Octobre 2015

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ISSN 0299 - 0342

CINÉMAS STUDIO : 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS

N°338 • octobre 2015


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octobre 2015 - n° 338 ....................................................

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Édito CNP

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Soirée Libres courts

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LES FILMS DE A à Z

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Rencontres de danses urbaines Soirée Vague jeune

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Cinémathèque En bref

Pour permettre au public une plus grande fréquentation de ses collections (les plus riches de région Centre), la bibliothèque propose de nouveaux horaires.

Horaires d’ouverture : lundi : de 16h00 à 19h45 mercredi : de 15h00 à 19h45 jeudi : de 16h00 à 19h45 vendredi : de 16h00 à 19h45 samedi : de 16h00 à 19h45 FERMETURE PENDANT LES VACANCES SCOLAIRES

Cafétéria des Studio gérée par l'association AIR (chantier d'insertion),

Hommage

Solveig Anspach Bande annonce

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accueille les abonnés des Studio tous les jours de 16h00 à 21h45 sur présentation des cartes abonné et cafétéria.

Tél : 02 47 20 85 77 À propos de

La Dame dans l’auto…

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19 Les STUDIO sont membres de ces associations professionnelles :

Courts lettrages

La Dame dans l’auto… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Rencontres .......................................

22

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24

Marie Belhomme

AFCAE

Face à face

Victoria

À propos de

La Isla Minima

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26

À propos de

Mad Max . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Interférences

La Belle saison/ Coup de chaud

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28

Interférences

La Vanité/Le Tout nouveau Testament . . . . . . . . . . . . 30 À propos de

Love

EUROPA REGROUPEMENT DES SALLES POUR LA PROMOTION DU CINÉMA EUROPÉEN

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Vos critiques

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Jeune Public

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34

ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET ESSAI

ACOR ASSOCIATION DES CINÉMAS DE L’OUEST POUR LA RECHERCHE (Membre co-fondateur)

GNCR GROUPEMENT NATIONAL DES CINÉMAS DE RECHERCHE

ACC ASSOCIATION DES CINÉMAS DU CENTRE (Membre co-fondateur)

Prix de l’APF 1998

FILM DU MOIS : Fatima GRILLE PROGRAMME

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pages centrales

LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS - 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - Mensuel - Prix du numéro 2 €. ÉQUIPE DE RÉDACTION : Sylvie Bordet, Isabelle Godeau, Jean-François Pelle, Dominique Plumecocq, Éric Rambeau, Roselyne Savard, Marcelle Schotte, André Weill, avec la participation de Françoise Chapoton, Dominique Chenu et de la commission Jeune Public. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Rambeau – MISE EN PAGES & EN IMAGES : Francis Bordet. ÉQUIPE DEgraphique RÉALISATION contribue : Éric Besnier, Guérineaude – DIRECTEUR : Philippe Lecocq – IMPRIMÉ par PRÉSENCE GRAPHIQUE, Monts (37) Présence à Roselyne la préservation l’environnement et atteste être reconnu IMPRIM’VERT.


éditorial

Alertes… D

epuis quelque temps les médias et la population commencent à prendre conscience de l’ampleur des mouvements de personnes qui fuient guerre et misère, principalement au Proche-Orient, mais pas seulement. Leur douleur, les rigueurs et l’horreur de leur situation sont apparues encore plus brutalement, bien des mois après que les premiers reportages sur les côtes siciliennes eurent commencé d’alimenter les journaux, les radios et les télévisions, avec la publication de la photo d’un tout jeune enfant, mort sur une plage, ce qui constitue une très claire indication de la manière dont l’émotion peut être nécessaire à la compréhension... ce qui montre bien que, parfois, une image peut se trouver dotée d’un pouvoir que son auteur n’avait peut-être pas imaginé... De son côté, le cinéma international avait depuis longtemps déjà tourné aussi ses objectifs vers ces drames, ces personnes en quête d’une vie que leur monde leur refuse. La liste des films qui abordent cette question de manière centrale et très directe est bien trop longue pour pouvoir être donnée de manière exhaustive…

L’ordre chronologique peut toutefois donner une petite idée d’une certaine évolution dans le traitement cinématographique du sujet. Certains films ont fait le choix de regarder du côté de ceux qui sont arrivés (Biutiful, Ali a les yeux bleus, Bébé Tigre…) mais nombre d’entre eux ont au contraire choisi de s’attacher aux pas et aux trajets de ceux pour qui l’arrivée et la survie même sont encore problématiques. Dès 2002, Michael Winterbottom, avec In this world, suivait le cheminement de deux très jeunes réfugiés afghans à travers Asie et Europe, de bus en conteneur en passant par le camion… le mode documentaire privilégiait le suivi au plus près de ces fugitifs.

c’était un réfugié kurde que l’on voyait tenter de traverser la Manche à la nage (déjà... la noyade au bout du chemin...) Deux ans plus tard, Emanuele Crialese signait le très beau et très fort Terraferma, qui montrait la manière dont les habitants de Lampedusa réagissaient au naufrage d’une barque de réfugiés (le titre est déjà le programme que s’étaient fixé les passagers... accès à une terre ferme, et une terre où ils puissent se poser). Cette année a vu les films se multiplier, qui presque tous font le choix de se concentrer sur le voyage des réfugiés... Nous avons ainsi pu voir La Pirogue (Moussa Touré, 2013) dont une longue partie se déroulait à bord d’une petite embarcation de pêche qui quittait les côtes sénégalaises... Encore plus près de nous, il y eut Hope (Boris Lojkine, 2014) qui s’attachait aux pas d’un couple de fortune, jeune homme et jeune femme qui se croisent sur la route de l’exil vers le Maroc, d’où ils espèrent pouvoir passer en Europe... Cette fin d’été, les Studio projetaient également Mediterranea, de Jonas Carpignano... et, là aussi, caméra aux côtés de ceux qui n’ont plus qu’un point cardinal à leur boussole : une Europe... qui ne veut pas toujours d’eux... Dresser la liste serait fastidieux, mais ce qui ressort de ce début d’énumération c’est que, sous des formes et avec des procédés très différents, les cinéastes ont depuis longtemps déjà lancé l’alerte, attiré l’attention sur ce qui se passait, si loin et si près de chez nous... Comme toujours en pareille circonstance, la question se pose de savoir si tout cela peut avoir un impact réel... Mais, quoi qu’il en soit, il ne sera pas dit qu’un certain cinéma, très présent sur nos écrans, aura détourné la caméra, n’aura pas essayé, à tout le moins, de témoigner...ER

En 2009, Philippe Lioret signait Welcome, et Les CARNETS du STUDIO

n°338 •

octobre 2015

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du 21 au 27 octobre

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SEMAINE

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1h25’

soirée Max Linder

ADAMA

6’

lundi LES SURPRISES DE L’AMOUR 6’ AMOUR ET FROMAGE 19h30 1h15’ SEPT ANS DE MALHEUR

14h15 19h30 21h45

1h36’

MON ROI de Maïwen

14h30 17h30 19h30

1h33’

16h15

de Alfredo Soderguit

PHANTOM BOY

SAMETKA,

À suivre.

LA CHENILLE QUI DANSE de Zdenek Miler

À suivre.

1h44’

TÊTE BAISSÉE de Kamen Kalev

de Rithy Panh

FATIMA 1h33’

UNE JEUNESSE ALLEMANDE de Jean-Gabriel Periot

CHRONIC

16h00 17h45 16h15 + mercredi

10h15 17h45 21h30

1h19’ de Philippe Faucon

21h45 mercredi samedi dimanche lundi

21h30

1h40’

de Michel Franco À suivre.

jeudi 1h25’ vendredi PAR mardi

21h30

ANINA

39’ sans paroles

L’IMAGE MANQUANTE

14h15 16h00 19h45 + mercredi 10h00

JE SUIS À VOUS TOUT DE SUITE

21h15

CNP jeudi

du 30 septembre au 6 octobre

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SEMAINE

1h18’ VF

de Jean-Loup Felicioli & Alain Gagnol

14h15 2h00’ ELSER, 17h00 UN HÉROS ORDINAIRE de Olivier Hirschbiegel 19h15 À suivre. 14h15 1h28’ LA GLACE ET LE CIEL 17h45 de Luc Jacquet 19h30 À suivre. 14h30 19h45

À suivre.

1h24’ À suivre.

1h30’

de Simon Rouby

L’HOMME IRRATIONNEL de Woody Allen

14h15 2h04’ 17h00 19h15 21h30

2015

IVG, 40 ans après, où en sommes-nous ? 1h26’ VF 52’ IVG, 40 ANS APRÈS MON VOISIN

de Yves Campagna & François Raynaud

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lundi

19h30

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LES BOURREAUX MEURENT AUSSI

14h15 1h40’ SUIS À VOUS 17h15 JE TOUT DE SUITE 19h15 de Baya Kasmi 14h15 19h15

2h09’

14h15 19h30

1h40’

14h30 17h15 19h30

2h08’

14h30 21h45

1h40’

17h15 21h45

1h45’

17h15 21h30

MÉMOIRES DE JEUNESSE de James Kent

NI LE CIEL NI LA TERRE de Clément Cogitore

VERS L’AUTRE RIVE de Kiyoshi Kurosawa

www.studiocine.com

Le film imprévu www.studiocine.com

Cases orangées : programmation Jeune Public: voir pages 34 et 35

19h45

1h24’

14h15

AVANT-PREMIÈRE

PHANTOM BOY de Jean-Loup Felicioli & Alain Gagnol CINÉ P’TIT DÉJ’ : dimanche 10h30

1h25’

ADAMA

dimanche

11h00

AVANT-PREMIÈRE

dimanche

de Simon Rouby CINÉ P’TIT DÉJ’ : dimanche 10h30

39’ sans paroles

de Zdenek Miler CINÉ P’TIT DÉJ’ : dimanche 11h00

41’ sans paroles

PETITES CASSEROLES Programme de courts métrages

1h34’

LAMB de Yared Zeleke

1h18’ VF

de Philippe Claudel

ANINA

mercredi samedi dimanche

16h00 14h15 19h30 14h15

mer-sam-dim

16h00 + 17h15

LE GRAND JOUR

17h30 21h30

1h26’

1h45’

MUCH LOVED de Nabil Ayouche

2h07’ de Xavier Giannoli

11h30

de Alfredo Soderguit

de Louis Garrel

MARGUERITE

dimanche

sam-dim

de Pascal Plisson

LES DEUX AMIS

11h00

AVANT-PREMIÈRE

SAMETKA LA CHENILLE QUI DANSE

UNE ENFANCE

21h15

1h33’

LA VIE EN GRAND 21h45 de Mathieu Vadepied

1h58’

de Camille Fontaine

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mercredi

de Fritz Lang

de Baya Kasmi

ACCIDENT

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2h14’ Cycle Le cinéma anti-nazi

TOTORO

de Hayao Miyazaki

20h00 Débat avec le Dr N. Trignol-Viguier, CHRU-Tours C

2015

YOUTH de Paolo Sorrentino

Le film imprévu www.studiocine.com

Toutes les salles des Studio sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Cinémas Studio – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


SEMAINE

CNP jeudi 20h00

du 7 au 13 octobre

2

100 000 ans sous nos pieds

DÉCHETS RADIO ACTIFS

52’

2015

1h34’ VF

PORCO ROSSO

de Dominique Hannequin Débat avec Irène Gunepin, militante

de Hayao Miyazaki

mercredi

14h15 sam-dim

1h18’ VF

lundi Cycle Le cinéma anti-nazi 14h15 ANINA mer-sam-dim 19h30 CAPE ET POIGNARD 1h46’ de Alfredo Soderguit 16h00 1h25’ ESPIONS SUR LA TAMISE 21h30 mercredi 41’ samedi 1h23’ ORAGE 14h30 PETITES CASSEROLES dimanche de Fabrice Camoin Programme de courts métrages 16h00 9, rencontre avec le réalisateur 19h45 Vendrediaprès la séance de 19h45 mercredi C

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dimanche

16h00

La Vague Jeune et Les Ilots électroniques proposent : 2h14’

EDEN + animation de Mia Hansen-Love

14h15 1h40’JE SUIS À VOUS DE SUITE 19h30 TOUT de Baya Kasmi

14h15 1h19’ FATIMA de Philippe Faucon 19h30 14h15 1h40’ ASPHALTE 17h30 de Samuel Benchetrit 19h30 14h30 1h26’ LE GRAND JOUR 19h45 de Pascal Plisson 17h00 2h07’

SAUF samedi

MARGUERITE

21h30

de Xavier Giannoli

www.studiocine.com

de Peyton Reed

17h30

1h00’ Rencontres de danses urbaines

ENTRE CIEL ET TERRE QUAND LE HIP HOP DEVIENT ART

de Eric Ellena Rencontre avec le danseur B.Boy Fever après le film.

