciné P’tit déj’ 10h15 : Petit déjeuner offert à tous 10h45 :

Les Voyages de Gulliver

États-Unis – 1939 – 1h17, film d’animation de Dave Fleischer en version restaurée. VF

Tout public à partir de 6 ans

Ces célèbres aventures reviennent en force à l’écran, pour le plus grand plaisir de tous : chacun s’y retrouvera, entre souvenirs d’enfance et découverte d’un voyage extraordinaire, plein de rebondissements, au pays de Lilliput ! Un petit jeu à faire en famille juste après le film permettra aux gagnants d’ajouter quelques cadeaux à cette belle matinée de cinéma…

Les CARNETS du STUDIO n°342 – Février 2016 –

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Soirée courts-métrages,organisée par la Vague Jeune 27 février, 19h00 La Vague Jeune vous propose de découvrir des courts-métrages de jeunes réalisateurs. Au programme : deux séances de 30 minutes dans lesquelles vous découvrirez des créations locales et nationales : des prestigieuses écoles de cinéma (Les Gobelins, La Femis...),

et des jeunes Tourangeaux (Les Tontons Filmeurs, les Compères Production...). Cette soirée se clôturera pas un pot convivial, comme nous en avons l’habitude aux Studio !

TOP 10 DE VOS FILMS PRÉFÉRÉS EN 2015 Parmi les films diffusés dans les salles des Studio au cours de l’année 2015, élisez ceux que vous avez préférés. Une pré-sélection de 50 films a été établie à partir des coups de cœur des membres de la bibliothèque. Cette liste est disponible à l’accueil de la bibliothèque ou au niveau des caisses et est également consultable sur le blog de la bibliothèque : https://biblistudio.wordpress.com

Déposez vos bulletins complétés dans les urnes que vous trouverez dans le hall de votre cinéma avant le 29 février 2016. Un tirage au sort désignera 10 gagnants qui se partageront des invitations pour voir des films en salle ou des affiches de films. La liste des gagnants sera affichée dans la bibliothèque au début du mois de mars 2016.

w w w . s t u d i o c i n e . c o m Sur le site des Studio (cliquer sur : PLUS D’INFOS, pour entrer dans la fiche film), vous trouverez des présentations signées des films que les rédacteurs auront vus après leur sortie en salle. Les fiches non signées ont été établies de manière neutre à partir des informations disponibles au moment où nous imprimons.

Les films de A à Z www.studiocine.com AVANT LES FILMS , DANS LES SALLES , AU MOIS DE FÉVRIER : Reflections de Bobo Stenson Trio (Studio 1-2-4-5-6) • Swingin Session de Franck Sinatra (Studio 3-7) Musiques sélectionnées par Éric Pétry de RFL 101.

A

Anomalisa

USA – 2016 – 1h30 – Film d’animation de Charlie Kaufman et Duke Johnson avec les voix de Davis Thewlis, Jennifer Jason Leigh…

Michael Stone, éminent spécialiste du service clientèle, passe la nuit dans un grand hôtel de Cincinatti où il doit faire une conférence le lendemain. Il est dépressif, submergé par le dégoût de lui-même et du modèle capitaliste dont il se réclame. Affreusement seul, il contacte une ancienne amoureuse, attire une femme dans sa chambre… On connaissait Charlie Kaufman pour ses scénarios - Eternal Sunshine of the spotless Mind entre autres. Il a trouvé cette fois la forme idéale pour ses obsessions, sa folie : l’animation en volume (stop motion) consiste à filmer une scène à l’aide d’une caméra dédiée à l’animation en déplaçant légèrement les objets entre chaque prise de vue, puis à restituer la vitesse standard (de 25 à 30 images par seconde) en donnant l’illusion de mouvements faits par ces objets… Le résultat est bluffant : ce portrait d’une société déshumanisée dont les personnages ont l’air de porter des masques et ont des voix interchangeables est à la fois pathétique, non dénué d’humour, étrange et bouleversant. Anomalisa a obtenu le prix du jury à la Mostra de Venise et on n’a pas fini d’en parler ! Sources : dossier de presse festival de Venise.

Séance Ciné-ma différence : Belle et Sébastien, samedi 27 février - 14h15

45 ans Angleterre – 2015 – 1h27, de Andrew Haigh, avec Charlotte Rampling, Tom Courtenay, Geraldine James...

Kate et Geoff préparent une fête pour leurs 45 ans de mariage. Mais une lettre informant de la découverte du corps du premier grand amour de Geoff, disparue 50 ans plus tôt, vient tout bousculer... Le premier et très beau film d’Andrew Haigh, Week-end, traitait de la rencontre amoureuse, ce second long métrage pourrait en être la suite, 45 ans plus tard comme son titre l’indique. Le film semble, au départ, être sur des rails, mais très vite, il va se montrer beaucoup moins attendu que

ce que l’on pourrait croire. Sans charger inutilement aucun personnage, il questionne, interroge et touche car il résonne en chacun d’entre nous. Délicat mais fort, il est, de plus, soutenu par un couple d’acteurs mythiques et exceptionnels. Deux icônes, qui ont débuté dans les années 60, Tom Courtenay (La Solitude du coureur de fond, Le Docteur Jivago) et Charlotte Rampling que l’on ne présente plus. Ces deux rôles leurs ont permis d’obtenir, chacun, le Prix d’interprétation au dernier festival de Berlin. Deux prix amplement mérités pour ce superbe film. JF Les fiches paraphées correspondent à des films vus par les rédacteurs.

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– Les CARNETS du STUDIO

n°342 – Février 2016

Ave Cesar

USA – 2016 – 1h45, de Joel et Ethan Coen,avec George Clooney, Josh Brolin, Tilda Swinton, Scarlett Johansson…

Le dernier opus des réjouissants frères Coen se déroule dans les années 50, en plein âge d’or hollywoodien, dans un studio de cinéma florissant. Il raconte la folle journée d’un fixer, l’homme chargé de régler les problèmes des stars (Josh Brolin) : il doit retrouver le célébrissime acteur Baird Whitlock (George Clooney) qui vient de se faire kidnapper en plein tournage du peplum Ave César par un mystérieux groupe baptisé Le Futur. Producteurs et vedettes s’en mêlent… Casting de choix, mise en abyme

du monde du cinéma avec ses stars et ses coulisses, comédie loufoque sur fond de film noir : tous les ingrédients chers aux frères Coen (Fargo, The big Lebowsky) sont réunis pour clore cette trilogie des idiots après O’Brother et Burn after reading. Sources : dossier de presse du festival de Berlin où Ave César sera projeté en ouverture.

Belle et Sébastien L’Aventure continue

B

Voir pages Jeune Public

Carol

USA – 2015 – 1h58, de Todd Haynes, avec Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler...

C

New-York, années 50. Thérèse travaille dans un grand magasin et fait la rencontre de Carol, une cliente aisée, prisonnière d’un mariage peu heureux. Elles tombent amoureuses... L’Amérique bourgeoise des années 50 et la découverte de l’homosexualité sont deux sujets qui étaient déjà présents dans Loin du paradis, l’un des précédents films de Todd Haynes. Carol est l’autre face de ce passionnant et superbe diptyque. Adapté d’un roman de Patricia Highsmith, le film propose une reconstitution particulièrement soignée et une histoire d’une grande pudeur. Le travail visuel est tout simplement splendide et les deux actrices principales (notamment Rooney Mara, récompensée à Cannes, mais sans oublier aussi Kyle Chandler ou Sarah Paulson) donnent chair à cette histoire d’une grande tristesse. ER

Ce sentiment de l’été

2016 – Allemagne, France – 1h46, de Mikhaël Hers, avec Anders Danielsen, Judith Chemla, Marie Rivière…

Sasha, une jeune Française, décède subitement à Berlin où elle vit avec son fiancé, Lawrence (Mikhaël Hers découvert dans Oslo 31 août). Alors qu’ils se connaissent peu, ce dernier se rapproche de Zoé, la sœur de Sasha, ainsi que d’autres proches

Les CARNETS du STUDIO n°342 – Février 2016 –

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pour partager comme ils peuvent la peine et le poids de l’absence. Nous les accompagnons pendant trois étés entre Berlin, Paris et New-York… Deuxième long métrage de Mikhaël Hers, que nous avions découvert en 2011 après plusieurs courts avec le superbe Memory Lane, Ce sentiment de l’été revisite le thème de la quête du disparu déjà présent dans son opus précédent. Ce film sensible, lumineux et pudique a obtenu en octobre dernier le Grand Prix du jury au Festival international du film indépendant de Bordeaux. Sources : dossier de presse

Les Chevaliers blancs France/Belgique – 2015 – 1h52, de Joachim Lafosse, avec Vincent Lindon…

Le président d’une ONG a convaincu des familles françaises en mal d’adoption de financer une opération d’exfiltration (illégale) d’enfants de moins de cinq ans d’un pays d’Afrique ravagé par une guerre civile. À la tête d’une équipe de bénévoles, il a un mois pour trouver 300 enfants et les ramener en France. Commence alors un marathon mensonger où il faut persuader les chefs de village qu’il va installer un orphelinat sur place, masquant ainsi les vraies raisons de cette expédition… Joachim Lafosse est un réalisateur belge qui aime déranger. Il a déjà réalisé trois films remarqués : Nue propriété en 2006, Élève libre en 2008, À perdre la raison en 2012. À partir de l’affaire de l’Arche de Zoé, il a construit un film implacable qui interroge certaines dérives humanitaires, la corruption et le néo-colonialisme sous couvert de bonnes intentions. Couronné par le Prix du meilleur réalisateur au festival de San Sebastian, ce film propose un très intéressant casting pour entourer Vincent Lindon : Louise Bourgoin, Reda Kateb, Valérie Donzelli… DP

Danish Girl

USA/Allemagne/Grande-Bretagne – 2015 – 2h00, de Tom Hooper, Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Ben Whishaw…

