L’ESTUAIRE EN SEINE LES RAISONS D’AGIR
5 PRÉFACE antoine rufenacht 7 INTRODUCTION À UN PARCOURS DANS L’ESTUAIRE DE LA SEINE jacques leenhardt 17 VIVRE LA MÉTAMORPHOSE MÉTROPOLITAINE DE L’ESTUAIRE DE LA SEINE chris younès 31 PRODUIRE, HYBRIDER, MÉTROPOLISER martin vanier 53 RÉINVENTER LES RELATIONS VILLES/CAMPAGNES
POUR UNE TRANSITION SOCIO-ÉCOLOGIQUE DE L’ESTUAIRE
olivier mora 75 LE GATEWAY DE LA SEINE, UNE STRATÉGIE ÉCONOMIQUE DU XXI E SIÈCLE dominique dhervillez / juliette duszynski 85 LA PORTE DU GATEWAY DE LA SEINE, LE GRAND PARC DE L’ESTUAIRE antoine grumbach, jean-robert mazaud 101 LE HAVRE 2020 bruno fortier 109 L’ESTUAIRE, LA VILLE CONSTELLATION frédéric bonnet 129 POSTFACE édouard philippe
L
e présent ouvrage marque une étape majeure dans la collaboration entre les élus de l’Estuaire de la Seine commencée en 1998. D’une simple rencontre entre élus des 5 pays, la création du Comité des Elus de l’Estuaire a permis de construire des échanges sans pour autant leur donner un formalisme qui n’était pas recherché. Cette collaboration entre les élus de l’Estuaire construite étape par étape a abouti à la certitude d’un avenir commun. Pour en avoir été à l’origine je ne peux que me féliciter de voir combien cette collaboration est en train d’éclore avec la création du Pôle métropolitain de l’Estuaire. De grands enjeux sont à venir. La dynamique engagée sur la Vallée de la Seine avec la mobilisation des CCI, des ports et des collectivités locales, permettra de démontrer combien la position de l’Estuaire est stratégique dans un espace majeur du développement de notre pays. L’ouvrage que vous avez entre les mains résulte de l’appel à de nombreux intervenants de très haut niveau dans différentes spécialités qui ont été mobilisés par l’AURH. Les contributions qu’ils apportent sont les propos qu’ils ont tenus devant nous et qui ont fait l’objet d’échanges passionnants. Ces propositions ne forment pas un projet pour l’Estuaire, ce qui sera le sujet du Pôle Métropolitain, mais montrent combien il est nécessaire de prendre notre destin en main. Ce sont « les raisons d’agir ». C’est à partir de tous ces éléments que sera élaboré un plan d’actions pour les années à venir. Je tiens à remercier tous ces acteurs pour la qualité de leur réflexion, les libertés qu’ils ont su prendre et leur implication au service de l’Estuaire de la Seine. Cet ouvrage a l’ambition de servir de socle de référence aux perspectives de notre territoire. Il est imaginé pour durer et la qualité de présentation est au rendez-vous.
Le plus enthousiasmant reste à écrire et surtout à réaliser. Ce sont les grandes actions métropolitaines qui assureront un avenir d’innovation à ce beau territoire de l’Estuaire de la Seine auquel je crois profondément.
Antoine Rufenacht Président de l’AURH, Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine / Président du Comité des Élus de la Seine
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INTRODUCTION À UN PARCOURS DANS L’ESTUAIRE DE LA SEINE JACQUES LEENHARDT
J
amais les territoires qui forment le grand Estuaire de la Seine ne se sont trouvés devant d’aussi passionnantes échéances. Depuis quelques décennies, le monde s’est à nouveau ouvert, modifiant parfois avec une certaine brutalité les grands axes d’échanges, multipliant rencontres, connaissances et confrontations. Dans cette nouvelle mondialisation, la Normandie occupe une position stratégique. Entre le développement du Grand Paris, qui doit trouver son rythme et sa forme au cours des prochaines décennies et les vastes horizons du monde qui viennent accoster au port du Havre, comme à d’autres en Europe, la Normandie et singulièrement l’Estuaire de la Seine sont décidés à pleinement s’inscrire dans la nouvelle dynamique. Un bref regard en arrière nous apprend qu’au cours de l’histoire, cette même Normandie, si riche de ses architectures et de ses industries, si belle de ses paysages et de ses trésors, n’a pas cessé de se transformer et d’inventer les formes susceptibles de préserver son identité tout en jouant pleinement son rôle dans le grand concert des peuples. Les élus et les citoyens se retrouvent aujourd’hui réunis pour donner une nouvelle cohérence aux projets engagés. Comité des Élus de l’Estuaire l du 28 novembre 2011.
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La Normandie a ouvert ses bocages aux chevaux et aux touristes, ses ports aux paquebots et aux containers. Ses champs produisent pour la Chine, et le Brésil lui envoie son café. La terre et la mer, le port et l’arrière pays fourmillent d’activités et d’échanges qui mettent en valeur ces contrastes et ces traditions. D’un bout à l’autre du territoire, la Normandie éternelle a compris que son avenir se jouait désormais non seulement dans la liaison historique reliant par la Seine la côte atlantique à Rouen et Paris mais également dans la recomposition mondialisée de l’Europe. Une géographie nouvelle s’est inscrite dans les esprits qui fait de l’Estuaire de la Seine l’entrée de la mégalopole qui se construit autour de Paris, son fleuve et ses ports et projette Le Havre dans un réseau élargi comprenant Londres, Rotterdam, New York, Shanghai et São Paulo. Il est remarquable que ce fut au xvie siècle, quand la Méditerranée entrait en déclin après avoir été le « centre du monde » durant tant de siècles comme le souligne Fernand Braudel, que François Ier fonda Le Havre tandis que Henri II recevait à Rouen en 1 550 les premiers ambassadeurs des peuples autochtones de l’Amérique, ouvrant le nouvel axe atlantique de la mondialisation. La Grande histoire frappe une fois de plus à la porte de la Normandie qui n’entend pas se laisser exclure des nouvelles proportions du monde. Il y a dans cette volonté de relever le défi la conscience que l’Estuaire, vaste territoire qui s’étend des portes de Caen aux falaises de Fécamp, constitue une pièce maîtresse du grand puzzle en train de se mettre en place en Europe. La position de l’Estuaire est stratégique, même si la variété de ses terroirs, riches d’industries et de traditions diverses,
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“Une géographie nouvelle s’est
inscrite dans les esprits qui fait de l’Estuaire de la Seine l’entrée de la mégalopole qui se construit autour de Paris, son fleuve et ses ports et projette Le Havre dans un réseau élargi comprenant Londres, Rotterdam, New York, Shanghai et São Paulo.
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Le monde familier de l’Estuaire est aussi ouvert sur le monde : une double chance L’Estuaire est ouvert sur le monde : la Chine, les Amériques,…, mais c’est aussi un milieu habité au jour le jour. Voilà deux chances complémentaires. Ces dimensions ne sont pas contradictoires : l’enjeu est bien de tirer profit de ce lien avec l’économie mondialisée sans renier la qualité intrinsèque de liens plus locaux plus familiers entre villes, villages, champs et industries…
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L’ambition de la métropolisation consiste précisément à faire de cette extraordinaire complexité une intelligence collective et une diversité articulée.
pourrait constituer un handicap. C’est pourquoi l’ambition de la métropolisation consiste précisément à faire de cette extraordinaire complexité une intelligence collective et une diversité articulée. Un tel projet de cohérence cesse d’être un rêve utopique dès lors qu’on se souvient que nous ne vivons plus dans un monde de rigidité môlaire, où le pouvoir est un, le savoir monolithique et l’industrie monopoliste. Les acteurs et les dynamiques diffuses entrent désormais en connexion pour le plus grand profit de chacun. Demain, la production d’énergie aura lieu partout grâce au vent et au soleil, voire au pétrole vert, distribuée jour et nuit grâce au mixte énergétique et aux interconnexions. Des réservoirs gigantesques permettront d’en contrôler le flux. Il en sera de même dans tous les secteurs, aux champs et à la ville, dans les loisirs et au travail où l’économie circulaire s’installera.
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Dès lors les contrastes qui constituent le territoire de l’Estuaire, dont on aurait pu craindre qu’ils ne retardent la mise en commun et le développement des réseaux, doivent être considérés comme autant d’atouts. Cette diversité a créé au fil du temps des habitats spécifiques et des habitudes qui constituent un véritable trésor de traditions, garantes d’excellence. Ces richesses portent vers l’extérieur un message de qualité et de dynamisme qui développera dans nos campagnes et nos industries l’innovation qui attire les visiteurs et les travailleurs.
“Dès lors les contrastes qui constituent le territoire de l’Estuaire, dont on aurait pu craindre qu’ils ne retardent la mise en commun et le développement des réseaux, doivent être considérés comme autant d’atouts.
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Le monde se recompose aujourd’hui sous la loi de la diversité absolue. Montaigne, qui fut le témoin de la première mondia-
lisation et rencontra en 1 562 à Rouen les Indiens du Brésil a su en dégager le message essentiel dans ses Essais : “dans toute confrontation nouvelle, la vraie intelligence consiste à se faire soi-même agilité et partage”. De fait, le changement d’échelle qui a saisi le monde, et auquel notre vie quotidienne est soumise, exige de nous intelligence et mouvement. Deux textes abordent ces enjeux en se focalisant sur les domaines de l’industrie et de l’agriculture. Ils cernent chacun à sa manière les enjeux auxquels les territoires de l’Estuaire sont confrontés et les solutions de prudence et renouvellement de nos savoirs. Mais il ne servirait à rien de partir à la conquête des possibilités qui nous sont ouvertes si nous ne prenions aussi l’exacte mesure des difficultés que comporte toute transformation profonde d’un territoire et de ses équilibres traditionnels. Les bouleversements se font souvent au détriment de populations condamnées à les subir. Certains risquent d’être emportés par des processus dont on aura dissimulé les effets pervers dans les replis d’une rhétorique de conquête. Si le changement est nécessaire et garantit les conditions de vie des générations à venir, il peut arriver qu’il laisse certains sur le bord du chemin, qu’on n’aura pas aidé à s’y préparer. Ces risques et menaces méritent une réflexion sérieuse, en quelque sorte préalable à l’élaboration des belles perspectives qui attendent l’Estuaire lorsqu’il aura pleinement pris en main son destin métropolitain. Les chapitres consacrés aux industries et aux agricultures, à leurs transformations selon des logiques nouvelles de partage et de mise en réseau font apparaître une meilleure efficacité de ce que nous y investissons, en temps, en énergie, en travail et en capital. Cela implique aussi que nous prenions un certain recul par rapport à l’Estuaire
“La position
de l’Estuaire est stratégique
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proprement dit afin de mieux embrasser le grand système de relations dans lequel celui-ci se trouve inclus et au sein duquel il aspire à pleinement jouer son rôle et faire valoir ses atouts. L’agglomération tentaculaire du Grand Paris, qui a lentement pris conscience qu’elle étouffait dans ses limites admiLe Grand Paris ne saurait nistratives et son dysfonctionnement se concevoir sans son cor- urbain, affiche désormais la volonté de don ombilical et ses ports. reconfigurer son territoire. Un projet L’intégration de sa façade émerge peu à peu de mille réflexions, atlantique donne enfin brisant des tabous anciens et ouvrant du
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même coup des perspectives nouvelles sur la logique de l’espace mégalopolitain. Une chose est sûre : le Grand Paris ne saurait se concevoir sans son cordon ombilical et ses ports. L’intégration de sa façade atlantique donne enfin à Paris son véritable profil de mégalopole mondiale. Ce changement d’échelle bouscule bien des habitudes et des positions acquises. C’est une invite adressée à tous les acteurs, y compris ceux de l’Estuaire, à repenser leurs manières de produire, de se transporter, de se nourrir et de se divertir dans ce nouvel espace. Le Comité des Élus de l’Estuaire s’en est emparé et l’Agence d’Urbanisme
à Paris son véritable profil de mégalopole mondiale.
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Newhaven
Seine Gateway Compiègne
Dieppe
Longueil-Ste-Marie
Atelier Grand territoire
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Rotterdam
Gennevilliers Saint-Ouen l’Aumône Conflans-fin d'Oise Triel-sur-Seine
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Hong-Kong
Le Havre
Le Havre Coeur de Métropole
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La Porte du Gateway
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Ouverture internationale
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Caen o (c)IGN - Route500 - 2010 (r)AURH (LA - 03/2011 - MAJ 04/2012)
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Km 20
o Dans le projet du Grand Paris esquissé par l’architecte Antoine Grumbach, l’Estuaire est mis sur le devant de la scène, incarnant la façade maritime dont doit disposer Paris pour garder son statut de Ville-Monde. Pour répondre à ce défi, le Comité des Élus de l’Estuaire a souhaité donner un sens à l’action. Il a commandé trois études à trois échelles : « Le Havre Cœur de Métropole » confiée à Bruno Fortier, « La Porte du Gateway » menée par Antoine Grumbach & Associés et Jean-Robert Mazaud, et « l’Atelier du Grand Territoire de l’Estuaire » piloté par Jacques Leenhardt avec une équipe d’experts. L’emboîtement des échelles d’études s’inscrit dans le projet « Seine Gateway ».
“L’Estuaire de la Seine
a sa propre histoire, ses richesses et son bien-être dont nul n’entend se séparer.
de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine (AURH) s’est mise au travail pour proposer des solutions techniques et administratives. Cet ensemble de réflexions débouche finalement sur une double affirmation : l’Estuaire de la Seine a sa propre histoire, ses richesses et son bien-être dont nul n’entend se séparer ; il sait également qu’il est impératif pour lui de se penser à l’intérieur d’une dynamique européenne et mondiale dont le premier appui est la mégalopole parisienne. A l’articulation de ces deux constats potentiellement contradictoires, une certitude : c’est en s’affirmant comme un territoire métropolitain que l’Estuaire résoudra au mieux les tensions qui autrement risqueraient de le déchirer.
”
La dynamique de métropolisation s’offre à la région comme une possible solution dont la création de la ligne rapide LNPN (Ligne Nouvelle Paris Normandie) constitue à la fois le symbole et la condition. Mais chacun sait qu’aucun TGV ne produit d’effets positifs par soi-même si sa mise en place n’accompagne pas un projet de développement clairement porté par les territoires eux-mêmes. Il faut donc que le pôle estuarien élabore ses réponses, conformément à son caractère de métropole diverse et diffuse, mais aussi que son ambition soit telle C’est en s’affirmant qu’elle soit en mesure de jouer pleinement comme un territoire son rôle d’équilibre par rapport à la méga- métropolitain que lopole parisienne. C’est des spécificités de l’Estuaire résoudra au son territoire industriel, agricole, touristique mieux les tensions qui
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autrement risqueraient de le déchirer.
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“C’est des spécificités de son territoire industriel, agricole,
et urbain, élargi à ce que peut lui apporter l’immensité océane en termes de savoirs, d’énergies et d’échanges commerciaux, que l’Estuaire peut tirer la puissance qui lui est nécessaire pour entrer dans le dialogue fécond et équilibré qui l’attend. Le projet de métropolisation rapproche les territoires éloignés de la mondialisation et la terre de notre quotidien. Et comme en réponse, même si parfois ils se sentent harassés par les vents d’ailleurs qui bousculent leurs habitudes, les habitants de nos communes savent recomposer des géographies intimes. Ils apprennent à réinventer leurs paysages et y inscrire leurs choix sentimentaux et esthétiques. Plus le monde est vaste, plus nous avons besoin de reconstituer un espace à notre échelle sans pour autant rien perdre des possibilités qui sont offertes par les nouvelles dimensions du monde. Des rencontres incessantes, réelles ou virtuelles, offrent à nos yeux un monde plus fluide, une mosaïque où s’articulent des milieux, des populations, des façons de faire et des innovations techniques. Ces variétés inouïes nous sollicitent aujourd’hui par les marges de notre univers quotidien, comme des vagues déferlant du plus profond de l’océan sur nos plages. La nouveauté débarque sans que nous y prenions toujours garde, comme jadis les bateaux qui accostaient au fleuve. Elle prend parfois la forme d’un grand paquebot blanc rempli d’amateurs de paysages, parfois celle d’une montagne mobile de containers échappée des brumes de l’Asie. Cette nouveauté nourrit des filières industrielles et relie sous de nouveaux auspices agriculture, tourisme et technique, chimie organique et énergies. Les décennies qui viennent enrichiront à l’infini ce début d’inventaire, et cela d’autant plus généreusement que nous
touristique et urbain, élargi aurons su ancrer dans nos unià ce que peut lui apporter versités la curiosité et les compél’immensité océane en termes tences qui en sont dès à présent de savoirs, d’énergie et le gage. Il n’est plus nécessaire de d’échanges commerciaux, rappeler que l’économie de l’inque l’Estuaire peut tirer la telligence est première, condition puissance qui lui est nécessaire absolue de l’économie productive pour entrer dans le dialogue de demain et de l’économie des fécond et équilibré qui l’attend. moyens et des ressources qui doit nous faire sortir d’un gaspillage absurde et ruineux. Car nous apprenons à recycler, à tirer profit non seulement des produits mais des sous-produits de la terre, en donnant toute sa force à l’intelligence de la mise en circuit : ce qu’on appelle l’économie circulaire.
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Cela nous ramène enfin à l’espace urbain lui-même, où se concentrent nécessairement les institutions d’organisation, de formation et d’invention. Plus encore qu’ailleurs, la situation urbaine implique une réflexion renouvelée sur les espaces de vie et de travail, les réseaux de communication et de transport, les connexions entre les territoires, agricoles mais aussi touristiques, dont la ville est le nœud. Un tissu complexe comme l’Estuaire de la Seine, son axe de distribution partant du port vers Paris et le cœur de l’Europe à travers la connexion fluviale de la Seine et du Rhin, un tel réseau ne peut se maintenir vivant qu’à la condition expresse que ses parties, ses habitants et ses produits, soient en interconnexion constante. Plus facile à dire qu’à faire quand le territoire est traversé par le fleuve qui en est la colonne vertébrale.
Ces interconnexions multiples sont cependant une exigence suprême de toute métropolisation et de l’exemplarité que doit manifester l’Estuaire dans la gestion des personnes, des énergies et des biens. Sans elle, en effet, sans cette circulation qui stimule les esprits et les échanges, les replis identitaires risquent toujours de reprendre le dessus. La métropolisation est une ambition forte, finalement au service de chaque acteur, mais qui implique au départ que chacun aura su abandonner le petit peu auquel il tient
tant mais qui favorise finalement la cohérence du tout. La métropolisation relève de la haute couture, c’est-à-dire de l’intelligence et de l’imagination des peuples. Et s’il est un domaine qui aujourd’hui requiert efforts et exemplarité, c’est bien celui de la règle écologique. L’Estuaire est un équilibre subtil entre la nature et les activités humaines. Les vasières et le Marais Vernier équilibrent les industries du pétrole et de la chimie. L’expansion
urbaine doit être surveillée afin qu’elle ne s’effectue pas au détriment des terres agricoles. Une intelligence de leur convivialité et un art de gouvernance doivent émerger des savoirs qui vont se développer dans les écoles implantées dans l’Estuaire. Déjà la nature s’est construit un paysage dans le port : il faut continuer et que toute ville et toute industrie soit aussi à elle-même son jardin. Alors l’Estuaire deviendra ce parc que l’on viendra visiter, non seulement pour ses plages et ses industries innovantes, mais
“La métropolisation est une ambition forte,
finalement au service de chaque acteur, mais qui implique au départ que chacun aura su abandonner le petit peu auquel il tient tant mais qui favorise finalement la cohérence du tout. La métropolisation relève de la haute couture, c’est-à-dire de l’intelligence et de l’imagination des peuples.
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pour la promenade au milieu de sa flore remarquable et de ses oiseaux migrateurs. L’Estuaire ne doit se priver d’aucune de ces richesses à l’image de l’urbanisme de Perret ou du savoir-vivre Augeron qui ont conduit à la reconnaissance internationale de ce territoire. L’exemplarité de son développement technique, humain et écologique fera de l’Estuaire un espace attractif pour tous et sera la source d’un bien-être accru pour ses habitants dans une métamorphose qui s’exprime déjà dans les gênes de l’Estuaire.
VIVRE LA MÉTAMORPHOSE MÉTROPOLITAINE DE L’ESTUAIRE DE LA SEINE CHRIS YOUNÈS
M
étamorphoser l’existant, c’est s’inscrire dans un devenir, dans « ce qui vient après », en intégrant ce qui a déjà eu lieu. La métamorphose métropolitaine de l’Estuaire de la Seine active et exacerbe les rapports entre ancrage et mobilité comme les rapports interculturels mettant en jeu des articulations spatio-temporelles inédites. Elle se produit dans un contexte généralisé de fortes mutations que la dynamique métropolitaine ne fait qu’amplifier. Ce projet politique, économique, social, culturel et environnemental d’envergure met en mouvement un ensemble de flux et d’échanges qui traversent et bousculent les entités constituant ce territoire. Une telle opération se présente comme relance de possibilités en termes de ressources et de vitalités mais le défi est aussi d’éviter de susciter un enlisement dans des autarcies ou de produire un développement à deux vitesses. En effet, au-delà des enthousiasmes ou des scepticismes qui peuvent l’accompagner, il ne faut pas méconnaître que s’exerce avec ce changement une forte pression sur les populations vulnérables
– du point de vue du niveau de formation, des capacités de mobilité, d’une précarité sanitaire et sociale – et qu’il peut également être perçu comme une menace sur des traditions vernaculaires de « Pays » et sur des valeurs patrimoniales. On sait par ailleurs que dans la cartographie des images et imaginaires contemporains, nombre de paradoxes peuvent être relevés : images de la nostalgie de la mixité des villes d’antan, alors que prospèrent parallèlement les images du cocon de l’entre-soi ou du chez soi, avec la recherche de confort, de protection et de sécurité, mais aussi d’images grisantes de la vitesse, du déplacement, alors que se développe conjointement une aspiration à la lenteur, à la flânerie, à la pause et au calme.
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ENTRE MILIEUX : AGRICULTURE/URBAIN, LOCAL/GLOBAL Se centrer sur l’Estuaire de la Seine, c’est privilégier des dispositifs naturo-culturels d’interpénétrations et d’interdépendances ; c’est donc porter l’attention sur une manière particulière d’être au monde et une capacité de réunir qui inclut le fleuve mais va au-delà ; c’est insister sur ce qui est « entre » et ce qui relie. Il y a toujours plusieurs milieux en jeu (socio-économique, naturel, technique, culturel) qui se superposent et s’entrelacent dans toute situation habitée. De façon concomitante, tout est déjà là et en même temps tout y advient ; les maillons qui constituent ce système complexe auto-organisé sont solidaires et pourtant chacun en même temps qu’il est lié aux autres, dispose de sa propre initiative. C’est ainsi qu’un milieu est vivant et qu’il diffère d’un milieu inerte en ce qu’il ne perd pas cette initiative qui reflète sa vitalité.
m Les grands paysages de l’Estuaire.
Dieppe
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LE SPECTACLE DE L’ESTUAIRE
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Ce milieu composite est caractérisé par une double face agricole et industrielle, rurale et urbaine, une composante touristique.[...] L’événementiel, les mutations sont au cœur de la fabrique du contemporain.