1h34’

2h11’

14h15 MISSION IMPOSSIBLE ROGUE NATION 19h15 de Christopher McQuarrie

ANT MAN

samedi dimanche

LAMB de Yared Zeleke

2h09’

MÉMOIRES DE JEUNESSE de James Kent

1h40’

NI LE CIEL NI LA TERRE de Clément Cogitore

samedi

17h00 21h15 17h00 21h15 17h00 21h45

2h08’

17h30 VERS L’AUTRE RIVE 21h30 de Kiyoshi Kurosawa

1h40’

LES DEUX AMIS

21h30

17h15

Cases orangées : programmation Jeune Public: voir pages 34 et 35

Débat avec un intervenant qualifié É M A T H È Q U E

Séance CinéLangues 1h34’

samedi à 14h15

jeu-ven

17h45 19h45 21h45

de Woody Allen

14h15 1h50’ 19h45 14h15 19h30

FLORIDE de Philippe le Guay

ORAGE de Fabrice Camoin

14h15 1h25’ PAR ACCIDENT 19h30 de Camille Fontaine 14h30 19h15

1h44’

14h30 19h15

1h33’

16h15

de Zdenek Miler

jeu-ven

ANINA

16h15

de Alfredo Soderguit

jeu-ven

ADAMA

de Simon Rouby

SAUF

SAUF

AVANTPREMIÈRE

Rencontre avec le rappeur Oxmo Puccino, sous réserve et avec le compositeur Pablo Pico après la projection.

mardi

17h45

Soirée Libres Courts mercredi Panorama du cinéma d’animation d’aujourd’hui 19h45

76’

Rencontre avec Borris Labbé, réalisateur

2h09’

MÉMOIRES DE JEUNESSE

17h15

ASPHALTE

17h15 21h15

de James Kent

FATIMA

17h15 1h23’ 21h15

jeu-ven

SAMETKA,

1h18’ VF

1h19’ de Philippe Faucon

14h15 jeu-ven 16h00

SAUF SAUF

LA CHENILLE QUI DANSE

1h25’ SAUF

PHANTOM BOY

ATELIER LE MERCREDI, après la séance de 14h15 17h45 39’ sans paroles

EVA L’HOMME IRRATIONNEL

2015

de Jean-Loup Felicioli & Alain Gagnol

de Kike Maillo

14h15 1h36’ 16h00

de Louis Garrel

Le film imprévu www.studiocine.com

de Marie Bonhommet

Le cinéma anti-nazi lundi 1h35’Cycle LE CRIMINEL de Orson Welles 19h30 Soirée présentée par Guy Schwitthal

mercredi

1h24’

UN PARMI LES AUTRES

52’

20h00

sans paroles

1h48’ VO

Urgences, hôpital au bord de la crise de nerf

CNP jeudi C

du 14 au 20 octobre

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SEMAINE

1h40’ de Samuel Benchetrit

1h44’

THE PROGRAM de Stephen Frears

17h45 21h45

2h08’

VERS L’AUTRE RIVE 21h30 de Kiyoshi Kurosawa

TÊTE BAISSÉE de Kamen Kalev

1h40’

JE SUIS À VOUS TOUT DE SUITE

21h30

de Baya Kasmi

UNE JEUNESSE ALLEMANDE de Jean-Gabriel Periot

Le film imprévu www.studiocine.com

Tous les films sont projetés en version originale (sauf indication contraire)

Cinémas Studio – 2 rue des ursulines - 37000 TOURS (derrière la cathédrale) – 08 92 68 37 01 – www.studiocine.com


FILM DU MOIS

Fatima

France – 2015 – 1h19, de Philippe Faucon, avec Soria Zeroual, Zita Hanrot, Kenza Noah Aïche...

Fatima fait le portrait de trois femmes, une mère, Fatima, et ses deux filles, Nesrine et Souad. Nesrine a 18 ans et commence des études de médecine, Souad, 15 ans, plus en difficulté, est en révolte permanente. Fatima parle mal le français et ne comprend ni la langue des études de Nesrine, ni celle de la rue de Souad. Fatima est femme de ménage, mais un jour elle a un accident. En arrêt de travail, elle se met à écrire dans un cahier, en arabe, tout ce qu’elle n’arrive pas à dire... Même s’il y a déjà 25 ans qu’il tourne, Philippe Faucon reste encore un réalisateur trop méconnu. Pourtant, depuis L’Amour en 1990, de très beaux films composent son œuvre, comme, entre autres, Dans la vie, Samia, mais aussi le très secouant La Désintégration, son précédent, aussi noir que celui-ci est lumineux. N’ayant jamais dévié de sa ligne, il s’est toujours intéressé aux thématiques liées à l’intégration de personnes issues de l’immigration. Un des thèmes principaux du film est celui de la barrière linguistique. Philippe Faucon montre parfaitement comment l’absence de maîtrise de

la langue française est pour Fatima source d’isolement et d’enfermement, aussi bien par rapport à ses filles qu’à la société en général. La qualité du regard du cinéaste est unique. Ses films sont discrets, pudiques, modestes et toujours très accessibles. Avec le temps, ils ont de plus en plus d’acuité, de justesse, de précision. Dans un style naturaliste mais non documentaire, Fatima est une sorte d’accomplissement, d’épure, son apparente simplicité est tout sauf simpliste. Et ici point d’apitoiement, bien au contraire, le film mise sur l’optimisme. D’ailleurs le réalisateur le dit très bien : « Lorsque nous présentions La Désintégration, nous utilisions quelquefois cette image : "Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse". J’ai pensé qu’il fallait aussi raconter la forêt qui pousse et Fatima en a été l’occasion ». Encourager à aller voir Fatima c’est proposer une heure et dix-neuf minutes de projection qui mêlent à la perfection émotion et intelligence. JF

LES CARNETS DU STUDIO – n° 338 octobre 2015 – 2 rue des Ursulines, 37000 TOURS - CPPAP n°0219 K 84305

www.studiocine.com – 08 92 68 37 01


Uruguay – 2015 – 1h18, film d’animation de Alfredo Soderguit.

À partir de 7 ans

Anina Yatay Salas est une petite fille qui n’aime pas son nom car c’est un palindrome* et il fait d’elle la risée de ses camarades. Un jour, à la suite d’une bagarre dans la cour de l’école, la directrice lui inflige une curieuse punition... * On peut lire chaque mot dans les deux sens

Dans l’entre-deux-guerres quelque part en Italie, le pilote Marco, aventurier solitaire, vit dans un repaire qu’il s’est trouvé sur une île déserte de l’Adriatique. À bord de son splendide hydravion rouge, il vient en aide aux personnes en difficulté.

Japon – 1992 – 1h33, film d’animation de Hayao Miyazaki. Tout public à partir de 8 ans

JEUNE PUBLIC

JEUNE PUBLIC

VF

Mercredi 7 octobre à 14h15, projection tout public dans le cadre de École au cinéma.

VF

À partir de 4 ans

Suède/Irlande/France/Russie/Italie/Allemagne – 2015 – 41 mn, courts métrages d’animation. Japon –1988 – 1h27, film d’animation de Hayao Miyazaki.

sans paroles

À partir de 4 ans

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Deux fillettes viennent habiter dans une grande maison à la campagne pour se rapprocher de leur mère malade. Elles vont vivre des aventures incroyables avec les esprits de la forêt.

Six histoires d’enfance tendres et drôles !

Mercredi 30 octobre à 14h15, projection tout public dans le cadre de École au cinéma. France – 2014 – 1h00, film documentaire de Éric Ellena.

Tout public à partir de 9 ans

VO USA – 2015 – 1h57, de Peyton Reed.

Scott Lang, petit escroc tout juste sorti de prison, va devoir apprendre à se comporter en héros et aider son mentor, le Dr Hank Pym, à protéger le secret de son spectaculaire costume d’Ant-Man, afin d’affronter une effroyable menace…

Voir page 5 Tout public à partir de 9 ans

France/Belgique – 2015 – 1h24, de Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol, avec les voix de Édouard Baer, Jean-Pierre Marielle, Audrey Tautou…

Un mystérieux gangster défiguré blesse Alex, un inspecteur de police lancé à ses trousses. À l’hôpital, Alex se lie d’amitié avec Léo, un jeune garçon de onze ans qui possède la faculté de sortir de son corps. Invisible de tous, il s’envole et passe à travers les murs…

Tout public à partir de 8 ans

Tout public à partir de 8 ans

Samedi 17 octobre 14h15

Mercredi 14, à la bibliothèque, après la séance de 14h15, découverte d’une sélection d’albums de la Quinzaine du livre Jeunesse. sans paroles

Les CARNETS du STUDIO

n°338 •

Dimanche 4 à partir de 10h30, petit déjeuner offert, suivi de la projection du film en avant-première à 11h.

Mardi 20, avec le rappeur Oxmo Puccino avant le film (sous réserve) et avec le compositeur Pablo Pico après la projection.

Dimanche 4, séance ouverte aux enseignants intéressés pour leur classe.

À partir de 3 ans

Deux histoires de rencontres, d’amitié et de danses enchantées dans l’univers drôle, poétique et coloré de Zdenek Miler, le père de la Petite Taupe, de Poupi et du Criquet.

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France – 2015 – 1h22, film d’animation de Simon Rouby

Dimanche 4 à partir de 10h30, petit déjeuner offert suivi de la projection du film en avant-première à 11h.

1916… Un petit Africain de l’Ouest part à la recherche de son frère disparu. Sa quête va le mener au-delà des mers, jusqu’aux lignes de front de la Grande Guerre…

République tchèque – 2015 – 39 mn, deux courts métrages d’animation de Zdenek Miler.

octobre 2015 Dimanche 4 à partir de 11h, petit déjeuner offert suivi de la projection du film en avant-première à 11h30.

France/Ethiopie/Allemagne/Norvège 2015 – 1h34, de Yared Zeleke. Tout public à partir de 10 ans

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Voir page 10

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Samedi 10 octobre - 17h00 jeudi 1er octobre - 20h00 Planning familial, Osez le féminisme ! 37, Café des femmes, Collectif féministe PCF et le CNP proposent :

IVG : 40 ANS APRÈS, OÙ EN SOMMES-NOUS ?

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e 17 janvier 1975 restera une date marquante dans la conquête des droits pour les femmes. Cette loi leur a donné la possibilité de disposer de leur corps, d’avoir enfin leur mot à dire dans la question de la procréation. Toutefois 40 ans après, les femmes ayant recours à l’IVG ont encore socialement du mal à en parler : ce droit si revendiqué est souvent réduit à un silence mêlé de culpabilité et de diverses contraintes médicales, légales et administratives. L’IVG demeure en 2015 un acte médical préjugé alors qu’il devrait s’agir d’un acte comme les autres : l’avortement fait partie intégrante de la vie des femmes, pourquoi devraient-elles avoir à prouver leur non-désir de grossesse ? À l’heure de la parité, faut-il encore être mère pour être une femme accomplie ? Film-documentaire : IVG, 40 ans après d’Yves Campagna et Jean-François Raynaud (2015 – France – 52’). Suivi d’un débat avec le Dr Nathalie Trignol-Viguier, praticienne hospitalier au centre d’orthogénie du CHRU de Tours et également membre du bureau de l’ANCIC (Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception).

jeudi 8 octobre - 20h00 L’ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest), la Fondation sciences citoyennes, le Réseau sortir du nucléaire Touraine, et le CNP proposent :

100 000 ANS SOUS NOS PIEDS

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epuis le début du nucléaire en France, le problème des déchets n’a jamais été pris en compte.

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– Les CARNETS du STUDIO

n°338 – octobre 2015

La Hague, déjà saturée en surface, organise son extension. Bure, de laboratoire de recherche initiale, deviendrait site d’enfouissement pour déchets radioactifs : avec quelles certitudes? Quelle sécurité, pendant 100 000 ans et après, présenteront la zone argileuse et les conteneurs en atmosphère confinée? Quelle garantie que les seuls déchets nationaux ne s’entassent ainsi, une fois Cigéo confié à un prestataire privé ? Quelle garantie concernant la volonté démocratique des élus ? Film : Déchets radioactifs : 100 000 ans sous nos pieds de Dominique Hennequin (2013 – France - 52’). Suivi d’un débat avec Irène Gunepin, militante contre le projet d’enfouissement à Bure.

jeudi 15 octobre - 20h00

RENCONTRES DE DANSES URBAINES Entre Ciel et Terre Quand le hip hop devient art France, 2014 – 60’, film documentaire de Éric Ellena.

Né dans la rue au contact d’un public éphémère, le hip hop se revendique aujourd’hui comme un mouvement culturel majeur. Audacieux et créatif, en se métissant avec d’autres danses et d’autres cultures, il a su redynamiser la danse contemporaine et s’imposer sur nos grandes scènes nationales. Les interviews directes et sincères d’Anthony Egéa et Mourad Merzouki montrent à l’écran leurs parcours atypiques, illustrés par des

extraits mettant en lumière la beauté des gestes, la fluidité d’un mouvement ou la surprenante apesanteur d’une figure acrobatique… La rencontre avec les groupes de breakdance : les Vagabonds, les Pockemon Crew et 1er Avertissement, retranscrit fidèlement le quotidien de ces jeunes passionnés dont les journées sont souvent marquées de fabuleuses prouesses.