Gerda et Einar Wegener forment un jeune couple de peintres bien en vue dans le Copenhague des années 20. Une commande de portrait à finir dans l’urgence, va changer leur vie : le modèle de Gerda ne pouvant se libérer, elle demande à son mari de revêtir la robe de son modèle et de prendre la pose. L’expérience, troublante pour les deux, va opérer comme un révélateur : Einar se sent véritablement lui-même quand il est habillé en femme. Petit à petit, avec l’appui indéfectible de Gerda, Einar va devenir Lili. Mais la désapprobation générale va pousser le couple à s’installer à Paris, la ville de tous les possibles… The Danish Girl met en lumière le parcours d’une pionnière de la cause transsexuelle : Lili Elbe sera, en effet, la première personne à bénéficier d’une chirurgie de réattribution sexuelle, et à obtenir, au Danemark, son changement d’identité. Le film a reçu le Lion d’or lors de la dernière Mostra de Venise. Sources : dossier de presse

Filmographie sélective : Le Discours d’un roi (2010), Les Misérables (2012)

Les Délices de Tokyo

France/Japon/Allemagne – 2016 – 1h53, de Naomi Kawase, avec Kirin Kiki, Masatoshi Nagase, Kyara Uchida…

Les dorayakis sont des pâtisseries traditionnelles japonaises composées de deux pancakes fourrés de la fameuse pâte de haricots rouges confits, AN. Tokue, une femme de 70 ans, va essayer de convaincre Sentaro, le vendeur de dorayakis, de l’embaucher. Tokue détient en effet un secret, celui de la recette d’une pâte absolument exquise. Une fois à l’œuvre, la modeste boutique devient un endroit incontournable grâce à Tokue… Après Still the water (2014), Naomi Kawase a choisi d’adapter le roman de Durian Seke-

gawa qui l’a beaucoup touchée. Belle inspiration puisque que Les Délices de Tokyo a été présenté au Festival de Cannes 2015 dans la sélection Un certain regard.

A

Sources : dossier de presse.

Le Dernier jour d’Yitzhak Rabin Israël – 2015 – 2h34, de Amos Gitaï, avec Ischac Hiskiya, Pini Mitelman, Tomer Sisley...

20 ans après l’assassinat de Y. Rabin, par un jeune extrémiste religieux israélien, Amos Gitaï revient sur cet événement qui mit un coup d’arrêt au processus de paix entre Israël et la Palestine. L’extrême droite accusait Rabin de travailler, par ce processus de paix, à la disparition du peuple juif. Plutôt qu’un documentaire, A. Gitaï a choisi de mêler acteurs et documents d’archives dans un montage aussi fluide que possible, afin de faire au mieux sentir au spectateur les enjeux et les conséquences de cet assassinat ; et l’on sait aujourd’hui qu’ils furent immenses. Sources : telerama.fr

E F

Les Espiègles Voir pages Jeune Public

Les Fables de M. Renard Voir pages Jeune Public

Free Love

USA – 1h44 – de Peter Sollett, avec Julianne Moore, Ellen Page, Steve Carrell...

Laurel est une femme flic, une brillante femme-flic même. Sa vie va connaître deux tournants assez brutaux lorsqu’elle va dans un premier temps rencontrer une autre femme, plus jeune qu’elle, Stacie, dont elle va tomber amoureuse et, ensuite, lorsqu’elle va se découvrir atteinte d’un cancer en phase terminale. Plus que le récit du

combat contre la maladie déjà vu de nombreuses fois, ici c’est sa lutte pour faire en sorte que ce soit Stacie qui puisse bénéficier de sa pension. Il ne s’agit évidemment pas du haut Moyen-Âge, mais juste des ÉtatsUnis au début des années 2000, juste de la difficulté à faire admettre qu’une femme puisse être considérée comme la conjointe d’une autre femme... Sources : villagevoice.com

L’Histoire du géant timide Islande/Danemark - 2015 - 1h34, de Dagur Kari, avec Gunnar Jónsson, Limur Kristjánsdóttir, Sigurjón Kjartansson…

H

Fúsi, la quarantaine, est grand et plus que costaud. Il travaille comme bagagiste à l’aéroport. Il vit chez ses parents et consacre son temps libre à reconstituer les batailles célèbres de l’histoire avec des figurines, en compagnie de son seul ami. Bon, c’est sûr que ce début n’est pas très engageant, et on passerait bien à la fiche du film suivant, un peu comme dans la vie on a envie de contourner les vieux « gars » du genre de Fúsi. Pourtant, et heureusement, il existe des gens plus curieux que d’autres qui aiment bien aller voir au-delà des apparences. Dans le film, cette aventurière s’appelle Alma : une espèce de tornade de vie qui ne s’arrête pas à ce que Fúsi donne à voir. Le film n’est surtout ni misérabiliste, ni ironique ; bien au contraire, il dresse un portrait plein d’empathie et de subtilité de ceux qui font comme ils peuvent. Le travail de Gunnar Jónsson, pour lequel le film a été spécialement écrit, a été unanimement salué et récompensé par un Prix d’interprétation à Marrakech. Décidément, après l’étonnant Béliers en décembre, on peut confirmer qu’un vent frais (forcément) et réconfortant venu d’Islande souffle sur le cinéma : une bien réjouissante nouvelle ! Sources : dossier de presse, Planet.fr, L’Internaute.

Filmographie sélective : Nói albínó (2003), Dark Horse (2005), The Good Hearth (2009)

Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

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n°342 – Février 2016

Les CARNETS du STUDIO n°342 – Février 2016 –

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Les Huits salopards

USA – 2016 – 2h47 de Quentin Tarantino, avec Samuel L Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Tim Roth....

John Ruth, chasseur de primes, emmène Daisy Domergue se faire pendre à Red Rock. Mais le blizzard se lève et ils sont obligés de se réfugier dans une auberge en pleine montagne dans laquelle se trouvent déjà des personnes assez louches. Duperies et trahisons en tous genres sont alors de mise, tout le monde en sortira-t-il vivant ? Rien n’est moins sûr. Les Huit salopards étire le temps et joue sur l’attente (celle des personnages comme celle du spectateur) et propose de grands moments. Dans ce western d’intérieur, les acteurs trouvent un écrin qui les met particulièrement en valeur, avec une mention spéciale au fidèle Samuel L. Jackson, vraiment extraordinaire. JF

I

Les Innocentes

France – 2015 – 1h50, d’Anne Fontaine, avec Lou de Laâge, Vincent Macaigne, Agata Buzek…

Nous sommes en 1945, en Pologne, où Mathilde, jeune interne juive de la CroixRouge, soigne des rescapés français. Un jour, une religieuse polonaise vient la chercher pour porter secours à 30 Bénédictines qui ont été violées par leurs libérateurs soviétiques et qui, coupées du monde au cœur de leur couvent, sont sur le point d’accoucher… Pour son 14e long-métrage, Anne Fontaine continue à surprendre en étant toujours là où on ne l’attend pas. Avec ce film historique et au sujet éminemment dramatique, inspiré par le journal de Madeleine Pauliac, médecin chef de l’hôpital français de Varsovie, elle renoue avec la veine noire de ses premiers films. On retrouve ses thèmes de prédilection : les contradictions portées au cœur des personnages les poussant à des

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transgressions douloureuses, fatales ou libératrices, le rapport à l’impossible et la vanité de tout jugement moral. S’y ajoute ici l’opposition entre le laïque et le spirituel. Autour de la jeune Lou de Laâge, on trouve l’extraordinaire actrice polonaise Agata Buzek et Vincent Macaigne, chirurgien à l’humour triste, seul rescapé de sa famille déportée dans les camps.

N

Nahid est une jeune femme divorcée qui vit seule avec son fils de 10 ans dans une ville au bord de la mer Caspienne. Selon la tradition iranienne, la garde devait revenir au père de l’enfant, mais celui-ci a accepté que Nahid élève leur fils à condition qu’elle ne se remarie pas. Or, Nahid, en rencontrant Massoud, devient amoureuse pour la première fois de sa vie. Cet homme qui veut l’épouser, vient bouleverser sa vie de femme comme de mère… Après plusieurs courts métrages et des documentaires, Ida Panahandeh propose avec Nahid son premier long métrage de fiction. Elle s’est toujours intéressée à la condition des femmes en Iran et au MoyenOrient. Nahid explore « le dur quotidien de ces femmes » divorcées, avec les questions du droit de garde des enfants et du mariage temporaire, le «sighe». En Sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes, Nahid, remarqué, a reçu le Prix de l’avenir. Prometteur !

Sources : dossier de presse – journalzibeline.com

Filmographie sélective : Augustin (94), Nettoyage à sec (97), Comment j’ai tué mon père (01), Nouvelle chance (06), La Fille de Monaco (08), Coco avant Chanel (09), Mon pire cauchemar (11), Perfect mothers (13), Gemma Bovery (14)

Je ne suis pas un salaud France – 2015 – 1h51, d’Emmanuel Finkiel, avec Nicolas Duvauchelle, Mélanie Thierry, Driss Ramdi…

Un soir, Eddie est violemment agressé dans la rue. À tort il désigne Ahmed, coupable idéal, qu’il avait aperçu quelques jours auparavant dans une vidéo d’entreprise. La machine judiciaire se met en marche et la vie devient un enfer pour Ahmed, ce banlieusard qui réussissait. Auprès de sa femme et de son fils, Eddie, lui, essaie de tourner la page grâce à un nouveau boulot. Mais prenant conscience de la gravité de son acte, Eddie tente tout afin de rétablir la vérité. Quitte à tout perdre… Trop rare sur le grand écran, Emmanuel Finkiel est un réalisateur et un scénariste remarquables avec des fictions ou documentaires – entre autres Voyages, 1999 ; Nulle Part Terre Promise, 2008 – pratiquement toujours primés. À nouveau il revient ici sur le thème de l’identité et du rapport à l’autre. Ce drame social a reçu au Festival du film francophone d’Angoulême le prix de la mise en scène. Sources : dossier de presse, nosmeilleursfilms.fr.