Ce milieu composite, comprenant le Pays de Caux, le Pays d’Auge, la Côte Fleurie, la Vallée de la Risle, Le Havre avec sa performance portuaire, est caractérisé par une double face agricole et industrielle, rurale et urbaine, mais aussi une composante touristique de plus en plus marquée, de telle sorte que se juxtaposent des façons d’être et de faire opposées entre terroir et haute technologie, entre espaces privatifs et espaces publics. Si la grande présence des éléments, de l’animal, du végétal ou encore la conscience d’un temps long, dans lequel le passé se conçoit comme héritage et le présent comme la répétition de gestes et de coutumes perpétués, ont été longtemps l’apanage de la culture rurale, l’urbain est associé à des temporalités plus courtes et plus rapides dans lesquelles les médias jouent un rôle déterminant. L’urgence, l’événementiel, les mutations sont au cœur de la fabrique du contemporain urbain. Incontestablement y a été portée à un paroxysme la vertigineuse labilité des lieux et des liens. Les recherches anthropologiques menées au milieu du xxe siècle en avaient décelé les manifestations, insistant sur le passage de la sédentarité au nomadisme. Ce néo-nomade pris dans un système de flux est exposé à l’uniformisation dans une société de masse, à des déplacements incessants pour vivre et à un De façon concomitante, manque de repères menaçant d’épuisetout est déjà là et en même temps tout y advient ; ment hommes et lieux. Le paysage verles maillons qui constituent naculaire urbain ou villageois qui tend à ce système complexe auto- s’ajuster au local, se trouve au contraire organisé sont solidaires et saturé de traces et d’héritages qui lui pourtant chacun en même donnent une grande puissance affective temps qu’il est lié et symbolique. En tant que produit de
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aux autres dispose de sa propre initiative.
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milieux singuliers, porteurs d’une longue durée, il est pris de manière accélérée dans des logiques et découpages translocaux. Cette évolution peut s’accompagner d’une tentation de repli sur une échelle intime et communautariste, tentation renforcée par la hantise de la sécurité qui devient une des obsessions contemporaines particulièrement fortes. Par ailleurs, le spectre de la crise ne fait qu’accentuer les antagonismes. La séduction de l’île est certainement, dans un contexte en mutation, une composante vivace qu’il s’agit Comme tout milieu habité de regarder en face.
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relié par une multitude de liens, il requiert de négocier des franchissements de frontières physiques et mentales, et des articulations au plan réel, imaginaire et symbolique pour faire face aux changements.
Ainsi comme tout milieu habité relié par une multitude de liens, il requiert de négocier des franchissements de frontières physiques et mentales, et des articulations au plan réel, imaginaire et symbolique pour faire face aux changements. Le fort attachement aux milieux vernaculaires locaux n’empêche pas des hybridations avec des cultures et des économies translocales, mais à certaines conditions. Les stratégies de développement régénérateur passent désormais par des reconfigurations inventives liant local et global, étant donné des mises en contact et des interpénétrations impératives qui se font à des vitesses sans précédent. L’effet de serre et le réchauffement climatique par exemple, ou encore l’économie mondialisée, qui affectent le local, relèvent d’une vision globale. S’y ajoutent les flux informationnels et les réseaux infrastructurels de déplacement qui s’avèrent passer au premier plan. Si le global tend à empêcher le local de se replier sur lui-même, la persistance du local est la condition de la vitalité des diversités. L’ancrage local
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“La séduction de l’île
est certainement, dans un contexte en mutation, une composante vivace qu’il s’agit de regarder en face.
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Si le global tend à empêcher le local de se replier sur luimême, la persistance du local est la condition de la vitalité des diversités.
a été souvent source de défiances, car il a été associé à l’idée de renfermement alors même qu’il se définit comme entité relationnelle à la fois hyper et translocale. Le vocable de globalisation qui date du début des années soixante désigne « le fait de se répandre dans le monde entier », et s’est précisé dans les années quatre-vingt dans le sens d’un processus de déterritorialisation des capitaux qui s’est imposé au marché à travers les multinationales. C’est un développement insoutenable privilégiant une économie globale au détriment des ressources locales qui conduit à séparer le global et le local. Certes, il peut y avoir
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opposition entre ces deux niveaux de réalité, le local et le global, suscitant des déstabilisations, mais cette opposition peut aussi se transformer en complémentarités ou opportunités. Ce qui est local est particulier, relatif, délimité et s’avère circonscrit dans une aire déterminée alors que le global est ce qui dépasse les frontières, s’étendant au globe terrestre d’où le terme est dérivé. Les deux sont indissociables. Il s’agit de favoriser la capacité créatrice d’un milieu spécifique à les lier. Le défi consiste donc à imaginer d’autres conciliations à partir des résistances et des ressources propres à chaque milieu de vie, indissociables de leurs porosités par rapport à d’autres milieux.
“Car habiter est un phénomène total
ENTRE HÉRITAGE ET RE-CRÉATION : L’ENJEU DES RELIANCES Entre façade maritime et arrière-pays, entre nord et sud, l’Estuaire de la Seine se présente comme une mosaïque de paysages, d’usages et de représentations très contrastés, dont la pluralité et l’hétérogénéité apparaissent nettement. Les différentes cultures, maritimes, industrielles, campagnardes, touristiques, qui le constituent en font la richesse et s’y croisent, s’y juxtaposent voire s’y opposent, s’ignorant et se méconnaissant parfois mais se trouvant toutes intégrées dans la même « glocalisation » qui multiplie la complexité des connexions. L’importance des mises en relation a été particulièrement soulignée par Edgar Morin qui a fait du concept de reliance la cellule souche de la pensée complexe. La reliance, c’est « le travail des liens » à savoir « l’acte de relier et de se relier et son résultat », ce qui suppose également des limites qui distinguent et des espacements ou écarts qui mettent à distance tout en ménageant une certaine proximité. Les reconfigurations métropolitaines accélèrent et intensifient les trajectoires qui ne sont pas seulement des passages d’un endroit à un autre mais les tenseurs d’ouverture d’un espace existentiel, redéfinissant les synergies spatiotemporelles du proche et du lointain, ainsi que les rapports aux autres. Cette bipolarité du statique et du dynamique est des plus ambivalentes. Les inscriptions spatiales plus ou moins répétées n’ont jamais fonctionné que grâce aux lignes de mobilité qui les irriguent et dont elles participent, constituant dans l’Estuaire de la
chargé affectivement, Seine une constellation en permanent réésymboliquement, quilibre, comme l’explique Frédéric Bonnet. socialement, éthiqueLes relations possibles entre demeure, ville, ment, qui se déploie région, monde, tracent d’autres figures des entre points, lignes, lieux et des milieux, du lent et du rapide, entre surfaces, comme entre confrontation avec l’inconnu et retrouvailles passé et présent. avec le connu. Car habiter est un phénomène total chargé affectivement, symboliquement, socialement, éthiquement, qui se déploie entre points, lignes, surfaces, comme entre passé et présent. Des mobilités douces associées à d’autres plus rapides soutenables, sont une des conditions d’un territoire hospitalier et désirable. De même que des projets qui engagent à un art de devenir entre héritage et re-création. Les pièges de la fossilisation, la muséification, la patrimonialisation ainsi que toutes les formes
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d’effacement des traces brouillent les pistes et fabriquent des impasses et des incompréhensions mais aussi des affaiblissements. Des réévaluations et d’autres nouages entre les temps longs et les temps courts, les stabilités et les instabilités sont en jeu. De nombreux chantiers s’imposent, telles les transformations d’un héritage moderniste de séparation et de mono-fonctionnalisme en des mises en contact entre cultures, comme entre cultures et nature.
ACTIVER LE POUVOIR DE RELIANCE DE L’ESTUAIRE DE LA SEINE : TROIS CHAMPS D’ACTION À RENFORCER Dans le contexte du développement durable, trois champs d’action s’avèrent plus particulièrement déterminants quant à l’accompagnement de la métamorphose de l’Estuaire de la Seine. Une mobilisation partagée
“Des mobilités douces associées
à d’autres plus rapides soutenables sont une des conditions d’un territoire hospitalier et désirable.
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La co-construction du projet avec une volonté d’intérêt collectif qui est en cours est un des facteurs clés d’une vigueur transformatrice. Cette élaboration concertée qui reste encore à élargir peut permettre de composer avec des forces et des faiblesses. Remarquable par ses sites, ses paysages, son histoire, ses patrimoines et son potentiel « eau » entre Seine et atlanticité, ce milieu se caractérise aussi par une démographie en perte de vitesse, par des formes de fragilité, par une attractivité très contrastée et des connectivités défaillantes. Il doit aussi affronter les contradictions entre logiques de pays et logiques de grand territoire, qui pourraient constituer des freins à des entreprises collaboratives sans une large adhésion à la mutation en cours La co-construction du projet avec et à un projet de devenir. une volonté d’intérêt collectif qui
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est en cours est un des facteurs clés d’une vigueur transformatrice.
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Lumières d’Estuaire La mer est proche. Pour tous les paysages de l’Estuaire, cette influence se traduit par des ciels puissants, changeants, une lumière maritime inégalée, de somptueux motifs de nuages, de brumes et d’azur. Ces variations en bleu, or, rose, blanc et gris se combinent avec les teintes des sols et des milieux, ocres de l’automne. C’est aussi cela, les identités multiples de l’Estuaire. De gauche à droite et de haut en bas : Hautes falaises, plateau et valleuse, falaise morte, rive d’Estuaire, bocage, champ de lin, vallon, labours, reflets sur l’Estuaire, brumes et silos.
Des complémentarités territoriale et des solidarités
Pour faire face aux transformations et dynamiques ambivalentes de l’intérêt métropolitain, l’Estuaire de la Seine, reliée au Val de Seine, projet d’envergure en liaison avec la proximité de l’Ile de France, vaste bassin de consommation et d’animation, exige de s’entendre et de s’organiser collectivement. En même temps qu’est visée la production de nouvelles possibilités et ressources, il s’avère absolument nécessaire d’anticiper les effets à réguler. Car si le déploiement d’infrastructures et d’activités de niveau national et international ne s’inscrit pas dans une perspective de ménagement, la métropolisation risque de s’accompagner aussi d’une fragmentation socio-spatiale, d’un appauvrissement de lieux et de personnes, d’une tension plus élevée Ce sont les complémentarités et les solidarités qui permettront de sur les milieux naturels et réduire les fractures sociales et de les populations en difficulté veiller aux écosystèmes ainsi qu’à pouvant redouter des chanune accessibilité élargie, articulant gements de cette envergure.
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la proximité aux échelles de l’espace régional, national et mondial.
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Pour parer à ces menaces, ce sont les complémentarités et les solidarités qui permettront de réduire les fractures sociales et de veiller aux écosystèmes ainsi qu’à une accessibilité élargie, articulant la proximité aux échelles de l’espace régional, national et mondial. Ce sont elles qui permettront de construire une métropole adaptable aux différentes situations de travail, de formation, d’habitat, de loisirs. Ce sont elles également qui permettront la fluidité des mobilités concrètes et mentales allant vers une totalité animée par les liaisons entre les deux rives de l’Estuaire, par des interfaces entre urbain et rural avec le renforcement d’un réseau d’équipements et de services, et avec le souci de chacun en sa singularité. Et ce sont elles encore qui permettront de donner une ampleur féconde à la rencontre des cultures (éducatives, scientifiques, artistiques, populaires) dans les transformations entreprises. Il importe alors de déterminer les leviers sur lesquels agir pour susciter la régénération du territoire et éviter son enlisement ou sa rigidification dans un repli autarcique, ou bien l’acceptation d’un développement laissant pour
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L’ouverture et les solidarités territoriales ainsi que les capacités d’accueil d’activités économiques et d’autres populations permettent de combattre les dérives et de créer un souffle dynamisant.
compte ceux qui ne peuvent pas suivre. L’ouverture et les solidarités territoriales ainsi que les capacités d’accueil d’activités économiques et d’autres populations permettent de combattre les dérives et de créer un souffle dynamisant.
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Une identification d’appartenance commune
Convaincre, rassurer sur les identités, sur les complémentarités et sur le fait que les différences continueraient d’exister, s’imposent également. L’homo urbanus n’a pas “une” mais “des” identités, qui ont été forgées au cours des trajectoires de vie. L’enchevêtrement des appellations entre Normandie, Basse-Normandie, Haute-Normandie et Estuaire de la Seine, souligne l’ambivalence des limites des territoires, qui à la fois distinguent et rapprochent. Ainsi la méta-figure de l’Estuaire de la Seine offre une appartenance supplémentaire sans que cela implique de perdre
les autres, bien au contraire. Pour l’instant cette identité qui reste encore floue est à façonner, en même temps que l’action vers une vision partagée du futur, suscitant l’adhésion des habitants, est à poursuivre. La part symbolique en termes d’images mais aussi d’interfaces, est cruciale. Des priorités sont à déterminer pour une puissance de reliance autour de l’Estuaire, qui est un en-commun riche aussi en vides féconds, en biodiversité et en paysages. Si le nom de baptême : Estuaire de la Seine, a été adopté à l’unanimité, la question de la liberté et de l’aisance des circulations en son sein a été fortement soulignée. L’importance d’un acte symbolique marquant l’affirmation d’une commuPour l’instant cette identité nauté, tel que la suppression du péage qui reste encore floue pour franchir le Pont de Normandie, est à façonner, en même a été largement mentionnée, et un temps que l’action vers large consensus s’est formé autour une vision partagée du futur, des projets culturels et festifs qui se suscitant l’adhésion des préparent autour de l’eau et des arts. habitants, est à poursuivre.
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“Un projet qui rassemble,
comporte une part de rêve mais une telle mutation métropolitaine est aussi faite de ré-enchantements. En ce sens, l’Estuaire de la Seine peut s’avérer exemplaire.
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UN ART DE DEVENIR De multiples questions politiques et éthiques sont donc soulevées à propos de la force des héritages en jeu, de ce qui est à ménager, de ce qu’il faut conserver et jusqu’où, de la façon de concilier usages, développement et conservation. Ces questionnements sont à mettre en perspective avec la prégnance d’une posture écologique, qui attire l’attention à la fois sur les données sociales et culturelles mais aussi sur les résistances et ressources naturelles des milieux habités. L’enjeu est celui de la vie dans toutes les acceptions de ce terme, qui ne sont pas seulement biologiques - bien qu’il soit indéniable que le vivant, le « bios », en soit une des clefs – mais aussi culturelles. Ce qui invite à penser cet ensemble en évolution comme une unité composite faite d’échanges et d’interactions fructueuses, alors même que les territoires peuvent se trouver divisés voire instrumentalisés.
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Régénérer un tel milieu, c’est recycler, dépolluer, hériter, économiser, diversifier, établir des solidarités, se déplacer suivant des modes de mobilité « propres », réduire les formes de ségrégation socio-spatiale, prendre soin, former, inventer mais aussi créer et recréer. Car les corythmes entre humain et non humain, entre urbain, industrie et agriculture, bref entre natures et cultures, constituent la matière du coexister. Leurs métamorphoses qui ici renoueraient eau et terre de manière inédite et artistique, et qui seraient une métamorphose d’intérêt commun autour d’un projet qui rassemble, comporte une part de rêve, mais une telle mutation métropolitaine est aussi faite de ré-enchantements. En ce sens, l’Estuaire de la Seine peut s’avérer exemplaire.
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PRODUIRE, HYBRIDER, MÉTROPOLISER
MARTIN VANIER
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ans un court texte dit « d’humeur littéraire », Benoît Duteurtre écrit : « Chaque fois que je retourne dans ma ville natale, j’attends ce moment où le train débouche sur l’estuaire et son horizon de torchères. Chaque fois que je franchis le pont de Normandie, j’admire la couleur épaisse de la rivière prête à se transformer en mer avec son chapelet d’usines, bâties sur des étendues sauvages, sablonneuses, vert et gris, comme des sables mouvants. La Seine reste pour moi ce fleuve urbain, ce boulevard d’Îlede-France, qui relie les tours de la centrale électrique de Porcheville et celles de la centrale électrique du Havre, dominant les grues et les bassins ».1 Tout est dit : l’ambiance, le sens, le lien. On peut mettre des chiffres sur les mots, des connaissances objectives sur le ressenti, de la science sur l’humeur littéraire, on n’ira pas beaucoup plus loin que ce que chacun des habitants des territoires de l’Estuaire porte en lui, et que Benoît Duteurtre exprime par son talent : ici, on produit ; on le fait dans un cadre qui est une permanente « leçon de nature » ; lequel, bien que tourné vers l’Atlantique, n’est en quelque sorte que « la poursuite de la région capitale par d’autres moyens ». Mais rien n’est moins simple que cette triple évidence. Produire : des hydrocarbures raffinés, des automobiles, des services portuaires, des pommes et du cidre, des chevaux de race, des principes actifs chimiques, des fromages
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“L’Estuaire bien
que tourné vers l’Atlantique, n’est en quelque sorte que « la poursuite de la région capitale par d’autres moyens ».
reconnus en AOC, des nacelles de moteurs d’avion, de la maintenance industrielle, des compresseurs géants, des bouteilles en verre, de la morue, bientôt des éoliennes marines, le tout dans un rayon de 50 km autour de l’embouchure de la Seine. La coexistence des producteurs ne va pas de soi. D’autant moins que s’y ajoutent d’autres logiques, d’autres attentes, qui viennent de loin elles-aussi pour valoriser d’autres richesses : le port est premier, mais l’invention de la Côte Fleurie est antérieure à celle de la Zone Industrialo-Portuaire, la Normandie des petites et grandes villégiatures du pays d’Auge vaut bien celle des fabriques de la vallée du Commerce ou des clos-masures du plateau de Caux, et le port-musée d’Honfleur fait face à Port 2000, à 4 km à vol d’oiseau.
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Le tout tenait ensemble grâce à un subtil cloisonnement des territoires, utilisant astucieusement les discontinuités géographiques : entre une valleuse et ses plateaux, entre une plaine littorale et ses coteaux et surtout entre les deux rives de l’Estuaire, si longtemps séparées et mettant de ce fait en scène le circuit estuarien de la valeur ajoutée : production en rive Nord, passage par la racine francilienne, et retour en Normandie pour être dépensée en rive Sud. Or, voilà qu’une double envolée incite au décloisonnement et à la reconnaissance des interdépendances des territoires de l’Estuaire : l’envolée Nord-Sud des ponts, qui en 40 ans sont venus recoudre l’Estuaire au plus près de son embouchure ; et, plus récemment, l’envolée Est-Ouest de l’alliance métropolitaine, proposée par un Grand Paris
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Or, voilà qu’une double envolée incite au décloisonnement et à la reconnaissance des interdépendances des territoires de l’Estuaire.
en quête d’un destin qui le projette au-delà de ses contradictions internes.
Interdépendants ? Mais alors dans quel système de territoires, organisant de fait quelle solidarité, inscrite dans quelle perspective commune ? C’est toute la question qui est posée aujourd’hui aux habitants et aux acteurs des territoires de l’Estuaire de la Seine. Au cœur de la réponse, il y aura forcément rendez-vous avec ces trois « mots d’ordre » : produire, hybrider, métropoliser.
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Notons que ce n’est pas la première fois dans son histoire que la Normandie est confrontée, par son Estuaire majestueux, à des questions qui la bousculent. C’est peut-être
même le sens profond de la Normandie – qu’elle soit Haute ou Basse – que d’être produite par ces questions, et par les réponses que ses acteurs y apportent : à la croisée des constructions nationales de la France et de l’Angleterre au cours du Moyen Âge ; puis au front portuaire des ambitions maritimes des premiers monarques centralisateurs des Temps Modernes (fondation du Havre) ; puis autre front, balnéaire cette fois, pour l’aristocratie et la grande bourgeoisie nationales et cosmopolites qui inventent le tourisme Interdépendants ? de villégiature sous le Second Empire ; puis Mais alors dans quel espace industrialo-portuaire emblématique système de territoires, du miracle industriel des Trente Glorieuses organisant de fait quelle au sortir de la Seconde Guerre Mondiale.
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solidarité, inscrite dans quelle perspective commune ?
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“Les Normands finissent
toujours par digérer ce qui leur arrive de l’extérieur, et être à la hauteur des chantiers, souvent gigantesques, dont ils héritent.
Le Grand Paris et son « Seine Gateway », la construction à venir de la Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN) avec son potentiel de mutation urbano-portuaire pour Le Havre, s’inscrivent-ils dans cette puissante histoire ? On verra bien. Ce qui compte, c’est de retenir que dans cette destinée d’ouvertures, qui avance à chaque fois à grands coups de boutoirs exogènes, les Normands et leurs territoires ne sont ni neutres, ni passifs. Ils se font marins, dockers, armateurs, pêcheurs, hôteliers, éleveurs, chimistes, métallurgistes, constructeurs automobiles, cheminots, reconstructeurs… Ils finissent toujours par digérer ce qui leur arrive de l’extérieur, et être à la hauteur des chantiers, souvent gigantesques, dont ils héritent. Cette fois encore, il pourra en être ainsi, mais aux trois conditions qui ont été dites.
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L’Estuaire est lui-même hybride, il associe nature, industrie, tourisme, transports… La nature est souvent opposée à l’économie. Il faut retrouver ici, comme ont su le faire d’autres grandes métropoles portuaires, la force de la diversité des caractères de l’Estuaire : c’est un lieu de logistique et de production, et de potentiel touristique immense, aussi bien pour les visiteurs que pour les habitants.
Lorsqu’on est au niveau du sol, dans l’Estuaire : un paysage extraordinaire dont on profite pourtant encore peu, et qu’il faut rendre mieux accessible.
L’Estuaire ne se réduit pas à l’industrie et aux infrastructures : c’est aussi une des plus grandes réserves naturelles de France.
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Le euve est à la fois un espace naturel, un vecteur logistique et touristique.
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PRODUIRE Pourquoi continuer à produire ? Si l’on en juge par le recul de l’emploi productif en France, et le poids croissant de l’économie résidentielle dans les territoires2, la question est bel et bien posée un peu partout dans le pays. On pourrait répéter ici les arguments, ô combien, recevables en faveur de la précieuse valeur ajoutée quelle qu’elle soit (industrie, agriculture, énergie, recherche, services productifs…), sans laquelle l’économie résidentielle est entièrement dépendante de revenus acquis ailleurs, y compris à l’étranger. Répéter que sans participation active à l’économie hyper-industrielle3, la France connaîtra un
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irrémédiable déclassement mondial, qui la ramènera pour longtemps au rang de petit pays secondaire. Répéter qu’un pays qui ne produit pas les biens qu’il consomme perd sa jeunesse diplômée qui rejoint les foyers de cette production quelque part dans le monde, plutôt vers l’Asie. Arguments incontestables, généralement partagés au plan national, mais de fait souvent invalidés lorsqu’il s’agit, localement, de maintenir ou développer l’activité industrielle, et plus encore l’activité énergétique ou d’extraction de matières premières. C’est alors que le « réalisme » de la compétition mondialisée, les nécessités technologiques, et/ou la vigilance
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en faveur de l’environnement et de la qualité de vie font reculer entreprise par entreprise, site par site, projet par projet, la capacité productive des territoires. Contestation bien connue, qui vaut aussi pour l’axe industriel de la basse Seine, même si la culture industrielle y est plus forte qu’ailleurs : qu’adviendra-t-il du raffinage dans les prochaines 10 à 20 années dites de transition post-carbone ?