Dans ce film on se lance, on se livre… on a la danse au corps et au cœur ! FC & DC

AVANT : DJ I-Verse mixera dans le hall des Studio à partir de 16h. Juste au lieu de se fondre… clin d’œil en clip à la réalisation d’un groupe de lycéens de Paul-Louis Courier : danse hip hop filmée dans la Ville. APRÈS : Rencontre avec B.BOY Fever danseur de battle et de création, qui se prolongera autour d’un pot offert par les Studio.

La LDH 37, Convergence services publics 37, le Collectif 37 notre santé en danger et le CNP proposent :

URGENCES, HÔPITAL AU BORD DE LA CRISE DE NERF

M

anque de lits, de personnel, patients sur des brancards, dans les couloirs, soignants débordés… tel est le quotidien des urgences. En 15 ans, leur fréquentation est passée de 8 à 17 millions de patients, et elles sont devenues le point de convergence de tous les problèmes économiques, sociaux et d’accès aux soins du pays. Avec la Tarification à l’activité, la rentabilité l’emporte sur le service rendu à la population. Les 18 000 morts supplémentaires de la grippe cet hiver en sont une des criantes manifestations… Quelles solutions pour nos urgences ? Film : Urgences qu’est-ce qu’on attend ? de Marie Bonhommet (2012 – France – 52’). Suivi d’un débat avec un intervenant qualifié.

Soirée Vague Jeune, dimanche 11 octobre - 16h00 COMMENT ALLIER MUSIQUE ET CINÉMA ? Le dimanche 11 octobre, les Ilots Electroniques et les cinémas Studio s’associent à l’occasion d’une aprèsmidi festive, sur le thème de la musique électronique. Au programme, à 16h la diffusion du film Eden, de Mia Hansen-Love sorti en 2014, qui vous donnera on l’espère envie de danser ! La séance sera suivie de deux heures de Vjing, c’est à dire de la musique jouée en direct dans la salle de cinéma ! Danse, musique, cinéma … Ambiance festive pour un dimanche aprèsmidi ! Événement co-organisé par les Ilots électroniques et la commission Vague Jeune des cinémas Studio.

Eden France – 2014 – 2h11, de Mia Hansen-Løve, avec Félix de Givry, Roman Kolinka, Golshifteh Farahani...

Début des années 90, France. Paul, un DJ,

fait ses premiers pas dans la musique électronique, au moment où ce que l’on appellera bientôt la French Touch prend son plein essor... Inspirée par l’histoire de son frère aîné, Sven, qui eut son heure de gloire en tant que DJ et membre du duo Cheers, Mia Hansen-Løve a fait la chronique d’une époque où la musique a la première place mais qui narre aussi l’histoire d’un jeune homme qui n’arrive pas à se construire. Comme toujours chez la réalisatrice, la mise en scène est somptueuse et, de plus, les scènes de concert ou de club sont particulièrement réussies. JF Les CARNETS du STUDIO n°338 –

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Projection cinéLangues – Mercredi 14 octobre-17h15 Eva nièce, une petite fille étonnante et charisma-

Soirée Libres Courts Mercredi 14 octobre, 19h45 : LE COURT S’ANIME #12 PANORAMA DU CINÉMA D’ANIMATION D’AUJOURD’HUI

Espagne, France - 2011 - 1h34 - de Kike Maillo avec : Daniel Bruhl, Marta Etura, Alberto Armann

Séance suivie d’une discussion avec Boris Labbé, réalisateur de Rhizome

Une sélection de 8 films inédits pour découvrir le cinéma d’animation d’aujourd’hui. Cette sélection met à jour différents aspects du monde, abordant sa dimension physique, voire organique, ou sa forme sociétale, dans un regard plus ou moins décalé. À partir de 12 ans.

BEACH FLAGS de Sarah Saïdan France / 2014 / 14 minutes

Vida est une jeune nageuse sauveteuse iranienne. Championne dans son équipe, elle est décidée à se battre pour participer à une compétition internationale en Australie. Mais, avec l’arrivée de Sareh, aussi rapide et talentueuse qu’elle, elle va être confrontée à une situation inattendue.

LE REPAS DOMINICAL de Céline Devaux France / 2014 / 14 minutes

C’est dimanche. Au cours du repas, Jean observe les membres de sa famille. On lui pose des questions sans écouter ses réponses, on le caresse et on le gifle. C’est normal, c’est le repas dominical.

YÙL ET LE SERPENT de Gabriel Harel France / 2015 / 13 minutes

Yùl, 13 ans, accompagne son grand frère Dino pour conclure un deal avec Mike, petit voyou accompagné de son dogue argentin. Alors que la situation tourne mal, un étrange serpent apparaît.

KNOCK KNOCK ! de Brunettes Shoot Blondes Ukraine / 2014 / 2 minutes 30

Le studio SYT-X a animé le clip d’une chanson

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En 2041, Alex, un ingénieur de renom, est rappelé par la Faculté de Robotique, après dix ans d’absence, pour créer le premier robot libre : un enfant androïde. Il retrouve alors Lana, son amour de jeunesse et son frère David, qui ont refait leur vie ensemble. Et il va surtout faire la connaissance d’Eva, sa

d’un groupe ukrainien (les Brunettes Shoot Blondes). Le clip joue avec des animations sur plusieurs smartphones et tablettes.

tique. Entre Eva et Alex se crée une relation particulière et ce dernier décide alors, contre l’avis de sa mère Lana, de prendre Eva pour modèle de son futur androïde... Niveau : 3e/terminale. Projection gratuite pour les enseignants d’espagnol souhaitant amener des classes au troisième trimestre.

RHIZOME de Boris Labbé Inscription impérative à l’adresse suivante : monmarche@studiocine.com

France / 2015 / 12 minutes

De l’infiniment petit à l’infiniment grand, toutes choses dans l’univers sont étroitement connectées les unes aux autres, en se recomposant, dans une combinaison de mouvements en perpétuelle métamorphose.

w w w . s t u d i o c i n e . c o m Sur le site des Studio (cliquer sur : PLUS D’INFOS, pour entrer dans la fiche film), vous trouverez des présentations signées des films que les rédacteurs auront vus après leur sortie en salle. Les fiches non signées ont été établies de manière neutre à partir des informations disponibles au moment où nous imprimons.

Les films de A à Z www.studiocine.com

SONÁMBULO de Theodore Ushev Canada, Croatie / 2014 / 4 minutes 20

Un voyage surréaliste à travers couleurs et formes, inspiré par le poème «Romance Sonámbulo» de F. García Lorca. Poésie visuelle rythmée par des rêves fantastiques et des nuits passionnées.

AVANT LES FILMS , DANS LES SALLES , AU MOIS DE OCTOBRE : You never Know de trio Erskine Danielsson Taylor (Studio 1-2-4-5-6) • My old friend (George Duke) d’Al Jarreau (Studio 3-7) Musiques sélectionnées par Éric Pétry de RFL 101.

PERIPHERIA de David Coquard-Dassault

Séance Ciné-ma différence : PHANTOM BOY, samedi 17 octobre-14h15

France / 2015 / 12 minutes

Voyage au cœur d’un grand ensemble de banlieue laissé à l’abandon, Peripheria dresse le portrait d’un environnement urbain devenu sauvage: une Pompéi moderne où les chiens rôdent, sur les traces de la vie humaine.

A

Adama Anina Ant Man

DUMB WAYS TO DIE de Julian Frost

Voir pages Jeune Public

Australie / 2014 / 3 minutes

Tout un tas de personnages trouvent la mort de manière ridicule et sanglante. Pourtant ils le prennent bien et leurs cadavres dansent joyeusement ensemble.

Durée du programme : 76 minutes

Asphalte

France – 2015 – 1h40, de Samuel Benchetrit,avec Isabelle Huppert,Valeria Bruni-Tedeschi, Gustave Kervern, Michael Pitt...

Six personnages et trois rencontres autour d’un immeuble dans une cité. Soit un ado délaissé, une infirmière de nuit, un homme en fauteuil roulant, une actrice à la carrière en chute libre et, cerise sur le gâteau, l’irrésistible Madame Hamida et son astro-

naute tombé du ciel... Samuel Benchetrit avait commencé assez fort avec Janis et John puis, J’ai toujours rêvé d’être un gangster , la suite ( Chez Gino, Un voyage) a déçu... Heureusement, Asphalte signe son retour en grande forme. Avec sa distribution cinq étoiles, on suit avec plaisir les chassés-croisés des personnages et on jubile devant certaines trouvailles du réalisateur. Ces rencontres parfois improbables sont touchantes, pleines de surprises, mais, surtout, très drôles. Entre humour noir, absurde, et franche comédie, la palme revient sans conteste au couple formé par Madame Hamida et John McKenzie. Très plaisant. JF Film proposé au jeune public, les parents restant juges. Les CARNETS du STUDIO n°338 –

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C

Chronic

Mexique/USA – 2015 – de Michel Franco,avec Tim Roth, Robin Bartlett, Michael Cristofer, Sarah Sutherland

David est un aide-soignant qui s’est spécialisé dans le suivi de malades en phase terminale. Efficace et très compatissant, il fait un travail remarquable... mais, fragile et perturbé dans sa vie personnelle, il a peut-être autant besoin de ses patients qu’eux ont besoin de lui, au point d’exercer sur eux une sorte de surveillance intrusive. Qui manipule qui ? Qui utilise qui ? Le réalisateur du très cruel Despues de Lucia, qui évoquait le harcèlement adolescent, livre ici, avec le concours de l’immense Tim Roth, un film qui s’annonce tout aussi dérangeant que le précédent, nous amenant à repenser le rapport à la souffrance et à la mort. Sources : abusdecine.com, charlie’s blog

D

Les Deux amis

France – 2015 – 1h40, de Louis Garrel, avec Golshifteh Farahani, Louis Garrel, Vincent Macaigne...

Clément et Abel sont amis depuis toujours et inséparables. Quand Clément rencontre Mona, vendeuse dans une sandwicherie de la gare du Nord, il en tombe immédiatement amoureux. Mais Mona cache un secret et Clément désespère de la conquérir, il fait alors appel à Abel... Brillant acteur, et après deux courts et un moyen métrage (dont Petit tailleur sorti en salle en 2010), Louis Garrel signe avec Les Deux amis son premier long métrage. Écrit avec Christophe Honoré (pour lequel il a déjà tourné de nombreuses fois), et joué par des proches, le film porte une grande sincérité. Entre comédie et émotion, Les Deux amis rappelle aussi bien César et Rosalie que Marche à l’ombre. C’est dans ce grand écart que se situe son originalité, sa singularité, que l’on trouve, par exemple, dans sa description de la force de l’amitié et dans la ferveur mise à filmer son actrice principale. Dans ce rôle, la grande

Golshifteh Farahani (À propos d’Elly, Syngué sabour, My sweet pepperland , entre autres) illumine l’écran. JF

Elser, un héros ordinaire Allemagne – 2015 – 1h54, de Oliver Hirschbiegel, avec Christian Friedel, Katharina Schuttler…

Floride

France – 2015 – 1h50, de Philippe Le Guay, avec Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas

E

Le 8 novembre 1939, alors qu’Adolf Hitler vient de prononcer un discours devant les dirigeants de son parti dans une brasserie munichoise, une bombe explose. Indigné par la brutalité croissante du régime nazi, Georg Elser, modeste menuisier, est le seul auteur de cet attentat qui a échoué car Hitler et ses lieutenants avaient déjà quitté les lieux. Rattrapé au cours de sa fuite vers la Suisse, arrêté et torturé par les nazis qui le croient membre d’un complot fomenté par une puissance étrangère, il devient un héros ordinaire pour tous les résistants... « Je voulais créer un sentiment de malaise continu, sentiment que je ressens depuis que je me passionne pour l’histoire du Troisième Reich. Tout le pays était comme enfermé sous une cloche de verre. C’est ce que j’ai voulu montrer sans jamais juger ni dénoncer, en dépeignant la vie des campagnes allemandes de cette époque à travers une communauté villageoise traditionnelle, progressivement infiltrée par les nazis. »

Sources : dossier de presse

G

Sources : dossier de presse

Filmographie sélective : La Chute (2004), Diana (2013).

Entre ciel et terre,

quand le hip hop devient un art Voir pages Jeune Public

Fatima FILM DU MOIS, vois au dos du carnet

Claude Lherminier, un ex-industriel, a aujourd’hui 80 ans et peu d’autres plaisirs dans la vie que d’embêter tyranniquement le monde et, au premier chef, sa gouvernante... Atteint d’Alzheimer, il ne se rappelle pas que sa fille cadette, Alice, est morte depuis 9 ans déjà... Il revient à Carole, la fille aînée, de faire coller les morceaux, d’éviter que son père ne s’effondre complètement... tout en tentant de refaire sa vie avec un nouvel homme... Une comédie sur Alzheimer... douteux, direz-vous... eh bien c’est oublier que P. Le Guay n’a pas signé ici qu’une comédie et que parmi ses films précédents (Alceste à bicyclette , Les Femmes du 6 e étage... ), le plus réussi était peut-être Trois Huit , démonstration impitoyable et dérangeante du harcèlement au travail... Et, pour sa nouvelle livraison, il s’est offert un trio d’acteurs plus que prometteur (et l’on se réjouit de revoir Laurent Lucas, qui se faisait assez discret ces derniers temps !)