Nahid

Iran – 2015 – 1h45, d’Ida Panahandeh, avec Sareh Bayat, Pejman Bazeghi, Navid Mommadzadeh…

J

Sources : dossier de presse

P

Peur de rien

France 2015 2h, de Danielle Arbid, avec Manal Hissa,Vincent Lacoste, Paul Hamy, Bastien Bouillon, Dominique Blanc...

Années 90. Lina, 19 ans, arrive du Liban pour faire ses études à Paris. Un temps accueillie chez une tante, elle est obligée de s’enfuir et se retrouve seule dans Paris. Elle ne connaît personne, mais elle est déterminée car elle vient trouver ce qu’elle n’a pas eu dans son pays, la liberté... Avec Dans les champs de bataille, Un homme perdu ou Beyrouth hôtel, Danielle Arbid a déjà construit une œuvre très prometteuse. Cette plongée dans les années 90 à forte teneur autobiographique n’a rien de

folklorique et sonne très juste. Dans ce récit d’initiation sentimentale et artistique, Lina, de rencontre en rencontre et à travers différentes classes sociales, apprend, ressent, se construit. Lumineux et énergique, le film va constamment de l’avant et nous entraîne dans sa générosité, son enthousiasme et son ouverture aux autres. Il est porté par toute une bande de magnifiques jeunes acteurs et en contrepoint à la découverte de la débutante Manal Hissa, Dominique Blanc joue une prof de fac absolument irrésistible. JF

Préjudice

Belgique, Luxembourg, Pays-Bas – 2016 – 1h45, de Antoine Cuypers, avec Nathalie Baye, Arno Hintjens, Thomas Blanchard…

Lors d’un repas de famille, Caroline annonce qu’elle attend un enfant. Alors que tout le monde semble se réjouir, Cédric, 30 ans, qui vit toujours chez ses parents, ne partage pas l’enthousiasme général. Plein de ressentiment, il se sent victime d’un préjudice dont il va demander réparation. En même temps que les nuages s’amoncellent dans le ciel, le climat général vire au malaise : non-dits, paranoïa, faux-semblants, perversité… La tension ne cesse de monter et le spectateur va devoir prendre position. Cédric est-il autiste, bipolaire, schizophrène ? Et si son problème était celui de cette famille ? De la mère qui masque sous son dévouement la fatigue et l’usure d’une vie rendue difficile par un enfant différent ? De la sœur qui montre son agacement ?... Construit à partir d’un scénario habile et ambigu, remarquablement interprété et mis en scène, Préjudice n’est pas sans rappeler Festen ou l’univers d’Haneke. Sources : dossier de presse

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Les Premiers, les derniers France /Belgique – 2015 – 1h36, de et avec Bouli Lanners, Albert Dupontel…

Cochise et Gilou, deux inséparables chasseurs de prime un peu déjantés, ont été embauchés par un homme puissant et pas vraiment au-dessus de tout soupçon pour retrouver son téléphone portable high tech dont le contenu doit rester secret. Leur quête les mène dans un bout du monde où ils vont croiser la route d’Esther et de Willy, un jeune couple de marginaux paumés qui semblent en danger… Acteur remarquable dont le cinéma français et belge est devenu de plus en plus friand, Bouli Lanners est le réalisateur talentueux de films totalement atypiques qui développent un sens de l’espace absolument magique, Ultranova en 2004, Eldorado en 2008 et enfin Les Géants en 2011. Cette fois-ci, c’est la Beauce qu’il réinvente totalement, cadre hivernal magnifié par sa caméra, pour un western d’une grande noirceur servi par un casting merveilleux : d’abord un couple qu’on n’est pas près d’oublier, Bouli Lanners et Albert Dupontel (méconnaissable et d’une intense sobriété) mais aussi la Québécoise Suzanne Clément, Michael Lonsdale, Serge Riaboukine, Max Von Sydow, et Philippe Rebbot, transfiguré… Un road movie hanté par la mort avec de troublantes scènes religieuses… Un grand film d’aventures, après lequel vous ne verrez plus de la même façon les étendues beauceronnes et le rail de béton de l’aérotrain… DP

S

Sleeping Giant

Canada – 2015 – 1h29, de Andrew Cividino, avec Jackson Martin, Reece Moffett, Nick Serino...

Adam passe ses vacances d’été avec ses parents au bord du Lac Supérieur, entre les États-Unis et le Canada. En pleine adoles-

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cence, il s’ennuie ferme et se lie avec deux cousins, Riley et Nate, d’un milieu social et d’un comportement très différents du sien. À leur suite, Adam découvre l’interdit, entre débauche et sauts du haut des falaises. Mais la révélation d’un secret va mettre à mal leur trio... Au tout début on se dit qu’un film avec un sujet pareil, on va déjà avoir vu ça plein de fois (Stand by me, L’Eté où j’ai grandi, Les Géants, Mud, entre autres), mais très vite, Andrew Cividino apporte sa marque et fait de Sleeping Giant un remarquable premier long métrage. Le réalisateur retranscrit avec une très grande justesse cette période de l’adolescence masculine, cet âge où tout se bouscule, mais il s’éloigne du convenu en situant son film à la frontière entre l’amitié et la manipulation. Sleeping Giant est fascinant, âpre, et le casting qui mêle professionnels et amateurs est incroyablement juste. Une très belle découverte. JF

Snoopy et les Peanuts Voir pages Jeune Public

Spotlight

USA – 2015 – 2h08, de Thomas McCarthy, avec Mark Ruffalo, Michael Keaton, Rachel McAdams

Le film est inspiré de faits réels. Boston, 2001 : le nouveau rédacteur en chef veut relancer le Boston Globe, qu’il trouve ronronnant dans une confortable routine. Une équipe spéciale de journalistes, Spotlight (projecteur), est donc chargée d’enquêter sur un curé accusé d’avoir violé, en 30 ans, des dizaines de jeunes paroissiens. L’enquête durera un an, se heurtant à de nombreux obstacles : s’attaquer à l’Église catholique, surtout à Boston, n’est pas sans

risque. Ce qu’ils vont découvrir fera l’effet d’une bombe. Les critiques s’accordent à souligner une « évidente et indéniable réussite » qui trouve « la distance parfaite entre le film à suspense et le film-dossier, entre le plaisir et la colère, l’entertainment et l’indignation ». Sources : dossier de presse.

Star Wars, Le Réveil de la force

USA – 2015 – 2h16, 2D, 3D de J.J. Abrams, avec Daisy Ridley, John Bodeya, Adam Driver, Harrison Ford, Oscar Isaac, Carrie Fisher...

Nous sommes trente ans après les événements du Retour du Jedi, à nouveau dans une galaxie lointaine, très lointaine... Les amoureux de Star Wars ne vont pas être déçus. C’est comme si J.J. Abrams avait fait un voyage dans le temps car on retrouve la saveur exacte des plus grands épisodes de la saga (ceux d’il y a trente ans, donc). Il en a retrouvé le charme et le mélange parfaitement dosé entre action et humour. Fait très sérieusement mais sans esprit de sérieux, Star Wars est aussi bien plus intelligent que ce que l’on veut bien croire. De nouveaux personnages très réussis entourent les figures célèbres de Han Solo et de Princesse Leia, entre autres. Ils ont pris un coup de vieux (ça se voit moins sur R2-D2 et C-3PO), certes, et ils ont.... mais stop, j’allais trop en dire, car Le Réveil de la force n’est pas avare de très grandes surprises. JF Voir pages Jeune Public

Steve Jobs

USA – 2015 – 2h03, de Danny Boyle, avec M. Fassbender, K. Winslet, S. Rogen...

Nous avons tous une idée plus ou moins précise de qui était Steve Jobs, l’homme aux cols roulés, celui à qui Apple doit probablement son succès, alors qu’il n’est véritablement ni designer ni programmeur... Ce

maniaque du détail et de l’épure, nous le retrouvons ici dans trois moments censément clefs de son histoire, à savoir les coulisses avant qu’il ne monte en scène pour lancer l’un de ses nouveaux produits. On voit bien ici l’idée, habile, qui permet d’éviter tout à la fois le biopic convenu et l’hagiographie pesante. Dans les moments qui précèdent ces apparitions publiques cruciales pour Apple, la caméra va sans cesse traquer Jobs ainsi que les hommes et les femmes qui l’entourent pour s’efforcer de définir une autre vérité de cet ex-hippie devenu millionnaire et parfois considéré comme un prophète de la high-tech. Les prestations de M. Fassbender et K. Winslet y sont annoncées comme exceptionnelles, ce qui n’a rien d’étonnant, somme toute... Sources : imdb.com, abusdecine.com

Tempête

France – 2016 – 1h29, de Samuel Collardey, avec Dominique Leborne, Matteo Leborne, Maylis Leborne

T

Dans la chaleur épaisse d’un bar s’élèvent de puissants, d’exaltants chants de marins. Ainsi commence cette « histoire simple et sublime » de pêcheur en haute mer. Dom a 36 ans, un garçon et une fille adolescents dont il ne peut, du fait de son peu de présence à terre, s’occuper autant qu’il voudrait. Son rêve serait de s’établir à son compte avec Matteo, son fils, mais problème : sa fille Maylis se retrouve enceinte. Voici venue l’heure des choix… Joué par les véritables protagonistes, animé d’un réel souci documentaire mais adapté aux nécessités dramaturgiques d’un long métrage de fiction (scénarisation, choix du 35 mm et du scope, musique), Tempête s’attache autant à des destinées individuelles qu’à des problématiques morales et sociales universelles. Il nous dépeint avec conviction

Les CARNETS du STUDIO n°342 – Février 2016 –

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et sans la moindre grandiloquence « un univers profondément humain ». Sources : dossier de presse

La Terre et l’ombre

2016 – Colombie, France, Pays-Bas, Brésil, Chili – 1h37, de Cesar Augusto Acevedo avec Haimer Leal, Hilda Ruiz…