Répéter que sans participation active à l’économie hyper-industrielle, la France connaîtra un irrémédiable déclassement mondial, qui la ramènera pour longtemps au rang de petit pays secondaire.
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Et pourtant, au-delà des raisons nationales qui ont toutes leurs valeurs, produire doit rester le point de départ du projet collectif des territoires de l’Estuaire pour une raison qui leur est propre. C’est que ces territoires se sont construits comme des territoires productifs : agricoles,
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industriels, portuaires et logistiques, halieutiques, touristique et industries de services. Ils ont trouvé là leur identité, leur épaisseur sociale, leur place vis-à-vis du reste de l’espace national et européen, leur fonction dans le système qui les englobe. Rien ne pourra les mobiliser aux côtés du grand projet exogène qui s’annonce, qui ne soit accroché à cette réalité productive multiforme. Ici plus qu’ailleurs, il faut produire, ou disparaître, car les alternatives sont très loin d’être équivalentes à celles d’autres régions littorales, plus méridionales, plus anciennement résidentielles, plus urbaines aussi. D’ailleurs, qu’est-ce que le reste de la France vient chercher dans ce cœur de Normandie, sinon l’espace productif
multiforme en question : des torchères et des immenses zones industrielles certes, mais aussi des bassins à flots et leurs portiques géants, des prés, salés ou non, des fronts balnéaires et des stations touristiques capables de recevoir la Région parisienne en week-end, des champs marins, etc. Elle n’y vient certes plus avec le même élan et la même intensité qu’aux heures glorieuses du déploiement industriel national, mais sans pour autant renier ce qui a été investi ici depuis 50 ans, qui fait de la Basse Seine un des plus vastes espaces usiniers du pays, appuyé, comme on le sait, sur le premier port national en trafic de conteneurs.
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Ici plus qu’ailleurs, Sur cette base, qui reste puissante, une 4 il faut produire, ou disparévolution productive peut advenir . raître, car les alternatives Elle pourrait combiner les nouvelles sont très loin d’être formes de productions énergétiques équivalentes à celles (éolienne dès demain, houlomotrice d’autres régions littorales, plus tard, quoi qu’il en soit renouveplus méridionales, plus anlables), les activités de recyclage direcciennement résidentielles, tement liées aux productions actuelles plus urbaines aussi. (captage, transport et stockage du CO2, et son ingénierie ; recyclage automobile ; etc.), par conséquent les symbioses industrielles qui deviendront la règle et se territorialiseront. Elle pourrait s’appuyer sur des circuits logistiques eux aussi combinés, donnant accès à un nouvel hinterland, d’autant que les plus puissants seront définitivement servis par plusieurs solutions portuaires. Elle concernera vraisemblablement l’agriculture, mais aussi le tourisme de masse, dont les intrants et les extrants devront entrer eux-aussi dans des cycles écologiques de gestion économe des ressources. Autant de possibles qui ouvrent un avenir aux activités de production sous toutes leurs formes. A une condition cependant : hybrider.
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Une révolution productive peut advenir. Elle pourrait combiner les nouvelles formes de productions énergétiques, les activités de recyclage, les symbioses industrielles, s’appuyer sur des circuits logistiques combinés. Elle concernera vraisemblablement l’agriculture, mais aussi le tourisme.
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“Naguère, chacun habitait à proximité du système productif dont il
HYBRIDER On aurait pu dire : « concilier », « équilibrer », ou « faire coexister ». Mais il ne s’agit plus de cela désormais. La coexistence des « espèces productives » que sont les différentes activités des territoires de l’Estuaire, dans une compétition plus ou moins régulée, avec ses conflits, ses compensations, ou ses ignorances mutuelles, fut la solution, pour ainsi dire passive, à la diversité et l’hétérogénéité des situations socio-économiques du grand territoire de l’Estuaire. On a déjà dit comment cette coexistence plus ou moins fragile trouvait dans les micro-cloisonnements les conditions de sa pérennité. Ce compromis historique et géographique ne tient plus, pour trois raisons. La première raison est habitante. Naguère, chacun habitait à proximité du système productif dont il dépendait, et en acceptait de ce fait les contraintes : vivre à l’ombre de
dépendait, et en acceptait de ce l’usine, sur le site de l’exploifait les contraintes. On n’habite tation agricole, ou au flanc plus près de son travail, en s’en du port morutier, c’était éloignant il arrive qu’on se frotte faire de leurs contraintes à l’espace de celui des autres. Le autant de marqueurs d’idencôtoiement des espaces productifs tité. Depuis une génération, – industriels comme agricoles – comme partout, l’espace de des « autres » épuise la tolérance. travail et l’espace de résidence ne cessent de se distendre. On n’habite plus au plus près de son travail, mais en s’en éloignant il arrive qu’on se frotte à l’espace de celui des autres. Le côtoiement des espaces productifs – industriels comme agricoles – des « autres » épuise la tolérance. Pourquoi supporter une activité, une production, et ses impacts paysagers et environnementaux, si elle ne fait plus sens pour l’habitant qui en est le voisin ? Rejet accentué par l’apparentement du logement à un patrimoine immobilier qu’il s’agit de valoriser dans une trajectoire résidentielle faite d’achats et de reventes. Dès lors, le cloisonnement subtil devient difficilement tenable, et c’est l’ensemble des territoires entremêlés autour de l’Estuaire de la Seine qui se posent la question de leur habitabilité. Produire, certes, mais habiter, plus encore.
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D’autant que, deuxième raison, la conscience écologique à l’égard des territoires progresse avec cet épanouissement de l’espace habité et la quête de ses aménités. Du jardinet, du lopin potager, ou de l’espace public de proximité, on est passé à des aspirations autrement plus amples et exigeantes, qui rendent l’habitant vigilant quant à la qualité de ressources globales et circulantes, qualifiées désormais de « biens communs » : eau, air, biodiversité, paysage. Du coup, on redécouvre l’Estuaire même dans toute sa dimension et sa complexité écosystémique : le grand
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Une figure hybride : «la Z.I.N.», Zone Industrielle Naturelle L’industrie peut trouver sa place sur un sol dont les fonctions écologiques et la qualité paysagère demeurent : continuités d’une trame verte avec le reste des milieux, traitement des eaux récollectées, restauration des rives. Dans cette hypothèse de «Zone Industrielle Naturelle», l’industrie s’insère comme dans un grand parc de plusieurs kilomètres carrés, dont une partie est préparée pour d’éventuelles extensions, tandis qu’une autre se régénère.
Les parcelles industrielles peuvent atteindre de très grandes surfaces, compatibles avec les besoins. Une partie est réservée pour le développement : des plantations préparent la structure végétale.
Une trame verte, constituée de bandes épaisses, diversifiées et interconnectées, assure les continuités avec le reste des milieux.
L’industrie est insérée dans le motif dense de la trame verte.
Les rives sont restaurées, rendues au fleuves. Les infrastructures d’apontage sont construites à l’écart, comme des plateformes.
espace industrialo-portuaire est aussi un « habitat », au sens écologique du terme. Mais ceci ne peut plus conduire à séparer les vocations territoriales, à opposer, même à grande échelle, l’espace des « désordres productifs » et celui des « ordres naturels », à s’accommoder ici d’une forte anthropisation (la Zone Industrialo-Portuaire), avec la contrepartie d’une forte protection là (les zonages écologiques divers). C’est la troisième raison, d’ordre économique, au sens premier de « production, circulation et consommation des richesses ». La révolution productive évoquée montre à quel point ces richesses seront désormais globales, c’està-dire à considérer à la fois dans leurs cycles productifs et dans leurs cycles naturels. Il faut protéger en anthropisant,
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“Il faut protéger en anthropisant,
et préserver en produisant, tel est le nouveau défi contemporain.
et préserver en produisant, tel est le nouveau défi contemporain, car les territoires ne s’habitent plus par appartement, mais bien dans la continuité de leur fonctionnement économique et écologique.
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Est hybride ce qui naît d’un croisement imprévu et augmente la vigueur des constituants d’origine. Est hybride le territoire qui ne ressort pas d’une seule logique mais de plusieurs et qui génère dans ce croisement des qualités supplémentaires. L’hybridation des territoires de l’Estuaire de la Seine consiste à préserver leur avenir productif tout en produisant leur richesse environnementale : ce qui est bon pour l’entreprise – industrielle, agricole, de services –
est bon pour l’environnement, et vice-versa, mais donne en outre à l’ensemble une vitalité régénérée. Voici la « Zone Industrialo-Naturelle » de demain, l’espace de production industrielle qui rend service à la nature : elle accueille des entreprises dans un espace géré en tant qu’écosystème spontané ; ses réseaux « gris » (voirie et réseaux de distribution, etc.) ne segmentent pas les réseaux « verts » (trames de la biodiversité, trames du paysage) ; ses cycles économiques (intrants, extrants, circulations, rejets, déchets…) participent aux cycles écologiques ; pour ce faire, les solutions mises en œuvre font progresser la technologie, le process et la valeur ajoutée de l’entreprise ; l’espace à la fois usinier et récréatif (promenade, activités de plein air, pêche, chasse, observation faunistique et floristique…) est doublement remarquable : par ce qu’il produit, et par ce qui s’y produit. La génétique nous apprend que l’hybridation est au principe même de la vie. Avant d’être une manipulation volontaire et scientifique, elle est, par surprise, un phénomène naturel qui tire parfois profit de la cohabitation d’hétérogènes. Mettez un grand port – comme Le Havre – dans une petite ville – comme Le Havre : il peut ne rien se passer de plus que ce voisinage forcé, surtout si des logiques d’ingénieur s’appliquent à tout moment à rendre étanches les deux systèmes. Mais si l’hybridation est favorisée, L’hybridation des territoires alors il advient quelque chose de l’Estuaire de la Seine consiste de plus que la stricte fonction à préserver leur avenir productif portuaire ou que ce que la ville tout en produisant leur richesse en tant que telle peut offrir. Ce environnementale : ce qui est bon quelque chose de plus conduit pour l’entreprise – industrielle, au troisième terme ici en jeu ; agricole, de services – est bon pour métropoliser. l’environnement, et vice-versa,
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mais donne en outre à l’ensemble une vitalité régénérée.
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L’activité, les services, l’habitat, les équipements, l’espace public peuvent être associés dans le même espace urbain
La cour est aussi un parking : utile la journée pour les entreprises et les commerces, elle est aussi une place évènementielle, et dessert les équipements : un même lieu a plusieurs usages.
Un espace public et des programmes ouverts sur le paysage : c’est une chance. Des logements
Une médiathèque
Des bureaux ou des services
Un entrepôt, Une petite usine
Des commerces ouverts sur le même espace public, en continuité avec le village (ou la ville).
Etre associés, et tirer parti l’un de l’autre : le jardin de la médiathèque est aussi celui de la salle des fêtes, il profite aux commerces, aux logements et au bureaux. Le parking des entreprises, qui est vide le week-end, est disponible pour les véhicules des fêtes du samedi et du dimanche, ouvert sur le paysage, pour les événements festifs néces-
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Une salle des fêtes et son jardin
sitant plus de place. Les salariés des bureaux et des artisans peuvent laisser leurs enfants à la crèche municipale, ou aller manger dans les restaurants disponibles à deux pas, sans prendre leur voiture. Un seul arrêt (de train, de bus, de tram) dessert toutes ces activités : c’est un moyen de rentabiliser aussi les transports publics.
Cour de services hybrides
Le paysage est une richesse, l’espace public joue avec la topographie, les panoramas. Cette cour n’est pas dédiée à un seul usage. Dans les «temps morts» (soir, weekend), elle fait usage de place ou de parking pour le village.
Des bureaux L’industrie, l’activité ou la petite logistique peut cohabiter avec les autres activités. Une noue pour recueillir l’eau de pluie et assurer la trame verte.
Des systèmes de haies, en continuité avec ce qui existe autour (vergers, bocages, lisières boisées, vallons).
L’activité n’a pas vocation à se tenir systématiquement éloignée des lieux habités. L’artisanat, les petites implantations industrielles et logistiques peuvent cohabiter avec l’habitat et les services urbains. Ce faisant, elles bénéficient aussi de la qualité de vie urbaine, et optimisent les services offerts. Les surfaces minérales
dédiées aux manœuvres ou au stationnement peuvent aussi être optimisées et servir, le soir ou le week-end, à d’autres usages (sport, évènement, stationnement pour les commerces et les autres activités) – Les transports publics desservent à la vois le village et les emplois. La métropolisation, c’est aussi cette optimisation.
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MÉTROPOLISER Le Havre n’est pas une métropole, et les 600 000 habitants des territoires de l’Estuaire n’ont pas le poids autonome pour qu’elle le devienne. Mais, au risque d’agacer par ce raffinement, il faut distinguer métropole et métropolisation. La métropole est une grande concentration urbaine rayonnante, la métropolisation est le phénomène par lequel des lieux et des territoires, qui ne sont pas métropolitains en eux-mêmes, deviennent, par l’effet des réseaux et des liens qu’ils autorisent, des fragments de métropole. Ces fragments de métropole sont là, partout dans les territoires de l’Estuaire de la Seine, et pour une grande part en tant qu’espaces productifs, mais pas uniquement : Lisieux et son pèlerinage mondial, le pôle de compétitivité équin, Honfleur ou Etretat avec leurs millions de visiteurs, sont des preuves tout aussi fortes de la métropole-réseau que le sont Renault Sandouville ou Port Jérôme, sans oublier le patrimoine classé du Havre. Mais tous ne sont précisément que des fragments, des pièces éparses d’un puzzle métropolitain que rien n’assemble dans l’espace élargi de l’Estuaire. C’était d’ailleurs un choix normand quasi explicite que de ne rien assembler de cette mosaïque métropolitaine, entièrement animée par ses liens avec l’extérieur, la région parisienne en premier lieu. Comme si, en somme, le bonheur local devait être dans cette fragmentation globale.
L’avenir de la production passe par l’hybridation, qui elle-même implique de dépasser la fragmentation : au bout de la nouvelle logique, il y a cette métropolisation qui consiste à inscrire ouvertement Le Havre et sa région élargie dans la métropole-réseau. Comment réunir les fragments de métropole ? Le premier pas consisterait à revendiquer cette métropolisation qui arrive, plutôt que de continuer à la subir – ce qui permet en passant de la dénoncer confortablement comme un corps étranger. Elle arrive par les réseaux et les liens qu’ils favorisent. Est-Ouest, ils s’inscrivent dans une longue histoire de la métropolisation grand-parisienne et francilienne. Mais Nord-Sud, ils ouvrent la voie à une nouvelle histoire métropolitaine, proprement normande. C’est pourquoi l’avenir de cette métropolisation-là est aux mains du couple Le Havre – Caen. Non pas qu’il faille trancher dans le triptyque normand de vieilles cités portuaires rivales en opposant pour Le Havre un choix caennais à un choix rouennais, mais parce que la stratégie Nord-Sud est celle qui permettra de sortir de la métropolisation comme domination, au bénéfice de la construction d’une identité métropolitaine normande. Les activités portuaires et maritimes, les grands évènements culturels qu’elles appellent, l’alliance universitaire, la culture industrielle commune, sont les principaux ingrédients de cette construction. Le Havre et CaenOuistreham ne sont-elles pas en face l’une de l’autre, de part et d’autre des 40 km de la baie Au bout de la nouvelle logique, de Seine ? L’avenir métropolitain du Havre passe par Caen. il y a cette métropolisation qui
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Ce disant, on retrouve Benoit Duteurtre : « Je n’ai jamais vraiment su où finissait la
consiste à inscrire ouvertement Le Havre et sa région élargie dans la métropole-réseau. […] Le premier pas consisterait à revendiquer cette métropolisation qui arrive, plutôt que de continuer à la subir.
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Ces fragments de métropole sont là, partout dans les territoires de l’Estuaire de la Seine […]. Mais tous ne sont précisément que des fragments, des pièces éparses d’un puzzle métropolitain que rien n’assemble dans l’espace élargi de l’Estuaire.
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La production agricole est un des éléments du village métropolitain.
Des équipements et des services, en centre bourg, à quelques minutes des transports publics.
Les commerces et marchés traditionnels du centre ville sont valorisés par une forme urbaine plus compacte.
La gare (ou le pôle intermodal) dessert le village, les nouveaux logements, à quelques minutes seulement. Des logements ouverts sur le paysage, proches des services et des transports.
L’activité n’est pas nécessairement à part : elle peut souvent être intégrée à un espace urbain, et contribuer à l’animer.
Les formes de logement potentielles sont multiples : individuel, intermédiaire, maisons de ville, petits collectifs.
Nouveaux logements
Cour - place - parking : esplanade hybride.
Zone d’activité hybride, en bordure de village, ouverte sur le paysage, une cour en commun avec d’autres usages.
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Pôle multimodal : une connection métropolitaine ; l’université, l’aéroport, les grands commerces, les emplois industriels, les grands équipements culturels, de 10 à 30 minutes.
Le «village métropolitain» Seine ni où commençait la mer… Sans doute parce que je suis né au Havre, devant cette « baie de Seine » qui porte encore le nom d’un fleuve, mais qui s’offre déjà au tumulte des tempêtes ». Quand le Grand Paris s’invite au Havre, c’est vers l’Atlantique qu’il faut regarder, parce que c’est de ce « tumulte des tempêtes » que viendra la réaffirmation autonome du destin commun des villes et des territoires normands.
Dans la métropole, les villages sont mieux reliés avec les autres ressources du territoire : on peut aller en transports publics dans tous le bassin d’emploi, aux grands services de transport (LNPN, Aéroport, navettes fluviales), aux pôles de formation, aux grands commerces thématiques, etc. On s’y rend d’autant plus facilement que le village métropolitain, mieux relié, est aussi plus resserré. En limitant son extension, il favorise la production agricole. Cette forme urbaine plus compacte inclue comme dans un bocage une trame verte, où l’on circule à pied en quelques minutes. Tout est proche : les nouveaux logements, l’activité, les équipements et les commerces, le pôle mutimodal. Ainsi, la «métropolisation» n’est pas la transformation des lieux en clones Shanghaï, mais une manière différente, à la fois discrète et révolutionnaire, de valoriser les ressources de chaque pôle urbain, de chaque village : c’est le village métropolitain.
Produire, hybrider, métropoliser : les trois mots d’ordre se soutiennent mutuellement. Produire sans hybrider ni métropoliser, ce serait reconduire une situation fragmentée, propice aux conflits et aux contestations qui finiraient par être fatales aux diverses entreprises ; hybrider sans continuer à produire et commencer à métropoliser, ce serait tenter un exercice artificiel, une simple expérience de laboratoire sans portée pour l’ensemble des territoires de l’Estuaire. Métropoliser sans produire ni hybrider, ce serait se tromper de rôle dans la métropole-réseau à construire à partir du Grand Paris, et échouer au final dans le changement de statut à son égard.
“Quand le Grand Paris s’invite au Havre, c’est vers l’Atlantique qu’il faut regarder, parce que c’est de ce « tumulte de tempêtes » que viendra la réaffirmation autonome du destin commun de villes et de territoires normands.
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En résumé : il ne suffit pas de produire, encore faut-il hybrider et (se) métropoliser, pourrait-on dire, en ajoutant que les trois termes sont interchangeables. Rien de bien neuf en somme – car même l’hybridation est vieille comme le monde qu’elle rend vivant. Mais n’est-ce pas en combinant les principes robustes et élémentaires qu’on ouvre les voies nouvelles les plus prometteuses ? Puisset-il en être ainsi pour les territoires de l’Estuaire aussi ! 1. Benoît Duteurtre, « Entre Seine et mer », revue Seines, n° 3, été 2010, p. 46. 2. Laurent Davezies, La République des territoires, Seuil, 2 008. 3. Pierre Veltz, Le nouveau monde industriel, Gallimard, 2 008. 4. Benjamin Israel, Quel avenir pour l’Industrie dans les places portuaires ? L’exemple de l’Estuaire de la Seine, Presses des Mines, 2012.
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RÉINVENTER LES RELATIONS VILLES/CAMPAGNES POUR UNE TRANSITION SOCIO-ÉCOLOGIQUE DE L’ESTUAIRE OLIVIER MORA
L
e projet métropolitain de l’Estuaire se doit de réinventer de nouveaux modes de relation des villes et des campagnes en s’appuyant sur les imbrications actuelles entre le rural et l’urbain et en valorisant les qualités attachées aux campagnes estuariennes. Un tel projet apparaît comme indissociablement lié à un (ou des) projet(s) agricole(s), que l’on considère l’agriculture comme activité productive, ou que l’on envisage ses effets structurants sur le territoire. Dans un contexte d’intensification des flux de personnes et de marchandises dans l’Estuaire, la constitution à venir d’une territoire métropolitain vise une valeur d’exemplarité en termes de qualité de vie, d’environnement et de durabilité, notamment face aux enjeux futurs de changement climatique, d’alimentation ou d’énergie. Pour construire un territoire à forte valeur ajoutée, deux grands axes de structuration du projet métropolitain sont proposés. Le premier envisage les formes de composition et d’interdépendance entre les espaces ruraux et les espaces urbains susceptibles de renforcer la qualité du territoire de l’Estuaire ; le second esquisse les hybridations d’intérêts métropolitains et d’intérêts agricoles qu’appelle le projet. Au final, le projet métropolitain de l’Estuaire se place dans le champ d’une transition socio-écologique des activités et du territoire.
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UN REGARD INVERSÉ : LE TERRITOIRE DE L’ESTUAIRE VU DES CAMPAGNES Une imbrication étroite des campagnes et des villes
D’intenses relations entre les villes et les campagnes organisent le territoire de l’Estuaire. Les mobilités entre les domiciles localisés en zone rurale et les lieux de travail concentrés en zones urbaines sont fortes, comme en témoignent l’étendue spatiale des aires urbaines et la multiplicité des pôles urbains (Le Havre, Lillebonne, Fécamp, Pont-Audemer, Honfleur, Deauville, Trouville, Lisieux). Peu de communes rurales échappent à une influence urbaine et un grand nombre d’entre elles sont multipolarisées, sous l’influence simultanée de plusieurs villes. Paradoxalement, ce territoire, où résident plus de 610 000 habitants garde une composante rurale marquée avec 26,8 % de la population résidant dans des communes rurales (contre 22,5 % au niveau français), et cela bien que près de 180 000 personnes résident au Havre. L’imbrication villes/campagnes est forte dans le fonctionnement économique de l’Estuaire, et les campagnes constituent un cadre de vie recherché par une large part des résidents estuariens. A cela s’ajoute l’influence de trois métropoles environnantes Caen, Rouen et surtout Paris, qui influencent l’organisation de l’Estuaire, en particulier à travers les flux de marchandises (la Seine, les infrastructures portuaires…) et de personnes (voies ferrées et maritimes, axes routiers). En outre, la métropole parisienne est à l’origine de mobilités touristiques vers les espaces ruraux de l’Estuaire, qui
n Les espaces en herbe, le bocage et les roselières. o Les grandes cultures et champs ouverts.