F

Le Grand jour Documentaire – France – 2015 – 1h26, de Pascal Plisson

Deux ans après Sur le chemin de l’école (César du meilleur documentaire) qui suivait des enfants vivant aux quatre coins du globe mais partageaient la même soif d’apprendre, le réalisateur poursuit sur sa lancée. Il nous offre un nouveau film dans lequel il choisit de montrer le parcours de jeunes gens qui se sont lancé un défi : aller au bout de leur rêve, de leur passion et réussir l’épreuve qui va bouleverser leur vie. Ils vivent à Cuba, en Inde, en Ouganda ou en Mongolie, ont tout sacrifié pour les maths, la danse ou la boxe, mais ensemble ils vont vivre un jour exceptionnel qui doit

les amener à se dépasser et à se réaliser. Cette nouvelle aventure humaine pleine d’espoir, dans laquelle la caméra sait se faire oublier pour nous faire vivre au plus près la préparation de ces quatre jeunes, est aussi intense et aussi prometteuse que le fut Le Chemin de l’école. Sources : dossier de presse

La Glace et le ciel France – 2015 – 1h28, de Luc Jacquet

Dès 1956, Claude Lorius passe un an en Antarctique et découvre que chaque bulle d’air prisonnière de la glace témoigne de l’époque où elle fut capturée. En 22 expéditions et 10 ans passés au pôle il fore inlassablement la glace jusqu’à remonter à l’atmosphère qui prévalait il y a plus de 400 000 ans ! Tout au long de sa vie, Claude Lorius a essayé d’alerter le monde sur les dangers que l’homme fait peser sur la planète, danger rendu évident par l’hallucinante progression depuis le début du XXe siècle de la courbe de CO2 contenu dans les glaces. Le film de Luc Jacquet retrace la vie extraordinaire de cet homme aujourd’hui âgé de 82 ans, sa passion et son engagement dans lesquels lui-même se reconnaît pleinement. La Glace et le Ciel a été présenté hors compétition en clôture du dernier festival de Cannes. Il est le premier documentaire à avoir eu cet honneur. Sources : dossier de presse

L’Homme irrationnel USA – 2015 – 1h37, de Woody Allen, avec Joaquin Phoenix, Parker Posey, Emma Stone…

H

Professeur de philo dépressif et alcoolique, Abe Lucas entame une liaison avec une collègue en manque de compagnie après un mariage désastreux, et n’est pas insensible aux charmes de la jeune Jill, sa meilleure

Les fiches paraphées correspondent à des films vus par les rédacteurs.

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Les CARNETS du STUDIO n°338 –

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étudiante. Quand Abe et Jill surprennent une conversation et qu’Abe décide d’agir, la comédie romantique devient film noir, incroyablement cynique, dans la lignée de Match point ou Crimes et délits. Coups de folie, transgression, réflexion sur le sens de la vie… et des dialogues bourrés de référence à Kant ou Hegel, des acteurs au mieux de leur forme… Woody Allen nous offre une nouvelle fois un film virtuose, brillant, féroce et jubilatoire. Les critiques sont unanimes ! Sources : dossier de presse festival de Cannes (où le film a été présenté hors compétition)

I

L’Image manquante France/Cambodge – 2013 – 1h35, de Rithy Panh.

On connaît bien Rithy Panh, remarquable documentariste qui travaille en profondeur et au long cours la douloureuse histoire du massacre de la population cambodgienne par les Khmers Rouges (S21, la machine de mort khmère rouge ...). Obsédé par l’idée que certaines images manquent dans les témoignages et archives disponibles, il s’est attelé d’abord à les retrouver (notamment les images de propagande des tueurs). Puis il a fini par se dire qu’il valait peut-être mieux que certaines images soient à jamais manquantes et s’est alors attelé à la tâche de... les reconstituer... à l’aide de figurines en pâte à modeler... Ces figurines, il s’en servira pour redonner vie à ces années d’horreur, mais une vie comme encore empreinte d’une certaine douceur. Le tout a reçu le Prix un certain regard à Cannes en 2013. Sources : abusdecine.com, dossier de presse.

J

Je suisFranceà –vous tout de suite 2014 – 1h40, de Baya Kasmi, avec Vimala Pons, Agnès Jaoui, Anémone, Mehdi Djaadi, Ramzy Bedia…

Fille d’un père qui dirige une épicerie associative et d’une mère psy qui analyse souvent gratuitement ses clients, Hanna Bel-

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tissage, semi-autobiographique, imprégné par le chagrin, le courage et l’humour qui caractérisent la vie de mon pays » (Y. Zeleke).

kacem est trop gentille et a toutes les peines du monde à renvoyer un membre du personnel alors qu’elle travaille aux ressources humaines d’une grande entreprise. Un jour, Hanna revoit son frère qu’elle déteste et qu’elle n’a pas vu depuis 15 ans : il veut quitter la France pour aller en Algérie, pays de ses «origines» alors qu’il n’y a jamais vécu. La famille ne comprend pas sa décision, surtout le père qui entre dans une colère noire... Premier long-métrage de la scénariste Baya Karim qui avait co-écrit Le Nom des gens avec Michel Leclerc. On y retrouve la même enthousiasmante fantaisie, la volonté de bousculer les idées reçues. « Quand on écrit dans une France inégalitaire, angoissée et souvent xénophobe, on a la sensation de marcher au milieu d’un champ de mines, on a peur de donner du grain a moudre aux fachos et aux racistes. Pour moi, le seul remède à cette situation, c’est l’humour. Dans l’humour, il y a la violence et la tendresse qui coexistent... » Un premier film qui respire la liberté

Sources : dossier de presse, afrique.lepoint.fr.

Voir pages Jeune Public

M

Sources : dossier de presse

Lamb

France/Ethiopie/Allemagne/Norvège – 2015 – 1h34, de Yared Zeleke, avec Rediat Amare, Kidist Siyum, Wolela Assefa…

Ephraïm, un jeune Éthiopien de 9 ans, ne se sépare jamais de sa brebis. Confié par son père à des parents éloignés, le garçon, accompagné de son animal, supporte mal sa nouvelle vie. D’autant plus qu’un jour, pour un repas de fête, son oncle lui demande de sacrifier sa brebis. Dès lors, Ephraïm va tenter de lutter afin de réussir à sauver son unique amie et prendre le chemin du retour vers sa terre natale. Belle réussite pour ce premier film de Yared Zeleke présenté d’emblée à Cannes dans la sélection Un certain regard ! Filmé du point de vue de l’enfant, Lamb confronte le héros à la rudesse de la vie des fermiers éthiopiens. « Il s’agit d’un roman d’appren-

L

Marguerite

France – 2015 – 2h07, de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot, André Marcon, Michel Fau, Christa Théret…

Près de Paris, au début des années folles. Une femme fortunée, Marguerite Dumont, se passionne pour l’opéra, tant et si bien qu’elle se produit régulièrement dans son château et depuis des décennies devant son cercle d’habitués. La vérité est qu’elle chante tragiquement faux, mais ni son mari ni son entourage ne le lui ont jamais dit, entretenant même Marguerite dans ses illusions de cantatrice ! Or cela se complique le jour où la soprano se met en tête de chanter devant un public à l’Opéra, malgré les réticences de ses proches… Inspiré de la vie de Florence Foster Jenkins, une Américaine qui rêvait de mener une carrière de cantatrice, Marguerite , incarnée par la sublime C. Frot, annonce un beau moment de cinéma riche en émotions. Sources : dossier de presse, senscritique.com.

Filmographie sélective : Les Corps impatients (2002), Quand j’étais chanteur (2006), À l’origine (2008), Superstar (2012).

Mémoires de jeunesse

Grande-Bretagne – 2015 – 2h09, de James Kent, avec Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton…

Vera Brittain, auteure anglaise pacifiste et devenue une des figures imposantes de l’émancipation féminine, signe en 1933 Testament of youth. Le film, inspiré de cette œuvre majeure, retrace la vie de la jeune femme pendant la première guerre mondiale. Résolue à s’émanciper de son milieu bourgeois et malgré l’hostilité de parents très conservateurs, elle passe les examens d’admission à Oxford et choisit de

devenir écrivaine. Elle est encouragée par son jeune frère et sa bande d’amis dont le brillant Richard dont elle s’éprend. Avec la guerre, dans laquelle les jeunes hommes s’engagent, vient le temps des rêves brisés. Ce portrait touchant qui se présente sous la forme d’un long flash back tragique et mélancolique, est porté par la lumineuse Alicia Vikander ( Royal affair, Anna Karénine…) qui confirme ici son grand talent. Sources : dossier de presse

Mission : Impossible-Rogue Nation

USA – 2015 – 2h12, de Christopher McQuarrie, avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg, Rebecca Ferguson...

L’équipe de Mission Impossible a été dissoute, Ethan Hunt et ses acolytes se retrouvent séparés et sans travail. Pourtant un réseau d’agents spéciaux sans scrupules est déterminé à faire régner un nouvel ordre mondial en perpétrant des attaques terroristes particulièrement violentes. En secret, les (ex)espions décident d’agir.. La série de films inspirée par la série télévisée du même nom est une exception : plus les numéros s’accumulent et meilleurs sont les films. Celui-ci ne déroge pas à la règle et est particulièrement plaisant et ludique. Point de pyrotechnie à outrance, ni d’effet spéciaux envahissants, mais un parfait équilibre entre humour et action à l’ancienne , très réussie. Et certaines séquences sont très belles, notamment celles qui se déroule entièrement dans les cintres de l’opéra de Vienne pendant une représentation de Turandot. JF

Mon roi

France – 2015 – 2h04, de Maiwenn, avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, Isild Le Besco, Patrick Raynal…

Après une grave chute de ski, Tony, avocate de profession, séjourne dans un centre de rééducation. Alors que ses blessures physiques la rendent dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle

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repense à Georgio avec qui elle a vécu une histoire d’amour passionnelle. Mais qui était véritablement cet homme parvenu à la soumettre à ce lien destructeur ? Pourquoi se sont-ils aimés ? Entravée par son corps blessé, Tony amorce une difficile reconstruction qui lui permettra peut être aussi de se libérer définitivement… La talentueuse réalisatrice de Polisse (2011) et du film Le Bal des actrices (2009) nous propose l’histoire d’une passion étouffante incarnée par un superbe duo d’acteurs. L’occasion également de revoir Louis Garrel, récemment venu aux Studio pour une soirée mémorable. Il endosse ici le rôle (d’importance) du frère de Tony, Solal… Mon roi va plaire, déranger, amuser et vraisemblablement transporter le spectateur « sur les montagnes russes de l’émotion » ! Sources : dossier de presse, telerama.fr.

Mon voisin Totoro Voir pages Jeune Public

Much Loved

France/Maroc – 2015 – 1h45, de Nabil Ayouch, avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane, Sara Elmhamdi Elalaoui…

À Marrakech, Noha, Randa, Soukaina et Hlima, objets de désirs, vivent de leurs amours tarifées. L’argent circule auprès de ces femmes vivantes et solidaires, au gré des rencontres, des plaisirs et des humiliations subies. Leur parole se délie avec une grande liberté de ton. Restant dignes dans leur royaume de femmes émancipées, elles surmontent la violence d’une société qui les utilise tout en les condamnant… À la Quinzaine des réalisateurs , Much loved n’a pas laissé le public de Cannes indifférent. Sans concession, ni fausse pudeur, N. Ayouch montre la réalité de la vie des prostituées qui catalysent tant de frustrations dans une société où le sexe et l’amour disposent de peu de place pour s’exprimer.

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et demie du soir en été de Marguerite Duras, il a voulu transposer ce récit des années 60 ans dans la France d’aujourd’hui : « La dimension politique du triangle amoureux chez Duras, j’ai eu envie de la transposer sur le personnage de Nabil, qui n’est plus un paysan du coin comme dans le livre mais un ouvrier d’origine maghrébine qui a épousé une Française et qui est condamné à retraverser la Méditerranée, à repartir d’où il vient, d’où il s’est échappé, d’où il a émigré. »

Sources : dossier de presse, next.liberation.fr.

Filmographie selective : Mektoub (1997), Les Chevaux de dieu (2012).

Ni le ciel ni la terre

France – 2014 – 1h40, de Clément Cogitore, avec Jérémie Renier, Swann Arlaud, Kevin Azaïs, Marc Robert...

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Le capitaine Bonassieu commande une section en Afghanistan. À l’approche du retrait des troupes (en 2014) le secteur frontalier dont ils sont censés assurer la contrôle devient de plus en plus difficile... à tel point que des soldats vont commencer à disparaître. La France n’est pas réputée pour oser affronter ses guerres au cinéma quand elles sont encore fraîches et c’est donc avec intérêt que l’on regardera cette rareté : un film de guerre où les combats n’occupent qu’une place restreinte pour faire la place à ce qui relève de « l’hallucination collective, la vision nocturne (...) et une réelle ambition plastique. » La critique souligne le caractère ambitieux du film ainsi que sa grande force d’évocation, sans oublier – on s’y attendait – le travail de Jérémie Renier ou celui de Kevin Azaïs, découvert cette année dans Les Combattants.