Alfonso, vieux paysan, est de retour au pays 17 ans après avoir abandonné sa famille, pour se porter au chevet de son fils malade. Il y retrouve aussi celle qui fut sa femme, sa belle-fille, son petit fils qui tentent de survivre dans un paysage devenu apocalyptique. La maison est cernée par d’immenses plantations de cannes à sucre dont l’exploitation provoque une pluie de cendres continue. Faut-il partir et tenter de recommencer à zéro ou continuer à se battre ? Le récit ordonné en une suite de tableaux magnifiquement composés se déroule sur fond de paysages affligés dans la vallée du Cauca aux pieds des Andes, dont le réalisateur est originaire. Ce premier film « d’un esthète colombien surdoué » a obtenu la Caméra d’or à Cannes.

sent jamais indifférents. Après des films choraux et doloristes, il avait surpris en présentant Birdman, comédie virtuose et excessive qui lui avait valu deux Oscars ; il revient avec un film coup de poing, sans doute son plus ambitieux. Réinventant le western, avec un scénario minimal, il mêle le survival et le revenge movie pour un film violent où la nature sauvage, splendide et dangereuse, est un personnage à part entière. Filmé par Emmanuel Lubezki, le directeur de la photo de Terrence Malick, chaque instant est une merveille. Fantôme increvable, Leonardo DiCaprio impressionne (et semble enfin en ligne pour un Oscar). En parallèle avec la vengeance d’un homme, Iñarritu raconte aussi le désir de vengeance des Indiens, trahis, volés, unissant une quête personnelle au plaidoyer d’un peuple. « The revenant est un film qui se mérite, sans doute le plus puissant et le plus courageux de l’année. Le plus éprouvant aussi. »

journée à tuer il se promène. Visitant un vieux palais restauré, il fait la connaissance d’une artiste locale, Yoon Heejong, qui l’amène dans son atelier pour lui montrer ses tableaux. Ils dînent ensemble, puis boivent avec des amies de la jeune femme. Leurs liens se resserrent mais le jeune homme est bien obligé à un moment d’avouer qu’il est marié… On retrouve les thèmes chers à Sang-soo Hong : la rencontre, la difficulté à communiquer, les bars, l’ivresse. Porté par deux acteurs exceptionnels, le film est « un jeu vertigineux » à la fois très doux et poignant,

trouvant « un équilibre magique entre l’amertume et la vie ». Il a été couronné par le Léopard d’or au festival de Locarno. Sources : dossier de presse.

Les Voyages de Gulliver Voir page 5

Wallace et Gromit, le mystère du lapin-garou Voir pages Jeune Public

V W

com ine. c o i stud

Sources : filmdeculte.com – ledevoir.com

Filmographie : Amours chiennes (00), 21 grammes (03), Babel (06), Biutiful (10), Birdman (14)

Sources : dossier de presse

The Revenant USA – 2016 – 2h31, de Alejandro González Iñarritu,

Tout en haut du monde Voir pages Jeune Public

Lundi 8 février – 19h30

avec Leonardo Di Caprio, Tom Hardy…

Dans l’ouest sauvage des années 1820, le trappeur Hugh Glass est attaqué par un ours et grièvement blessé. Laissé pour mort, il est abandonné par ses équipiers. Mais, refusant de mourir, seul, armé de sa volonté de retrouver la femme qu’il aime et de se venger de l’homme qui l’a trahi, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un milieu hostile… En seulement 6 films, le réalisateur mexicain Alejandro González Iñarritu a créé une œuvre majeure avec des films qui ne lais-

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– Les CARNETS du STUDIO

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Le Trésor

Cycle Nouvelles vagues et Avant-garde Lundi 22 février – 19h30

Horizons perdus

Placido

de Frank Capra (1937) Noir et blanc 1h58

de Luis Garcia Berlanga (1961) Espagne Noir et blanc 1h27

Lundi 15 février – 19h30

Lundi 29 février – 19h30

Film du mois, voir au dos des Carnets

Un Corée jour avec, un jour sans du Sud – 2015 – 2h01, de Sang-soo Hong, avec Jae-yeong Jeong, Kim Min-Hee

Par erreur, le cinéaste Ham Cheonsoo se retrouve, avec un jour d’avance, à Suwon, où il a été invité à participer à une projection-débat d’une de ses œuvres. Ayant une

U

Mr Smith au Sénat de Frank Capra (1939) Noir et blanc 2h05,

Le Prix d’un homme

avec James Stewart et Jean Arthur

de Lindsay Anderson (1963) GB Noir et blanc 2h14

Programme détaillé dans le dépliant disponible à l'accueil et sur www.cinematheque.tours.fr

Les CARNETS du STUDIO n°342 – Février 2016 –

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FILM DU MOIS

Le Trésor Roumanie – 2015 – 1h29, de Corneliu Porumboiu, avec Toma Cuzin, Adrian Purcarescu, Corneliu Cozmei...

C

osti le connaît à peine mais, un soir, Adrian, son voisin, vient le voir pour lui demander de l’aide. Très endetté, il a besoin de 800 euros, somme que Costi n’a pas. Mais Adrian ne se décourage pas et évoque alors un trésor considérable que son grand-père aurait enfoui, à la veille de la prise de pouvoir communiste, dans le jardin de sa maison à la campagne. Il lui propose d’aller le déterrer et de partager les bénéfices en échange de l’avance des frais de voyage et de location du détecteur de métaux. Costi se laisse séduire. Il faut dire que, modeste comptable, Costi a un fils de cinq ans pour qui il est un véritable héros et auquel il lit tous les soirs Les Aventures de Robin des bois. En acceptant la proposition d’Adrian, il espère, bien évidemment, le pactole, mais peut-être aussi briller aux yeux de son fils... Si les héros du Trésor étaient français on les surnommerait Croquignol, Ribouldingue et Filochard, les noms des Pieds nickelés auxquels ils font immanquablement penser. Car le film est drôle, d’un humour à froid cocasse où dominent les dialogues absurdes, même si ici les situa-

tions ne le sont pas moins. On suit ces antihéros, embarqués dans ces drôles de péripéties, en se disant qu’ils sont crédules, qu’ils croient encore aux contes de fées, mais croire aux contes de fées n’estce pas aussi croire au cinéma ? Sans jamais être professorale, la grande intelligence du réalisateur, c’est de mêler une réelle aventure (qui n’a jamais joué à la chasse au trésor ?) et de parler en même temps de son pays. Car, en creusant dans le jardin du grand-père, ce sont plusieurs strates de l’histoire contemporaine de la Roumanie qui vont resurgir. Tout aussi rigoureux que libre, sérieux qu’amusant, Le Trésor a vraiment de la classe. Le cinéma de Cornéliu Porumboiu n’est pas une découverte, on avait déjà énormément apprécié 12h08 à l’est de Bucarest ou Policier adjectif, entre autres. Mais là, son univers se fait moins théorique ; toujours subtil, ludique, mais également, désormais, euphorisant, émouvant. Car si Le Trésor débute comme un drame social, il prend peu à peu les chemins de la fantaisie pour aboutir à un épilogue absolument merveilleux, qu’il est hors de question de révéler et dont il convient de garder la surprise. JF

LES CARNETS DU STUDIO – n° 342 – Février 2016 – 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - CPPAP n°0219 K 84305

www.studiocine.com – 08 92 68 37 01


USA – 1939 – 1h25, film d’animation en version restaurée de Dave Fleischer.

Voir page 5

À partir de 3 ans

Tout public à partir de 6 ans

VF

Explorant les bois ou la ville, six renards partent en quête de Divers pays – 2015 – 39 mn, nourriture, d’amis et six courts métrages d’animation. d’aventures. Un programme pour les plus jeunes, autour de l’animal le plus rusé et malicieux : Monsieur Renard !

Tout public à partir de 8 ans

Pendant les vacances, nous distribuerons à nos jeunes spectateurs un joli « Carnet de voyage pour accompagner Sacha », histoire de prolonger agréablement cette belle aventure commencée au cinéma ! Tout public à partir de 5 ans

USA – 2015 – 1h28, film d’animation de Steve Martino.

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Lettonie – 2016 – 45 min, courts métrages d’animation de Janis Cimermanis, Maris Brinkmanis et Evalds Lacis.

À partir de 4 ans

Quatre petits films humoristiques sur la nature et plus particulièrement sur la cohabitation, parfois difficile, entre humains et animaux.

Des petites leçons de vie astucieusement pensées et réalisées pour être comprises par les plus jeunes.

Mercredi 10, après la séance de 16h15 nous proposons aux enfants de découvrir les vraies marionnettes du film qui s’animeront devant eux ! Tout public à partir de 7 ans

Samedi 27 février 14h15

France – 2015 – 1h39, de Christian Duguay.

L’aventure continue pour Sébastien et sa fidèle chienne Belle, à la recherche de leur amie Angelina…

France – 2016 – 1h20, film d’animation de Rémi Chayé.

1882, Saint-Pétersbourg... Sacha, jeune fille de l’aristocratie russe, décide de partir vers le Grand Nord pour retrouver le navire de son grand-père, explorateur renommé qui n’est jamais revenu de sa dernière expédition.

JEUNE PUBLIC

JEUNE PUBLIC

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Charlie Brown est amoureux ! Il va tout faire pour impressionner la jeune fille rousse qui vient d’arriver dans sa classe. Poursuivi par son éternelle malchance, il pourra compter sur l’aide de Snoopy, son chien à l’imagination débordante. Adaptation de la bande dessinée de Charles M. Schulz, par les créateurs de L’Âge de Glace et de Rio.

Action, émotion et beauté des paysages, tout pour séduire grands et petits. Tout public à partir de 5 ans

GB – 2005 – 1h25, film d’animation de Nick Park et Steve Box.

Panique dans la ville : les légumes disparaissent des potagers ! Notre duo héroïque se lance à la recherche d’une créature monstrueuse…

Humour, gags, un moment de détente à savourer !