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concernent notamment les littoraux et les campagnes fortement patrimonialisées caractéristiques du bocage normand où se développent aujourd’hui des phénomènes de multi-appartenance et de multi-résidence. Une attractivité démographique et touristique des campagnes en lien avec la qualité des paysages ruraux
L’Estuaire se présente comme une mosaïque de paysages fortement contrastés où des paysages littoraux recherchés côtoient de vastes paysages d’openfield Le projet métropolitain de au nord de l’Estuaire et un paysage l’Estuaire se place dans le intime de bocage. Ces paysages ruraux champ d’une transition et les sites naturels auxquels ils sont socio-écologique des associés contribuent à son attractivité. activités et du territoire. Ainsi la croissance démographique des Ce territoire où résident espaces ruraux qui était déjà visible à plus de 610 000 habitants la fin des années quatre-vingt-dix s’est garde une composante rurale marquée avec 26,8 % accrue, à l’inverse des centres urbains. de la population résidant De manière générale, l’attractivité dans des communes démographique de l’Estuaire s’aprurales (contre 22,5 % puie principalement sur l’attractivité résidentielle de ses campagnes. Ainsi les au niveau français). campagnes qui sont structurées par l’activité agricole et par des espaces naturels remarquables sont des éléments clés de la qualité du territoire de l’Estuaire.
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L’image attractive de la campagne et de la nature a tendance à s’opposer à celle, industrielle, des grands pôles urbains de la vallée de la Seine (Le Havre, Port Jérôme). Le dépassement de cette opposition est l’un des enjeux du projet métropolitain.
Les forêts et espaces boisés. n Les lignes de crêtes des plateaux et des falaises. p
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Des agricultures et des industries agro-alimentaires aux orientations clivées
5 000 exploitations agricoles sont présentes dans l’Estuaire. L’agriculture, extrêmement diversifiée, occupe 65 % du territoire, et compte pour 2,4 % des emplois du territoire. Au sud, les prairies et le bocage dominent en lien avec l’élevage bovin pour le lait et la viande. Des filières agroalimentaires valorisent des produits en appellation d’origine contrôlée, et la filière équine est en plein développement. Au nord, ce sont des systèmes de grandes
cultures qui dominent, produisant principalement des matières premières standardisées destinées aux marchés internationaux, acheminées via le port de Rouen. L’industrie agroalimentaire dans l’Estuaire emploie 5 000 salariés. Au nord, elle transforme principalement des produits importés grâce au port du Havre, tandis qu’au sud, elle transforme des matières premières produites localement et s’appuie sur sept AOC. Ce système permet d’accroitre la valeur ajoutée des produits finaux et des matières premières, et de capter localement une part de la plus-value.
m L'étalement urbain projeté à l'horizon 2030 pose des questions de pressions foncières
L’étalement urbain projeté à l’horizon 2030 Secteurs de déprise urbaine Secteurs de forte tension foncière
Fécamp
Secteurs de tension foncière Etalement urbain généralisé
Etretat
Fauville-en-Caux
Goderville Criquetotl’Esneval
Bolbec Saint-Romainde-Colbosc
Le Havre
Caudebec-en-Caux Lillebonne
Honfleur Deauville Pont-Audemer
Pont-l’Evêque
“5 000 exploitations agricoles
sont présentes. L’agriculture, extrêmement diversifiée, occupe 65 % du territoire, et compte pour 2,4 % des emplois du territoire.
Lisieux
Mézidon-Canon
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(c)IGN - 2005 (r)AURH (LA/TL- 10/2010)
10
Km 20
attractive de la campagne et de la nature ”a L’image tendance à s’opposer à celle, industrielle, des grands pôles urbains de la vallée de la Seine. Le dépassement de cette opposition est l’un des enjeux du projet métropolitain.
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Les deux «côtes» reliées par mer et par chemin de fer
Seule une vision métropolitaine peut, comme à Copenhague et Malmö, ou encore autour du lac Léman, permettre à tous de bénéficier au mieux du plus grand nombre de services. Ceci
implique des transports plus rapides, et la mer est un formidable vecteur. Le bassin d’emploi s’étend et les grands équipements, qu’ils soient de transport, commerciaux, de loisirs ou
de formation, n’ont plus besoin d’être systématiquement dupliqués. Une source d’économie et de cohésion territoriale, qui se répercute sur la qualité de l’offre de transports.
La réorganisation des transports publics à l’échelle de l’Estuaire permettra sans doute d’optimiser les infrastructures aériennes, et de rendre chaque vol plus accessible depuis chaque ville.
Un meilleur équilibre des aménagements valorisera et préservera les milieux naturels.
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De rayonnement mondial, l’élevage des chevaux de course est une activité créatrice d’emploi et un symbole.
Comme dans bien des métropoles ouvertes sur la mer, des navettes rapides optimisent les temps de transport, permettant à plus d’usagers de bénéficier de multiples services : commerces thématiques, centres de congrès, aéroport, université, etc.
Le tourisme balnéaire, très attractif, est lui aussi un «patrimoine», celui des bains de mer…
De meilleures connections, en bus, en train et par mer diffusent le rayonnement des grands équipements d’accueil de l’Estuaire : centre d’événements, hôtels, instituts de formation…
LE DEVENIR DES RELATIONS ENTRE LES CAMPAGNES ET LES VILLES DE L’ESTUAIRE L’enjeu d’un projet métropolitain est de conjuguer les singularités maritimes, rurales, industrielles et urbaines de l’Estuaire en connectant ces espaces multiples et en développant leurs interactions. Aujourd’hui, les paysages agricoles et les sites naturels sont des facteurs déterminants de l’attractivité, de l’identité et de la qualité du territoire. Ainsi, les campagnes, dans leurs diversités, peuvent, à l’avenir, constituer des éléments fédérateurs du territoire. Il s’agit tout d’abord de penser les espaces agricoles et naturels comme des lieux de centralités, qui structurent un réseau urbain multipolaire puis d’indiquer en quoi ils peuvent être constitutifs d’un projet de territoire.
“Aujourd’hui, les paysages
agricoles et les sites naturels sont des facteurs déterminants de l’attractivité, de l’identité et de la qualité du territoire.
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Des franges naturelles (vallons, haies bocagères) forment un milieu plus favorable à la biodiversité, et éloignent les lieux habités des champs.
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Dans le village, de nouveaux logements s’ouvrent sur le paysage et profitent de l’horizon des champs ou des bocages.
Développement de logistique agricole et d’industries de transformation agro-alimentaire.
Haies et clos-masure, un patrimoine paysager.
Vue depuis les champs m Regrouper et «compacter» les activités et les logements autour des villages libère le reste du territoire pour la production agricole. L’histoire cohabite avec le développement récent : nouvelles habitations en franges de bourg, usines et silos.
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La constitution d’une métropole diffuse pose un enjeu de maintien de qualité du territoire. Cela passe notamment par la limitation de l’urbanisation diffuse, afin d’empêcher une banalisation des espaces ruraux par le mitage résidentiel ou le développement de zones d’activités.
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Maintenir les qualités rurales des campagnes dans un contexte de développement urbain : la métropole diffuse
La constitution d’une métropole diffuse pose un enjeu de maintien de qualité du territoire. Cela passe notamment par la limitation de l’urbanisation diffuse, afin d’empêcher une banalisation des espaces ruraux par le mitage résidentiel ou le développement de zones d’activités. Ainsi, le projet métropolitain implique de construire et de maîtriser un réseau dense de relations des villes entre les réseaux de villes et les campagnes, qui soit en capacité de structurer le territoire. Le renforcement des équilibres entre villes et campagnes permettra d’éviter la déconnexion des littoraux et des arrière-pays, des campagnes patrimonialisées et des pôles urbains, et d’ouvrir des liaisons entre la ville du Havre et les campagnes périphériques. Ces territoires qui associent étroitement villes et campagnes sont d’abord les espaces de vie des résidents, où ils réalisent la plupart de leurs activités quotidiennes. Aussi l’accessibilité des services sur l’ensemble du territoire reste un enjeu important pour le développement des campagnes.
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“La recherche d’un enchevêtrement
Tisser un réseau d’espaces agricoles et d’espaces naturels imbriqué dans l’espace urbain
C’est aussi à une échelle fine que se jouent les interfaces entre les villes et les campagnes. Le développement et l’aménagement des interfaces spatiales doit favoriser l’insertion des espaces agricoles et naturels à l’intérieur de la ville et accroître la perméabilité d’espaces qui restent apparemment hétérogènes. La recherche d’un enchevêtrement fin et maîtrisé entre les espaces urbanisés, ruraux, industriels et naturels implique de porter une attention accrue à l’accessibilité des espaces pour les individus (résidents, touristes), et à la connectivité des écosystèmes. Ce sont là des éléments déterminants de la qualité de vie de l’Estuaire. L’amélioration de l’accessibilité des urbains et des ruraux aux espaces agricoles (sentiers, trames vertes) est l’occasion de mieux intégrer les espaces ruraux dans le cadre de vie des urbains. L’organisation de la circulation entre les espaces favoriserait une appropriation publique des espaces ruraux par les habitants et atténuerait les ruptures spatiales. Il s’agit de ménager des manières et des possibilités de se mouvoir d’un espace à l’autre : en organisant les circulations douces entre les espaces urbains et ruraux, entre les espaces industriels et portuaires et les espaces urbains, et enfin entre les espaces industriels et les espaces agricoles et naturels. À travers l’enjeu de l’accessibilité, les campagnes participent du cadre de vie et de la constitution d’un espace public. La prise en compte des interactions entre les milieux dans l’aménagement pourrait permettre de réduire les risques naturels affectant les espaces urbanisés à proximité d’espaces agricoles (en maîtrisant les inondations
fin et maitrisé entre les espace urbanisés, ruraux industriels et naturels implique de porter une attention accrue à l’accessibilité des espaces pour les individus, et à la connectivité des écosystèmes.
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Associer production agro-alimentaire, élevage, cultures fruitières et qualité des paysages
De nouvelles activités peuvent tirer parti du paysage en s’y insérant. Tourisme, mais aussi formation et recherche.
Par définition, le bocage s’appuie sur une trame verte et bleue solide, facteur de biodiversité.
Le bocage est riche de sa production agricole. Il l’est aussi par la transformation artisanale ou industrielle de ses produits, qui a encore du potentiel. Cette ressource organise aussi des paysages d’une remarquable qualité, combinés à
Outre les paysages naturels et cultivés du bocage, d’innombrables sites patrimoniaux décuplent l’attractivité.
des milieux naturels diversifiés. Ce cadre de vie enviable peut attirer de nouvelles activités : le tourisme bien évidemment, mais aussi d’autres productions industrielles, de la recherche, des pôles de formation.
La transformation des produits alimentaires est une ressource que la métropolisation permet de développer, notamment en organisant mieux les circuits de distribution.
“La prise en compte de la préser-
vation du foncier par les acteurs du territoire et dans les politiques d’aménagement dépendra de la manière dont les espaces agricoles vont se constituer en tant que bien commun.
et les coulées de boues par des aménagements spécifiques des espaces agricoles), d’accroître la robustesse des écosystèmes cultivés face à des accidents climatiques (sécheresses ponctuelles) ou face à des attaques sanitaires (en valorisant les infrastructures écologiques), et d’accroître la richesse biologique des milieux. Un aménagement des espaces basé sur la porosité des milieux et les interactions positives entre espaces – et non pas sur la ségrégation des milieux et la gestion des frontières – peut améliorer la robustesse du territoire face aux aléas climatiques, en renforçant la résilience de l’écosystème. C’est ici une qualité écologique, paysagère et systémique de l’Estuaire qui est en jeu.
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Les campagnes, les espaces agricoles et naturels constituent un enjeu central pour la qualité de la vie, pour la pérennité et la qualité des écosystèmes et des paysages ainsi que pour la constitution d’un espace public métropolitain. Un projet métropolitain implique de renforcer
les interactions entre la qualité des espaces et la qualité de vie en fabriquant des espaces plurifonctionnels. La gestion du foncier agricole, en particulier les capacités de maîtrise des dynamiques de changement d’usages des sols, sont au cœur de ces évolutions. La prise en compte de la préservation du foncier par les acteurs du territoire et dans les politiques d’aménagement dépendra de la manière dont les espaces agricoles vont se constituer en tant que bien commun. À ce titre, la présence de campagnes singulières modelées par les activités agricoles telles que le bocage, est un élément majeur du développement territorial et de l’économie des territoires. Pour autant, si les externalités positives liées aux agricultures (paysages, biodiversité, alimentation, patrimoine) sont nombreuses, elles restent à valoriser de manière plus systéLes campagnes, les espaces matique pour l’ensemble de l’Esagricoles et naturels constituent tuaire. Par ailleurs, les externalités un enjeu central pour la qualité négatives liées aux agricultures de la vie, pour la pérennité et (risques d'inondations, d’érosion, la qualité des écosystèmes et de qualité de l’eau) constituent un des paysages ainsi que pour la défi pour la qualité de l’Estuaire
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constitution d’un espace public métropolitain.
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et leur réduction engage une maîtrise concertée des interactions entre les différents types d’espaces et entre les activités qui s’y mènent. Une telle interaction des milieux entre eux impose de décloisonner le champ décisionnel : l’agriculteur devient un acteur de la ville et les enjeux urbains doivent être envisagés jusque dans les campagnes.
LA PRISE EN COMPTE DES AGRICULTURES, DES FILIÈRES AGRO-ALIMENTAIRES ET D’AGRO-RESSOURCES Les enjeux globaux du changement climatique et de l’énergie risquent d’affecter l’évolution de l’agriculture de l’Estuaire. Pour autant, selon les projections réalisées pour l’Ouest de la France par l’Institut National de Recherche Agronomique, les rendements des différentes cultures (herbe, blé, colza) se maintiendraient voire augmenteraient. L’impact le plus important du changement climatique sur l’agriculture pourrait résider dans la mise en place de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Au plan mondial, l’agriculture contribue à hauteur de 30 % des émissions de gaz à effet de serre, dont la moitié est due à des changements d’usages des sols (déforestation, retournement des prairies…). Si l’élevage des ruminants est particulièrement concerné par ces émissions, le bilan de certains systèmes d’élevages à l’herbe pourrait être positif du fait des capacités de stockage du carbone par les prairies permanentes. Une transition vers une agriculture à faible émission de gaz à effet de serre impliquerait une reconfiguration des Une telle interaction des milieux systèmes agricoles par entre eux impose de décloisonner rapport à la gestion des le champ décisionnel : l’agriculteur sols (par ex. utilisation devient un acteur de la ville et les
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enjeux urbains doivent être envisagés jusque dans les campagnes.
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des techniques de semis sans labour), à la fertilisation et à l’usage d’engrais azoté (réduction des apports d’engrais minéraux), mais aussi à la transformation et au transport des produits agricoles. À terme, avec l’épuisement progressif des ressources pétrolières, une augmentation importante du coût de l’énergie pourrait affecter les filières agricoles sous l’effet d’une augmentation des coûts des transports et du coût des intrants agricoles fabriqués à partir des énergies fossiles. Dans une hypothèse de rupture radicale par rapport à la situation actuelle, l’Estuaire pourrait valoriser ses équipements portuaires et logistiques pour exporter à moindre coût sa production agricole grâce à des réseaux de transports massifiés… ce qui impliquerait également une reconfiguration complète des systèmes de production agricole. Enfin, le développement des énergies renouvelables concerne aussi l’agriculture. Sur les territoires, d’autres sources de biomasse sont envisageables, issues de la sylviculture, de déchets agroindustriels et urbains, ou de culture d’algues. Actuellement, les vecteurs énergétiques les plus intéressants du point de vue du rendement énergétique des process de transformation de la biomasse sont l’électricité et la chaleur. Enfin, l’alimentation et sa qualité redeviennent des sujets de préoccupation publique. Des formes de reterritorialisation des systèmes alimentaires sont aujourd’hui portées par les collectivités territoriales et par des associations. Elles répondent à différents enjeux : d’abord à une demande sociale de proximité entre producteurs et consommateurs dont témoigne le développement des circuits courts ; à un souci croissant des institutions publiques pour la santé qui privilégie l’alimentation en produits frais ; à la sécurisation de l’approvisionnement alimentaire dans un contexte
de volatilité des prix agricoles ; et enfin à un objectif de diminution des émissions de CO2 liées au transport des marchandises agricoles.
Dans une hypothèse de rupture radicale par rapport à la situation actuelle, l’Estuaire pourrait valoriser ses équipements portuaires et logistiques pour exporter à moindre coût sa production agricole grâce à des réseaux de transports massifiés.
Dans le cadre du projet métropolitain, trois objets spécifiques, l’énergie, l’alimentation et le développement durable sont à envisager. Ils constituent des terrains où peuvent converger un intérêt agricole et agro-industriel et un projet métropolitain. Une logique commune de construction de ces projets est à trouver. Elle consiste notamment à renforcer la circularité des échanges de produits et des flux de matières au sein de l’Estuaire. L’enjeu majeur réside dans le renforcement des relations internes entre agriculteurs ou entre industriels, mais aussi dans le développement d’interrelations entre les différentes catégories d’acteurs. Au sein des exploitations agricoles, il s’agit notamment d’améliorer la gestion des cycles biologiques en valorisant les propriétés des écosystèmes, pour accroître la durabilité des systèmes de production.
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Valoriser la biomasse dans le projet énergétique de l’Estuaire
Le développement des énergies renouvelables (éolienne, marine, photovoltaïque, biomasse) est un enjeu important dans le cadre d’une transition énergétique de l’Estuaire. Pour les acteurs des territoires, ces nouvelles filières économiques valorisent une biomasse peu utilisée par ailleurs (petits bois issus de la taille des haies, déchets des scieries, déchets urbains des espaces verts, effluents d’élevage). De multiples collectivités se sont déjà engagées sur la voie d’une diminution de la dépendance énergétique du territoire visà-vis des combustibles fossiles, via des systèmes énergétiques décentralisés. Les solutions développées à Fribourg, à Saint-Félicien au Canada ou à Francfort, ont recours à des unités de productions locales qui produisent principalement de l’électricité ou de la chaleur, et approvisionnent les entreprises, les particuliers et les équipements publics. Les techniques les plus développées actuellement sont des unités de cogénération qui produisent de l’électricité et de la chaleur à partir de déchets de l’industrie du bois. Les réseaux de chaleur sont en plein développement sur les territoires, notamment dans le Pays d’Auge ; ils permettent via des chaufferies-bois de desservir des logements collectifs ou des entreprises. Le développement de biodigesteurs valorisant des effluents d’élevage, des déchets agro-industriels et de boues de station grâce Le développement de l’agro- à des processus de méthanisation foresterie pourrait permettre à pourrait également permettre de la fois de produire des céréales produire du biogaz et de la chaleur.
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et de la biomasse forestière, tout en limitant l’érosion. La culture d’algues pourrait permettre en mobilisant l’eau disponible en abondance de produire de la biomasse.
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Cependant, la mobilisation de la biomasse reste un des enjeux importants et un facteur limitant de ce
développement sectoriel. Dans l’Estuaire, peu de ressources agricoles de biomasse semblent directement mobilisables. En revanche, les déchets des industries agro-alimentaires (café, chocolat, thé) pourraient être mobilisées pour l’approvisionnement d’unités de cogénération qui, en profitant de la proximité offerte par les infrastructures portuaires, pourraient fournir en chaleur d’autres industries ou les résidents urbains. De plus, au vu de la forte présence de l’élevage bovin sur l’ensemble de l’Estuaire, des unités de méthanisation utilisant les déchets d’élevage pourraient être généralisées. À plus long terme, d’autres voies d’accroissement de la ressource en biomasse pourraient être explorées. Sur les terres d’openfield qui connaissent d’intenses processus d’érosion, le développement de l’agroforesterie pourrait permettre, à la fois de produire des céréales et de la biomasse forestière, tout en limitant l’érosion. La culture d’algues pourrait permettre, en mobilisant l’eau disponible en abondance, de produire de la biomasse. Des industries de la chimie verte pourraient se développer sur cette ressource en biomasse, en s’appuyant sur les savoir-faire existants en vallée de Seine. L’amidon de céréales ou de pommes de terre pourrait être utilisé par exemple pour la production de plastiques biodégradables ou de molécules chimiques. Insérer l’agriculture locale dans les systèmes alimentaires de l’Estuaire
Rapprocher les bassins de consommateurs et la production de biens alimentaires est une réponse à la demande sociale de proximité entre producteurs et consommateurs, qui accroît les échanges au sein du territoire et améliore la qualité de l’alimentation des habitants. La relocalisation des systèmes alimentaires se traduit principalement par un approvisionnement en produits frais (fruits et légumes)
qui sont distribués via des circuits courts impliquant la restauration collective, des magasins de vente collective, la distribution de paniers ou la vente directe. L’agglomération du Havre, qui est le pôle urbain le plus important de l’Estuaire, semble directement concernée par ce type de projet, mais également les territoires ruraux, les résidents ou les touristes sont à la recherche d’un approvisionnement de proximité. Dans le cadre du projet métropolitain, le lien à l’alimentation de la métropole parisienne pourrait être renforcé en mobilisant les infrastructures portuaires, de transport ferré et fluvial pour l’approvisionnement des populations par des produits frais de l’Estuaire. Un dispositif de traçabilité des produits s’appuyant sur des analyses de cycle de vie des produits pourrait être garant de la provenance, d’un mode de production préservant l’environnement, et d’un transport faiblement émetteur de gaz à effet de serre. Reste que le développement d’une filière alimentaire de ce type nécessite d’accroître les capacités locales de production agricole, notamment la production maraîchère, jusqu’ici faiblement présente. Elle reste également tributaire de la mobilisation des agriculteurs et de la profession agricole autour de ces projets. À ce titre, la participation des collectivités locales à des projets d’installation d’agriculteurs peut constituer un levier d’action déterminant.
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Le développement de biodigesteurs valorisant des effluents d’élevage, des déchets agro-industriels et de boues de station pourrait permettre de produire du biogaz et de la chaleur.
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“Garantir la durabilité
de l’agriculture nécessite
du territoire. Au vu de la différenciation d’intensifier les liens entre des agricultures, plusieurs voies se desécosystèmes cultivés et sinent. Au sud, les systèmes d’élevage écosystèmes naturels, bovin, basés sur l’herbe et organisant et de faire en sorte que le bocage, génèrent des sites favorables l’agriculture mobilise au maintien de la biodiversité. Ces sysmieux les processus tèmes entrent dans le cadre d’une agriécosystémiques. culture à Haute Valeur Naturelle. Cette qualification identifie au plan national des agricultures générant des externalités positives en termes de services écosystémiques, elle vise à mettre en place des politiques publiques d’appuis spécifiques. Au nord, les systèmes agricoles, spécialisés en grandes cultures et sur des cultures de niche, ont suivi l’intensification classique de l’agriculture française, basée sur la suppression des perturbations, la stabilisation des flux de matière et la réduction de la diversité de l’environnement. Face à cette situation, de nombreux agronomes proposent de développer une intensification écologique de l’agriculture qui valorise mieux les processus écologiques en renforçant l’efficacité propre du système (fertilité des sols, cycles biogéochimiques, diversité biologique des milieux, protection intégrée, etc.), avec une faible utilisation d’apports externes. Certaines orientations émergentes des systèmes de grande culture semblent anticiper ces évolutions, notamment le développement de techniques sans labour ou de cultures intermédiaires qui limitent les processus érosifs.