Vendredi 9 octobre, Ciclic et les Studio proposent une rencontre avec le réalisateur Fabrice Camoin, après la projection de 19h45.

P

Sources : dossier de presse

Orage

France – 2015 – 1h23, de Fabrice Camoin, avec Marina Foïs, Sami Bouajila, Valérie Donzelli…

Un violent orage bloque Maria et sa famille sur la route des vacances. Ils se réfugient dans une petite ville, près de la frontière espagnole, où la police recherche un homme qui vient de tuer sa femme et son amant. En pleine nuit, Maria se retrouve par hasard face au meurtrier. Croyant échapper à ses propres démons, elle décide de s’enfuir avec lui … Assistant réalisateur de Stévenin, Schroeter, Piccoli, Ferreira Barbosa ou Léa Fazer, Fabrice Camoin a tourné deux courts métrages sélectionnés dans de nombreux festivals. Librement adapté de Dix heures

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Par accident

France – 2014 – 1h25, de Camille Fontaine, avec Hafsia Herzi, Émilie Dequenne, Mounir Margoum...

Amra, une jeune Algérienne timide et introvertie, vit dans une grande précarité humaine et sociale, en attente d’obtenir ses papiers français. Elle renverse accidentellement un piéton qui reste entre la vie et la mort. Elle est alors rongée par la culpabilité jusqu’à la rencontre d’Angélique qui l’innocente. Mais cette nouvelle amie, au caractère outrageusement décomplexé, adopte un comportement bizarre... Notons que Camille Fontaine, scénariste aguerrie, a puisé ses inspirations dans le thriller. Elle a fait appel pour sa première réalisation au compositeur Christophe afin qu’il invente une musique « élégante, sophistiquée et mélancolique ». N’hésitez pas à découvrir ce duo de comédiennes dont les prestations ne nous ont jamais déçus ! Sources : dossier de presse.

Film proposé au jeune public, les parents restant juges.

Petites casseroles Phantom Boy Porco Rosso Sametka, la chenille qui danse Voir pages Jeune Public

Tête baissée

Belgique/Bulgarie/France – 2015 – 1h44, de Kamen Kalev avec Melvil Poupaud, Seher Nebieva, Lidia Koleva…

S T

Samy, jeune repris de justice, se retrouve accusé de trafic de fausse monnaie entre la France et la Bulgarie au retour d’une livraison. La police française lui propose alors un marché : infiltrer la mafia bulgare du proxénétisme ! Acceptant cette mission à très haut risque, Samy croise sur sa route Elka, une jeune prostituée bulgare, qu’il embarque avec lui. Kamen Kalev est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste bulgare formé entre autres à la Fémis. Alors que ses premiers court-métrages sont primés dans les festivals européens, les premiers longs, Eastern Plays,(2009), The Island (2011) et un documentaire collectif, Les Ponts de Sarajevo (2013), sont tous présentés à Cannes ! Tête baissée annonce un sujet sensible abordé par un réalisateur talentueux. Sources : dossier de presse, premiere.fr.

The Program

Angleterre/France – 2015 – 1h44, de Stephen Frears, avec Ben Foster, Chris O’Dowd, Guillaume Canet…

Retracer l’histoire du grand champion cycliste américain (ou imposteur, c’est selon) Lance Armstrong, voilà le défi que s’est donné Stephen Frears. De la lutte du coureur contre le cancer à ses nombreux succès hexagonaux, jusqu’aux polémiques et au scandale de dopage, le cinéaste a souhaité mettre en images la légende

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controversée que représente le champion cycliste. Ben Foster semble incarner à merveille le personnage d’Armstrong, tandis que c’est en Canet que Frears a vu le sulfureux médecin Michele Ferrari, accusé lui aussi. Chris O’Dowd campe quant à lui un journaliste sportif irlandais, David Walsh, convaincu du dopage du cycliste américain. C’est d’ailleurs à partir du livre de ce dernier, Seven Deadly Sins: My Pursuit of Lance Armstrong, que Frears a réalisé son film. Une biographie cinématographique qui s’annonce haute en couleurs !

ces jeunes combattants, cultivés et brillants, qui écrivent, réalisent des films ; il décrit la manière dont ils vont basculer dans la violence. Cette immersion dans l’histoire allemande de ce que l’on a appelé Les Années de plomb, est le fruit d’un véritable travail d’historien des images, sans parti pris, sans concession. Un film passionnant…

Sources : dossier de presse

avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano…

Une enfance

France – 2014 – 1h40, de Philippe Claudel, avec Alexi Mathieu, Angelica Sarre, Pierre Deladonchamps...

Jimmy s’apprête à passer en 6e (avec deux petites années de retard) mais, surtout, entre une mère incompétente et un beaupère qui passe le plus clair de son temps à boire et fumer (des choses pas toujours légales), c’est à lui de s’occuper de son petit frère et, souvent, de s’occuper de la famille tout court. Jimmy n’aime pas la façon dont Duke, son beau-père traite sa mère. L’été s’annonce long et fastidieux mais, surtout, Jimmy sent monter en lui une colère qui pourrait bien le dépasser, qui pourrait bien faire que ce drame familial vire au drame tout court... Sources : dossier de presse.

Une jeunesse allemande Allemagne, France, Suisse – 2015 – 1h33, documentaire de Jean-Gabriel Périot.

La Fraction Armée Rouge (RAF), organisation terroriste d’extrême gauche plus connue sous le nom de Bande à Baader , opère en Allemagne dans les années 70. Leurs cibles : les institutions de la RFA, l’armée américaine sur le sol allemand ou le patronat. Ce documentaire réalisé par un cinéaste français est sans commentaire et uniquement construit avec des documents d’époque. Il retrace le parcours de

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maman n’a pas beaucoup de sous, hein... Mais voilà, les deux ont le sens du business et petit deal deviendra grand... Cela aurait pu être un drame social... c’est une comédie enlevée et tonique ! Pour un certain nombre de critiques, ce fut même l’une des bonnes surprises de Cannes... puisque Le Monde parle même du « film le plus espiègle et charmant qu’il nous ait été donné de voir à Cannes. »

Sources : dossier de presse Festival de Berlin

Sources : dossier de presse, lemonde.fr

Vers l’autre rive France/Japon - 2014 - 2h08, de Kiyoshi Kurosawa, Yusuke a disparu en mer, il y a trois ans. Un soir, sans que Mizuki sa veuve en soit surprise, il jaillit de l’ombre de leur appartement. En entraînant sa femme pour un voyage dans le temps et dans l’espace, Yusuke veut à la fois lui faire partager les endroits merveilleux qu’il a traversés et les belles rencontres qui ont jalonné ses années dans les limbes ; mais aussi préparer sa disparition définitive. Si, en adaptant le roman de Kazumi Yumoto, Kiyoshi Kurosawa investit de nouveau le royaume des morts et des fantômes, il opte cette fois pour une plongée plus onirique qu’horrifique, ce qui lui a permis d’être couronné par le Prix de la mise en scène d’Un Certain Regard lors du dernier Festival de Cannes. Avec ce film, il réussit à normaliser la compagnie des fantômes ! Sources : dossier de presse, critikat.com, next.liberation.fr

Filmographie sélective : Kandagawa Wars (1983), Kaïro (2001), Tokyo Sonata (2008)

V

Y

Youth

Italie/Angleterre/Suisse – 2015 – 1h58, de Paolo Sorrentino, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz…

Deux amis octogénaires, Fred et Mick, artistes – l’un fut chef d’orchestre, mais a pris sa retraite, l’autre persiste en tant que

Cycle Le cinéma anti-nazi

Lundi 19 octobre - 19h30

Lundi 5 octobre - 19h30

Cycle Le cinéma anti-nazi

Les Bourreaux meurent aussi de Fritz Lang (1943) USA noir et blanc 2h20

Lundi 12 octobre Cycle Le cinéma anti-nazi

UNE SOIRÉE, DEUX FILMS

avec Balamine Guirassy, Ali Bidanessy, Guillaume Gouix

Lundi 26 octobre - 19h30 SOIRÉE MAX LINDER

Les Surprises de l’amour Amour et fromage (1910) France Noir et blanc 6’

21h30 : Les Espions sur la Tamise de Fritz Lang (1944) USA noir et blanc 1h25

Adama et Mamadou fréquentent (de temps en temps) le même collège ; sur le point d’être expulsé, Adama signe un pacte de bonne conduite avec la CPE mais ne saurait pas refuser un petit deal de shit ; sa

le Criminel

de Orson Welles (1945) USA noir et blanc 1h35 avec Orson Welles, Loretta Young et Edward G. Robinsonde Fritz Lang (1943) USA noir et blanc 2h20

(1909) France Noir et blanc 6’

19h30 : Cape et poignard de Fritz Lang (1946) USA noir et blanc 1h46 avec Gary Cooper et Lilli Palmer.

La Vie en grand France – 2014 – 1h33, de Mathieu Vadepied,

cinéaste – passent leurs vacances dans un hôtel luxueux au pied des Alpes suisses. Les gens y défilent, se souciant peu du temps qui passe, celui-là même qui obsède pourtant les deux vieux hommes, qui se savent au crépuscule de leur vie. Présenté en compétition officielle à Cannes cette année, le dernier film de Paolo Sorrentino offre des atmosphères très différentes et variées ; tantôt drôle voire grinçant, il peut aussi se montrer assez réflexif ou poétique. Mû par la même esthétique caractéristique, déjà à l’œuvre dans son précédent – et très beau – long-métrage, La Grande Bellezza, Youth est un film à ne pas manquer, qui ne laissera probablement pas indifférent. ER

Soirées présentées par Laurent Givelet

Sept ans de malheur (1921) USA Noir et blanc 1h15

Tout public à partir de sept ans

Programme détaillé dans le dépliant disponible à l'accueil et sur www.cinematheque.tours.fr

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Hommage Sólveig Anspach

Ici… ` MARIE PLEINE DE GRÂCES Pour sa prochaine prestation, Freya Mavor (La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil) va devoir prouver que son talent de comédienne ne se limite pas à une paire de gambettes interminables et à un festival d’écarquillements de prunelles. En effet, Yvan Attal l’a choisie pour incarner la Vierge Marie, personnage qui, objectivement, n’est pas le plus indiqué pour travailler son jeu de jambes. Mais sait-on jamais, car le réalisateur annonce une comédie à sketchs ayant pour vocation de se moquer des clichés antisémites Et de témoigner de son amour pour la France. Si les comédiens sont déjà choisis : Freya Mavor donc, mais aussi Charlotte Gainsbourg, Catherine Frot, Benoît Poelvoorde, François Damiens, Dany Boon et Gilles Lellouche, le titre, quant à lui, reste à déterminer. ` PARCE QUE C’ÉTAIT LUI, ET PARCE QUE C’ÉTAIT LUI On ne penserait pas immédiatement à associer ces deux personnalités atypiques ! Et pourtant Iggy Pop et Michel Houellebecq font plus que s’apprécier : le premier a réalisé un album Préliminaires directement inspiré du roman du second, La Possibilité d’une île , tandis que le second admire le travail du premier depuis 1971. Pour leur plus grand plaisir, ces deux-là se sont retrouvés cet été pour le tournage d’un film adapté d’un livre de Houellebecq, lequel précise qu’il : « n’arrive absolument pas à raconter ce projet poétique et documentaire. Ça ne ressemble à rien. » Voilà qui promet ! ` PORTRAIT DE FEMMES L’après La Loi du marché pour Stéphane Brizé ne sera ni ancré dans la réalité sociale contemporaine, ni une quatrième collaboration avec son alter ego, Vincent Lindon, puisqu’il travaille sur une nouvelle adaptation du roman de Maupassant, Une vie. Judith Chemla (Camille Redouble) incarnera Jeanne Le Perthuis des Vauds de sa sortie du couvent jusqu’à ses quarante ans, tandis que Jalil Lespert donnera vie à son mari volage, et que Yolande Moreau et Jean-Pierre Darroussin seront ses parents.