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Bande annonce

Ici… ` LA RELÈVE Si deux films, Les Combattants en 2014 et Ni le ciel, Ni la terre en 2015, ont définitivement fait perdre un plombier-chauffagiste au BTP, ils ont en revanche permis la révélation dune excellente recrue pour le septième art : Kevin Azaïs ! 2016 va nous permettre de le retrouver dans Compte tes blessures de Morgan Simon. Il y interprétera Vincent, un jeune homme à la dérive, ne trouvant du sens à sa vie que dans son groupe de post-hardcore et en couvrant son corps de tatouages ! Le réalisateur définit son film comme « une course vitale vers le monde adulte, dans une société d’hommes perdus… ». Gageons que le comédien offrira de nouveau une interprétation à la fois fraîche et intense ! ` ASSOCIATION DE « …FAUTEURS »* Depuis Peut-être de Cédric Klapisch en 1999, aucun réalisateur n’avait reformé le duo pourtant réjouissant : Jean-Pierre Bacri-Olivier Gourmet. C’est désormais chose faite, grâce à Gérard Pautonnier et son Les Affaires reprennent, une adaptation du roman de Joël Egloff, Edmond Ganglion et Fils. Olivier Gourmet y interprétera le patron d’une entreprise de pompes funèbres qui va devoir gérer les dérapages involontaires de son bras droit, Bacri, et de leur jeune apprenti, Arthur Dupont, lors du transport d’un corps. Et la chose, bien sûr, ne va pas être simple. (* de troubles indéniablement) ` MONUMENTS En 1981, Truffaut en faisait un des couples mythiques des amours impossibles avec La Femme d'à côté. Depuis lors, chacun de leurs projets communs nous procure une émotion particulière. Leurs prochaines retrouvailles seront une nouvelle occasion pour Fanny Ardant, après Cadences obstinées en 2013, de diriger Gérard Depardieu. Il incarnera, pour elle, un de ces personnages historiques, plus grands que nature, dont il a le secret : Staline en l’occurrence ! Le film sera une adaptation du roman Le Divan de Staline, dont l'action se situe dans les années 50, quand un jeune artiste est missionné par Le Petit Père des peuples pour l'édification d'un monument.

et ailleurs…

` CHIEN FIDÈLE C'est finalement avec un film animé (son second après Fantastic Mr. Fox) que nous nous replongerons avec délectation dans l'univers singulier de Wes Anderson. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, le réalisateur a choisi de retrouver le « patriarche » de son cinéma, avec huit collaborations sur neuf longs métrages : Bill Murray, qui, notons-le, peut déployer tout son génie dans le petit théâtre andersonien. Dans The Playlist, il devrait interpréter un rôle inédit dans sa filmographie : un chien, et même un chien « d'inspiration japonaise », préciset-il ! Voilà qui est fort intrigant… IG

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– Les CARNETS du STUDIO

n°342 – Février 2016

Les Droits de l’Enfant en France et dans le Monde. Où en est-on vingt ans après la Convention internationale des Droits de l’enfant ?

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eux cents ans après la Déclaration des Droits de l’Homme, l’enfant est reconnu et protégé par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) ratifiée par la France en 1989. Cependant, cette convention est loin d’être respectée. Selon le rapport de novembre 2015 du COFRADE (Conseil Français des Associations pour les Droits de l’Enfant), en France, 44% des adultes et 62% des enfants ne savent même pas qu’elle existe. La France est classée au 30e rang mondial quant au respect de la CIDE (un enfant sur 5 vit sous le seuil de pauvreté et on dénombre 30 000 enfants SDF). Dans le monde aujourd’hui, nombre d’enfants subissent l’exploitation par le travail et la guerre. 30% des enfants de moins de 5 ans décèdent encore de malnutrition. 57 millions d’enfants sont toujours privés du droit d’aller à l’école, dont une majorité de petites filles, d’après le rapport 2014 de l’Unicef. Dans le monde, les conflits armés et la pauvreté freinent le respect

de la CIDE. Certains pays réussissent à donner une place à l’enfant et ses droits dans leur société alors que dans d’autres la condition de l’enfant se dégrade. Diverses initiatives nationales et internationales portées par des associations et organismes contribuent à promouvoir et défendre les Droits de l’Enfant. Pour sa part, le Secours Populaire, en 1945, a eu pour première mission d’envoyer les enfants de familles de déportés en vacances. Suite à la CIDE ratifiée en 1989, le SPF crée le mouvement d’enfants « Copain Du Monde » en 1992 (enfants auteurs et acteurs de solidarité). Depuis 2011 la phrase « les droits de l’enfant grandissent les hommes » est devenue slogan national. Ce mouvement « Copain Du Monde » est une des réponses mises en œuvre par le SPF quant au respect de la CIDE. Johnny Gaulupeau pour le Secours populaire d’Indre et Loire

NOUS EN REPARLERONS PROCHAINEMENT… Les CARNETS du STUDIO n°342 – Février 2016 –

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Face à face Taj Mahal

Rencontre avec Nicolas Thévenin Abouna de Mahamat-Saleh Haroun Partenariat Cinémathèque/Studio – Mardi 16 novembre 2015

L’art de ne pas montrer L’hommage de la Cinémathèque à MahamatSaleh Haroun nous a permis de rencontrer Nicolas Thévenin, rédacteur en chef de la revue Répliques et grand connaisseur du cinéaste, malheureusement empêché ce soir-là.

Nicolas Thévenin aux Studio © André Weill

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ilm fortement autobiographique, Abouna aborde à peu près tous les thèmes qui parcourent et nourrissent tant ses courts que ses longs métrages : le père et l’absence du père, l’enfance, le pardon, dans une démarche à la fois fictionnelle et documentaire redevable à sa double vocation d’artiste et de journaliste.

Mahamat-Saleh Haroun se donne pour mission de donner une résonance universelle aux aspects folkloriques d’histoires enracinées dans des paysages, des traditions, une culture nécessairement exotiques pour un public occidental. Il n’hésite pas pour cela à sacrifier parfois la réalité documentaire, la plausibilité du récit, à la présentation d’invariants humains. Ainsi Tahir, âgé de quinze ans, tombe-t-il amoureux et épouse-t-il une « vieille » (sic) de vingt ans, ce qui est tout à fait contraire aux us constatés et à la vraisemblance. Cette incongruité est en revanche significative d’un sentiment transcendant plus fort que les conventions. Autre exemple : l’école coranique dans laquelle les deux frères, Tahir et Amine, sont envoyés par leur mère, délaisse la vérité sociologique ou politico-religieuse au profit des relations complexes qui s’établissent entre les enfants qui y sont recueillis.

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Ce que recherche avant tout Mahamat-Saleh Haroun n’est pas la vérité d’une culture ou d’une société, mais la vérité du regard. De là quelques entorses au réalisme dans un film qui prend peu à peu l’allure d’un conte qui, comme tous les contes, entremêle comédie et drame, sourire et cruauté : Amine, le plus jeune des deux frères, réclame tous les soirs qu’on lui lise Le petit Prince parce que cette lecture réussit toujours à l’endormir avant la fin. En même temps ce garçon espiègle et joueur est fragile, malade. Il n’échappera pas à une mort prématurée. Nous avons là un des principes fondamentaux qui président aux choix de mise en scène : la récurrence des contrastes et des contrepoints. On constate non seulement l’alternance du drame et de la comédie, mais aussi du mouvement (courses, travellings, panoramiques) et de l’immobilité (plans fixes, regardscaméra), du jour et de la nuit, des ombres et de la lumière, des espaces urbains et des espaces ruraux, de l’amitié et du conflit etc. Au final Abouna, comme tous les autres films de Mahamat-Saleh Haroun, se présente comme un récit initiatique posant l’universelle question : comment se construit la vie d’un homme ? AW

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e blockbuster américain bas de plafond multiplie bagarres, coursespoursuites et explosions plein écran, sono poussée au maximum, afin de saturer les sens et le champ de conscience du spectateur. Le but est de le clouer sur son siège, de le sidérer au point d’annihiler toute pensée, tout quant-à-soi, toute forme de distanciation intellectuelle voire, horreur des horreurs, critique. Faire, comme pour le dernier James Bond, du nombre d’Aston Martin explosées un argument publicitaire censé appâter le chaland est très significatif de cette conception bateleuse du spectacle cinématographique. Tout à l’inverse Le Fils de Saül nous a donné l’exemple d’un film extraordinairement fort en ne montrant explicitement à peu près rien. Le spectateur est supposé avoir un cerveau, une pensée, de l’imagination, et c’est à lui de rendre intelligibles et sensibles les signes bruts de l’abomination, en mettant en branle ses propres capacités de pensée, d’empathie, d’émotion. La chiffe assommée par une bandeson assourdissante et un déluge d’effets spéciaux (spécieux ?) cède la place à un spectateur actif qui co-construit le film en l’interprétant, en le vivant au lieu de le subir.

Taj Mahal est un exemple parfait de cette confiance accordée aux capacités intellectuelles et affectives du spectateur, de cette démarche qu’on peut bien qualifier d’« artistique », par opposition au cinéma dit « commercial ». Le film se focalise sur Louise, 18 ans, venue à Bombay avec ses parents. Cette focalisation reste externe car le parti pris n’est nullement celui de la caméra subjective qui se substituerait au regard de Louise, épouserait son champ de vision et s’y limiterait. Nous ne percevons pas à travers ses yeux, au contraire la caméra la cerne, nous la voyons de l’extérieur, paradoxalement traquée dans un lieu clos qui la tient prisonnière. La force dramatique du procédé est décuplée du fait justement que tout se passe ailleurs, que le champ de l’action proprement dite déborde bien au-delà de l’écran, dans un extérieur inaccessible et d’autant plus effrayant qu’on ne le voit pas : explosions, cris, courses dans les couloirs, mitraillages. Louise, et à travers elle le spectateur, n’a aucune prise sur les événements, elle n’est plus que vulnérabilité, angoisse. Entendons-nous bien : on est là aux antipodes du film-catastrophe des années 70,