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n Les territoires agricoles à Hautes valeurs naturelles en France. (SOLAGRO)
Faire de l’agriculture, une pièce centrale de la qualité des écosystèmes et de l’image du territoire de l’Estuaire
Garantir la durabilité de l’agriculture nécessite d’intensifier les liens entre écosystèmes cultivés et écosystèmes naturels, et de faire en sorte que l’agriculture mobilise mieux les processus écosystémiques. Une telle action s’insère dans un projet métropolitain visant la qualité des écosystèmes et la durabilité Au sud, les systèmes d’élevage des activités agricoles sur l’enbovin, basés sur l’herbe et organisant le bocage, génèrent des semble de l’Estuaire, l’exemsites favorables au maintien de la plarité des activités agricoles biodiversité. Ces systèmes entrent participant de l’image globale
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dans le cadre d’une agriculture à Haute Valeur Naturelle.
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A l’échelle de l’Estuaire, la complémentarité entre les exploitations bovines produisant des effluents, et des exploitations céréalières nécessitant une fertilisation azotée pourrait être réalisée, afin de réduire la dépendance aux engrais minéraux des grandes cultures au nord, de
“Certaines orientations
émergentes des systèmes
valoriser les effluents d’élevage au sud. de grande culture semblent Dans un contexte d’accroissement du anticiper ces évolutions, prix des fertilisants minéraux, directenotamment le développement lié au prix des énergies fossiles, ment de techniques sans cette démarche présente un intérêt écolabour ou de cultures internomique. Elle s’articule avec des techmédiaires qui limitent les niques de méthanisation des effluents processus érosifs. et permet d’utiliser les produits résiduels. Ce système exigeant requiert des compétences en matière de logistique et de transport. Ce sont justement ces métiers qui font déjà la reconnaissance de l’Estuaire par son outil portuaire. La mise en place de ce dispositif illustre la convergence et la complémentarité des fonctions et des territoires qui peuvent s’opérer.
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Enfin, les produits pourraient constituer des marqueurs identitaires du territoire. La visibilité des produits serait constitutive d’une image sous la forme d’un panier de biens et de services. L’Estuaire est riche d’une diversité de produits agricoles en Appellation d’Origine Contrôlée (fromagères, cidricoles) et de produits de la mer qui sont susceptibles de spécifier une culture gastronomique propre. D’autres productions, telles que le lin et ses produits dérivés, spécificités locales à valoriser, pourraient participer à qualifier le territoire. Enfin, le cheval, la filière équine et les sports de compétition qui bénéficient d’un rayonnement international, devraient trouver une place à leurs mesures dans l’image de l’Estuaire.
Les espaces agricoles à Hautes Valeurs naturelles, les espaces remarquables et classés, les forêts et la trame bleue de l'Estuaire
VERS UNE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET ÉCOSYSTÉMIQUE DE L’ESTUAIRE Ce qui est décrit ici, c’est une transition socio-écologique de l’Estuaire, afin de rendre le territoire et ses acteurs moins dépendants aux énergies fossiles, plus créatifs, moins vulnérables aux risques, plus attentifs à la qualité de vie des habitants, et plus impliqués dans les systèmes alimentaires et agricoles. Au regard de la situation actuelle, les évolutions envisagées impliquent des innovations particulièrement importantes afin d’accroitre les qualités de ce territoire en tant qu’espace de vie, organisation économique et mosaïque d’écosystèmes. Des synergies pourraient se former entre l’attractivité des campagnes constitutives de l’Estuaire et les dynamiques d’innovation à travers l’ancrage d’une « classe créative ». Des convergences pourraient également se construire entre la valorisation de la qualité des process industriels et la valorisation des processus écosystémiques mis en œuvre par l’agriculture. L’innovation dans l’Estuaire se pose à la fois en termes de gouvernance, de coordination des acteurs économiques, de gestion spatiale et d’innovation sectorielle. Une telle innovation est tributaire de l’existence de lieux ouverts à la multiplicité des acteurs territoriaux, où se fabriquent de nouveaux agencements d’acteurs, et où se construit une réflexion collective sur les transformations en cours. Elle appelle une hybridation entre les enjeux sectoriels et territoriaux pour la définition d’un intérêt métropolitain.
“Une telle innovation est tributaire
de l’existence de lieux ouverts à la multiplicité des acteurs territoriaux, où se fabriquent de nouveaux agencements d’acteurs, et où se construit une réflexion collective sur les transformations en cours.
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LE GATEWAY DE LA SEINE UNE STRATÉGIE ÉCONOMIQUE DU XXIE SIÈCLE DOMINIQUE DHERVILLEZ JULIETTE DUSZYNSKI
PARIS : LA VILLE MONDE ET LA MER L’essor de Paris et de sa couronne atteint ses limites. Le développement de la ville-monde peut se poursuivre de manière radioconcentrique, ou choisir une autre orientation. La Vallée de la Seine et le littoral normand permettent de bénéficier de la qualité d’un territoire situé dans un prolongement naturel, celui du fleuve Seine et surtout d’offrir l’ouverture maritime des ports du Havre, de Rouen et du littoral normand. Dans une réciprocité asymétrique (en effet, la puissance de la place de l’agglomération capitale n’est pas comparable à celle des deux régions normandes), Paris doit convenir avec la Vallée de la Seine, la place portuaire et sa façade maritime, de la répartition des conditions durables de ce développement partagé. Le « Grand Paris » dans sa configuration actuelle, dispose d’atouts considérables et répond aux fonctionnalités nécessaires à une grande capitale. Mais il ne dispose toujours pas de cette ouverture maritime qui lui confèrera de facto une dimension de ville-monde qui lui sera indispensable pour s’imposer face à la concurrence féroce que vont se livrer les grandes métropoles internationales au cours du xxie siècle.
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“L’avenir des activités industrielles
et, plus généralement, celui de notre appareil de production, est lié à l’efficacité et aux coûts des transports ainsi qu’aux valeurs ajoutées de la logistique moderne.
Il s’agit, en l’occurrence, d’envisager un espace à haut niveau de services, à haute qualité environnementale, où la conjonction d’une « distance raisonnable » (200 km de Paris à la mer), de la fertilité économique et industrielle, des ouvertures maritimes et continentales, de la présence d’une agriculture puissante et diversifiée, d’une histoire et d’un patrimoine remarquables, pourront engendrer un territoire complexe et complet, de visibilité mondiale.
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LA VALLÉE DE LA SEINE : TERRITOIRE D’ENJEUX Paris doit garder son rang parmi les “villes-monde” pour contribuer au maintien de la place de la France dans le concert des nations. Cela lui est facilité en la dotant d’une ouverture sur le monde maritime. Cette nécessité a de multiples conséquences : elle confère à la Vallée de la Seine la responsabilité d’axe stratégique de redéveloppement pour la capitale et le pays, notamment concernant l’économie productive (filières industrielles), elle fait obligation aux ports du Havre, de Rouen et de Paris,
de mettre en œuvre une stratégie commune, intégrant également les ports normands dans leur réflexion, et à l’Estuaire de la Seine, notamment la Ville du Havre, de s’imposer comme une métropole maritime à part entière. La Vallée de la Seine correspond à un territoire d’échelle adaptée pour mettre en œuvre une stratégie de développement durable et d’économie circulaire. Elle impose de faire le choix de l’innovation avec quelques fortes évidences : la vitesse ferroviaire comme facteur de proximité entre la “ville-monde et la mer” ; le maritime comme levier central des économies du xxie siècle, toutes productions et échanges confondus ; la mise en valeur des atouts géographiques et géopolitiques de notre pays.
LA STRATÉGIE DES FLUX Le renouvellement de l’industrie et celui des ports doit être conçu dorénavant comme un ensemble où commandement, services, recherche, développement et production des filières seront harmonisés au sein de l’espace géographique de la Vallée de la Seine et de l’Ile de France, pour composer un territoire innovant du xxie siècle. L’économie, dans toutes ses composantes, financières, industrielles, d’échanges ou de services, est désormais déterminée, non plus par les performances propres des acteurs séparés, mais par les chaînes d’acteurs de la production et de l’organisation des échanges, évoluant dans l’espace de la globalisation mondiale. Les marchés sont ainsi conditionnés par l’intensité des flux au sein de réseaux de toutes natures, matériels et
immatériels, dont les caractéristiques premières sont la fluidité, la sécurité, le « juste à temps ». Ce sont ces flux qui génèrent des performances et des valeurs ajoutées. L’accès aux circuits logistiques mondiaux performants joue donc un rôle fondamental sur les coûts de production : dans les approvisionnements industriels ; dans les processus d’assemblage entre sites parfois répartis sur le globe ; dans les coûts d’exportation. Ainsi, ils impactent de façon déterminante les coûts de distribution et par conséquent les conditions d’accès aux consommateurs. Enfin, ils représentent un avantage concurrentiel pour l’exportation de produits agricoles, qui s’ouvrent à la conteneurisation et apportent, de la sorte, des solutions au problème du retour des conteneurs vides. L’avenir des activités industrielles et, plus généralement, celui de notre appareil de production, est lié à l’efficacité et aux coûts des transports ainsi qu’aux valeurs ajoutées de la logistique moderne. La façade maritime de notre pays, en particulier la Manche, premier segment de la rangée portuaire nord européenne (le Range), est un atout majeur. Encore convient-il qu’elle soit mieux structurée afin de contribuer pleinement à des gains de PIB substantiels pour notre pays.
LA STRATÉGIE MARITIME Plus de 80 % des marchandises transportées le sont par voie maritime, à faible coût et minimisant les émissions de CO². Ce chiffre illustre la place que vont occuper les villes-ports maritimes (et fluviales). Elles vont monopoliser les nœuds des réseaux mondiaux de déplacement de la marchandise. De plus, les
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L’ingénieur qui a inventé le conteneur a provoqué un bouleversement aussi grand que celui qui a inventé l’Internet. PASCAL LAMY, Directeur Général de l’Organisation Mondiale du Commerce
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grands ports dominants (constituant les principaux Hubs) assureront sur leurs hinterlands des fonctions de transbordement de flux maritimes et de diffusion-concentration de la marchandise. La qualification de ces hinterlands est donc un facteur déterminant. Elle dessinera une géo-économie qu’il s’agit d’ancrer de façon durable sur les territoires. Le conteneur se déplaçant de façon massifiée sur les voies maritimes, comme sur les axes terrestres, fluviaux et ferroviaires, est devenu le vecteur universel des échanges. Dans un système mondial de flux tendus, « l’ingénieur qui a inventé le conteneur a provoqué un bouleversement aussi grand que celui qui a inventé l’Internet » (Pascal Lamy, Directeur Général de l’Organisation Mondiale du Commerce). Dès lors, la massification au niveau mondial et continental du transport des marchandises est à la fois le facteur de performance des productions et des échanges, mais aussi du Développement Durable. En effet, les géants des mers peuvent porter près de 18 000 conteneurs de vingt pieds, relayés ensuite par les transports fluviaux et ferroviaires. Dans ce contexte, les métiers portuaires, industriels, logistiques, de services se doivent d’être de haut niveau et productifs de valeurs ajoutées.
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Aussi, les ports et voies d’eau, les voies ferroviaires françaises, doivent-ils offrir aux tissus industriels, toutes branches confondues, des facteurs d’efficacité. La performance de ces réseaux constituera, de surcroît, une offre opportune pour de nouvelles activités, en particulier PME et PMI. Il en sera de même pour les branches industrielles traditionnelles qui pourront organiser au mieux leur renouvellement.
LA STRATÉGIE INDUSTRIELLE La production industrielle va être de plus en plus déterminée par les systèmes logistiques mondiaux, avec des points de concentration, d’assemblage, d’éclatement et de distribution dans des plateformes portuaires et des ports secs, nœuds de réseaux qui vont constituer des lieux de production de la valeur ajoutée. Beaucoup de pays s’y attellent en développant leurs places portuaires, leurs villes et leurs quais. La France, dont la position géopolitique est enviable, n’est pas suffisamment volontariste face à ces enjeux incontournables des prochaines décennies. Or, la question est devenue d’autant plus impérieuse que la part de l’industrie dans la valeur
“Il ne s’agit pas seulement de laisser passer les flux, mais de leur apporter une valeur additionnelle, créatrice de richesses et d’emplois.
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ajoutée nationale n’est plus que de 15 %, soit moitié moins qu’en Allemagne. Le repositionnement industriel de la France est possible et nécessaire, il se fera à partir des territoires déjà forts d’une tradition et d’infrastructures industrielles, avec ce que cela implique d’outils et de savoir-faire, articulés avec les potentiels portuaires, pour l’export et l’import, et sur des grands bassins de consommation.
LA MISE EN SYSTÈME : LE GATEWAY Le Gateway est une approche des réseaux, centré particulièrement sur le rôle de porte d’entrée et de sortie entre réseaux. Utilisé en informatique, il est souvent appliqué aux complexes portuaires comprenant les terminaux, leurs liaisons maritimes (foreland), les zones logistiques, les connexions terrestres avec l’arrière-pays (hinterland) constituées de corridors de fret et de plateformes intérieures. Les ensembles formés par les ports, leurs hinterlands et leurs forelands fonctionnent comme des circuits de flux massifiés, interdépendants et mis en relation par des systèmes d’intelligence partagée. C’est ce que l’on appelle un
Gateway. La référence à l’intelligence artificielle s’étend depuis peu au concept de port intelligent (brain port), conçu comme l’opérateur clé de ces systèmes.
LES GATEWAYS ÉTENDUS Dans une approche plus complète, le rôle du Gateway dépasse largement les composantes portuaires, les infrastructures de transport et les activités logistiques. Au-delà de sa fonction de passerelle, il permet de relier le développement et l’ensemble des composantes associées à l’aménagement du territoire. C’est donc un outil partagé par nature. Ces composantes territoriales étendues reposent sur l’intelligence du territoire, sa capacité à innover et à générer une différenciation concurrentielle. Elles s’appuient sur les grappes (clusters institutionnels/entreprises), les filières économiques, l’enseignement, la formation et la recherche à l’échelle de plusieurs territoires, organisés dans un écosystème logistique à valeur ajoutée développant les synergies entre la logistique, l’industrie, la distribution, le commerce et les autres activités tertiaires (ex : services supports, pourvoyeurs de solutions technologiques). Il ne s’agit pas seulement de laisser passer les flux, mais de leur
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L’ensemble formé par Paris ville-monde, la vallée intense de la Seine, les territoires la bordant et le débouché maritime offert par Le Havre et Rouen, (l’Estuaire de la Seine) le littoral normand, le tout magnifiquement placé à l’Ouest de l’Europe, dispose des éléments constitutifs d’un Gateway.
apporter une valeur additionnelle, créatrice de richesses et d’emplois. Dans ce grand mécano doté de plusieurs dimensions et échelles à intégrer, le Gateway joue un rôle de moteur fédérant, animant et stimulant la dynamique économique, sociétale et environnementale au service d’une ambition territoriale.
APPLICATION À LA VALLÉE DE SEINE
En s’appuyant sur les exemples étrangers de territoires forts de leurs appareils portuaires, nous proposons d’adapter le système du Gateway, largement utilisé dans les pays anglo-saxons, au contexte singulier de la Vallée de la Seine.
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Le Gateway se caractérise par un haut niveau de services, une fiabilité partagée, des coûts de services maîtrisés, une organisation et une solidarité des acteurs du système. Il est à la fois infrastructures connectées, opérateurs sur ces réseaux, territoire d’accueil d’activités et de renouvellement de celles déjà en place, intelligence de territoire concrétisée par des guichets ou portails, des services, une recherche et un enseignement supérieur thématisés, et une marque qui se doit d’être mondiale et saisie comme un ensemble. L’ensemble formé par Paris “Ville-Monde”, la vallée intense de la Seine, les territoires la bordant et le débouché maritime offert par Le Havre et Rouen, l’Estuaire de la Seine, le littoral normand, le tout magnifiquement placé à l’Ouest de l’Europe, dispose des éléments constitutifs d’un Gateway. Celui-ci reposera sur une unité de territoire, conférée par la LNPN, qui en sera même
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l’acte fondateur, mais également sur un cocktail exceptionnel, au niveau mondial, d’espaces de production, de qualités urbaines, agricoles, d’espaces naturels, de patrimoine, d’établissements culturels, d’enseignement et de recherche, de climat et d’attractivité, dont le tourisme n’est pas la moindre. Comme pour le Gateway d’Anvers, il y a une nécessaire reconquête de nos atouts maritimes, de la meilleure maîtrise de nos importations et exportations. Comme pour le Gateway Canadien, à l’égard du continent américain, nous sommes le premier port touché et le dernier laissé de l’Europe. Et nous devons encore optimiser les outillages et services de frets ferroviaires et fluviaux avec pour ambition de développer son positionnement de porte européenne. De plus, nous pouvons mobiliser nos productions agricoles pour conjuguer nos exportations avec le retour des conteneurs vides. Comme pour le Gateway de la Tamise, nous avons aussi une ville-monde, qui doit envisager des rééquilibrages, en particulier sur le tertiaire et les front-offices, l’enseignement supérieur et la recherche, la meilleure répartition des emplois et des habitants, qui sont les questions cruciales du développement de la région parisienne.
ACTIVATION DU SEINE GATEWAY Les atouts indispensables qui sont à disposition et qui caractérisent notre espace sont : un hub : Le Havre et le complexe portuaire normand (port le plus à l’ouest, 1er touché, avant le détroit du Pas de Calais) ; une “ville -monde”: Paris (avantage concurrentiel) ; la conjonction d’une armature portuaire avec un appareil productif (la
Seine Gateway
Faรงade maritime de Paris
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Ce Gateway de la Seine reposera sur l’emboîtement de systèmes vertueux, productifs, durables, attractifs, innovants et complémentaires.
Vallée de Seine industrielle) ; une position de pivot dans l’orientation des flux (maillage entre les liaisons Nord-Sud et les axes Est-Ouest, comprenant l’aire géographique Manche-Atlantique) ; la constitution d’une position géostratégique : la dorsale Le Havre-Rouen-Paris, un littoral maillé avec l’ensemble des ports côtiers de Cherbourg à Dieppe et l’ouverture à terme vers le Nord et l’Est de l’Europe via le Canal Seine Nord Europe ; les déplacements touristiques – les sites sont extrêmement nombreux et de dimension mondiale – mais aussi les flux aériens, ferroviaires, maintenant fluviaux et maritimes avec le développement des croisières ; la valorisation des sites industriels qu’il va falloir reconvertir par l’effet des accès au monde entier que procure le Gateway ; la valorisation des productions agricoles, en les transformant (les agro-industries), en massifiant leurs exportations tant par les voies d’eau que les voies maritimes ; la collection considérable d’attractivités résidentielles que présentent la Vallée de la Seine, ses bordures et le littoral, le climat et les modes de vie qu’on y trouve ; la capacité de traiter l’ensemble des chaines des déchets, de leurs transformations, à la fois à l’échelle du bassin, à celle des flux de transport, mais aussi des outillages industriels adéquats.
dans le monde. Elle seule est en mesure d’articuler les grands flux d’échanges mondialisés de toutes natures et de promouvoir le renouveau de notre industrie.
Tous ces facteurs doivent être dynamisés ensemble pour mettre en évidence nos forces pour que soit activé un modèle de développement qui était présent mais latent.
L’Estuaire est une pièce maîtresse de cette nouvelle stratégie territoriale qui relie la région capitale à la mer. Nos ports, nos infrastructures mais aussi nos compétences et nos savoirs sont autant d’atouts pour relever ce défi.
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Ce Gateway de la Seine reposera sur l’emboîtement de systèmes vertueux, productifs, durables, attractifs, innovants et complémentaires. Cette combinaison est une des clés pour apporter de profonds changements dans notre économie et assurer la position de Paris et de la France
L’Estuaire peut se saisir de cette opportunité pour se doter d’une image attractive, puissante, étonnante et donner à ce territoire une haute qualité résidentielle à l’échelle de notre continent. C’est la condition nécessaire pour donner la volonté et la capacité à Paris de décentraliser sur ces territoires des fonctions de commandement, portuaires, industrielles, logistiques, de services aux entreprises, universitaires, de recherche, pour pouvoir, en retour, mieux se placer sur les segments concurrentiels de l’excellence mondiale
L’ESTUAIRE DE LA SEINE ET LE GATEWAY DE LA SEINE L’Estuaire de la Seine est la porte du Gateway, c’est bien sûr un enjeu pour la place portuaire, mais c’est l’espace qualifié d’un développement diversifié, et partagé, partie d’un dispositif de dimension mondiale : emplois portuaires, logistiques, industriels, tertiaires et universitaires à l’instar des emplois présents dans les grandes places portuaires européennes.
”L’Estuaire de la Seine
est la porte du Gateway, c’est bien sûr un enjeu pour la place portuaire.
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LA PORTE DU GATEWAY DE LA SEINE LE GRAND PARC DE L’ESTUAIRE ANTOINE GRUMBACH JEAN-ROBERT MAZAUD
L
e Grand Parc de l’Estuaire donne forme à un projet partagé. Entité à constituer autour de la Seine, de la forêt de Brotonne à l’océan, entre terre et eau, ce Parc du xxie siècle manifeste une nouvelle alliance entre la nature, le développement industriel et urbain. Il réconcilie de multiples dimensions – espace à la fois naturel, agricole, industriel, portuaire, touristique, urbain… Le vaste site de l’Estuaire a connu de nombreux plans, il porte de multiples projets. Plutôt que d’un nouveau plan directeur, il a besoin d’une vision dynamique, qui le prépare aux mutations annoncées : nouvelle relation du Havre avec Paris (train rapide), canal Seine-Nord-Europe et développement de la logistique fluviale… Pour cela, il lui faut un récit qui aide à en construire une représentation partagée et des « moteurs » susceptibles de faire évoluer le territoire. La question de l’identité concerne le site dans sa grande échelle – comment faire émerger un système global à partir de la diversité de ce Entité à constituer qui existe ; comment dynamiser les difautour de la Seine, férents projets par une vision collective. de la forêt de Brotonne Les nouvelles cultures répondent à cet à l’océan, entre terre et emboîtement pour mettre en mouvement eau, ce Parc du XXIe siècle le territoire, motiver ses acteurs – eux qui manifeste une nouvelle construiront le changement. alliance entre la nature,
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le développement industriel et urbain.