Ici et aileurs… ` SUR LA ROUTE Révélée en 2011 grâce à sa prestation dans Avant l’aube de Raphaël Jacoulot, la jeune India Hair a depuis enchaîné pas moins de dix tournages, dont le dernier Crash test Aglaé, premier film d’Éric Gravel, va l’emmener fort loin. En effet, elle va interpréter une jeune ouvrière qui, suite à une enfance sans repères, a tout investi dans son travail. Alors quand la direction de son entreprise annonce une délocalisation en Inde, contre toute attente, elle accepte d’aller s’y installer. La route sera d’autant plus longue et rocambolesque qu’elle se fera en… voiture. Julie Depardieu, Yolande Moreau et Frédérique Bel ont aussi signé pour ce projet étonnant. IG

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Sólveig Anspach aux Studio, le 6 décembre 2013, © Nicole Joulin

« Sólveig Anspach, née le 8 décembre 1960 à Heimaey dans les îles Vestmann en Islande, et morte le 7 août 2015 dans la Drôme, est une réalisatrice française d’origine islandaise diplômée de la Femis à Paris. » Voici le bref premier paragraphe de la fiche Wikipedia consacrée à Solveig Anspach... La suite est certes un plus détaillée, mais laisse sur sa faim tout de même... J’aimerais revenir brièvement sur le travail et la personnalité de cette cinéaste tout à fait remarquable qui, en compagnie de Karine Viard, était passée pour la deuxième fois aux Studio en décembre 2013 pour nous présenter Lulu femme nue, qui allait être son dernier film sans que nous le sachions alors... Nous savions toutefois que sa venue était difficile puisque nous avions été informés de la récidive d’un cancer... Le cancer et S. Anspach, c’était une longue histoire puisque sa première fiction, Haut les cœurs retraçait déjà, justement, la lutte d’une femme contre le cancer. Loin de toute forme de misérabilisme, le personnage interprété par Karin Viard incarnait au contraire une formidable envie de se battre et de vivre, quoi qu’il arrive... Mais Solveig Anspach se distinguait par bien plus que ce courage et cette contagieuse énergie. La diversité de sa production était en soi remarquable, car assez peu courante dans le cinéma français : 15 documentaires et 6 fictions (plus une septième qui était en production au moment de son décès). Mais, à l’intérieur de ces catégories, là aussi

régnait une grande diversité : peu en commun en effet, dans la catégorie documentaires, entre Made in the USA (qui traitait de la peine de mort) et Faux tableaux dans vrai paysage islandais (qui évoquait une histoire de faussaire) ou bien La Revue, sur la famille encore Deschamps/Makeïef. Mais, dans ses fictions aussi, S. Anspach a su faire un grand écart entre le brutal et dramatique Haut les cœurs ou les comédies déjantées que sont Back soon ou Queen of Montreuil. Il est toutefois assez facile d’y déceler un point commun, un fil conducteur, qui est son immense affection pour ses personnages, affection qui, quelle que soit la tonalité des films, leur donnait une bouleversante humanité. Elle devait revenir aux Studio l’année prochaine, à l’invitation du CHRU, pour y présenter une nouvelle fois Haut les cœurs, cela ne se fera donc pas... Il reste une chance que son dernier film, qui était en cours de montage, finisse par voir le jour en 2016. Il devrait s’appeler L’Effet aquatique et l’on y retrouverait Didda Jondostir, la fabuleuse actrice qui dynamitait déjà Back soon et Queen of Montreuil car telle est la grandeur de S. Anspach que son dernier film aura été une nouvelle comédie déjantée, troisième volet de le trilogie qui commençait par les deux précédemment cités. ER PS : On trouve des extraits vidéos de son dernier passage sur le site des Studio (Rubrique : Ça s’est passé aux Studio) ou bien à partir du lien suivant : http://www.studiocine.com/lesrencontres/articles/rencontre-avec-karine-viard-et-solveiganspach.html#.VexVjhHtlBc On y apprend entre autres qu’elle a obtenu les droits de Lulu femme nue... parce qu’elle savait tricoter des écharpes bien chaudes...

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Bande annonce

À propos de La Dame dans l’auto…

«

J’ai été soumis à la privation de sommeil pendant 11 jours. Ça m’a rendu fou. Ils m’ont aspergé d’eau froide. Ils m’ont gardé debout pendant 20 heures par jour. Je devais tendre mes mains et mes bras. Si je m’assoupissais, ils tapaient sur le béton avec une hache. » Ce témoignage n’est pas celui d’un opposant chilien sorti des geôles de Pinochet, mais celui de Shaker Aamer, citoyen britannique détenu sans inculpation ni jugement depuis 2002 dans la prison américaine de Guantanamo. Si la torture a de tout temps été pratiquée par les dictateurs pour entretenir la peur et museler l’opposition, elle est aussi très souvent utilisée par des régimes qui, tout en affichant leurs attachements démocratiques, n’hésitent pas à bafouer les droits humains sous prétexte de défendre la sécurité nationale ou de lutter contre le terrorisme. Au nom d’une prétendue force majeure, combien d’États commettent, encouragent ou cautionnent des pratiques injustifiables ? Sur les 155 états qui ont ratifié en 1984 la Convention des Nations Unies sur la torture, vingt ans plus tard, 79 étaient encore répertoriés comme ayant recours à des traitements inhumains et dégra-

dants. De la torture pratiquée à « l’échelle industrielle » en Syrie à la torture américaine, en partie externalisée dans les caves obscures de Pologne et de Roumanie (sans que l’Europe ne s’en émeuve !), en passant par le Mexique, les Philippines, le Maroc et tant d’autres, la culture de l’impunité prévaut sur la justice. La France elle même ne vient-elle pas de signer un accord avec le Maroc, aux termes duquel les plaintes déposées sur son territoire par des personnes torturées au Maroc seront renvoyées vers Rabat ? 44 % des personnes interrogées au niveau mondial en 2014 ont affirmé qu’elles craignaient d’être torturées si elles étaient placées en garde à vue. Dans le même temps, 36 % d’entre elles estimaient que la torture était parfois nécessaire. Souvenons-nous de l’interview de Marine Le Pen déclarant : « Il peut y avoir des cas (elle cite celui d’une bombe prête à exploser) où il est utile de faire parler la personne ». À la question du journaliste : « Même sous la torture ? » elle répond : « Avec les moyens qu’on peut ». Les lois existent. Mais il n’y a pas de loi qui protège sans volonté citoyenne de la voir appliquer. L’indifférence est toujours l’alliée de la torture. Accepter passivement que des êtres humains dorment dehors, qu’ils soient chassés par la police à coup de gaz lacrymogène des bidonvilles où ils ont trouvé refuge, laisser sans mot dire la loi sur le renseignement instaurer une surveillance généralisée de la population, n’est-ce pas admettre tacitement une violence institutionnelle qui fait le lit de la torture ? Faut-il attendre qu’il soit trop tard pour réagir ? Amnesty International, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Association d’aide aux victimes en Syrie.

SFAR SYSTEM A

uteur de BD, romancier, directeur de collection, musicien, chroniqueur à la radio et depuis Gainsbourg, vie héroïque, en 2011, scénariste et réalisateur de films, Johann Sfar a mis en scène La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, à partir du roman de Sébastien Japrisot (1966). Dans Le Huffington Post, Joann Sfar explique que « ce qui l’intéresse (Japrisot) ce n’est pas l’intrigue ou la résolution mais le choc tragique d’un destin rongé par la culpabilité. J’ai donc eu une lecture plus proche de Franz Kafka ou de Samuel Beckett que du lieutenant Columbo. Le thriller, c’est l’émotion, l’angoisse, la culpabilité et le sang. Son roman est vraiment une lettre d’amour à Alfred Hitchcock. » Si on comprend bien ces intentions, force est de constater que le résultat n’est pas vraiment à la hauteur des ambitions, car ce qui ressort de ces fort longues 93 minutes c’est que l’on ne sait pas vraiment à quoi correspond cet enchaînement d’images. Un long clip publicitaire ? Ode à la beauté de Freya Mavor, on a a parfois l’impression d’entendre la bande son d’une fameuse publicité pour collants, particulièrement quand Dany déploie ses interminables jambes, pour fouler d’une démarche élastique le parking du garage ! Un inventaire (trop) exhaustif de l’esthétique des années 70 ? Avec des références revendiquées au Passager de la pluie de René Clément (NB : sur un scénario de… Sébastien Japrisot) et à Galia de Georges Lautner, sans oublier l’utilisation récurrente de l’écran divisé. On sent que tout a été contrôlé dans le moindre détail, mais à un point tel que l’on perçoit surtout l’intention et que l’ensemble

paraît artificiel et superficiel. Un hommage à Hitchcock ? Cette jeune femme qui prend la route après avoir commis un larcin rappelle indéniablement la Marion Crane de Psychose, jusque dans sa façon même de couper la route pour se rendre au garage. On peut également penser à Pas de printemps pour Marnie, lors des scènes de bureau au début du film : avec les échanges entre collègues sur le départ en week-end et l’invitation du patron pour des heures supplémentaires. On pourrait sans aucun doute trouver d’autres références moins immédiatement explicites. Des questionnements mais une certitude : le traitement du dénouement. Ah là, c’est sûr que Sfar prouve que non seulement il met bien en application ce qu’il a cru comprendre des intentions de l’auteur, mais que cet aspect de l’histoire ne l’intéresse pas vraiment non plus : c’est simple, il l’exécute puisqu’il s’exprime par la bouche de Benjamin Biolay et que l’articulation n’est pas le meilleur atout de ce dernier. Là c’est d’autant plus gênant que le spectateur lambda a tout de même envie de comprendre ce qui est censé l’avoir intrigué depuis le début du film. Mais pas moyen de s’y retrouver dans ce tissu d’incohérences et d’invraisemblances, et donc d’assembler les pièces du puzzle ! Avec sa version de La Dame dans l’auto… Joann Sfar prouve au moins une chose : c’est que parfois il faut savoir rester modeste et ne pas se prétendre plus malin que l’œuvre ! Dans l’Antiquité grecque, cette attitude aurait pu être assimilée à de l’hybris (la démesure) et valoir à son auteur les foudres des dieux ! IG

NOUS EN REPARLERONS PROCHAINEMENT…

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Les rédacteurs ont vu :

LA DAME DANS L’AUTO AVEC DES LUNETTES ET UN FUSIL de Joann Sfar

Elle a une démarche... des jambes à n’en plus finir qui s’évanouissent sous une robe ultra courte, un visage dévoré par d’énormes lunettes et une chevelure rousse virevoltante à souhait. Elle est de tous les plans, insistante, jusqu’à l’agacement. Sa myopie m’a certainement empêchée de savourer sa folle quête de la mer ! MS Belle photo, gros plans et mouvements de caméra du plus bel effet, jeux de lumière et d’obscurité, évocation pleine de charme des années 70. Mais qu’il est difficile de se repérer dans cette histoire tarabiscotée dont on a du mal à démêler le vrai du faux ! Quant au dénouement réglé à la va-vite, il est aussi improbable que l’héroïne, trop complexe pour être crédible… SB

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À deux jours d’écart deux femmes qui ne se connaissent pas conduisent deux voitures qui se ressemblent, de Paris jusqu’à la Côte d’Azur (avec en bande son, l’excellent After laughter (comes tears) de Wendy Rene). Elles prennent le même itinéraire et s’arrêtent dans la même station service. Science fiction ? Pas du tout, explication de l’énigme de La Dame dans l’auto. Eh oui, dans les années 70 pour faire ces 1 000 km il n’y avait qu’une route et qu’un garage. Ça alors... JF

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil agace. Non, ne prenez pas les brunes pour des prunes, ce n’est pas (seulement) à cause de la plastique de la gentille ingénue ! La superbe fluidité des images sur une bande-son sédui-

sante ne suffit pas en effet à soutenir l’intérêt pour un scénario si bancal et des personnages si peu crédibles. Dommage que Dany n’ait pas su qu’il y a aussi la mer à Deauville... on aurait gagné du temps ! RS C’est peu dire qu’elle est contente Dany quand, à la fin du film, elle découvre enfin la mer ! Bon, d’accord, elle la voit floue parce qu’elle n’a plus de lunettes, mais elle est contente quand même. Il y en a un autre qui a dû se faire plaisir, c’est Joann Sfar, qui orchestre un véritable hymne à la beauté de son interprète. Quant au spectateur, lui, entre un scénario qui ne tient pas la route, une conclusion expédiée, une mise en scène maniériste, des comédiens peu convaincants… il a bien des raisons de se sentir frustré, irrité, voire même agacé ! IG

Bien qu’il ne fasse qu’une heure trente-trois, le long clip tape-à-l’œil de Joann Sfar m’a semblé aussi interminable que les jambes de son héroïne rouquine… DP Vous qui entrez ici renoncez à toute logique, suspendez votre incrédulité et laissez-vous embarquer dans le sillage de cette grosse américaine (non, je ne parle pas de l’actrice, qui n’est ni grosse ni américaine! Mais juste de la voiture...), le but du voyage et l’itinéraire emprunté n’ont que peu d’importance ; ce qui compte, c’est l’ambiance de la chose, qui peut aisément envoûter... ER

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Rencontre avec Marie Belhomme

Rencontre avec Marie Belhomme Les Chaises musicales Jeudi 30 juillet 2015 Marie Belhomme est venue le jeudi 30 juillet nous présenter son premier film sorti la veille : Les Chaises musicales. Ravie d’être dans une grande salle au trois quarts pleine malgré la date peu propice, le beau temps qui éloigne les spectateurs et le fait que cette soirée presque impromptue n’avait pu être annoncée dans Les Carnets, elle n’a pas boudé son plaisir et fait preuve d’une bonne humeur communicative.

Une rencontre sous le signe de la sincérité

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n préambule à la projection, elle nous dit avoir réalisé ce premier film « avec toute ma sincérité », sincérité et spontanéité dont elle fera preuve dans le débat qui a suivi.