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Face à face Taj Mahal

style la Tour infernale de John Guillermin, même si la base scénaristique est la même : des personnages en danger de mort coincés dans un immeuble en flammes. On est très loin également d’une mode plus actuelle, celle du survival ou film de survivant dans un milieu hostile, Mars, jungle ou île déserte. Taj Mahal s’en distingue radicalement par une conception et un traitement qui excluent le recours à la surenchère et à l’épate. Il est au contraire, on l’aura compris, un film exemplaire qui montre bien le pouvoir du cinéma — et de l’art en général — d’inventer ce qui sera le plus à même de nous faire accéder à un degré supérieur de vérité, de profondeur, d’émotion. Reléguer toute la dimension dramatique dans le hors-champ et la bande-son relève d’un pari esthétique ambitieux mais réussi, qui démultiplie paradoxalement la force du propos. Là où le choix du spectaculaire impose des affects prédigérés et grossièrement assénés, les artifices assumés de la fiction intelligente suscitent une véritable dynamique intellectuelle et

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émotionnelle. Maupassant l’affirmait déjà : le véritable artiste est un « illusionniste » qui donne au lecteur — ou ici au spectateur — les éléments lui permettant de construire sa propre perception d’un personnage, d’une situation, d’un univers, fussent-ils d’essence imaginaire (conte, science-fiction… Et lorsqu’à la fin nous voyons des images d’archives de l’attentat de 2008, c’est sur des écrans de télévision, elles-mêmes devenues spectacle, images certes brutes, violentes mais déréalisées, moins justes, moins fortes que celles que nous avons pu créer en nous en tant que spectateurs actifs. Quelques gros plans expressifs sur les mains de Louise, ses pieds, son visage, avaient au moins autant d’impact que les images réelles de l’attentat. Ultime détail qui montre bien la supériorité dramatique de la suggestion sur l’exhibition : au plus fort de la désespérance, Louise enregistre hors champ sur son smartphone un message, qu’on devine bouleversant, à destination de ses parents. À la fin son père l’écoute, on voit son visage se décomposer mais nous ne connaîtrons jamais la teneur de ce message, recouvert par une musique qui laisse le spectateur libre d’imaginer… ou pas. Avec des nouveaux venus comme Thomas Cailley, David Perrault, Clément Cogitore ou Nicolas Saada — pour ne prendre que quelques exemples — le jeune cinéma français est décidément très riche en personnalités fortes et prometteuses. AW

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our manipuler le spectateur, le cinéma dispose de deux axes essentiels : la temporalité et la représentation de l’espace, les deux se trouvant souvent étroitement mêlés. Il peut jouer du temps en multipliant les ellipses, les retours en arrière ou bien encore la simultanéité entre les scènes. On voit ici, déjà, les nécessaires interférences entre espace et temps : si une scène A et une scène B nous sont montrées successivement alors qu’elles sont censées se dérouler en même temps, cela implique aussi un aller-retour entre deux lieux. Dans Time code, Mike Figgis avait tenté (et réussi) le pari de montrer 4 plans séquences durant chacun l’intégralité du film : l’écran était partagé en 4, chaque quartier nous offrant une histoire distincte, et chacune de ces histoires convergeant vers un même lieu de Los Angeles. Mais il s’agit là d’un exercice de style assez extrême et unique en son genre. Bien sûr, une même scène peut être filmée sous des angles différents, qui sont ensuite raccordés pour donner (par exemple) plus de fluidité à la scène en question. Toutes ces techniques contribuent notamment à fabriquer la distance ou la proximité qui s’établira entre le spectateur et tel ou tel personnage et, ce faisant, à lui permettre (ou non!) d’adopter tel ou tel point de vue. On voit ici que ce qui apparaît comme assez technique dans sa description joue de fait un rôle éminemment « psychologique » dans la perception que nous construisons des personnages et de leurs histoires. Dans les films dits « d’action », ces mêmes ressorts sont évidemment cruciaux pour maintenir du suspense : selon que la caméra alternera entre flics et voyous ou restera plutôt avec les uns ou plutôt avec les

autres, notre perception des enjeux différera. Il est assez « classique » dans ce genre de films (ou dans les films « catastrophe ») d’alterner entre l’intérieur et l’extérieur (par exemple : les otages et leur famille ou les forces de police, le bâtiment en flammes et les commentaires plus ou moins explicatifs des pompiers...). Aussi, on comprendra ma légitime excitation lorsque, dans Taj Mahal, la caméra semble s’enfermer avec une jeune femme, seule, qui se terre dans une chambre d’hôtel au cœur d’une prise d’otages avec force fusillades et explosions, toujours à l’extérieur de la chambre... Au bout de quelques minutes, je me suis dit « ah, là, c’est très culotté, il reste plus d’une heure de film et il semblerait bien que le metteur en scène ait fait le pari ultra culotté de nous servir un film à suspense, sans jamais nous montrer d’action et en nous confinant avec un et un seul personnage... ». Las, le pari est tenu... mais pour quelques longues minutes seulement et l’on finit par repasser à l’alternance entre dedans et dehors, victime et sa famille... Tout ceci ne retire bien sûr rien aux nombreux mérites de ce film assez audacieux et très bien réalisé (et qui, notamment, ne cède jamais aux facilités coûteuses des feux d’artifice, pétarades et autres explosions qui divertissent le spectateur dans tant d’autres films moins imaginatifs) et tout cela est fort bien décrit par AW (voir p. 19-20) dans son article L’Art de ne pas montrer. Tout ceci est donc vrai, il n’empêche que je m’en veux d’avoir cru quelques minutes être en face d’un film qui aurait vraiment osé aller loin dans le contre-pied de nos habitudes cinéphiliques... ER

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Les rédacteurs ont vu :

Béliers de Grímur Hákonarson

Les paysages et les tempêtes de neige sont joliment photogéniques, les deux frères impeccablement hirsutes et mal embouchés (mais avec, comme il se doit, un cœur gros comme ça), les ovins logiquement moutonniers. Mais 92 minutes de bisbilles domestiques au ras des biquettes, c’est très long. C’est très, très long. AW L’affiche donne l’impression que l’on va avoir droit à une comédie qui pourrait frôler le loufoque... il faut en conclure que les publicitaires n’ont pas de morale ou que les Islandais ont un sens du loufoque assez particulier... Le rire, quand il survient, arrive presque en contrebande, comme une sorte de valeur ajoutée à cette histoire de frères brouillés,

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ou un petit édulcorant qui permet de faire passer l’amertume... ER On pouvait s’attendre à un genre de comédie rurale mais, sous le ciel bas et lourd de cette vallée perdue, rien n’est réellement drôle. Heureusement qu’arrive le blizzard, comme toujours, pour mettre un peu de chair dans ce fraternel désamour. DP Les relations entre Gummi et Kiddi semblent être à l'aune des paysages islandais : âpres ! Mais la majestuosité des lieux réserve une scène finale d'une tendresse fraternelle bouleversante dans un (ultime ?) rapproché peau à peau presque originel. Un film intelligent et profondément touchant. RS

Maintenir le spectateur en haleine avec une histoire de frères ennemis, sur fond d’élevage ovin au pays de la glace, voilà qui ne relève pas de l’évidence ! Pourtant c’est ce le tour de force qu’accomplit, haut la main, Grimur Hákonarson : il parvient même à déclencher le rire, l’émotion, l’empathie et de l’inquiétude quant au sort de ses rugueux Abel et Caïn et de leur cheptel. Avec une économie de moyens, de paroles et d’explications, le réalisateur nous confronte aux grandeurs et misères de la destinée humaine. Une bien belle surprise, indéniablement ! IG Nous voici plongés dans l’Islande profonde, là où deux frères et voisins ne s’entendent plus. N’est ce pas un pro-

blème universel que cette fâcherie dans une famille ? Ce qui en fait le piment, ce sont les attitudes très bizarres, rugueuses, qui s’adoucissent au fil du temps et sont inscrites dans un paysage absolument grandiose. Et quelle magnifique surprise que le plan final ! MS D’un départ un peu convenu (la comédie à l’humour nordique et décalé), le film ne cesse de surprendre et d’évoluer. Jusqu’à sa fin, une épopée dans le blizzard de toute beauté. Les deux frères quasi jumeaux y retrouvent, symboliquement, le ventre maternel et ainsi leur complicité et leur entente. Paradoxalement, c’est la mort qui leur permet d’accomplir ce qu’ils n’avaient réussi à faire lors de leur vie. JF

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Rencontre avec Bouli Lanners Les Premiers, les derniers Partenariat avec Ciclic - Mercredi 6 janvier 2016

David Murgia et Bouli Lanners aux Studio © Nicole Joulin

L’année a remarquablement bien démarré puisque la première rencontre organisée aux Studio fut celle de Bouli Lanners venu présenter son quatrième film : Les Premiers, les derniers. Bouli Lanners aurait dû être présent à Tours lors des rencontres du Cinéma mi-novembre, mais s’était retrouvé bloqué chez lui, à Liège, dans une Belgique totalement paralysée par crainte d’attentats... et la rencontre s’était faite par écran interposé via Skype. Ce 6 janvier, donc, la salle était pleine pour, enfin, pouvoir échanger en direct avec ce cinéaste qui manie aussi bien l’ironie que l’humour et la tendresse.

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outenu par Ciclic, le film a été tourné en grande partie en région Centre et la première question porte sur le choix des lieux de tournage. Quiconque a vu le film comprend d’ailleurs immédiatement la raison d’une telle question tant certains décors et paysages y jouent un rôle crucial.