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“Milieu écologiquement très IDENTITÉ : CONSTRUIRE UN GRAND RÉCIT RÉVÉLER LA GÉOGRAPHIE DANS TOUS SES ÉTATS La colonisation du royaume de l’eau
Le Grand Parc de l’Estuaire ne peut pas être dissocié du front maritime. Eau douce, eau saumâtre, eau salée : le territoire de l’Estuaire est à la fois fleuve et côte. Il doit être pensé à la fois dans sa vallée et son front maritime – jusqu’à Étretat et Deauville, Fécamp et Caen ou Cherbourg. Pensé également par ses deux rives, ensemble – deux rives qui ont manqué de relations. Zones humides
La présence de l’eau et des zones humides marque la culture partagée par tous : ce repère peut tisser des liens avec l’intérieur du territoire, par les vallées et les valleuses. Il concerne l’industrie comme les loisirs des habitants ou le tourisme. Les zones humides, vasières et roselières, espaces protégés pour leur biodiversité (oiseaux et poissons en particulier), sont occupées aussi par les chasseurs, qui y aménagent des gabions – environ 200 mares artificielles équipées d’un abri enterré où les tireurs attendent le gibier d’eau. La réserve naturelle de l’Estuaire de la Seine est une des seules en France où la chasse soit tolérée – en raison de l’influence de quelques 2 000 chasseurs (surtout dockers et travailleurs du port). Un rapport de force qui témoigne de la complexité des jeux d’acteurs. L’Estuaire est l’objet de conflits parfois violents – entre le Port, les écologistes et les défenseurs des oiseaux, les industriels et les chasseurs, les agriculteurs ou les coupeurs de roseaux (cette récolte permet d’enlever de la matière organique et d’éviter une trop rapide eutrophisation).
complexe, l’Estuaire est un des
La roselière fixe autant d’azote et parcs naturels français les plus de phosphore qu’une station d’épu- riches biologiquement. ration pour 200 000 habitants, à condition qu’il y ait la marée. Une épuration d’autant plus efficace que la surface est importante. Mais ces zones deviennent rares dans la Vallée de la Seine. Milieu écologiquement très complexe, l’Estuaire est un des parcs naturels français les plus riches biologiquement, site de plusieurs zones protégées et de multiples mesures compensatoires (opérations de protection visant à contrebalancer les nuisances d’un projet d’aménagement). Il y manque un inventaire des nombreux espaces où il serait possible d’organiser ces compensations – avec l’objectif de les réaliser sur le territoire lui-même plutôt que dans d’autres régions.
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Les crêtes comme limites
Alors que la vallée n’a pas cessé de se transformer au fil des siècles, les crêtes offrent un élément identitaire stable. Elles constituent les limites du Grand Parc de l’Estuaire – tout territoire a besoin de limites pour que son espace puisse être ressenti et reconnu. Cette limite peut se matérialiser par une promenade qui relie les plateaux aux falaises côtières – avec belvédères, observatoires et tables d’orientation. Ce chemin est un outil de découverte de l’ensemble de l’Estuaire, où prendre conscience de son échelle, des relations entre les deux rives, des alternances paysagères Alors que la vallée n’a pas cessé entre nature, ville et indusde se transformer au fil des siècles, trie. S’y révèle l’histoire géoles crêtes offrent un élément idenlogique et humaine du site, titaire stable. Elles constituent les s’y ressentent les horizons, limites du Grand Parc de l’Estuaire l’ouverture sur le grand large. – tout territoire a besoin de limites
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pour que son espace puisse être ressenti et reconnu.
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Le site de papier
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Cette limite peut se matérialiser par une promenade qui relie les plateaux aux falaises côtières – avec belvédères, observatoires et tables d’orientation. Ce chemin est un outil de découverte de l’ensemble de l’estuaire, où prendre conscience de son échelle, des relations entre les deux rives, des alternances paysagères entre nature, ville et industrie.
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Zones à risques, des atouts. Le changement de regard auquel invite cette étude encourage à voir les contraintes comme des atouts. Ainsi des deux zones de PPRT (Plan de Prévention des Risques Technologiques) de l’Estuaire, qui gèrent plusieurs risques Seveso : il devient impossible
en France d’en créer de nouvelles et ces zones donnent une valeur ajoutée aux territoires dès lors que leur gestion favorise une excellence industrielle durable. Ici peuvent se concentrer des industries en mutation. L’histoire de l’industrialisation de l’Estuaire est ancienne, indissociable du développement industriel de la Seine
en amont. Les zones industrielles de l’Estuaire vont sans doute radicalement évoluer dans les prochaines années, pour accueillir des industries vertes, des activités de construction navale pour le fluviomaritime, des zones logistiques d’un nouveau genre où chaque fonction de transport sera différenciée en fonction de la nature des objets à transporter…
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UN PARC INDUSTRIEL, PORTUAIRE ET ÉCOLOGIQUE
mais qui risque de ne pas être accepté si ses rives naturelles ne sont pas sécurisées.
Ecologie industrielle : un grand port dans la nature
Il faut aussi un plan du site portuaire qui réserve des corridors écologiques à l’intérieur de son périmètre (en profitant de ses zones non constructibles – souvent gelées en raison de passage de réseaux), un plan de développement de corridors verts et bleus à relier. Dans le vaste territoire de l’Estuaire, il est également utile de poursuivre l’identification des nombreuses zones de compensation possibles.
Les différents sites portuaires et industriels de l’Estuaire sont intimement liés – bassins du Havre, Port 2000, Port Jérôme et site de Notre-Dame-de-Gravenchon, Port de Rouen à Honfleur… Le développement du port semble se heurter à la rareté de foncier, puisqu’il est exclu de construire sur la mer. Il est contraint par la nature mais cette contrainte est aussi son argument : il commence à reconnaître sa responsabilité écologique dans la préservation des espaces sensibles et précieux de l’Estuaire. Il doit rassurer les inquiets en sanctuarisant ses limites, pour éviter le grignotage du territoire, en particulier sur le parcours du canal qui doit traverser la zone naturelle et relier le port à la Seine. Un La crédibilité d’un projet de déve- canal indispensable pour loppement repose dorénavant sur ménager aux péniches un une gestion économe de l’espace, qui accès direct aux conteneurs
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repense et réinvestit les vastes sites portuaires et industriels existants.
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Le port sur le port
Depuis les 30 Glorieuses, les implantations industrielles sur le port du Havre se sont étendues au prix d’une dépense excessive d’espace. La montée des exigences environnementales oblige à une nouvelle attitude. La crédibilité d’un projet de développement repose dorénavant sur une gestion économe de l’espace, qui repense et réinvestit les vastes sites portuaires et industriels existants. Les relations du port avec la ville sont également au cœur de cette évolution, ainsi que le montre l’étude de Bruno Fortier sur la pointe de Floride, la citadelle et la nouvelle gare (Le Havre 2 020).
Le port compact : pour rationaliser ses espaces industriels, remplacer les hectares de stationnement par des parkings en silos, se densifier, le Port a besoin d’un nouveau schéma directeur et d’un nouveau cahier des charges pour les entreprises. Il lui faut en particulier un fond de soutien qui encourage les entreprises déjà implantées à se reconcentrer – les arrivées ne suffisant pas à transformer le site. Les grands ports se pensent dorénavant comme les éléments d’une grande chaîne à l’échelle européenne et mondiale. L’atout principal du Havre a toujours reposé sur sa forte accessibilité nautique. Les différents chantiers portuaires menés à travers l’histoire ont privilégié cet aspect, avec comme cible le navire phare du moment : le paquebot (bassin Théophile Ducrocq), le pétrolier (Antifer), le vraquier (Zone Industrialo-Portuaire) et aujourd’hui le porte-conteneurs (Port 2 000). À chaque fois, les résultats ont été en deçà des attentes. Aujourd’hui, les trafics conteneurs stagnent : Le Havre résiste à la mondialisation alors qu’il devrait en vivre. Sa stratégie a besoin d’évoluer. L’ouverture prochaine d’une plateforme multimodale va créer les conditions d’une efficacité logistique
qui doit s’inscrire dans une réflexion sur les flux de fret en Europe (développement du fluvial, amélioration du ferroviaire…). À la manière des ports hanséatiques, une stratégie immobilière doit construire de grands hangars en blancs, loués temporairement, où se produit la valeur ajoutée. La vocation maritime des espaces portuaires en aval de l’écluse François 1er doit être préservée, leur capacité à accueillir les navires d’aujourd’hui et ceux de demain (pas nécessairement des conteneurs). Le projet portuaire sera à redéfinir de façon souple, au fur et à mesure des évolutions à venir – la baisse des trafics pétroliers et la probable reconversion de la pétrochimie en chimie verte, l’arrivée de la biomasse, l’essor du tourisme de croisière, de nouvelles activités économiques… La vocation de producteur d’énergie est inscrite dans les espaces portuaires. Elle doit évoluer en méthodes (du charbon à À la manière des ports la biomasse) et en services, dans hanséatiques, une stratégie le port et hors de son enceinte, au immobilière doit construire de service de la ville. grands hangars en blancs, loués
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temporairement, où se produit la valeur ajoutée.
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“L’aménagement est d’abord Pour un projet agro-industriel
Grâce au fleuve, outil de massification idéal, le port devient un lieu de développement pour l’agro-industrie, en particulier pour traiter les sous-produits de l’agriculture, transformables par l’industrie ou pour le chauffage – par exemple les tonnes de poussières produites par les céréales rassemblées sur le port de Rouen sont récupérables pour alimenter des chaudières. Que la métropole s’adosse à une tradition agricole très riche est essentiel pour l’avenir : terres agricoles et forêts participent au métabolisme du territoire et captent du CO2. Les résidus organiques des villes et des industries (à condition d’être traités) peuvent fertiliser les sols, la production de fibres peut alimenter la fabrication de plastiques (une filière lin existe déjà, intégrée au groupement industriel Fimalin). Ce projet agricole a besoin de préserver son foncier – donc besoin d’une industrie et d’une ville économes en terres – et de développer ses atouts spécifiques : agricultures de proximité, cultures hors sol, production de biomasse et d’énergie… Élevage, maraîchage, grandes cultures… Le territoire de l’Estuaire assemble des productions agricoles d’une remarquable diversité. Activité écoGrâce au fleuve, outil de mas- nomique fragile, comme parsification idéal, le port devient tout en France, donc à conforter un lieu de développement pour par un projet global, auquel les l’agro-industrie, en particulier professions concernées doivent pour traiter les sous-produits participer en première ligne.
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de l’agriculture, transformables par l’industrie ou pour le chauffage – par exemple les tonnes de poussières produites par les céréales rassemblées sur le port de Rouen sont récupérables pour alimenter des chaudières.
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Vu à l’échelle des départements qu’il borde, l’Estuaire permet d’associer les différentes sortes d’agriculture qui perdurent sur
sensible et partagé avant
ses deux rives – cultures intensives d’être technique, la dimension sur les plateaux, bocages au Sud. culturelle est incontournable. La présence d’animaux d’élevage favorise les productions biologiques, qui ont besoin de leurs rejets comme engrais.
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Une grande porte touristique européenne
Changement de regard, le tourisme représente pour l’Estuaire une économie à construire et une industrie à développer. Paquebots, cabotages, plages, forêts, patrimoine monumental et artistique, patrimoine industriel aussi : il est possible de créer ici une grande porte touristique européenne, en profitant du fleuve, de la mer, de la proximité de Paris, de la future Ligne Nouvelle Paris Normandie qui va attirer les croisiéristes… Le tourisme, secteur le plus dynamique de l’économie française, représente une force, en emplois, en affirmation d’une identité du territoire, en amélioration du cadre de vie pour les habitants et les entreprises. En termes de développement durable, c’est une piste majeure, celle du tourisme chez soi, économe en déplacements et en CO2. Un évènement artistique et culturel
Pas de projet territorial sans projet culturel. Parce que l’aménagement est d’abord sensible et partagé avant d’être technique, la dimension culturelle est incontournable, autant pour fédérer un sentiment collectif d’appartenance que pour attirer des visiteurs et des entreprises. Un tel projet, qui se construit dans le long terme, a aussi besoin d’une étincelle, un événement artistique et culturel ambitieux, qui offre une belle occasion de donner à découvrir le territoire et de mobiliser l’ensemble de ses acteurs, élus, entreprises, habitants…
“L’Estuaire porte un projet
de festival : à la fois biennale
L’Estuaire porte un projet de d’art et forum de recherche sur festival : à la fois biennale d’art et le thèmede l’eau, il invitera une forum de recherche sur le thème rencontre internationale des de l’eau, il invitera une rencontre estuaires et sera associé à e internationale des estuaires et la 2 édition de Normandie sera associé à la 2e édition de Impressionniste (et peut-être Normandie Impressionniste (et à l’Armada). peut-être à l’Armada). Cet événement prendra sa dimension dans une grande ambition, faire de Paris-Rouen-Le Havre un axe identitaire, à la fois économique et culturel, de la métropole du xxie siècle.
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CHANGEMENT DE CULTURE On ne peut étudier un territoire sous l’angle du développement durable sans aborder un à un, puis chacun par rapport aux autres et enfin, dans leur ensemble, les six domaines qui façonnent la structure de l’impact environnemental qu’ont les activités humaines sur notre planète et ses écosystèmes : l’énergie, ses sources, ses utilisations, ses limites, ses dangers et son devenir ; l’agriculture, ses besoins, ses évolutions, ses dépendances, ses nuisances, ses carences et ses nouvelles fonctions ; l’industrie, ses conditions, ses promesses, ses inerties, ses risques, ses révolutions et son avenir ; les transports, leur cadre, leurs innovations, leurs défaillances, leurs dépendances, leur industrialisation et les nouvelles addictions et projections d’avenir ; les constructions, leurs justifications, leur progrès, leurs
n Potentiel théorique de rayonnement solaire annuel sur la terre par rapport à la consommation d’énergie annuelle mondiale et aux réserves fossiles et nucléaires.
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L’énergie le sera à partir de la culture de la mutation, l’agriculture à partir de la culture de la compensation, l’industrie à partir de celle du risque, les transports, celle de la lenteur, les constructions, celle de la réversibilité et enfin les déchets, celle de la préservation des ressources.
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imperfections, leurs conséquences, leur intégration et leurs incarnations ; les déchets, leur origine, leurs quantités, leurs inconvénients, leur dégradation, leur valorisation et leur stigmatisation. La biodiversité devient aujourd’hui un indicateur fiable de notre capacité à aménager un territoire sans engager son pronostic vital.
A la grande échelle, l’Estuaire de la Seine comporte tous les éléments pour pouvoir remettre en œuvre des projets de développement durable impliquant les six champs d’action que sont l’énergie, l’agriculture, l’industrie, les transports, les constructions et les déchets. Chacun d’eux nous oblige à opérer dialectiquement vis-à-vis des cinq autres. Chacun d’eux peut être défini aujourd’hui à partir d’une culture prédominante. L’énergie le sera à partir de la culture de la mutation, l’agriculture à partir de la culture de la compensation, l’industrie à partir de celle du risque, les transports, celle de la lenteur, les constructions, celle de la réversibilité et enfin les déchets, celle de la préservation des ressources. Ces six cultures permettent de mieux comprendre en quoi A la grande échelle, l’Es- les questions environnementales et leur tuaire de la Seine comporte traduction, par exemple, dans les printous les éléments pour cipes du Post-Kyoto structurent notre pouvoir remettre en œuvre pensée et articulent nos actions.
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des projets de développement durable impliquant les six champs d’action que sont l’énergie, l’agriculture, l’industrie, les transports, les constructions et les déchets.
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Ainsi les opportunités de projets sont nombreuses au sein de chaque domaine, sur le territoire de la porte du Gateway et se mixent les unes aux autres dans
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“La culture de la réversibilité
est une traduction du recyclage appliqué aux espaces, l’extension des mutualisations au domaine énergétique (besoins et productions) ouvre de nouvelles perspectives aussi bien architecturales qu’urbanistiques.
un nouveau paysage économique, social, culturel et écologique. L’énergie, grâce d’une part à la maturité des techniques photovoltaïques et à la nécessité de prendre en compte massivement la biomasse, tisse des liens entre l’industrie et l’agriculture, entre l’agriculture et les constructions et réintègre les déchets dans un cycle vertueux qui préfigure l’économie circulaire.
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Les énergies renouvelables ne représentent pas seulement un changement de gisement. Elles nous obligent à repenser totalement nos modèles d’exploitation et de valorisation en inversant le rapport Production-Distribution. La production n’est plus massifiée, mais dispersée pendant que la distribution devient un facteur de remassification. Là, se produit la mutation et ses conséquences sur l’espace. L’agriculture, à cause de la nécessité absolue de préserver la biodiversité mais aussi de l’incroyable avancée des biotechnologies, créé une synergie rural-urbain qui dépasse désormais les seuls composants alimentaires pour se renforcer grâce aux composants énergétiques. De même, le rapport agricole industriel se fond dans une même nouvelle équation. Les bio-raffineries ne seront plus exclusives à l’un des deux. Les réserves d’espace ne sont plus des vides à conquérir. Elles représentent soit une ressource alimentaire ou énergétique soit un patrimoine du vivant à préserver et à stimuler. La nécessité d’arbitrer les attributions des espaces dit « libres » génère la culture de la compensation qui seule permet d’atteindre un équilibre global. L’industrie sans cesse renouvelée par les nouvelles conquêtes technologiques (qu’elles soient dans le domaine de l’énergie, des transports, ou des matériaux)
se voit façonnée dans l’espace par les coproductions qu’elle entreprend avec l’agriculture et l’écologie. Il faut désormais parler de « parc industriel » au sens propre, mais aussi inverser certaines propositions comme les Plans de Préventions qui deviennent des terres d’accueil. L’ecoindustrie renforce les notions d’économie circulaire. La consommation ou l’accumulation puis la transformation et l’assemblage de produits naturels ou manufacturés ne sont pas des processus sans conséquence sur notre patrimoine matériel et immatériel. La culture du risque s’est interposée entre extraction et production d’une part et pour chacun d’eux, entre distribution et consommation d’autre part. De la même façon que les espaces naturels deviennent des marqueurs de la qualité, les innovations technologiques s’évaluent grâce à des indicateurs de performances environnementales. Les transports voient leur champ d’action s’agrandir grâce au mix des solutions. Les sources de progrès ne sont plus réservées à la vitesse ; la lenteur génère ses propres systèmes vertueux, du « plus léger que l’air » jusqu’à la barge fluviale en passant par la bicyclette ou le paquebot à voiles. Le transport touristique devient industriel et l’extrême variété des moyens de transport une nouvelle opportunité de développement d’activités de construction, d’étude, de formation, de maintenance et de coproduction, là aussi. L’abolition des distances est un objectif désormais atteint pour la transmission des informations et de toutes les matières virtualisables. L’exploraÀ condition d’être transfortion de nouveaux besoins modifie més, les déchets deviennent le sens de maîtrise du temps. La des produits, c’est toute une culture de la lenteur vient enrichir chaîne nouvelle de production celle de la vitesse pour proposer qui voit le jour avec son cortège
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de besoins en infrastructures et en structures.
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“La recherche des circuits
courts permet de révéler les atouts d’une région, d’une implantation, d’une configuration pour que puissent être proposées des solutions d’aménagement, d’urbanisme et d’architecture.
des combinaisons qui structurent notre espace de façon différente.
Les constructions désormais envisagées sous l’angle de la réversibilité, se retrouvent impliquées dans les grandes innovations énergétiques, forcées de composer avec l’agriculture mais aussi le recyclage des matériaux pour proposer un nouveau rapport entre le patrimoine (et c’est le cas extrême au Havre avec le classement au Patrimoine Mondial du centre-ville) et l’électrogénité, c’est-à-dire leur capacité à produire de l’électricité grâce à l’exposition de leur enveloppe à la lumière solaire, qui modifiant leur fonction, modifie également leur forme.
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Les bâtiments et leur emprise foncière portent en eux la capacité à rebondir dans une boucle de plus en plus vertueuse. La ville se régénère en se recomposant perpétuellement et en renforçant étape après étape sa capacité à offrir une mutualisation des services. La culture de la réversibilité est une traduction du recyclage appliqué aux espaces, l’extension des mutualisations au domaine énergétique (besoins et productions) ouvre de nouvelles perspectives aussi bien architecturales qu’urbanistiques. Les déchets qui par définition proviennent de la consommation de produits, autrement dit de ressources, étaient jusqu’à présent concernés par un processus linéaire en trois phases : massification – dispersion – élimination. Les déchets sont désormais pris dans une boucle vertueuse massification-dispersion-remassification. Cette évolution replace le territoire comme acteur majeur selon ses capacités à, là encore, proposer des coproductions CollecteursAgriculteurs-Collecteurs industriels etc.
À condition d’être transformés, les déchets deviennent des produits, c’est toute une chaîne nouvelle de production qui voit le jour avec son cortège de besoins en infrastructures et en structures. La culture de préservation des ressources naturelles ne peut qu’inciter à l’économie circulaire et l’amplifier si des dispositifs spatiaux naturels (le fleuve) ou artificiels (centres de traitement) le permettent. Dans chacun des six domaines, ce qui apporte l’innovation aujourd’hui, c’est la prise en compte de circuits courts. Ayant atteint la limite que nous offre la géographie de notre planète (avec des océans qui couvrent plus des deux tiers de sa superficie) pour activer les échanges matériels à grande distance, nous ne pouvons qu’augmenter la valeur ajoutée des ports fluviaux maritimes en combinant toutes les échelles (mondiales à locales), toutes les vitesses (supra rapides à lentes), tous les cycles (renouvelables à combinés), toutes les espèces vivantes (des plus rares à protéger aux plus judicieuses à cultiver), toutes les énergies (des plus sensibles aux plus banales) et toutes les formes de gouvernances (des plus traditionnelles aux plus innovantes). La recherche des circuits Les déchets courts permet de révéler les atouts d’une région, sont désormais d’une implantation, d’une configuration pour que pris dans une puissent être proposées des solutions d’aménageboucle vertueuse ment, d’urbanisme et d’architecture. massification-
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dispersionremassification.
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“La culture de la lenteur vient enrichir celle de la vitesse pour proposer des combinaisons qui structurent notre espace de façon différente. Les constructions désormais envisagées sous l’angle de la réversibilité, se retrouvent impliquées dans les grandes innovations énergétiques.
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Quai de Southampton
La gare du Havre
La Citadelle
Les Magasins GĂŠnĂŠraux
Les quartiers Sud
Pointe de Floride
Presquîle Lucien Corbeau
LE HAVRE 2020 BRUNO FORTIER
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nvisager la construction du territoire de l’Estuaire, pose la question de l’architecture métropolitaine du Havre, cité maritime et portuaire. Le Havre, à l’évidence, est en train de changer de signe. Elle a modernisé son port, valorisé son patrimoine et a mené une politique patiente d’unification de la ville que devrait confirmer le parcours de sa première ligne de tramway.
Le Havre, on le sait, a changé : son port s’est ouvert à la ville ; un parc linéaire a été amorcé tout au long d’un bassin fluvial face auquel des logements ont récemment été livrés : Sciences Po et l’INSA s’y installent, l’Ecole Nationale Supérieure Maritime les rejoindra bientôt… Mais cet effort indispensable a trouvé un autre horizon (vers Paris notamment) et il risque d’être insuffisant si le cadre même du projet dans lequel il s’inscrit n’est pas, de son côté, élargi et réétudié. En bref, s’il n’offre pas une armature à partir de laquelle on puisse faire converger ses acteurs autour d’une vision plus large et qui puisse les mobiliser. Le Havre tout d’abord, ne peut demeurer silencieuse sur le cadre qu’elle compte offrir aux développements de court ou de long terme qu’elle a récemment contribué à mettre en perspective. Elle le peut d’autant moins que le Port – associé à la Ville – prend à l’heure actuelle la mesure des mutations techniques qu’il doit continuer de conduire, en même temps que des territoires de moindre intensité qui peuvent être, du coup, porteurs eux aussi de projets.
Le Havre, métropole maritime
“Le Havre,
à l’évidence est en train de changer de signe.
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L’archipel havrais : une nouvelle géographie urbaine et maritime Citadelle – Pointe de Floride – Southampton : les territoires d’enjeux
A quoi s’ajoute la probabilité, pour la Communauté d’Agglomération d’être sollicitée demain sur ces mêmes perspectives : que ce soit par l’Etat (au titre des transports ou de la Société du Grand Paris), par le Port ou par les investisseurs à venir que Le Havre souhaiterait attirer.