Il fut bien sûr largement question du personnage de Perrine autour duquel est bâti tout le film et de son interprète, Isabelle Carré : « Pour moi, elle était une évidence… C’est l’une des comédiennes les plus justes et les plus douées de cette génération… Le personnage qu’elle joue est assez proche

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de ce que je suis : une jeune femme qui a du mal à trouver sa place, à prendre ses responsabilités, même si je n’engendre pas autant de catastrophes !... Elle est décalée et maladroite mais quand même ancrée dans la réalité. » Sa timidité, ses doutes permanents, le fait qu’elle soit presque tout le temps mais n’assume jamais complètement n’est pas sans rappeler l’Isabelle Carré des Émotifs anonymes de Jean-Pierre Améris, comme le fait remarquer un spectateur. La comparaison touche Marie

Belhomme qui se retrouve dans les films de ce réalisateur qu’elle aime particulièrement. Autour de Perrine, l’anti-héroïne qui se qualifie de « grosse nouille », gravitent des personnages secondaires souvent beaucoup plus assurés qu’elle : la petite fille jalouse de la ludothèque qui sait ce qu’elle veut malgré son très jeune âge, les ados et enfants qu’elle croise dans ses animations… Marie Belhomme regrette que, pour des contraintes scénaristiques et financières, elle ait dû faire de nombreuses coupes, les différents personnages perdant de l’importance au fur et à mesure.

« J’ai commencé à travailler sur le film en 2009… Et ensuite je n’ai pas cessé d’élaguer… On écrit pour réécrire sans arrêt et finalement on doit couper parce qu’il n’y a pas assez d’argent… Chaque fois on a l’impression de faire des sacrifices… Même si je n’avais pas envie de tout expliquer, j’aurais voulu par exemple donner plus d’indices sur le personnage de Perrine – trois séquences explicites ont été coupées au montage… – La réalisatrice parle de contraintes successives (de l’écriture au montage en passant par le tournage).

Elle a pourtant été aidée par quelqu’un qu’elle admire : « J’avais gagné un concours de scénario et Michel Leclerc (Le Nom des gens, Télé gaucho) a été mon parrain. Au début il me faisait des retours sur ce que j’écrivais, à la fin il est intervenu dans les dialogues. » Quant au personnage de Fabrice le dépressif – nombre de signes montrent qu’avant son coma il n’allait pas bien du tout –, « il rencontre deux femmes à son réveil et s’en sort grâce à Perrine », pourtant une catastrophe ambulante ! Marie Belhomme conclut en nous livrant que ces chaises musicales doivent être envisagées comme un conte, qu’elles reflètent son désir de dépasser la réalité… C’est sans doute ce décalage qui a fait dire à une spectatrice qu’elle avait vu « un film adorable et délicieux » ! SB

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Face à face Victoria

Victoria : une (anti)-leçon de cinéma ?

amat VICTORIA curam *

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avant celle qui est devenue le film) Au-delà de la performance (qui n’utilise pas les « tricheries » numériques de Birdman d’Inarritu, vraifaux plan séquence dont le côté m’as-tu vu allait avec le propos du film), cette façon radicale de tourner a-t-elle des conséquences sur ce que l’on voit sur l’écran ? La caméra ne quitte pas la jeune héroïne madrilène ; collée à elle, de plus en plus oppressante, elle suit le cours de la dramaturgie qui mène d’une soirée un peu trop arrosée jusqu’à un inattendu bain de sang auroral après un improbable casse où Victoria accepte d’être le chauffeur de l’équipe de bras cassés qu’elle a rencontrée à la sortie d’une boîte (certes, elle a bu et pris de la dope, mais elle n’a pas froid aux yeux, l’ex future concertiste !) Les acteurs ont dû vivre une expérience qui, au niveau de la maîtrise de la durée, peut faire penser à celle de la scène (mais sans public) avec une liberté d’improvisation importante (puisque le réalisateur ne peut pas dire « Coupez » !) et qu’il compte aussi sans doute sur le hasard puisque, dans un aussi long plan séquence, tout ne peut être maitrisé ; on sent dans le jeu de l’épatante Laia Costa cette urgence, cette plongée en avant, tête baissée, avec une énergie folle et, au bout de ce rouleau de 140 minutes, un épuisement communicatif, notamment lors de la scène d’agonie de son amoureux de la nuit. Comme l’écrit Télérama : « De ce polar : on ne peut en sortir que groggy ». DP © Dominique Plumecocq

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ue ce soit pour une fiction ou pour un documentaire, on le sait, le montage est une phase essentielle où le film se construit enfin réellement, en choisissant parmi les heures de rushs les meilleures prises, en les recoupant, en éliminant des scènes tournées qui ne semblent plus pertinentes une fois revues ou qui ne s’intègrent plus dans le récit, trop explicites, mal jouées, en réorganisant les scènes selon un ordre temporel différent. JeanPierre Améris nous disait en juillet qu’il avait tendance à trop couper, que certains de ses films devenaient trop « secs » comme L’Homme qui rit par exemple. D’autres réalisateurs n’arrivent pas à finir le montage, remettant obsessionnellement les images sur le métier à tisser l’histoire, on pense notamment au parcours du combattant de la table de montage d’Abdelatif Kechiche avec La Vie d’Adèle avant le festival de Cannes 2014… Comment alors oser se passer de cette étape incontournable ? Celle par lequel le réalisateur a l’entière matrise sur le cours des choses, les tournages étant toujours émaillés de multiples contretemps ? Pourquoi Sebastian Schipper a-t-il voulu tourner en un seul plan séquence de 2h20 son quatrième film Victoria ? Certes, il a choisi de le tourner pendant la nuit et l’aube berlinoises mais on imagine l’invraisemblable complexité de la préparation (des acteurs, des figurants, des techniciens) pour que les multiples séquences de cette errance déjantée soient parfaitement en place ! (Il y a eu deux mauvaises prises

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n 2h15, Victoria vous happe pour ne plus vous lâcher, alors même que, pendant une bonne partie du film, il ne s’y passe somme toute pas grand-chose... Certes, il y aura un braquage, certes il y aura des morts, de l’argent qui change illégalement de main et certes encore, il y aura aussi comme le début d’une histoire d’amour, mais tout cela est plutôt concentré sur le dernier tiers du film... Avant ? Eh bien des jeunes gens discutent, draguent, font diverses bêtises de peu de conséquence, boivent (sûrement un peu trop, mais tout est aussi question de milieu et, ici, nous sommes à Berlin, en compagnie de jeunes fêtards, alors...). Et tout cela crée malgré tout énormément de tension : au bout de cinq minutes on a envie de hurler à l’héroïne (Victoria) : « mais sauve-toi, es-tu gourde au point de ne pas voir que tout cela se finira mal ? De ne pas voir que cette bande de garçons imbibés va forcément vouloir aller un peu trop loin avec toi ? » Et puis en fait, rien de tout cela, on sent assez

vite qu’il n’y a pas trop de danger de ce côté-là... Pourtant l’oppression demeure, portée par le fait qu’il s’agit d’un énorme plan-séquence sans aucune rupture visuelle, pendant lequel la caméra, assez littéralement, colle aux personnages, sans nous donner aucun répit, sans nous accorder aucune de ces respirations que sont les ellipses et les changements de plan. (Voir, à ce sujet, l’article de DP page précédente) On a parfois reproché à Victoria de faire fi d’un réalisme élémentaire : jamais une jeune femme ne se lancerait dans une entreprise aussi folle avec des gens qu’elle ne connaît même pas... Pourtant... il me semble qu’une partie de cette impression d’irréalisme tient précisément au dispositif du plan-séquence... Si l’on regarde de près les scénarios de nombre de films, il est aisé de voir des « trous » dans la logique des personnages, dans leurs motivations, mais ces incohérences ou invraisemblances « passent » facilement, précisément parce qu’il y a montage, parce qu’il y a ellipse... Lorsque dans un film monté, comme ils le sont tous à des degrés divers, on change d’angle de caméra entre une question et la réponse qui lui est apportée par un autre personnage, lorsqu’une ellipse nous fait passer d’une scène à l’autre, inconsciemment, le spectateur a le temps de se dire qu’il y a eu réflexion, que les événements ne s’enchaînent pas de manière aussi automatique et, du coup, fait crédit aux personnages d’une réflexion... perdant ainsi de vue le côté abrupt ou artificiel de l’enchaînement des événements. Ainsi Victoria serait victime non d’une faiblesse de scénario, mais plutôt de nos habitudes de cinéma, qui ne nous ont pas préparés à sa virtuosité< qui, d’un seul coup, mettent à nu les « trous » qui sont pourtant souvent présents dans les films au montage plus formaté. ER

* La victoire aime l’effort. Catulle

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À propos de La Isla minima

ous les ingrédients du polar sont en place : des jeunes filles qui disparaissent, un village perdu dans un trou du cul du monde où règne la loi du silence, deux flics chargés d’enquêter mais que tout oppose ; un flic à l’ancienne qui aime cogner dur et un jeune flic aux allures de beatnik et aux méthodes plus modernes… l’opposition de style et de comportement est d’autant plus franche que nous sommes dans l’Espagne de l’après-franquisme, dans cette période trouble de la transition démocratique où s’est mise en place cette amnésie généralisée qui continue à miner la société espagnole, des années plus tard. Cette dichotomie entre un Juan facho et un Pedro démocrate (il retire le crucifix de la chambre d’hôtel où trônent Franco et … Hitler) serait franchement caricaturale si elle était aussi simple. Car derrière ses allures de matamore, Juan est le plus sympathique des deux, aimant se mêler aux gens du petit peuple andalou, boire des coups, faire la fête, faire preuve d’un courage physique qui le fait percevoir comme un héros alors que Pedro, derrière sa réserve, ne l’est pas vraiment (il n’a qu’une idée en tête : résoudre cette enquête pour retourner à Madrid, retrou-

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ver celle qui l’appelle tous les jours au téléphone et dont ne saurons rien). Alors, bien sûr, infamante, traîne la rumeur que Juan a participé à un massacre pendant les années de la dictature franquiste mais, bien qu’il ait été sanctionné pour avoir signé une pétition qu’on imagine libérale, Pedro est prêt à toutes les compromissions pour s’en sortir… Se sortir des méandres labyrinthiques du delta du Guadalquivir qui est, peut-être, totalement inattendu et d’une puissance folle, le personnage principal du film. Parce qu’il installe les rapports sociaux qui sont l’une des clés du récit : la lutte séculaire entre le grand propriétaire terrien omnipotent et la masse sans visage des ouvriers agricoles1. Parce qu’avec ses paysages hallucinants il met en place la dramaturgie de ce thriller : dédale de canaux entre les rizières qui se perdent dans des marais (et qui donnent quelques scènes de course-poursuite nocturnes particulièrement prenantes et un final grandiose, sous des trombes d’eau), fermes en ruines, rongées par la solitude, le soleil et le sel, platitude des paysages, une immensité sauvage qui fait penser à ceux des États-Unis, entre les grandes plaines infinies des westerns et les maré-

1 « La culture du riz se pratiquait depuis 1926, mais dix ans plus tard c’est un général franquiste, Gonzalo Queipo de Llano, qui l’a rationalisée. La guerre courait depuis un an et il y a vu un moyen de nourrir massivement les troupes rebelles. Pour

cela, la terrible ironie est que des centaines de prisonniers politiques républicains furent mis aux travaux forcés pour faire prospérer cette réserve alimentaire Et il y a plus étonnant encore ! Tous les ans, durant la Semaine Sainte, la Vierge de la Macarena, l’une des plus adorées de Séville, est promenée alors qu’elle porte sur elle une écharpe ayant appartenu à Queipo de Llano, telle une relique ! Ce militaire avait pourtant appelé publiquement au viol des femmes de prisonniers républicains. Nous sommes un peuple frappé d’amnésie… » (Alberto Rodriguez) 2

http://www.hectorgarrido.com/

3 Lors de la cérémonie des Goya, le film a reçu 10 récompenses (Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur scénario) et Alberto Rodríguez s’est vu nommé Fils Prodigue d’Andalousie, cérémonie durant laquelle il a souhaité voir sa région natale se libérer enfin des clichés flamencocorrida auxquels on l’associe, selon lui, depuis trop longtemps.

© Dominique Plumecocq

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cages des bayous des thrillers du sud, sous un soleil de plomb ou dans le déluge d’une pluie torrentielle. Parce qu’avec ces plans aériens, inspirés des photographies d’Hector Garrido2, le récit s’élève au-dessus de la misérable condition et des désirs des hommes qui peuplent ce no man’s land, fascinant puzzle multicolore presque abstrait, composition contemporaine ou imagerie neuronale… très loin en tout cas des clichés andalous habituels3. DP

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À propos de Mad Max

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ès les premières images notre attention est happée par l’enfer dystopique de la Citadelle, époustouflante construction baroque, dantesque, qui d’entrée situe très haut l’ambition esthétique du film. Et ce n’est pas qu’une question de moyens et d’effets spéciaux ! C’est surtout la beauté des images qui est impressionnante, qu’il s’agisse des paysages fabuleux, du jeu sur les couleurs, de l’inventivité des engins ou de l’efficacité millimétrée du montage. Les morceaux de bravoure se succèdent sans temps mort, le film ne nous lâche pas une seconde.