Pour B. Lanners, tout commence par une coïncidence : de retour de Toulouse en train, un soir, il aperçoit le rail de béton de l’aérotrain (qui part de Saran, au nord d’Orléans). Le cinéaste et peintre de paysages qu’il est en prend aussitôt note et, dès son arrivée, fait des recherches, puis revient sur les lieux. « C’est vrai que, a priori, la Beauce, il faut tomber en panne de voiture pour s’y arrêter, mais là, vraiment, moi qui avais envie d’un film cré-

pusculaire, un film où il serait question des peurs de fin du monde qui traversent notre société, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose de ce décor. » Les trois années suivantes seront donc passées entre Belgique et Beauce, à arpenter les lieux en même temps que le scénario s’écrit. Plus tard B. Lanners nous dira même que la France a conservé des côtés assez déglingués (« patinés », dit-il...), alors qu’en Belgique on a l’impression que tout est refait à neuf tous les deux ans... « et en plus, quand on film en scope (en format très large), on ne peut pas faire de panoramique : dès qu’on tourne la caméra, on tombe sur des trucs neufs et moches... » Tout comme l’utilisation des décors et des paysages est frappante, les choix faits

pour les visages des personnages semblent aussi jouer un rôle crucial... En riant, B. Lanners répond qu’il n’a pas voulu faire un documentaire sur la Beauce, il tenait avant tout à un film sur des histoires humaines et, en face de ces paysages d’une grande puissance, il fallait aussi des visages d’hommes et de femmes qui fassent le poids : « je n’ai pas fait un film sociétal non plus, rien n’est dit sur le milieu d’où sont issus les personnages, on ne sait rien ou presque de leur histoire personnelle, il fallait donc des gueules marquées, qui sont les seules informations dont on dispose pour se fabriquer une biographie des personnages. » Et puis, il y a aussi ce casting de rêve,où tout le monde a dit « oui » tout de suite... tout de même : Albet Dupontel, Max von Sydow, Michael Lonsdale du côté des célébrités, mais aussi Philippe Rebbot (voir page 27 dans ce même Carnets), Suzanne Clément ou Serge Riaboukine pour ceux un peu moins célèbres... donc, forcément, des visages qui s’imposent (même si convaincre Dupontel de porter une barbe n’a pas été facile « Mais ça lui va bien je trouve, faudrait que quelqu’un le lui dise ! »)

Côté « visage mémorable » l’acteur David Murgia (qui interprète un jeune SDF légèrement attardé) a aussi fait le déplacement et, lorsqu’on lui demande comment on réagit quand on vous fait lire un scénario comme cela, comment on s’imagine incarner un personnage aussi atypique, il répond qu’il a envisagé le couple qu’il forme à l’écran avec « Esther » sa compagne comme l’une des facettes de ce grand paysage de fin du monde qu’est la Beauce filmée par B. Lanners. Mais ces deux SDF, aussi simples d’esprit soientils, ont UN objectif clair, une ligne directrice qui les guide (réussir à retrouver la fille que les services sociaux ont retirée à Esther) et il est hors de question qu’ils en dévient, ce qui les distingue quelque peu des autres personnages du film, dont les motivations ne sont jamais vraiment très explicites... Se pose aussi forcément la question du choix du « sujet » du film, à la fois sombre et porteur d’un certain optimisme... Cela faisait déjà longtemps que B. Lanners avait envie de faire « quelque chose avec cette obsession contemporaine de la fin du monde, cette question récurrente de

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savoir si les hommes actuellement sur Terre ne seraient pas les derniers des hommes. Le couple Esther/Willy est habité par cela, cette idée qu’il faut retrouver la fille d’Esther et lui offrir un cadeau avant la fin du monde, mais l’histoire touche de près son auteur aussi, opéré du cœur pendant la préparation du film (il souffre du même mal que le personnage qu’il interprète), tout en a été repoussé de plusieurs mois et, forcément, s’est aussi posée pour lui la question du temps qui reste et de ce qu’on en fait... L’idée que les hommes actuellement sur Terre puissent être les derniers fait évidemment surgir la question du titre du film : Les Premiers les derniers »... Il y a

bien sûr la citation biblique (« Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers... »), mais, même si B. Lanners est croyant (« Attention, je crois surtout en l’homme, mais je suis pour le droit à l’avortement, le mariage homosexuel etc... » dit-il très vite sur le ton de la plaisanterie.) ce qui importe ici pour lui c’est un certain sens de la précarité de l’existence humaine... on pourrait imaginer que ces petites cellules (Esther et Willy d’un côté, Cochise et Gilou les deux chasseurs de primes de l’autre) fonctionnent presque comme les premiers hommes, comme au néolithique, même s’ils sont peut-être les derniers de l’espèce humaine. Quoi qu’il en soit, ils sont formidablement humains et c’est justement ce qui transpire de ce film (ce grand film, serais-je tenté de dire) : l’idée que l’humain peut persévérer même dans les circonstances les plus défavorables... C’est d’ailleurs aussi de cela qu’il est question lorsque Gilou tient absolument à assurer une sépulture à ce cadavre momifié qu’il découvre dans un entrepôt : refuser sa sépulture à un mort c’est la démission ultime, la nécessité d’assurer une sépulture aux morts c’est ce qui fait qu’on reste ER humain...1 1

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À ce sujet voir aussi l’article À demain, pages 28

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u’est-ce qui fait qu’un acteur est, soudainement, présent sur tous les écrans ? Que son visage, son corps, sa voix, provoquent, chez les réalisateurs, l’envie de les filmer ? D’en faire l’un des matériaux d’un récit ? Quand on voit les jolies jeunes actrices qui défilent sur nos écrans, on comprend aisément le désir amoureux qui aimante les caméras et les yeux des réalisateurs… mais comment expliquer les 22 long-métrages auxquels a participé Philippe Rebbot ces trois dernières années ? Son air déjanté, lunaire, joyeux, son visage à la fois

Rendez-vous du cinéma en région Centre Val de Loire organisés par l’Association des Cinémas du Centre au mois de novembre, il était dans pas moins de trois des sept films français projetés : le colocataire artiste de rue hilarant de Rosalie Blum de Julien Rappeneau, l’un des bénévoles des Chevaliers blancs de Joachim Lafosse et enfin dans Les Premiers, les derniers de Bouli Lanners, il incarne rien moins que le Christ… un Christ pauvre et démuni, clochard errant sur les routes hivernales de la Beauce et essayant de faire le bien autour

un peu extraterrestre et absolument ordinaire ? Même quand il ne fait qu’une apparition, ses personnages marquent : Nanar, le voisin violent de Mon âme par toi guérie de François Dupeyron, le frère de Bouli Lanners dans Lulu femme nue de Solveig Anspach, Guy l’homme à tout faire d’Hippocrate de Thomas Litli, le grand frère exubérant d’Une famille à louer de Jean-Pierre Améris, l’amoureux d’Isabelle Carré dans Les Chaises musicales de Marie Belhomme, un des ouvriers sympathiques des 21 nuits avec Pattie des frères Larrieu… Lors des

de lui. (Le prologue d’Eldorado, le deuxième film de Lanners, montrait déjà un autre clochard céleste coiffé d’un bandana qui affirmait en flamand : « Je suis le Christ. Le Messie. Mais je ne suis pas venu pour me faire crucifier une deuxième fois. ») Peutêtre parce qu’il n’a pas ses lunettes, parce que son personnage est d’une gravité inhabituelle, Philippe Rebbot impressionne… notamment dans la scène iconoclaste où la lumière traverse sa main trouée par une balle perdue, stigmate inattendu de ce formidable western beauceron. DP

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Interférences Le Fils de Saül Les Premiers, les derniers Mia Madre

in a m e d À

Souvent je pense qu’ils sont seulement partis se promener, Bientôt ils seront de retour à la maison. C’est une belle journée, ô n’aie pas peur, Ils ne font qu’une longue promenade. […] Ils sont seulement partis avant nous, Et ne demanderont plus à rentrer à la maison, Nous les retrouverons sur les hauteurs, Dans la lumière du soleil, la journée est belle sur les sommets. […] Par ce temps, par cette horreur, Jamais je n’aurais envoyé les enfants dehors. J’étais inquiet qu’ils ne meurent demain ; Maintenant je n’ai plus à m’inquiéter.

Chants pour des enfants morts Friedrich Rückert, Gustav Mahler

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ans l’enfer d’Auschwitz, Saül travaille au sein du Sonderkommando. Il a déjà charrié des centaines de cadavres, mais un jour il en remarque un, celui d’un jeune garçon qu’il dit reconnaître comme son fils alors que tout laisse penser qu’il n’en a pas. Il fait alors tout son possible pour tenter de procurer à cet enfant des rites funéraires décents. Gilou n’a pas de fils non plus, mais quand il découvre, dans un hangar abandonné, le corps momifié d’un jeune homme, Samuel, lui aussi va se démener pour offrir à cet inconnu un enterrement digne de ce nom. On trouve ces deux situations qui se font écho dans Le Fils de Saül de Laszlo Nemes et Les Premiers, les derniers de Bouli Lanners. Les époques, les contextes, les pays ne sont pas les mêmes mais ces deux héros ordinaires se ressemblent. Chacun à leur manière, ils ten-

tent de résister à la barbarie du monde qui les entoure. Leurs réactions sont instinctives, non planifiées, ils ne théorisent pas plus qu’ils ne s’expliquent, ils veulent juste enterrer un homme. Donner une sépulture à un, c’est, symboliquement, les inhumer tous, montrer que c’est possible, que l’on peut tenter d’agir. C’est une façon de résister tout comme certains camarades de Saül osent photographier (les quatre photos d’Auschwitz au centre de Images malgré tout de Georges Didi Huberman) ou écrire (les manuscrits enfouis et retrouvés après la guerre et publiés dans Des voix sous la cendre). Saül et Gilou se font passeurs dans leur désir d’enterrer ces deux hommes, pour dire qu’ils ont vécu, éviter qu’ils ne sombrent dans le puits sans fond de l’oubli, qu’il soit charnier ou entrepôt désert. Ils permettent aux disparus de perdurer par-delà la mort, ils montrent que la vie existe et redonnent aux défunts leur statut d’humains. Par ricochet, ils retrouvent aussi le leur. Car en s’attachant à la mort, ils reprennent vie et redeviennent

des hommes, même si pour Saül cela ne sera que de courte durée. Saül/Samuel, même les noms font que ces deux œuvres se répondent pour nous toucher. « Je suis parfois exaspéré par l’humanité, mais tant qu’il y a l’homme, j’y crois » a dit Bouli Lanners, c’est exactement pour cela que ces deux films très noirs nous donnent de l’espoir. On rêverait que Saül et son fils, Gilou et Samuel aient pu se connaître. Ils se seraient créé des souvenirs communs et du plus profond d’eux-mêmes ils pourraient convoquer à leur esprit quelques moments chaleureux, réconfortants, revitalisants. On pourrait alors leur souhaiter de se rappeler d’une aussi belle scène que celle que se remémore Margherita à la toute fin de Mia Madre de Nanni Moretti (très grand film sur la perte et immense film tout court). Sa mère vient de mourir et il lui revient ce court échange, « Maman, à quoi tu penses ? » « À demain ». JF