LE PORT Son emprise, on le comprend bien, détermine à la fois l’assise et l’élan du projet. Nous n’avons fait ici que recueillir les hypothèses que ses acteurs nous ont communiquées, tout en sachant que les options qui semblent aujourd’hui ouvertes peuvent de leur côté faire l’objet de plusieurs scénarios : la possibilité de faire muter le site de la Citadelle et par conséquent d’occuper tout ou partie des emprises aujourd’hui affectées au Trans-Manche pourvu que celui-ci trouve une nouvelle localisation ; la faculté aussi, à court ou moyen terme, de disposer des terrains de la pointe de Floride (relativement libres aujourd’hui), sachant toutefois que les croisières et très bientôt les éoliennes offshore se saisiront de ses versants les plus méridionaux.
“Le Havre, jusqu’ici, privilégiait sa plage. Elle doit continuer de le faire, mais doit également se tourner vers le port et les développements civils.
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LA VILLE-CENTRE
LE CENTRE PERRET
Problème complexe là encore, puisqu’il touche des quartiers existants, engage des options de transports nécessairement très lourdes, et implique bien évidemment de se fixer de claires priorités.
La première – récemment amorcée par le biais du classement du Havre au Patrimoine mondial de l’UNESCO – concerne évidemment le cœur reconstruit par Perret. On en mesure bien les atouts, on connaît aussi les actions qui y ont été engagées (l’aménagement des plages, celui du Musée Malraux, la réhabilitation du théâtre de Niemeyer), il ne fait pas de doute qu’il faille aller plus loin : animer ces bassins, rendre leurs abords plus passants… Mais la trajectoire du Tramway ne fait que confirmer l’élan d’un axe Est-Ouest au total assez naturel, mais qui laisse pour l’instant de côté des trajectoires Nord-Sud beaucoup moins animées jusqu’ici, alors même que tout plaide pour qu’un tout autre élan leur soit très rapidement donné : Le Havre, jusqu’ici, privilégiait sa plage. Elle doit continuer de le faire, mais elle doit également se tourner vers le port et vers les développements civils que ses nouvelles distributions paraissent autoriser. C’est le sens de nos plans : les plages restent un point de départ, mais des jardins, des quais traités en promenade, pourraient parfaitement se poursuivre en direction du port de pêche et du même coup « boucler » les deux panoramas qu’imaginait Perret.
Le temps et les phasages étant ici déterminants (qu’il s’agisse de la gare à venir, de l’apparition d’une seconde ligne de tramway, ou qu’il s’agisse de la vitesse avec laquelle certains terrains portuaires pourront se libérer), nous avons fait le choix d’explorer prioritairement les développements à dix ans en laissant en suspens – ou plus exactement ouverte – la question de savoir si la gare à venir occupera le même site, si l’on se contentera (solution d’ailleurs positive) de la reculer légèrement ou si son basculement au Sud du bassin Bellot semblera finalement préférable et de nature à nourrir plus efficacement ce projet. Ce point demeurant à débattre, plusieurs pistes ont été explorées.
“On en mesure bien les atouts, on connaît aussi
les actions qui y ont été engagées. il ne fait pas de doute qu’il faille aller plus loin : animer ces bassins, rendre leurs abords plus passants…
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LA CITADELLE Reste la Citadelle, son potentiel et son caractère excentré… Qu’elle soit pour l’instant à l’écart est un fait d’évidence : elle comporte – il est vrai – quelques bureaux récents, elle accueille également ceux du port, mais l’essentiel de son emprise demeure « automobile », sa circulation très intense, alors même qu’elle pourrait constituer le pivot d’un développement qui devrait concerner à la fois le centre relancé, la proue Ouest des « quartiers Sud » et les développements envisageables sur la presqu’île Lucien Corbeaux. Cette île peut donc être « magique ». Elle peut être le cœur du projet et il ne fait donc pas Cette île peut être de doute, à nos yeux, qu’il faille très vite la «magique». Elle peut libérer pour en faire une des priorités pour être le cœur du projet. le projet urbain du Havre.
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« Adresse » sans aucun doute, la Citadelle doit aussi se doter d’une véritable vocation. Elle peut accueillir des Congrès, mais la prochaine implantation de l’Ecole Nationale Supérieure de la Marine Marchande peut également plaider pour en faire un Campus logistique semblable à celui de Hambourg. Ce serait, de Paris au Havre, une issue à la fois logique et conforme aux nouvelles ambitions du plus grand port français.
LA GARE MAINTENUE
LA GARE DES PAQUEBOTS ?
Reste aussi la question de la gare : elle fait partie du centre-ville, elle est facilement accessible et bien sûr desservie par la première ligne de tramway… On peut imaginer qu’elle reste en place : c’est la solution la plus simple, mais les faiblesses d’une telle issue n’en demeurent pas moins évidentes (elle s’adresse à la ville mais ignore vers le Sud les développements qu’il faudrait lui donner et ne laisse au total que des emprises modestes au Nord et au Sud du faisceau), à moins – précisément – qu’elle ne soit déplacée ou tout simplement reculée. Hypothèse que d’autres études devraient sans doute, et ceci très bientôt, contribuer à cerner.
La gare maritime était celle qui déposait les voyageurs au pied des transatlantiques. Le fort développement de la croisière et la présence des ferries transmanche posent la question d’une gare dédiée, « la gare des paquebots » assurant la liaison de Paris au Havre tant pour les têtes de lignes que pour les escales touristiques. Chaque navire qui accoste quotidiennement peut assurer le remplissage d’un à deux trains.
LES QUARTIERS SUD Nous avons différé le moment d’aborder cette question à la fois importante, difficile et un peu latérale au projet. On en connaît le paradoxe : nous sommes là sur huit cents
hectares, et c’est à cet endroit (sur le bassin Vatine) que le projet du Havre a démarré ; ce quartier peu peuplé, marqué par l’industrie et les grands ensembles sociaux est par ailleurs confus et relativement compliqué. Situation à laquelle s’ajoute une certaine urgence puisqu’une très importante partie de ses terrains est aujourd’hui mutable sans qu’existe un moteur suffisant pour permettre d’y attirer des investissements de qualité. Partant d’atouts réels : la position en fin de compte centrale de ces huit cents hectares ; le lancement prochain d’une ligne de transport en site propre (rue Ferrer, rue Gustave Nicole) ; les « proues » que constituent le bassin Vatine et le stade de Soquence. L’attitude à tenir nous a paru passer par la création d’une armature d’espaces publics (cours, jardins ou allées) à traiter dès maintenant en espaces réservés, et permettant de doter ces terrains de structures arborées repérables autour desquelles l’archipel des emprises mutables pourrait être à la fois densifié et, à terme, valorisé. C’est en particulier le parti que nous avons pris au Sud des Magasins Généraux ; c’est aussi, très probablement, ce qui devrait se
faire sur le site de la Citadelle (si du moins, comme nous l’espérons, on la traite comme un « parc habité »), et c’est ce qu’il convient de poursuivre.
EN CONCLUSION… Si certaines de nos suggestions devaient se trouver retenues, les conclusions à en tirer pourraient donc être les suivantes : communiquer d’abord et montrer que Le Havre – moteur à cet égard – s’est dotée d’un projet ; approfondir le scénario de l’île de la Citadelle (déplacement du Trans-Manche, esquisse à cet endroit d’un parc de centre ville), et s’appuyer sur ce site pour obtenir, dans un cadre plus large, l’apport de programmes éminents ; lancer des études plus approfondies sur l’arrivée de la ligne nouvelle ; faire connaître Le Havre, et donc chercher de nouvelles résonances (culturelles, commerciales ou autres) à l’inscription du centre-ville au Patrimoine mondial de l’UNESCO ; lancer une série de « plans-guides » sur les secteurs de développement que l’étude a identifiés : Promenade de la mer et quais de Southampton, Citadelle, Magasins Généraux, bassin fluvial et quartiers Sud.
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C’est sur le bassin Vatine que le projet du Havre a démarré.
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“Nous habitons
une « constellation » de lieux, tous complémentaires. La qualité de ce réseau dépend de la qualité des services offerts, des activités et des emplois. Elle dépend aussi de la qualité du temps passé aux déplacements qu’ils soient proches ou lointains, de leurs conditions et de leur coût.
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L’ESTUAIRE, LA VILLE CONSTELLATION FRÉDÉRIC BONNET
D’UN LIEU À L’AUTRE, UN ESTUAIRE MÉTROPOLITAIN OFFRE UNE NOUVELLE FAÇON DE VIVRE LA VILLE Chacun d’entre nous a une adresse : on « habite » bien un lieu particulier, qu’il s’agisse de Pont-Audemer, du Havre de Lisieux, de Fécamp ou de Gravenchon. Mais pour autant, est-ce là le seul lieu de notre vie ? Bien souvent, on travaille un peu plus loin, à quelques kilomètres – parfois bien au-delà ! Les études, les loisirs, les courses nous mènent souvent dans la ville voisine. Bref, la vie quotidienne ne se limite pas à un ou deux lieux, mais est tissée selon un réseau de services ou d’activités, étendu, qui diffère d’ailleurs pour chacun d’entre nous. Nous habitons une « constellation » de lieux, tous complémentaires. La qualité de ce réseau dépend de la qualité des services offerts, des activités et des emplois. Elle dépend aussi de la qualité du temps passé aux déplacements, qu’ils soient proches ou lointains, de leurs conditions et de leur coût. La vie quotidienne s’installe dans cette ville constellation, il en va de même pour la vie économique : les entreprises ont tout à gagner de ces complémentarités et de ces flux.
De manière très concrète, on peut habiter dans un village, étudier à la ville, ou bien travailler dans une usine, et profiter du paysage naturel pendant son repos, ou ses trajets. La « métropolisation » est ainsi la conjonction de forces de mesures très diverses dans un même territoire. Plutôt que d’opposer les éléments très divers de l’Estuaire, elle favorise ainsi les cohérences, la continuité des espaces habités. La « mobilité » a un rôle très important dans cette nouvelle forme de ville. Ce terme très prononcé aujourd’hui désigne bien plus que les manières de se déplacer, il concerne l’évolution de nos modes de vie, où le mouvement n’est plus La vie quotidienne ne se seulement une parenthèse, mais un limite pas à un ou deux constituant à part entière. lieux, mais est tissée selon
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Qu’est-ce que cela veut dire dans l’Estuaire de la Seine ? De quels déplacements parle-t-on ? Dans ce territoire globalement plutôt « diffus », l’automobile a de beaux
un réseau de services ou d’activités, étendu, qui diffère d’ailleurs pour chacun d’entre nous. Nous habitons une « constellation » de lieux, tous complémentaires
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Dans cette nouvelle forme de ville, les villes ne s’opposent plus aux villages, ni la campagne à l’urbain, ni la mer à la terre, ni les vallées aux plateaux, ni l’industrie à l’agriculture.
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jours devant elle. Il faudra travailler plus encore sur son adaptation, sur son partage, son optimisation, pour rendre son utilisation progressivement plus durable, sans la stigmatiser pour autant. Sur les déplacements les plus courts, le vélo a sa place à tenir, terriblement efficace sur les moyennes distances. Les transports collectifs sont eux promis à un bel avenir : leur développement, bien coordonné avec les lignes de plus grande ampleur, est une condition du développement équilibré du territoire. Il ne s’agit pas seulement du train, mais aussi des autobus urbains et des cars, dont l’économie est dans bien des cas plus favorable. Outre les efforts déjà consentis de part et d’autre de la Seine, cette dynamique repose sur la performance amplifiée des transports publics, de tous types, et en particulier le redéploiement du réseau ferroviaire de proximité : cette fluidité a un effet bénéfique sur l’accès à l’emploi, sur l’optimisation des services proposés à la population. Parce que les déplacements ne se résument pas au « domicile-travail », les paysages extraordinaires font de ces mouvements l’occasion de fantastiques promenades, qu’il s’agisse des horizons maritimes de l’Estuaire, des silhouettes portuaires, des coteaux et des falaises, des chemins des plateaux, du dédale du bocage ou du frais des vallées ; promenades pour le loisir ou le sport, certes, Les transports mais aussi, et pourquoi pas, plaisir de traverser collectifs sont eux tel ou tel paysage, une vallée sauvage ou l’étenpromis à un bel avenir : due des champs, en allant faire ses courses, en leur développement, allant au travail ou à l’université. Cette qualité bien coordonné des parcours constitue une grande part de l’at- avec les lignes de tractivité du territoire de l’Estuaire. Elle peut plus grande ampleur, et doit être accompagnée, améliorée. est une condition
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du développement équilibré du territoire.
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LNPN et liaison métropolitaine gare principales et gares locales.
Connexion avec réseau LNPN, réseau métropolitain Est-Ouest et Nord-Sud (Pont de Normandie).
Réseau TCSP Harfleur - GonfrevilleLillebonne ND de Gravenchon -Tancarville Vallée de la Seine - port - LNPN.
Mobilité : les relais locaux de la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN) en cœur d’Estuaire
Par le pont de Normandie, lien TCSP cadencé entre les deux rives. Port 2 000
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La capacité à se déplacer est source de richesse, à condition que l’on puisse organiser les déplacements avec économie, avec un certain plaisir, et sans que l’inégale répartition des ressources ne se répercute dans l’offre de déplacement. Beaucoup de territoires européens se sont ainsi reconstruits grâce à l’effort entrepris sur leurs connexions.
L’Estuaire métropolitain : rassembler autour d’une idée commune des territoires riches de leurs contrastes Reliés par la Vallée de la Seine : au nord, les plateaux et les falaises, au sud, les vallons du bocage et les plages. Deux grands caractères interdépendants que le fleuve peut fédérer.
Cette capacité décuple les complémentarités entre les grands paysages et les zones habitées, mettant les plus vastes espaces à proximité immédiate des pôles urbains. Habiter l’Estuaire, dans quelques années, cela voudra dire disposer à la fois de bassins d’emploi diversifiés et accessibles, de grands équipements bien répartis, d’une vie de proximité intense, ainsi que d’un accès direct aux plus remarquables paysages naturels.
CE QUE CETTE NOUVELLE FORME DE VILLE « EN CONSTELLATION » IMPLIQUE… Penser l’Estuaire comme un réseau de villes et de villages interconnectés n’a pas seulement un impact sur l’organisation des déplacements. On pourrait avoir tendance à se concentrer uniquement sur les options liées à la Ligne Nouvelle Paris-Normandie, C’est une nouvelle « urbanité », et à ses interfaces avec les une nouvelle manière de vivre en- autres modes de transports. semble qui allie l’intensité urbaine Il faut aller au-delà. Penser le à la magnificence des grands sites. Le Grand Paris, s’il dispose devenir de ce territoire « en des services et des grands pôles constellation », interdépenurbains, n’aura plus la chance dant et solidaire, c’est imagidu grand paysage, déjà consommé ner de manière différente ses par l’urbanisation diffuse et les équilibres et l’ensemble de ses réseaux. Ce n’est pas le cas de part caractéristiques.
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et d’autre de la Seine. Voilà un atout considérable.
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Les falaises et le plateau.
Chaque lieu fait partie d’un ensemble plus vaste, auquel il est mieux relié. Par ces échanges, il tire profit de la dynamique d’ensemble : c’est le village métropolitain.
L’axe de la Seine relie, de Fécamp à Lisieux et Pont-Audemer, des histoires différentes autour d’un même destin.
Le bocage et les plages de sable.
Un logement collectif ou individuel, qui tire parti des proximités et des vues.
Un pôle transport multimodal.
Une place publique : commerces, jeux.
Des logements de types diversifiés : petits collectifs, maisons de ville, maisons…
Un territoire en partage, une culture estuariennee On passe ainsi d’une ville à un village, d’un lieu à l’autre. re. iPour soi, pour le travail, pour les autres, dans la vie quotisdienne comme dans les échanges économiques. Ces « pasnt sages », comme les désigne Chris Younès, ne se limitent us pas à des déplacements physiques : plus on bouge, plus ce on partage des activités avec d’autres, plus la conscience ed’appartenir à un même territoire – l’Estuaire – se dévees loppe. Dans la ville constellation, l’évolution des pratiques ge de chacun fait évoluer les cultures locales, et les mélange avec une vision plus ample.
“Habiter l’Estuaire, dans
quelques années, cela voudra dire disposer à la fois de bassins d’emploi diversifiés et accessibles, de grands équipements bien répartis, d’une vie de proximité intense, ainsi que d’un accès direct aux plus remarquables paysages naturels.
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Comment les actions des uns ont un impact sur la vie des autres L’image du « mobile » eCette « ville constellation », où le mouvese ment favorise la vie économique, ne pose ipas seulement des questions de mobilité. C’est la programmation générale du
Habiter la nature et la campagne, proche des services et des transports
Nous sommes presque à la campagne : l’habitat individuel a toute sa place. Il peut simplement être plus compact, proche des transports, et profiter vraiment du paysage.
Une agriculture de proximité.
De nouvelles formes d’habitat permettent à la fois d’aller à pied, en une à deux minutes, aux commerces, aux services, ou à la gare qui nous relie au reste de la métropole, et à d’autres services, d’autres destinations. Le paysage extra-
La vue sur les lointains, les cadrages sur le grand paysage, magnifique aussi bien pour le plateau que pour le bocage.
Un parc à deux pas des logements.
ordinaire des plateaux, des falaises, du bocage ou des vallons, est mis en valeur par ce resserrement de la forme bâti : en consommant moins de terrain, on garde les plus favorables pour l’habitat, en préservant les terres les plus fertiles.
“Dans la ville territoire qui est en jeu. Tous les nouveaux développements, qu’ils soient résidentiels, industriels, touristiques, ou mieux encore « hybrides » n’intéressent plus uniquement leur immédiate proximité, mais un ensemble plus large d’habitants et d’acteurs.
“Par ce jeu d’inter-
dépendances multiples, le territoire est plus dynamique. On peut le comparer à un mobile de Calder qui se recompose sans cesse, dans son ensemble, par chaque action : les éléments les plus petits y ont un rôle dans l’équilibre de l’ensemble.
Qu’on réalise une zone d’activité à Beuzeville ou à Lisieux, l’impact dépasse largement la Communauté de Communes. Ce qui se passe autour d’une gare, existante ou future, a une influence d’autant plus considérable que le lieu est mieux accessible, par un plus grand nombre. Par ce jeu d’interdépendances multiples, le territoire est plus dynamique. On peut le comparer à un mobile de Calder, qui se recompose sans cesse, dans son ensemble, par chaque action : les éléments les plus petits y ont un rôle dans l’équilibre de l’ensemble, malgré leur taille, et leurs transformations impliquent des changements qui les dépassent.
La Ligne Nouvelle Paris Normandie et les ports, mais aussi le relais des réseaux transversaux
Le projet métropolitain est aujourd’hui focalisé sur la ligne Nouvelle Paris-Normandie, et c’est bien légitime. C’est effectivement, avec le développement des interfaces fret du port, l’enjeu majeur du développement estuarien. C’est aussi le lien privilégié avec les dix millions d’habitants du Grand Paris, les capitales européennes et l’éco-
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nomie mondialisée de la métropole. Mais la LNPN n’aura un rôle « dans l’épaisseur » de l’Estuaire seulement si la dimension locale des déplacements est également investie, discutée, programmée, évaluée.
constellation, l’évolution des pratiques de chacun fait évoluer les cultures locales, et les mélange avec une vision plus ample.
En France, la dynamique des lignes à grande vitesse a indéniablement bénéficié, durant les trois dernières décennies, aux grandes villes desservies depuis Paris. Mais cela n’est le cas des territoires associés que lorsque la vision métropolitaine est consciemment construite. Lyon, par exemple, a attendu vingt ans avant d’amplifier « l’effet TGV » en imaginant une métropole qui sorte des frontières du Grand Lyon, et s’étende jusqu’à Saint-Etienne, le Nord de l’Isère et les plaines de l’Ain. Bordeaux, développe en son sein, avec Euratlantique, un pôle métropolitain lié au TGV, mais cela bénéficiera-t-il au bassin d’Arcachon, au Médoc ou à la Gascogne ? En l’absence de projet, certains arrêts TGV n’ont contribué qu’à augmenter les valeurs foncières de leur arrière-pays, au détriment des conditions économiques des populations locales.
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La LNPN n’est donc pas uniquement une question de faisceau, de tracé, de position de gare. Si la gare d’Avignon avait été positionnée à Carpentras, avec la même absence de projet territorial, elle n’aurait pas moins été la desserte parisienne du Lubéron… Pour Le Havre, la position de la gare a un impact considérable. A cette échelle, oui. Mais pour l’Estuaire-Métropole, l’enjeu est autre : un super-quartier ne
Réseau métropolitain : les grappes de villes et villages
tirera vers le haut la métropole estuarienne que s’il est efficacement connecté avec le reste des pôles de développement, avec les traversées du fleuve, et les pays de part et d’autre de l’Estuaire. Le débat du « réseau secondaire », de l’intermodalité, des liens transversaux, et de l’irrigation d’autres pôles de développement économique a une importance (et une urgence) équivalente à celui qui concerne le tracé de la
ligne rapide. Mieux : la capacité des acteurs publics et privés à intensifier ou pas les interconnections métropolitaines dans « l’épaisseur » de l’Estuaire est une condition majeure du choix des tracés et des polarités qui l’accompagnent. Dans un territoire aussi étendu, il faudra bien hiérarchiser les actions et les dessertes, dans le temps et l’espace, et jouer sur les complémentarités des modes de déplacements. Toutes les villes n’auront pas une gare : c’est un choix collectif.
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Il faudra bien franchir, ou plutôt mieux franchir… À la mesure de l’histoire, les trois ponts sur l’Estuaire sont bien récents. Malgré les difficultés techniques et le coût de l’infrastructure, on ne peut toutefois envisager un destin métropolitain sans une connexion rapide, ferroviaire, entre rives gauche et droite. Certes, les bus pourraient dans l’attente mieux mailler les deux côtés du fleuve, mais le Rhin, la Meuse, l’Øresund sont franchis par les trains,
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“La capacité des acteurs publics qu’il s’agisse des LGV ou des trains régionaux transfrontaliers. La complémentarité des bus et des trains est grande, mais le train demeure un mode structurant : qu’il puisse à long terme franchir l’Estuaire et en relier toute la « profondeur » est un véritable enjeu. Ce franchissement pose des questions techniques et financières, surtout dans l’hypothèse d’un tirant d’air comparable à ceux des ponts récents. Les pentes faibles nécessaires pour des voies ferrées polyvalentes, intégrant le fret, sont si faibles que l’option semble infaisable. Mais les fréquences de passage de forts tirants d’air justifient-ils de telles hauteurs ? En des estuaires ou des deltas pourtant plus circulés, les HollanPour Le Havre, la position de la gare dais et les Flamands font a un impact considérable. A cette circuler des trains avec des échelle, oui. Mais pour l’Estuaire- pentes raisonnables, des Métropole, l’enjeu est autre : un coûts bien plus faibles, super-quartier ne tirera vers le haut le trafic étant régulés la métropole estuarienne que s’il est par des ponts levants de efficacement connecté avec le reste grands gabarits (vingt des pôles de développement, avec les traversées du fleuve, et les pays de millions d’euros pour un pont levant sur la Meuse, part et d’autre de l’Estuaire. avec un débattement de 60 m). Ce pragmatisme, terriblement efficace, n’est-il pas d’ailleurs l’une des clés du succès du système portuaire néerlandais ? Cette éventualité d’un autre franchissement, même lointaine, ne se limite pas à une question de génie civil et d’ingénieurs. C’est aussi une question d’anticipation urbaine : si cette hypothèse est probable, ou souhaitable, quel impact aura-t-elle sur les projets de part et d’autre du fleuve ? Et cela, c’est pour tout de suite : planification, action foncière, organisation de la gouvernance…
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Le développement des uns est aussi la chance des autres
et privés à intensifier ou pas les interconnections métropolitaines dans « l’épaisseur » de l’Estuaire est une condition majeure du choix des tracés et des polarités qui l’accompagnent.