Il faut bien sûr y voir l’habileté d’un cinéaste plus madré qu’habité par une fureur créatrice révolutionnaire, et qui ne crache pas sur les artifices pourvu que ça marche : images accélérées, bande son redoutable même si parfois trop c’est trop : l’excès de badaboum finit par lasser. La trame est très simple, archi-classique : quête, course-poursuite, opposition gentilsméchants. Mais il s’agit ici de femmes qui s’évadent pour fuir l’esclavage sexuel. Pas original mais sympathique. Il s’agit aussi de destruction de la nature, de désertification, de retrouver une « Terre Verte » édénique, en fait un paradis perdu à jamais. Encore moins original mais tout aussi sympathique. On voit cependant affleurer derrière ces quasi stéréotypes autre chose. Lorsqu’il devient clair que la

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Interférences La Belle saison Coup de chaud

« Terre Verte » n’existe plus, les protagonistes décident de rebrousser chemin, de retourner en enfer, dans cette Citadelle dont ils ont cherché à s’évader au péril de leur vie. La leçon est à la fois éthique et politique : face à la dictature la solution n’est pas dans l’échappatoire, dans l’abandon des autres et la recherche d’un ailleurs où l’herbe serait plus verte, l’air plus pur et les gens plus gentils. On ne résout rien en essayant de se sauver tout seuls. Les jolies demoiselles éthérées du harem en fuite se rendront compte de leur égoïsme forcené en affrontant l’adversité, la violence, et en découvrant solidarité et sens du sacrifice. À cette dimension s’en ajoute une autre, plus psychologique. Max, le baroudeur égocentrique, fuit la Citadelle, la captivité, probablement la mort, mais ce sont surtout ses démons intérieurs qu’il fuit, ces images obsessionnelles, surgissant en flashes rapides, de sa petite fille et de sa famille qu’il a abandonnées à la mort pour se sauver lui-même. Elles lui donneront le courage de sauver les autres en mettant sa propre survie en jeu. Certes on n’est pas chez Bergman ou Rohmer mais on n’est pas non plus dans un simple cartoon pétaradant à l’usage de teenagers décérébrés. Le spectacle est formidable, le sous-texte honorable. Que demander de plus ? AW

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n 2015 on peut être une femme, conduire un tracteur et diriger une exploitation agricole. Cela ne semble pas poser de problèmes particuliers, du moins si l’on en croit le film de Raphaël Jacoulot, Coup de chaud. Carole Franck y incarne, avec force et autorité, Diane, un personnage essentiellement défini par son métier et non par son sexe. Très bien, car si Coup de chaud ne fait pas toujours dans la légèreté, Diane, elle, échappe à toute caricature. En 1971, ce n’était pas tout à fait pareil, Delphine (Izia Higelin) en sait quelque chose. Qu’elle conduise un tracteur est déjà moyennement bien vu par les hommes, exploitants agricoles, de son village. Mais qu’elle puisse diriger la ferme, parler d’égale à égale avec ses collègues mâles, débattre, donner son avis et prendre des décisions est nettement plus difficile à avaler par la gent masculine et terrienne. Évidemment, il ne savent pas qu’en plus, elle aime une femme. D’ailleurs, on ne parierait pas sur un accueil chaleureux de la nouvelle quand on voit la violence de la réaction de la mère de Delphine

(dans une scène où Noémie Lvovsky est impressionnante de rage). Peut-être qu’à sa place on préférerait aussi se taire. Et si dans Coup de chaud, Diane, elle aussi, aimait une femme ? Les réponses seraient-elles autres ? Si on se base sur les réactions des villageois face à Josef, un jeune homme un peu fauteur de trouble et simple d’esprit, on peut en douter. Devenu véritable bouc émissaire, Josef va payer de sa vie la vindicte populaire. Mais que paie en réalité Josef sinon l’intolérance des habitants face à sa différence ? Presque cinquante années séparent les époques des deux films, mais une haine commune y perdure. Dire que La Belle saison et Coup de chaud ne sont pas des publicités pour des séjours Tranquillité et repos à la campagne est un euphémisme. Une chose néanmoins perdure, car en 1971 ou en 2015, une seule mode possible quand on est agricultrice et conductrice de tracteur : le débardeur et la salopette. Celles qui pensaient à une reconversion en fermière devront s’y faire. JF

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Interférences La Vanité Le Tout nouveau testament

À propos de Love

Filmons heureux en attendant la mort

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u’y a-t-il de commun entre Le Tout nouveau testament et Vanité ? Et d’abord, pourquoi vouloir comparer une assez grosse machine avec vedettes diverses et un petit film où seul le nom de Carmen Maura sera vraiment susceptible de « parler » au public ? Eh bien, outre la coïncidence des dates de sortie, les points communs sont en fait assez nombreux ; jugez-en plutôt ! Pour commencer, tous deux viennent d’un pays francophone qui n’est pas celui de Victor Hugo... Ensuite : tous deux, à des degrés divers, évoquent la mort. Et, enfin, tous deux évoquent la mort sous l’angle de l’humour. De quoi s’agit-il en définitive ? Dans Le Tout nouveau testament, la fille de Dieu (un horrible bonhomme) fait connaître la date de leur mort à tous les possesseurs de téléphone portable. Il s’ensuit évidemment une joyeuse panique puisqu’on ne voit pas bien ce qui pourrait freiner les ardeurs humaines une fois que l’on sait que, quoi que l’on fasse, il nous reste un nombre fixé d’années, de mois et de jours à vivre... Dans La Vanité1, il s’agit, pour un homme condamné par un cancer, de recevoir une euthanasie dans la chambre d’un motel suisse... Ici toute la question est donc, non plus de bien s’amuser avant sa mort, mais de convaincre de sa volonté de mourir l’accompagnatrice et le témoin obligatoires (en effet, comme il est rappelé à plusieurs reprises, une

fois mise en route, l’entreprise ne permet guère le remords et le changement d’avis...) Le caractère comique de La Vanité est donc bien plus difficile à mettre en œuvre que celui du Tout nouveau testament puisque la situation, très peu poétique, n’a rien non plus de farfelu ou de burlesque... Tout le talent de Lionel Baier et de son scénario tient donc à sa capacité à introduire, par petites touches, des décalages successifs qui permettent non seulement de faire avancer l’histoire vers des zones très inattendues (ainsi, le « témoin » de l’euthanasie sera un prostitué slave (mais père de famille et hétérosexuel)) mais aussi de maintenir une certaine manière de gravité, de sorte que cela ne vire jamais à la grosse farce. De son côté, Jaco Van Dormael n’y va pas avec le dos de la pellicule ; le ton est vite donné, tout sera exagéré (ressort comique classique), et l’effroi que pourrait susciter cette idée d’un Dieu acariâtre qui veut du mal à sa création s’en retrouve totalement effacé ; de la même manière, lorsque la délicieuse fille de Dieu s’échappe pour aller écrire ce Tout nouveau testament, les envolées poétiques et tendres retirent au film tout ce qui lui aurait donné une réelle méchanceté ! Nos voisins belges et suisses nous indiquent donc ici deux manières différentes mais également réjouissantes d’aborder le saut vers le grand sommeil ; grâces leur en soient rendues... Ils nous livrent aussi deux versions totalement différentes d’un même thème : « il ne faut pas désespérer de l’humanité, voire ne pas désespérer du tout ! ER

1 Le titre, La Vanité, fait explicitement référence aux peintures classiques où figuraient des têtes de mort, destinées à rappeler au regardeur son statut de pauvre mortel.

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n dit que les ci-devant censeurs, pleins d’une admirable conscience professionnelle, lisaient courageusement jusqu’à la dernière ligne les ouvrages licencieux qu’ils interdisaient ensuite avec une sourcilleuse rigueur au nom de la morale et de la protection de la jeunesse. On peut se gausser de cette forme d’hypocrisie mais nous-mêmes, posonsnous la question franchement : pourquoi allons-nous voir Love ? Pour le dernier opus de l’auteur d’Irréversible ou un porno sous couvert de cinéphilie ? Pour un acte militant affirmant qu’aucun sujet n’est interdit à l’artiste ou un film au parfum de scandale ?

Love est l’histoire d’une rupture mal acceptée par Murphy, jeune Américain séjournant à Paris, exactement comme le Paul du Dernier tango à Paris mais, disons-le tout de suite, Karl Glusman n’est pas Marlon Brando, Aomi Muyock n’est pas Maria Schneider, pas plus que

Gaspar Noé n’est Bernardo Bertolucci : cette histoire de perte, de chagrin, de solitude, ce scénario finalement intimiste fait pâle figure à côté. Question : le film estil suffisamment riche et dense pour tenir la distance, 2h15 quand même ? Quelle substance aurait-il sans ses scènes pornographiques ? Poser la question c’est y répondre : voilà une historiette anémique avec des personnages superficiels, des dialogues peu intéressants, des cadrages serrés sans envergure, des clairs-obscurs d’inégal intérêt. Mais à l’inverse que serait ce film pornographique sans sa colonne vertébrale dramatique ? Une succession de scènes de sexe froides, de performances gymniques impressionnantes mais paradoxalement sans chair. Et la 3D ? Eh bien justement… On aurait pu s’attendre à un véritable choc visuel, une sublimation à la fois érotique et esthétique de l’acte amoureux, mais c’est une vraie déception. Gaspar Noé ne la maîtrise pas du tout et la 3D au mieux n’apporte rien, au pire une image floue, gélatineuse, aussi

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enfant d’Electra, un garçon évidemment, et il l’appellera Gaspar (il l’aura, mais pas d’elle) et Electra a pour ancien (et nouvel) amant un galeriste nommé Noé, joué par Noé lui-même. Ça, c’est du vertigineux !

laide que les images stéréoscopiques des visionneuses pour enfants. Nous voilà donc apparemment face à des choix scénaristiques et filmiques tout à fait disparates, face à une espèce de monstre désarticulé tiraillé entre des ambitions incompatibles, qui finit par n’être plus rien de ce qu’il ambitionnait de synthétiser, ni porno efficace ni film d’auteur. Et pourtant on reste jusqu’au bout. Les 2h15 passent finalement assez vite car une espèce d’alchimie finit par donner à Love un attrait certain. Si on le suit sans passion, on le suit également sans ennui. Le scénario est bien mince mais il est traité comme un véritable puzzle qui reconstitue en flash-backs non chronologiques les bribes d’une histoire de coup de foudre, de fascination, de passion, puis de conflits, de haine, de désespoir. On y retrouve l’univers familier de Gaspar Noé : la nuit, l’errance, la marginalité, le sexe, la violence. On y trouve surtout un personnage, Murphy le bien nommé, à qui s’applique à proprement parler la loi du même nom, dite aussi loi de l’emmerdement maximum : Electra, la femme aimée qui donnait un sens à sa vie, a irrémédiablement disparu, il se fait jeter par

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toutes les personnes à qui il s’adresse pour essayer de la retrouver, il se rend compte qu’il n’a aucun talent, qu’il a épousé une femme qu’il déteste, qu’il mène une vie qui le révulse, qu’il n’a aucun avenir… À un moment il dit : « Je ne suis qu’une bite et une bite ne pense pas. » Louable lucidité, tant il est vrai qu’en dehors d’être un Lance Armstrong du sexe (dope comprise) on ne lui voit aucun talent ni qualité. On pourra en dire autant d’Electra, fausse artiste aussi glandeuse et incurieuse de tout que Murphy. Pris au premier degré, ce couple est inintéressant au possible, mais on finit par s’attacher à ces deux benêts qui se brûlent dans une passion purement physique. Sans jamais atteindre la grandeur tragique du film de Bertolucci Love n’en dégage pas moins un parfum de désenchantement, une atmosphère de tristesse qui lui donnent de l’épaisseur. De plus Love peut se lire au second degré comme une véritable démonstration de la fragilité d’une telle union, d’une entente fondée sur le seul plaisir sexuel. Car second degré il y a et on est prié de bien y faire attention ! Appréciez les clins d’œil : Murphy veut un

On aurait tort cependant de réduire le film à ces balourdises. Petit à petit on se laisse prendre, on oublie l’hétérogénéité foncière de ce film hybride écartelé entre des partis pris contraires, et on ressort de la salle intrigué, perplexe, certain d’avoir

vu un film étrange, original mais inabouti. Quant aux ci-devant censeurs pleins d’une admirable conscience professionnelle, nul besoin de les ressusciter car que dit finalement Love ? Que le sexe n’est pas tout dans la vie, qu’un couple ne peut s’établir sur cette seule base, que l’amour peut rendre malheureux. Ouf, on est rassuré : on a appris plein de choses et en plus la morale chrétienne est sauve ! AW

RÉ-ABONNEMENT 2015-2016 par correspondance Un chèque à l’ordre de EST de : – Tarif de soutien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30,00 € – Tarif plein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20,00 € – Retraité(e) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14,00 € – Minima sociaux, chômeurs . . . . . . . . . . . . . . . 9,00 € – 18-26 ans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12,50 € – 14 à 17 ans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10,50 € – 3 à 13 ans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8,00 € Merci de remplir les champs suivants :

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