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À propos de The Lobster

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ous, gouvernement légitime gardien de l'ordre, avons sauvé le monde de la décadence et de l’anarchie. Le relâchement des mœurs était tel que certains individus, amoraux et dangereux, allaient jusqu’à bafouer les valeurs les plus sacrées de notre civilisation. Ainsi du mariage, à la fois base, ciment et condition d’une société saine et stable. Heureusement nous vivons dans un État prévoyant et protecteur, complaisant même puisqu’il offre gracieusement à tous les célibataires attardés, veuf(ve)s et divorcé(e)s la chance de vivre pendant 45 jours dans un hôtel luxueux où tous leurs besoins, conscients et inconscients, sont pris en charge, avec pour seule contrepartie d’avoir à trouver l’âme sœur. Mais attention, pas question de tricher ! Le moins qu’on puisse exiger est que ces nouveaux couples soient parfaitement assortis et cela sera dûment surveillé, vérifié. Épouser une femme qui saigne du nez suppose qu’on souffre soi-même d’épistaxis. Des critères matériels, objectifs, valent mieux que des déclarations peut-être mensongères. Mais si au bout de 45 jours la quête de partenaire n’a pas abouti que se passe-t-il ? C’est très simple : les célibataires changent de statut et deviennent des « solitaires », des proies lâchées dans la forêt et chassées par les locataires de l’hôtel. Chaque « solitaire » tué donne droit à un jour supplémentaire de délai dans la quête de l’idéale moitié. Nulle cruauté dans ce système : le « solitaire » sera réincarné en bête de son choix. On est donc très loin des Chasses du comte Zaroff1 ou de l’épouvantable Battle Royale2, beaux exemples de barbarie sans morale.

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De toutes façons, l’intérêt de l’individu passe toujours après celui de la société. Voilà donc un de ces foutus célibataires, David3, qui a la chance d’être accueilli à l’hôtel et mis dans les meilleures conditions possibles pour trouver chaussure à son pied. Mou et malhabile, lamentable loser, il échoue et devra donc être transformé, selon son voeu, en homard (en anglais lobster). Mais cet être faible, incommensurablement lâche, n’hésitera pas à tuer celle-là même dont il a fait semblant de tomber amoureux et qui allait le dénoncer ! Heureusement pour lui — mais malheureusement pour la société — une traîtresse4 va l’aider à fuir et à se réfugier dans la forêt, où il est recueilli par un groupe de dissidents totalement opposés à la civilisation, rebelles subversifs vivant dans la crasse et la clandestinité…

prier d’ailleurs, de prendre le revolver et d’abattre lui-même son épouse. Il tire sur elle… mais nous ne sommes pas des sauvages ! Le revolver n’était pas chargé. À eux maintenant de se débrouiller avec ça… Quand on voit un tel degré d’abjection on comprend mieux que le couple et le mariage sont des horreurs absolues et doivent être interdits. Cela n’exclut évidemment ni les innocentes conversations ni même la danse mais chacun pour soi, bien à l’abri dans ses écouteurs, dans son solipsisme, sans être pollué par la promiscuité avec l’autre. Hélas, David se révèle une très mauvaise pioche. Après avoir brillamment résisté au mariage obligatoire dans l’enfer de l’hôtel, voilà qu’il s’amourache

jeunes femmes5 et, horreur, qu’elle le lui rend bien. L’être humain est décidément toujours décevant. Impossible de laisser subsister une telle aberration, une telle menace pour l’intégrité, pour l’existence même de notre société. Il est parfois indispensable de scier la branche pourrie pour que l’arbre survive et prospère. D’abord punir la traîtresse qui nous a amené ce puant salopard. Punir, c’est-àdire éliminer. Ensuite, faire en sorte que ces deux pervers soient constamment en présence l’un de l’autre mais dans l’incapacité de renouer tout lien répugnant. Rien de tel que de les relâcher dans le monde extérieur mais comme un couple criminellement inassorti : une femme aveugle et un homme seulement myope ! Est-ce notre faute si David s’obstine et choisit une issue d’un romantisme imbécile, absurdement oedipien et cruel ? AW 1

Film d’Ernest B. Schoedsack (1932), auteur également du célèbre King Kong. Roman de Koushun Takami, modèle insurpassable de chasse à l’homme institutionnalisée.

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… Ça y est ! Nous, révolutionnaires en lutte, avons récupéré et sauvé David de ce système absurde et fascisant. Chez nous, pas question de forcer les gens à convoler, pas question d’interdire la solitude, encore moins le célibat. Ici on respecte l’individu, c’est la base même sur laquelle nous bâtissons toute notre conception de la société car le couple est un horrible piège. On le voit bien quand, par exemple, nous surprenons au cours d’un raid nocturne à l’hôtel le directeur et sa femme, affichés parangons de parfaite conjugalité, en situation de devoir faire un choix réellement décisif. Sommé de désigner un seul survivant entre sa femme et lui, le directeur se choisit, lui. Mieux encore, il accepte, sans trop se faire

3 Impeccable

Colin Farrell.

Interprétée par Ariane Labed, qu’on a grand plaisir à retrouver après sa prestation remarquée dans Fidelio, l’odyssée d’Alice, de Lucie Borleteau. 4

honteusement d’une de nos plus brillantes

5 Rachel

Weisz, au jeu tout en finesse.

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Interférences L’Étreinte du serpent Ixcanul

aussi des désirs) est assez iconoclaste. Avec sa magnifique photo et ses plans composés, Ixcanul pourrait pencher, malgré tout, du côté d’un certain exotisme si le récit ne basculait pas dans le drame. Piquée par un serpent, la jeune femme enceinte doit être emmenée d’urgence à l’hôpital. Autre monde, autre langue, autre façon de filmer, à l’arrache, caméra à l’épaule. Dans le monde des Blancs, moderne et aseptisé, d’autres dangers rôdent…

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vec la multiplication des supports numériques, nous vivons tous désormais dans un invraisemblable continuum d’images – actualités, reportages, publicités, fictions – le cinéma ne représentant qu’une partie fort marginale de ce flot inextinguible. Et pourtant, malgré ce flux, les images ont tendance à se ressembler. Même sur grand écran, à moins de la mise en place de nouveaux moyens technologiques (la 3D d’Avatar ou de Gravity) ou de nouveaux dispositifs filmiques (ceux de Crosswind ou du Fils de Saül dont nous parlions le mois dernier), il est rarissime d’avoir un sentiment de jamaisvu, on est plus souvent face à des scènes qui rappellent d’autres scènes, soit parce qu’elles s’intègrent dans un genre, soit parce qu’elles en sont un écho volontaire ou non, clin d’œil, hommage ou réminiscence. Dès le premier plan d’Ixcanul de Jayro Bustamante, magnifique plan fixe sur une jeune fille maya coiffée par sa mère, cette impression de nouveauté est là. Parce que c’est le premier film tourné au

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Guatemala où l’industrie cinématographique n’existe tout simplement pas. Différence radicale avec les images que l’on peut avoir de ces communautés indiennes au travers de reportages ou de montages de télé-réalité en terres inconnues : d’un regard extérieur à une histoire vécue de l’intérieur. Dans son extrême pauvreté, cette famille maya dont nous partageons le quotidien est à la fois complètement coupée du monde moderne – vie de tous les jours âpre, totalement investie dans la survie, tuer le cochon, semer le maïs, ramasser du bois mort – et juste à sa frontière : le père, la mère, la fille travaillent tous les trois pour une grande plantation de café qui appartient, sans doute, à une multinationale et le rêve de toute la jeunesse du coin, est de passer de l’autre côté de cette frontière, ici symbolisée par le volcan dont la masse minérale est l’un des personnages, imposant, du film, pour enfin atteindre l’eldorado yankee. Échappe-t-on aux clichés ? En tout cas, le couple mère-fille est impressionnant et le pouvoir des femmes mayas (dans la gestion du quotidien mais

L’Étreinte du serpent, le magnifique film colombien de Ciro Guerra, commence lui aussi par un très beau premier plan : dans un noir et blanc splendide, un Indien presque nu regarde le fleuve. Corps qui impose, d’emblée, sa présence et sa puissance ; Karamakate, le chaman solitaire, dernier représentant d’une tribu détruite, va nous guider pendant les deux heures de ce film-fleuve, le long duquel nous n’aurons de cesse de naviguer, à la dérive, au fil du temps puisque la même hypnotique odyssée y aura lieu à 40 ans d’intervalle, à la recherche d’une mythologique fleur hypnotique, la yakruna, seule capable de soigner le savant allemand de la fin du 19e siècle qui aborde, mourant, au début du récit, et le chercheur américain qui se nourrit de ses car-

nets pour poursuivre ses explorations dans les années 40. À la suite de Karamakate, nous pénétrons dans un monde étrange et fascinant, nous nous perdons dans les méandres d’un récit obscur et mystérieux, nous dérivons au milieu des traces d’une histoire d’une rare violence, celle, matérielle des chercheurs de caoutchouc et celle, spirituelle, des missionnaires déments. Bien sûr, l’impression première est que le temps se répète selon une boucle hypnotique, mais le jeune homme rebelle, arrogant et brutal est devenu un vieillard sans mémoire, sans identité, un chullachaqui, une enveloppe vide dont on a volé l’âme. Car aujourd’hui, hier ou avanthier, se répète la même histoire de dépossession : bébé volé lors de l’intervention chirurgicale de Maria, la jeune fille d’Ixcanul, ou corps torturés, amputés, mis en esclavage pour extorquer les richesses de la terre ou anéantir les histoires et les croyances des peuples autochtones. Avant le final ésotérique et polychrome, le héros de l’Étreinte du serpent nous plonge au cœur d’une scène inoubliable, cauchemar dantesque où un Messie halluciné offre son corps à ses apôtres déments dans une eucharistie cannibale prise au pied de la lettre. DP

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