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Les activités d’un pays et de l’autre sont interdépendantes. Qu’il s’agisse de loisirs, de travail, d’équipements, d’agriculture, etc. C’est le principe du pôle métropolitain. Dans une certaine mesure, c’est déjà le cas, même si, comme l’a souligné Martin Vanier, des croisements plus efficaces, hybrides, pourraient être inventés – par exemple entre logistique, industrie et agriculture. Dans cette « ville constellation », les lieux ne sont plus en concurrence, mais en complémentarité : lorsque l’un bouge, cela a un effet sur les autres. Cela devrait avoir un impact fort sur la manière de prendre les décisions, de « localiser » les activités ici ou là, et de les relier. Le développement des uns est la chance des autres, dans la mesure où la mobilité est renforcée et mieux équilibrée.
Cette hypothèse a une conséquence économique majeure : si la politique d’aménagement est transversale, partagée, on peut hiérarchiser dans le temps les actions sans entrer dans de délétères mises en concurrences locales. Par exemple, telle ou telle commune n’aura pas sur son territoire municipal de zone d’activités, ou de salle de concert, mais elle bénéficiera de la proximité d’une zone ou d’un équipement proche, en contrepartie d’une desserte performante. C’est une autre manière de faire. Elle est plus économe, évite les doublons, répartit les efforts dans la durée, optimise les investissements. La complémentarité des bus et En cette période de crise des trains est grande, mais le train des financements, l’argudemeure un mode structurant : qu’il ment n’est pas mince. puisse à long terme franchir l’Estuaire
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et en relier toute la « profondeur » est un véritable enjeu.
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“Dans une vision métropolitaine, chaque évènement, chaque élément
du territoire participe au fonctionnement organique de l’ensemble. La métropolisation commence donc aujourd’hui, dans l’action quotidienne elle commence modestement : le petit est responsable du grand.
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L’impact sur la “ gouvernance ” Les réunions du « pôle métropolitain », l’investissement de tous les élus autour d’un intérêt commun témoignent déjà d’un changement profond dans la gouvernance de l’Estuaire. Comme pour la partie la plus dense du Grand Paris, la réussite de ce lent processus dépend d’une nouvelle gouvernance. À l’instar de l’identité multiple évoquée par Chris Younès, cette nouvelle manière de prendre des décisions n’est contradictoire ni avec les dimensions plus locales, ni avec les institutions existantes. Mais l’interdépendance des politiques urbaines que suppose une métropole plus fluide, mieux parcourue, qui tire parti de ses complémentarités, implique des arbitrages communs à l’échelle de l’Estuaire. Ceci vaut pour les questions de transports (et aux deux échelles : globale et locale), mais aussi pour la planification des territoires, et des principaux « moteurs » qui en constitueront l’attractivité.
« Le petit est responsable du grand » La Ligne Nouvelle Paris Normandie est attendue car elle aura un effet décisif. Du point de vue de l’aménagement du territoire, c’est une sorte de « grand soir », de révolution attendue et nécessaire.
“Tant que l’offre de logements collectifs, même de
petite taille, demeurera à ce point médiocre, le développement des lotissements continuera, avec les difficultés de desserte et les coûts induits que l’on sait.
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Mais la véritable révolution est dans la transformation de l’action courante : si l’on compte bien, la somme de toutes les actions locales, sur dix ans, est assez comparable à l’investissement dans les grandes infrastructures. Que l’on « polarise » dès aujourd’hui chaque euro dépensé dans le sens d’une vision commune ou non, quitte à repositionner certains investissements programmés, et l’action publique ou privée aura des effets décuplés. Dans une vision métropolitaine, chaque événement, chaque élément du territoire participe au fonctionnement organique de l’ensemble. La métropolisation commence donc aujourd’hui, dans l’action quotidienne et dans la planification. Et elle commence modestement : le petit est responsable du grand.
De nouvelles formes urbaines à inventer : ville paysage, villages métropolitains Pour que la ville constellation soit à la fois agréable, économiquement viable et bien connectée, la dispersion n’est pas souhaitable. On sait qu’il est presque impossible de desservir les vastes zones pavillonnaires par des transports collectifs performants. L’étalement urbain est un phénomène du xxe siècle, et le nouveau dynamisme des territoires ne se construira pas sur ces bases. Cela ne condamne pas la maison, ou en tous les cas la qualité de vie sur laquelle leur rêve est construit : petite échelle,
paysage et campagne, indépendance. Cela n’implique pas que tous les villages se transforment en fragments de ville, bien au contraire. Mais il faudra bien faire autrement : tant que l’offre de logements collectifs, même de petite taille, demeurera à ce point médiocre, le développement des lotissements continuera, avec les difficultés de desserte et les coûts induits que l’on sait. Certaines villes de l’Estuaire montrent l’exemple. Citons deux cas (ce n’est bien évidemment pas exhaustif ). Le nouveau quartier de Pont-Audemer, ainsi, atteste que l’on peut combiner une certaine densité, des espaces publics de qualité, une belle architecture et un rapport au paysage magnifié sans céder aux sirènes de la maison étalée. Si ce quartier avait été situé près d’une gare en activité, il serait un modèle de ce que la « ville constellation » peut offrir, à l’instar des exemples scandinaves ou suisses. L’avenir de l’Estuaire, ce sont aussi ces villages métropolitains, bien connectés, mais intégrés à la mesure de leur site. C’est ce qui devrait advenir à Pont-L’Evêque, à Bréauté, et en bien d’autres lieux directement desservis par les principales infrastructures de transports : il y a là une nouvelle forme d’éco-quartier à inventer, beau challenge !
“L’étalement urbain est un phénomène du XX
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siècle,
et le nouveau dynamisme des territoires ne se construira pas sur ces bases.
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De la même manière, les villes doivent redevenir attractives en mettant au cœur de leur services une offre immobilière qui tire profit du paysage alentours. C’est ce qu’a fait Le Havre dans le quartier Saint-Nicolas, par exemple. Une fois la connexion avec le tramway effectuée, le nouveau quartier est à la fois paysager (le port comme horizon) et urbain. On trouve de très beaux exemples de cette urbanité hybride, alliant transports, nature et densité, chez nos voisins européens. Les rives de Limmat à Zürich, Arabianranta à Helsinki, ou encore Hammerby à Stockholm.
TERRITOIRES EUROPÉENS RECONSTRUITS SUR UNE STRATÉGIE COMPARABLE Beaucoup de territoires européens se reconstruisent en combinant ainsi une « ville constellation » et une échelle métropolitaine. Ces deux dimensions y sont toujours indissociables, c’est à dire que l’un ne va pas sans l’autre, comme c’est le cas dans deux territoires : l’Øresund (entre la Suède et le Danemark) et le Tessin (canton du sud de la Suisse, en lien avec la riche Lombardie).
L’Øresund, a beaucoup de choses en commun avec l’Estuaire de la Seine, même si le lien est un détroit et non un fleuve. Les rives danoises et suédoises ont à la fois un destin commun et de grandes différences. Malgré la complicité géographique, la connexion ne va pas de soi : il y a de part et d’autres deux langues, et deux monnaies, et une histoire pas si calme. On imagine que cette fraternité ambiguë est encore plus intense que la distance que l’on pourrait établir entre Pays de Caux et Pays d’Auge… Pourtant le lien déjà fort entre deux pôles
urbains Copenhague et Malmö a été décuplé il y a une dizaine d’années par la construction d’un ouvrage d’art inédit, combinant liaison routière et ferroviaire. Le lien est d’ailleurs d’autant plus efficace qu’il ne se limite pas au pont. Il se prolonge dans l’épaisseur de chaque territoire, et se poursuit, le long de la côte, sur plus de cent L’Øresund, a beaucoup de choses kilomètres, jusqu’à Elseneur en commun avec l’Estuaire de au Danemark et jusqu’à Götela Seine, même si le lien est un détroit et non un fleuve. borg en Suède. La continuité
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La « ville constellation » : la métropole comme un « mobile »
du transport y joue un rôle déterminant : interconnection, concept commercial et technique intégré, tarification unifiée, horaires parfaitement coordonnés et consultables en tout point. Dans bien des cas, c’est tout simplement ce qui manque à nos modes de transport : à faire sentir de manière appuyée à l’usager quelle instance gère telle ou telle ligne (Conseil Général, Conseil Régional ou Communauté de Communes), à oublier parfois d’en synchroniser les horaires, on dissuade parfois des enchaînements pourtant possibles. Le concept métropolitain « d’Øresund » favorise les complémentarités de part et d’autre du détroit : on traverse l’eau pour travailler, mais aussi pour les loisirs, pour les liens mondialisés (ports et aéroports), pour étudier. Le pont
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est complété par des liens maritimes très intenses (ferries). Cette traversée se fait au quotidien, ou plus exceptionnellement, mais désormais toute une région bénéficie de services et de pôles d’activité interconnectés. Ainsi, la mutation économique de Malmö, qui fut une grande ville industrielle, a beaucoup profité en ce début de millénaire de l’effet d’entrainement de la riche capitale voisine. Le second territoire est le canton du Tessin au sud de la Suisse. Jusqu’aux années soixante, ce canton peu peuplé, séparé du nord de la Suisse par le massif du Saint-Gothard, avait une économie presque exclusivement rurale. Il a commencé à se développer avec le tracé de routes et ponts, en s’appuyant sur le dynamisme de la capitale économique italienne, Milan, métropole de six millions d’habitants.
Mais c’est il y a moins de dix ans, avec l’idée métropolitaine, que le développement y prend une autre dimension. Le concept est assez simple… D’une part considérer l’ensemble du territoire comme une même « ville » discontinue, bien reliée, et où chaque lieu offre à l’ensemble du canton ses services, qu’il s’agisse de l’université, des usines, des loisirs et de la villégiature, etc. D’autre part, deux grands projets d’infrastructure « extra territoriaux » sont engagés en collaboration avec l’Europe, la région de Lombardie et la Confédération helvétique : Alptransit (ligne à grande vitesse, pour les passagers et le fret, entre le sud de l’Allemagne et le Nord de l’Italie) et un nouveau train direct vers l’aéroport de Milan-Malpensa.
n Sans métropolisation : le réseau des villes n’est pas suffisam-
ment solidaire, la mobilité est réduite, l’optimisation des services offerts est faible. o Page de gauche : avec la métropolisation, l’intensité de liens efficace entre les aires urbaines, l’équilibre des grands programmes, optimisés, assurent une meilleure lisibilité, une économie d’échelle qui dégage des moyens pour une mobilité fluide.
La métropolisation ne bouleverse pas totalement la forme de chaque ville : en liant mieux les aires urbaines, en équilibrant les grands programmes (industrie, aéroport, transports ferrés, culture, commerce, formation, tourisme) elle optimise les ressources de chacun au bénéfice du plus grand nombre.
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“Avec l’idée métropolitaine, que le
développement y prend une autre dimension. Le concept est assez simple… D’une part considérer l’ensemble du territoire comme une même « ville » discontinue, bien reliée, et où chaque lieu offre à l’ensemble du canton ses services.
Là encore, le développement conjoint de deux échelles d’infrastructures fonde l’hypothèse de développement. Le train local devient un « métro », parfaitement cadencé – nommé « metroticino » –, alors que le pôle central de la région est directement relié à Milan et Zürich par la ligne Alptransit. C’est bon pour le développement économique, puisque les entreprises pourront s’installer plus loin que la frontière où le foncier est devenu rare, pour tirer parti de l’économie lombarde ; c’est aussi bon pour la vie quotidienne et l’économie générale des services du canton. Le canton du Tessin est d’ailleurs l’un des rares lieux d’Europe où l’on assiste à une ré-industrialisation : sur une population d’environ trois cent mille habitants, 25 000 emplois industriels y ont été créés depuis 2005 !
des architectures moins consommatrices d’espace que les lotissements (où l’on est toujours trop loin des transports publics pour qu’ils soient efficaces et donc rentables…), et moins monotones que ces modèles de « ville compacte » regroupés autour des gares. Cela a favorisé dans le Tessin comme en Suède et au Danemark de nouveaux quartiers proches des gares, mais intégrant aussi le paysage, et une diversité de formes urbaines, de la maison à l’immeuble, avec des espaces publics de très grande qualité. On ne prend les transports en commun que si le parcours de la maison (du travail, des loisirs…) à la station est agréable, bien aménagé.
On n’habite plus seulement dans sa ville… si l’on vit à Bellinzona, on peut aller au concert le soir à Locarno, travailler à Biasca, étudier à Mendrisio, avec des temps de transports finalement comparables à ceux que l’on aurait en habitant Milan ou Paris. Notons que le canton a investi dans le « métro » local cinq ans avant l’ouverture de la liaison Alptransit : les pratiques quotidiennes précèdent ainsi l’effet de la connexion métropolitaine. La métropole est une culture avant d’être un levier économique. On imagine que cette habitude, cette expérience favorisera ensuite les visions plus stratégiques.
et construit en même temps que le réseau global, un petit village se retrouve connecté, comme les autres pôles, à des ressources comparables. La question de l’Estuaire n’est donc pas la vallée industrielle contre la campagne, ni Le Havre contre Beuzeville ou Fécamp, mais l’un avec et grâce à l’autre.
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“La question de l’Estuaire n’est
donc pas la vallée industrielle contre la campagne, ni Le Havre contre Beuzeville ou Fécamp, mais l’un avec et grâce à l’autre.
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Dans les deux cas, les formes urbaines se sont transformées : il a fallu inventer
Que retenir de ces deux cas européens, malgré leurs différences avec l’Estuaire de la Seine ? Le projet métropolitain bénéficie d’une forte économie d’échelle. Parce que le réseau local est pensé
La gouvernance est partagée et unifiée. Même s’il y a de très nombreux acteurs, ils disparaissent dans l’expérience quotidienne de la métropole. On ne sent pas, lorsque l’on passe du Danemark à la Suède, de différence dans un sens ou dans l’autre (mêmes trains, même système de tarifs, même image, mêmes logos, horaires harmonisés, etc.). C’est la même chose entre le Tessin et la Lombardie.
“L’Estuaire est un bien beau
mot pour désigner une telle fédération d’intérêts, des hautes falaises au Pays d’Auge.
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La position des grands équipements et des vocations territoriales est pensée
à l’échelle de la région. Il manque par exemple une salle de concert de grande capacité. Plutôt que d’en situer deux moyennes en deux localisations antagonistes, on sélectionne le lieu optimal, réputé également accessible – et prioritairement en train – depuis le plus grand nombre de villes de la métropole. C’est l’idée qu’il faudrait sans doute mettre en œuvre pour les grands équipements de l’Estuaire, comme l’aéroport.
On n’a pas nécessairement cherché à renforcer un centre, mais plutôt l’équilibre d’ensemble des « services offerts », et la qualité des connexions en chaque point. L’aéroport est certes à Copenhague, mais son positionnement dans le réseau en fait bénéficier le plus grand nombre de villes possible. Mais notons que la décision de concentrer les efforts sur un pôle ne se fait pas sans conditions : elle impose préalablement un système de transport efficace, rapide, accessible, cadencé et confortable. Les économies effectuées d’un côté sont réinvesties dans les modes de transports, et aident à développer de nouvelles richesses. La performance du transport étant la condition de la polarisation métropolitaine, il faut en assurer le financement en amont. Cette stratégie, qu’elle rassemble des fonds privés ou non, ne peut s’appuyer que sur une gouvernance publique forte établie dans la durée.
mobilité, car il empêche l’investissement dans des lignes plus efficaces et structurantes. La solution n’est pas non plus de fabriquer des fragments de ville dense et compacte autour des gares : le parking de Bréauté-Beuzeville n’est pas à la hauteur de l’enjeu, mais cela ne veut pas dire qu’il faut imaginer en ce lieu potentiellement magnifique un bout de Paris ou du Havre au beau milieu des prés…
La complémentarité des espaces ouverts (champs, mer, forêts, parcs, lacs ou montagnes) et des pôles urbanisés est clairement affirmée. La métropole donne explicitement accès à un environnement de qualité, à de grands espaces naturels. Ces étendues sont valorisées, et les paysages font partie du projet, au même titre que l’activité industrielle ou la logistique. Certes, l’Estuaire de la Seine a des caractéristiques bien différentes de ces régions européennes. Une autre histoire s’y invente en ce moment. Mais il y a des similitudes : deux échelles associées (global/local), urbain et nature, villages et pôles urbains, production et loisirs sont rassemblés dans un territoire contrasté. Une nouvelle culture métropolitaine émerge, de nouvelles pratiques, sans que cette métamorphose ne dilue les particularités des uns et des autres.
Les gares et les quartiers qui les entourent sont des enjeux métropolitains, des projets clés. Ils sont un lieu d’inventions urbaines : nouveaux usages, nouvelles formes urbaines, nouvelles collaborations entre secteur public et privé. L’étalement urbain n’a pas d’issue en termes de
“Une nouvelle culture métropolitaine émerge, de nouvelles pratiques, sans que cette métamorphose ne dilue les particularités des uns et des autres.
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uillaume le Conquérant ne considérait pas la Seine comme une frontière. 900 ans plus tard, le territoire de l’Estuaire demeure une réalité, porté par la dynamique portuaire et la volonté de ses forces vives d’écrire un dessein commun. La prise de conscience du rôle fondamental de l’Estuaire dans la préservation par Paris de son rôle de Ville Monde fait du développement de l’Estuaire un enjeu national. Cet ouvrage de grande qualité est publié à un moment où jamais la mobilisation des acteurs politiques, économiques et culturels de notre territoire en faveur de l’Estuaire n’a été aussi forte et déterminée. Il constitue un témoignage probant de ses richesses exceptionnelles et des perspectives formidables de développement que la dynamique estuaire ouvre pour demain. Notre monde est en pleine mutation. La crise économique va rebattre les cartes en faveur des territoires qui auront su, très tôt, définir une ambition résolue et la mettre en œuvre. Cet ouvrage doit permettre à l’Estuaire d’écrire une nouvelle page de son histoire, celle d’un territoire fier de sa diversité et de ses richesses, insolemment conscient de ses atouts, et confiant dans l’avenir.
Édouard Philippe Maire du Havre / Président de la CODAH Communauté de l’Agglomération Havraise
Crédits photographiques, cartes, dessins, graphiques, montages : © AGA - Antoine GRUMBACH & ASSOCIES : photos montages pages 11, 94, 95, 98, 99 – carte page : 87 – coupe cavalière pages : 88, 89 – graphique page : 93 ; © Agence FORTIER : plans pages 104, 105 – photo page 104 © AURH – Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine : photos pages 2, 3, 4, 7, 8, 9, 13, 14, 15, 17, 19, 23, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 43, 48, 52, 53, 56, 57, 60, 61, 65, 67, 77, 78, 79, 93, 97, 102, 106, 107, 109, 111, 114, 115, 116, 118, 120, 122, 123 – cartes pages 12, 18, 56, 72, 81, 82, 102) ; © F. BONNET : dessins pages 8, 9, 25, 28, 29, 34, 35, 42, 46, 47, 50, 58, 60, 64, 111, 112, 113, 124, 125 - cartes source AURH pages 54, 55, 117 – photo et mobile page 108 ; © Caux Estuaire : photos pages 6, 7 V. RUSTUEL, 16 €. LEVILLY, 18 V. RUSTUEL, 23 V. RUSTUEL, 45 V. RUSTUEL, 52, 59 V. RUSTUEL, 62, 63 V. RUSTUEL, 66 V. RUSTUEL, 69 V. RUSTUEL, 71 V. RUSTUEL, 73, 74, 75 V. RUSTUEL, 84, 85 V. RUSTUEL, 90, 91 V. RUSTUEL, 110 V. RUSTUEL, 112, 113 V. RUSTUEL ; © www.cavaldos-tourisme.com : photos pages 28, 30, 31 ; © GPMH - Grand Port Maritime du Havre : photo 20,21 ; © GPMR : photo page 76 P. BOULEN ; © Graindorge : photo page 59 © E. LAMBERT : photo pages 128, 129 entre deux mises en lumière Y. KERSALE ; © OIT Fécamp : photo page 44 ; © OT AH : photos pages 39 LEVILLY, 49 €. HOURI, 77 ; © OT Blangy-Pont l’Evêque : photo page 24 ; © OT Caux Vallée de Seine : photo page 121 STUDIO JACQUES ; © OT Deauville : photos pages 24, 27, 39, 59 P. LE BRIS ; © OT Houlgate : photo page 24 ; © OT Lisieux : photo page 48 ; © OT Pont-Audemer : photo page 115 ; © OT Trouville-sur-Mer : photo page 26 I. ASPEY ; © SOLOGRO : carte page 70 ; © Syndicat Mixte du Pays des Hautes Falaises : photo page 22 S. MENARD ; © VDH - Ville du Havre : photos pages 100, 101 P. BOULIN, 104.
DIRECTION DE LA PUBLICATION : DOMINIQUE DHERVILLEZ, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AURH ACCOMPAGNÉ DE : ALAIN FRANCK, OLIVIER CHABERT, JESSY OUKOLOFF
Remerciements : Au Comité des Élus de l’Estuaire pour avoir financé ces missions et pour avoir suscité les débats passionnants sur l’avenir de l’Estuaire, en invitant les intervenants des différentes études. Aux Directeurs des 5 Pays de l’Estuaire, aux Directeurs des Services des intercommunalités, aux représentants des Ports, des Chambres Consulaires, des Départements (Seine Maritime, Eure et Calvados), des Régions (Haute et Basse Normandie) et des services de l’État, pour leur implication dans le Comité Technique du Comité des Élus de l’Estuaire À Caux Estuaire (Communauté de Communes de Saint-Romain-de-Colbosc) notamment à Agnès Gori Rasse sa Directrice Générale des Services et à Stéphanie Girard, à David Fremine de l’Association Tourisme Seine Estuaire, aux Offices de Tourisme des 5 Pays de l’Estuaire, à Boris Menguy, Thierry Lochard et Lucile Audievre de l’AURH, pour les crédits photos, les illustrations et la cartographie. À l’ensemble de l’Equipe de l’AURH, pour son implication dans les études et les ateliers de travail, pour leur accompagnement administratif et technique au quotidien.
Relecture des textes : Marion Goffart Communication, 3, rue des Capucins 76 700 Harfleur Conception graphique et mise en pages : Isabelle Mariana, 25, rue de Calais 37100 Tours Impression : La Petite Presse 91, rue Jules Lecesne 76 600 Le Havre
Edition : AURH, Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine 4, quai Guillaume le Testu 76 063 Le Havre Cedex
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer en octobre 2012 sur les presses de l’imprimerie La Petite Presse 76600 Le Havre